Quand la créativité rencontre la prévention

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Quand la créativité rencontre la prévention
DeSerres
Quand la créativité
rencontre la prévention
Le commerce de détail DeSerres, grand spécialiste en matériel d’artiste
et de loisir créatif, fait la preuve qu’on n’a pas besoin d’être dans un secteur réputé
dangereux – par exemple mines, construction, pétrole - pour faire de la sécurité
des travailleurs un souci de tous les instants.
Par Guy Sabourin
Lors d’une visite régionale
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Photo : iStockphoto
Photo : Omer DeSerres
d’emblée quand on lui a demandé de
de
fournir le nom d’une entreprise proaccentres commerciaux l’an dernier, au
tive en santé et sécurité.
cours de laquelle plusieurs inspecteurs
« C’est certain qu’il y a moins de risse partagent et visitent tous les commerques chez nous qu’en usine, mais on esces, l’inspectrice Isabelle Lalonde est
saie de les trouver – et on en trouve »,
tombée sur DeSerres, au marché central
explique Judith Dubois, conseillère en
de Montréal. « Je suis arrivée à l’improressources humaines et responsable de
viste et le gérant, Stéphane Lelièvre,
la santé sécurité chez DeSerres, qui s’est
était justement en train de travailler
déjà occupée de santé et de la sécurité
à un projet de santé et de sécurité,
dans d’autres secteurs d’activité.
raconte-t-elle. Ce qui est déjà rare. »
Elle a ensuite demandé quelques
Miser sur les employés
correctifs et fait des suggestions de
Tout employé de l’entreprise est mis à
sujets pouvant être pris en charge par
contribution pour la découverte et le sile comité de santé et de sécurité. Elle
gnalement des risques et il a accès à un
allait être surprise une deuxième fois
formulaire pour rédiger des suggestions
puisqu’on la rappelait avant même que
en matière de sécurité. « Vous connaisne soit échu le délai qu’elle avait acsez le milieu de travail, alors dites-nous
cordé pour faire des correctifs. « Il est
ce qui vous saute aux yeux », avons-nous
rare qu’on voie un employeur prendre
expliqué aux employés ajoute Judith
ça de façon si sérieuse », ajoute-t-elle.
Enfin, troisième
surprise, non seulement l’employeur
avait-il corrigé ce
qui devait l’être dans
sa succursale, mais
il avait répandu la
nouvelle dans tout le
réseau DeSerres. Il
compte 26 succursales réparties au
Canada, dont 16 au
Québec, pour un total
d’environ 500 travailleurs, dont 350 à
400 au Québec. « Là,
je me suis dit que
cette entreprise prenait vraiment au sérieux la santé et la
sécurité de ses traDes employés attentifs écoutent les directives de
vailleurs », ajoute
l’entreprise en santé et sécurité.
l’inspectrice, qui a
nommé DeSerres
Prévention au travail
Été 2010
« Chaque année, pour chacune des succursales, nous étudions le registre des
accidents et incidents que le gérant
nous fait parvenir, explique Judith Dubois. Nous partons de là pour évaluer
où placer nos priorités. Nous demandons aussi à nos gérants d’être allumés
en matière de définition des risques. »
Ces derniers temps, deux types de
risques ont été déterminés. De nombreux employés se sont coupés avec un
couteau à lame rétractable, tandis que
d’autres récoltaient des maux de dos en
ayant trop et mal forcé pour soulever
des charges lourdes. « Dès lors, nous
nous posons de nombreuses questions,
précise Judith Dubois. Avons-nous les
bons outils ? Les utilisons-nous comme
il faut ? Travaillons-nous selon la bonne
méthode ? Les travailleurs adoptent-ils
le bon comportement ? Bref, nous tentons d’aller à la source du problème et
nous nous attaquons ensuite à trouver
Les avantages
DeSerres utilise des transpalettes
manuels pour les nombreuses
charges lourdes.
une solution. Nous travaillons essentiellement en mode préventif. »
Pour le problème des couteaux à
lame rétractable, DeSerres a élaboré
une bonne méthode d’utilisation, à partir de laquelle l’employé apprend plusieurs choses, notamment à utiliser le
bon outil (ce n’était pas toujours le cas),
à diriger la coupe vers l’extérieur et jamais vers soi, à ne pas casser la lame
avec le bout de ses doigts, mais avec les
outils fournis, à utiliser des gants pour
manipuler du papier.
