beneficier sans payer – comment l`industrie peut lutter

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beneficier sans payer – comment l`industrie peut lutter
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BENEFICIER SANS PAYER –
COMMENT L’INDUSTRIE PEUT LUTTER
CONTRE LE FLÉAU DU PIRATAGE EN LIGNE
Andrew Keen
Étude sponsorisée par ICOMP (Initiative for a Competitive Online Marketplace)
Octobre 2013
Sommaire
Résumé analytique ...................................................................................... 1
Les contenus en ligne : le meilleur et le pire des âges ................................... 3
Internet a grandement facilité l’accès des consommateurs aux contenus en ligne .............. 3
Les canaux légaux d’accès aux contenus en ligne se développent ..................................... 6
Malgré ces avancées, une grande part des contenus créatifs en ligne sont piratés ............. 8
Les véritables coûts : la prolifération des contenus en ligne piratés est dommageable pour
les créateurs, les consommateurs et l’économie ......................................................... 11
Bénéficier sans payer ................................................................................. 15
Modèles d’activités qui sous-tendent les atteintes aux droits d’auteur ............................... 15
L’impact du piratage en ligne sur l’innovation, la créativité et la concurrence..................... 17
Le paradoxe Google .......................................................................................................... 19
Le cadre juridique ...................................................................................... 24
Tirer parti de la législation en vigueur ................................................................................ 24
Des efforts récents de réforme législative .......................................................................... 25
-
Loi HADOPI ................................................................................................................. 25
-
Loi britannique relative à l’économie numérique (Digital Economy Act) ....................... 26
Présentation de solutions volontaires, à l’initiative du marché ................... 28
Le « Copyright Alert System » ........................................................................................... 28
Meilleures pratiques volontaires des prestataires de services de paiement ....................... 29
Lignes directrices des meilleures pratiques pour les réseaux publicitaires ......................... 30
Solutions technologiques ................................................................................................... 32
L’importance de la concurrence ......................................................................................... 33
Principes directeurs relatifs aux initiatives pour l’avenir ............................. 34
Conclusion ................................................................................................. 36
Résumé analytique
Une épidémie se propage dans notre économie créative : la multiplication incontrôlée d’entreprises
en ligne fondées sur le piratage. À bien des égards, elle nuit gravement à notre économie créative et
appauvrit notre culture. Le présent rapport a pour objectif d’examiner comment l’industrie peut
contribuer à définir les principes fondamentaux qui permettront de la juguler.
Il s’intéresse tout d’abord aux données récentes qui évaluent l’impact d’Internet, tant positif que
négatif, sur les artistes, les interprètes et autres créateurs. Puis, il étudie les principaux modèles
d’activités des diffuseurs de contenus en ligne piratés et comment ces distributeurs illicites s’appuient
souvent sur des services intermédiaires légitimes – comme les moteurs de recherche, les réseaux de
publicité en ligne et les services de traitement des paiements – pour « bénéficier sans payer », c’est-àdire pour faire de l’argent sur les œuvres volées. Enfin, il analyse les mesures législatives et les
mesures à l’initiative du marché destinées à lutter contre le piratage en ligne et présente une liste
de principes sur lesquels pourraient s’appuyer les efforts consensuels mis en œuvre par l’industrie
pour éradiquer le piratage en ligne. Cette analyse mène à trois principales conclusions :

Une action efficace exige une collaboration. Les intermédiaires en ligne – comme les réseaux
publicitaires, les prestataires de services de paiement, les prestataires de services de recherche ou
les réseaux sociaux – ont un rôle précieux dans la dynamisation de l’innovation et du commerce
sur Internet et bénéficient directement de l’ampleur de l’offre de contenus en ligne licites, de
haute qualité. Dans le même temps, nombre de sites portant atteinte aux droits d’auteur
s’appuient sur de tels services pour assurer le bon fonctionnement de leurs activités illicites. En
raison des préjudices considérables que le piratage de contenus cause à l’économie et à la société,
les propriétaires de contenus et les intermédiaires en ligne ont un intérêt commun de long terme :
lutter contre le piratage en ligne.

La législation ne suffit pas. Si la législation en vigueur définit les règles de base qui régissent les
droits et responsabilités respectifs des propriétaires de contenus et des intermédiaires dans
l’environnement en ligne, elle n’a pas permis à elle seule d’empêcher les atteintes aux droits
d’auteur en ligne. Faire évoluer la législation de façon efficace, mais suffisamment souple, s’est
révélé de plus en plus difficile en raison de la rapidité des évolutions technologiques et de
l’ampleur des intérêts commerciaux et sociaux liés aux flux de données qui transitent sur Ies
réseaux. À ce stade, les mécanismes volontaires et les saines pratiques de l’industrie destinés à
décourager le piratage en ligne semblent de loin préférables.

