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24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS ONCOLOGIE - REPRODUCTION - ÉLEVAGE PROGRAMME GÉNÉRAL Qualité de vie préservée en oncologie Impact de la douleur en cancérologie : évaluation et prise en charge Delphine HOLOPHERNE-DORAN DV, MSc, PhD University of Bristol, Senate House, Tyndall Avenue, Bristol, BS8 1TH, UK La douleur est une composante quasi-systématique de la pathologie cancéreuse. L’origine de cette douleur est souvent multiple : modifications tissulaires liées à la tumeur elle-même (distension des fascias, du périoste, compression ou distension viscérale, infiltration de structures nerveuses…), impact des thérapeutiques mises en œuvre (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) ou conséquences de syndromes paranéoplasiques. Elle est également potentiellement exacerbée par la présence d’affections douloureuses annexes, souvent précédant l’apparition du cancer (douleur arthrosique chronique, maladie digestive chronique…). Du fait de ces origines variées, ainsi que des diverses localisations et supports tissulaires potentiels, la douleur cancéreuse est par définition excessivement difficile à caractériser avec précision (mélange de douleur chronique et d’épisodes aigus, tantôt viscérale, tantôt somatique, de douleur inflammatoire compliquée de douleur neuropathique, potentielle composante psychologique…) ce qui la rend éminemment complexe à traiter. Ceci explique sans doute pourquoi, dans de nombreux cas, la douleur cancéreuse est encore loin d’être optimalement gérée chez nos patients canins et félins, avec des conséquences dramatiques en termes de qualité de vie, bien entendu, mais également d’évolution de la maladie cancéreuse. Une autre raison de l’échec thérapeutique (ou du défaut thérapeutique) tient à la méconnaissance, la non identification ou la sous-estimation de la composante algique. L’évaluation spécifique de la douleur en oncologie doit donc être la première étape de sa prise en charge. Identification et évaluation de la douleur cancéreuse Si les outils classiques de l’évaluation de la douleur aiguë, notamment les grilles multiparamétriques telles que la grille 4Avet, le score de douleur de Glasgow ou la grille de Botucatu chez le chat, peuvent tout à fait être utilisés pour évaluer la douleur post-chirurgie oncologique, ils s’avèrent en revanche la plupart du temps inadaptés à la détection et l’évaluation de la douleur chronique oncologique. La détection de phénomènes douloureux associés au processus cancéreux en dehors de toute chirurgie repose en premier lieu sur un examen clinique complet des animaux, incluant un recueil d’anamnèse particulièrement soigné. L’examen clinique général permet de dresser un premier bilan global de l’état de santé de l’animal, complété par l’examen approfondi de la région affectée (en prenant garde à une manipulation délicate des tissus tumoraux), des examens locomoteurs et neurologiques complets ainsi qu’une évaluation comportementale. Les examens complémentaires classiques prescrits lors de la consultations d’oncologie (hémato-biochimie, imagerie…) participent à la détection de phénomènes douloureux mal identifiés ou latents. Un exemple classique est la détection lors de l’analyse d’urine d’une infection urinaire secondaire à la chimiothérapie sur un animal dont le comportement semble sensiblement anormal au propriétaire mais sans que la question de la douleur et de l’inconfort ait réellement été abordée ou identifiée. L’apport du propriétaire dans la détection de ces douleurs parfois subtiles ou frustes est pourtant excessivement importante. L’introduction depuis quelques années d’outils spécifiques de mesure, sinon de la douleur, du moins de la qualité de vie (Questionnaire de Qualité de Vie, QQV) lors d’affections chroniques telles que le cancer en fait irrémédiablement la preuve. Ces questionnaires peuvent être complétés par le propriétaire à l’occasion de la consultation et/ou régulièrement à la maison. Ces outils présentent le triple avantage (1) d’aider à l’identification d’un problème douloureux, (2) de permettre le suivi