Cornée suspecte et myopie faible à moyenne : laser de surface
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Cornée suspecte et myopie faible à moyenne : laser de surface
PAROLES D’EXPERTS 씰 Chirurgie réfractive 1 Cornée suspecte et myopie faible à moyenne : laser de surface, autre technique ou abstention ? J. COLIN1 : Avec la mesure de la réfraction, l’examen de la cornée constitue un temps majeur du bilan préopératoire de la chirurgie réfractive et vise essentiellement à rechercher des facteurs de risques de l’apparition d’une ectasie postopératoire (EPO). Les cornées peuvent être limites par leur topographie, leur épaisseur, leur kératométrie, leur transparence, leur aspect anatomique (tableau I)… L’ectasie postopératoire est en effet actuellement la complication la plus redoutée de la chirurgie réfractive cornéenne. Décrite pour la première fois par Theo Seiler en 1998 [1], son incidence est encore mal connue, surtout en raison de la non déclaration ou publication de la plupart des cas. Son incidence a été évaluée à : – 0,12 % (5 212 yeux) selon D. Reinstein, – 0,66 % (2 873 yeux) selon I. Pallikaris, – 0,03 % (28 651 yeux, 2005), selon H. Gimbel, Cornées limites Trop fines Risque de EPO Trop épaisses cornea guttata infraclinique ? Trop plates Mauvais résultats visuels Trop bombées Risque d’EPO ; mauvais résultats visuels pour le traitement de l’hypermétropie Asymétriques Risque d’EPO Avec cicatrices Risque de récidive herpétique KPS Risque de kératite sèche Dystrophie de Cogan Risque de kératalgie récidivante Vaisseaux – liés au port de lentilles Risque d’hémorragies peropératoires – immuno-allergiques Risque de décompensation d’une rosacée Tableau I. – 0,008 % (85 556 yeux, JCRS, 2005), selon R. CoboSoriano. – selon Randleman, 50 % des cas surviennent au cours de la première année postopératoire, et 80 % avant 2 ans. Le risque d’EPO est bien sûr associé aux éventuels retentissements médico-légaux, et l’histoire récente est fortement marquée par le procès Mark Schiffer versus Mark G. Speaker, devant la Cour Suprême de l’Etat de New-York (Index No. 101191-03), qui a abouti à une sanction de 7,25 millions de dollars contre notre collègue opthalmologiste, le patient présentant un kératocône fruste en préopératoire. Le kératocône constitue en effet une contre-indication formelle pour la chirurgie réfractive cornéenne en raison du risque majeur d’aggravation de la déformation cornéenne et du risque d’ectasie. Le bilan préopératoire doit donc s’attacher à en détecter les formes frustes ou les cornées suspectes. ● Les facteurs de risque classiques de l’EPO sont : – les topographies asymétriques, avec I/S > 1.4D, – les cornées < 500 µ, – le lit stromal résiduel < 250 µ, – une kératométrie préopératoire > 47D, – la correction des fortes myopies > -8D, – les retraitements, – un posterior float à l’Orbscan > 50 μ, – les antécédents familiaux de kératocônes, – une MAVC < 10/10. L’étude récente de B. Randleman et al. [2] a apporté des éléments intéressants qui permettent de préciser ces différents facteurs de risques en comparant les données des patients ayant développé une EPO à un groupe de patients opérés sans cette complication (tableau II). Cette comparaison a permis d’établir un score pour les différents items (tableau III), et en fonction de ces scores, les recommandations suivantes ont été proposées (tableau IV). 씰 Réalités Ophtalmologiques • N° 167 • Novembre 2009 씰 Paroles d’experts 2 Ectasie Topographies anormales Témoins 35,7 % 0% Age 34,4 ans 40,0 ans Myopie -8.53 D -5.09 D Pachymétrie 521 µ 546 µ RSB 256 µ 317 µ Tableau II. Score Topographie LSR µ Age ECC µ MRSE < 450 ≥14 4 FFKC < 240 3 Inf steepening Skewed RA 240-259 18-21 451-480 - 12-14 481-510 - 10-12 2 260-279 22-25 1 Asym Bowtie 280-299 26-29 0 Normal Bowtie sym > 300 > 30 - 8-10 > 510 - 8 ou - Tableau III. Score 0-2 3 4 ou plus Catégorie du risque Recommandations Faible Lasik ou surface Modéré Prudence Information ++ Surface ? Fort Pas de Lasik Surface ? Tableau IV. Cependant, ces données doivent être nuancées par les résultats d’une étude effectuée par P. Binder [3]. Ainsi, sur une série de 9 700 yeux traités par Lasik et suivis au moins pendant 2 ans, aucun des yeux présentant un des facteurs principaux décrits dans la littérature (K > 48 D, ECC < 500 μ ou LSR < 250 μ) n’a développé d’ectasie. 