Anévrismes de l`aorte ascendante, bicuspidies, insuffisance aortique

Transcription

Anévrismes de l`aorte ascendante, bicuspidies, insuffisance aortique
MISE AU POINT
Anévrismes de l’aorte ascendante,
bicuspidies, insuffisance aortique :
de l’analyse échographique
à la chirurgie réparatrice
de la valve aortique
Ascending aorta aneurysms, bicuspid valve, aortic insufficiency:
from echographic analysis to aortic valve repair
E. Lansac*, I. Di Centa**
L
a chirurgie réparatrice de la valve aortique
s’adresse aux patients porteurs d’une dystrophie
de l’aorte ascendante à valves souples bicuspides
ou tricuspides, regroupant les anévrismes et les insuffisances aortiques isolées (1-3). Ces pathologies touchent
une population jeune, dont l’espérance et la qualité
de vie doivent être prises en compte dans le choix des
modalités thérapeutiques. Bien que les dystrophies de
l’aorte ascendante puissent bénéficier d’une réparation, elles sont encore majoritairement traitées par un
remplacement valvulaire mécanique isolé, ou combiné
au remplacement de la racine aortique (intervention
de Bentall). Cependant, les patients porteurs d’une
dystrophie étant âgés de 50 ans en moyenne, la morbimortalité cumulée d’une valve mécanique et du traitement anticoagulant à long terme reste importante (4).
La supériorité aujourd’hui confirmée de la plastie
mitrale sur le remplacement prothétique ainsi qu’une
meilleure connaissance de la pathologie valvulaire
aortique ont remis en avant l’intérêt de la chirurgie
réparatrice de la valve aortique (2, 3, 5-8). L’analyse
échographique préopératoire des mécanismes lésionnels de l’insuffisance aortique ainsi que l’évaluation par
échographie transœsophagienne (ETO) per-opératoire
de la qualité du résultat sont essentielles pour obtenir
une réparation durable (2, 3). Les données de la littérature mettent en évidence des résultats à 5 et 10 ans
satisfaisants (2, 3, 9). Cependant l’hétérogénéité des
techniques de réparation valvulaire aortique et l’absence d’évaluation comparative avec le remplacement
prothétique limitent encore leur généralisation. L’étude
multicentrique CAVIAAR (Conservation aortique valvulaire dans les insuffisances aortiques et les anévrismes
de la racine) est basée sur une approche physiologique
et standardisée de la réparation valvulaire aortique,
A
* Service de chirurgie cardiaque,
hôpital Foch, Suresnes.
** Service de chirurgie vasculaire,
hôpital Le Raincy-Montfermeil,
Montfermeil.
B
C
JST
Sinus
de
Valsalva
Aorte
sus-coronaire
Base de
l’anneau aortique
JST
Racine aortique
Triangles
sous-commissuraux
D
Figure 1. Anatomie de la racine aortique. A) Anatomie de l’aorte ascendante, séparée par
la jonction sino-tubulaire (JST) en aorte sus-coronaire et racine aortique. B) Détail des
éléments composant la racine aortique. C) Anneau aortique tridimensionnel sigmoïde.
D) À gauche, les valvules ont été réséquées, révélant leurs insertions semi-lunaires ; à
droite, la racine aortique est ouverte au niveau commissural entre les sinus coronaires
droit et gauche.
La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 | 15 Points forts
Mots-clés
Réparation valvulaire
aortique
Anévrisme de la
racine aortique
Insuffisance aortique
Bicuspidie
Anneau aortique
Highlights
Aortic valve repair is indicated
to treat patients with dystrophic ascending aorta (bicuspid
or tricuspid valves)
Dystrophic aortic root (bicuspid
or tricuspid valve) includes two
phenotypes depending on
the dilation of the sinuses of
Valsalva: aortic root aneurysms
(sinus of Valsalva > 45 mm);
isolated AI (sinus of Valsalva
< 40 mm) ± supracoronary
aneurysms.
Echographic analysis of lesional
mechanisms identifies 2 types
of aortic insufficiencies (AI): AI
with a central jet (type I) linked
to dilation of aortic root diameters, and AI with an eccentric
jet (type II) where root diameters dilation is associated with
a cusp lesion. A standardized
and physiological approach to
aortic valve repair corresponds
to each phenotype of dystrophic ascending aorta based on
implantation of an expansible
aortic ring. The CAVIAAR trial
compares this approach to
mechanical valve replacement.