La concurrence est importante. La position dominante d’une seule société, Google, sur plusieurs
des marchés clés – y compris les marchés de la recherche en ligne, des vidéos et de la publicité –
utilisés pour faciliter les contrefaçons nuit à l’efficacité des mécanismes volontaires. Elle constitue
un problème important, car la société Google n’est pas soumise à des pressions du marché
l’incitant à modifier ses comportements et peut avoir effectivement des raisons de perpétuer le
statu quo. Les concurrents de taille modeste ne peuvent assumer des charges supplémentaires si
Google refuse d’en prendre sa part, et l’absence de concurrence peut également freiner
l’émergence de technologies, pratiques ou modèles d’activités à caractère novateur, susceptibles
d’être plus efficaces dans la lutte contre le piratage en ligne.
BENEFICIER SANS PAYER – 1
De récentes initiatives, nées sous la poussée du marché, réunissent des créateurs et des
intermédiaires en ligne. Elles commencent à produire des résultats prometteurs dans la lutte contre le
fléau du piratage en ligne. Bien qu’il soit trop tôt pour identifier celles qui seront couronnées de
succès, il n’est pas trop tôt pour en tirer les enseignements. Le présent rapport propose que les efforts
d’élaboration de ripostes efficaces au piratage en ligne s’appuient sur les principes suivants :
1. Les titulaires de droits d’auteur et les intermédiaires en ligne ont pour intérêt commun de
long terme de promouvoir l’accès des consommateurs aux sources de contenus légitimes et
de lutter contre le piratage en ligne.
2. La mise en œuvre de solutions doit respecter la législation en vigueur, les exceptions aux
droits d’auteur et aux droits voisins (qui, aux États-Unis, sont désignées par le concept de
« fair use »), la vie privée et la liberté d’expression ainsi qu’assurer la préservation d’une saine
concurrence et des garanties prévues par la Loi.
3. Les titulaires de droits d’auteur et les intermédiaires en ligne doivent concevoir des solutions
qui favorisent la transparence et qui mettent en œuvre des mesures efficaces et
avantageuses.
4. Des ripostes graduées peuvent être plus efficaces tout en préservant les intérêts des
consommateurs.
5. La « charge contre le piratage en ligne » doit être conduite par les principaux acteurs du
marché.
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Les contenus en ligne : le meilleur et le pire des âges
Internet a grandement facilité l’accès des consommateurs aux contenus en ligne
Les industries créatives – qui englobent l’édition, le cinéma, la télévision, la musique, la photographie
et l’édition de logiciels – sont essentielles à notre bien-être économique et culturel. Elles constituent
les fondements essentiels de notre économie de la connaissance et sont déterminantes pour notre
prospérité au XXIe siècle.
Les gouvernements européens sont conscients du rôle immense de l’industrie des contenus dans
l’économie. Ainsi que le remarque un récent rapport remis à la Commission européenne par
l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle :
Les industries grandes utilisatrices de droits de propriété intellectuelle (DPI) ont généré
près de 26 % de tous les emplois de l’Union européenne au cours de la période 20082010... Sur cette période, en moyenne, 56,5 millions d’Européens étaient employés par
des industries grandes utilisatrices de DPI sur une population active d’environ 218 millions
de personnes. Vingt millions d’emplois supplémentaires ont en outre été créés dans des
industries qui fournissent des biens et des services aux industries grandes utilisatrices de
DPI. Si l’on prend en considération ces emplois indirects, le nombre total d’emplois liés
aux DPI augmente pour atteindre quasiment 77 millions d’emplois (35,1 %).
Au cours de la même période, les industries grandes utilisatrices de DPI ont généré près
de 39 % de l’activité économique totale (PIB) dans l’UE, soit 4,7 milliards d’euros. Elles
étaient également à l’origine de la plupart des échanges de l’Union avec le reste du
monde, les industries grandes utilisatrices de dessins et modèles, droits d’auteur et
indications géographiques ayant généré un excédent commercial1.
Le rapport révèle également que, en particulier, les industries grandes utilisatrices de droits d’auteur
contribuent, directement ou indirectement, à l’emploi de près de 9,4 millions de personnes,
participent à hauteur de 510 millions d’euros au PIB européen et assurent à l’UE un excédent
commercial dans ses relations avec le reste du monde2.
Aucune autre technologie que l’Internet n’offre un potentiel aussi important aux industries créatives
ou ne recèle pour elles un risque aussi élevé. Internet a rendu étonnamment accessibles aux
consommateurs les contenus en ligne et la créativité. La musique numérique, les vidéos, les
photographies, les articles et les blogs sont omniprésents. Chaque seconde de chaque minute de
chaque jour, 450 images sont partagées en ligne sur Instagram, 825 blogs sont postés sur Tumblr, et
15 000 tweets sont créés3. La marge de progression économique de cette manne de contenus est
stupéfiante. En 2012, Facebook a racheté Instagram avec ses 150 millions d’utilisateurs, deux ans
après sa création, pour 1 milliard de dollars4. En juin 2013, Tumblr et ses 130 millions de blogs
individuels ont été acquis par Yahoo pour 1,1 milliard de dollars5. La société Twitter, qui est encore
financée par des capitaux privés, est à présent valorisée à 12 milliards de dollars et a rempli un dossier
pour son introduction en bourse en septembre 20136. Ces données indiquent que les investisseurs
sont pleinement conscients de la valeur commerciale de contenus en ligne attractifs.
Bien sûr, une grande partie des contenus des sites comme YouTube, Instagram ou autres ne font
l’objet que de quelques consultations (pour autant que ce soit même le cas) et sont ensuite
totalement ignorés. Si la possibilité offerte aux créateurs amateurs de partager efficacement des
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contenus auprès d’un large public est une caractéristique unique d’Internet, il est également
manifeste que la possibilité d’accéder à des contenus professionnels, de haute qualité, est le moteur
de la valeur économique et culturelle d’Internet. C’est pour cette raison que les entreprises de
technologie et les créateurs de contenus forment un cercle vertueux. D’une part, les innovations
technologiques proposent aux consommateurs de nouveaux modes d’utilisation des contenus et, par
conséquent, engendrent une demande de contenus en ligne plus nombreux et de meilleure qualité.
D’autre part l’accroissement des contenus en ligne incite les consommateurs à adopter les nouvelles
technologies et à s’inscrire aux nouveaux services qui leur permettent d’accéder auxdits contenus.
Cet afflux de contenus et de technologies, qui se renforcent mutuellement, a eu un impact significatif
sur la croissance, l’emploi et la prospérité de l’Union européenne. Ainsi l’étude Internet matters: The
Net’s sweeping impact on growth, jobs and prosperity, publiée en mai 2011 par le McKinsey Global
Institute, qui étudiait les économies de 13 pays – dont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la
Suède et l’Italie – indiquait qu’Internet représentait 21 % de la croissance du PIB de ces pays sur les
cinq dernières années7. Elle estimait que pour chaque destruction de poste liée à la révolution
numérique licite, Internet crée 2,6 emplois, et que 75 % de la valeur économique d’Internet
proviennent de son impact sur les secteurs d’activités traditionnels comme l’édition, la musique, le
cinéma et la photographie8.
L’impact économique d’Internet sur l’Union européenne est particulièrement manifeste. Selon une
étude de 2013, commandée par l’Interactive Advertising Bureau (IAB) européen et réalisée par la
Vlerick Business School belge, le secteur de l’Internet emploie 3,4 millions d’Européens – soit 1,6 % de
la population active –, et son activité économique génère annuellement 119,9 milliards d’euros,
soit environ 1 % du PIB de l’Union européenne9. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni et
l’Allemagne, le secteur de l’Internet représente une part plus importante de l’économie : il atteint
6,3 % au Royaume-Uni et emploie presque 300 000 personnes (voir la figure 1). L’étude de l’IAB
estime également que, sur le long terme, l’Europe pourrait générer jusqu’à 1,5 million de nouveaux
emplois dans ce secteur10, ce potentiel étant, bien sûr, subordonné à l’émergence dans les prochaines
années d’activités en ligne légales, à même de générer des emplois durables pour les travailleurs
européens.
Figure 1 – Emploi direct et revenus de l’emploi dans les 10 premiers pays de l’Union européenne,
201011
Les contenus, et en particulier les contenus vidéo, ne cessent de prendre une place prépondérante
dans l’économie du Worldwide Web. Un rapport de 2012 d’Ender Analysis indique que l’Union
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européenne compte 264 services en ligne de vidéos à la demande (VOD) sous licence ainsi que des
centaines de radiodiffuseurs à accès libre, de chaînes de VOD sur iTunes et de chaînes YouTube
proposant des contenus professionnels12. Les statistiques sur l’utilisation des vidéos sont stupéfiantes.
Par exemple, en décembre 2012, le nombre de visionnages de vidéos par 182 millions d’utilisateurs
s’est élevé à 38,7 milliards13. Des services tels que Hulu et Netflix et le magasin Itunes d’Apple
proposent un accès aisé et peu onéreux à des bibliothèques extraordinairement vastes de films et
programmes professionnels, d’excellente qualité. Ainsi, Netflix, qui à l’origine était essentiellement
une société de distribution de contenus, a investi plusieurs millions de dollars dans des programmes
originaux, y compris dans des séries comme Les Nouveaux Pauvres (Arrested Development), House of
Cards et Hemlock Grove14.
Les services de contenus vidéo de courte durée ou destinés à des créneaux de marché se développent
également. Sur YouTube, qui compte un milliard d’utilisateurs différents répartis sur 56 marchés
nationaux, 100 heures de vidéo sont téléchargées par minute et 6 milliards d’heures de vidéo sont
visionnées chaque mois15. Google, qui possède YouTube, a récemment ouvert un studio de la taille
d’un vaste hangar dans un bâtiment de Hollywood de quelque 13 285 m2, dédié à la création de vidéos
pour son réseau qui ne cesse de croître16.
Compte tenu de la croissance inévitable des contenus vidéo en ligne, de tels investissements
paraissent économiquement judicieux. D’ailleurs, Cisco estime que, d’ici à 2017, un million de minutes
de vidéo par seconde transiteront sur le réseau Internet17. Et nous regarderons ces vidéos sur
50 milliards de dispositifs connectés, qu’il s’agisse de grands écrans, d’ordinateurs, de téléphones, de
tablettes ou de la génération montante des dispositifs mobiles portables18.
La vidéo en ligne en vient même à devancer le téléphone en tant que mode de communication
principal. Ainsi sur Skype, par exemple, près de 50 % des appels sont des appels vidéo19, ce qui
représente un milliard de minutes d’appel vidéo par jour, un temps suffisant, selon Skype, pour
effectuer 112 000 aller-retour entre la Terre et la Lune ou pour faire 422 fois le tour de la Terre à pied,
ou encore pour atteindre Mars plus de 2 700 fois20.
L’essor des vidéos en ligne de qualité s’accompagne d’évolutions similaires dans les autres secteurs
des contenus. Dans le domaine de la musique, les entreprises en ligne réinventent la façon dont les
consommateurs peuvent accéder à leurs morceaux musicaux préférés et le nombre de services
musicaux en ligne autorisés en Allemagne – dont le service Ampya de ProSiebenSat.1, qui est membre
d’ICOMP (voir l’encadré d’étude de cas qui lui est consacré ci-dessous) – a fortement progressé
puisqu’il est passé de 11 en 2007 à 68 en 201121. Le rapport 2012 d’Enders Analysis dénombrait
543 services de musique sous licence ainsi que des centaines de services de webdiffusion d’œuvres
musicales financés par la publicité22. Sur la même période, le nombre de services de musique autorisés
est passé de 14 à 71 en Grande-Bretagne et de 9 à 31 en Espagne23. Au Royaume-Uni, les ventes en
ligne ont augmenté de façon significative, le chiffre d’affaires de la musique en ligne entre 2011-2012
surpassant celui de la musique sur supports physiques et engendrant une croissance globale des
ventes de musique de 2,7 %, soit la première augmentation d’une année sur l’autre depuis une
décennie24. Au premier semestre 2013, l’Allemagne a également enregistré, pour la première fois
depuis dix ans, une élévation de 1,5 % des ventes totales annuelles d’œuvres musicales25. Le chiffre
d’affaires de la musique numérique a progressé de 215 millions de dollars en 2010 à 275 millions de
dollars en 2012 en France, les marchés espagnols et italiens, de dimensions plus modestes,
enregistrant également des augmentations26.
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Étude de cas : Ampya
L’expérience Ampya, le nouveau service de diffusion en continu de vidéos et clips
musicaux, lancé en 2013, en Allemagne, par le membre d’ICOMP
ProSiebenSat.1, démontre qu’il est possible d’imaginer de nouveaux
mécanismes à caractère volontaire, qui sont bénéfiques pour le secteur
d’activités, les consommateurs et les artistes. L’offre de services légaux attractifs
Ampya – qui recueille le soutien de l’initiative « Fair Play » lancée par la
Fédération allemande de l’industrie musicale – constitue une nouvelle tendance,
qui modifie les modes de consommation des œuvres musicales et des vidéos.
Elle propose aux consommateurs un éventail d’options d’accès aux quelque
50 000 vidéos musicales de haute qualité.
L’accès à Ampya peut s’effectuer gratuitement avec affichage de publicités ou
bien grâce à une cotisation mensuelle. Les consommateurs qui choisissent cette
dernière bénéficient d’une bibliothèque de contenus plus vaste et peuvent
accéder au service à partir de leur téléphone mobile. Le succès d’Ampya, qui