longitudinal de l’état général de l’animal et (3) d’impliquer activement le propriétaire sur un plan non seulement thérapeutique mais également diagnostique souvent beaucoup plus gratifiant pour lui. Il existe dans la littérature plusieurs exemples disponibles de QQV adaptés au suivi d’animaux atteints de cancer, sans pour autant qu’aucun d’entre eux ne fassent 1 réellement l’objet d’une réelle validation ou d’un quelconque consensus (Lynch et al. 2011 ; Illiopoulou et al. 2013). Dans une certaine mesure, chaque cabinet ou clinique vétérinaire peut élaborer sa propre grille, son propre questionnaire d’évaluation, en suivant par exemple le modèle de la grille d’évaluation d’Edmonton. Cette grille consiste en une liste de paramètres pertinents, renseignant clairement sur la qualité de vie de l’animal, paramètres auxquels sont associés pour chacun une échelle numérique allant de 0 (normalité) à 10 (plus haut degré d’inconfort). Un tel outil est une part essentielle dans le suivi étroit des patients, lors de consultations régulières, car il permet d’évaluer l’efficacité des traitements antalgiques mis en place, de détecter précocement tout échappement aux dits-traitements et, le cas échéant d’envisager une réorientation ou une complémentation de la stratégie thérapeutique en place. Principe généraux de la prise en charge Thérapeutique « causative » Avant de penser à traiter spécifiquement la composante douloureuse de manière en quelque sorte symptomatique ou palliative, s’attaquer à la cause de la douleur en premier lieu semble être de bon sens. Qu’il s’agissent de traitement chirurgical, de radiothérapie ou de chimiothérapie, dans tous les cas le but est de contrôler, diminuer voire d’éradiquer le processus cancéreux à l’origine, pour partie ou en totalité, de la douleur. Dans certains cas malheureusement, en particulier lorsque la maladie a atteint un stade avancé, il arrive que la douleur persiste en dépit de traitements même drastiques. Il est important également de prendre en compte que ces traitements eux-mêmes sont à l’origine de douleurs, au moins dans un premier temps. Sur un terrain déjà « sensibilisé » à la douleur, la prise en charge efficace des douleurs induites par les traitements s’avère primordiale. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Thérapeutique analgésique sensu stricto Qu’il s’agisse de la prise en charge de la douleur cancéreuse chronique ou de la gestion d’épisodes plus aigus, les recommandations pour une prise en charge optimale de la douleur reste les mêmes : l’analgésie se doit d’être précoce, multimodale et adaptée. Précoce tout d’abord pour limiter les risques d’auto-aggravation de la perception douloureuse via les mécanismes d’hypersensibilisation périphérique et centrale, pouvant amener une modification persistante de la perception douloureuse par le biais de la plasticité neuronale. Multimodale ensuite, car, en l’absence de moyen précis et fiable de caractérisation de la douleur, il semble très peu réaliste de réussir à déterminer avec précision la cible thérapeutique et donc une traitement unique idéal. L’utilisation combinée de différents analgésiques permet de bloquer ou moduler le message nociceptif à divers niveaux du système nerveux et, par là-même, optimise les chances de succès analgésique. Ces associations permettent, en outre, d’éviter d’avoir à augmenter les doses d’un seul médicament, à la recherche d’une meilleure efficacité, au risque de précipiter l’apparition d’effets indésirables. Enfin, la prise en charge de la douleur se doit d’être adaptée : au patient d’une part et à la douleur d’autre part. Adaptée au patient tout d’abord, parce que malheureusement il n’existe pas de « remède » miracle et le même traitement sur le même type de douleur (au moins en apparence) peut s’avérer d’efficacité radicalement différente d’une animal à l’autre. La tolérance au traitement considéré doit également orienter la thérapeutique. Adaptée à la douleur ensuite, en particulier à l’intensité douloureuse, et, dans une moindre mesure ou lorsque cela est possible, à la signature neurobiologique de la douleur. Pour adapter le traitement