DDP220311_Pièces auto - UFC

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DDP220311_Pièces auto - UFC
Monopoles des constructeurs sur les pièces de carrosserie
Un privilège chèrement payé
par les consommateurs français!
INTRODUCTION
Le marché français des pièces détachées de carrosserie est structuré autour de monopoles de marques. Chaque
constructeur décide quel produit sera vendu et dans quelles conditions, ce qui signifie que les constructeurs
maîtrisent la production (même lorsqu’elle est déléguée) comme la vente. Par exemple, Renault décide qui peut
produire une aile de Twingo, mais aussi qui peut la vendre et dans quelles conditions (prix, rabais autorisés, etc.).
Par conséquent, non seulement les consommateurs n’ont pas l’opportunité de bénéficier de vrais prix de marché
(déterminés dans un environnement concurrentiel), mais ils se voient dans l’impossibilité de choisir le type de
pièces à installer dans leurs véhicules (produites par le constructeur ou par un producteur alternatif).
Dans un certain nombre de pays européens, comme la Belgique ou l’Espagne (voir la figure 5, p. 11), les choses
sont différentes, les consommateurs ont la possibilité d’utiliser des pièces beaucoup moins chères, ce qui leur
permet de réduire leurs dépenses en matière automobile.
L’objectif de ce travail est de montrer qu’une libéralisation du marché automobile permettrait au consommateur qui
choisirait d’utiliser des pièces alternatives de faire d’importantes économies, de manière directe lorsqu’il achète
lui-même ces pièces moins cher, et de manière plus indirecte via une baisse de sa prime d’assurance.
Pour démontrer le gain potentiel pour le consommateur d’une ouverture du marché français aux pièces
alternatives, nous avons réalisé une comparaison des prix constructeurs et des prix pratiqués par des entreprises
indépendantes sur un panier de pièces de carrosserie dans différents pays ayant libéralisé leur marché. Les
résultats sont éloquents puisque, pour certains véhicules, l’écart de prix peut atteindre 54,4 % (Peugeot 307).
Cette étude, couplée avec celles menées notamment par la FEDA (Fédération des Syndicats de la Distribution
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Automobile), le SRA (Sécurité et réparation automobile), le CEA (Comité européen des assurances), la DGCCRF
et la Commission européenne, démontre la nécessité d’une libéralisation du marché des pièces de carrosserie.
1
. Le SRA est une association loi 1901 qui regroupe la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances) et le GEMA (Groupement des
entreprises mutuelles d’assurances). Le SRA est chargé de réaliser des études techniques et statistiques afin de mieux maîtriser le prix de
revient de l’assurance automobile (Source : http://www.sra.asso.fr/cv/sraedit.nsf/doc1/$first).
1
Libéralisation du marché des pièces de carrosserie :
quels enjeux pour le consommateur ?
En France, sur le segment des pièces visibles, les constructeurs bénéficient en réalité de deux types de
monopoles : un monopole sur la production, puisque seules les pièces sorties de leurs usines ou de celles de leurs
partenaires sont disponibles sur le marché, et un monopole sur le marché de détail, puisqu’ils maîtrisent les
réseaux qui distribuent ces éléments.
Cette puissance des constructeurs a un important impact sur les consommateurs, qui sont pénalisés de manière
directe lorsqu’ils réalisent eux-mêmes l’achat de ce type de composants, mais aussi de manière indirecte, puisque
ces prix influent significativement la construction des primes d’assurance.
1 – La place de l’automobile dans la consommation des ménages
Selon l’Insee, en 2008, environ 83 % des ménages sont motorisés, 46,5 % sont bimotorisés et 5,3 % sont
2
trimotorisés et plus . Ce taux de pénétration, assez élevé, explique la place prépondérante de l’automobile dans
les dépenses des ménages français. En effet, sur la période 1998-2006, ces derniers ont consacré en moyenne
12,3 % de leur budget à cette dernière.
Il est intéressant de noter que si la dépense globale est assez stable entre les deux périodes analysées par l’Insee
(voir la figure 1), un poste augmente : celui des pièces détachées et accessoires.
L’Insee souligne que, d’une manière générale, les prix des activités relatives à l’entretien, la réparation et l’achat de
pièces détachées et accessoires continuent d’augmenter ces dernières années pour atteindre 37 % des dépenses
des ménages consacrées à l’automobile en 2006.
Cette évolution ne se voit pas dans le tableau (figure 1) pour les activités autres que les pièces détachées, car
dans le même temps, les volumes consommés sont en diminution constante.
Cependant, « les coûts de réparation augmentent fortement : depuis 1998, les prix de l’entretien et de la réparation
des véhicules (hors achats de pièces détachées et accessoires) ont augmenté d’environ 35 %, soit presque
3
2,5 fois plus que l’inflation. La hausse est d’en moyenne 5 points par an depuis 2001 ».
Le prix des pièces détachées connaît également une croissance continue. Cette évolution, parce que
particulièrement importante, est, malgré la baisse de la consommation en volume, visible dans les statistiques. Elle
est plus visible encore lorsque l’on s’intéresse à la carrosserie. En effet, le segment des pièces de carrosserie
étant caractérisé, en France, par une structure monopolistique tant au niveau de la production que de la
distribution, les prix de ces éléments ont tendance à croître plus vite. Cette évolution a été mise en évidence par
4
diverses études menées notamment par la FEDA, le SRA , le CEA et la Commission européenne.
2
. Source : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF05160
. Source : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1159#inter2
4
. Le SRA est une association loi 1901 qui regroupe la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances) et le GEMA (Groupement des
entreprises mutuelles d’assurances). Le SRA est chargé de réaliser des études techniques et statistiques afin de mieux maîtriser le prix de
revient de l’assurance automobile (Source : http://www.sra.asso.fr/cv/sraedit.nsf/doc1/$first).
3
2
Figure 1. La part de l’automobile dans le budget des ménages
Source : Insee.
2 - Les coûts du monopole pour le consommateur
Le coût direct pour le consommateur se décline en réalité sous deux formes. Tout d’abord, les prix des pièces
constructeurs qui, faute de concurrence, ne sont pas des prix de marché. Puis l’impossibilité pour le consommateur
de choisir un élément provenant d’un autre producteur, comme c’est le cas dans d’autres pays d’Europe, comme la
Belgique, l’Allemagne ou l’Espagne.
► Pièces captives, l’envolée des prix
Le monopole des constructeurs sur la distribution des pièces détachées visibles leur permet de piloter les prix. Ce
pouvoir autorise de très fortes variations sur des pièces et des modèles spécifiques. Par exemple, la FEDA, dans
une enquête de prix, révèle qu’entre janvier 2008 et septembre 2009, les prix de certains composants ont
augmenté jusqu’à 349,33 % (voir l’annexe 1). Le même type d’enquête a permis à la FEDA de mettre en évidence
une augmentation des prix entre décembre 2006 et avril 2008 allant jusqu’à 515,15 % (voir l’annexe 2). Pourtant, il
ne s’agissait pas de pièces complexes, ni de véhicules de niche (en l’occurrence il était question d’un garde-boue
plastique avant d’une Renault Twingo).
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La FEDA n’est pas le seul organisme à faire ce type de constat. Le SRA publie chaque trimestre un document
comportant un certain nombre d’indicateurs statistiques, dont l’évolution du prix d’un panier de pièces automobiles.
Ce panier est un bon indicateur dans la mesure où, mis à part le radiateur, il ne contient que des pièces de
carrosserie.
Cet indicateur met en exergue, depuis 2003, une augmentation continue des tarifs des pièces de carrosserie,
au-delà de l’augmentation générale du niveau des prix (voir la figure 2). Cette augmentation a atteint un record de
6,1 % en 2007, alors que l’inflation n’était que de 1,50 %. En 2007, pour Citroën, l’augmentation allait jusqu’à
13,5 %.
6
Pour 2010, le SRA annonce une augmentation des prix de 3,7 %, alors que l’inflation a été pour 2010 de 1,4 % .
e
Le champion de la hausse reste Citroën, avec 4,82 %. On note que PSA, avec 4,66 %, arrive en 3 position,
derrière Honda et ses 4,72 % de hausse.