compte 24 millions d’utilisateurs différents, démontre clairement que les clients
sont prêts à payer pour des services novateurs et conviviaux. Il établit également
que la disponibilité de services novateurs permettant d’accéder aux contenus
légaux peut avoir des effets bénéfiques sur la lutte contre le piratage en ligne.
Toutefois, ainsi que la section suivante le met en évidence, l’augmentation des ventes de musique
numérique au cours de la dernière décennie n’a pas compensé l’effondrement global des ventes sur
supports physiques. Elle est, néanmoins, le signe que le medium en ligne peut devenir un marché
viable pour la vente de musique enregistrée.
Les autres industries de contenus cherchent également à s’adapter à la révolution numérique. Les
journaux britanniques publiés en ligne, comme The Daily Telegraph, The Financial Times et The Times,
comportent tous certains contenus payants27. La vente de livres numériques (e-books) se développe :
entre 2010 et 2011, elle a progressé de 315 % en France et de 740 % en Italie28.
À bien des égards, les évolutions en cours sont encourageantes pour les créateurs qui réussissent à
tirer parti des opportunités qu’offrent les nouvelles technologies en ligne et leur permettent de
protéger efficacement leurs contenus contre le piratage. Quelles actions mènent les entreprises dans
ces domaines ?
Les canaux légaux d’accès aux contenus en ligne se développent
Pendant de nombreuses années, les adversaires d'une forte protection des droits d’auteur en ligne ont
justifié le piratage en ligne en faisant valoir que les propriétaires de contenus n’avaient pas proposé
aux consommateurs des solutions de rechange légales, séduisantes et d’un prix raisonnable. Un
examen, même rapide, du marché en ligne actuel révèle que ce n’est plus vrai (pour autant que cela
ne l’ait jamais été). Toute personne disposant d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un téléphone
intelligent peut, de façon transparente, en toute sécurité et en tout lieu, acheter, stocker et bénéficier
de contenus, qu’elle soit à son domicile, au travail ou en déplacement.
Par exemple, le service en ligne Apple iTunes, qui a été lancé en 2001 lors de l’introduction du
baladeur numérique Apple iPod, est devenu l’une des plates-formes les plus appréciées pour
bénéficier de contenus en ligne29. L’accroche de iTunes – Tout ce que vous aimez, à portée de clic –
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n'est pas seulement un habile slogan marketing. Il est possible d’accéder aux contenus iTunes sur
toutes les plates-formes logicielles – Mac, Windows et Android –, qu’il s’agisse d’ordinateurs
personnels, de tablettes ou de téléphones intelligents30. C’est également vrai des plates-formes et
services concurrents de sociétés qui – comme Microsoft, avec sa tablette Microsoft Surface,
Amazon, avec sa liseuse de livres numériques Kindle, et Google – permettent d’acheter et d’utiliser
des contenus en ligne licites, ce aisément, en tout sécurité et pour un prix très raisonnable.
Les services implantés aux États-Unis, comme ceux d’Apple, de Microsoft et de Google, ne sont pas les
seuls à dynamiser l’économie numérique créative. À la souplesse du service iTunes fait écho la
convivialité des services de contenus en ligne les plus appréciés : parmi eux, citons le service français
DailyMotion, qui assure l’hébergement et le partage de vidéos créées par les utilisateurs, le réseau de
contenus didactiques britannique VideoJug et le service de vidéos en ligne américain Hulu. Hulu – qui
est présentement accessible aux États-Unis et au Japon, mais non en Europe – est tout à la fois un site
Web et un service à abonnements « over-the-top (OTT) », qui propose des émissions de télévision, des
films classiques et contemporains, des contenus spécifiquement produits pour le Web ainsi que des
bandes annonces, des clips et des tournages de scènes de films célèbres31. La société Hulu – une
coentreprise réunissant Comcast, 20th Century Fox et Disney – a été lancée en 2007 et bénéficie à
présent, aux côtés de YouTube et Netflix, de l'un des plus importants publics de contenus vidéo32. En
février 2013, elle a recensé 24,1 millions de visiteurs, qui ont visionné 709,9 millions de vidéos et
1,44 milliard de publicités33.
L’extrême richesse des contenus vidéo Hulu Plus est égale à celle des services de musique par
abonnement comme Spotify, le français Deezer, Rhapsody et Pandora, qui, pour une cotisation
mensuelle, proposent d’innombrables contenus musicaux sous licence. La start-up suédoise Spotify,
par exemple, compte plus de 6 millions d’abonnés, qui paient environ 10 dollars par mois pour
accéder en toute légalité aux 20 millions de chansons publiées par tous les labels majors, dont Sony,
EMI, Warner Brothers et Universal Music34. En outre, 18 autres millions d’utilisateurs de Spotify ne
souscrivent pas d’abonnement mais écoutent gratuitement de la musique financée par la publicité.
Depuis son lancement en octobre 2008, Spotify a versé 500 millions de dollars aux titulaires de droits
en échange de l’accès à leurs œuvres musicales35.
La souplesse de l’offre de Spotify est également à l’œuvre dans toute l’économie numérique qui, pour
optimiser le choix des consommateurs, recourt – parfois simultanément – à la publicité, à des
contenus de marque, aux abonnements aux diffusions en continu, aux applications payantes et aux
téléchargements traditionnels facturables à l’unité. Prenons l’exemple de la presse. Le journal français
Les Échos, The Times britannique, The Financial Times, The New York Times et The Wall Street Journal
proposent un abonnement mensuel à leurs contenus. Le journal britannique The Daily Mail et The Los
Angeles Times offrent un accès Web gratuit tandis que le journal britannique The Guardian autorise un
accès gratuit, mais facture à ses lecteurs l’accès aux contenus spécialement adaptés aux téléphones
intelligents et tablettes36.
Les accords novateurs de licence des contenus confèrent aux consommateurs des solutions de
rechange séduisantes au piratage. À ce titre, on peut citer l’accord de licence conclu en 2012 entre
Getty Images et Yahoo!, aux termes duquel Yahoo! s’engageait à payer des droits de licence pour
afficher les images et photographies de Getty Images. Cet accord, qui couvre un volume élevé de
transactions de faible valeur via une interface technologique dénommée Connect, permet à Yahoo!
d’insérer des publicités aux côtés des 20 000 nouvelles images postées en ligne chaque jour par les
reporters photographiques37.
En bref, il existe à présent une pléthore de services en ligne licites, qui adoptent toute une variété de
modèles d’activités et qui offrent à tous les types de consommateurs tous les types de contenus avec
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un large éventail de prix (y compris « gratuitement »). Les créateurs de contenus ont véritablement
trouvé une « solution ». Ils proposent toute une gamme d’options licites de rechange au piratage et,
dans cette mesure, ont rempli leur part du contrat numérique.
Malgré ces avancées, une grande part des contenus créatifs en ligne sont piratés
Pour paraphraser Dickens, l’âge de l'Internet est, aujourd’hui, tout à la fois le meilleur et le pire des
âges pour l'industrie des contenus. Certes, Internet offre au consommateur un marché mondial
convivial de distribution et de vente de contenus légaux. Mais il offre aussi des outils, d’efficacité
similaire, pour la distribution illicite et le piratage de films, livres, articles, photographies, chansons,
jeux vidéo, logiciels et de toutes autres formes de contenus diffusés numériquement. Ces activités
illicites n’affectent pas de façon uniquement marginale une économie légale, par ailleurs prospère : en
fait, elles menacent la viabilité financière fondamentale de nombreuses offres licites.
Malheureusement, elles constituent aussi une catastrophe pour l’industrie des contenus. Des millions
de sites Web et de services en ligne – Napster ou MegaUpload par le passé ou Rapidshare et Pirate
Bay aujourd’hui – se livrent au piratage de contenus de façon réellement massive ou l’autorisent.
Certains de ces sites – comme Napster et MegaUpload – sont devenus légaux ou ont été contraints de
cesser leurs activités. Mais d’autres, comme le site de référencement de fichiers BitTorrent – qui est
présentement classé comme le 95e site Internet le plus fréquenté par le moteur d’analyse Alexa et qui
demeure le « premier site Torrent » en 201338 – sont toujours en activité malgré les condamnations
pénales prononcées à l’encontre de leurs fondateurs39.
Ainsi donc, si Internet assure une offre abondante de contenus en ligne, il a aussi permis la
généralisation du piratage des contenus. Internet est aujourd’hui infesté par des millions de sites Web
pirates40.
Dans une étude de 2011, parrainée par la Chambre de commerce américaine, Mark Monitor estimait
que les sites pirates attirent 54 milliards de visites par an41. Plus récemment, le bureau d’études
NetNames estimait que, au cours du seul mois de janvier 2013, 432 millions d’utilisateurs Internet
différents avaient recherché des contenus en ligne pirates42. En septembre 2013, Google a reçu des
propriétaires de contenus plus de 20 millions de requêtes d’élimination des résultats de recherche qui
orientent vers des sites aux contenus illicites43. Ces requêtes portaient sur plus de 36 000 domaines
spécifiques, parmi lesquels filestube.com, dilandau.eu et zippyshare.com44. De plus, un volume
croissant de contenus piratés sont diffusés non pas via des URL classiques, mais par l’intermédiaire de
sites d’hébergement de fichiers (cyberlockers), de sites aux services et contenus protégés (walled
gardens) et autres services du « dark Web », qui ne permettent pas aux propriétaires de contenus
d’effectuer aisément des recherches45. Du fait de ces technologies, les propriétaires de contenus ont
beaucoup plus de difficultés à localiser les copies illicites de leurs œuvres disponibles en ligne et, a
fortiori, à identifier le véritable contrevenant et à initier une action en justice à son encontre.
Mais les atteintes aux droits d’auteur ne sont nullement l’apanage du « dark Web ». L’émergence de
Facebook, de Tumblr, d’Instagram, de Pinterest et autres services de réseaux sociaux hautement
visibles a dopé la croissance du partage et de la diffusion de contenus sans licence. L’industrie de la
photographie est particulièrement victime de ce phénomène46. Du fait que le contenu de ces sites
n’est pas accessible au public et est partagé entre des groupes d’individus spécifiques, il est presque
impossible aux photographes d’endiguer cette forme d’utilisation de contenus sans licence ou même
d’établir dans quelle mesure leurs photographies sont téléchargées et partagées par l’intermédiaire de
ces services. Les photographes affirment également que les réseaux sociaux, comme Facebook et
Instagram, n’ont guère pris de mesures pour mettre en garde leurs membres contre l’affichage et la
distribution illicites d’images47.
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En bref, le piratage est omniprésent et se généralise. Une récente étude d’Ofcom, financée par l’Office
de la propriété intellectuelle britannique, estimait que, entre mai et juillet 2012, 16 % des internautes
britanniques (soit un utilisateur sur six) ont accédé à au moins un contenu téléchargé ou diffusé en
continu illégalement et que, parmi ceux-ci, 4 % de ceux-ci accédaient exclusivement à des contenus
illicites48. Une étude de Nielsen, réalisée en 2010, est parvenue à une conclusion similaire : elle
estimait que 25 % des utilisateurs Internet actifs en Europe visitent des sites pirates tous les mois49.
L’étude d’Ofcom faisait également apparaître que certains de ces utilisateurs accèdent à une « vaste »
quantité de contenus piratés50. Elle estimait que, sur une période de trois mois, la tranche supérieure
de 10 % parmi les utilisateurs qui regardent des vidéos piratées, par exemple, ont visionné un film
téléchargé ou diffusé en continu illégalement presque tous les jours51.
Les effets de cette infestation en ligne sont réellement glaçants, particulièrement en Europe. Dans une
étude de 2011, la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) estimait que, d’ici à
2015, le piratage provoquerait la perte de 1,2 million d’emplois dans les industries créatives
européennes, notamment dans les secteurs de la musique, du cinéma, de l'édition et de la
photographie52. En outre, elle évaluait à 240 milliards d’euros la perte de chiffre d’affaires engendrée
par le piratage entre 2008 et 201553.
En Europe, l’Espagne – déjà dans une situation économique extrêmement difficile – est le pays où le
piratage atteint le niveau le plus élevé. Le rapport Nielsen 2010, cité ci-dessus, notait que 44 % de
l’ensemble des internautes espagnols accédaient mensuellement à des contenus sans licence, ce
pourcentage s’élevant à 23 % sur les cinq premiers marchés de l'Union européenne54. Malgré le
développement des services numériques licites que nous avons précédemment signalé, les ventes de
musique en Espagne ont chuté d’environ 55 % entre 2005 et 2010. Sur la seule année 2010, le marché
a reculé, de façon impressionnante, de 22 %55. En 2003, selon les statistiques espagnoles, 10 artistes
débutants figuraient parmi les 50 albums les plus vendus ; en 2010, ce chiffre était tombé à zéro56.
Plus le piratage gagne de l’ampleur en Espagne, moins les consommateurs espagnols achètent des
contenus licites. Ce cercle vicieux a engendré un déclin abrupt du marché des ventes et des locations
de DVD en Espagne : ce marché n’a cessé de s’amenuiser chaque année entre 2003 et 2012 et a subi
une contraction stupéfiante de deux tiers entre 2007 et 201357.
Si l’Espagne peut représenter le scénario le plus noir quant à la façon dont le piratage a sinistré les
industries créatives, la situation n’est guère meilleure dans le reste du monde. Les statistiques
collectées à l’échelle mondiale par la société de métrologie Web Go-Gulf58 sont très perturbantes :

