« C`est rigolo, se divertissait l`ordinateur. Mais ce n`est pas ça que je
Transcription
« C`est rigolo, se divertissait l`ordinateur. Mais ce n`est pas ça que je
« C’est rigolo, se divertissait l’ordinateur. Mais ce n’est pas ça que je veux savoir. » Des vertes et des pas mûres, pis que pendre… Il chercha un moment. Puis il trouva l’expression de Lise. (Un cheveu dans la soupe). « Ah, bien voilà, marmonnait la machine. Alors qu’a-t-elle voulu m’exprimer ? » 194 La phrase magique Nouveau personnage : Nicolas : le motard. **** Au terrain, Lise avait commencé à ranger ses affaires. Toute la journée, elle avait tremblé et redouté la confrontation. Elle avait d’ailleurs bien rempli ces longues heures d’attente pour éviter de trop y penser. Mais enfin, pourquoi tant d’inquiétude ? Peut-être bien que rien de tout ce qu’elle anticipait n’arriverait. Dans le fond, elle espérait un sursis. Cela n’était peut-être pas pour maintenant. Mais non. Elle le pressentait. Et elle n’avait nullement besoin de recourir à la magie pour savoir. Son intuition ne la trompait jamais. Et puis, il y avait le comportement de son compagnon qui ne faisait que renforcer ses doutes. Il n’était plus aussi attentif aux besoins de Lise. De nature taciturne, Nicolas s’était réfugié dans la lecture et laissait le temps passer lorsqu’ils étaient ensemble. Vers dix-sept heures, les chiens avaient alerté Lise. La meute s’était élancée en trombe en direction du portail. Le moteur du « Guzzi » ronronnait doucement le long du chemin de terre. Nicolas était de retour. Elle avait suivi tranquillement le piétinement de la petite troupe pour aller se planter devant le portail. Elle le regardait prendre appui sur l’une de ses jambes pour soulever l’autre qui se décollait du bolide. Elle aperçut son regard fuyant à travers la visière. Elle entreprit d’ouvrir le portail pour qu’il puisse pousser la moto jusqu’au garage. Ce qu’il fit sans un regard sur elle. Les retrouvailles avaient été conventionnelles. Lise se sentait comme une vieille amie qui lui avait rendu un service. Nicolas béquilla sa moto dans le petit bâtiment conçu pour stocker ses deux roues. Il en avait trois. Elle devina un malaise en lui et il lui avait donné l’impression d’être démasqué. Que devait-elle espérer dans ses conditions ? Nicolas, aux abois, résolu à parler franchement peut-être ? 195 Lise attendait. Un petit homme trapu se tenait sur le seuil du garage. Les cheveux mi-longs, le visage rond, il souriait à demi. Ne voulant pas l’inviter à la serrer dans ses bras, elle le laissa planté là et tourna les talons. Maladi poussa la curiosité jusqu’à aller vers lui en voletant autour. Celuici portait une tenue de motard. Il se tenait droit et fier, un casque sous le bras. « Alors voici donc l’élu de son cœur » constata le petit rapace. Lise se souvenait du jour où ils étaient allés la chercher cette moto. Il était heureux comme un petit garçon. Celle-ci était enfin sienne. Depuis le temps qu’il voulait se l’acheter ! Lorsqu’ils étaient sortis du magasin, la machine était sur le parking et les attendait. Nicolas tremblait de joie en portant Lise pour l’installer sur la selle. Il l’avait aidée à mettre son casque avant d’enfiler le sien. Puis, il s’était laissé enivrer en enfourchant ce « fauteuil Guzzi ». Nicolas s’était retourné avant de démarrer pour vérifier la position de Lise sur son assise. Sa visière encore ouverte, il lui avait fait constater, dans son accent catalan, sa première impression. À l’opposé de la vague « roadsters » virils et sportifs, la « Breva » les avait invités à la volupté et à la dégustation des bonnes choses. Puis, il avait entrepris un discours enthousiaste sur sa nouvelle acquisition. Lise avait écouté son compte rendu, ravie de voir ses yeux verts briller de bonheur. La base mécanique provenait de la « V11S », avec cependant quelques aménagements. Le « bicylindre » développait cinq chevaux de moins, avec une courbe de puissance plus homogène dans le but de favoriser une conduite en souplesse. Injection, bielles, pistons, alternateur et pompe à huile étaient nouveaux ; de même que les culasses qui gagnaient un double allumage. Nicolas connaissait son affaire en matière de deux roues. Un vrai motard. Tous deux, d’ailleurs, partageaient cet amour pour ce loisir propice à la ballade. Lise comprenait l’engouement de Nicolas lorsqu’il avait décidé de repasser sa jambe par-dessus la moto. Il avait voulu la réexaminer encore. Sa visière toujours relevée, il s’était accroupi pour indiquer à Lise un composant de la suspension arrière de la moto, le « monobras » à cardan. Celui-ci s’apparentait beaucoup au « para lever » de « BMW », technique favorisant un empattement court et un maximum de débattement. « Mon cœur ! s’était-il enflammé admiratif. C’est une œuvre d’art. — Et si on la testait, avait proposé Lise excitée en rabaissant sa visière. — On va en Espagne, s’était-il emballé en remontant sur la moto. » Lise avait remué sa tête casquée en signe d’approbation. « À nous la liberté ! » s’était enchanté Nicolas qui se sentait comblé par cette complicité. 