Bolivie : vers la dépénalisation de l`avortement

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Bolivie : vers la dépénalisation de l`avortement
Bolivie:versladépénalisationdel’avortement?
Par Eluska Villebonet, janvier 2014
La Bolivie discute actuellement de la possibilité de dépénaliser l’avortement, premier pas vers une
possible légalisation. Cette proposition s’inscrit dans le nouveau contexte politique marqué par
l’élection en 2006 du premier Président indigène, Evo Morales, et par l’adoption en 2009 de la
Nouvelle Constitution de l’Etat Plurinational de Bolivie. Ce processus de changement permet de
reconnaître à nouveau les peuples indigènes, plus de la moitié de la population (62%). En effet, en
s’appuyant sur les valeurs de décolonisation et de dépatriarcalisation, ce nouveau cadre législatif
offre une autonomie juridique et légale aux 36 nations originaires et promeut l’égalité femmeshommes. Dans ce contexte, l’article 66 de la nouvelle constitution, en garantissant l’exercice des
droits sexuels et reproductifs, ouvre un espace de débat sur l’interruption volontaire de grossesse.
Majoritairement réalisé clandestinement et dans de mauvaises conditions, l’avortement cause la mort
d’une centaine de femmes par an, surtout des femmes indigènes, pauvres et jeunes.
Impossibilitéd’avorterlégalementetcriminalisationdesfemmesquiavortent
Actuellement, l’avortement est sanctionné pénalement en Bolivie: une femme qui avorte peut être
condamnée de 1 à 3 ans de prison, 1 à 9 ans pour le-la médecin1. Le Code Pénal mentionne pourtant
des circonstances où avorter est légal : en cas de viol, d’inceste, d’enlèvement (à moins que l’auteur
n’épouse sa victime!) ou quand la vie ou la santé de la femme est menacée. Dans tous les cas cités,
l’avortement devra être réalisé par un-e médecin et autorisé préalablement par un-e juge. Malgré ces
dispositions, la loi n’est pas appliquée : le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU rapporte
seulement 6 avortements légaux ces 20 dernières années2. En effet, les difficultés à affronter sont
nombreuses : juges et médecins qui pratiquent l’objection de conscience, nécessité d’une autorisation
judiciaire, verdict rendu après l’accouchement, peur de dénoncer les viols subis… A cela s’ajoute la
menace d’une condamnation quand l’avortement est réalisé clandestinement. Malgré le nombre
réduit de poursuites (Ipas rend compte d’une condamnation sur 775 dénonciations entre 2008 et
2012), le seul risque d’être accusée, enquêtée ou inculpée alimente un climat d’intimidation, de peur
et de stigmatisation par rapport à l’avortement.
Toutes les femmes avortent, mais les femmes pauvres, indigènes et jeunes ont
plusderisquedemourir
Ipas estime que, chaque jour, 185 avortements sont pratiqués dans le pays et plus d’une centaine de
femmes se présentent à l’hôpital pour un avortement incomplet. Les conditions dangereuses dans
lesquelles sont pratiqués ces avortements causent la mort de 100 femmes chaque année, ce qui en fait
la troisième cause de mortalité maternelle (9.1%). Ces chiffres sous-évaluent la réalité : ils ne
comptabilisent pas les femmes qui ont été soignées dans des établissements clandestins, celles qui
n’ont pas eu de complications ou celles qui ne disent pas avoir avorté. Même si les femmes de toutes
les régions et milieux socio-économiques avortent, il existe des inégalités face au risque de mourir.
Bas niveau d’instruction et surreprésentation des femmes indigènes sont des constantes: ces dernières
ont 4 fois plus de risque de mourir lors d’une grossesse, accouchement, post-partum ou avortement.
Enfin, bien que la moyenne d’âge des femmes qui avortent soit de 30 ans, les plus jeunes sont plus
exposées : la moitié des femmes décédées avait entre 20 et 24 ans.
1
2
La sanction est aggravée quand l’avortement est suivi de lésion ou de mort, quand la femme n’est pas consentante ou qu’elle a mois de 16 ans.
En octobre dernier, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a émis des recommandations concernant la législation de la Bolivie sur l’avortement.