le manque à gagner annuel engendré par le piratage dans l’industrie de la musique atteint
12,5 milliards de dollars ;

95 % des œuvres musicales téléchargées sur Internet sont illicites ;

l’iPod moyen contient 800 dollars de chansons piratées ;

42 % des logiciels téléchargés le sont illégalement ;

22 % de la totalité de la bande passante en ligne est utilisée pour le piratage.

91,5 % des fichiers téléchargés sur les sites d’hébergement de fichiers (cyberlockers) portent
atteinte aux droits d’auteur ;

98,8 % des données transférées via les réseaux pair à pair (P2P) portent atteinte aux droits
d’auteur ;
BENEFICIER SANS PAYER – 9

plus de 75 % de l’ensemble des ordinateurs personnels comportent au moins une application
illégalement téléchargée ;

le piratage engendre la perte annuelle de 71 060 emplois aux États-Unis ;

le piratage provoque une perte de rémunération annuelle des salariés de 2,7 milliards de
dollars ;

seul 1 sur 100 000 des contenus du tracker OpenBitTorrent ne porte pas atteinte aux droits
d’auteur.
L’impact du piratage des contenus sur les industries créatives est donc véritablement catastrophique.
Examinons, par exemple, le chiffre d’affaires de l’industrie mondiale de la musique enregistrée. Dans
les années 1990, avant l’entrée en lice de Napster, les ventes de CD, de disques et de cassettes
s’élevaient à 38 milliards de dollars dans l’ensemble du monde et à 14,6 milliards de dollars aux ÉtatsUnis. Aujourd’hui, malgré l’augmentation des ventes et services numériques précédemment signalée
et malgré la légère progression des ventes de musique au Royaume-Uni et en Allemagne en 2012 et
2013, le chiffre d’affaires de l’industrie de la musique n’est plus que légèrement supérieur à
16 milliards de dollars au niveau mondial et a chuté à quelque 6 milliards de dollars aux États-Unis59.
En bref, le chiffre d’affaires de l’industrie de l’enregistrement sonore a régressé de plus de 50 %
malgré l’augmentation sans précédent de la consommation de musique sur les quinze dernières
années et l’impressionnant développement des sources de musique licites, qui auraient dû
logiquement le faire progresser dans une proportion équivalente.
Étant donné que 95 % des œuvres musicales téléchargées sont piratées, il n’est pas difficile d’imaginer
la destination d’au moins une partie de ce manque à gagner annuel de 22 milliards de dollars. Ainsi
que le fait valoir de façon convaincante Robert Levine, l’ancien directeur de Billboard Magazine, dans
son livre méticuleusement documenté Free Ride: How Digital Parasites are Destroying the Culture
Business and How the Culture Business Can Fight Back60, publié en 2011, le piratage menace
l’existence de l’industrie de la musique. Il a sinistré les labels musicaux et a rendu plus difficile pour les
jeunes musiciens et interprètes débutants l’obtention de contrats d’enregistrement. À bien des
égards, il tue une importante partie de notre culture.
BENEFICIER SANS PAYER – 10
Figure 2 – Déclin du chiffre d’affaires de l’industrie de la musique enregistrée aux États-Unis,
1999-200961
Figure 3 – Évolution du chiffre d’affaires par tête de l’industrie de la musique enregistrée aux
États-Unis, 1973-200962
Les véritables coûts : la prolifération des contenus en ligne piratés est dommageable
pour les créateurs, les consommateurs et l’économie
BENEFICIER SANS PAYER – 11
Si l’économie licite sur Internet a généré des centaines de milliers de nouveaux emplois et des
milliards d’euros de nouvelles opportunités économiques, la prolifération persistante des contenus en
ligne piratés est destructrice d’emplois et de valeur.
Le coût réel du piratage en Europe est massif : comme le souligne l’étude de la Fédération
internationale de l’industrie phonographique (IFPI), le piratage en ligne des contenus créatifs pourrait
coûter à l’Europe 1,2 million d’emplois et 240 milliards d’euros d’ici à 201563. Le véritable coût sur un
an (2008) pour l’Europe a été un recul des ventes de 10 milliards d’euros pour les industries créatives
et la destruction de plus de 185 000 emplois, principalement en raison du piratage numérique64. Il
s’élève, en 2008, à une perte de chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros en Espagne et en France, de
1,4 milliard d’euros au Royaume-Uni et en Italie et de 1,2 milliard d’euros en Allemagne. Il est
également constitué par les pertes d’emplois : 39 000 emplois au Royaume-Uni, 32 400 en France,
34 000 en Allemagne, 22 000 en Italie et 13 200 en Espagne65.
Le niveau de l’emploi est un paramètre déterminant aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Comme le
rappelle la Motion Picture Association of America (MPAA), les industries cinématographique et
télévisuelle américaines ont financé 1,9 million d’emplois, dont la principale tranche de rémunérations
était celle de la classe moyenne, soit une masse salariale de 104 milliards de dollars. Elles ont généré
16,7 milliards de dollars de recettes publiques en impôts et 14,3 milliards de dollars d’exportations en
2011 (voir la figure 4)66.
BENEFICIER SANS PAYER – 12
Figure 4 – Contribution des industries cinématographique et télévisuelle à l’économie américaine
Et comme l’a rappelé Penny Pritzker, secrétaire d’État au Commerce du président Obama, à un
auditoire de responsables de l’industrie de la musique à Nashville : « Au lieu de considérer qu’un
nouvel album est un coût pour notre économie, nous estimons à présent qu’il constitue un actif, car il
soutient l’emploi et génère des revenus pour les années à venir67. »
Mais les coûts non quantifiables du piratage sont, à certains égards, encore plus perturbants que ces
pertes économiques étonnamment élevées. Ainsi que nous l’avons déjà signalé, l’assise économique
de l’industrie de l'enregistrement a été divisée par plus de deux au cours des quinze dernières années.
S’il y a peut-être toujours autant de nouveaux groupes et d’œuvres musicales que par le passé, le
nombre de nouveaux groupes en mesure de décrocher des contrats d’enregistrement ou de générer
suffisamment d’argent pour survivre s’est restreint du fait du recul du chiffre d’affaires de l’industrie
de l’enregistrement, ce au détriment des consommateurs et de la société.
La crise culturelle est tout aussi aiguë en Europe. En Espagne, par exemple, le véritable coût du
piratage est préjudiciable au secteur de la création de ce pays. Comme le note l’étude 2011 de la
BENEFICIER SANS PAYER – 13
Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) sur la musique numérique, les artistes
locaux ont été « les principales victimes de la crise68 ». Jusqu’en l’an 2000, l’Espagne se distinguait par
ses stars internationales de la chanson, comme Miguel Bosé et Julio Iglesias. Chaque année, au moins
un artiste ou groupe espagnol vendait plus d’un million de copies de leur album dans toute l’Europe.
Depuis 2008, toutefois, aucun artiste espagnol n’a accompli un tel exploit69.
Les grands artistes musicaux européens et américains qui ont apporté tant de plaisir et transmis tant
de messages à des millions de consommateurs – qu’il s’agisse des Beatles, des Who, de Bob Dylan, de
Johnny Hallyday, de Lady Gaga, de Kraftwerk, d’Abba, de Luciano Pavarotti ou de Julio Iglesias – ont
tous bénéficié de labels musicaux capables d’investir dans leur talent. De tels investissements ne sont
plus guère consentis aujourd'hui, ce, pour une bonne part, en raison de la régression des chiffres
d'affaires due au piratage.
Même les rockers anticonformistes sont indignés par le piratage. Ainsi l’artiste britannique Paul
Weller, successivement membre des groupes The Jam et The Style Council, a récemment déclaré : « La
protection des droits des créateurs ne vaut pas que pour les artistes célèbres ; elle s’applique à des
milliers de groupes musicaux dont vous n’avez jamais entendu parler et qui essaient de vivre de leurs
enregistrements70. »
Le piratage en ligne menace d’étrangler lentement notre culture. De son fait, les écrivains, musiciens,
acteurs, metteurs en scène, photographes et journalistes ont de plus en plus de mal à vivre de leur
seul travail créatif : les consommateurs risquent donc de perdre une immense source de talents, qui
n’est plus exploitée. Nous sommes alors tous perdants, car de grandes chansons ne sont plus
enregistrées, de grands films cessent d’être distribués et de grands livres ne sont plus imprimés.
Ce sont les artistes, bien sûr, qui sont le plus grands perdants, car ils ne disposent plus des moyens de
nous léguer leur œuvre en héritage. Comme l’a noté le technologue et auteur à succès américain
Jaron Lanier, qui est tout à la fois un des principaux critiques du piratage et l’un des technologues les
plus emblématiques de la Silicon Valley :
« La copie de l’œuvre d’un musicien est un déni de respect économique. Elle ne le prive
pas nécessairement de toute forme de revenus, mais elle restreint sa vie économique aux
spectacles en temps réel. Cela signifie qu’il peut être payé pour un spectacle, mais qu’il
n’est pas rémunéré pour les œuvres qu’il a enregistrées71. »
BENEFICIER SANS PAYER – 14
Bénéficier sans payer
Modèles d’activités qui sous-tendent les atteintes aux droits d’auteur
L’un des mythes les plus trompeurs sur le piratage en ligne est que celui-ci n’est qu’une forme de jeu
inoffensif, orchestrée par des idéalistes qui veulent simplement que l’accès à l’information soit
gratuit.
Rien n’est plus éloigné de la vérité. Le piratage en ligne est une activité très rémunératrice. Elle relève
principalement de la criminalité organisée et revêt une ampleur massive, à caractère mondial. À
l’instar d’autres entreprises hautement lucratives, certains de ses modèles d’activités et certaines de
ses innovations et technologies sont privilégiés et se révèlent plus fructueux que d’autres.
En juin 2012, la société d’analyse de données BAE Systems Detica a publié un rapport décisif intitulé
The Six Business Models for Copyright Infringement, qui se proposait de « suivre l’argent » généré par
le piratage en ligne72. Ce rapport, commandé conjointement par Google et par la Performing Rights
Society for Music (PRS) britannique, est l’une des premières études fondamentales qui se soient
attachées aux modèles d’activités et au fonctionnement des sites Web qui portent atteinte aux droits
d’auteur plutôt qu’aux utilisateurs de tels sites.
Le rapport Detica met en évidence le degré perturbant de pénétration des sites illégaux dans
l’infrastructure commerciale légale d’Internet. Il fait apparaître que, pour assurer leur survie, de
nombreux sites illicites s’appuient sur les services d’intermédiaires en ligne, sur des activités licites
comme les réseaux d’annonces publicitaires, les prestataires de services de paiement, les moteurs de
recherche et les réseaux sociaux73. Il se révèle donc une source d’informations fort utile sur la façon
dont les propriétaires de contenus et les intermédiaires peuvent œuvrer de concert pour réduire la
prévalence des contenus portant atteinte aux droits d'auteur sans pour autant restreindre la liberté
d'expression en ligne ou l'expérience des consommateurs.
Le rapport a étudié 153 sites qui, de l’avis de titulaires d’un grand nombre de droits d’auteur,
« favorisaient de façon significative des atteintes aux droits d’auteur ». Il visait à répondre aux
principales questions que l'on se pose à propos de ces sites : Comment fonctionnent-ils ? Comment
sont-ils financés ? Où sont-ils hébergés ? Quels types de contenus offrent-ils et quelle est la taille de
leur base d’utilisateurs74 ?
Le rapport classait les sites étudiés en six principales catégories75 :
1. Les sites passerelles de télévision en direct (Live TV Gateways) – Ces sites Web ont pour
principale activité de proposer des liens vers les flux multimédias continus illégaux de chaînes
de télévision à accès libre ou payant. Ils sont généralement gratuits pour les utilisateurs et
tirent leurs recettes de la publicité : 67 % de ces sites comportent des publicités, 86 % de ces
dernières étant délivrées par des réseaux qui n’ont pas adhéré au Programme AdChoices – un
dispositif d’autoréglementation des annonceurs géré par la section britannique de l’Internet
Advertising Bureau (IAB).
2. Les sites de communautés P2P (pair à pair) – Ils permettent de télécharger illégalement des
contenus via les réseaux P2P à serveurs répartis. Ils sont « fortement dépendants de la
publicité et des donations76 » pour leurs recettes. 86 % d’entre eux comportent des annonces
BENEFICIER SANS PAYER – 15
publicitaires, 84 % de ces dernières émanant d’annonceurs non membres du Programme
AdChoices de l’IAB.
3. Les sites de communautés de souscripteurs – Ce segment ne représente que 5 % des sites
étudiés et, eu égard à la rareté des données collectées, le rapport n’offre que peu
d’informations sur le trafic qui émane des internautes britanniques à destination de ces sites.
4. Les sites de transactions musicales – Ils permettent aux utilisateurs d’acheter des contenus
illicites. Compte tenu de la nature commerciale de leur modèle d’activités, leur page de
paiement met clairement en évidence les logos des cartes de débit et de crédit. La probabilité
que ces utilisateurs soient orientés vers ces sites par les moteurs de recherche, comme
Google, est supérieure à la moyenne. Les utilisateurs de ces sites ont généralement un niveau
élevé de présence et de référencement sur les réseaux sociaux.
5. Les sites Freemium à mécanismes de récompenses – Les contenus, essentiellement musicaux,
de ces sites sont déposés sur des serveurs centraux d’où ils peuvent être téléchargés par les
utilisateurs. 61 % de ces sites présentent les logos de prestataires de services de paiement, et
46 % d’entre eux offrent des options de règlement par cartes de débit ou de crédit.
6. Les sites de diffusion en continu de flux multimédias – Ce dernier segment permet aux
utilisateurs d’intégrer la diffusion en continu de flux multimédias sur leur propre site, sur des
sites tiers ou encore sur des forums. 89 % des 18 sites de ce type qui ont été étudiés dans le
rapport affichent des annonces publicitaires, aucune d’entre elles n’émanant de réseaux
membre du Programme AdChoices de l’IAB.
Le rapport Detica note que la publicité « joue un rôle majeur sur au moins trois de ces segments ».
Pour les sites passerelles de télévision en direct, dont le modèle d’activités est celui qui se développe
le plus rapidement, la publicité en ligne est le mode de financement de 67 % des sites. Les sites de
communautés P2P s’appuient encore davantage sur la publicité, 86 % d’entre eux en tirant leurs
recettes77. Aujourd’hui, Google est manifestement le leader du marché des services de publicité en
ligne. Selon certaines estimations, Google recueillerait environ un tiers de toutes les annonces
publicitaires en ligne et devrait continuer à accroître sa part de marché de façon significative78.
Ces sites aux activités illicites faisaient également appel aux prestataires de services de paiement et de
services de traitement des cartes de paiement pour collecter le produit des abonnements, des
transactions et des donations. Sur au moins trois des segments étudiés, le rapport note la forte
présence de logos de cartes de crédit ou de prestataires de services de paiement, les sites de
communautés de souscripteurs et les sites Freemium à mécanismes de récompenses étant
particulièrement dépendants à leur égard. Le rapport conclut qu’il existe une « forte probabilité » que
ces cartes de crédit et prestataires de services de paiement soient utilisés pour collecter les
paiements. 36 % de ces sites comportaient des pages de paiement, parmi lesquelles 69 % affichaient
des logos de carte de crédit. Étant donné la visibilité de ces logos, le rapport conclut qu’il existe une
« relation déterminante » entre les entreprises fondées sur le piratage et les services licites de
BENEFICIER SANS PAYER – 16
traitement des transactions, ces dernières recevant les paiements des consommateurs pour le compte
des premières79.
Le rapport révèle également le rôle que jouent les moteurs de recherche et les réseaux sociaux,
comme Facebook et Google Plus, dans l’orientation du trafic vers ces sites80. Si certains des segments,
comme les sites de transactions musicales, peuvent s’appuyer davantage que d’autres sur le trafic des
moteurs de recherche, il est manifeste que tous ces sites s’en remettent, dans des proportions
variables, aux moteurs de recherche pour orienter le trafic et ainsi générer des recettes pour leurs
activités fondées sur le piratage. Aujourd’hui, Google domine le marché de la publicité et celui de la
publicité liées aux recherches, puisqu’il recueille pratiquement 90 % de l’ensemble des recherches
mondiales et une part encore plus élevée du marché des recherches en Europe81. Google détient
également le très puissant service de vidéos en ligne YouTube, qui est souvent utilisé par les
contrevenants pour attirer les utilisateurs à la recherche de contenus illicites.
L’un des principaux enseignements généraux du rapport Detica est que les sites portant atteinte aux
droits d’auteur s’appuient fortement sur l’architecture commerciale Internet à laquelle font appel les
entreprises licites : moteurs de recherche, prestataires de services de paiement et réseaux
publicitaires. Ces entreprises de piratage non seulement dérobent les contenus des créateurs, mais,
de plus, s'approprient les services des entreprises technologiques et financières licites pour faciliter
leurs transactions illégales. C’est pourquoi, les sites qui portent atteinte aux droits d’auteur
constituent une menace directe pour l’innovation et la création et, en dernière analyse, pour
l’économie en ligne en général.
L’impact du piratage en ligne sur l’innovation, la créativité et la concurrence
Nous vivons dans une économie qui se nourrit de la créativité et de l’innovation. C’est la vérité
économique fondamentale de notre ère des réseaux numériques. Les principaux penseurs du monde
post-industriel – qu’il s’agisse de Mariana Mazzucato de l’université du Sussex, du militant britannique
des causes sociales Jeremy Rifkin, du distingué économiste français Jacques Attali ou encore des
futurologues nord-américains comme Charlie Leadbeater, Don Tapscott, Gerd Leonhard, Daniel Pink
ou Richard Florida – soulignent tous le rôle central de l’innovation et de la créativité dans la
génération de valeur économique.
La thèse défendue par Richard Florida dans son ouvrage classique The Creative Class fait à présent
l’objet d’un large consensus. Dans notre économie, la connaissance, la créativité et l’innovation sont
les pièces majeures de la richesse et du statut social. Le vol de contenus, l’antithèse de la créativité,
sont source de graves dommages non seulement pour les créateurs, mais aussi pour les droits de
propriété intellectuelle et pour la société en général. Les pirates en ligne contrecarrent les
encouragements du marché en faveur de l’innovation et ont un effet dévastateur sur la création. Le
piratage des contenus engendre un réel appauvrissement. Il sape les principales valeurs économiques,
juridiques et culturelles de notre économie post-industrielle.
BENEFICIER SANS PAYER – 17
Le lien entre ces valeurs économiques, juridiques et culturelles a été récemment analysé par Michel
Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur et des services, lors du discours clé qu’il
a prononcé au festival de musique MidemNet 2010 de Cannes. Soucieux de rappeler l’importance des
valeurs tant « culturelle » qu’ « économique et juridique », Michel Barnier a déclaré :
« Certes, il y a dans la musique une première dimension culturelle, essentielle à notre
identité et notre patrimoine européens, mais il y a aussi des aspects économiques et
juridiques importants. Le droit d’auteur est au cœur de ces deux dimensions. C’est le droit
d’auteur qui permet à un artiste de vivre de sa création. Car les créateurs sont aussi des
entrepreneurs. Lancer un groupe, composer une chanson, produire un album, c’est
investir du temps, de l’argent, du talent, sans toujours être sûr d’être payé de retour.
Combien de créateurs prendraient de tels risques s’ils n’avaient pas la perspective de voir
leur création récompensée, et donc rémunérée, en cas de succès82 ? »
La créativité est reine aussi bien dans le domaine économique que culturel. Et la législation est le reflet
de cette vérité fondamentale. Elle reconnaît que le vol de contenus est dommageable pour la création,
l’innovation et la concurrence. Elle convient que les artistes ont besoin de l’espace nécessaire à la
maîtrise de leur moyen d’expression pour être en mesure de créer des produits de qualité. Elle
reconnaît enfin que le marché est véritablement la plate-forme qui permet d’établir une distinction
entre les nombreux artistes dénués de talent et les artistes qui ont le talent, la chance et l’éthique du
travail qui leur permettent de réussir intellectuellement et commercialement.
Bien sûr, la législation sur la propriété intellectuelle et celle sur la concurrence relèvent de domaines
très différents. La première a trait à la défense des droits de propriété intellectuelle et la seconde, à la
mise en œuvre de ces droits (et d’autres droits) de manière à assurer une saine concurrence sur le
marché. Toutefois, les deux corpus de lois ont pour objectifs de promouvoir le bien-être des
consommateurs, un marché concurrentiel et une répartition efficace des ressources.
L’innovation constitue une composante essentielle et dynamique d’une économie de marché ouverte
et concurrentielle. Les droits de propriété intellectuelle assurent le dynamisme de la concurrence en
encourageant les entreprises à investir dans l’élaboration de nouveaux produits et processus ou dans
l’amélioration de ceux qui existent déjà. La législation sur la concurrence a des effets similaires en ce
qu’elle incite les entreprises à innover. Par conséquent, aussi bien les droits de propriété intellectuelle
que les règles régissant la concurrence sont nécessaires pour encourager l’innovation et optimiser son
rôle concurrentiel sur le marché.
Dans leur ouvrage de 2008, Intellectual Property Law83, Lionel Bentley et Brad Sherman explicitent de
façon synthétique la logique qui sous-tend une législation rigoureuse de protection de la propriété
intellectuelle :
« L’absence de protection de la propriété intellectuelle engendrerait un déficit dans la
production de produits intellectuels. En effet, si de tels produits peuvent avoir des coûts
de production élevés, ils peuvent aussi être aisément copiés lorsqu’ils ont été diffusés
auprès du public. Cela signifie que (en l’absence de droits lui assurant une utilisation
exclusive) un créateur subirait la concurrence de ceux qui n’ont pas engagé de tels frais de
création. L’inaptitude du marché à garantir qu’un investissement dans la recherche peut
être potentiellement récupéré est parfois dénommée “défaillance du marché” ».
BENEFICIER SANS PAYER – 18
Les objectifs complémentaires des législations sur la propriété intellectuelle et sur la concurrence
constituent également une réfutation radicale des arguments invoqués par ceux qui cherchent à
justifier le vol de propriété intellectuelle et qui soutiennent que « les contenus doivent être gratuits »
et que les consommateurs sont gagnants lorsque la protection de la propriété intellectuelle est moins
rigoureuse. Comme le reconnaît la législation sur la concurrence, une solide protection des droits de
propriété intellectuelle a pour effet d’augmenter l’offre de contenus créatifs, parce qu’elle incite un
plus grand nombre de gens à investir davantage d’énergie et de ressources dans la création et à
proposer des œuvres de qualité. Inversement, une législation qui ne protège pas suffisamment les
contenus créatifs affaiblit ces incitations de sorte que les consommateurs en pâtissent. En outre, la
législation sur les droits d’auteur se limite à interdire la copie des œuvres créatrices et non pas la
création originale d’un succédané, quelles que soient ses similitudes avec l’œuvre initiale. Elle ne
s’oppose donc nullement à une vive concurrence des utilisateurs ou des entreprises qui peuvent
produire de nouvelles œuvres originales et, bien au contraire, est spécifiquement destinée à
encourager une telle concurrence.
En théorie, cette législation est, bien sûr, parfaite. Sa mise en œuvre, toutefois, se révèle quelque peu
complexe. Dans l’économie numérique d’aujourd’hui, l’énorme masse de contenus en ligne portant
atteinte aux droits d’auteur et les coûts engendrés par la lutte contre de tels contenus illicites
compromettent l’efficacité des lois visant à protéger les contenus légitimes et à préserver la
concurrence. C’est une partie du défi auxquels sont confrontés les titulaires de droits d’auteur dans
l’économie numérique d’aujourd’hui. La stratégie juridique qui consiste à lutter systématiquement
contre chacun des contrevenants en leur envoyant une demande de retrait de chacune des copies en
ligne illicites n’est pas toujours couronnée de succès. Certaines sociétés estiment qu’elle est
laborieuse et trop onéreuse.
Il convient donc de repenser la législation relative à la propriété intellectuelle en tenant compte de la
législation et des pratiques commerciales actuelles pour renforcer le rôle de la concurrence et
résoudre le problème du piratage des contenus en ligne. En d’autres termes, le défi consiste à
élaborer des pratiques et mécanismes novateurs qui tirent parti du cadre juridique existant et qui
associent la législation, les mécanismes volontaires et les meilleures pratiques pour créer ce que
Robert Ashcroft, directeur général de PRS for Music, appelle « un levier clé » dans la lutte contre les
entreprises qui s’adonnent au vol de propriété intellectuelle. C’est à une telle analyse que la section III
du présent document est consacrée.
Mais, tout d’abord, en raison de l’importance et de la complexité des relations qui existent entre les
législations sur la propriété intellectuelle et sur la concurrence, il paraît essentiel d’effectuer un bref
détour et d’analyser l’état de la concurrence sur les marchés en ligne. Un tel examen serait incomplet
s’il ne s’intéressait pas à la société qui occupe une place prépondérante sur un très grand nombre de
marchés Internet clés d’aujourd’hui : la société Google.
Le paradoxe Google
D’aucuns pourront considérer comme ironique que Google ait contribué à financer le rapport Detica
précédemment cité. En effet, le mammouth de la Silicon Valley a entretenu des relations ambivalentes
avec l’industrie des contenus si l’on en juge par les actions en justice emblématiques introduites à son
encontre par des propriétaires de contenus. Parmi celles-ci, citons :

Les procès intentés par Viacom et autres parties demandant la condamnation de YouTube à des
dommages-intérêts de plusieurs milliards de dollars en raison d’atteintes « flagrantes » aux droits
d’auteur84.
BENEFICIER SANS PAYER – 19

Les recours collectifs introduits par des auteurs, des représentants des intérêts des photographes
(comme la American Society of Media Photographers) et par d’autres parties à l’encontre de
Google Books85 pour atteintes délibérées aux droits d’auteur ; celles-ci ont été publiquement
condamnées par la chancelière allemande Angela Merkel86 et ont conduit le ministère de la Justice
américain à intervenir dans des procès motivés par les pratiques anticoncurrentielles de Google87.