196 Le bolide avait quitté le parking du concessionnaire. Une selle de ministre les avait accueillis pendant le trajet. Il avait pris la direction de l’Espagne pour la tester et pouvoir caresser le charme qui se dégageait de cette moto. Ils avaient glissé à travers le paysage pyrénéen. Le confort était devenu la priorité sur cette moto « Guzzi », qui ne s’était pas privée de leur offrir les sensations inimitables de son « twin » si caractéristique et si envoûtant. C’était une moto ludique et sympathique, et utilisable au quotidien. Une belle Italienne qui venait de faire chavirer Nicolas. Nicolas rendait son salut aux autres motards sur la route, par l’intermédiaire d’un signe de la main en formant un « V » avec son index et son majeur. Cette attitude n’était pas strictement formalisée, mais beaucoup d’usagers se revendiquaient d’une certaine philosophie motarde. Il y avait bien une solidarité entre motards, qui se traduisait par des conventions impliquant l’assistance envers les autres motards en difficulté ou en panne. Et aussi, mais plus rarement, des appels de phares utilisés pour la prévenance d’un danger. La moto étant plus rapide, il avait la courtoisie de remercier les automobilistes qui lui cédaient le passage après son déplacement, en étendant sa jambe droite. Au retour, ils avaient pris l’autoroute pour pousser le moteur à une vitesse supérieure. Mais ceci avec parcimonie, puisqu’il fallait la rôder. Lise avait eu l’agréable sensation de ne pas trop ressentir l’accélération. Sur certaines motos, elle devait anticiper l’accroissement de la vitesse en s’accrochant à Nicolas pour éviter d’être poussée en arrière. Sa tête n’avait pas lutté contre la pression. Ainsi, par la suite et avec le temps, Lise avait pu apprécier l’accélération. À cent trente kilomètres heures, la moto « Guzzi » restait stable. C’était tout juste s’ils ne se traînaient pas. Mais, Lise savait qu’il attendrait d’être seul à bord pour bénéficier de la pleine expression de son moulin. Elle savait que tôt ou tard il testerait sa vitesse. Un simple besoin, pour une fois, de ressentir au fond de ses tripes cette poussée d’adrénaline. Nicolas n’était pas un excité de la poignée. Pour lui, l’important était de rouler loin et longtemps, et pas forcément vite. Pour finir, ils avaient traversé Perpignan. Toujours dans le but de se rendre compte de son adaptation en ville. Pour autant, il suffisait d’agiter les bielles à un feu rouge pour goûter ce singulier balancement, qui était désormais un peu moins déconcertant. Tous deux se retournaient instinctivement pour voir leur reflet sur les devantures des magasins. Le gros « twin » avait laissé généreusement apparaître ses cylindres qui taquinaient l’œil, mais plus les genoux. Plus court, le moulin était avancé de quarante millimètres dans le cadre. L’engin proposait toute une 197 panoplie d’options pour s’aventurer au voyage. Une fois délicieusement prisonniers de ce « roadster GT », ils avaient pu constater que le passage chaotique entre les vignes pour rentrer au terrain ne les avaient pas trop secoués. Bref, elle avait tout d’une grande. Sur le terrain, Nicolas admirait son nouveau joujou. Enthousiaste, il avait pensé à décoller un peu la rétine du très élégant et complet tableau de bord. Il avait un peu chipoté en constatant qu’il manquait un antivol électronique, mais l’ensemble lui avait semblé de toute beauté. « Elle dispose d’une foule de fonctions, avait-il affirmé. — Comme un vrai « Windows », sans la souris, mais qui ne plante pas, avait-elle ironisé. — L’utilisation se commande au « comodo » gauche. Génial ! » La finition leur avait semblé très soignée, l’aspect chic très marqué et la technologie était plus proche des Allemandes que de l’image vieillotte qui tendait à disparaître des « Guzzi » de l’ancien temps. Les quelques heures qui suivirent le retour de Nicolas se passèrent gentiment comme si de rien n’était. Après le repas, Lise proposa de jouer au « Yam ». Il déclina, l’esprit ailleurs. Il lui prétexta qu’il était très fatigué et qu’elle pouvait rentrer chez elle. Lise s’étonna : « On ne s’est pas vu de tout le week-end, je pourrais rester jusqu’à demain. — Oui, si tu veux, avait-il lancé sans conviction. — Eh bien, dis donc ! Ça n’a pas l’air de te réjouir. » Nicolas était soucieux tout à coup et répugnait presque à la réalité, car ses sentiments envers Lise n’étaient plus en accord avec les siens. Il s’engagea enfin : « Lise, commença-t-il péniblement. — Oui ? » attendait-elle. Nicolas cherchait ses mots. Elle attendait ce qu’elle savait déjà. Puis il reprit : « Que l’on soit ensemble ou que je sois seul, c’est du pareil au même pour moi. Je ne ressens plus le besoin d’être à tes côtés. J’en suis désolé. » Toute remuée, Lise, qui s’attendait à un revirement de situation, en eut tout de même le cœur retourné. Sans aucun ménagement. Comme ça. Maladi remarqua que la diplomatie n’était pas un trait de caractère chez le bonhomme. Elle se leva et s’éloigna pour pleurer. Le terrain était situé aux pieds des « Albères », le massif de montagnes qui constituait la partie la plus orientale de la chaîne pyrénéenne. L’arête sommitale des « Albères » permettait de délimiter la frontière entre la 198