IVS VD 10
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IVS INVENTAIRE DES VOIES DE COMMUNICATION HISTORIQUES DE LA SUISSE Itinéraire VD 10 Cartes Nationales HISTOIRE VD 10 Documentation IVS Canton de Vaud Importance Nationale page 1 La documentation décrit aussi des objets (itinéraire, tracé, segment) qui sont caractérisés par peu de ou sans aucune substance historique. Sur la carte d'inventaire ils sont indiqués par des lignes grises. Même si ces objets font partie des voies de communication historiques d'importance nationale, ils ne figurent pas dans l'inventaire fédéral. (art. 3 OIVS). Lausanne - Yverdon 1203, 1223, 1243 Etat Juli 1991 / FM, AF, sbo, ms L'itinéraire de Lausanne à Yverdon passe par Cheseaux, Etagnières, Assens, Echallens, Villars-le-Terroir, Vuarrens, Essertines-sur-Yverdon et Gressy. Liaison la plus directe entre le lac Léman et celui de Neuchâtel, son existence dès l'époque romaine n'est pas contestée, mais elle n'est pas non plus établie avec certitude. Le nom de Lousonna est mentionné dans les itinéraires antiques d’Antonin et de Peutinger, le vicus lui-même se développe dès les années 16-15 av. J.-C., au moment de l’intégration des terres helvètes dans l’Empire romain (HOWALD, MEYER 1940: 242 ss; DRACK, FELLMANN 1988: 423 ss; LOUSONNA 1993; AS I, 1978: 79 ss; 18, 1995: 82 ss; JbSGU 83, 2000: 242 ss). Le vicus s’étendait alors sur 1 km environ le long de l’axe de communication, limité au sud par la rive du lac et au nord par le Bois de Vaux, où on a retrouvé une nécropole romaine. A l’est du vicus, du côté du Flon, se trouvaient encore quelques maisons et sur la route du Valais des poteries, des vestiges d’une autre nécropole et surtout un théâtre gallo-romain (1998) ont été découverts. Côté ouest, des ateliers d’artisans et un temple sont attestés le long de la route vers Nyon. A travers le vicus passaient deux routes parallèles au lac, reliées entre elles par des chemins secondaires. Si le développement de Vidy a profité de la route, il a surtout été stimulé par sa proximité avec le lac et les nombreux transports qui s’y pratiquaient. Vidy, comme Genève ou comme Yverdon, a sa corporation de navetiers, mentionnée par diverses inscriptions (HOWALD, MEYER 1940: 244 no 154; WALSER 1979/80 I: 112 no 52, 116 no 54; LOUSONNA 1993: 27). Si la sécurité et la prospérité romaines avaient attiré les Helvètes au bord du lac, les invasions alémanes dès les IIIe et IVe siècles les renvoient dans leurs collines. Des constructions sont attestées dans ce qui deviendra la Cité dès les IVe et Ve siècles (JbSGU 73, 1990: 210 ss). Le site devait être déjà un peu développé pour que l’évêque en fasse au cours du VIe siècle le centre de son territoire et effectivement, au moment de son déplacement d’Avenches à Lausanne – après une brève présence à Windisch – trois édifices religieux, soit l’église de Notre-Dame, l’abbaye Saint-Thyrse et Saint-Etienne sont déjà attestés dans le périmètre de la Cité (MOREROD 2000: 48). Siège d’un évêché, Lausanne devient un centre politique dès la fondation du royaume de Bourgogne et profite alors autant de sa place dans le réseau routier que de sa proximité avec Orbe, où les Carolingiens, qui passent désormais les Alpes de préférence par le Grand Saint-Bernard plutôt que par le Mont-Cenis, séjournent régulièrement au cours du IXe siècle. Par ailleurs, les donations que l’évêque de Lausanne reçoit de l’empereur Louis le Pieux concernent des territoires proches des deux voies d’accès au col alpin, soit par exemple le domaine d’Eclépens sur la route de France, ou les droits de pêche sur la Thièle à Bürglen, près de la route d’Allemagne. Avec ses terres dans la vallée de la Broye, ses possessions dans le Lavaux, IVS INVENTAIRE DES VOIES DE COMMUNICATION HISTORIQUES DE LA SUISSE VD 10 Documentation IVS Canton de Vaud Importance Nationale page 2 l’évêque est bien placé pour veiller au trafic et en assurer la sécurité (MOREROD 2000: 51-55). Le développement de Lausanne est très rapide: le savant arabe Idrissi la juge digne de figurer dans sa géographie du début du XIIe siècle, étant une cité « très peuplée, (...) très bien bâtie sur les bords d’un grand lac » et disposant d’un « commerce très étendu » (BIAUDET 1982: 127). Au début du siècle suivant, la ville compterait environ 8 à 9000 âmes selon les estimations données par Conon d’Estavayer, prévôt du Chapitre, à l’occasion de l’incendie de la cité (BIAUDET 1982: 127). La cour de l’évêque, le chapitre et les fonctionnaires, ont attiré la population et le commerce à Lausanne : la ville a ses marchés attestés au IXe siècle et ses foires annuelles, celles-ci