Les plaintes de nombreux opérateurs de moteurs de recherche verticaux liées au fait que Google
aurait illégalement « capturé » des contenus sur leurs sites et les aurait utilisés pour attirer les
internautes vers ses propres sites concurrents : ces pratiques, qui suscitent des préoccupations en
matière de concurrence, sont présentement soumises à l’examen de la Commission européenne88.
Eu égard à ces controverses et à d’autres, dans lesquelles elle a été accusée d’atteintes aux droits
d’auteur, d’aucuns pourraient conclure que la société Google a contribué au financement du rapport
Detica dans le but d’affaiblir les critiques à propos de son peu d'empressement à prévenir une
utilisation abusive de ses services par les voleurs de contenus et du caractère relativement progressif
des mesures qu'elle a prises jusqu’à présent. Elle peut aussi avoir été mue par le désir légitime de
réunir un ensemble de technologies et d’entreprises de médias présentant une efficacité accrue à
l’égard des entreprises pirates. Ainsi que l’a déclaré le Directeur des politiques Google Royaume-Uni à
propos du rapport, l’atteinte aux droits d’auteur en ligne « peut être combattue si nous œuvrons de
concert89 ».
La société Google a renouvelé son engagement autoproclamé de lutte contre le piratage dans un
rapport de septembre 2013, How Google Fights Piracy90, qu’elle a rédigé et diffusé. Ce document –
dont l’américain Chris Castle, avocat de l’industrie de la musique, a estimé qu’il était « fallacieux » et
« réellement éloigné de la vérité et de la réalité »91 – reconnaît que le piratage demeure un « défi » et
définit cinq principes plutôt nébuleux de lutte contre le piratage, principes dont certains semblent
s’apparenter à de la publicité pour ses propres services et produits. Par exemple, dans une section
intitulée « De meilleures solutions légitimes au piratage», Google vante les avantages de sa boutique
numérique Google Play, ainsi que des partenariats de chaînes et de la technologie anti-piratage
d’identification des contenus que propose YouTube92.
Quels que soient les motifs qui l’ont incitée à publier ou à parrainer ces rapports, il est manifeste que
l’attitude de la société Google à l’égard du vol de contenus en ligne est tout à la fois complexe et
multiforme. D’un côté, Google semble reconnaître que la pérennité de son succès dans les domaines
de la recherche, de la publicité en ligne et dans bien d’autres encore est fortement conditionnée par le
fait que les consommateurs puissent trouver des contenus en ligne licites et de qualité, et que,
finalement, l’omniprésence du piratage en ligne contrecarre cet objectif93.
D’un autre côté, comme il a déjà été indiqué, Google est un acteur extrêmement puissant de
l’économie Internet dans les secteurs de la recherche, de la publicité en ligne et des vidéos en ligne,
mais aussi de plus en plus dans ceux des réseaux sociaux, de la mobilité et d'autres encore. Ainsi, les
autorités de régulation de la concurrence en Europe et ailleurs ont indiqué que Google domine déjà
plusieurs de ces marchés94. La position dominante de la société Google la rend moins sensible aux
forces du marché qui pourraient la conduire à adopter une position plus ferme vis-à-vis du piratage
des contenus en ligne. Et quels que soient ses intérêts à long terme, aujourd’hui, Google perçoit
chaque année des millions et des millions – et, peut-être, des milliards et des milliards – d’euros du
fait du piratage, ce tout à la fois directement (grâce à la publicité que Google présente sur les sites
illicites) et indirectement (par exemple, en attribuant aux sites illicites un rang élevé dans l’affichage
des résultats des recherches organiques).
BENEFICIER SANS PAYER – 20
En Grande-Bretagne, par exemple, la société Google a la mainmise sur la recherche de contenus,
puisqu'elle draine une part écrasante (91 %) de l’ensemble des recherches des internautes
britanniques95. Comme le remarque le rapport Detica, les moteurs de recherche demeurent un outil
clé pour localiser les sources de contenus en ligne illicites96. En raison de la position dominante de son
moteur de recherche, la société Google est nécessairement un vecteur clé du piratage en ligne. Ainsi, il
ressort d’une étude, réalisée par Millward Brown Digital et financée par la Motion Picture Association
of America (MPAA), que, aux États-Unis, Google était la source de 82 % des résultats de recherche qui
orientaient les utilisateurs vers des contenus vidéo en ligne illicites, soit une proportion beaucoup plus
élevée que sa part du marché américain de la recherche en ligne97.
Naturellement, nombre d’entreprises licites – et, parmi elles, de nombreux propriétaires de
contenus – s’appuient sur le moteur de recherche Google, sur YouTube, sur les réseaux de publicité
Google et sur d’autres services Google pour attirer des clients et générer des recettes. Toutefois, il est
manifeste que les atteintes aux droits d’auteur seraient infiniment moins nombreuses qu’elles ne le
sont aujourd’hui si ces mêmes services Google n’étaient pas régulièrement utilisés par des sites Web
illicites, nombre de ces derniers n’étant pas même en mesure de survivre sans Google. Or, Google a
constamment fait la sourde oreille aux demandes d’élimination ou de classement clairement plus
défavorable des sites Web ou contenus illicites dans ses résultats de recherche et n’a jamais mis en
œuvre de mesures proactives pour réduire les bénéfices que retirent les sites illicites des services
Google98. Les propriétaires de contenus avancent que les mesures de lutte contre le piratage de
Google sont, au mieux, peu empressées et pourraient, en fait, être conditionnées par le désir de
préserver ses flux de recettes plutôt que par celui de s’attaquer au piratage en ligne.
Il est difficile de savoir pendant combien de temps encore Google pourra tenir cette ligne de conduite.
En 2011, Jeremy Hunt, alors secrétaire à la Culture du gouvernement britannique, a averti la société
Google que si elle ne prenait pas des mesures pour rétrograder les sites illicites dans le classement de
ses résultats de recherche, le gouvernement introduirait de nouvelles dispositions dans son projet de
loi sur les communications afin de l'y contraindre99. C’est peut-être en raison de cet avertissement
que, en août 2012, Google a annoncé l’introduction d’une politique destinée à rétrograder dans le
classement des résultats de recherche la position des entreprises qui s’adonnent au piratage :
« À partir de la semaine prochaine, nous prendrons en compte un nouveau paramètre
dans nos classements : le nombre de demandes valides de retrait des contenus portant
atteinte aux droits d’auteur reçues pour chacun des sites. La position des sites pour
lesquels nous avons reçu un nombre élevé de notifications de demande de retrait pourrait
être reculée dans les résultats de recherche. Cette modification de nos critères de
classement devrait aider les utilisateurs à trouver plus aisément des sources fiables et
légitimes de contenus, qu’il s’agisse de l’écoute d’une chanson partiellement diffusée sur
le site Web de musique de NPR (National Public Radio), d’un spectacle télévisé sur Hulu
ou d’une nouvelle œuvre musicale diffusée en continu par Spotify100. »
Dans son rapport de septembres 2013 sur la lutte qu’elle mène contre le piratage, la société Google
affirme également qu’elle a éliminé les sites illicites de ses résultats de recherche ou bien qu’elle a
reculé leur position101.
Malheureusement, la modification de l’algorithme semble avoir eu peu d’effets. Trois mois après
l’annonce par Google de l’introduction de ce nouveau paramètre dans son algorithme, Richard Mollet,
directeur général de l’association britannique The Publishers Association, a déclaré au Guardian :
« Nous n’avons toujours pas constaté une réduction significative de leur présence dans les résultats de
recherche102. » Le point de vue de Richard Mollet est corroboré par Kieron Sharp, de la Federation
BENEFICIER SANS PAYER – 21
Against Copyright Theft du Royaume-Uni, qui a affirmé : « La société Google prétend avoir pris des
mesures pour que les sites Web portant atteinte aux droits d’auteur et pour que les contenus piratés
dont ils assurent la promotion soient moins accessibles ; or, il semble que son moteur de recherche
assure toujours la promotion de ces sites, qui tirent leurs recettes de la publicité ou d’autres
mécanismes de paiement103. »
Ces informations ont été confirmées par le rapport publié par la RIAA (The Recording Industry
Association of America) en février 2013, intitulé Six Months Later – A Report Card on Google's
Demotion of Pirate Sites. Ce rapport conclut que « le classement des sites à propos desquels Google a
reçu un grand nombre de notifications d’atteinte aux droits d’auteur ne semble pas avoir reculé d’une
quelconque façon significative après que Google a introduit un paramètre de rétrogradation dans le
classement104 ». Par exemple, dans 98 % des recherches effectuées sur Google à l’occasion de ce
rapport, un site illicite totalisant plus de 10 000 demandes de retrait est apparu sur la première page
des résultats de recherche. L’hebdomadaire américain Billboard Magazine est parvenu à la même
conclusion que la RIAA en février 2013. Il révèle que les vendeurs légaux de musique numérique,
comme Amazon, sont davantage « enterrés » derrière les sites illégaux qu’ils ne l’étaient en novembre
2012105.
Le rapport RIAA a également étudié le nombre de fois où un site contrevenant ayant reçu plus de
100 000 demandes de retrait, apparaissait parmi les cinq premiers résultats de recherche. Il note non
seulement qu’aucune amélioration dans le recul du classement des sites pirates n’a été enregistrée,
mais aussi que ces sites sont apparus dans les cinq premiers résultats de recherche plus fréquemment
qu’avant la modification de l’algorithme d’août 2012106.
L’inefficacité de la modification de l’algorithme de recherche de Google a été récemment réaffirmée
par Cary Sherman, directeur général de la RIAA, appelé à témoigner devant les législateurs américains.
Sherman a déclaré que les membres de la RIAA « n’avaient constaté absolument aucune différence »
après la modification de l’algorithme de Google. Il notait, par exemple, que le site Web mp3skull.com,
auquel la RIAA avait envoyé plus de 1,25 million de notifications de demande de retrait, apparaissait
toujours sur la première page des résultats de recherche Google lorsque la recherche portait sur le
terme« mp3 »107.
Compte tenu de ces données, il apparaît clairement que la société Google pourrait déployer
davantage d’efforts pour s’assurer que ses services ne facilitent pas le piratage des contenus. En effet,
dans un rapport de juillet 2013, le ministère britannique de la Culture, des Médias et du Sport prenait
acte de la modification de l'algorithme de recherche de Google, mais soulignait son « attente quant à
une recherche d’améliorations complémentaires effectuée conjointement par Google – et d’autres
moteurs de recherche – et par les propriétaires de contenus108 ».
En raison de sa position dominante sur le marché, le rôle de Google dans le succès de tels mécanismes
volontaires ne saurait être trop souligné. En outre, compte tenu de la « responsabilité particulière »
dont sont investies les entreprises dominantes dans la législation communautaire pour ne pas fausser
les conditions de la concurrence109, d’aucuns affirment que le devoir de Google de veiller à ce que son
moteur de recherche, ses réseaux publicitaires et autres services ne favorisent pas le vol de propriété
intellectuelle et les conduites qui portent atteinte à une concurrence légitime n’est pas seulement une
responsabilité morale.
Quelles sont les limites de cette responsabilité ? Ou, de façon plus générale, quelles mesures une
entreprise en position dominante ou tout intermédiaire en ligne peut-il ou devrait-il prendre pour
répondre à ces préoccupations ? La section suivante constitue une introduction en ce domaine : elle
s’intéresse aux efforts déployés par les titulaires de droits d’auteur pour tirer parti de la législation en
BENEFICIER SANS PAYER – 22
vigueur et des nouvelles lois spécifiquement axées sur l’atteinte aux droits d’auteur en ligne et pour
ainsi lutter contre les problèmes liés au fait que les contrevenants en série aux droits d’auteur utilisent
des services en ligne licites pour développer leurs activités illégales.
BENEFICIER SANS PAYER – 23
Le cadre juridique
Tirer parti de la législation en vigueur
Récemment, les propriétaires de contenus ont pu constater qu’établir un partenariat avec les
autorités chargées de l’application de lois produisait, dans le cadre de la législation en vigueur, au
moins certains effets positifs dans la lutte contre les entreprises qui portent massivement atteinte aux
droits d’auteur. On peut ainsi citer le récent exemple européen de la création, en septembre 2013, de
l’Unité spéciale de lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle (special IP crime unit) par les
services de police de la ville de Londres110. Cette unité spéciale – dont la création a été annoncée par
le secrétaire au Commerce Vince Cable et qui est financée à hauteur de 2,5 millions de livres sterling
par le Bureau de la propriété intellectuelle britannique – travaillera en collaboration avec les
propriétaires de contenus pour cibler son action sur les entreprises contrevenantes. En juin 2013, le
commissaire Adrian Leppard, des services de police de la ville de Londres, commentait cette initiative
dans les termes suivants111 :
« Nous créons une unité de police opérationnellement indépendante dont la mission est
de coordonner les actions nationales et internationales des autorités chargées de
l’application des lois et celles de nos partenaires des secteurs public et privé afin de cibler
efficacement ceux qui continuent à profiter illégalement des efforts déployés par autrui. »
Il ne s’agit pas là du premier exemple de coopération étroite entre les autorités britanniques chargées
