Compte rendu de l`intervention d`Agnès Duroyaume sur le film Pelo

Transcription

Compte rendu de l`intervention d`Agnès Duroyaume sur le film Pelo
 Compte rendu de l’intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo dans le cadre de la formation pour les professeurs de lycée agricole. PRESENTATION DE LA REALISATRICE Mariana Rondón (Venezuela, 1966) a étudié à Paris le cinéma d’animation et la vidéo d’art avec W. Wegman. Elle intègre la première promotion d’étudiants de l’EICTV (Escuela Internacional de Cine y Televisión) à Cuba où elle réalise des courts-­‐métrages. Elle a crée en 1991 Sudaca Films. En 1994, Sudaca films produit Calle 22 qui gagne 22 prix internationaux. Elle réalise son 1er long en 2000 : A la media noche y media. Ses films ont été récompensés dans le monde et ont été distribués dans de nombreux pays. Dans le champ des arts plastiques, ses installations sont exposées dans le monde entier. Puis Postales de Leningrad (déjà point de vue d’enfant!) et Pelo Malo, son 3e long-­‐
métrage en tant que réalisatrice. Pelo malo a reçu notamment La « concha de oro », grand prix au festival de San Sebastian en septembre 2013. SUDACA FILMS, fondée en 1991 par Mariana Rondón et Marité Ugás, a pour objectif la production de films de qualité, avec un potentiel commercial au niveau mondial. El chico que miente, présenté à la Berlinale, Generation 2011, a été le deuxième plus gros succès du cinéma vénézuélien et a obtenu 10 prix internationaux. Postales de Leningrado (2007) a obtenu 23 prix et a connu une distribution mondiale. Sudaca Films travaille actuellement à la préparation de Huaquero. Au Venezuela, Mariana Rondón fait figure d’exception (réalisatrice, co-­‐prod) peut-­‐être aussi car est plasticienne. Filmographie de Mariana Rondón : Réalisation 1994 -­‐ Calle 22 -­‐ Court Métrage (lien vimeo pour le visionner : http://vimeo.com/17732667) 2000 -­‐ A la media noche y media (co-­‐réalisé avec M. Ugás) 2007 -­‐ Postales de Leningrado 2013 -­‐ Pelo Malo Production 2011 -­‐ El Chico que miente Le projet a reçu les soutiens suivants : CNAC, Venezuela (soutien à la production), IBERMEDIA (soutien au développement et coproduction), Global Film Initiative (production). Projection de la bande annonce de Postales de Leningrad (https://www.youtube.com/watch?v=A8yTRGFdSc8) : -­‐ Le traitement du monde de l’enfant vs le monde adulte est déjà présent, la force de l’imagination également. Projection de l’installation SuperBloque (http://vimeo.com/51167839) : travail sur le regard. Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
=> Liens qui se tissent dans son travail : -­‐ l’animation, travail autour du déploiement de l’image (archives, photos, animation, petites figurines en allumettes etc., jeu de Charlie) -­‐ imaginaire de l’enfance, point de vue à hauteur d’enfant et comment on développe l’imaginaire en réaction au réel. -­‐ le lien avec la grande histoire, regard sur le contexte socio-­‐culturel, mais toujours de manière plutôt suggérée et à hauteur d’enfant ; rapport vie privée-­‐vie publique (cf. SuperBloque avec la feuille de papier entre soi-­‐même et le monde), comment les deux se contaminent (citation de la réalisatrice « un film sur trouver sa place dans le monde et sur le regard ») -­‐ les éléments suggérés par le biais de l’enfant : dans Pelo Malo, la mort du père est suggérée, implicite, dans Postales de Leningrado c’est également par l’enfant que les choses sont suggérées. PRESENTATION DU CONTEXTE -­‐ Beaucoup de films de femmes ou abordant les questions de genre sortent en ce moment au cinéma (cf. liste sur les films traitant du genre au cinéma présente dans le dvd pédagogique) -­‐ Développement des festivals qui prennent l’entrée du cinéma de femme ce qui crée un espace de visibilité pour elles et la profession au féminin. Exemple de festivals qui développent une thématique sur les femmes : • Festival ‘A propos d’elles’ au Cratère, novembre à Toulouse • Festival films de femmes de Créteil • Festival ‘Elles tournent’ en Belgique, fin septembre à Bruxelles • CineMujeres au Mexique, août à Mexico Quelques