Keywords
»» La chirurgie réparatrice de la valve aortique s’adresse aux patients porteurs d’une dystrophie de l’aorte
ascendante à valves souples bicuspides ou tricuspides.
»» On distingue 3 phénotypes en fonction du diamètre des sinus de Valsalva : les anévrismes de la racine
aortique (diamètre supérieur à 45 mm), les anévrismes sus-coronaires et les insuffisances aortiques dystrophiques isolées (diamètre inférieur à 40 mm).
»» L’analyse échographique des mécanismes lésionnels distingue les insuffisances aortiques centrales (type I),
liées à une dilatation isolée des diamètres de la racine, et les insuffisances aortiques excentrées (type II),
où la dilatation des diamètres est associée à une lésion valvulaire. À chaque type correspond une approche
physiologique et standardisée de la réparation valvulaire basée sur l’utilisation d’un anneau aortique
expansible. L’étude CAVIAAR compare cette approche au remplacement valvulaire mécanique.
dont elle évalue les résultats à long terme par rapport
au remplacement valvulaire mécanique.
La racine et la valve aortique :
une entité dynamique
L’aorte ascendante est composée de 2 parties
(figure 1) : la racine aortique, comprise entre la base
de l’anneau aortique et la jonction sino-tubulaire,
incluant la valve, les triangles sous-commissuraux
et les sinus de Valsalva ; et l’aorte sus-coronaire,
étendue depuis la jonction sino-tubulaire jusqu’au
pied du tronc artériel brachio-céphalique. L’ouverture de la valve aortique s’effectue quasiment sans
stress grâce à l’expansibilité systolique de la racine
via les triangles sous-commissuraux. De même, la
fermeture valvulaire est facilitée grâce aux vortex
générés par les sinus de Valsalva (6).
Les cuspides aortiques sont insérées sur la racine
aortique de façon semi-lunaire, délimitant le pourtour sigmoïde de l’anneau aortique. Elles sont désignées en fonction des artères coronaires : cuspide
coronaire droite, coronaire gauche et non coronaire.
Deux diamètres sont essentiels au bon fonctionnement valvulaire : le diamètre de la base de l’anneau aortique et celui de la jonction sino-tubulaire
(figure 1) [2, 3]. Chez le sujet normal, le diamètre
Anévrisme de la racine aortique
Ø sinus de Valsalva ≥ 45 mm
Indications
chirurgicales
Sinus de Valsalva
≥ 50 mm
ou ↑ 0,5 cm/an
ou Ø > 45 mm
+ Marfan
Aortic valve repair
Aortic root aneurysm
Aortic insufficiency
Bicuspid valve
Aortic ring
Insuffisance aortique isolée
Ø sinus de Valsalva ≤ 40 mm
Indications
chirurgicales
Symptômes et/ou
FE < 50 % ou
DTSVG > 55 mm
ou 25 mm/m2
16 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 de la jonction sino-tubulaire (27,4 ± 2,2 mm) est
plus large que celui de la base de l’anneau aortique
(22,6 ± 1,4 mm), avec un ratio de 1,2 (9, 10).
La dystrophie de l’aorte
ascendante : une maladie
des diamètres
La dystrophie de l’aorte ascendante est caractérisée
par une dilatation des diamètres fonctionnels de la
valve aortique (jonction sino-tubulaire supérieure
à 35 mm et/ou base de l’anneau aortique supérieure
à 25 mm) associée ou non à une lésion valvulaire
(2, 9). On distingue 3 phénotypes, en fonction du
diamètre des sinus de Valsalva : les anévrismes de
la racine aortique (diamètre supérieur à 45 mm),
les anévrismes sus-coronaires et les insuffisances
aortiques isolées (diamètre inférieur à 40 mm)
[figure 2] (2, 9).