5
6
. Le SRA utilise les prix catalogue des constructeurs.
. Source : http://www.sra.asso.fr/cv/sraedit.nsf/HTML/ODAM-5BNKMQ.html/$FILE/Flash %2078.pdf
3
Figure 2. L’évolution des pièces de rechange et du niveau général des prix
7,00%
6,10%
6,00%
5,00%
4,60%
4,20%
4,00%
4,20%
3,40%
3,00%
2,00%
2,80%
2,10%
1,90%
2,10%
1,70%
2,40%
2,10%
1,80%
1,60%
1,50%
1,00%
0,10%
0,00%
20012002
20022003
20032004
20042005
20052006
Variation des prix des pièces
20062007
20072008
20082009
Inflation
Source : UFC-Que choisir avec chiffres SRA et Insee.
Une augmentation ponctuelle des prix due, par exemple, à l’augmentation des prix des matières premières pourrait
paraître justifiée. Mais il semble évident que nous ne sommes pas dans ce cas, dans la mesure où nous avons une
tendance haussière depuis plus d’une décennie et que les tarifs ne s’ajustent pas à la baisse lorsqu’il y a un reflux
des prix des matières premières. Par conséquent, la cause de cette inflation semble bien plus trouver son origine
dans une carence de la concurrence que dans des phénomènes externes au secteur.
La DGCCRF fait un constat similaire pour le secteur de la réparation dans son ensemble :
« L’inflation constatée en 2010 ne semble pas être conjoncturelle, ces éléments de prix augmentant
de manière récurrente au-dessus de l’inflation moyenne. Ainsi, depuis 2007, l’augmentation de prix
annuelle moyenne s’est établie à respectivement 3,6%, 3,6% et 4,6% pour les pièces détachées, la
7
main d’œuvre carrosserie et le coût de la peinture » .
Cette hypothèse est validée par le contraste existant entre la part de la vente de pièces détachées dans le chiffre
d’affaires global des constructeurs et la part des pièces détachées dans la rentabilité des constructeurs. Par
exemple, pour Renault, alors que la vente de pièces automobiles représente 13,21 % du chiffre d’affaires, elle
compose 31 % de la rentabilité du constructeur.
7
L’évolution des cotisations d’assurance automobile et habitation (p.28, 21 janvier 2011). http://www.economie.gouv.fr/services/rap11/110121rap-hausse-tarifs-assurance.pdf
4
Figure 3. La contribution de la vente de pièces détachées au CA et à la rentabilité des constructeurs
Source : Auto Infos n°1282 décembre 2009
De manière générale, tous les constructeurs ne semblent pas avoir la même politique (voir la figure 3). Ceci peut,
notamment, s’expliquer par la localisation géographique de leurs principaux marchés. En effet, on peut supposer
que pour des raisons de cohérence dans leur politique de prix, les constructeurs dont la demande se situe plus
particulièrement dans des pays où il n’existe de monopole ni sur la production, ni sur la vente de pièces de
8
carrosserie (par exemple les constructeurs allemands ) auront tendance à une plus grande discipline même dans
les pays où les prix peuvent être maîtrisés (comme la France).
8
. L’Allemagne est un cas particulier, puisque la réglementation permet une protection des dessins et modèles, c’est-à-dire d’exercer un pouvoir
de monopole. Mais les constructeurs n’utilisent pas cette possibilité.
5
Figure 4. Le taux de croissance du prix des pièces de rechange par constructeur
Source : SRA, http://www.sra.asso.fr
► Augmentation du coût de la réparation, quel impact pour le consommateur ?
Le consommateur se sent en général peu concerné par le prix des pièces de carrosserie, car il achète rarement
ces pièces. En effet, la facture est habituellement réglée par les assureurs lorsqu’ils prennent en charge les
réparations consécutives à un accident. Pourtant, le consommateur paie indirectement cette inflation sur les pièces
détachées dans le tarif de sa police d’assurance. Et selon le SRA, au deuxième trimestre 2010, les pièces
9
détachées représentaient 47,3 % du coût total de la réparation automobile (la charge la plus lourde) . Par
conséquent, une augmentation du prix des pièces automobiles ne peut pas être sans effet sur les primes
d’assurance.
9
. Le coût de la main-d’œuvre compte pour 42,4 % et les frais restants sont relatifs à l’administratif (expert, frais de dossiers,
etc.).
6
Contexte réglementaire européen
Pendant très longtemps, le secteur automobile a été relativement épargné par la réglementation « antitrust »
européenne. En effet, comme d’autres secteurs, il a fait l’objet de règlements spécifiques, appelés règlements
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d’exemption, lui permettant de s’affranchir des règles de concurrence établies par les articles 81 et 82
(initialement 85 et 86) du traité instituant la Communauté européenne. Il est, par exemple, possible pour les
constructeurs d’établir des accords assez restrictifs avec leurs partenaires (politique de vente, de prix, etc.),
accords qui pourraient, dans le cadre des articles cités, être considérés comme de la collusion ou de l’entente.
Cette exemption est accordée en échange du respect d’un certain nombre de conditions.
Cependant, les premiers règlements d’exemption (le premier est le 123/85 du 12 décembre 1985) ont prévu des
conditions trop peu contraignantes, permettant aux constructeurs de bénéficier d’un certain pouvoir sur différents
marchés, notamment la distribution automobile et la rechange. Il était, par exemple, possible pour les constructeurs
de pratiquer de la distribution sélective, c’est-à-dire de choisir qui était autorisé à vendre et à réparer leurs
véhicules, et cela avec des conditions spécifiques très restrictives pour les partenaires sélectionnés. Il leur était
également possible d’empêcher leurs partenaires (réseaux de distributeurs et/ou garages agréés) de vendre des
pièces détachées produites par des indépendants, ou même d’empêcher leurs fournisseurs de pièces détachées
(équipementiers, sous-traitants, etc.) de vendre à des réparateurs ou à des détaillants indépendants.
Concernant les pièces de rechange, le règlement 1475/95 qui reconduit le règlement 123/85 arrivé à échéance (il
fut mis en place pour 10 ans), prévoyait notamment (article 3) qu’un distributeur devait s’engager à ne pas
fabriquer des produits concurrents aux produits qu’il était contractuellement autorisé – par les constructeurs – à
vendre. Mais aussi « de ne pas vendre des pièces de rechange qui sont concurrentes des produits contractuels et
n’en atteignent pas le niveau de qualité, ni d’en utiliser pour la réparation ou l’entretien de produits contractuels ou
de produits correspondants » (article 3, alinéa 5).
Pour résumer, « le règlement 1475/95, en fait, créait un lien très rigide entre les fabricants et les distributeurs
(revendeurs franchisés), sous la forme d’un système de distribution sélective et exclusive. Sous un tel système, les
fabricants sélectionnent leurs distributeurs selon des critères particuliers, les organisent en réseaux qui excluent
11
toutes les entreprises ne répondant pas à ces critères ».
En 2002, consciente que les versions précédentes des règlements d’exemption autorisent trop de dérives
o
anticoncurrentielles, la Commission européenne avec le règlement (CE) n 1400/2002 va imposer des règles plus
12
strictes permettant d’aller plus loin dans la libéralisation du secteur, notamment dans le domaine de la rechange.
De plus, lorsque le règlement 1400/2002 est arrivé à échéance, la réglementation a significativement évolué. Un
certain nombre d’activités de l’automobile ne bénéficient plus d’un règlement spécifique. Elles retombent dans le
13
cadre général des articles 81 et 82. D’autres activités sont encadrées par un règlement d’exemption général (qui
ne s’applique donc pas spécifiquement à l’automobile) et certaines par un règlement spécifique à l’automobile. Ce
dernier cible particulièrement le marché de l’après-vente.
Malheureusement, le marché de la pièce de carrosserie ne bénéficie pas de ces différentes avancées
réglementaires. La production et la distribution d’éléments « visibles » sont soumises à une contrainte
supplémentaire : le respect de la propriété intellectuelle (la protection des dessins et modèles). Par conséquent, un
règlement spécifique est nécessaire, règlement qui peine à venir.