n’ont cependant qu’un rayonnement régional. La ville se développe physiquement en fonction des axes routiers qui la traversent: le premier faubourg qui est attesté au cours du IXe siècle est celui du Bourg, « sur la route d’Allemagne, d’Italie, de France et de Provence », puis courant XIIIe siècle, apparaissent les faubourgs du Marterey sur la route de Berne, de l’Etraz sur la route de Vevey, du Chêne sur celle de Genève, et de Saint-Laurent sur la route de France et d’Allemagne (BIAUDET 1982: 123-129). Cependant, le développement de la ville est contré dès le XIIIe siècle par l’hégémonie savoyarde en pays de Vaud: l’évêque est bloqué dans ses ambitions et son territoire ne s’agrandira plus. En outre, le détournement du trafic Sud – Nord par le Gothard et par conséquent le moindre rôle désormais joué par le Grand Saint-Bernard ou le Simplon accentuent la tendance à la stagnation de la ville. La création de Morges, à la fin du XIIIe siècle, qui deviendra «le port d’embarquement de toutes les marchandises venues de Suisse ou de Bourgogne à destination de Genève, et, grâce à l’abri qu’offre sa rade, l’étape habituelle des barques entre Genève et Villeneuve» (BERGIER 1965: 288), relèguera Lausanne et son port à un rôle secondaire. En outre, Morges est le débouché des circulations venant d’Yverdon et ce rôle s’accentuera dès 1638 avec la création du canal d’Entreroches (PELET 1946). De Soleure ou de plus loin par bateaux, les marchands peuvent relier Yverdon à Entreroches sans avoir en principe besoin de décharger, de là la route les conduit à Morges où ils réembarquent à destination de Genève. La liaison Lausanne – Yverdon souffre de cette concurrence et n’en viendra à bout qu’avec l’essoufflement du canal amorcé au début du XVIIIe siècle, prononcé dès que les routes se font meilleures et la comparaison possible entre elles et le lent mais bon marché transport fluvial ou lacustre. Berne refusant la création d’une bonne route entre Morges et Yverdon (cf. VD 19), c’est l’axe Lausanne – Yverdon qui en profitera et c’est lui qui sera reconstruit au début du XIXe siècle, la création du nouveau canton de Vaud exigeant le centrage des axes routiers sur la capitale. Echallens est la seule étape importante de l’itinéraire Lausanne – Yverdon. Cité bourguignonne jusqu'en 1475 – ainsi que Orbe qui partage le même destin – elle est traversée aussi bien par l'itinéraire de Lausanne à Yverdon que par celui de Morges à Payerne (VD 20). «Echallens permettait alors de contrôler le trafic entre Lausanne et le lac de Neuchâtel; c'est d'ailleurs une des raisons de son développement» (MEMOIRES D’UN CHENE 1991: 17). Les Montfaucon y placent un péage avant 1346, dont les Lausannois obtiennent cette année-là l'exemption. En 1351, le bourg gagne ses franchises, copiées sur celles accordées par le comte de Savoie à Moudon: il a désormais un marché hebdomadaire. Passée par héritage sous la domination d’une autre dynastie bourguignonne, les Chalon, Echallens est entraînée à la suite de son seigneur dans le camp bourguignon en 1475. La IVS INVENTAIRE DES VOIES DE COMMUNICATION HISTORIQUES DE LA SUISSE VD 10 Documentation IVS Canton de Vaud Importance Nationale page 3 défaite de Charles le Téméraire livrera Echallens aux Suisses, puis à Berne et Fribourg qui en formeront avec Orbe un bailliage commun. Lieu de marché – qu'on dit récent en 1693 – Echallens obtient deux foires annuelles au XVIIe siècle, une troisième en 1708 – foire aux domestiques, la seule connue avec celle de Payerne, mais aussi foire aux mercenaires – et une quatrième enfin en 1731 (MEMOIRES D’UN CHENE 1991: 66-68). Véritable centre commercial de la région, le bourg reste modestement peuplé: environ 160 personnes en 1457, 387 âmes en 1784 et 577 en 1798 et il faut sans doute mettre au compte de ce brutal accroissement un certain nombre de réfugiés français catholiques. «Chemin de Lausanne» et «chemin d'Yverdon», extrait de la Carte du Bailliage d’Echallens, par Jean-Adam Riediguer, 1727 (ACV, GC 488) Fig. 1 Quant à l’étape d’Yverdon (Eburodunum), son origine romaine est solidement attestée. Yverdon est un point de rupture de charges pour le trafic en direction de Lausanne et du Grand Saint-Bernard, de Genève, de la Suisse et de l’Allemagne, via le lac de Neuchâtel, l’Aar et le Rhin: son activité portuaire a été confirmée par la découverte de deux barques gallo-romaines en 1971 et 1984 datant des IIe et III-IVe siècles ap. J.