Le bilan échographique repose sur 3 paramètres :
• la mesure des 4 diamètres caractéristiques de
l’aorte ascendante (base de l’anneau aortique,
sinus de Valsalva, jonction sino-tubulaire et aorte
sus-coronaire) [figure 3] ;
• l’analyse du nombre de cuspides ;
• la coaptation valvulaire (figure 4) et la direction
du jet de l’insuffisance aortique dont le caractère
Anévrisme sus-coronaire
Ø sinus de Valsalva ≤ 40 mm
Indications
chirurgicales
Ø ≥ 50-55 mm
Figure 2. Dystrophies de l’aorte
ascendante. Maladie des diamètres
regroupant 3 phénotypes en fonction du diamètre des sinus de
Valsalva : anévrismes de la racine
aortique, anévrisme de l’aorte suscoronaire et insuffisance aortique
isolée. Indications opératoires selon
les recommandations de l’AHA
2006 et de l’ESC 2007 (15, 16).
1
4
2 3
Figure 3. Analyse échographique de
l’aorte ascendante : mesure standardisée des 4 diamètres aortiques
selon M.J. Roman et al. (11). 1)
Anneau aortique : diamètre interne,
du bord de fuite au bord d’attaque.
2) Sinus de Valsalva : du bord d’attaque au bord d’attaque. 3) Jonction
sino-tubulaire : du bord d’attaque au
bord d’attaque. 4) Aorte sus-coronaire : du bord d’attaque au bord
d’attaque.
MISE AU POINT
JST
He
Hc
A
C
B
D
A
Anneau
Figure 5. Exemples de
prolapsus valvulaire d’après
J.B. Le Polain de Waroux
et al. (12). A) Prolapsus
de la cuspide coronaire
droite. B) Prolapsus partiel.
C ) Prolapsus complet.
D) Fenestration.
B
C
Figure 6. Analyse du jet
de l’insuffisance aortique
(coupes ETO sans [gauche]
et avec [droite] doppler
couleur). A) Anévrisme
de la racine aortique avec
une insuffisance aortique
centrale sans prolapsus
valvulaire. B) Insuffisance
aortique dystrophique
isolée, jet excentré vers
la grande valve mitrale,
prolapsus de la cuspide
coronaire droite.
excentré fera suspecter un prolapsus et/­ou une lésion
valvulaire (figures 5 et 6) [2, 3, 9, 11, 12]. Ainsi, un
jet dirigé vers la grande valve mitrale fera rechercher
une lésion de la cuspide coronaire droite ; de même
un jet dirigé vers le septum fera rechercher une lésion
de la cuspide non coronaire ou coronaire gauche
(figure 6). Le prolapsus valvulaire aortique est défini
par une asymétrie de hauteur des bords libres de
deux cuspides adjacentes (figure 5). L’analyse de la
coaptation valvulaire se décompose en 3 paramètres
(figure 4) : la hauteur de coaptation (Hc), mesurée
Figure 4. Analyse de la coaptation
valvulaire. A) Mesure de la hauteur
de coaptation valvulaire (Hc) et de la
hauteur effective de coaptation (He :
distance entre la base de l’anneau
aortique et le sommet de la coaptation valvulaire). B) Mesure peropératoire de la hauteur effective de
coaptation. C) Position du sommet de
la coaptation par rapport au plan de
l’anneau : au-dessus du plan de l’anneau (flèche : résultat satisfaisant), en
dessous ou au niveau du plan de l’anneau (cercle rouge : risque de réopération). Jonction sino-tubulaire (JST).
à l’endroit où le jet est maximal, la hauteur effective
(He), correspondant à la distance entre le plan de
l’anneau et le sommet de la coaptation valvulaire, et
la position du sommet de la coaptation par rapport
au plan de l’anneau. En présence d’une bicuspidie,
le nombre de raphés en définit le type (figure 7)
[13]. Un scanner cardiaque synchronisé permet de
confirmer les diamètres de l’aorte ascendante, d’analyser la crosse aortique, de préciser la localisation et
la hauteur des ostia coronaires et, éventuellement,
de réaliser un coroscanner (figure 8).
La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 | 17 MISE AU POINT
0 raphé : type 0
Anévrismes de l’aorte ascendante, bicuspidies,
insuffisance aortique : de l’analyse échographique
à la chirurgie réparatrice de la valve aortique
1 raphé : type 1
2 raphés : type 2
A
Figure 7. Classification des bicuspidies selon H.H. Sievers (13) en 3 types.