10
. Voir l’annexe 3.
. Car Distribution in Europe Between Vertical Agreements and Customer Satisfaction, Leonardo Buzzavo and Giuseppe Volpato, Cockeas
Research Network, Berlin meeting, novembre 2001, p. 6, traduit par nous.
12
. La Commission annonce sans ambiguïté la nécessité d’un règlement plus dur : « Cette expérience permet de conclure que des règles plus
strictes que celles qui sont prévues dans le règlement (CE) no 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 concernant l’application de
l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (4) sont nécessaires dans ce secteur ».
13
. Règlement (UE) no 330/2010 de la commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.
11
7
1- Production et vente de pièces de rechange : la marche vers la concurrence
► Le règlement 1400/2002 : un texte de rupture
Les règlements d’exemption ont, jusqu’à 2002, pour l’essentiel porté sur la problématique de la distribution
automobile. Le règlement de 2002 (arrivé à échéance en mai 2010) accordait une place de choix à la distribution
des pièces détachées. L’objectif du texte était in fine l’émergence de réseaux de distribution multimarques sans
contraintes géographiques, mais aussi la préservation des acteurs indépendants du marché de l’entretien, de la
réparation et de la rechange (pièces détachées).
Le règlement 1400/2002 permettait une libéralisation du marché de la pièce de rechange. Pour atteindre cet
objectif, il renversait totalement certains principes posés par le règlement 1475/95.
En effet, comme le précisait l’alinéa k de l’article 4, l’exemption n’était pas valable lorsque un accord visait à « la
restriction de la capacité d’un distributeur ou d’un réparateur agréé d’obtenir d’une entreprise tierce de son choix
des pièces de rechange d’origine ou des pièces de rechange de qualité équivalente et de les utiliser pour la
réparation ou l’entretien de véhicules automobiles, sans préjudice de la faculté d’un fournisseur de véhicules
automobiles neufs d’imposer l’utilisation de pièces de rechange d’origine fournies par lui pour les réparations sous
garantie, pour le service gratuit et lors du rappel des véhicules ».
Le règlement 1400/2002 permettait, dès lors, une libéralisation du marché de la pièce de rechange. Ce qui signifiait
que le consommateur pouvait non seulement acheter des pièces de rechange hors du réseau des constructeurs,
mais aussi choisir pour son véhicule des pièces produites par leurs fournisseurs (et donc portant le logo de ces
derniers et non celui du constructeur) ou par des entreprises totalement indépendantes (c’est-à-dire sans liens
commerciaux avec les constructeurs).
Pour organiser ce marché et le rendre transparent pour le consommateur, le texte organisait ces différents types
de pièces en deux catégories :
« pièces de rechange d’origine » : des pièces de rechange de la même qualité que celles utilisées lors
du montage d’un véhicule automobile, produites selon les spécifications et les normes de production
fournies par le constructeur automobile. Étaient donc incluses les pièces de rechange fabriquées sur des
chaînes de production autres que celles utilisées pour les pièces intégrant le processus de production d’un
véhicule. En effet, il était présumé que, sauf preuve du contraire, des composants étaient des pièces de
rechange d’origine si le fabricant des pièces certifiait qu’ils étaient de même qualité que les composants
utilisés pour le montage du véhicule en question, et qu’ils avaient été fabriqués selon les spécifications et
les normes de production du constructeur automobile ;
« pièces de rechange de qualité équivalente » : exclusivement des pièces de rechange fabriquées par
des entreprises capables de certifier que leur qualité était équivalente à celle des composants qui avaient
été utilisés pour le montage des véhicules automobiles en question.
Par conséquent, l’appellation « pièce de rechange d’origine » n’est plus, depuis ce règlement, liée à l’entreprise qui
produit le composant, mais bien à ses caractéristiques (c’est un type de normalisation). Et il devient possible de
vendre sous cette appellation des biens produits sur d’autres chaînes d’assemblage et avec des techniques
différentes si ceux-ci sont de qualité équivalente aux pièces montées sur les automobiles en usine.
Ces dispositions s’appliquaient (le texte est arrivé à échéance) de la même manière aux pièces de rechange
visibles (carrosserie) dans les pays où ce marché est libéralisé.
► Les textes en vigueur
Le règlement 1400/2002 est arrivé à échéance en mai 2010. Suite à ce dernier, la réglementation a évolué dans
deux directions distinctes. Tout d’abord, un certain nombre d’activités sont tombées dans un cadre plus général,
soit les articles 81 et 82 du traité européen soit le règlement d’exemption générale 330/2010. Puis d’autres sont
désormais encadrées par un règlement d’exemption spécifique à l’automobile, le 461/2010 et certaines lignes
directrices, soit le texte (2010/C 138/5) du 28 mai 2010.
8
Ces dernières font évoluer la définition relative à ce qu’il est convenu d’appeler « pièces ou équipements de qualité
équivalente ». Cette dernière devient plus large, et donc permet potentiellement une plus grande concurrence,
mais aussi plus floue.
« Les pièces doivent être d’une qualité suffisamment élevée pour que leur emploi ne porte pas
14
atteinte à la réputation du réseau agréé en question. » (2010/C 138/5, alinéa 20 )
L’ensemble de ces nouvelles dispositions accorde une attention toute particulière aux marchés de l’après-vente et
de la rechange. La commission déclare même dans un communiqué que « l’objectif principal du nouveau cadre
réglementaire concernant la concurrence dans le secteur automobile, adopté en mai et entré en vigueur depuis le
15
mois dernier, est d’introduire davantage de concurrence sur le marché de l’après-vente ».
Cette volonté se retrouve dans les lignes directrices (2010/C 138/5, paragraphe 18) :
« L’un des objectifs de la Commission en ce qui concerne la politique de concurrence dans le secteur
automobile consiste à protéger l’accès des fabricants de pièces de rechange aux marchés de l’aprèsvente automobile, garantissant ainsi que des pièces de rechange de marques concurrentes soient
accessibles de manière permanente aux réparateurs, qu’ils soient indépendants ou agréés, et aux
grossistes. »
16
Cette démarche semble s’appuyer sur un constat amer de la Commission : si, jusqu’à présent, l’évolution
réglementaire donne des résultats sur la distribution d’automobiles neuves, le résultat est bien plus mitigé quant à
la réparation et à la rechange. La Commission notait en juin 2010 que les prix des services de réparation et
d’entretien ainsi que des pièces détachées ont continué de progresser à un rythme bien supérieur à celui de
l’inflation (respectivement de +1,5 % et 0,7 % en termes réels).
Avec ce texte, la commission fait évoluer la législation vers un encadrement plus sévère des accords verticaux.
D’une part, une grande partie des activités automobiles ne sont plus protégées par un système d’exemption et,
d’autre part, lorsque l’exemption est applicable, elle l’est dans des conditions empêchant certains comportements
anticoncurrentiels (pour des exemples, voir l’encadré 1).
Encadré 1. Exemple de conditions pour l’applicabilité de l’exemption (lignes directrices 2010/C
138/05)
-
Paragraphe 21 : Est considéré comme incompatible avec l’exemption « le fait qu’un accord
entre un fournisseur de composants et un acheteur qui incorpore ces composants vise à
empêcher ou à limiter la faculté du fournisseur de vendre ses composants à des utilisateurs
finals, à des réparateurs indépendants ou à d’autres prestataires de services qui n’ont pas été
désignés par l’acheteur pour la réparation ou l’entretien de ses biens ».
-
Paragraphe 22 : Est considérée comme incompatible avec l’exemption « la limitation de la
vente de pièces de rechange pour véhicules automobiles par les membres d’un système de
distribution sélective à des réparateurs indépendants ».
-
Paragraphe 23 : Est considérée comme incompatible avec l’exemption : « toute restriction
directe ou indirecte convenue entre un fournisseur de pièces de rechange, d’outils de
réparation, d’équipements de diagnostic ou d’autres équipements, et un constructeur
automobile, ayant pour objet de limiter la faculté du fournisseur de vendre ces produits à des
distributeurs et des réparateurs agréés et/ou indépendants ».