7 yeux avaient 2 ou 3 facteurs, mais aucun n’a présenté d’ectasie ; 3 yeux sans facteur de risque ont développé une ectasie !!! L’épaisseur cornéenne étant un facteur important dans la genèse de l’EPO, se pose la question de la définition d’une cornée fine. Selon Harper, l’épaisseur d’une cornée normale est de 537-550 μ et est considérée comme normale quand elle est située dans une fourchette de 2 DS de la moyenne définie pour la race du sujet. “500 μ” est considéré par de nombreux chirurgiens comme la mesure pachymétrique seuil d’une chirurgie réfractive sûre. En plus de l’EPO, les risques des cornées fines sont: – les résultats réfractifs moins prédictibles, – le haze post-Lasek : plus important si AD/CT > 0,18, (AD = ablation depth ; CT = corneal thickness). ● Les données de la topographie cornéenne font appel à différents critères : ● >>> Les critères de Rabinowitz KISA % = (K x (I-S) x Srax x Ast) x 0,3 – Cornée normale si KISA % < 60. – KC fruste si 60 < KISA % < 100. – Kératocône si KISA % > 100. >>> Le critère de Tanabe évalue le nombre de couleurs présentes dans les 3 mm centraux de la topographie ; un kératocône est nettement suspecté si ce nombre est > 3 avec une sensibilité de 78 % et une spécificité de 90 %. >>> Srax = angulation α en degrés des 2 hémiméridiens. >>> En cas de doute, chez un jeune, il peut être utile de s’aider de la réalisation d’une cornéotopographie chez les deux parents… Il est évident que la connaissance des propriétés biomécaniques de la cornée devrait permettre de mieux appréhender les cornées qui auraient une tendance à développer une ectasie tissulaire. ● Le seul outil actuellement disponible, l’ORA (Ocular Response Analyzer, Reichert), apporte quelques informations nouvelles telles que le CH, hystérésie cornéenne ou le CRF, facteur de rigidité cornéenne. Force est de constater que ces paramètres sont encore insuffisants pour prédire l’évolution postopératoire d’une cornée opérée. Une nouvelle approche par l’élastographie devrait mieux préciser les propriétés biomécaniques des cornées à risques. En présence d’une cornée limite, à risques pachymétrique ou topographique, l’attitude la plus prudente est bien sûr l’abstention et la surveillance. Il est cependant envisageable de considérer certaines options thérapeutiques : – un traitement par laser Excimer de surface, – un Lasik avec réalisation d’un capot très fin par microkératome ou laser femtoseconde, – un traitement par laser associé à un corneal crosslinking de la cornée, – un anneau cornéen en cas de myopie faible avec une cornée fine et asymétrique, – en cas d’amétropie élevée avec une profondeur de chambre antérieure suffisante, l’implantation d’un cristallin artificiel phaque. 씰 Réalités Ophtalmologiques • N° 167 • Novembre 2009 Cornée suspecte et myopie faible à moyenne : laser de surface, autre technique ou abstention ? La réalisation d’un traitement de surface en cas de cornées fines < 500 μ est un moyen sûr et efficace avec des résultats visuels et réfractifs stables à 10 ans selon l’étude de L. de Benito-Llopis [4]. La dissection d’un capot très fin au cours d’un Lasik myopique est également une approche permettant de préserver le lit stromal postérieur ; cependant, il semble que l’apparition d’un haze de l’interface soit plus fréquente en cas de capot de 90 μ et chez les sujets jeunes [5]. La biomécanique cornéenne pourrait aussi être moins fragilisée par la réalisation d’un capot avec des bords inversés. Il est par ailleurs tentant d’essayer de combiner une procédure par laser Excimer de surface avec un collagen crosslinking avec l’ambition de prévenir la survenue d’une ectasie sur une cornée trop fine ou topographiquement suspecte [6]. Quelques résultats positifs de cette association ont été présentés ; cependant, le recul postopératoire est encore court, et la prédictibilité réfractive n’est pas affirmée, le CXL induisant en règle après 6 mois un aplatissement cornéen de 1 à 2 dioptries lors du traitement des cornées kératoconiques. D. GATINEL 2 : La topographie cornéenne suspecte est le principal facteur de risque d’ectasie après Lasik [7]. La question posée ici en cache ainsi une autre : qu’est-ce qu’une topographie cornéenne suspecte ? Dans le