Vincent Auzas - Rails et histoire

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Vincent Auzas - Rails et histoire
Mémoires de la Résistance chez les cheminots
1944–1948
Vincent Auzas
Etudiant en histoire
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Comme l’a évoqué Christian Chevandier au cours son intervention, en juin 2000, et dans sa
contribution aux actes du 8e colloque de l’AHICF, la question de la Résistance des cheminots
revient systématiquement à chaque évocation de la Seconde Guerre mondiale 1 . C’est dans la
continuité des recherches de Christian Chevandier que s’inscrit l’objet des miennes, effectuées dans
le cadre d’une maîtrise d’histoire contemporaine soutenue en octobre 2000 à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne2. En effet, il s’agissait pour moi d’aborder la question de la mémoire de la
résistance des cheminots dans les limites des quatre premières années qui ont suivi la Libération
(septembre 1944–décembre 1948). La réunion de ce colloque m’a permis de prendre conscience de
la réelle permanence du sujet. Les réactions suscitées par les diverses interventions démontrent, s’il
en est encore besoin, que l’évocation de l’ensemble des thèmes touchant à la Seconde Guerre
mondiale, même ceux qui sont spécifiques à la SNCF, éveille, encore aujourd’hui, beaucoup de
passion chez les survivants, chez leurs représentants, et dans le public en général.
Le travail effectué pour la maîtrise consistait à étudier la mémoire de la Résistance chez les
cheminots, sa construction, ses enjeux. Il fallait alors avant tout se demander s’il y avait eu, dans les
premières années suivant le conflit, une ou plusieurs démarches de construction de la mémoire de la
résistance des cheminots. Si l’existence de ces démarches était avérée, il était alors intéressant de se
demander si elles représentaient des enjeux pour les différents intervenants et lesquels. J’ai donc
dans un premier temps orienté ma recherche vers l’étude de journaux issus du monde des
cheminots : Notre Métier, publication illustrée hebdomadaire de l’entreprise, La Tribune des
cheminots, mensuel puis bimensuel de la Fédération des cheminot C.G.T., Le Cheminot de France,
qui reparaît en octobre 1944, expression de la C.F.T.C., et Le Rail Syndicaliste, publié à partir de
1947, par la C.G.T.-F.O. A cette presse il a été possible d’ajouter un certain nombre d’archives
auxquelles j’ai pu accéder dans différents centres de recherche comme l’Institut d’histoire sociale
de la Fédération nationale des cheminots ou le Centre d’archives interfédéral de la C.F.D.T.
L’étude de la presse ne peut se passer d’un traitement informatique des données recueillies
qui, d’une part, permet une vision globale des données fournies par ces quatre collections et, d’autre
part, permet de dégager une éventuelle évolution des éléments dégagés par leur analyse. En cela
Denis Peschanski 3 m’a, à travers sa thèse, montré quels potentiels on pouvait tirer de l’outil
informatique en histoire. Il me fallait donc établir une unité commune permettant les comparaisons.
J’ai pris comme postulat que toutes les informations, quelle que soit la forme sous laquelle elles
étaient transmises – articles, petites annonces, illustrations… – pouvaient être pertinentes pour mon
travail et devaient donc être comptabilisées au même titre, dans la mesure où l’on ignore – et où on
ne peut apprécier ni convertir en une grandeur que les calculs puissent prendre en compte – les
lectures qu’en faisaient les lecteurs habituels ou occasionnels de ces journaux. On a donc regroupé
sous le terme d’“ entrée ” (préféré à celui d’article) toutes les informations distinguées par la
typographie apparaissant dans les journaux, conférant ainsi la même valeur, du point de vue de
l’analyse, aux articles de fond comme aux petites annonces. Dès lors, il était possible de conférer à

V. Auzas n’avait pas encore soutenu son mémoire de maîtrise en juin 2000, ce qui l’avait empêché de proposer une
communication au Comité de programme du colloque. Dans la mesure où il a traité la période suivante dans sa
communication, Christian Chevandier a souhaité que soit jointe aux actes du colloque cette présentation, par son auteur,
des résultats de sa recherche sur les années 1944-1948 [n.d.l.r.].