14
. Cette disposition s’applique également aux pièces de carrosserie dans les pays où il est possible d’avoir accès à des pièces alternatives.
16
. Source : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/10/913&format=HTML&aged=0&
language=EN&guiLanguage=en.
9
2. Pièces de carrosserie, un cas bien plus complexe
La production et la vente de pièces de carrosserie sont contraintes par les législations nationales sur la protection
des modèles et dessins. Pour être précis, dans certains pays de l’Union européenne, la protection des œuvres de
l’esprit s’étend jusqu’à la reproduction d’éléments de carrosserie. En l’occurrence, il devient non seulement
impossible pour un distributeur indépendant de vendre des pièces de carrosserie produites par les constructeurs
(ou leurs partenaires), mais aussi pour un industriel de produire ce type de pièce pour le marché de la rechange.
La Commission européenne ne néglige pas cette problématique, mais est empêchée par certains États ayant des
préoccupations très spécifiques (comme protéger les constructeurs nationaux). Elle relatera d’ailleurs cette
difficulté, dans la proposition de directive de 2004, lors de la mise en place de la directive de 1998 sur les dessins
et modèles. « Lorsque la directive 98/71/CE sur la protection juridique des dessins ou modèles a été adoptée, il
n’avait pas été possible d’harmoniser le régime de protection pour le marché des pièces détachées. Aucun accord
n’avait été conclu sur le rôle de la protection des modèles ou dessins pour les pièces de rechange “must match”
17
destinées à des produits complexes . »
N’étant pas parvenue en 1998, dans sa première tentative d’harmonisation des législations nationales, à imposer
une libéralisation du marché, la Commission proposera en 2004 une nouvelle directive pour atteindre cet objectif.
Cependant, bien que cette dernière fût votée par le Parlement européen, elle ne peut être appliquée, car elle est
bloquée par le Conseil des ministres européens.
► La directive de 1998 sur les dessins et modèles, un premier pas trop timide
En 1998, le Parlement européen a voté une directive (98/71/CE) pour tenter d’homogénéiser les réglementations
nationales et d’assainir le contexte concurrentiel. Cet objectif est clairement annoncé dans les considérants du
texte :
« (2) Considérant que la disparité des protections juridiques des dessins ou modèles offertes par les
législations des États membres a une incidence directe sur l’établissement et le fonctionnement du
marché intérieur pour les produits incorporant des dessins ou modèles ; que cette disparité peut
fausser le jeu de la concurrence sur le marché intérieur ;
« (3) Considérant qu’il est donc nécessaire, pour le bon fonctionnement du marché intérieur, de
rapprocher les législations des États membres relatives à la protection des dessins ou modèles. »
Cependant, le texte de 1998 n’a pas pour objectif de libéraliser le marché des pièces de carrosserie. Il laisse la
liberté aux États membres de garder leur législation en l’état. L’objet du règlement est essentiellement un
alignement des procédures et des droits conférés par l’enregistrement d’un modèle ou d’un dessin.
Néanmoins, on peut noter un apport qui marque un tournant dans l’orientation de la politique européenne sur les
dessins et modèles, puisque l’article 14 prévoit que les États membres ne peuvent modifier leur législation que
pour aller dans le sens de la libéralisation (ce qu’a fait, par exemple, la Grande-Bretagne).
« Les États membres maintiennent en vigueur leurs dispositions juridiques existantes relatives à
l’utilisation du dessin ou modèle d’une pièce utilisée dans le but de permettre la réparation d’un
produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et n’introduisent des modifications à ces
dispositions que si l’objectif en est de libéraliser le marché de ces pièces. »
17
. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/71/CE sur la protection juridique des dessins ou
modèles (2004/0203), présentée par la Commission, 14 septembre 2004.
10
► L’adoption de la proposition de directive de 2004 : l’impossible mission
18
En 2004 , la Commission européenne propose d’aller au-delà d’une harmonisation et d’ouvrir totalement le
marché pour les « pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui
rendre son apparence initiale » (2004/0203, p. 4). Pour résumer ce que propose la Commission, c’est une « clause
o
de réparation » semblable à celle prévue au règlement (CE) n 6/2002 du 12 décembre 2001 relatif aux dessins et
modèles communautaire :
«… une protection au titre de dessin ou modèle communautaire n’existe pas à l’égard d’un dessin ou
modèle qui constitue une pièce d’un produit complexe qui est utilisée au sens de l’article 19,
paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son
apparence initiale » (article 110, paragraphe 1).
Cette proposition de directive (voir l’encadré 2) a été votée par le Parlement européen le 12 décembre 2007.
Malheureusement, le texte n’a pas été plus loin, car le Conseil des ministres européens refuse de se prononcer sur
le texte (de le mettre à l’agenda), notamment sous la pression de la France qui fait toujours blocage. Par
conséquent, il est peu probable, à court terme, que la situation se débloque en Europe et qu’à nouveau des pays
historiquement protecteurs (voir la figure 1) fassent le choix de la libéralisation.
Figure 5. La carte de la situation réglementaire en Europe (250 millions d’automobilistes potentiellement captifs
en Europe)
La Pologne a adopté la
clause de réparation en
2007
Source : ECAR 2006
18
. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/71/CE sur la protection juridique des dessins ou
modèles (2004/0203), présentée par la Commission, 14 septembre 2004.
11
Encadré 2. Les dispositions de proposition de la directive du Parlement européen et du Conseil
modifiant la directive 98/71/CE sur la protection juridique des dessins ou modèles – 2004/0203
(COD)
Article premier
L’article 14 de la directive 98/71/CE est remplacé comme suit :
Article 14
1. La protection au titre de dessin ou modèle n’existe pas à l’égard d’un dessin ou modèle qui
constitue une pièce d’un produit complexe qui est utilisée au sens de l’article 12, paragraphe 1,
de la présente directive dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de
lui rendre son apparence initiale.
2. Les États membres veillent à ce que les consommateurs soient convenablement informés sur
l’origine des pièces de rechange pour leur permettre de faire un choix en toute connaissance
entre pièces concurrentes.
Article 2
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et
administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard deux ans
après son adoption. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces
dispositions ainsi qu’un tableau de correspondance entre ces dispositions et la présente
directive.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à
la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication
officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de
droit interne qu’ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.
Article 3
La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au
Journal officiel de l’Union européenne.
Article 4
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
12
3. Qualité et sécurité des pièces de carrosserie alternatives : quelles garanties ?
► La réglementation
La réglementation qui encadre les pièces de carrosserie est la même que celle qui encadre toutes les autres
pièces automobiles, comme les freins ou les amortisseurs, dont la production et la commercialisation sont déjà
libres dans toute l’Europe.
Les catégories reconnues sont celles définies depuis 2010 par les lignes directrices (2010/C 138/5) du 28 mai
2010 (voir précédemment). Avant cela, les professionnels s’appuyaient sur le règlement 1400/2002 (entré en
vigueur en 2002).
Comme nous l’avons vu précédemment, les textes européens prévoient deux catégories de pièces :
les « pièces de rechange d’origine » : des pièces de rechange qui sont de la même qualité que celles
utilisées lors du montage d’un véhicule automobile et qui sont produites selon les spécifications et les
normes de production fournies par le constructeur automobile ;
les « pièces de rechange de qualité équivalente » : qui doivent être d’une qualité suffisamment élevée
pour que leur emploi ne porte pas atteinte à la réputation du réseau agréé en question.
Toutes les pièces qui n’entrent dans aucune de ces deux catégories sont appelées « pièces adaptables ». Il est
important de souligner que des pièces de qualité équivalente, voire des pièces adaptables, peuvent être d’une
qualité supérieure à celle des pièces d’origine installées par le constructeur. En effet, ce dernier fait un arbitrage
coût-qualité de manière à ce que le véhicule ne soit pas trop onéreux à produire et reste disponible à un prix
adapté à une demande permettant une production en grande série. Ce qui signifie qu’il existe un segment de
marché pour une montée en gamme de certains éléments du véhicule. C’est par exemple, en partie, le marché du
19
« tuning ». En effet, certains consommateurs remplacent, par exemple, leurs freins traditionnels par des freins
typés compétition plus performants. D’autres remplacent leurs amortisseurs classiques à huile par des
amortisseurs à gaz plus efficaces, mais aussi beaucoup plus chers.