contexte de la chirurgie réfractive, il s’agit certainement d’une forme topographique pouvant faire évoquer la présence d’une forme fruste de kératocône. Nous avons cependant observé des cas d’ectasie post-Lasik chez des patients dont le mur résiduel était > 350 μ et/ou l’épaisseur cornéenne centrale moyenne proche de 600 microns [8], la topographie ne correspondant pas vraiment à ce que l’on peut observer dans le cadre de la définition classique du kératocône fruste (parfois défini comme un kératocône débutant qui n’évolue pas). Toutefois, les topographies cornéennes de ces patients présentaient ce que l’on pourrait étiqueter rétrospectivement comme des “anomalies” topographiques certes discrètes, mais que l’on peut regrouper en trois catégories : ● La première comporte les anomalies topographiques liées à l’existence d’une composante asymétrique (ex. : accentuation légère de la cambrure des hémiméridiens inférieurs). 3 ● La seconde concerne l’existence d’un amincissement un peu plus rapide et/ou plus excentré (point le plus fin) du mur cornéen, le plus souvent en temporal inférieur. ● La troisième est représentée par l’existence d’une faible symétrie entre l’œil droit et gauche d’un même patient (réduction de l’énantiomorphisme). Ces caractéristiques topographiques sont toutefois présentes dans la population générale, et leur constatation fréquente chez des sujets asymptomatiques de la cinquantaine ou soixantaine suggère que sans facteur déclenchant (ex. : Lasik, frottements oculaires répétés, etc.), le risque d’évolution spontanée vers un kératocône avéré est faible. Ces anomalies ne sont donc pas spécifiques aux formes débutantes de kératocône, et sont fréquemment observées chez des patients consultant pour la correction d’une hypermétropie/presbytie vers la cinquantaine. A l’inverse, chez un sujet plus jeune, certains éléments cliniques permettent de conforter l’hypothèse d’une forme fruste de kératocône, même quand les indices de dépistage automatisés pour cette affection sont négatifs (par exemple quand le degré d’asymétrie antérieure n’est pas suffisamment prononcé pour franchir le seuil fixé pour la détection) ; on peut citer l’existence d’un terrain atopique, de frottements digitaux oculaires répétés, des valeurs d’hystérèse et des signaux de double aplanation anormaux (Ocular Response Analyser), etc. En pratique, devant un tel tableau comportant ces éléments avec une myopie faible à moyenne, la réalisation d’un Lasik est formellement proscrite. L’analyse rétrospective des aspects topographiques des cornées a présenté une ectasie retrouvant presque invariablement des anomalies voisines de celles des patients atteints de kératocône fruste, ou des anomalies mineures discutées plus haut (asymétrie, amincissement, énantiomorphisme réduit). Notons au passage que l’inverse n’est pas forcément vrai, un certain nombre de patients partageant des traits communs aux formes frustes de kératocône présentent pourtant une évolution non émaillée d’ectasie après Lasik [9, 10]. Qu’en est-il pour une technique sans découpe stromale comme la PKR ? Selon nous, une attitude prudente et dictée par le principe de précaution incite a priori à ne pas opérer une cornée potentiellement fragile. Cependant, une démarche plus rationnelle car fondée sur l’analyse de la place de la PKR en chirurgie réfractive suggère qu’il n’y a sûrement pas 씰 Réalités Ophtalmologiques • N° 167 • Novembre 2009 4 씰 Paroles d’experts d’augmentation du risque d’ectasie pour une cornée suspecte opérée de PKR. Ce raisonnement s’appuie sur le fait que la PKR est une technique légèrement plus ancienne que le Lasik, dont plusieurs millions de patients à travers le monde ont bénéficié depuis une vingtaine d’années. Or, pour une large part, ces patients ont été opérés à une époque où la crainte de l’ectasie était absente des esprits (le premier cas d’ectasie post-Lasik a été publié en 1998), les techniques de dépistage du kératocône (quand elles étaient pratiquées) beaucoup moins sensibles et spécifiques (absence de topographie postérieure, de pachymétrie optique, d’analyse de la visco-élasticité postérieure), les magnitudes de photoablation souvent bien supérieure (parfois jusqu’à -15D) et délivrées par des systèmes moins économes en tissu cornéen qu’aujourd’hui… Si