1
Voir la contribution de Christian Chevandier au présent volume.
2
Vincent Auzas, La Mémoire de la Résistance chez les cheminots : construction et enjeux, septembre 1944 – novembre
1948, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, sous la direction de Jean-Louis Robert et Christian Chevandier,
université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2000, 182 p. (recherches soutenues par une bourse de l’AHICF).
3
Denis Peschanski, Et Pourtant ils tournaient. Vocabulaire et stratégie du P.C.F. (1934-1936), Publications de
l’INALF, coll. “ Saint-Cloud ”, Klincksieck, Paris, 1988, 252 p.
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chacunes de ces entrées plusieurs caractères qui allaient permettre de les comparer. J’obtenais ainsi,
pour chaque collection, une base de données regroupant pour chaque entrée un certain nombre
d’informations : son titre, son auteur (s’il était indiqué4), sa position dans le journal, sa rubrique
d’origine, le sujet traité, la mention - ou l’absence de mention - par l’entrée considérée de la
résistance des cheminots. Le traitement des informations publiées par les quatre journaux est
exprimé par des tableaux statistiques qui permettent de mettre en évidence un certain nombre
d’éléments qu’il faut ensuite analyser. A ces éléments il fallait, pour affiner la réflexion, joindre les
autres sources qui ont été mises à ma disposition par les diverses associations et syndicats qui m’ont
ouvert leurs portes.
Dans un premier temps ces outils m’ont permis de constater que la résistance des cheminots
représentait un sujet à part entière pour ces journaux. Si l’on se place à une échelle annuelle, on voit
apparaître deux traits particuliers :
Le
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50
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C h e m in o t d e F r a n c e
R a il S y n d ic a lis t e
T r ib u n e d e s C h e m in o t s
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Figure 1. Évolution annuelle du pourcentage d’entrées évoquant la Résistance dans les quatre journaux étudiés
septembre 1944 - décembre 1948
D’une part, on remarque que la courbe qui décroît le plus régulièrement est celle de Notre
Métier. Ainsi, si ce journal n’est pas celui qui fournit le plus haut pourcentage d’entrées évoquant la
résistance des cheminots en 1944, l’évolution de leur fréquence le placera au même niveau, voire à
un niveau supérieur aux autres journaux à partir de 1946. D’autre part, ce sont les journaux
provenant des mouvements syndicaux, La Tribune des cheminots (C.G.T.) et Le Cheminot de
France (C.F.T.C.) qui, en 1944, présentent les plus forts pourcentages d’entrées faisant référence à
la résistance des cheminots. Toutefois les courbes de la fréquence de ces entrées sont celles qui
décroissent le plus rapidement.
On peut alors détailler ces évolutions en étudiant ces fréquences pour chaque journal à
l’échelle du numéro :
4
La plupart des articles présentés par le journal Notre Métier sont anonymes, même si une liste de “ rédacteurs ” de la
rubrique “ Nos Echos ” est publiée à deux reprises.
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22/09/47
22/07/47
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Figure 2. Évolution du pourcentage d’entrées évoquant la résistance des cheminots
dans Notre Métier, septembre 1944 - décembre 1948
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01/03/48
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Figure 3. Évolution du pourcentage d’entrées faisant référence à la résistance des cheminots
dans La Tribune des cheminots, septembre 1944 - décembre 1948
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Figure 4. Évolution du pourcentage d’entrées évoquant la résistance des cheminots
dans Le Cheminot de France, octobre 1944 – décembre 1948
Nous excluons de cette analyse Le Rail syndicaliste car, pendant la période qui nous
concerne, ce journal n’a édité que deux entrées évoquant la résistance des cheminots.