de l’application des lois et la communauté des créateurs de contenus. Ainsi que nous le décrivons ciaprès, la police britannique a joué un rôle non négligeable dans la mise en œuvre d’un accord à
caractère volontaire entre prestataires de services de paiement et propriétaires de contenus, y
compris en poursuivant judiciairement les services de musique en ligne illicites, russes et ukrainiens,
qui utilisaient les services de cartes de crédit pour facturer aux utilisateurs des contenus illégaux112.
Ces partenariats étroits entre les autorités chargées de l’application des lois et les entreprises de
contenus en ligne revêtent également un caractère transatlantique. Par exemple, en juin 2013, une
initiative de l’Office européen de police (EUROPOL) – qui a réuni le département HIS (Homeland
Security Investigations) de l’agence américaine de l’immigration et des douanes (U.S. Immigration and
Customs Enforcement – ICE) et divers organismes européens d’application des lois – a permis de saisir
328 noms de domaine associés à la vente illégale en ligne de marchandises contrefaites113.
Une autre opération conjointe des États-Unis et de l’Europe – dénommée American Icon ou
Transatlantic Two) – a fait intervenir non seulement les forces de police américaines et européennes,
mais également le prestataire de services de paiement en ligne PayPal. Coordonnée par le National
Intellectual Property Rights Coordination Center (ou IPR Center) de Washington, D.C., l’opération
Transatlantic Two s’est traduite par la saisie de 151 domaines de premier niveau hébergés à l’étranger
et de 150 000 dollars de paiements illégitimes.
« L’opération American Icon/Transatlantic Two est un excellent exemple de la formidable coopération
entre l’ICE, nos partenaires internationaux de l’IPR Center et du ministère de la Justice, a déclaré Mark
Witzal, directeur adjoint de l’IPR Center. Pour poursuivre ces criminels qui dupent des clients crédules
dans le monde entier, ces partenariats internationaux ont une importance vitale114. »
Si une coopération entre les propriétaires de contenus et les autorités chargées de l’application des
lois constitue un outil important, il convient toutefois de ne pas surestimer son impact. Par exemple,
un récent rapport du bureau d’études NetNames signale que si l’application des lois à l’encontre de
BENEFICIER SANS PAYER – 24
MegaUpload et d’autres sites d’hébergement de fichiers (cyberlockers) semble avoir eu un impact
majeur et durable sur l’utilisation de ce type de sites par les voleurs de contenus, de nombreux
éléments permettent de penser qu’une forte proportion des conduites illégales qui faisaient usage de
tels sites font à présent appel à d’autres modes de distribution en ligne115 :
« La fermeture de MegaUpload s’est également accompagnée de celle de l'hébergeur de
fichiers multimédias diffusés en continu MegaVideo, un incident qui a eu des
retentissements sur d’autres hébergeurs de fichiers diffusés en continu. Cette
perturbation n’a pas eu un impact permanent sur l’utilisation des vidéos diffusées en
continu similaire à celui sur l’écosystème des hébergeurs de fichiers à téléchargement
direct. [...] La consommation de bande passante dédiée à la lecture de vidéos en continu
de toutes sortes a explosé au cours de ces dernières années, puisqu’elle a augmenté de
170 % entre 2010 et 2012 en Amérique du Nord, en Europe et en Asie-Pacifique. L’atteinte
aux droits d’auteur par le biais de la diffusion de flux en continu a augmenté dans des
proportions encore plus importantes : la bande passante consacrée à la lecture (ou
diffusion) de vidéo illicites a augmenté de 470 % sur la même période, malgré la
disparition d’hébergeurs renommés comme MegaVideo. »
Ces exemples démontrent clairement la rapidité d’adaptation du piratage en ligne aux perturbations
éventuelles du système, comme les fermetures de site ou les saisies. Les utilisateurs modifient leurs
comportements, souvent en quelques instants ; ils délaissent les sites soumis à des événements et
s’orientent vers des sites aux contenus illicites comparables et qui proposent des modes de
consommation similaires ou différents. Le piratage s’adapte à l’évolution des situations : l’utilisation
des lectures en continu et celles du logiciel BitTorrent ont très fortement progressé lorsque des
hébergeurs de fichiers à téléchargement direct ont été éliminés116.
Des efforts récents de réforme législative
Parallèlement à ces efforts d’application de la législation en vigueur, le législateur s’est efforcé
d’adopter des lois conçues pour s’attaquer directement au problème des entreprises de contenus en
ligne s’adonnant au piratage. Deux récentes expériences européennes sont particulièrement
pertinentes : la loi française HADOPI et la loi britannique relative à l’économie numérique (Digital
Economy Act). Chacune d’elles s’appuie, dans une certaine mesure, sur les dispositions de la Directive
de l’Union européenne sur le commerce électronique, pour définir les responsabilités respectives des
propriétaires de contenus et des intermédiaires dans l’environnement en ligne. D’une part, chacune
de ces lois semble avoir, dans une certaine mesure, réussi à dissuader les utilisateurs de pirater des
contenus et à les sensibiliser à l’importance que revêtent les droits d’auteur. D’autre part, aucune de
ces lois n’a exercé le niveau de dissuasion attendu, et toutes deux ont suscité des inquiétudes : en
effet, si elles n’étaient pas soigneusement mises en œuvre, elles pourraient porter atteinte à des
valeurs essentielles comme la liberté d’expression, la créativité des utilisateurs et le commerce
numérique.
Loi HADOPI
HADOPI est l’acronyme du nom de l’organisme public (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et
la protection des droits sur Internet) créé pour gérer les « réponses graduées » aux atteintes aux
droits d’auteur. L’article L. 336-3 de la Loi dispose que « la personne titulaire de l’accès à des services
de communication au public en ligne a l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet
d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de
communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin
sans l’autorisation des titulaires des droits117 ».
BENEFICIER SANS PAYER – 25
La première version de la loi (HADOPI 1) a été adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat en mai
2009. Après que le Conseil constitutionnel a décidé que la Loi était contraire à la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789, une seconde version, légèrement amendée, a été adoptée en
octobre 2009 (HADOPI 2)118. HADOPI 2, qui est décrite comme la « législation de lutte contre le
piratage la plus dure qui soit au monde119 », a institué un mécanisme de réponse à trois phases : les
contrevenants qui après deux avertissements initiaux sont jugés coupables d’avoir téléchargé des
matériels illicites encourent une amende pouvant atteindre 1 500 € et une suspension de l’accès à
Internet comprise entre 3 et 12 mois120.
En 2011, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression121 a qualifié de droit de l’homme122 l’accès à Internet et a estimé que le
mécanisme à trois phases était disproportionné. En raison de ces déclarations, il s'est révélé difficile
pour les élus français d'apporter leur plein et entier soutien à HADOPI. « Aujourd’hui, ce n’est pas
possible de couper l’accès à Internet. C’est quelque chose comme couper l’eau123 », a reconnu Fleur
Pellerin, ministre déléguée à l’Économie numérique.
Toutefois, il ne fait pas de doute que la loi HADOPI a permis de réduire le piratage et d’augmenter les
ventes de contenus légaux. Une étude, réalisée par un groupe d’économistes du Wellesley College et
de la Carnegie Mellon University, indique que la sensibilisation accrue des consommateurs du fait de
la loi HADOPI a engendré pour iTunes une augmentation des ventes de chansons de 22,5 % et
d’albums de 25 %124. De façon intéressante, elle révèle que la progression des ventes a été beaucoup
plus importante parmi les genres qui, comme le rap et le hip hop, faisaient l'objet d'un piratage
intensif avant la loi HADOPI que parmi les genres moins exposés au piratage comme la musique
chrétienne, la musique classique ou le jazz.
HADOPI semble également avoir dissuadé une partie des utilisateurs finaux d’accéder à des contenus
illicites. Une étude, réalisée par Peer Media Technologies, fait apparaître que, en 2011, le partage des
œuvres illicites entre les utilisateurs français sur les réseaux P2P (pair à pair) a chuté de 43 %. En
outre, il n’a pas été nécessaire d’adresser un second courriel d’avertissement à 95 % des destinataires
d’un premier avertissement. Enfin, 71 % des utilisateurs de réseaux P2P interrogés ont affirmé qu'ils
cesseraient de télécharger des contenus illégaux s'ils recevaient un avertissement de l'HADOPI125.
En dépit de ces succès, d’aucuns ont qualifié la loi HADOPI de coûteuse et d’inefficace, tandis que
d’autres se sont inquiétés des répercussions que pouvait avoir la suspension temporaire de l’accès à
Internet sur la liberté d’expression et d’accès à l’information. En raison de ces préoccupations, le
gouvernement français a annoncé, en juillet 2013, qu’il continuerait à envoyer des avertissements aux
utilisateurs (puisqu’ils se sont révélés tout à fait efficaces) et à infliger des amendes aux récidivistes,
mais qu’il supprimerait la sanction pénale d’une suspension de l'accès des utilisateurs à Internet126.
Loi britannique relative à l’économie numérique (Digital Economy Act)
La Loi britannique de 2010 relative à l'économie numérique (Digital Economy Act), tout comme la loi
française HADOPI, est destinée à punir les utilisateurs qui téléchargent des contenus piratés127.
Initialement, elle établissait – tout comme la loi HADOPI – un mécanisme à trois phases d’interdiction
de l’accès à Internet pour les contrevenants récidivistes (« Trois infractions et vous êtes éliminé»).
Toutefois la version finale de la loi prévoit que les décrets d’application relatifs à de telles sanctions
requièrent l’approbation des deux chambres du Parlement, procédure qui est désignée en langue
anglaise par l’expression « super-affirmative procedure »128. Enfin, l’équité de cette loi et les modalités
d’application de ses dispositions ont suscité des controverses de sorte que le gouvernement a éprouvé
bien des difficultés à la mettre en œuvre.
BENEFICIER SANS PAYER – 26
Les minutes de la table ronde129 qui s’est tenue le 14 mai 2013 et à laquelle étaient présents Ed Vaizey,
le ministre responsable de la loi, Google, des prestataires de services Internet, des titulaires de droits
d’auteur et des associations font apparaître que la procédure d’envoi des trois lettres d’avertissement
prévue par la loi ne sera appliquée qu’à partir de 2015 au plus tôt. Le fait que le lancement de cette
procédure était initialement planifié pour 2011 témoigne des difficultés auxquelles se heurte
l’application de cette loi. En attendant, les titulaires de droits d’auteur au Royaume-Uni recourent aux
injonctions judiciaires pour contraindre les prestataires de services Internet à interrompre l’activité
des sites Web qui, comme Pirate Bay, portent atteinte aux droits d’auteur. Toutefois, aucun des
principaux propriétaires de contenus n’estime que ces procédures coûteuses et laborieuses puissent
se substituer aux lettres d’avertissement ou aux mesures connexes prévues par la législation130.
Les effets mitigés de la Loi française HADOPI et de la Loi britannique sur l’économie numérique
témoignent du fait qu’il est très difficile d’élaborer une réponse juridique au fléau du piratage, qui
respecte les intérêts des consommateurs et ne freine pas l’innovation ou les investissements. Ils
démontrent aussi qu’il est essentiel de sensibiliser les consommateurs aux valeurs fondamentales qui
sont en jeu et d’élaborer des ripostes qui soient tout à la fois équilibrées et efficaces.
Si seul le temps nous permettra d’affirmer que des expériences comme la Loi HADOPI en France ou la
Loi sur l'économie numérique en Grande-Bretagne ont été finalement couronnées de succès, il
apparaît qu'une réforme législative n’est pas le meilleur moyen – et certainement pas le moyen le plus
rapide – pour lutter contre le piratage en ligne.
Si les lois, comme la Loi HADOPI et la Loi sur l'économie numérique, n’ont pas pleinement atteint
leurs objectifs, quelles sont les solutions de rechange ? Pour nombre d’analystes, la solution la plus
prometteuse est celle des réponses mises en œuvre par le marché, faisant l’objet d’une démarche
volontaire des principales entreprises du secteur des contenus et du secteur des technologies. C’est
pourquoi nous nous intéresserons à présent aux réformes qui pourraient constituer la stratégie la plus
viable – du moins à court terme – pour freiner les entreprises Internet dont les activités sont fondées
sur le vol de contenus.
BENEFICIER SANS PAYER – 27
Présentation de solutions volontaires, à l’initiative du
marché
Fort heureusement, les principales entreprises de l’économie Internet – notamment, les créateurs de
contenus, les prestataires de services Internet, les prestataires de services de recherche ou les
prestataires de services de paiement – se sont unies à plusieurs occasions pour mettre en œuvre, à
leur initiative, des solutions et de saines pratiques destinées à lutter contre les entreprises en ligne
fondées sur le vol de contenus. Ces solutions, nées sous l’impulsion du marché, ne doivent pas être
considérées comme entrant en concurrence avec les programmes à l’initiative des gouvernements,
mais plutôt comme complétant et tirant parti des mesures législatives et des mesures d’application
qu’ils ont prises. En fait, de nombreux gouvernement sont ravis de ces solutions lancées sous
l’impulsion du marché, à l’initiative de l’industrie.
Ainsi, Victoria Espinel, l’ancienne coordinatrice du respect de la propriété intellectuelle des États-Unis,
a soutenu les initiatives des entreprises privées favorisant l’adoption de saines pratiques visant à
réduire le piratage en ligne et la contrefaçon et, notamment :