liens : http://cinemujeres.blogspot.mx/ http://cinerealizadopormujeres.wordpress.com/ http://mujerescineytv.blogspot.mx/ http://www.mujerescineytv.org/ http://www.cimamujerescineastas.es/ D’un autre côté, il y a également une montée des films qui abordent des questions de genre et d’identité sexuelle. Ces films là sont plus généralement sur des adolescents, des récits initiatiques. Ce sujet est important au cinéma et permet de faire bouger le spectateur et ses représentations. Il n’y a pas forcément de lien entre film de femme et film sur le genre mais on peut se poser la question. Ici, est-­‐ce que le fait que ce soit le regard d’une réalisatrice amène quelque chose de différent ? Le cinéma au Venezuela : il y a des écoles de cinéma, un équivalent du CNC qui donne des aides mais peu de films intéressants sont proposés. Il y a donc un potentiel de production mais peu de bons films. On retrouve un choix de cinéma qui ne dérange pas le pouvoir la plupart du temps. Le film de Mariana Rondón fait, lui, parler la politique, de Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
par son sujet controversé dans le pays. Il est également rare de voir la ville de Caracas. Il y a, par ailleurs, beaucoup de documentaires sur le Venezuela, mais peu de fictions. ÉLEMENTS POUR L’ANALYSE DU FILM Le travail avec les élèves : • Il est toujours bien de resituer le cadre aux élèves : voir un film en salle de cinéma : projecteur/ noir/ son/ écran/ ensemble, collectif… • Valoriser le travail de réflexion collective, construction dans la discussion. Car on se rappelle tous de moments différents, on a été marqués différemment et cette mise en commun permet une réflexion sur le sens du film : d’autant plus que là la réalisatrice dit que c’est un film sur « LA MIRADA » : comment on regarde l’autre, comment on est regardé, et pour que le spectateur regarde et se fasse on point de vue « c’est pour ouvrir un espace de discussion » • Les outils de l’analyse : plan/ scène/ séquence (point de montage, scénographie, suspens, métaphores audiovisuelles) / film (genre, style, dispositif, respiration, rythme du film) • La grille de découpage technique peut être utilisée avec les élèves, pour un visionnement actif. • Penser au schéma de « l’étoile » : Image
Début
Milieu
SENS
Montage
Son
Fin
•
Regarder comment la réalisatrice exprime son propos en images, en son et au montage afin de comprendre le point de vu. Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
•
Faire le lien avec d’autres films, ici nous pouvons faire un parcours croisé autour de la notion de « genre » avec des films comme Le dernier été de la Boyita ou Ana. Thèmes transversaux aux films sur le genre - Questions d’identité - Le regard de l’autre - L’adolescence, grandir, se construire - Les stéréotypes - Les normes - Le costume social - Le quartier, le milieu fermé, en partir ou s’ouvrir avec d’autres - Des modèles différents : travesti, père médecin, mère/ grand-­‐mère Motifs et éléments du film : - Beaucoup de barreaux, grillages (terrain de foot, travail, mère, bébé...) qui traduisent l’enfermement des personnages, au niveau géographique et social. - Le bus est le lieu des regards et de la tension sociale ; frontière du périphérique, son de la ville. Ces éléments représentent la banlieue. Il y a une forte construction de l’espace qui permet l’ancrage social des personnages grâce à l’absence de ciel et d’horizon ; aux barres d’immeubles ; aux plans du périphérique… - Le prénom du garçon peut avoir un rapport avec la construction de l’identité. Junior n’est pas vraiment un prénom, il représente un personnage en devenir, qui se construit et qui manque de repères. Ce prénom peut faire écho au personnage du film d’animation L’île de Black Mor où le garçon (qui est également en quête d’une identité) se prénomme the Kid. - Le film se déroule durant les vacances d’été (souvent un espace-­‐temps initiatique dans les films) et les deux enfants n’ont qu’une seule idée en tête : faire leur photo d’identité pour la rentrée se déguiser pour celle-­‐ci. Beaucoup de moments légers, voire comiques, sont en