Pour les nombreuses charges lourdes,
la plupart des succursales sont munies
de transpalettes manuels. Mais en raison de contraintes d’espace, il reste
beaucoup de manipulation à faire. Les
employés sont donc pourvus de ceintures
de maintien de la posture et de bottes de
sécurité, qu’ils doivent porter en tout
temps. « Nous nous assurons que chacun de nos gérants passe la procédure
de manutention en revue avec chaque
employé », ajoute Judith Dubois.
Les rappels
La motivation étant par nature limitée
dans le temps, il faut sans cesse ramener les préoccupations de sécurité sur
le tapis. DeSerres demande à ses gérants d’ouvrir l’œil et de faire les rappels
à l’ordre nécessaires. Le détaillant ne
déplore pas de délinquants en matière de
sécurité dans ses rangs. « À l’embauche,
nous formulons clairement nos exigences
pour la sécurité, tandis que la culture
de la sécurité est aussi très répandue dans
l’entreprise, explique Anik Desjardins.
S’il le faut, nous prenons le temps d’expliquer de nouveau notre philosophie en
Prendre le virage de la sécurité est certes avantageux à plus d’un égard. « À
l’embauche, dire à l’employé qu’on offre
un environnement de travail sécuritaire,
c’est parlant, constate Judith Dubois. De
notre côté, les coûts associés aux dossiers CSST et mutuelle de prévention
sont moindres. »
En épluchant le dossier DeSerres,
Isabelle Lalonde n’a découvert que deux
accidents, un en 2007 et un en 2006,
ayant causé des lésions lombaires chez
des commis à l’expédition.
« Nous sommes tellement performants que notre mutuelle nous classe
comme tels et devient encore plus exigeante en termes de prévention », ajoute
Anik Desjardins qui, sans avoir les
chiffres sous les yeux, a nettement
conscience de la tendance à la baisse
des frais associés au dossier santé et sécurité au travail.
Dernièrement, DeSerres a ajouté un
volet supplémentaire à la prévention, en
élaborant un plan complet de mesures
d’urgence et d’évacuation en cas d’incendie ou de quelque autre incident. Ce
plan, qui s’applique à l’ensemble des
succursales, dit quoi faire et ne pas
faire, comporte un coordonnateur, des
surveillants, des chercheurs et des remplaçants afin que la marche à suivre soit
partout la plus uniforme possible.
Ajoutez une dose de culture de la
prévention à l’esprit créatif de certains
employés, et vous obtiendrez, comme
chez DeSerres, des employés
qui, spontanément, ont
dessiné et fabriqué des
illustrations montrant des « quoi
faire et ne pas
faire », qu’ils
ont ensuite
plastifiées et
placardées.
Une attitude dont
se réjouissent Anik
Desjardins
et Judith
Dubois : la
prévention
porte
fruit. PT
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Photo : iStockphoto
Les risques
matière de sécurité à ceux qui n’adoptent pas toujours les bons comportements. »
Photo : iStockphoto
Dubois. De notre côté, nous nous assurons de bien répondre à leurs préoccupations puisqu’en leur permettant de
s’exprimer, nous créons du même coup
des attentes.
En fait, la santé et la sécurité est l’un
des volets de la gestion « humaine » et
orientée vers l’individu que préconise
DeSerres. « C’est plus que sur papier,
ajoute Anik Desjardins, directrice des
ressources humaines de l’entreprise.
Notre politique de prévention, tout le
monde l’a à cœur, y compris au sein du
comité de direction. Ensuite, ça se répercute des ressources humaines vers
les gérants, et de ces derniers vers les
employés, alors que ces derniers peuvent aussi faire valoir leurs préoccupations en sens inverse. C’est une chaîne
qui s’alimente de cette façon. »
Dès l’embauche, les travailleurs sont
sensibilisés à la santé et à la sécurité.
En cours d’année, on vérifie leurs aptitudes à l’aide de différentes activités. Six
fois par année, tous les gérants se rendent à Montréal, au siège social, pour
une rencontre d’entreprise. À chacune
de ces rencontres, les gérants assistent
à un volet santé et sécurité. Les messages entendus au cours de ces rencontres
migrent ensuite du gérant vers le comité
de santé et de sécurité de la succursale,
qui comprend du personnel de la caisse,
des ventes et de l’entrepôt, pour être le
plus diversifiés possible. « Les gérants
font office de porte-paroles de leur secteur
respectif », illustre Judith Dubois.