L’accord volontaire de 2011 conclu entre AT&T, Cablevision, Comcast, Time Warner Cable,
Verizon et aussi bien les majors que les labels musicaux indépendants pour réduire le piratage
des œuvres musicales en ligne131.

Un accord sur les meilleures pratiques signé par American Express, Discover, MasterCard,
PayPal et Visa destiné à priver les entreprises en ligne qui vendent ou diffusent des contenus
illicites des services de traitement des cartes de paiement132.

Un engagement de l’Association of National Advertisers et de l’American Association of
Advertising Agencies de refuser de financer le piratage en ligne et la contrefaçon par des
recettes publicitaires133.
Ces initiatives et d’autres initiatives à caractère volontaire sont décrites dans les sections qui suivent.
Le « Copyright Alert System »
Aux États-Unis, le Copyright Alert System (CAS) résulte d’un protocole d’accord signé en juillet 2011
par des prestataires de services Internet – dont Verizon, AT&T, Comcast et Time Warner Cable –, des
organisations de l’industrie des contenus – dont Motion Picture Association of America (MPAA) et The
Recording Industry Association of America (RIAA) – et des titulaires de droits d’auteur comme EMI,
Walt Disney, Sony et Universal. Ce système est conçu pour lutter contre une forme spécifique de
piratage en ligne : l’utilisation de réseaux P2P pour distribuer des contenus vidéo et audio portant
atteinte aux droits d’auteur134.
Le protocole d’accord prévoyait la création du Center for Copyright Infringement (CCI), qui a été
ouvert en février 2013. Il a pour mission d’élaborer un programme éducatif visant à informer le public
sur les lois qui régissent la contrefaçon des droits d’auteur et à encourager l’utilisation de contenus
licites. Le CCI déclare qu’ « il est de la responsabilité des abonnés de veiller à ce que leur compte
Internet ne soit pas utilisé pour porter atteinte à des droits d’auteur » et demande aux prestataires de
services Internet de restreindre l’accès aux connexions Internet des contrevenants récidivistes.
Dans le cadre du système proposé, il appartient aux propriétaires de contenus de surveiller les sites
P2P pour identifier si des contrefaçons de leurs œuvres (œuvres musicales, films, programmes
BENEFICIER SANS PAYER – 28
télévisés, par exemple) sont diffusées via les réseaux P2P. Si tel est le cas, ils envoient une notification
au prestataire de services Internet concerné, et ce dernier la transmet à l’abonné Internet sous forme
d’une alerte d’atteinte à des droits d’auteur (Copyright Alert). Le système d’alertes, surnommé « the
six strikes initiative », comporte sept phases. Il convient de noter que ses premières phases visent à
éduquer le consommateur sur les répercussions de ses actions illicites et que ses phases ultérieures
sont des ripostes de sévérité croissante.
Ainsi, lorsqu’un utilisateur ne cesse pas ses téléchargements illicites après plusieurs avertissements,
les prestataires de services Internet signataires du protocole peuvent prendre des mesures
temporaires qui influent sur l’expérience de l’abonné Internet : réduction temporaire du débit de la
connexion, rétrogradation temporaire de la catégorie de services Internet, redirection de l’abonné
vers une page d’accueil qui l’avertit des conséquences d’une atteinte aux droits d’auteur ce jusqu’à ce
qu’il entre en contact avec le prestataire de services Internet ou bien suive un programme éducatif en
ligne sur les droits135.
Le Copyright Alert System peut aussi employer les technologies les plus récentes non seulement pour
lutter contre les contenus non autorisés mais aussi pour offrir aux propriétaires de contenus des outils
permettant de transformer les téléchargements illégaux en opportunités de transactions licites. En
août 2013, le magazine américain Variety, consacré à l’industrie du spectacle, a signalé que Comcast,
l’un des signataires du protocole d’accord, avait mis au point une technologie qui offre aux utilisateurs
de contenus non autorisés la possibilité d’accéder à des versions licites du contenu illégal qu’ils sont
en train de télécharger136. Il notait que la nouvelle technologie de Comcast pourrait ou non devenir
une initiative officielle du Copyright Alert System (CAS) ou du Center for Copyright Infringement (CCI).
Variety ajoutait que « le CCI a été informé de l’initiative de Comcast et pourrait se joindre à sa mise en
œuvre137 ».
Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer si le Copyright Alert System permettra une réduction significative
des vols de contenus sur les réseaux P2P, une caractéristique notable du système est son utilisation
créative des ripostes graduées : il prévoit des mesures d’éducation des nouveaux contrevenants mais
offre la possibilité d’employer des mesures plus sévères à l'encontre des contrevenants récidivistes. Ce
système fournit également une plate-forme favorisant une plus grande transparence et une plus
étroite collaboration entre les propriétaires de contenus et les prestataires de services Internet, tout
en laissant à ces derniers une souplesse significative quant à sa mise en œuvre138.
Meilleures pratiques volontaires des prestataires de services de paiement
Comme il a été précédemment noté, de nombreux sites Web qui portent atteinte aux droits d’auteur
s’appuient sur les prestataires de services de paiement et de services de cartes de paiement pour
collecter les abonnements, les transactions et les donations. Comme le souligne le rapport Detica,
présenté à la section II.A du présent document, l’utilisation de services de traitement des cartes de
paiement est particulièrement répandue sur les sites d’achat d’œuvres musicales illicites.
Afin de s’attaquer à ce problème, plusieurs grandes sociétés de cartes de crédit – parmi lesquelles
American Express, Discover, MasterCard, PayPal et Visa –, en coordination avec les services de police
de la ville de Londres, se sont volontairement engagées à respecter un ensemble de saines pratiques
destinées à priver de services de traitement des paiements les sites qui diffusent des contenus et
marchandises illicites139. Ces pratiques exemplaires prévoient notamment des procédures d’examen
des plaintes des titulaires de droits et d’interruption des services de paiement pour les sites qui
continuent leurs pratiques illicites. Les procédures adoptées dans le cadre de cet accord permettent
également aux titulaires de droits d’entrer directement en contact avec les prestataires de services de
paiement et de leur adresser une plainte140 :
BENEFICIER SANS PAYER – 29

précisant l’adresse du site Web, les pages du site sur lesquelles portent les allégations de vente de
matériels illicites et l’identification précise du matériel illicite ;

apportant la preuve que les services de paiement du prestataire sont utilisés pour acheter le
matériel argué de contrefaçon ;

accompagnée, le cas échéant, d’une copie de la notification d’atteinte aux droits d’auteur (prévue
par le Digital Millenium Copyright Act – DMCA) ou de la lettre de mise en demeure de cesser
l’atteinte aux droits d’auteur adressée au commerçant soupçonné de se livrer à la contrefaçon ;