B
C
Stratégie de prise en charge
médico-chirurgicale
Traitement médical
Un syndrome de Marfan ou un syndrome apparenté
doit être recherché chez tous les patients de moins
de 70 ans porteurs d’un anévrisme de l’aorte ascendante à valves bicuspides ou tricuspides, même en
l’absence de phénotype évocateur. Ce bilan peut être
réalisé sur une journée dans les consultations spécialisées multidisciplinaires. En raison de la fréquence
des formes familiales d’anévrisme aortique, un
examen cardiologique (échographie) des membres
de la famille est nécessaire (14).
Le bénéfice du traitement bêtabloquant pour
limiter la progression de la dilatation aortique a été
démontré chez des patients ayant un syndrome de
Marfan. Par extension, il peut être prescrit chez les
patients porteurs d’anévrisme à valve bicuspide,
lorsque le diamètre de l’aorte est supérieur à 40 mm
(15, 16).
L’intérêt d’un traitement vasodilatateur par inhibiteur de l’enzyme de conversion est discuté chez les
patients ayant une insuffisance aortique sévère sans
signes de dysfonction ventriculaire gauche, car il ne
semble pas retarder l’intervention chirurgicale (14).
Une échographie annuelle est recommandée afin de
surveiller l’évolution des diamètres aortiques. Les
sports violents sont déconseillés. Une prophylaxie
de l’endocardite doit être effectuée.
18 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 Figure 8. Angioscanner
aortique synchronisé centré
sur la racine aortique.
A) Dilatation des sinus
de Valsalva.
B) Valve bicuspide.
C) Reconstruction
tridimensionnelle.
Traitement chirurgical
Les indications chirurgicales des dystrophies de
l’aorte ascendante ont été mises à jour récemment. Pour les anévrismes, elles sont basées sur
le diamètre aortique maximal et/ou son caractère
évolutif. Pour les insuffisances aortiques isolées,
l’indication chirurgicale dépend de la présence de
symptômes et/ou d’une altération de la fonction
ventriculaire gauche (figure 2) [15, 16].
Intervention de Bentall
L’intervention de Bentall consiste en un remplacement
complet de la racine aortique par un tube monté sur
une valve mécanique avec réimplantation des artères
coronaires selon la technique décrite par A. De Bono
et H. Bentall en 1968 (17). Bien que théoriquement
définitive, cette intervention reste grevée d’une
morbi-mortalité à court, moyen et long termes liée
à la mise en place d’une prothèse mécanique et au
traitement anticoagulant prolongé. Les résultats des
principales séries sont résumés dans le tableau (4, 9).
Chirurgie réparatrice de la valve
aortique (bicuspide ou tricuspide)
Deux techniques de conservation valvulaire ont
été initialement proposées pour le traitement des
anévrismes de la racine. La technique décrite par
H.H. Yacoub et al. en 1983 réalise un remplacement
de la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron®
MISE AU POINT
Tableau. Résultats des séries récentes de Bentall et de réparation valvulaire aortique (9).
Bentall
Réparation valvulaire aortique
Anévrismes de la racine
Bicuspidies
Insuffisances aortiques isolées
4 246
2 367
446
372
Âge (ans)
52,1 ± 6,8
48,3 ± 9,8
42 ± 3,9
51,3 ± 10
Mortalité postopératoire des interventions programmées (%)
4,2 ± 2,4
1,4 ± 2
0,2 %
0,9
Nombre de patients
Suivi (ans)
5,3 ± 2,1
3,4 ± 2
3,7 ± 0,9
2,7 ± 1
Absence de réopération (%)
89,5 ± 9,6
à 10 ans
92,8 ± 4,3
à 10 ans
92 ± 4,4
à 5 ans
90,1 ± 3,8
à 5 ans
Absence de complications
thrombo-emboliques (%)
91,3 ± 6,1
à 10 ans
98,2
à 10 ans
≈ 100
≈ 100
Absence de complications
hémorragiques (%)
90,3 ± 6
à 10 ans
99,7
à 10 ans
≈ 100
≈ 100
5 ans
82,8 ± 7,6
91,9 ± 4,5
10 ans
71 ± 8,4
89,9 ± 6,6
Survie (%)
festonné en trois néo-sinus de Valsalva (technique
du “remodeling”), dans lesquels seront réimplantés
les ostia coronaires (7). De nombreuses études in
vitro et in vivo ont montré que le remodeling procure
une reconstruction physiologique de la racine avec
des mouvements valvulaires proches de la normale,
mais cette technique ne traite pas la dilatation de
l’anneau aortique (9, 18). À l’inverse, la technique de
la “réimplantation” décrite par T.E. David et al. réalise
une inclusion de la valve dans un tube en Dacron®,
ancré en position sous-valvulaire (figure 9) [8]. Cette
procédure traite la dilatation de l’anneau aortique
mais fixe la valve dans un tube inexpansible altérant
la dynamique valvulaire (9). Dans une population
sélectionnée (Marfan, anévrismes avec IA de grade
inférieur ou égal à 2), les résultats à moyen terme du
remodeling et de la réimplantation sont satisfaisants
(tableau) [9]. La présence d’un prolapsus valvulaire ou
d’une valve bicuspide ne constitue pas un facteur de
risque d’échec de la procédure ni de réopération. Les
résultats de la réparation des valves bicuspides sont
similaires à ceux des valves tricuspides, quel que soit
le phénotype de l’aorte ascendante (tableau) [9, 19].