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On peut alors constater que l’adoption d’une échelle plus précise rend l’allure générale de
ces courbes beaucoup plus accidentée que celle de la précédente. Par ailleurs, on peut mettre en
évidence un certain nombre de “ pics d’évocations ” qui permettent de différencier notre analyse
pour chacun des journaux. Ainsi, pour la La Tribune des cheminots, le premier pic apparaît au
tournant de l’année 1944-1945, quand le pourcentage des entrées qui font référence à la résistance
des cheminots atteint 63 %. C’est le moment où s’exprime la volonté de la Fédération de mettre en
place un premier bilan de son action syndicale, dans un contexte particulier : la situation en
Alsace-Lorraine et la poursuite du conflit armé, les réintégrations des “ Agents licenciés ou
révoqués pour des motifs étrangers à leur activité professionnelle ”5, les problèmes soulevés par la
constitution des comités d’épuration. En ce qui concerne Notre Métier, d’une part la courbe est plus
instable que celle qui analyse La Tribune des cheminots, en raison de la périodicité hebdomadaire
du titre. D’autre part, on note que la courbe ne dépasse le niveau, symbolique, des 50 % d’entrées
faisant référence à la résistance des cheminots qu’une seule fois pendant l’ensemble de la période. Il
s’agit d’un numéro, paru le 18 mai 1945, qui couvre la signature de l’Armistice du 8 mai de la
même année, au cours de laquelle la rédaction met en parallèle une importante mobilisation des
cheminots dans la Résistance et la mobilisation de l’entreprise dans la reconstruction matérielle. Le
taux atteint alors 67 % des entrées. La courbe établie pour Le Cheminot de France adopte une allure
qui lui est particulière. En effet, contrairement aux deux titres précédents, dès le quatrième numéro6
les entrées évoquant la résistance représentent un pourcentage nul. On remarque par ailleurs une
corrélation évidente entre des événements extérieurs au syndicat et certains “ pics ”. Par exemple,
les références à la résistance des cheminots du numéro du 10 février 1945 concernent surtout un
article d’André Paillieux à propos de l’assemblée consultative qui représente, pour lui, le reflet des
tendances qui existaient dans la Résistance ; ou encore, un second pic (à 23 %) est constaté à
l’occasion du compte rendu du premier conseil fédéral de la fédération cheminote C.F.T.C., des
funérailles de Pierre Sémard, et des comptes rendus des conseils d’Unions. Ces courbes nous ont
également permis, à l’inverse, de constater les éventuels effets d’événements particuliers.
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Après ce constat, résultat d’une étude strictement quantitative, j’ai porté mon attention sur
des éléments de nature différente. Ainsi, on ne peut s’intéresser à la question de la résistance chez
les cheminots sans constater, comme l’ont fait remarquer Christian Chevandier et Serge Wolikow7,
la place prépondérante qu’occupe Pierre Sémard dans ses expressions. Il me revenait de déterminer
quand cette figure de la Fédération nationale et du Parti communiste s’était imposée dans la
mémoire de la résistance des cheminots. En comparant les photographies de ses obsèques,
organisées le 10 mars 19458, et des articles parus dans la presse grand public9 ou professionnelle10,
on peut établir qu’il s’agissait bien d’abord des funérailles d’un cheminot, communiste de premier
plan ensuite, dirigeant syndical enfin. Il faut cependant rappeler que si le Parti communiste a pris
une part si importante dans l’organisation, puis joué un tel rôle lors du déroulement de ces
funérailles, c’est qu’il y trouvait un double intérêt. D’une part cela lui permettait de rassembler ses
militants autour d’un modèle ouvrier ; d’autre part d’“ effacer le pacte germano-soviétique ” afin de
bénéficier plus complètement de l’aura acquise dans la lutte clandestine, de l’image de “ parti des
fusillés ”, pour augmenter ses effectifs. Cette opération, soulignons-le, a été une réussite que l’on
peut mesurer au nombre des participants mobilisés et à l’affluence des spectateurs, qui se sont
déplacés en nombre, ainsi qu’à l’impact de ces funérailles dans la presse. Dans Notre Métier, on
relève ainsi un article intitulé “ Les cheminots ont fait d’émouvantes obsèques à Pierre Sémard11 ”,
5
La Tribune des Cheminots, janvier 1945.