analgésique à l’intensité de la douleur, il est possible de se référer à une échelle analgésique simple, sur le modèle de celle introduite par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dès 1986, visant à optimiser la gestion de la douleur cancéreuse chez l’homme (tableau 1). Lorsqu’il s’agit de cibler la nature de la douleur, la tache s’avère souvent bien plus ardue. Toutefois, l’identification claire de phénomènes douloureux par exemple de nature neuropathiques peuvent orienter le choix notamment des adjuvants analgésiques, augmentant grandement les chances de succès du traitement antalgique. Prise en charge globale du patient Plus que l’analgésie seule, c’est l’ensemble du bien-être de l’animal qui doit être au cœur des Palier I Douleurs faibles Palier II Douleurs modérées Palier III Douleurs intenses Non-opioïdes (paracétamol/AINS) +/- adjuvants Opioïdes pour douleurs faibles à modérées (tramadol, codéïne) +/- adjuvants +/- non-opioïdes Opioïdes pour douleurs modérées à fortes +/- adjuvants +/- non-opioïdes Tableau 1 : échelle analgésique de l’OMS préoccupations de l’équipe soignante. Chaque petit « dérèglement » de l’animal peut en effet jouer un rôle aggravateur considérable de l’affection cancéreuse et de la douleur associée. Les modifications du fonctionnement digestifs doivent, par exemple, faire l’objet d’une attention particulière. Nausée, vomissements, constipation, diarrhée, perte d’appétit ou au contraire polyphagie découlant du processus pathologique ou des thérapeutiques mises en place sont autant de complications qu’il faut enrailler au plus vite sous peine de voir l’état général et la qualité de vie de l’animal se détériorer très rapidement. Le contrôle du régime alimentaire, orienté vers une nourriture adaptée, hyperdigestible ainsi que l’incorporation d’adjuvants nutritionnels (acides gras, omega 3 en particulier, flavonoïdes, antioxydants, « anti-inflammatoires naturels » tels que la bromélaïne) dans la ration sont généralement recommandés. Il est également important d’optimiser les conditions de vie de l’animal au quotidien, par des gestes et attentions très simples : rampe pour monter dans la voiture, surface antidérapante dans la maison, lit confortable, nourriture donnée à hauteur, utilisation de harnais permettant un meilleur support et une aide à la locomotion, respect de la routine de vie, des habitudes de sommeil… La perte du sommeil est d’ailleurs une complication classique chez les vieux chiens atteints de cancer qui peut entrainer une détérioration rapide de leur état de santé. L’utilisation de molécules tels que les antidépresseurs tricycliques ou les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, par ailleurs utilisés spécifiquement comme adjuvants de l’analgésie, permettent de contrôler ces épisodes et de restaurer le sommeil normal de l’animal. Enfin, même si l’existence chez l’animal d’une composante psychologique dans les douleurs chroniques, en particulier cancéreuse, fait toujours débat, il semble que l’entourage affectif de l’animal joue un rôle non négligeable dans le maintien de la qualité de vie du patient. 2 Les moyens antalgiques à disposition Pharmacologiques (Fan 2014) Anti-Inflammatoires Non-Stéroïdiens (AINS) et corticostéroïdes Les médicaments anti-inflammatoires, AINS (particulièrement les inhibiteurs sélectifs ou préférentiels de la cyclo-oxygénase 2) ou corticostéroïdes, sont bien souvent au premier rang des thérapeutiques cancéreuses, faisant parfois partie intégrante de la chimiothérapie, et participent bien-entendu à la gestion des phénomènes inflammatoires et douloureux. Leur efficacité sur la prise en charge de l’inflammation et les phénomènes d’hypersensibilisation périphérique qui en découlent n’est plus à démontrer. Il semble également qu’ils puissent jouer un rôle non négligeable dans le contrôle des étapes centrales du traitement de l’information nociceptive, intervenant dès lors sur la plasticité neuronale. Les limites de leur utilisation sont bien souvent fixées par leurs effets indésirables : effet gastro-intestinaux, toxicité rénale, toxicité hépatique, potentiels effets sur la