Il existe peu d’études sur la réparation valvulaire des
insuffisances aortiques dystrophiques isolées. Les
résultats sont encourageants et incitent à développer
ces procédures (tableau) [9].
Vers une approche physiologique
et standardisée de la réparation
valvulaire aortique
À l’instar de la plastie mitrale, la standardisation
de la réparation valvulaire aortique repose sur
87,3 ± 6,6
97,8 ± 2,3
–
Anévrisme de la racine aortique
+
=
Remodeling
Réimplantation
Remodeling
+ annuloplastie
sous-valvulaire
aortique externe
Figure 9. Standardisation de techniques de chirurgie réparatrice de la valve aortique en
cas d’anévrisme de la racine aortique. Intervention du remodeling associée à une annuloplastie sous-valvulaire aortique externe : combinaison des avantages des 2 techniques
princeps du remodeling et de la réimplantation.
l’analyse échographique des mécanismes lésionnels (figure 10). Cette classification lésionnelle
distingue les insuffisances aortiques centrales
(type I), liées à une dilatation isolée des diamètres
de l’aorte ascendante sans lésion valvulaire, et les
insuffisances aortiques excentrées (type II), où la
dilatation des diamètres est associée à une lésion
valvulaire (2). À chaque type d’insuffisance aortique
correspond une approche chirurgicale standardisée
en fonction du phénotype de l’aorte ascendante.
L’objectif est de réduire les diamètres dilatés et
de traiter les lésions valvulaires, tout en préservant l’anatomie dynamique (2, 3, 9). Pour le traiLa Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 | 19 Anévrismes de l’aorte ascendante, bicuspidies,
insuffisance aortique : de l’analyse échographique
à la chirurgie réparatrice de la valve aortique
MISE AU POINT
Anévrisme de la racine
Sinus de Valsalva ≥ 45 mm
Anévrisme sus-coronaire
Sinus de Valsalva < 40 mm
Insuffisance aortique isolée
Sinus de Valsalva < 40 mm
IA type I
Jet central
Tube sus-coronaire
Dilatation Ø JST
± base de l’anneau aortique
+ annuloplastie
sous-valvulaire (anneau > 25 mm)
Remodeling
+ annuloplastie sous-valvulaire
Double annuloplastie
sus- et sous-valvulaire
IA type II
Jet excentré
Dilatation Ø JST
± base de l’anneau aortique
+ lésion valvulaire
+
Resuspension valvulaire
(prolapsus)
+
Resuspension valvulaire
(prolapsus)
+
Resuspension valvulaire Reconstruction en péricarde
(rétraction ou perforation)
(prolapsus)
Figure 10. Classification lésionnelle des insuffisances aortiques et stratégies chirurgicales standardisées en fonction du phénotype de l’aorte ascendante.
Figure 11. Remodeling associé à
une annuloplastie sous-valvulaire
aortique externe.
Figure 12.
Anneau
aortique
expansible.
tement des anévrismes de la racine, la chirurgie
associe une reconstruction anatomique de la racine
aortique selon la technique du remodeling à une
annuloplastie sous-valvulaire aortique externe afin
d’augmenter la hauteur de coaptation valvulaire
(figures 9 et 11) [9, 20]. Cette approche physiologique utilise un anneau aortique prothétique
expansible (figures 12 et 13).