l’on ajoute à cela que la prévalence des patients atteints de kératocône débutant est supérieure dans une population demandeuse de chirurgie réfractive (moindre tolérance aux lentilles, moins bonne vision en lunettes), un nombre conséquent de patients porteurs de cornées que l’on désigne aujourd’hui comme suspectes de kératocône fruste ont forcément subi des interventions de PKR dans le passé. Si cette technique augmentait le risque d’évolution vers le kératocône, alors le nombre de cas rapportés d’ectasie post-PKR devrait être au moins égal à celui de cas rapportés d’ectasie postLasik !! Pourtant, ce n’est pas le cas, bien au contraire. De plus, l’analyse des quelques cas rapportés dans la littérature de kératocône évolutifs (ectasie) après photoablation de surface montre que les cornées opérées présentaient déjà un kératocône relativement évolué en préopératoire [11-15]. La responsabilité du geste opératoire ne peut d’ailleurs être formellement démontrée pour ces cas, un kératocône débutant pouvant évoluer vers une forme plus avérée de manière spontanée. Ce faible nombre de cas rapporté inciterait même au contraire à examiner avec soin l’hypothèse d’un rôle protecteur de la PKR vis-à-vis de l’évolution du kératocône ! En effet, si l’on raisonne par l’absurde et que l’on postule que l’effet de la PKR est au pire neutre sur l’évolution du kératocône, on devrait observer beaucoup plus de cas de patients atteints de kératocône avéré, ayant dans leurs antécédents la réalisation d’une technique de PKR (même en cas d’association fortuite, par évolution spontanée d’un kératocône fruste préexistant). Comme on l’a vu, ces cas sont exceptionnels. Rejeter l’hypothèse de l’effet protec- Réalités Ophtalmologiques • N° 167 • Novembre 2009 teur de la PKR exige en contrepartie de trouver une explication à ce mystère : où sont les patients atteints d’ectasie post-PKR ? Plusieurs explications peuvent en revanche être avancées pour expliquer l’innocuité (voire l’effet protecteur ?) de la PKR vis-à-vis du risque d’ectasie : moindre volume excisé (le volume retiré pour une photoablation de -3D sur 6 mm est inférieur au quart de celui d’un capot stromal de 8,5 mm de diamètre et 110 microns d’épaisseur), rôle bénéfique de la cicatrice sous-épithéliale sur la résistance biomécanique, améliorations induites par les modifications de la courbure cornéenne apicale (aplatissement, régularisation), etc. Enfin, plusieurs observations rapportent que chez un même patient opéré d’un côté par Lasik et de l’autre par PKR, seul l’œil opéré de Lasik développe une ectasie, contrairement à l’œil opéré de PKR [16, 17]. En pratique, en l’absence d’autre contre-indication, nous réalisons donc une PKR chez les patients atteints de ce que nous pensons pouvoir être une forme débutante de kératocône, pour des myopies inférieures ou égales à -5D, et à condition que la pachymétrie moyenne centrale postopératoire soit au moins supérieure ou égale à 430 microns environ. Il est important d’expliquer au patient qu’il ne devra pas (plus) se frotter les yeux après la chirurgie. M. ASSOULINE3 : Le caractère suspect de la topographie (pachymétrie < 500 μm, signe de kératocône fruste) devrait en principe être étayé par un autre examen de la topographie cornéenne répété avec le même matériel, puis avec un matériel différent, l’histoire clinique (évolution réfractive, antécédents familiaux) et l’analyse de la résistance mécanique cornéenne avant de conclure formellement à l’inéligibilité du patient au Lasik. En présence d’une cornée suspecte, le Lasik est contre-indiqué, malgré l’absence de démonstration scientifique formelle que l’incidence du kératocône est plus élevée après Lasik que dans la population générale appariée pour l’âge et l’amétropie. Il semble en effet que l’évolution des kératocônes révélés après Lasik soit plus rapide que l’évolution spontanée, notamment en cas de facteur de risque (dans l’ordre décroissant : topographie préopératoire suspecte, découpe mécanique du volet d’épaisseur supérieure au résultat attendu, épaisseur stromale postérieure résiduelle Cornée suspecte et myopie faible à moyenne : laser de surface, autre technique ou abstention ? < 250 μm, âge < 30 ans, pachymétrie < 500 μm, myopie > 8 D) [18]. Cependant, en pratique, au