276 P56-59-BORIS VIAN
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C et article recense quelques chansons qui vraisemblablement n’auraient pas été écrites si Bison Ravi, le poète de Saint-Germain-des-Prés, n’avait pas existé, s’il n’avait pas commis « J’Suis Snob » ou « J’Voudrais Pas Crever ». Ses principales reprises ont été sélectionnées avec les noms des interprètes, entre parenthèses après chaque titre. Les morceaux sont classés dans l’ordre chronologique, sauf en conclusion. 1955 Sur « On N’Est Pas Là Pour Se Faire Engueuler » (Philippe Clay) des Parisiens veulent voir un roi africain, mais ils se font refouler par les agents de police : On arrive sur le boulevard sans retard/ Pour voir défiler le roi de Zanzibar. Même au paradis, le narrateur ne supporte pas qu’on lui fasse des reproches : On n’est pas là pour se faire engueuler/ On est v’nu essayer l’auréole/ On n’est pas là pour se faire renvoyer/ On est mort, il est temps qu’on rigole/ Si vous jetez les ivrognes à la porte/ Il ne doit pas vous rester beaucoup d’monde. 1958 Dans « Ça Pince » (Henri Salvador), au lieu de dénicher des crabes dans les rochers, il rapporte une belle sirène bronzée dans son plumard. Ah, l’argot des années 50 ! Le « Blues Du Dentiste » ou « Blouse Du Dentiste » (Salvador toujours) conte une mésaventure arrivée au narrateur. Il est tombé sur un plombier qui donne un coup de main à un ami dentiste. On se croirait chez le bourreau : Il a les tenailles à la main/ Oh, oh, oh, maman, j’ai les guibolles en fromage blanc/ Avant même que j’aie pu faire ouf/ Il m’fait déjà sauter trois dents. Mais la torture n’est pas terminée : Il me grille la gueule au chalumeau, et le plombier lui prend toute sa paye. Une chanson de malchance et d’usurpation d’identité. « Moi J’Préfère La Marche A Pied » (Salvador encore) fait songer à « La Complainte Du Progrès » (1955) avec son avalanche de gadgets : Une bagnole pleine de trucs mécaniques/ Une tirette pour le whisky glacé/ Un bouton pour le beefsteak pommes frites. Bernard Lavilliers reprendra plus tard « La Complainte Du Progrès ». Sur « Trom 56 BORIS VIAN J’irai chanter sur ma tombe Retour sur Boris Vian, ses interprètes et l’influence qu’il a exercée au moment où on célèbre les 50 ans de sa disparition. Décédé d’une crise cardiaque en 1959, alors qu’il n’avait pas atteint la quarantaine, l’auteur de « L’Ecume Des Jours » n’était pas seulement un romancier. Il a écrit des chansons étonnantes et l’influence qu’il a eue sur les jeunes générations reste déterminante, essentielle, de Serge Gainsbourg à Antoine, en passant par Philippe Clay, Henri Salvador, un de ses grands potes, Serge Reggiani, Jacques Dutronc, Jacques Higelin ou Yves Simon. pette D’Occasion » (du fidèle Henri Salvador), le narrateur a déniché un vieil instrument au marché aux puces. En digne émule de Boris Vian, Serge Gainsbourg, dans « Le Poinçonneur Des Lilas », met l’accent sur un personnage anonyme : Le gars qu’on croise et qu’on ne regarde pas. On l’a relégué dans des enfers modernes : Y a pas de soleil sous la terre. Son métier est terriblement machinal : Paraît qu’y a pas de sot métier/ Moi j’fais des trous dans des billets. Son boulot est tellement répétitif qu’il en a des hallucinations : Parfois je rêve, je divague/ Je vois des vagues/ Et dans la brume au bout du quai/ J’vois un bateau qui vient me chercher. Il craque, rêve d’évasion : J’en ai marre, j’en ai ma claque/ De ce cloaque/ Je voudrais jouer la fille de l’air/ Laisser ma casquette au vestiaire. A la fin, le type devient suicidaire : Y a de quoi devenir dingue/ De quoi prendre un flingue/ S’faire un trou, un petit trou, un dernier p’tit trou. C’est une chanson tout à fait dans le style de celles de Boris Vian. La dette semble évidente. Dans « Charleston Des Déménageurs De Piano », autre titre à la Vian, Gainsbourg s’intéresse aux petits métiers bizarres, comme dans le morceau précédent. Il utilise les noms propres comme autant de mots poétiques, insolites : C’est nous les déménageurs de piano/ Des Steinway, des Pleyel et des Gaveau. Mais le reste du texte manque d’inspiration et tombe dans la trivialité. 1959 « Je Me Souviens De Vous » (Henri Salvador) est une chanson cafardeuse : Amie perdue, ma vie, mon cœur/ Voici que se ferment les fleurs/ Et voici que je pleure. Le personnage se sent trahi par son amie, les oiseaux en ont perdu leurs couleurs : Je vous ai vus dans le jardin, sa joue collée à votre joue/ Dans le verger plein d’oiseaux gris, s’est arrêtée ma vie. 1960 Sur « Faut Rigoler » (Henri Salvador), le chanteur, originaire de Guyane française, se moque des leçons d’Histoire inadaptées qu’il a reçues à l’école : il ne se sentait guère concerné par ces prétendus aïeux ! Nos ancêtres les Gaulois (il accentue sa prononciation créole)/ Cheveux blonds et têtes de bois/ Longues moustaches et