En se basant sur les mêmes principes, une approche
standardisée de réparation des insuffisances
aortiques isolées par une double annuloplastie suset sous-valvulaire aortique externe est proposée
(figures 14 et 15).
Le principe de la réparation des lésions valvulaires
consiste à effectuer une resuspension du bord
libre de chaque cuspide afin d’obtenir chirurgicalement une hauteur effective supérieure à 10 mm
(figure 4B). L’échographie transœsophagienne
peropératoire est indispensable pour évaluer le
résultat final de la réparation valvulaire après
déclampage. Ce résultat est jugé satisfaisant si
l’insuffisance aortique résiduelle est de grade infé-
20 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 rieur ou égal à 1, avec une hauteur de coaptation
supérieure ou égale à 5 mm au-dessus du plan de
l’anneau (figures 4A et C). La présence d’une fuite
résiduelle de grade supérieur à 1, surtout si elle est
excentrée ou si elle met en évidence un prolapsus
valvulaire ou avec un sommet de coaptation en
dessous du plan de l’anneau (figure 4C), nécessite
un reclampage aortique pour réparation complémentaire ou conversion pour un remplacement
prothétique.
Une étude préliminaire a été réalisée afin d’évaluer cette stratégie de prise en charge standardisée. Elle regroupait 156 patients porteurs d’une
dystrophie de la racine aortique à valve bicuspide
ou tricuspide, opérés d’un anévrisme de la racine
aortique (137) ou d’une insuffisance aortique isolée
(19) par 20 chirurgiens dans 12 centres. La mortalité opératoire a été de 2,5 % (4 patients). Sept
patients (4,5 %) ont été réopérés et 5 patients sont
décédés, pour un suivi moyen de 30,6 ± 21,9 mois
(extrêmes : 1-73). Seuls 2 patients ont présenté un
accident ischémique transitoire.
MISE AU POINT
mécanique. L’objectif est d’inclure une population
non sélectionnée de 260 patients (130 réparations
valvulaires et 130 remplacements prothétiques)
opérés d’un anévrisme de la racine aortique et/ou
d’une insuffisance aortique dystrophique à valves
bicuspides ou tricuspides. L’étude évalue la survie
sans événements de morbi-mortalité jugée sur un
critère composite, associant mortalité globale, réintervention chirurgicale et réhospitalisation pour
complications infectieuses, hémorragiques ou
thrombo-emboliques, ou insuffisance cardiaque.
Les patients sont répartis entre les 2 groupes selon
leur choix thérapeutique.
Insuffisance aortique isolée
Points de plicature
sus- et sous-commissuraux
Double annuloplastie
sus- et sous-valvulaire
aortique externe
Figure 15. Standardisation de techniques de chirurgie
réparatrice de la valve aortique en cas d’insuffisance
aortique isolée : double annuloplastie sus- et sousvalvulaire aortique externe qui combine les avantages
des points de plicature sus- et sous-commissuraux.
Étude CAVIAAR
L’étude CAVIAAR est une étude de supériorité
prospective multicentrique qui compare cette
technique standardisée de chirurgie réparatrice
de la valve aortique au remplacement valvulaire
Figure 13. Schéma de l’anneau
aortique composé de 2 inserts de
silicone enveloppés de polyester.
Conclusion
La chirurgie réparatrice de la valve aortique a
pour objectif de réduire la morbi-mortalité liée
à la valve par rapport au remplacement valvulaire prothétique. Une approche physiologique et
standardisée de la réparation valvulaire aortique
devrait faciliter la diffusion de ces procédures.
Cependant, seule une évaluation rigoureuse des
résultats à long terme permettra de définir la stratégie chirurgicale la mieux adaptée à la prise en
charge des patients porteurs d’une dystrophie de
l’aorte ascendante à valves bicuspides ou tricuspides.
■
Figure 14. Double annuloplastie suset sous-valvulaire aortique externe.
Références bibliographiques
1. Roberts WC, Ko JM, Moore TR, Jones WH 3rd. Causes of
pure aortic regurgitation in patients having isolated aortic
valve replacement at a single US tertiary hospital (1993 to
2005). Circulation 2006;114(5):422-9.
2. Lansac E, Di Centa I, Raoux F et al. A lesional classification to standardize surgical management of aortic
insufficiency towards valve repair. Eur J Cardiothorac Surg
2008;33(5):872-8.