-C. (ARNOLD 1992). Sont encore attestés sur le site d’Yverdon-les-Bains un établissement celtique, un vicus romain et un castrum du bas empire (HOWALD, MEYER 1940: 246 ff.; VAN BERCHEM 1982: 265 ff.; DRACK, FELLMANN 1988: 562 ff.; AS 1, 1978: 93 ff.; JbSGU 75, 1992: 202; 76, 1993: 222; 77, 1994: 188; 78, 1995: 229; 79, 1996: 269; SPM IV 1999: 164 Fig. 72.2; 342 Nr. 86). La position stratégique du site d’Yverdon lui vaudra plus tard l’intérêt d’Amédée III de MontfauconMontbéliard, seigneur d’Orbe, qui y ébauchera un château dans les années 1230-1240, puis surtout celui de son heureux rival Pierre de Savoie qui fondera la nouvelle ville d’Yverdon dès 1260 (AUBERT 1995: 46-48). La ville tire profit de son statut de lieu de transit des marchandises: dès le XIIIe siècle, elle est dotée de plusieurs auberges, de foires, mais aussi de banquiers et de changeurs juifs et d’une solide corporations de bateliers (AUBERT 1995: 64; RAEMY 2001:126-128). Ravagée lors des guerres de Bourgogne, la «bonne ville» d’Yverdon tombera, après une courte résistance, sous la domination bernoise en 1536. Pendant l’Ancien Régime, la vocation commerciale de la ville se confirme, relayée par la création en 1638 du canal d’Entreroches qui fait du port la plaque tournante des échanges entre les deux lacs, avec un succès relatif et limité, il IVS INVENTAIRE DES VOIES DE COMMUNICATION HISTORIQUES DE LA SUISSE VD 10 Documentation IVS Canton de Vaud Importance Nationale page 4 est vrai (RADEFF 1998: 173 ss, 281 ss; PELET 1946). Sel franccomtois et vins vaudois sont les principales denrées qui transitent par le port en direction de Berne par Morat, mais la ville compte aussi au XVIIIe siècle plusieurs négociants et marchands – dont la maison Mandrot créée dans les années 1730 – qui assurent l’importation ou le transit des marchandises d’origines bien plus lointaines – notamment anglaises – entre la France et la Suisse et entre Genève et Bâle, etc. (JAHIER 1998: 191 ss). Le «tout à la route» décidé par Berne vers le milieu du XVIIIe siècle portera un rude coup aux activités lacustres d’Yverdon: la route de Lausanne à Berne, par la Broye, entièrement refaite au XVIIIe siècle, prendra le premier rang des axes de transit du pays. Le refus de LL.EE., soutenues sans réserve par les villes de la Broye vaudoise, de construire une route entre Morges et Yverdon, ou au moins entre Morges et Port-Bouquet sur le canal d’Entreroches (VD 59), relèguera l’axe Morges – Yverdon à de modestes – mais nécessaires et profitables – circulations locales. Témoigne de ce changement structurel la diminution des bateaux assurant les transports lacustres: en 1754, treize grandes barques et une petite sont en activité au port d’Yverdon, elles ne seront plus que cinq en 1780. Désormais «de Morges ou de Lausanne, [les marchandises] allaient par Moudon tout droit ‹dans les Allemagnes›» (PELET 1946: 252). Le refus de développer l’axe Morges – Yverdon implique aussi de ne pas favoriser celui menant de Lausanne à Yverdon qui aurait en effet pu jouer le même rôle si le port d’Ouchy avait été aménagé plus tôt et surtout si la route ne traversait pas le bailliage commun d’Echallens dans toute sa longueur. Cette contrainte géo-politique suffit à elle seule pour faire de cet axe une voie secondaire, peu intéressante pour le fisc bernois puisque les profits sont à partager avec Fribourg. Malgré tout et grâce à sa position centrale, Echallens est choisie par Berne en 1716 pour être «la place d'assemblée ou rendez-vous général» des convois de chars de vin venant du Lavaux et montant à Berne par Yverdon (MEMOIRES D’UN CHENE 1991: 66). L’itinéraire Lausanne – Yverdon se spécialise ainsi dans le transit du vin du Lavaux vers Berne. En dehors du chemin du Mont, une seule fois mentionné comme tendant à Yverdon (1460 : "Extra portam Sancti Marii en la Barra ultra et juxta pontem juxta viam publicam tendentem Yverdunum"), deux chemins médiévaux menaient de Lausanne à Yverdon. Le premier passait par Collonges, le Grey et les Plaines du Loup (VD 10.3), le second par le Clos-de-Bulle, la Pontaise et le Bosson (VD 10.4). Les deux chemins n'en faisaient plus qu'un à partir de la Tuilerie des Plaines du Loup, dont les vestiges sont décrits sous VD 10.3. Ce tracé est supplanté dans la première moitié du XIXe siècle par une nouvelle route par Prélaz, Jouxtens et Romanel (VD 10.10). La liaison à partir de Vidy est décrite sous VD 10.1. L’itinéraire est l’un des quatre chemins vaudois confiés à la diligence du voyer en 1663 (BABAIANTZ 1961: 30). Au début du XIXe siècle, il sera placé en tête des routes de 2e classe (RLV 1811: 193), entièrement refait dans les années 1820 et hissé en 1848 au rang de route de 1ère classe «d’Ouchy à Vaumarcus par Echallens» (RLV 1848: 568). –––– Fin de la description ––––