On peut légitiment se poser la question de la sécurité. Pour éclaircir ce point, on peut déjà dire que la libéralisation
des pièces autres que celles relatives à la carrosserie ne pose aucun problème en France. Pourtant, les pièces
mécaniques, comme les freins, sont des éléments particulièrement sensibles du point de vue de la sécurité.
Il est vrai que la production de certaines pièces mécaniques est encadrée. Par exemple, pour les freins, il existe le
20
règlement européen R90 CE qui définit un niveau de qualité minimum que les pièces doivent atteindre pour être
autorisées sur le marché. Ce qui signifie que la réglementation s’adapte aux exigences de qualité.
Enfin, on peut également souligner que l’usage de pièces de carrosserie alternatives dans des pays comme
l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne ne semble poser aucun problème.
► La certification des pièces de carrosserie, une garantie de qualité
Lorsque qu’un marché est composé d’éléments hétérogènes, la première difficulté qui se pose est la visibilité. En
effet, pour le cas qui nous concerne, comment reconnaître une bonne pièce d’une moins bonne ? Comment savoir
si une pièce définie remplira les mêmes fonctions que celle montée sur mon véhicule ?
Pour y voir le plus clair possible, le consommateur peut déjà s’appuyer sur la classification de la commission.
Lorsqu’une pièce est dite d’origine, elle est identique à celle montée sur le véhicule neuf, quel que soit le
producteur. Ensuite, une pièce de qualité équivalente à l’origine est une pièce qui, bien que différente dans ses
spécifications, assure les mêmes services.
Le consommateur peut estimer la catégorie « pièce de qualité équivalente » trop floue. Il peut alors s’appuyer sur
une deuxième garantie, la certification (elle apparaît sur les pièces : voir l’annexe 4).
19
. Le « tuning » consiste à customiser un véhicule en lui ajoutant des pièces alternatives pour le personnaliser ou pour améliorer ses
performances.
20
. Voir par exemple : http://www.ebcbrakes.com/francaispages/automobiles/regulation90francais.shtml
13
En effet, un grand nombre de producteurs de pièces détachées alternatives, pour apporter une garantie
supplémentaire au consommateur, demande à des organismes spécialisés de tester et de valider leurs pièces.
Ces différents organismes sont par exemple :
21
TÜV : cet organisme de contrôle et de normalisation est l’équivalent allemand de l’Afnor ;
Thatcham : ce groupe de recherche et de normalisation anglais est contrôlé par des sociétés
d’assurances ;
Centro Zaragoza
d’assurances.
22
23
: cet organisme de certification espagnol a été créé en 1987 par 14 sociétés
Ces organismes ont des accords entre eux, si bien que leurs tests sont très semblables.
Les tests réalisés par ces organismes sont variés et relatifs à la fois à la qualité et à la sécurité, par exemple :
qualité de l’acier ou du plastique ;
épaisseur du matériau utilisé (acier) ;
traitement anticorrosion (ils vérifient que la cataphorèse a été bien réalisée) ;
que la pose se fasse dans les mêmes conditions, en termes de temps et de qualité, qu’une pièce
d’origine ;
homologation sur le niveau de sécurité pour certaines pièces comme le pare-brise ;
etc.
Certains, comme Centro Zaragoza, réalisent également des crash-tests.
Il peut également être important de souligner que ces pièces de carrosserie alternatives sont la plupart du temps
fabriquées par les fournisseurs directs ou indirects des constructeurs. Les entreprises qui fournissent de manière
indirecte les constructeurs sont en fait des sous-traitants des équipementiers. En effet, l’industrie automobile se
caractérise par la sous-traitance en cascade. Les équipementiers, lorsqu’ils ne peuvent répondre à la demande,
soit pour des raisons de capacité, soit pour des raisons de compétences, font appel à d’autres entreprises
spécialisées. Ces dernières n’apposeront pas leur logo sur les composants, ils seront badgés par le sous-traitant
qui contracte directement avec le constructeur.
21
. http://www.tuv.com/de/deutschland/home.jsp
22
. http://www.thatcham.org/home.jsp?ugid=7 ; liste des pièces certifiées par Thatcham :
http://www.thatcham.org/tuv/index.jsp?page=885
23
. http://www.centro-zaragoza.com:8080/web/descubra_cz/historia/historia.jsp
14
Ouverture du marché aux pièces alternatives :
quels gains pour le consommateur ?
L’ouverture à la concurrence du marché français des pièces détachées pourrait être bénéfique pour le
consommateur, et cela de différentes manières. Tout d’abord, grâce à une concurrence sur la distribution (la vente
au détail), le consommateur pourrait bénéficier d’une baisse des prix des pièces produites par les constructeurs
(ou leurs sous-traitants). Ensuite, elle permettrait au consommateur de choisir des pièces alternatives (produites et
distribuées par des entreprises indépendantes) pour réparer ou personnaliser son véhicule.
Ce nouveau droit autorise, d’une part, une baisse de la facture de réparation si le consommateur s’oriente vers des
pièces alternatives moins onéreuses ; d’autre part, une possibilité d’améliorer l’apparence ou les performances de
son véhicule. En effet, certains consommateurs peuvent préférer des pièces alternatives, qui peuvent être plus
24
chères que les pièces de constructeur, pour leurs caractéristiques propres. C’est le principe du « tuning » qui
permet au consommateur d’équiper, par exemple, son automobile de freins plus performants que ceux d’origine.
L’économie réalisée par le consommateur lorsqu’il a accès à des pièces de carrosserie alternatives moins
onéreuses que « les pièces constructeurs » peut être directe, s’il achète lui-même les pièces, ou indirecte, si son
assurance se charge des réparations. En effet, si le prix des pièces de carrosserie diminue, il devrait en être de
même pour les primes d’assurance (puisque le coût sera moindre pour la société d’assurance : comme nous
l’avons signalé, les pièces détachées représentent 47,3 % du coût total de la réparation automobile).
Cependant, sur ce segment de marché (les pièces de carrosserie), le gain sera plutôt indirect. En effet, il est très
rare que le consommateur fasse ce type de réparation en dehors d’un contexte « d’accident de la route » qui
25
implique une déclaration à l’assurance. Cette dernière a alors la charge de payer la facture . De plus, le
consommateur fait rarement le choix d’effectuer lui-même cette réparation, car contrairement à l’entretien de base
d’un véhicule (vidange, niveaux, etc.) l’opération est, dans la majorité des cas, complexe.
Il ne s’agit pas ici de réaliser un bilan exhaustif de l’effet potentiel d’une libéralisation du marché des pièces de
carrosserie. En effet, ce travail impliquerait de comparer également les prix des pièces « constructeurs » lorsque
celles-ci sont vendues par ces derniers et lorsqu’elles sont vendues par des indépendants (Norauto, Feu Vert,
etc.). Ce type de travaux, bien que très intéressant, est très lourd à mettre en place et peut être très coûteux.
Notre objectif est de montrer quel pourrait être le gain potentiel pour le consommateur français lorsqu’il lui devient
possible de choisir entre des pièces dites « constructeurs » (distribuées par le constructeur) et des pièces
alternatives, i.e. produites par des fabricants indépendants.
Cependant, il est important de souligner qu’il ne s’agit pas d’une étude économique au sens méthodologique du
terme, dans la mesure où nous nous appuyons sur un échantillon limité d’opérateurs (pour des raisons de
faisabilité et de coûts). Néanmoins, comme nous le verrons (cf. supra), nous nous appuyons sur une démarche
rigoureuse nous permettant d’offrir une illustration représentative de ce que pourraient être les effets, en termes de
gains de prix pour le consommateur, d’une ouverture du marché aux pièces de carrosserie alternatives.
24
. Le « tuning » consiste à customiser un véhicule en lui ajoutant des pièces alternatives pour le personnaliser ou pour améliorer ses
performances.
25
. Nous n’avons pas trouvé de données officielles. Cependant, un dirigeant du secteur de la pièce de rechange estime que 80 % de la
réparation est financée par les assureurs.