3. El Khoury G, Glineur D, Rubay J et al. Functional classification of aortic root/valve abnormalities and their correlation
with etiologies and surgical procedures. Curr Opin Cardiol
2005;20:115-21.
4. Radu NC, Kirsch EW, Hillion ML, Lagneau F, Drouet
L, Loisance D. Embolic and bleeding events after modified Bentall procedure in selected patients. Heart
2007;93(1):107-12.
5. Carpentier A. Cardiac valve surgery–the “French correction”. J Thorac Cardiovasc Surg 1983;86(3): 323-37.
6. Lansac E, Lim HS, Shomura Y et al. A four-dimensional
study of the aortic root dynamics. Eur J Cardiothorac Surg
2002;22(4): 497-503.
7. Yacoub MH, Gehle P, Chandrasekaran V et al. Late results
of a valve sparing operation in patients with aneurysms
of the ascending aorta and root. J Thorac Cardiovasc Surg
1998;115:1080-90.
8. David TE, Feindel CM. An aortic valve-sparing operation
for patients with aortic incompetence and aneurysm of
the ascending aorta. J Thorac Cardiovasc Surg 1992;103:
617-22.
9. Lansac E, Di Centa I. From dynamic anatomy to aortic annuloplasty: the tale of the ring. In: Sakalihasan N, Kuivaniemi H,
Michel JB. Aortic aneurysms: New insights into an old problem.
Éditions de l’université de Liège, 2008:199-233.
10. Tamás E, Nylander E. Echocardiographic description of
the anatomic relations within the normal aortic root. J Heart
Valve Dis 2007;16(3):240-6.
11. Roman MJ, Devereux RB, Niles NW et al. Aortic root
dilatation as a cause of isolated, severe aortic regurgitation.
Prevalence, clinical and echocardiographic patterns, and
relation to left ventricular hypertrophy and function. Ann
Intern Med 1987;106:800-7.
12. Le Polain de Waroux JB, Pouleur AC, Goffinet C et al.
Functional anatomy of aortic regurgitation: accuracy,
prediction of surgical repairability, and outcome implications of transesophageal echocardiography. Circulation
2007;116(11, Suppl.):I264-9.
13. Sievers HH, Schmidtke C. A classification system for the
bicuspid aortic valve from 304 surgical specimens. J Thorac
Cardiovasc Surg 2007;133(5):1226-33.
14. Détaint D, Jondeau G. Dystrophic aortic insufficiency.
Rev Prat 2009;59(2):187-93.
15. American College of Cardiology/American Heart
Association Task Force on Practice Guidelines; Society of
Cardiovascular Anesthesiologists; Society for Cardiovas-
cular Angiography and Interventions; Society of Thoracic
Surgeons; Bonow RO, Carabello BA, Kanu C et al. ACC/AHA
2006 guidelines for the management of patients with valvular
heart disease: a report of the American College of Cardiology/
American Heart Association Task Force on Practice Guidelines (writing committee to revise the 1998 Guidelines for
the Management of Patients With Valvular Heart Disease):
developed in collaboration with the Society of Cardiovascular
Anesthesiologists: endorsed by the Society for Cardiovascular
Angiography and Interventions and the Society of Thoracic
Surgeons. Circulation 2006;114(5):e84-e231.
16. The task force on the management of valvular heart
disease. Guidelines for the management of valvular heart
disease of the European Society of Cardiology. Eur Heart J
2007;28(2):230-68.
17. Bentall H, De Bono A. A technique for complete replacement of the ascending aorta. Thorax 1968;23(4):338-9.
18. Gallo R, Kumar N, Al Halees Z et al. Early failure of
aortic valve conservation in aortic root aneurysm. J Thorac
Cardiovasc Surg 1995;109:1011-2.
19. Schäfers HJ, Aicher D, Langer F, Lausberg HF. Preservation of the bicuspid aortic valve. Ann Thorac Surg
2007;83(2):S740-5; discussion S785-90.
20. Lansac E, Di Centa I, Bonnet N et al. Aortic prosthetic
ring annuloplasty: a useful adjunct to a standardized
aortic valve-sparing procedure? Eur J Cardiothorac Surg
2006;29:537-44.
La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 | 21