rapport avec ce sujet de conversation. Junior veut être un chanteur, la petite fille veut être une miss. Ce sujet permet de traiter des apparences et de ce que l’on veut montrer de nous. - Le père de Junior n’étant plus là, le garçon cherche une figure masculine. Il la trouve avec le jeune garçon en bas de l’immeuble qui lui vend des allumettes. Mais sa mère ne voit pas d’un très bon œil cette relation qu’elle prend pour de l’attirance. La mère tente à un moment donné d’intégrer un homme mais le fait d’une manière très déplacée. Le docteur lui ayant conseillé de montrer à Junior qu’une relation entre un homme et une femme peut exister, celle-­‐ci se met en scène juste devant la porte du garçon. Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
-
-
-
-
Les cheveux sont tirés, coiffés, lissés et coupés tout au long du film. Junior se les touchent très souvent, il en parle, il fait des recherchent pour se les lisser... La mère, de son côté, a surtout dans la tête de couper les cheveux à son fils, ce qu’elle arrive à faire à la fin du film. Les cheveux sont très importants pour Junior, ils font partie de sa personnalité et de ses racines. L’action de se couper les cheveux à la fin est très forte, cela casse définitivement la relation mère/fils. La télévision et ce qu’elle renvoie ne représente pas du tout la population vénézuélienne, ou du moins celle que l’on voit dans le film (ex : l’élection des miss alors que les femmes qui regardent n’ont pas du tout le même physique). La télévision est aussi une excuse de Junior pour rester un peu plus longtemps avec le garçon qui lui vend des allumettes. La chanson Mi Limon, Mi Limonero (http://www.youtube.com/watch?v=-­‐
Nnh6gIRHy4) que la grand-­‐mère apprend à son petit-­‐fils. La présence de cette chanson au générique de fin avec Junior en train de danser donne un contre point total avec la fin très calme et dure. Junior se retrouve avec les cheveux lisses en train de chanter, alors que la fin du film nous laisse Junior muet sans cheveux. Il y a vraisemblablement un avant et un après carnaval. Le spectateur a l’impression qu’une rumeur se propage sans savoir ce qu’il s’est passé. Éléments d’analyse (Cf. fiche découpage technique) • Champ/ contre champ • Mouvements de caméra (travelling et panoramique)/ caméra fixe • 1er plan/ arrière plan • Champ/ hors champ (sonore et visuel) • Place des persos dans le cadre • Son : la musique, ambiances, bruitages, voix-­‐off, dialogues • Angle de prise de vue : plongée, contre-­‐plongée • Taille de plan : gros plan, plan large) • Le point de vue, point d’écoute • Distance focale et profondeur de champ • Lumières et couleurs Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
Les séquences du film (présentent dans le DVD Pédagogique) 1/ Le jeu de regards (00 :03 :26 – 00 :05 :47) Eléments de la séquence : Reflet sur la vitre du bus, périphérique, le chant, la tension entre la mère et fils, les immeubles, le regard des autres, barreaux, amour, le jeu… La mère est très fermée et Junior rêve encore, c’est un enfant, il regarde dehors et chante dans le bus. Celui-­‐ci revient plusieurs fois dans le film et permet de situer la relation mère/fils. Ici, les deux sont coupés dans le cadre. Ils sont assis à côté mais on ne les voit pas ensemble. Ils sont donc déjà séparés d’un point de vu filmique. A la fin de la séquence, ils se retrouvent ensemble dans le même plan mais la mère s’est déplacée, elle est donc loin de son fils physiquement mais on comprend également que leur relation est tendue. Ils sont donc dans le même cadre mais nous avons une sensation de grande distance (accentuée également par la profondeur de champ et le flou en arrière plan). Les cadrer ensemble sert à montrer l’intensité du regard noir de la mère et sa sortie du champ. L’environnement précaire des habitations est le lieu d’amusement pour les plus petits, avec le jeu entre les deux enfants qui jouent à une sorte de bataille navale ou de « Où est Charlie ? » Il y a une mise en abyme des regards avec la caméra en regards subjectifs en rapport aux « zooms » que font les enfants sur les