Avorterillégalementestcheretdangereux
Pénalisé, l’avortement se convertit en une activité lucrative souvent réalisée dans de mauvaises
conditions. Pour avorter par méthode chirurgicale, on trouve des cliniques privées en abondance
relativement tolérées par les autorités, et dont la qualité dépend du prix : entre 25€ et 1500€3. Non
seulement des profits sont générés pour des médecins sans scrupules, mais à cela s’ajoute la
corruption de certain-es policier-es. Ils-elles extorquent les femmes et les médecins en échange de
leur silence : on parle de sommes qui peuvent aller jusqu’à 150€. Concernant la méthode par
médicaments, la Mifépristone4 est légale pour d’autres utilisations et se trouve donc facilement, bien
qu’il faille payer entre 6 € et 50 € pour un produit parfois de mauvaise qualité. D’autres techniques
traditionnelles sont également utilisées, comme des infusions de racines ou d’herbes mais aussi
l’introduction d’objets dans le vagin, les chutes ou coups. Une enquête montre que 10% des femmes
qui avortent ont fait au moins 3 tentatives avant d’y parvenir, chiffre qui s’explique par la mauvaise
utilisation du Misoprostol, le manque de formation ou de matériel des cliniques et la précarité des
autres méthodes. En plus de menacer la vie des femmes, ces avortements dangereux les exposent
directement à des infections, perforations de l’utérus ou hémorragies, conduisant parfois à une
stérilité. A cela s’ajoutent les conséquences psychologiques et sociales: culpabilité, insécurité,
sensation d’avoir commis un délit et de se sentir l’objet de critiques et de sanction sociale. Quant à la
prise en charge des avortements incomplets par le système de santé publique, bien qu’elle soit
permise depuis 20065 , les soins continuent à être souvent de mauvaise qualité, pour des raisons
idéologiques ou un manque de formation. Parmi les femmes qui ont été admises dans un
établissement de santé pour des complications liées à un avortement, 70% ont indiqué avoir très mal
pendant l’intervention et 30% n’ont reçu aucune information sur leur situation (Ipas). Nombre de
femmes sont d’ailleurs dissuadées de se rendre à l’hôpital par la crainte d’être dénoncées aux
autorités. Il faut enfin souligner le coût important que représente cette prise en charge pour l’Etat :
plus de 430.000€ chaque année.
Lapénalisationdel’avortementestinconstitutionnelle
La députée du Mouvement Vers le Socialisme6 Patricia Mancilla Martínez a présenté en mars 2012
un recours en inconstitutionnalité concernant 12 articles du Code Pénal. Cette action vise à faire
disparaitre les stéréotypes sexistes qui subsistent dans ce texte. Parmi les articles dénoncés, 5 traitent
de la pénalisation de l’avortement: la reconnaissance de leur inconstitutionnalité ouvrirait la porte à
la dépénalisation. Mais depuis le dépôt, le Tribunal Constitutionnel n’a cessé de retarder sa décision
au mépris des délais légaux et, à ce jour, les magistrats-es n’ont pas trouvé de consensus. Les
élections présidentielles qui approchent (octobre 2014) laissent douter que le gouvernement se risque
à trancher la question d’ici là.
Débatd’actualité
Ce contexte provoque un climat de fortes mobilisations dans le pays. Une Marche pour la vie a été
organisée en août dernier dans 6 grandes villes pour s’opposer à la dépénalisation de l’avortement.
En parallèle, la plateforme Défense de la Vie a récolté 100.000 signatures contre l’avortement. Au
sein de cette coalition se regroupent à la fois des organisations religieuses qui défendent la vie depuis
la conception, et des organisations laïques (les Laïques de Bolivie), pour qui l’avortement représente
une atteinte aux droits de l’Homme. Avec des arguments plus moralistes, d’autres prédisent une
utilisation compulsive de l’avortement. En réponse, les défenseurs-euses de la dépénalisation, avec
3
Le salaire minimum en 2013 est de 130€ et l’emploi « formel » représente seulement 35% de l’emploi total.
Pour interrompre une grossesse, on utilise la Mifepristone associée au Mysoprostol, celui-ci étant difficile d’accès en Bolivie.
5
Les « hémorragies de la première moitié de la grossesse » et le Misoprostol ont été inclus en 2006 dans l’Assurance Universelle Maternelle Infantile.