moindre doute, nous recommandons une technique de surface pour les myopies de -0.50 à -5.00 d’équivalent sphérique, à condition que l’épaisseur cornéenne postopératoire résiduelle soit > 420 μm. Nous préférons la PKR, car le bénéfice du Lasek ou de l’épi-Lasik n’a pas été clairement démontré, tant en termes de douleur postopératoire que de précision ou de stabilité réfractive ou de prévention du haze cornéen. Nous n’utilisons pas en routine de mitomycine ou de crosslinking du collagène cornéen, mais cette dernière modalité pourrait prendre plus d’importance dans cette indication particulière dans l’avenir. Nous avons introduit l’idée que l’incidence du kératocône après photoablation de surface est identique ou significativement plus faible que dans la population générale et a fortiori dans la population appariée pour l’âge et la réfraction, ce qui, selon nous, indiquerait un effet “protecteur” de cette méthode vis-à-vis du risque de déformation évolutive de la cornée. Il n’existe en effet que quelques cas rapportés de kératocônes évolutifs (ectasie) survenant après photoablation de surface dans la littérature ou dans les congrès internationaux, sur plus de 10 millions de cas réalisés depuis 1989 (20 ans). Ces cas étaient tous des kératocônes avérés en préopératoire, le plus souvent porteurs de myopie forte [19-21] ou beaucoup plus rarement faible [22]. Il existe plusieurs observations montrant que chez un même patient, l’œil opéré de Lasik développe une ectasie, mais pas l’œil opéré de PKR [23, 24]. Au Danemark, la prévalence d’un kératocône évolutif visuellement significatif est de 0,086 % et l’incidence annuelle de 0,0013 % [25]. En Arabie Saoudite, l’incidence annuelle est de 0,020 % [26]. En Angleterre, l’incidence annuelle est de 0,0033 % pour les sujets de type caucasien et 0,025 % pour les sujets d’origine asiatique [27]. Cela signifie que dans une population de 10 millions de sujets “normaux” opérés de PKR, on devrait voir apparaître au minimum 130 à 2 500 nouveaux cas de kératocône selon l’origine ethnique ! Même en retenant l’hypothèse improbable d’une détection préopératoire de 100 % des cas de kératocône suspect avant PKR, le taux de kératocône détecté après PKR ne devrait donc pas être inférieur à celui de la population générale si la PKR n’avait pas un rôle “protecteur”. On sait de plus que la prévalence de kératocône est nettement augmentée chez les sujets candidats à la chirurgie réfractive (entre 1 et 11 % selon les études). 5 Dans une série de 6 453 cas de PKR, l’incidence de nouveaus cas de kératocône à 18 mois ou plus était de 0 % (4 xeux de 2 patients atteints de kératocône préopératoire ont présenté une évolution kératoconique, soit 0,03 % !) [28]. Dans une série beaucoup plus restreinte mais avec 14 ans de recul, l’incidence était également de 0 % [29]. Par ailleurs, plusieurs équipes (en Turquie, en Australie notamment) ont présenté les résultats à long terme de séries assez importantes de photoablation de surface pratiquée dans des kératocônes avérés n’indiquant pas d’évolutivité préoccupante des résultats. Le rôle protecteur de la PKR sur l’évolution d’un kératocône, s’il existe réellement, peut être théorisé de plusieurs façons : La cicatrice sous-épithéliale secondaire à la photoablation de surface (fibrose et hyperplasie kératocytaire) est mécaniquement plus résistante que le tissu cornéen normal ou kératoconique [30] et représente un crosslinking physiologique, ce que semble confirmer l’impression clinique lorsque l’on effectue un pelage épithélial après retouche post-PKR. ● L’aplatissement cornéen, induit chirurgicalement, interrompt le cercle vicieux de l’ectasie dans lequel augmentation de courbure et amincissement progressifs sont physiquement liés par la loi de Laplace. ● Il est possible que les nouvelles modalités de Lasik avec volet mécanique ou femtoseconde ultrafin (LeptoLasik ou SubBowman keratomileusis) puissent également minimiser le risque d’ectasie comme le suggère une étude histopathologique et biomécanique récente [31]. Bibliographie 1. SEILER T. 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Gatinel ont déclaré ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant les données publiées dans cet article. 씰 Réalités Ophtalmologiques • N° 167 • Novembre 2009