Le Cheminot de France, janvier 1945, n° 323.
7
Voir leur contribution au présent volume.
8
Le fond photographique concernant les obsèques de Pierre Sémard a été mis à ma disposition par l’Institut d’histoire
sociale de la Fédération nationale des cheminots (I.H.S.).
9
L’Humanité, vendredi 9 mars 1945 ; samedi 10 mars 1945 ; dimanche-lundi 12 mars 1945.
10
Notre Métier, 23 mars 1945 ; 16 mars 1946. Le Cheminot de France, 5 avril 1945. La Tribune des Cheminots, 20
mars 1945.
11
Notre Métier, 23 mars 1945.
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ou, dans Le Cheminot de France, un article signé par le Bureau Fédéral de la C.F.T.C. intitulé “ Une
victime de la barbarie allemande, Pierre Sémard ”. La reconnaissance que s’acquiert Pierre Sémard
à l’occasion de ses obsèques de la part du monde professionnel, syndical et politique confère à cette
cérémonie un statut d’événement fondateur de la mémoire de la résistance cheminote.
Si on a pu mettre en évidence, à travers La Tribune des cheminots, la volonté de la C.G.T. de
construire, dans un premier temps, une mémoire de la résistance des cheminots autour de l’image de
Pierre Sémard, la C.F.T.C. se distingue elle aussi par des caractères singuliers, quoique le syndicat
chrétien mette aussi en avant un groupe de martyrs qui lui est propre. Il s’agit, pour les cheminots
C.F.T.C., d’affirmer, d’imposer leur organisation dans les manifestations et, donc, dans le souvenir,
la mémoire de la Résistance, pour faire face à des organisations structurées qui ont déjà, en 1945,
fait reconnaître leur place sur la scène syndicale. L’action est menée sur deux fronts parallèles :
d’une part, la diffusion d’un discours, à l’occasion des diverses réunions du syndicat, visant à faire
prendre conscience de l’existence d’une résistance de la C.F.T.C. pendant l’Occupation, tout en
soulignant le particularisme des cheminots. D’autre part, une volonté de réunir des informations sur
les faits, appuyée par la publication d’un “ document relatif à l’action de nos camarades dans la
Résistance ”12. En quelque sorte, le syndicat recense ses résistants pour appuyer sa légitimité.
Plusieurs traits sont propres au troisième, et non au moindre acteur de cette histoire qu’est
Notre Métier. Contrairement à la Tribune des cheminots et au Cheminot de France qui fondent la
construction de la mémoire de la résistance des cheminots sur un nombre restreint de figures, Notre
Métier multiplie les exemples de cheminots résistants. Ainsi, pour la période qui va de septembre
1944 à mars 1946, les annonces de décorations conférées à des cheminots résistants représentent, à
elles seules, 31 % de l’ensemble des entrées faisant référence à la Résistance – à titre de
comparaison le thème de la reconstruction matérielle de l’entreprise ne représente que 5 % de ces
entrées. La multiplication des exemples est un procédé répété dans toutes les rubriques du journal et
va jusqu’à la publication de listes de noms. On peut y deviner les premières tentatives faites pour
instaurer l’une image d’une résistance corporative, puisque les exemples sont représentatifs de
toutes les activités de l’entreprise. Cette première impression est renforcée par les évidentes et
étroites relations existant entre le journal et Résistance-Fer. Cette association d’anciens résistants
est particulièrement mise en avant par Notre Métier qui la distingue de ses consœurs. Pendant les
quatre années que nous avons étudiées le journal diffuse toutes ses activités : expositions, galas de
bienfaisance, remises de décorations, cérémonies aux monuments aux morts…
Plusieurs acteurs se sont donc distingués dans le processus de construction de la mémoire de
la résistance des cheminots. Quelles relations ont-ils entretenues pendant la période étudiée ? Si, à
en croire Notre Métier, Résistance-Fer fait l’unanimité dans le monde des cheminots, cette