15
1. Objectifs, difficultés et méthodologie
► Les pièces de carrosserie alternatives, une opportunité pour le consommateur ?
Le marché français des pièces détachées de carrosserie est structuré autour de monopoles de marques. Chaque
constructeur décide quel produit sera vendu et dans quelles conditions, ce qui signifie que les constructeurs
maîtrisent la production (même lorsqu’elle est déléguée) comme la vente. Par conséquent, non seulement les
consommateurs n’ont pas l’opportunité de bénéficier de vrais prix de marché (déterminés dans un environnement
concurrentiel), mais ils se voient dans l’impossibilité de choisir le type de pièce à installer dans leurs véhicules.
L’objectif de ce travail est de montrer qu’une libéralisation du marché automobile permettrait au consommateur qui
choisirait d’utiliser des pièces alternatives de faire d’importantes économies de manière directe, lorsqu’il achète luimême ces pièces moins cher, et de manière plus indirecte, via une baisse de sa prime d’assurance.
Une baisse de la prime d’assurance se justifierait de deux manières. D’une part, si l’assureur et le consommateur
se mettent d’accord pour l’usage de pièces alternatives, la facture de la réparation diminuera, ce qui devrait être
répercuté dans les primes d’assurance. En Angleterre, par exemple, l’assurance laisse le choix au consommateur
sur les pièces à utiliser. D’autre part, si plus de véhicules sont réparables, grâce à l’usage de ce type de pièces
alternatives moins chères, l’assurance pourra économiser l’indemnisation consécutive à la destruction d’un
véhicule (plus ou moins la valeur marchande du véhicule) et ainsi baisser le coût des primes d’assurance. De plus,
le consommateur pourra réparer un véhicule qu’il ne peut, peut-être pas, remplacer.
Pour démontrer le gain potentiel pour le consommateur d’une ouverture du marché français aux pièces
alternatives, nous allons examiner l’écart existant entre des pièces fournies par les constructeurs et des pièces
fournies (et produites) par des acteurs indépendants.
► Une illustration rigoureuse d’effets potentiels d’une ouverture du marché aux pièces
alternatives
Pour faire un travail de comparaison, il s’agit avant tout de trouver des prix représentatifs du marché.
26
Pour les pièces des constructeurs, les données utilisées sont celle fournies par ETAI (données d’août 2010).
Pour les pièces de carrosserie fabriquées et vendues par des alternatifs, nous avons ciblé des distributeurs qui
offrent des produits d’entreprises reconnues dans le marché de la rechange. Reconnues car elles mettent sur le
marché des pièces alternatives de qualité (nous reviendrons sur ce point dans ce qui suit), mais aussi parce
27
qu’elles comptent parmi les acteurs dominants du marché. Il s’agit de Van Wezel pour l’Allemagne et la Belgique
28
29
et de Jumasa (grossiste et producteur) et Oran pour l’Espagne. Les prix dont nous disposons sont ceux de
distributeurs qui tiennent à rester anonymes. L’UFC-Que Choisir a vérifié la conformité des données transmises à
partir de captures d’écrans, de base de donnés (Tecdoc) mais aussi de contrôles aléatoires sur différents sites
Internet qui distribuent ce type de pièces (voir l’annexe 6.) Ces contrôles ont d’ailleurs permis, parfois, de trouver
des prix plus attractifs que ceux de notre base.
Il est important de souligner qu’avec cette méthode, nous ne pouvons pas prétendre réaliser une étude de marché,
ou économique, à proprement parler. En effet, pour cela, il aurait été nécessaire de disposer des prix de
l’ensemble ou d’une majorité des acteurs de chaque pays.
Or, cela pose plusieurs problèmes :
-
tout d’abord, l’accès aux données. Obtenir les prix pratiqués pour chaque pièce par chaque producteur
alternatif (ou plusieurs d’entre eux) et cela pour chaque pays serait complexe et coûteux ;
-
ensuite, l’homogénéité des produits. En effet, il est difficile d’établir le prix moyen d’une pièce de
carrosserie alternative à partir de produits différents en termes de spécifications et de qualité ;
26
. ETAI est un groupe dont l’activité est de fournir de l’information et des outils aux acteurs d’une filière automobile. Il gère notamment des
bases de données « prix » utilisées, par exemple, par certaines compagnies d’assurances pour chiffrer les dommages d’un accident et le coût
de la réparation.
27
. http://www.vanwezel.be/french/index.htm
28
. http://www.jumasa.com/quienesSomos_f.asp
29
. http://www.oran-sa.es/
16
-
enfin, notre travail exige des pièces alternatives comparables aux pièces « constructeurs ». Il était
donc nécessaire de partir des références « constructeurs » (c’est-à-dire la pièce alternative produite
30
pour se substituer à une pièce « constructeur » précise ), ce qui n’est pas toujours possible.
Nous avons donc restreint les pièces alternatives considérées à un petit nombre de fournisseurs représentatifs,
des acteurs clés du marché de la rechange reconnus pour leurs bonnes pratiques.
Par conséquent, ce que montre notre étude est l’écart de prix entre une pièce constructeur et une pièce alternative
de bonne qualité. Plus concrètement, il s’agit de mesurer l’écart de prix entre les produits proposés par les
constructeurs et ceux vendus et produits par des acteurs indépendants spécifiques et représentatifs. Il s’agit bien,
par conséquent, de montrer que des économies sont possibles pour le consommateur s’il est en mesure d’avoir
accès à des pièces de carrosserie de producteurs alternatifs.
► Comparaison pièces détachées constructeurs et pièces détachées alternatives : la méthode
● L’échantillon
L’échantillon considéré se compose d’un panier de pièces comprenant les éléments suivants pour l’Allemagne, la
Belgique et l’Espagne.
-
Avant du véhicule :
les deux phares (éclairage classique)
les deux ailes
la calandre (lorsqu’il y en a une)
le pare-chocs
le capot
-
Côté du véhicule :
la portière avant gauche
le rétroviseur avant gauche
-
Arrière du véhicule :
le phare gauche (éclairage classique)
l’aile gauche
le coffre (la partie mobile)
le pare-chocs
Il s’agit du panier de pièces de référence, qui peut cependant évoluer selon les véhicules. En effet, certains
modèles ont une grille de calandre et d’autres non. La différence peut également se faire sur la prise en compte
d’un rappel de clignotant sur une aile ou une porte.
Pour assurer une cohérence à notre démarche, les pièces alternatives considérées sont définies en fonction de la
référence « constructeur ». Il s’agit donc de la pièce élaborée pour être l’alternative d’un composant constructeur
défini.
30
. En effet, au cours de la durée de vie d’un modèle, les caractéristiques des pièces peuvent changer (à la marge) plusieurs fois et donc
adopter une nouvelle référence. Or, comme ces changements sont minimes, une pièce alternative se substitue parfois à toutes les références
d’une même pièce. Ce qui peut poser problème pour la comparaison. Dans notre échantillon, chaque pièce alternative correspond à une pièce
constructeur (et donc à une référence) précise.
17
Exemple avec la Citroën C3 :
Années
Désignation
commerc.
C3 (PHASE 1) 02-05
CAPOT MOTEUR
Référence
Constructeur
7901K6
C3 (PHASE 1) 02-05
AILE AVD
7841P4
C3 (PHASE 1) 02-05
AILE AVG
7840L5
C3 (PHASE 1) 02-05
PORTE AVG
9002V1
C3 (PHASE 1) 02-05
HAYON
8701Q2
C3 (PHASE 1) 02-05
AILE ARG
8526S9
C3 (PHASE 1) 02-05
PARE-CHOCS AV À PEINDRE
7401V2
C3 (PHASE 1) 02-05
GRILLE DE CALANDRE
7804L0
C3 (PHASE 1) 02-05
PARE-CHOCS AR À PEINDRE
7410R6
C3 (PHASE 1) 02-05
PHARE D (H7+H1)
6205Z6
C3 (PHASE 1) 02-05
PHARE G (H7+H1)
6204Z6
C3 (PHASE 1) 02-05
FEU ARG
6350Q3
C3 (PHASE 1) 02-05
RÉTRO EXT G ÉLECT
8149FJ
Modèle
Seules des pièces de très bonne qualité ont été prises en compte, c’est-à-dire des pièces « qualité équivalente ».