personnes vivants en face de leur immeuble. C’est eux qui font le point et nomment les choses. Il y a dans cette partie de la séquence tout un jeu de point de vue et mise au point. On est spectateur avec eux. Le dialogue entre eux a l’air anodin mais il pose toutes les thématiques du film et distille des éléments : les relations homme/femme, la cigarette en lien avec ça, le noir, la femme seule, le malentendu, la non-­‐communication, motif des pigeons (oiseaux qui passent à travers ces barreaux), le déguisement (comment on se donne à voir aux autres dans le jeu social), l’idée de la TV, le « je t’aime moi non plus » qu’on retrouve à la fin inversée avec la mère. Ce jeu nous permet de constater que l’espace est ouvert mais avec une impression d’enfermement car tous les regards sont tournés vers le centre, les barres d’immeubles formant une forteresse. Tous les regards sont tournés vers ce centre, et le vis à vis des immeubles entre eux permet à tout le monde de regarder l’autre. La mère et le fils sont différents physiquement : couleur de peau, cheveux... Ce qui signifie qu’ils n’ont pas les même racines. Junior a le « Pelo Malo » car son père l’avait aussi. Regard sur cet enfant qui est vu comme différent, du moins dans le regard de sa mère. Le problème parent/enfant est également présent dans Le dernier été de la Boyita avec le rapport entre l’enfant et son père. La manière de le filmer montre une complexité vis-­‐à-­‐vis des immeubles qui semblent inhospitaliers. Les gens sont derrière des grillages, dans des espaces tout petits, mais en même temps, on retrouve un vivre-­‐ensemble et une certaine douceur dans la lumière. Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
2/ Le Jeu des stéréotypes : miss et vigile (00 :09 :01 – 00 :11 :10) Eléments de la séquence : Jeu de rôle, place de la femme et de l’homme dans la société, coup de feu, bébé, reflet, mère vigile/femme de ménage, les miss à la télé, les pigeons, la photo d’identité, la chanson « todas podríamos ganar » Dans cette séquence les enfants jouent avec des personnages en plastique. La fille a la poupée et Junior, le soldat en plastique ce qui peut s’apparenter à un cliché. Par ailleurs, Junior joue la caricature du garçon, ce « garçon » que sa mère voudrait qu’il soit. Il y a un certain côté animation dans cette séquence où les personnages viennent « dessiner » par dessus la réalité. La forte contre plongée nous permet de voir le ciel (une bouffée d’air pour les enfants et le spectateur) mais les immeubles nous rappellent l’environnement qui entourent les enfants. La plongé qui arrive ensuite, représentant le contre-­‐champ du premier plan, vient écraser les enfant avec l’imaginaire de la peur (violence, armes, viol…) Même si cela reste un jeu, les enfants jouent à la guerre. Ils sont filmés souvent séparément et n’apparaissent donc pas ensemble dans le cadre. Prolongement du discours sur les stéréotypes avec l’entretien de la mère que l’on voit en parallèle des enfants. Nous pouvons la voir se heurter aux clichés et stéréotypes du travail car on lui refuse le poste de vigile tout en lui proposant celui de femme de ménage. Mais la mère se focalise sur ses idées, elle veut être vigile et n’a qu’un seul regard. Ce même regard rigide qu’elle a sur son fils et qui ne change pas. On retrouve les costumes au moment où les deux enfants vont voir le photographe. Tout deux veulent des photos déguisées. Elle, veut être miss et lui, chanteur. Mais le photographe lui propose d’être un soldat. Il est donc totalement dans la représentation fille/garçon. Au moment de la danse, Junior danse différemment, il n’a pas encore conscience de ce qu’il renvoie, son esprit est encore libre. Au contraire, sa mère le voit et a peur du regard des autres sur son fils. Conflit et rapport de force entre la mère et le fils, « pourquoi tu danses comme ça », « parce que j’en ai envie » (« porque me da la gana »): peut-­‐on faire ce qu’on a envie dans une société ? Une mère doit-­‐elle apprendre à son fils les règles sociales, comme les stéréotypes de genre, pour ne pas qu’il souffre comme elle dans son boulot par exemple ? 