Instaurée en 2002, cette assurance vise à réduire la mortalité maternelle par la gratuité des soins liés à la grossesse et la petite enfance.
6
MAS, parti actuellement au pouvoir.
4
l’appui de la Table Nationale des Droits Sexuels et Reproductifs7, ont organisé plusieurs actions dont
des rassemblements dans le pays autour du 28 septembre, jour pour la dépénalisation de l’avortement
dans le continent. Le Collectif Citoyen de Défense des Droits Sexuels et Reproductifs, une
plateforme conformée pour défendre la dépénalisation, a réalisé dans la capitale des performances
appelées Tapis Rouge. Sur un tapis rouge de 20 mètres, les militants-es, également vêtus-es de rouge,
s’allongent pour symboliser le piétinage des droits des femmes par les politiques. Autour de slogans
comme « Avortement illégal, Violence étatique » ou « Education sexuelle pour décider,
Contraception pour ne pas avorter, Avortement pour ne pas mourir », se réunissent une pluralité de
voix pour défendre la proposition de dépénalisation. Certains-es accentuent sur les problèmes de
santé publique, de mortalité et de violation des droits humains. Sont également dénoncées l’injustice
sociale face à l’accès à un avortement de qualité et la discrimination dont sont victimes les femmes,
seules à utiliser les services pénalisés. D’autres s’inscrivent plus dans une perspective féministe,
s’appuyant sur la Déclaration des Droits Humains dans une perspective de Genre8: « Il s’agit d’une
violence structurelle, quotidienne contre la possibilité pour les femmes d’exercer leurs droits sexuels
et reproductifs […] on les juge depuis la société, la famille, la religion, l’état »9. Pour sa part, le
groupe militant Mujeres Creando Comunidad10, dénonce l’inconstitutionnalité de la mise sous tutelle
des femmes : « la législation de l’avortement entraine le risque que se constitue désormais tout un
protocole judiciaire de comment, quand, où, et avec qui avorter. Les femmes n’ont pas besoin de
permission pour avorter mais de bonnes conditions pour le faire. […] Mon corps m’appartient, pour
qu’il ne soit plus une colonie ! ». Une récente contribution au débat a été le rapport du Comité des
Droits de l’Homme de l’ONU en novembre dernier. Celui-ci s’est montré préoccupé par la nécessité
imposée aux femmes d’obtenir une autorisation judiciaire pour avorter et par les rares cas
d’obtention. Il s’est également inquiété du taux élevé de mortalité maternelle causée par des
avortements réalisés dans des conditions dangereuses, et par le nombre alarmant de procédures
lancées contre des femmes accusées d’avoir avorté.
Etl’avortementvuparlesculturesindigènes?
Dans le processus de décolonisation et dépatriarcalisation que connait actuellement la Bolivie,
s’appuyer sur les cultures indigènes prend une importance particulière dans le débat. L’avortement
est considéré par certains-es comme une imposition culturelle du libéralisme, quand d’autres au
contraire voient dans sa pénalisation un héritage de la colonisation et de la christianisation par
l’Eglise Catholique. Par exemple, un article de presse de l’agence d’information bolivienne Fides
définit le genre comme « une idéologie sexualiste impulsée par de puissantes institutions
transnationales, derrière lesquelles se cache une lucrative industrie de l’avortement, de la
contraception, de la prostitution, de la pornographie et du sexe en général ». On voit ici comment
l’argumentaire anti-libéraliste est utilisé contre l’avortement: « c’est dans ce néocolonialisme et néoimpérialisme sexualiste que s’inscrit la PLSD [Proposition de loi sur les droits sexuels et
reproductifs] qui heurte frontalement les valeurs et les normes éthiques des cultures originaires et
citadines, majoritaires dans notre pays ». «Cela devient une norme d’invoquer la supposée éthique
et morale des soi-disantes « cultures ancestrales » pour argumenter et valider une série de postulats
qui justifient le discours patriarcal, machiste, mystificateur, moraliste et doctrinal du
gouvernement » dénonce Mujeres Creando 11 . Une étude réalisée auprès de populations aymaras
montre que l’avortement ne se juge pas en termes de Bien ou Mal, mais comme un mal nécessaire ou
erreur remédiable face à un viol ou l’abandon de l’homme coresponsable de la grossesse. Ne serait 7
Conformée par IPAS, CIES Santé Sexuelle et Reproductive, Marie Stopes Bolivia, Catholiques pour le Droit de Choisir, Cidem, Wiñay, Collectif
Décide, Psinergia, Adesproc Liberté, Fondation La Paz et le Mouvement Jeunesse La Paz, la Table est antérieure à l’actuel recours en
inconstitutionnalité mais appui le projet.