Lorsque, pour un modèle précis, il existait plusieurs références, nous avons retenu la référence la plus vendue.
● L’indicateur considéré
Pour évaluer l’économie moyenne réalisée lorsqu’une opération de réparation est effectuée à partir de pièces
alternatives, nous réalisons une moyenne d’écarts par modèle, puis par constructeur.
•
Écarts par modèle : exemple avec la Peugeot 206
Nous calculons la différence de prix (HT) pièce par pièce, puis nous faisons une moyenne de ces écarts.
L’avantage de cette méthode est qu’il est possible d’obtenir pour chaque véhicule une valeur significative même
lorsqu’il manque quelques prix dans le panier considéré. Si un panier ne contient pas au moins 5 prix, la valeur
indiquée ne doit pas être considérée comme un résultat, elle n’est présente qu’à titre indicatif.
CAPOT MOTEUR
Prix
de
Prix du constructeur
l’indépendant Écart en %
(HT)
(HT)
–20,4
248,78
197,95
AILE AVD
99,91
57,78
–42,2
AILE AVG
99,91
57,78
–42,2
PORTE AVG
325,22
ND
ND
HAYON
303,81
ND
ND
AILE ARG
281,2
183,77
–34,6
PARE-CHOCS
247,06
48,84
–80,2
GRILLE CALANDRE
18,46
6,52
–64,7
PARE-CHOCS AR
217,03
45,6
–79,0
PHARE D H4
114,12
55,63
–51,3
PHARE D H7+H7
180,76
89,88
–50,3
PHARE G H4
114,12
55,63
–51,3
FEU ARG
RÉTRO
EXT
MANUEL
Écart moyen
64,02
48,72
–23,9
63,71
19,7
–69,1
G
–50,8
18
Ce qui signifie qu’en passant par l’opérateur alternatif de notre échantillon, plutôt que par un constructeur, pour
l’achat d’un capot de Peugeot 206, le consommateur réalisera une économie de 20,4 %.
L’écart moyen signifie qu’en moyenne, le consommateur paiera ces différentes pièces de carrosserie 50,8 % moins
chères s’il s’adresse à notre fabricant alternatif. Il faut noter que les moyennes cachent d’importantes disparités,
puisque dans le cas présent la différence de prix va de 20,4 % (le capot moteur) à 79 % (le pare-chocs arrière).
•
Écarts constructeur : exemple avec Volkswagen en Allemagne
Nous avons également calculé un indice « écart moyen » par constructeur qui est la moyenne des écarts moyens
par véhicule.
Comme nous l’avons signalé, lorsque, pour un véhicule précis, nous ne disposons pas d’au moins 5 prix, l’écart de
prix annoncé pour ce modèle n’est présent qu’à titre indicatif et n’entre pas dans le calcul de la moyenne par
constructeur.
Modèles
Nombre de pièces Écart de prix par
prises en compte
modèle en %
Polo (1994-1999)
9/13
–48,6
Polo (1999-2001)
8/13
–37,4
Polo (2001-2005)
9/13
–37,6
Polo (2005-2010)
10/13
–34,2
Golf V (2003-2008)
9/13
–34,5
Golf VI (2008-)
Passat (2000-2005)
Passat (2005-)
Constructeur
4/13
–25,4*
10/12
9/12
–43,7
–31,4
–37,3
Grâce à ce tableau, on peut donc constater que pour une Volkswagen Polo construite entre 1994 et 1999, en
Allemagne, le consommateur paiera en moyenne 48,6 % moins cher ses pièces de carrosserie s’il passe par le
fournisseur représentatif de notre échantillon.
Concernant la Golf IV, le chiffre annoncé n’est présent qu’à titre indicatif (ce qui explique la petite étoile), puisque
nous ne disposons que de 4 prix. En l’occurrence, il n’entre pas dans le calcul qui nous permet de dire que les
écarts de prix entre les pièces alternatives de notre fournisseur et les pièces constructeurs sont en moyenne de
37,3 % pour la marque Volkswagen.
2. Résultats
Dans tous les pays étudiés, on constate un très fort écart de prix entre les pièces de carrosserie produites et
vendues par les constructeurs et les pièces produites et vendues par les acteurs indépendants de notre
échantillon. Cependant, dans la mesure où notre échantillon est limité à un distributeur de pièces alternatives par
pays, il est difficile d’en tirer des conclusions générales.
19
► L’écart moyen par modèle pour chaque constructeur
Figure 5. L’écart de prix pièces constructeurs/pièces alternatives pour Citroën en %
Allemagne
Belgique
Espagne
C3 (2002-2005)
C3 (2005-2010)
Xsara (2000-2004)
C4 (2004-)
C5 (2004-2008)
C5 (2008-)
Xsara Picasso (1999-)
–33,6
–29
–28,8
–34,7
–33,7*
–15,2
–37
–33,3
–31,6
–35,7
–27,7
–19,8*
–15,7
–38,9
–33,6
–21,9
–24,4
–28,3
–27,2*
–21,3*
–30,3
C4 Picasso (5 places)
Constructeur
–25,3*
–29,7
–13,4
–28,6
–19,1*
–27,7
Le consommateur qui choisirait de réparer son véhicule avec des pièces de carrosserie alternatives serait donc
potentiellement en mesure de payer au moins 29,7 % moins cher en Allemagne, 28,6 % moins cher en Belgique et
27,7 % en Espagne.
Figure 6. L’écart de prix pièces constructeurs/pièces alternatives pour Ford en %
Allemagne
Belgique
Espagne
Fiesta 5 (2002-2005)
Fiesta 5 (2005-2008)
Fiesta 6 (2008-)
Focus (1998-2004)
Focus (2004-2008)
Focus (2008-)
Mondeo (2000-2007)
Mondeo (2007-)
ND
ND
–21,3*
–47,1
–39,4
–30,4
–44,2
–28,7
ND
ND
–25,5*
–45,2
–42,4
–21,9
–40,7
–28,8
–31
–25,4
–25,9*
–40,7
–33
–27,8
–38,8
–34,3*
Constructeur
–38
–35,8
–32,8
Les consommateurs peuvent faire d’importantes économies en optant pour les pièces alternatives de nos
fournisseurs de référence. En Espagne, bien que l’écart soit plus faible, il reste conséquent (32,8 %).
On note un phénomène intéressant : plus le modèle est ancien, plus l’écart se creuse. Dans le cas présent,
l’explication est à trouver du côté des producteurs de pièces alternatives, dont les prix baissent avec l’âge des
véhicules. Ce résultat est assez logique dans la mesure où les véhicules les plus anciens sont « le marché
pertinent » pour les pièces alternatives. Plus un modèle est ancien, moins il est intéressant de le réparer avec des
pièces « constructeurs » et donc plus il se développe une demande pour des pièces alternatives. Et lorsqu’il s’agit
de véhicules très diffusés, la taille du marché peut être suffisante pour créer d’importantes économies d’échelle et
donc autoriser une importante baisse des prix.
De manière générale, le marché de la pièce alternative est constitué de modèles très diffusés car il s’appuie sur
une technologie coûteuse et plus ou moins spécifique à chaque modèle (les moules) qui, pour être rentabilisée,
implique de forts volumes.
20
Figure 7. L’écart de prix pièces constructeurs/pièces alternatives pour Peugeot en %
Allemagne
Belgique
Espagne
206 (1998-2009)
207 (2006-)
307 (2001-2005)
–52,3
–29,6
–54,4
–42
–23,8
–52,9
–45,5
–25,8
–39,4
307 (2005-2008)
–42,1
–22,4
–25,6
308 (2007-)
406 (1999-2004)
407 (2004-)
–31,3
–49,5
–34,8
–23
–44,8
–29,4
–18,9
–36,9
–31,3
Constructeur
–42
–34,1
–31,9
La marque Peugeot laisse apparaître de très importants écarts en Allemagne et en Belgique. C’est d’ailleurs, dans
notre échantillon, celle qui fait payer le plus cher une préférence pour les pièces de constructeurs, puisque l’écart
atteint 42 % en Allemagne.