3/ Le jeu des apparences (00 :19 :36 – 00 :30 :47) On découvre dans cette séquence le personnage de la grand-­‐mère et son appartement (on y découvre un autel dédié au père de Junior, on peut donc en déduire qu’il est mort). Junior lui parle de sa photo d’identité, le fait qu’il ne l’ait pas encore et qu’il veut être un chanteur aux cheveux lisses dessus. Elle lui demande ensuite de lui chanter quelque chose et il ne fait que des « lalala ». Pour lui l’important c’est « el pelo liso » (les apparences avant tout). La grand-­‐mère va lui apprendre les vraies valeurs et surtout lui apprendre une chanson avec des paroles (comme une identité qui prend forme, trouve Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
les mots pour se dire). On retrouve ensuite Junior dans la salle de bain avec la tête moitié pelo malo moitié pelo liso. En montage parallèle on retrouve la mère qui achète un macaron pour mettre sur sa chemise de vigile. La question de l’ascension sociale se pose ici avec le statut du poste de vigile qui va avec l’uniforme qui est en réalité un déguisement, un costume. Un peu plus tard, Junior et sa mère regardent la télévision où des gens se coupent et se rasent les cheveux. C’est un geste que l’on retrouvera à la fin du film sauf qu’ici le geste est voulu alors qu’il est forcé à la toute fin du film. Ils sont tous les deux dans le cadre, mais un peu comme dans le bus, il y a toujours un personnage qui est flou. Ce moment est serein, ils se parlent (« est-­‐ce que tu m’aimes ? Oui »), ils rient mais l’on se rend compte que la mère n’accepte aucun « écart » de la part de son fils. Ici, c’est lorsqu’il met une barrette dans les cheveux de sa mère. Alors qu’il lui dit qu’elle est jolie comme ça, elle réagit méchamment et lui demande ce qu’il fait avec cet objet. Elle est à l’affut de la moindre chose qui ne ferait pas « garçon » et va même jusqu’à le surveiller lorsqu’il se rend aux toilettes et s’énerve à nouveau contre lui car « les garçons pissent pas assis ». Dans le bus, Junior et sa mère apparaissent dans le même plans mais Junior tourne le dos à sa mère. Celle-­‐ci le reprend sur sa manière de se tenir (elle accorde beaucoup d’importance à l’apparence et aux regards des autres sur son fils). Junior se met ensuite à côté d’elle mais regarde très souvent ailleurs, dehors. La camera filme une sorte de plan subjectif qui permet au spectateur d’en découvrir plus sur l’environnement, on retrouve les immeubles, des tags... 4/ Le jeu de la figure masculine (00 :50 :55 – 00 :52 :24) Le problème de la figure masculine revient tout au long du film. Le père de Junior est décédé et sa mère n’a que des histoires sans lendemain. Junior s’est donc choisi une figure masculine, le garçon qui lui vend des allumettes. Il le prend comme modèle et va le voir assez souvent, essayant de rester avec lui comme lorsqu’il ment en disant qu’il n’a pas de télévision. Lorsque la mère amène Junior voir le docteur, celui-­‐ci mentionne l’absence de référence masculine au sein du foyer. Alors que la mère n’a en tête que la solution de lui couper les cheveux. Le médecin lui explique que ce qu’il faut à son fils est une référence masculine et un exemple que l’amour entre un homme et une femme peut exister. Cette conversation donne lieu par la suite à la mise en scène de la mère avec son chef où elle fait en sorte d’avoir des rapports sexuels devant son fils. Ce qui n’est évidement pas la bonne solution. Junior n’aime pas cet homme et jette le poisson rouge qu’il lui a offert en signe de mécontentement auprès de sa mère. 5/ L’affirmation de Junior (00 :52 :24 – 00 :53 :54) Junior est chez sa grand-­‐mère. Elle lui fait essayer le costume de chanteur qu’elle a réalisé pour lui et on entend Junior demander s’il peut se mouiller les cheveux (cette Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