8
La déclaration reconnait que « les femmes ont le droit à une autonomie reproductive, ce qui inclut l’accès à l’avortement sûr et légal ».
9
Situations évitables, grossesses non désirées et avortements dangereux dans 5 villes de Bolivie, 2011.
10
Collectif féministe anarchiste bolivien, scission de Mujeres Creando depuis 2002.
11
Collectif féministe anarchiste bolivien, dans sa revue Malhablada No7.
ce que par la diversité des cultures indigènes, il semble artificiel d’apporter une réponse catégorique
à cette question. Cependant, on peut citer de nombreuses femmes indigènes qui sont pour les droits
sexuels et reproductifs et la dépénalisation de l’avortement. Par exemple, figure parmi les
revendications élaborées lors du IIe Sommet Continental des Femmes Indigènes de 2013 12 , la
demande aux Etats d’adopter des politiques publiques qui garantissent le droit à la santé, plus
spécifiquement sexuelle et reproductive, dans une perspective interculturelle. De son côté, Elisa
Vega Sillo, d’origine indigène et cheffe de la dépatriarcalisation de l’actuel gouvernement, défend la
dépénalisation de l’avortement : « le capitalisme et le progrès, développés d’un point de vue
masculin, ont usurpé la sagesse ancestrale. […] Le concept de « péché » de l’avortement vient de la
colonisation et du patriarcat, et beaucoup de communautés andines se sont appropriées la
diabolisation de l’avortement […] ». Enfin, une initiative de la Confédération Syndicale des Femmes
de Communautés Interculturelles de Bolivie illustre la participation des femmes indigènes à la lutte
actuelle pour l’avortement. L’organisation a élaboré début 2013 un pré-projet de loi pour les droits
sexuels et reproductifs qui propose la dépénalisation de l’avortement. Actuellement, 14 organisations
diffusent le projet auprès de leurs bases, l’objectif étant de le présenter prochainement devant le
Ministère de l’Egalité des Chances.
Lasituationalarmantedesfemmesboliviennes
Que ce soit en termes de santé sexuelle ou de violence, la situation des femmes est préoccupante en
Bolivie. Selon une étude récente de l’OMS, la Bolivie est le pays de la région où les femmes
souffrent le plus de violences physiques (70% d’entre elles sont concernées) et 1 femme sur 4 a été
victime de violences sexuelles (second pays après Haïti). De plus, selon les chiffres de l’Observatoire
du Genre de la Coordination de la Femme, l’impunité est importante : à peine 3745 plaintes pour
violences sexuelles ont été enregistrées en 2008 pour lesquelles seulement 935 condamnations ont
été prononcées. Concernant la santé sexuelle et reproductive, la moitié des femmes a connu au moins
une grossesse non désirée au cours de sa vie, et la proportion de grossesses non planifiées augmente
à 70% pour les adolescentes. Une des explications est le faible usage des méthodes contraceptives :
presque 40% des femmes en couple n’en utilise aucune13. En parallèle, 20% des femmes en couple et
38% des adolescentes font état d’une nécessité insatisfaite de planification familiale. Sachant que
plus de 90% des femmes connaissent au moins un moyen de contraception, la barrière majeure ne
semble pas être la connaissance mais plutôt le manque d’accessibilité, de visibilité et l’existence de
barrières sociales et culturelles. Le tabou autour de la sexualité persiste et véhicule une stigmatisation
de l’usage des contraceptifs : ils sont parfois associés à l’infidélité, à une « trop grande liberté
sexuelle » ou perçus comme dangereux pour la santé.