Si nous nous intéressons plus spécifiquement aux écarts de prix par modèle, nous constatons qu’ils peuvent
atteindre des niveaux vertigineux. Par exemple, utiliser des pièces alternatives de notre fabricant de référence pour
réparer une Peugeot 206 ou 307 peut permettre au consommateur allemand de diviser par deux (et même un peu
plus) sa facture. L’écart de prix pour les pièces de carrosserie de 307 se retrouve également en Belgique.
Ceci peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit de véhicules très diffusés (la 206 est la plus vendue dans l’histoire de la
marque – plus de 6,8 millions de véhicules commercialisés). Par conséquent, le parc de véhicules en circulation
est très important, ce qui tire la demande et autorise d’importantes économies d’échelle pour les producteurs de
pièces alternatives. Ce qui pourrait expliquer un important écart des prix.
Le fait que les prix constructeurs ne semblent pas évoluer dans le même sens peut suggérer qu’ils disposent d’un
important pouvoir de marché. Cependant, on peut aussi penser que les constructeurs ont plutôt intérêt à ce que la
réparation reste coûteuse pour accélérer le remplacement des véhicules.
Figure 8. L’écart de prix pièces constructeurs/pièces alternatives pour Renault en %
Allemagne
Belgique
Espagne
Clio II (2001-)
Clio III (2005-)
Mégane II (2002-2006)
–48,6
–35,8
–39,5
–46,4
–23
–38,5
–43,9
–19,8
–42
Mégane II (2006-2008)
–32,2
–34,6
–31,5
Mégane III (2008-)
Scénic II (2003-2009)
Laguna II (2001-2005)
–25,3
–47,6
–13,6
–40,3
–16,1*
–58
–39,5
–30,6
–48,4
Laguna II (2005-2007)
–30,6
–17,7*
–48*
Constructeur
–30,6
–32,4
–40,6
21
Figure 9. L’écart de prix pièces constructeurs/pièces alternatives pour Volkswagen en %
Allemagne
Belgique
Espagne
Polo (1994-1999)
Polo (1999-2001)
Polo (2001-2005)
Polo (2005-2010)
Golf V (2003-2008)
Golf VI (2008-)
Passat (2000-2005)
Passat (2005-)
–48,6
–37,4
–37,6
–34,2
–34,5
–25,4*
–43,7
–31,4
–49,3
–31,4
–37,8
–37,6
–37
–30
–39,4
–25,7
–47,9
ND
–33,80
–29,13
–30,96
ND
–41
–37,20
Constructeur
–37,3
–36
–36,6
► La disponibilité des pièces alternatives, des stratégies « constructeurs » similaires
Figure 10. Les écarts pièces constructeurs/pièces alternatives selon les pays considérés
Citroën
Ford
Peugeot
Renault
Volkswagen
Allemagne
–29,7 %
–38 %
–42 %
–30,6 %
–37,3 %
Belgique
–28,6 %
–35,8 %
–34,1 %
–32,4 %
–36,6 %
Espagne
–27,7 %
–32,8 %
–31,9 %
–40,6 %
–36,6 %
Nos calculs montrent que, quel que soit le pays ou le constructeur envisagé, il existe un important écart de prix
entre les pièces constructeurs et les pièces alternatives considérées. Par exemple, un consommateur Allemand qui
ferait le choix de pièces alternatives chez le distributeur de notre échantillon pour son véhicule Citroën paierait en
moyenne 29,7% moins cher que s’il s’adressait au constructeur (le détail par modèle est disponible dans l’étude
jointe).
Ces écarts peuvent paraître étonnants dans la mesure où l’on pourrait supposer que la concurrence des pièces
alternatives pousse les constructeurs à baisser leurs prix. Or, ce n’est pas le cas : selon nos calculs, les prix
31
catalogues des constructeurs dans les zones libéralisées sont très proches des prix dans les zones de monopole.
32
Nous avons calculé que, d’une manière générale, les prix ne sont en moyenne supérieurs que de 2,4 % dans les
zones où subsistent les monopoles (voir l’annexe 7).
En réalité, il semblerait que les constructeurs ont une politique de prix européenne qui intègre un certain nombre
de paramètres et, notamment, les débats sur la libéralisation des marchés captifs. En effet, de nombreux États,
dont la France, protègent encore le monopole des constructeurs sur la production et la vente des pièces de
carrosserie (voir la figure 4, p. 6), ce que les institutions européennes voient d’un mauvais œil. Il serait donc
maladroit pour les constructeurs de démontrer qu’une libéralisation des prix permettrait une baisse des prix,
d’autant plus qu’ils nient cela fermement depuis plusieurs années.
Ensuite, il y a la volonté des constructeurs de ne pas alimenter ce que l’on appelle le « grey market ». Ce dernier
se caractérise par la revente de pièces de constructeurs, achetées dans les pays libres, dans les pays où est
maintenu « le monopole » des constructeurs. Cette pratique est légale grâce à la règle de l’épuisement des droits.
En effet, une fois que le constructeur a cédé une pièce à un détaillant, il perd tous les droits dessus ; celui-ci peut
alors en faire ce qu’il souhaite, y compris la revendre à un autre détaillant partout en Europe.
Par conséquent, il y a fort à parier que si la close de réparation, bloquée à Bruxelles, devenait réalité, nous
observerions une baisse généralisée des prix.
31
. Attention : cela ne signifie pas qu’il n’existe pas des pièces de carrosserie de constructeurs moins chères dans ces différents pays. En effet,
il ne faut pas oublier que nos tarifs sont ceux des pièces constructeurs distribuées par les constructeurs. Or, il existe aussi des distributeurs
indépendants qui vendent des pièces de constructeurs à des prix plus faibles, car concurrentiels (une concurrence entres les différents
distributeurs indépendants).
32
. Voir échantillon et méthodologie page 17.
22
Conclusion et demandes
Une ouverture du marché automobile autoriserait d’importantes économies pour le consommateur, et cela pour
plusieurs raisons. Tout d’abord, une baisse des prix des pièces constructeurs, notamment car une réelle
concurrence existerait pour leur distribution ; ensuite, le consommateur aurait la possibilité de choisir des pièces
alternatives qui devraient rester significativement moins chères quel que soit le contexte. Et enfin, la prise en
compte de ces évolutions par les assureurs devrait conduire à une baisse des primes d’assurance (nous rappelons
que selon le SRA, les pièces détachées représentent en 2010 47,3 % du coût total de la réparation automobile).
La libéralisation du marché automobile peut être obtenue de deux manières : soit par une adaptation de la
législation française, ce qui risque d’être difficile à obtenir compte tenu du poids des constructeurs français dans
l’économie nationale, soit par la législation européenne, qui contraindrait l’État français à la transposer en droit
français. Compte tenu du fait que les institutions européennes ont déjà fait une partie du chemin avec la directive
2004/0203 (COD), elles doivent, sans aucun doute, être la cible privilégiée de nos actions. Cependant, nous ne
devons pas abandonner le terrain national, car il est notamment pour l’heure inoccupé par les associations de
consommateurs.
Au vu de ces éléments, l’UFC-Que Choisir demande une libéralisation du marché français des pièces
détachées visibles. Ce qui signifie que le consommateur peut avoir accès à des pièces de carrosserie
fabriquées par les constructeurs ou leurs fournisseurs via des réseaux de distribution indépendants et
concurrentiels mais également qu’il est en mesure d’utiliser des pièces de carrosserie alternatives
(fabriquées par des entreprises indépendantes) pour personnaliser ou réparer son véhicule.
Pour cela l’association envisage deux moyens d’action :
1.
défendre une adaptation de la réglementation française sur les modèles et dessins, mais aussi sur les
droits d’auteur. Cette dernière doit être aménagée de manière à ce que les pièces détachées puissent
être librement produites et distribuées ;
2.
défendre l’adoption par le Conseil des ministres européen de la directive 2004/0203 (COD), modifiant
la directive 98/71/CE sur la protection juridique des dessins ou modèles, votée le 14 septembre 2004
par le Parlement européen.
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