envie d’avoir les cheveux lisses est primordiale pour lui !). Junior a peur que le costume soit trop long et ne plaise pas à sa mère. Il continue donc à accorder une grande importance au regard de sa mère. Il ne veut plus chanter et se voit dans le miroir. Le reflet qu’il renvoie ne lui plait pas, il ne veut pas être en robe car c’est un homme (« yo soy un hombre ! ») (00 :55 :31 – 00 :56 :13) Junior répète « Yo soy un hombre » lorsqu’il est chez sa copine qui est en train de se mettre du vernis. Il répète, comme s’il voulait convaincre les autres et se convaincre ? (01 :13 :52 – 01 :17 :38) Un peu plus tard, après que le chef de la mère soit parti, Junior se fait des bananes frites. Il marche de chaises en chaises, ce qui le grandit par la taille mais cela reste encore un jeu d’enfant. Junior s’est lissé les cheveux avec de l’huile, sa mère arrive et le punit, Junior lui demande qu’elle le regarde mais elle jette les bananes sans lui adresser un seul regard. Junior est plus grand que sa mère et élève la voix. Ils sont filmés dans le même plan ce qui accentue leur regard où l’on peut déceler une sorte de défi. L’enfant veut provoquer sa mère, mais celle-­‐ci reste plutôt calme (ce qui ne l’empêche pas d’être dure dans ses agissements). Elle le force à enlever le sweat que le garçon aux allumettes lui a donné et le jette par la fenêtre, Junior jette ensuite le poisson rouge. Junior s’assoit sur son lit, triste. 6/ Jeu d’images/ d’imaginaires (01 :19 :01 – 01 :20 :28) C’est le moment de la photo d’identité, Junior et sa copine se sont mis sur leur 31 et Junior s’est lissé les cheveux. Ils traversent le quartier pour aller chez le photographe et sont moqués par les jeunes du quartier (« Ils se moquent de nous. De toi. Non de toi »). On nous montre dans cette séquence le jugement social et le poids du quartier et des images que les enfants subissent parce qu’ils sont déguisés (mais leur déguisement représente la personne qu’ils voudraient être) Arrivé chez le photographe, le spectateur ne rentre pas dans le magasin, il est mis à l’écart. La petite fille se met sur l’estrade et le photographe prend une photo avec un téléphone portable, la photo prise apparaît ensuite dans un montage bricolé (= manipulation des images, des photos, les modifications d’images, mensonges, trucages) Dans la séquence suivante la mère travaille de nuit, dans une sorte de cage où seule les lumières de la ville et des voitures l’éclairent. Seule, elle se met à chanter. Le matin, on retrouve des images du périphérique et du quartier. La mère est très fatiguée, son reflet dans le bus accentue cette impression. 7/ Jeu de classes, se raser, se ranger (01 :22 :04 – 01 :25 :49) Dans la dernière séquence du film, la mère fait du chantage à son fils, il doit aller vivre chez sa grand-­‐mère, « et si je me coupe les cheveux ? ». Ils sont à nouveau très souvent seul dans le plan, séparés. La mère lui tend alors la tondeuse, elle arrive à ce qu’elle veut faire depuis le début, couper les cheveux de son fils. Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT
Junior, juste avant de se raser les cheveux, dit à sa mère « Je ne t’aime pas », elle lui répond « Moi non plus ». Cette phrase est en écho avec plusieurs moments du film. Le premier est au début du film entre les deux enfants « Je t’aime. Moi non » et le second moment est lorsque Junior demande à sa mère si elle l’aime. A ce moment là Junior était donc en demande d’amour, jusqu’à la fin du film d’ailleurs car pour rester avec sa mère il se rase la tête. Cet échange entre la mère et le fils est très fort, c’est la fin de leur relation. Tout au long de la séquence, la mère et le fils sont séparés, ils n’apparaissent qu’une seule fois ensemble, mais la mère est très floue. La rupture entre le fils et la mère est définitivement consommée. La séquence est très calme et les regards sont très importants. Dans le plan suivant, nous retrouvons Junior dans les rangs de l’école. Tous les élèves sont en rang et chantent. Junior a la tête rasée et ne chante pas. Il était tout le contraire au début du film. Est-­‐ce que la perte de cheveux nous montre le passage à l’âge adulte ? Elle nous montre en tout cas la perte de l’innocence. Intervention d’Agnès Duroyaume sur le film Pelo Malo à l’occasion des formations proposées par l’ARCALT

Documents pareils