et comportant une déclaration attestant que le titulaire des droits d’auteur possède effectivement
les droits attachés aux matériels illicites.
Nombre des intéressés, y compris au sein de l’industrie des contenus, ont fait l’éloge de cet accord
volontaire qui renforçait les échanges et la transparence entre les prestataires des services de
paiement, les titulaires de droits d’auteur et les instances chargées de l’application des lois et qui
simplifiait la prise de mesures constructives et efficaces par rapport au coût à l’encontre des
entreprises portant atteinte aux droits d’auteur, ce sans imposer des charges illégitimes aux
prestataires de services de paiement. Ainsi, la Fédération internationale de l’industrie phonographique
(IFPI) a déclaré à propos de cette initiative :
« Il est extrêmement positif pour l’industrie de la musique enregistrée que les plus
importants système de paiement du monde prennent des mesures pour éviter que leurs
services soient utilisés de façon abusive par des sites Web illégaux qui portent atteinte
aux droits des artistes, des auteurs et des producteurs. Des intermédiaires, comme
MasterCard et Visa, peuvent jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le piratage, de
quelque pays du globe qu’elle provienne. Nous saluons le rôle essentiel des services de
police de la ville de Londres dans la coordination du programme. Ils démontrent ainsi
qu’ils sont conscients que ces sites Web “voyous” ont des effets réducteurs sur l’emploi et
la croissance, au Royaume-Uni et dans le monde entier141 . »
Les prestataires de services de cartes de paiement ont également soutenu cette initiative. Eileen
Simon, World Chief Franchise Development Officer chez MasterCard, a ainsi déclaré à ce propos :
« [...] une méthode comme celle-ci, qui allie les efforts des différentes parties prenantes, nous
permettra d’éviter que notre système ne soit utilisé pour se livrer à des activités illicites et contribuera
à protéger les moyens de subsistance des artistes, des titulaires de droits légaux et les sociétés de
commerce électroniques licites qui vendent des matériels sous licence142. »
Lignes directrices des meilleures pratiques pour les réseaux publicitaires
Ainsi que le notait le rapport Detica, présenté à la section II.A du présent document, de nombreux
sites Web illicites s’appuient sur la publicité pour générer les recettes nécessaires au financement de
leurs activités illégales. La publicité joue « un rôle déterminant » pour au moins trois des segments
identifiés par le rapport. Il apparaît que parmi les sites passerelles de télévision en direct, qui ont le
modèle d’activités qui progresse le plus rapidement, 67 % sont financés par la publicité et que parmi
les sites de communautés P2P, le modèle d’activités en deuxième position pour la rapidité de sa
croissance, 86 % génèrent des recettes publicitaires143.
Étant donné que la publicité et les réseaux de publicité en ligne procurent les ressources financières
nécessaires à un très grand nombre de sites Web illicites, la coalition, formée en juillet 2013, par
huit réseaux publicitaires, des entreprises de technologie et d’importants propriétaires de contenus a
été accueillie comme une bonne nouvelle. Coordonné par Victoria Espinel, l’ancienne coordinatrice du
BENEFICIER SANS PAYER – 30
respect de la propriété intellectuelle des États-Unis, et par l’Interactive Advertising Bureau (IAB)
Royaume-Uni, le document intitulé Best Practices Guidelines for Ad Networks a été signé par plusieurs
prestataires de services de publicité en ligne, parmi lesquels 24/7 Media, Adtegrity, AOL, Conde Nast,
Google, Microsoft, Yahoo! et SpotXchange144.
Comme l’a remarqué Mme Espinel dans un récent billet de blogue, les « meilleures pratiques » sont
destinées « à lutter contre le piratage en ligne en réduisant les recettes publicitaires des opérateurs de
site qui s’adonnent de façon significative au piratage et à la contrefaçon145 ». Les signataires des
réseaux publicitaires s’engagent à respecter quatre saines pratiques :
1. Mettre en œuvre des mesures d’éviction des sites Web qui s’adonnent principalement à la
vente de marchandises contrefaites et au piratage de droits d’auteur et dont la participation
aux programmes publicitaires des réseaux publicitaires n’est pas motivée par des activités
licites substantielles et afficher sur leur site Web cette politique.
2. Tenir à jour et afficher les lignes directrices des meilleures pratiques sur leur site Web.
3. Insérer des clauses dans leur politique rappelant que les clients des sites Web ne doivent pas
violer la Loi.
4. Prendre part à un dialogue permanent avec les créateurs de contenus, les détenteurs de
droits, les organisations de défense des consommateurs et les militants de la liberté
d’expression146.
Les annonceurs et les intermédiaires en ligne ont, de façon générale, fait l’éloge de ces meilleures
pratiques. Randall Rothenberg, directeur général de l’Interactive Advertising Bureau (IAB), a ainsi
déclaré : « La réunion de parties disparates autour de la même table nous a permis de définir des
lignes directrices qui assurent une protection rigoureuse des droits d’auteur tout en permettant à
l’économie numérique de s’épanouir147 . » Susan Molinari, vice-présidente des politiques publiques et
des relations avec l’administration chez Google, a été du même avis : « grâce à leur action sur
l’ensemble de l’industrie, ces meilleures pratiques devraient tout à la fois permettre de réduire
l’attrait financier que représentent les sites pirates, grâce au tarissement de leurs sources de recettes,
favoriser un Internet sain et promouvoir l’innovation148. »
En revanche, la réaction de l’industrie des contenus a été moins enthousiaste. Les créateurs de
contenus font observer que les réseaux publicitaires qui sont les principaux coupables d’annonces
publicitaires sur les sites illégaux ne figurent pas parmi les membres de la coalition149. Ils sont aussi
d’avis que les « meilleures pratiques » imposent aux titulaires de droits d’auteur des obligations trop
lourdes d’identification des sites vendeurs de contenus piratés et ne sont pas suffisamment exigeantes
à l’égard des prestataires de services de publicité et, par conséquent, qu’elles représentent seulement
un « pas en avant » dans la lutte contre le piratage en ligne150. Il convient aussi de noter que – à la
différences des mesures mises en œuvre par le Copyright Alert System et par les prestataires de
services de paiement – le marché sur lequel s’exerce cette initiative est dominé par la société Google
qui, de toute évidence, montre fort peu d’empressement à assumer des responsabilités autres que
celles imposées par la législation.
Une autre stratégie, peut-être plus efficace, a été lancée en 2013 au Royaume-Uni par l’Institute of
Practitioners in Advertising (IPA) et The Incorporated Society of British Advertisers (ISBA)151. Elle
réunit un groupe pilote de 13 intermédiaires de la publicité – dont Glam Media, Quantcast et Adap.tv
–, qui se sont engagés à faire évaluer, de façon indépendante, les politiques de sécurité de leur
marque. Cette initiative prometteuse encourage l’utilisation de technologies de tierces parties,
BENEFICIER SANS PAYER – 31
comme l’outil d’évaluation des risques en ligne White Bullet, qui alertent les annonceurs lorsque leur
marque apparaît sur des sites Web qui porte atteinte aux droits de propriété intellectuelle.
Solutions technologiques
Les solutions technologiques sont un autre domaine où des actions volontaires, à l’initiative du
marché, permettraient d’accomplir des progrès dans la lutte contre les atteintes aux droits d’auteur.
Aujourd’hui, certaines sociétés – comme, par exemple, Audible Magic et Vobile – proposent des outils
et services automatisés qui peuvent aider les réseaux de contenus en ligne à efficacement identifier
les fichiers qui semblent porter atteinte aux droits d’auteur. Ces services, qui associent des empreintes
numériques à d’autres technologies, permettent aux opérateurs de scanner les contenus qui sont
stockés ou diffusés sur leur réseau, puis de prendre des mesures pertinentes comme le blocage de
l’accès aux contenus illicites.
Les efforts déployés par le CEPIC (Centre of the Picture Industry) et par l’ASMP (American Society of
Media Photographers), tous deux membres de l’ICOMP, offrent un autre exemple utile de la façon
dont des solutions technologiques associées à des initiatives volontaires peuvent produire des
résultats mesurables (voir l’encadré d’étude de cas). De telles solutions et des solutions
technologiques similaires pourraient bien constituer la parade la plus efficace à l’utilisation abusive de
la technologie par les voleurs de contenus.
Étude de cas – Le CEPIC et l’ASMP
D’excellentes photographies et images sont une source d’information, d’émerveillement
et de plaisir. Elles font vivre les mots et transforment les faits en événements. Elles font
partie de notre tissu culturel. Les droits d’auteur sont le moteur qui alimente la
photographie. Sans protection efficace des droits d’auteur, les photographes ne peuvent
contrôler la réutilisation de leurs œuvres et ne peuvent donc bénéficier de leur pleine
valeur commerciale. Or, aujourd’hui, les copies illicites d’images figurent parmi les œuvres
en ligne les plus fréquemment partagées.
Pendant des décennies le CEPIC et l’ASMP, membres de l’ICOMP, ont représenté les
intérêts des photographes en Europe, aux États-Unis et dans le monde entier. Afin de
lutter contre le vol d’images en ligne, le CEPIC et l’ASMP introduisent des innovations et de
saines pratiques pour permettre aux photographes de suivre et de tirer des revenus de
leurs images protégées par des droits d'auteur, y compris lorsque celles-ci font l'objet
d'usages dérivés. Leurs efforts ont été déployés en coopération avec la Commission
européenne, The Copy Right Hub britannique, la Linked Content Coalition, l’Office
américain des droits d’auteur (US Copyright Office), et des associations professionnelles
européennes et américaines.
BENEFICIER SANS PAYER – 32
La LCC (Linked Content Coalition) est une alliance de partenaires de contenus tels qu’Axel
Springer, Hachette Livre, Gruppo Expresso et Pearson. Pour favoriser la gestion
automatisée des droits en ligne, elle a élaboré un Modèle de référence des droits, qui
identifie les œuvres en ligne et établit une sorte de bourse de droits d’auteur numérique
et qui définit un ensemble de meilleures pratiques pour déterminer comment les
utilisateurs peuvent accéder aux données relatives aux droits et acquérir des licences. La
LCC ne crée pas de nouvelles normes, mais offre une structure d’interopérabilité, qui
permet aux industries créatrices d'utiliser leurs propres normes. Ce modèle est
présentement testé par le biais du projet Rights Data Integration, qui est cofinancé par la
Commission européenne.
L’importance de la concurrence
Aujourd’hui, des secteurs clés de l’Internet sont dominés par le pouvoir de marché d’une seule
entreprise, dont les actions ont une incidence démesurée sur les autres acteurs du marché. Lesdites
actions ne laissent aux créateurs que peu d’influence pour préconiser des solutions volontaires et
n’encouragent guère les acteurs plus modestes à souscrire à de nouvelles obligations. L’absence de
concurrence peut également prévenir l’émergence de nouvelles technologies ou pratiques
commerciales qui pourraient favoriser des ripostes plus efficaces au piratage en ligne.
Ainsi qu’il a été précédemment noté, Google occupe une position dominante dans les services de
recherche en ligne, y compris sur presque tous les grands marchés de l’Europe. YouTube est le leader
du marché des vidéos en ligne et n’est que très peu concurrencé par les vidéos créées par des
utilisateurs. Google ne cesse d’accroître sa position dominante en matière de publicité en ligne, qui
s’apparente peut-être à une position de quasi-monopole.
Aussi, si les solutions à l’initiative du marché revêtent un caractère positif, il convient de ne pas oublier
que sur les marchés dénués de concurrents, il peut se révéler difficile de convaincre l’entreprise
dominante d’adhérer à des accords volontaires, et de tels accords ont peu de chances d’être efficaces.
Le problème est double. En premier lieu, du fait de leur pouvoir de marché, les entreprises en position
dominante sont généralement peu sensibles aux pressions en faveur de pratiques commerciales
responsables, particulièrement lorsque celles-ci sont susceptibles d’engendrer des coûts
supplémentaires ou de réduire les recettes. En second lieu, aucune entreprise ne peut se permettre
d’assumer de telles responsabilités alors que le leader du marché s’y refuse, car les perspectives d’une
véritable concurrence s’en trouveraient fortement amenuisées.
Cette considération constitue un argument supplémentaire en faveur de la lutte contre les ententes.
Elle souligne aussi le rôle essentiel que peuvent jouer les autorités comme, par exemple, les services
de police de la ville de Londres ou la coordinatrice du respect de la propriété intellectuelle, aux ÉtatsUnis. L’industrie et les associations professionnelles doivent concourir à exercer des pressions sur les
entreprises en position dominante pour qu’elles modifient leur comportement. Si les coalitions à
l’initiative du marché sont, par définition, volontaires, il est vital que les leaders du marché y
participent activement et prennent une place de premier rang dans la recherche de solutions
satisfaisantes pour toutes les parties.
La mise en œuvre de mécanismes volontaires et de saines pratiques a certes permis d’accomplir des
progrès, mais il reste encore beaucoup à faire pour contrer la propagation du piratage en ligne. C’est
pourquoi la section finale de ce document présente cinq initiatives qui, à notre avis, peuvent
efficacement tirer parti des succès obtenus par les solutions à l’initiative du marché que nous venons
d’examiner dans la présente section.
BENEFICIER SANS PAYER – 33
Principes directeurs relatifs aux initiatives pour l’avenir
Les initiatives décrites ci-dessus témoignent de l’ampleur des progrès accomplis dans la lutte contre le
piratage en ligne. Elles n’en sont, à divers degrés, qu’à leurs premières phases de mise en œuvre, et il
est encore trop tôt pour déterminer celles qui se révéleront efficaces.
Il n’est en revanche pas trop tôt pour en tirer les enseignements et des orientations pour l’avenir. Les
principes exposés ci-dessous cherchent à mettre en relief les mesures les plus fructueuses de l’univers
des initiatives volontaires et des saines pratiques. Ils ne sont pas destinés à clore la discussion, mais
plutôt à l’enrichir. Dans l’idéal, ils pourraient contribuer à l’élaboration d’un consensus dans
l’écosystème Internet, servir de base au développement d’autres mécanismes volontaires et,
finalement, être bénéfiques aux utilisateurs grâce à la dynamisation de l’innovation dans les services
en ligne et à un élargissement de l’accès aux films, œuvres musicales, livres et autres œuvres
créatrices d’excellente qualité que la planète peut nous offrir.
1. Les titulaires de droits d’auteur et les intermédiaires en ligne ont pour intérêt commun de
long terme de promouvoir l’accès des consommateurs aux sources de contenus légitimes et
de lutter contre le piratage en ligne.
Les titulaires de droits d’auteur et les intermédiaires en ligne – notamment les prestataires de services
de recherche, les prestataires de services de paiement et les réseaux publicitaires – sont tributaires de
l’existence d’un cercle vertueux : les innovations des intermédiaires offrent aux consommateurs de
nouvelles modalités d’utilisation des contenus, qui dynamisent la demande en nouveaux contenus des
utilisateurs. La plus grande richesse des contenus incite les consommateurs à adopter les nouvelles
technologies et à utiliser les services qui leur permettent d’accéder auxdits contenus. Les titulaires de
droits d’auteur et les intermédiaires en ligne ont donc un intérêt commun sur le long terme : favoriser
l’accès des consommateurs à des sources légitimes de contenus et lutter contre le piratage en ligne.
2. La mise en œuvre de solutions doit respecter la législation en vigueur, les exceptions aux
droits d’auteur et aux droits voisins (qui, aux États-Unis, sont désignées par le concept de
« fair use »), la vie privée et la liberté d’expression ainsi qu’assurer la préservation d’une
saine concurrence et des garanties prévues par la Loi.
Il est de l’intérêt de tous les acteurs en ligne de préserver les exceptions aux droits d’auteur et aux
droits voisins dans la mesure où elles accordent aux consommateurs la « marge de tolérance » dont ils
ont besoin pour jouir pleinement des copies d’œuvre licites. Les solutions volontaires doivent être
suffisamment souples pour promouvoir une saine concurrence et préserver les intérêts des
utilisateurs quant au respect de la vie privée, de la liberté d’expression et des garanties accordées par
la Loi.
3. Les titulaires de droits d’auteur et les intermédiaires en ligne doivent concevoir des solutions
qui favorisent la transparence et qui mettent en œuvre des mesures efficaces, d’un excellent
rapport coût/avantage.
Les initiatives volontaires couronnées de succès ont pour caractéristique de favoriser la
communication et la transparence entre les créateurs de contenus et les intermédiaires en ligne. La
transparence est génératrice de confiance et évite les initiatives isolées qui sont inefficaces et
imposent un fardeau excessif aux tiers.
BENEFICIER SANS PAYER – 34
4. Des ripostes graduées peuvent être plus efficaces et préserver les intérêts des
consommateurs.
Certains piratages en ligne peuvent être fortuits tandis que d’autres – particulièrement lorsqu’ils sont
le fait d’acteurs commerciaux – sont intentionnels et répétés. Pour les utilisateurs de la première
catégorie, les initiatives mises en œuvre jusqu’à présent établissent qu’une éducation peut suffire à
modifier les comportements, tout particulièrement lorsqu’elle est associée à des offres d’accès aux
contenus licites. Toutefois, nombre de créateurs estiment qu’il est difficile de contrecarrer
efficacement les contrevenants récidivistes, particulièrement lorsqu’ils sont mus par des
considérations financières. Il convient donc de consacrer davantage d’efforts à l’élaboration de
solutions qui réduisent la capacité des contrevenants récidivistes à utiliser les intermédiaires en ligne
pour financer leurs activités illégales.
5. La « charge » doit être conduite par les principaux acteurs du marché.
L’efficacité des solutions à l’initiative du marché est conditionnée par l’existence d’un marché ouvert.
Or, certains secteurs de l’économie Internet sont présentement dominés par une seule société au
pouvoir de marché très important. Les solutions volontaires ne seront efficaces que si les leaders du
marché y participent activement et prennent la « tête de la charge » visant à réduire l’utilisation
abusive que les contrefacteurs font de leurs services.
BENEFICIER SANS PAYER – 35
Conclusion
Comme il l’a été décrit dans le présent rapport, l’âge d’Internet est à la fois le meilleur et le pire de
tous les âges pour l’économie créative. S’il a engendré une croissance sans précédent de l’accès des
consommateurs aux contenus et étendu leurs possibilités d’en bénéficier, il a aussi déclenché la
floraison d’entreprises fondées sur le piratage, qui affaiblissent la viabilité économique de secteurs
très importants comme ceux de la musique enregistrée, du cinéma, de l’édition, de la photographie
et de la presse.
Que nous réserve l’avenir ? Sommes-nous à l’aube d’une renaissance culturelle ou d’un retour à l’âge
des ténèbres ?
Les deux scénarios sont possibles. Toutefois, le présent rapport est optimiste quant aux perspectives
de notre économie créative à l’âge d’Internet. Comme les conséquences destructrices des entreprises
fondées sur le piratage sont de plus en plus manifestes, les principaux acteurs responsables du
secteur – qu’il s’agisse des entreprises de médias ou de technologie, des autorités chargées de
l’application de la Loi ou encore des regroupements de prestataires de services publicitaires –
commencent à reconnaître que si la Loi fixe d’importantes règles de base, elle ne peut à elle seule
combattre ce fléau. Dans bien des cas, ces secteurs se sont associés pour définir des mécanismes
volontaires et de saines pratiques à même de combattre les entreprises en ligne fondées sur le
piratage.
Mais notre optimisme demeure timide. Il apparaît qu’une collaboration beaucoup plus large est
nécessaire, particulièrement pour bénéficier du pouvoir des entreprises dominantes dans la lutte
contre l’épidémie du piratage en ligne. Nous pensons que, tout comme pour l’économie Internet,
l’innovation est déterminante. Cette guerre ne peut être gagnée en s’accrochant au statu quo. Pour
vaincre le piratage en ligne, les industries créatives et les industries de technologie doivent
collectivement changer les règles du jeu. Elles doivent dissuader les pirates en ne cessant de créer des
perturbations. Et la charge doit être conduite par les principaux acteurs du marché.
Les enjeux ne sauraient être plus importants. L’issue de la bataille déterminera l’avenir économique
et culturel de la création au XXIe siècle et au-delà. Si les entreprises fondées sur le piratage
l’emportent, des millions de gens perdront leur emploi et un plus grand nombre encore de millions
de consommateurs perdront la possibilité d’accéder à des livres, des chansons et des films de
qualité. Non, les enjeux ne peuvent pas être plus élevés. C’est une guerre qu’il nous faut gagner !
BENEFICIER SANS PAYER – 36
À propos de l’auteur
Andrew Keen est un entrepreneur Internet. Il a fondé la société Audiocafe.com en 1995, qui est
devenue une société Internet de première génération très appréciée. Il est présentement l’animateur
de la célèbre émission d’entretiens télévisés « Keen On » sur Techcrunch TV, chroniqueur sur CNN et
commentateur régulier pour un grand nombre de journaux et de réseaux radiophoniques et
télévisuels du monde entier. Il est aussi un conférencier renommé, qui traite régulièrement de
l’impact des technologies numériques sur le monde des affaires, l’éducation et la société du
XXIe siècle. Il a écrit deux ouvrages : Le culte de l’am@teur – Comment Internet tue notre culture, qui a
remporté un succès international et a été traduit dans 17 langues, et DIGITAL VERTIGO: How Today’s
Social Revolution Is Dividing, Diminishing and Disorienting Us, une critique des médias sociaux
contemporains, génératrice de controverses.
BENEFICIER SANS PAYER – 37
À propos d’ICOMP
ICOMP (The Initiative for a Competitive Online Marketplace) est une initiative de l’ensemble de notre
secteur d’activités, qui regroupe les organisations et les entreprises liées au commerce Internet. Notre
mission générale est d’œuvrer en faveur d’un large soutien des principes qui sont essentiels à un
marché en ligne sain et concurrentiel. À cette fin, nos efforts sont axés sur quatre principaux objectifs :
la protection des données personnelles, la sécurité des données, le respect de la propriété
intellectuelle et une saine concurrence.
70 entreprises, associations professionnelles, associations de consommateurs et individus, implantés
en Europe, aux États-Unis, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient sont membres d’ICOMP. Le
Conseil d’ICOMP se compose d’entreprises internationales telles que ProSiebenSat.1, la FA Premier
League (championnat d’Angleterre de football), Microsoft, Nextag, Buscapé et Mediaset,
d’organisations membres telles que CEPIC, PPL, ASSOFT, ASMP et VIR ainsi que d’entreprises de taille
moyenne et de petite taille telles que Foundem, Streetmap, Bottin-Carto, Emarketing Experts et One
News Page. Il compte 30 entreprises et organisations.
BENEFICIER SANS PAYER – 38
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