impression est battue en brèche par les réactions de la C.G.T. à son développement. En effet, dès le
congrès fédéral de la C.G.T. du mois d’août 1945, Thiriot, adhérent du syndicat de Paris-Ouest Rive
Gauche, manifeste des réticences vis-à-vis de l’association Résistance-Fer13. Ces inquiétudes sont
transcrites dans un article de la Tribune des cheminots, sous le titre évocateur de “ Mise en
garde ”14. Ces interventions ont en commun deux points essentiels. Le premier est la crainte de voir
se diviser les résistants, donc le poids politique qu’ils représentent ; le second la question du
souvenir de la Résistance, essentiellement la reconnaissance des faits de résistance émanant du
syndicalisme illégal dans la libération de Paris. Les deux documents posent le problème des dates
d’événements qui sont appelées à devenir des dates de commémorations :
“ Nous avons visité, au Palais de Berlitz, une exposition à laquelle participait “ Résistance-Fer ”. On
n’a pas dit que, dans la région parisienne, la grève avait commencé le 10 ; on dit qu’elle a
commencé le 17. Nous voulons que, quand on écrira l’histoire de la lutte des cheminots, on fasse
12
Archives interfédérales C.F.D.T. : I K 44, Lettre du Bureau fédéral “ Aux syndicats et groupes locaux ”, Paris, le 16
mai 1945.
13
I.H.S. Cheminots : Congrès fédéral des 5, 6 et 7 août 1945 tenu à Paris salle du Palais de la Mutualité. Compte rendu
sténographique, p. 35.
14
La Fédération des Cheminots, “ Mise en garde ”, La Tribune des Cheminots, novembre 1945.
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bien ressortir que la grève des cheminots a commencé le 10 août, qu’elle a été le prélude de
l’insurrection nationale15. ”
Cette réaction est d’autant plus importante qu’il s’agit de la première prise de position de la
C.G.T. concernant la mémoire de la résistance cheminote, au sens propre du terme. Elle s’exprime
sous la forme d’une revendication et non plus par la mise en avant de l’image de Pierre Sémard ou
des autres martyrs.
Les mouvements de grèves de 1947 ont motivé des interventions qui ont un rapport avec la
mémoire de la Résistance, ce qui est également significatif de sa construction. André Paillieux, dans
l’éditorial du numéro spécial consacré à la grève du Cheminot de France, , qualifie le mouvement
de novembre de “ tentative d’insurrection ”16 contre le gouvernement en place. De même, dans un
article intitulé “ Nous avions raison ! ”17, M. Garnier fait référence à la résistance des cheminots. Il
justifie le fait que la C.F.T.C. ne soit pas entrée dans le mouvement de grève par le même argument
que celui par lequel la Fédération avait en 1944 justifié son entrée dans la Résistance : “ au nom de
l’indépendance syndicale ”.
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Enfin, pour conclure, il est primordial de constater que dans l’immédiat après-guerre on voit
s’élaborer une image de la France résistante dans laquelle s’intègre celle des cheminots. La
mémoire ainsi construite n’a pas pour seule fonction de conserver le passé. Elle a aussi une fonction
cicatricielle car ce ne sont pas seulement les vies ou les vies filmées qui estompent les erreurs, les
errances, redonnent de l’énergie. Mais cette fonction correspond aux besoins d’un instant historique
précis, marqué par le traumatisme. Il faut donc, comme l’a fait Christian Chevandier, porter le
même regard sur les périodes qui suivent, notamment celles qui ont vu apparaître les premières
expériences de l’écriture d’une histoire de la résistance des cheminots.
15
16
17
I.H.S. Cheminots : Congrès fédéral, loc. cit.
André Paillieux, “ Apaisement ”, Le Cheminot de France, 15 janvier 1948, édition spéciale, p. 1.
M. Garnier, “ Nous avions raison ! ”, Le Cheminot de France, janvier 1948, p. 1.
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