Uneffortlégislatifdugouvernementbolivien
Ces dernières années, L’Etat Plurinational de Bolivie a adopté de nombreuses mesures pour garantir
les droits des femmes. Outre la Nouvelle Constitution, citons par exemple la loi pour garantir aux
femmes une vie libre de violence. Adoptée en 2013, elle définit 17 formes de violences dont le
féminicide, la violence médiatique et la violence contre les droits et la liberté sexuelle, s’inscrivant
ainsi parmi les législations les plus progressistes à l’échelle mondiale. Enfin, dans la lignée des
objectifs du Millénaire 14 , le gouvernement développe une série de programmes pour améliorer
l’accès des femmes à la santé et promouvoir l’égalité de genre : entres autres le plan national pour
améliorer la santé maternelle, périnatale et néonatale en Bolivie 2009-2015 ou le plan national pour
l’égalité des chances 2008-2020 « Les femmes construisent la nouvelle Bolivie pour vivre mieux »
12
Dans le cadre du Ve Sommet Continental des Peuples et Nationalités Indigènes, des femmes indigènes de Bolivie, Colombie, Chili, Equateur, Pérou,
Argentine, Guatemala, Mexique y Panam a se sont réunies en Colombie pour visibiliser des revendications spécifiques.
13
Bien que l’on enregistre une augmentation de l’usage des méthodes contraceptives entre 2003 et 2008, elle est due à une utilisation plus élevée des
méthodes traditionnelles: 26% utilisent une méthode traditionnelles (par ordre : abstinence périodique, retrait …) et 57% une méthode moderne (par
ordre : injection, stérilet, ligature des trompe, préservatif, pilule…).
14
Initiative des Nations Unis, ce sont 8 objectifs de développement social fixés en 2000, que les pays membres se sont engagés à respecter pour 2015.
La proposition de dépénaliser l’avortement a ouvert un espace de débat inédit en Bolivie. Pour la
première fois, 4 ministres l’ont approuvée publiquement. Pour sa part, le président Evo Morales le
considère comme un délit mais déclare que le thème doit être débattu. C’est dans cet objectif que des
organisations comme Winay15 vont interpeller les candidats-es à la présidentielle de 2014, ce qui
aurait été impossible il y a 20 ans. Mais parler d’avortement reste compliqué, comme le montre la
menace faite par l’Eglise Catholique d’excommunier les 4 ministres. Beaucoup de politiques restent
frileux sur ces thèmes ou les délèguent à leurs collègues femmes, comme si la santé sexuelle et
reproductive, malgré tout, restait une histoire de femmes. Pour une vidéo de sensibilisation, Ipas
demande à des passants-es s’ils-elles sont pour ou contre l’avortement, s’ils-elles connaissent
quelqu’une qui a avorté et s’ils-elles pensent que cette personne devrait aller en prison. Les silences
qui suivent cette dernière question illustrent bien la double morale qui entoure l’avortement. Une
majorité le condamne publiquement alors qu’1 femme sur 10 reconnait avoir avorté.
Le gouvernement montre une volonté politique importante pour garantir les droits des femmes
mais, comme le dénonce le Cidem 16 : « il y a des lois mais la naturalisation de la violence
continue ». Malgré cela, la pression est forte sur les thèmes de santé sexuelle et reproductive. Les
propositions de révision du Code Pénal se multiplient : par la Table Nationale des Droits Sexuels et
Reproductifs, la Confédération Syndicale des Femmes de Communautés Interculturelles ou en mars
2013 lors des Rencontres nationales vers la dépatriarcalisation et la non-violence. La Campagne du
28 septembre, Ipas, Catholiques pour le Droit de Choisir, Cidem ou Winay font un travail important
pour visibiliser, informer et sensibiliser sur le thème de l’avortement. Winay, par exemple, ouvre
cette année une ligne anonyme d’information et d’orientation sur les questions de santé sexuelle et
reproductive. Dans ce contexte on peut espérer que même si l’actuel recours en inconstitutionnalité
n’aboutit pas, la Bolivie assouplisse prochainement sa législation sur l’avortement.
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Association de médecine privée volontaire qui travaille dans perspective de genre.
Le Centre d’Information et de Développement De la Femme est une organisation féministe qui œuvre contre la violence envers les femmes, grâce
notamment à un observatoire des féminicides.
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