coagulation pour les AINS, effets gastro-intestinaux, polyphagie et risques de surpoids, hypercorticisme iatrogène pour les corticostéroïdes. Quelques précautions d’usage, essentielles, permettent de minimiser les risques d’apparition de ces effets : proscrire les associations (AINS et corticostéroïdes ou différentes molécules d’une même classe), respecter des périodes de pause thérapeutique entre les différents traitements, ne pas surdoser, rechercher la dose minimale efficace, adopter les traitements alternés (corticostéroïdes). S’agissant de traitement chronique, une étroite surveillance des patients est absolument essentielles afin de prendre en charge le plus rapidement d’éventuels effets indésirables le cas échéant (suppression du traitement, thérapeutique symptomatique). Notons toutefois que, dans le cas des AINS, l’apparition d’effets indésirables notamment gastro-intestinaux, ne doit pas pour autant condamner définitivement tout 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS traitement AINS. La tolérance d’un individu peut s’avérer variable d’une molécule à l’autre et il est possible, après une période de pause thérapeutique et après la résolution des effets observés, d’administrer une autre molécule, sous haute surveillance bien entendu. Paracétamol Le paracétamol est une molécule à la fois bien connue et mystérieuse. Antalgique le plus communément utilisé chez l’homme dans le monde, il connaît un regain de popularité depuis quelques années en médecine canine. En dépit d’une absence d’effets anti-inflammatoires, ses effets antalgiques sont néanmoins indéniables, bien que l’ensemble des mécanismes mis en cause dans ces effets n’ait pu être encore parfaitement élucidés (inhibition de cyclo-oxygénases au niveau central, activation des voies sérotoninergiques, action sur les récepteurs cannabinoïdes, inhibition des NO synthases….). Il peut être utilisé sur les douleurs aiguës ou chroniques et est relativement bien toléré chez le chien, son usage étant bien entendu à proscrire chez le chat. Toutefois, son utilisation, en particulier en administration chronique, chez les chiens souffrant d’insuffisance hépatique devra se faire avec précautions et sous haute surveillance (respect des doses et intervalles thérapeutiques, surveillance de la fonction hépatique, rapport d’effets indésirables…). En effet, chez ces individus, la métabolisation altérée du paracétamol peut mener à l’accumulation de N-Acétyl-p-benzoquinone imine (NAPQI), composé éminemment hépatotoxique. Tramadol, tapentadol Le tramadol est un opioïde synthétique présentant une affinité moindre pour les récepteurs morphiniques mu (mu-agoniste atypique). Il exerce principalement ses effets antalgiques via l’inhibition de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (action sur les récepteurs alpha 2 agonistes) au niveau synaptique. Son efficacité analgésique dépendant également grandement de la production de métabolite actif, le composé princeps n’ayant qu’une activité directe réduite, son efficacité clinique varie d’une espèce a l’autre et, dans une certaine mesure, d’un individu à l’autre. Chez le chien par exemple, où il est de plus en plus utilisé, son efficacité est parfois discutable. Néanmoins, dans le cas de douleurs chroniques et en tant qu’adjuvant analgésique, associé à d’autres classes de molécules, il présente un intérêt indéniable. Il peut être utilisé chez le chien et le chat même si l’index thérapeutique dans cette dernière espèce est reconnu plus faible, résultat de pharmacocinétiques significativement diffé- rentes dans ces deux espèces (meilleure biodisponibilité chez le chat, production de métabolite actif chez le chat qui est négligeable chez le chien, métabolisation lente chez le chat…). Les doses recommandées chez le chat sont ainsi plus faibles (2-4mg/kg contre 3-10mg/kg chez le chien). L’élimination étant plus lente chez le chat que chez le chien, les rythmes d’administration devront également être adaptés, toutes les 6 à 8 heures chez le chiens, toutes les 12 heures chez le chat. Les effets indésirables sont assez rares, en général d’ordre digestif (constipation ou au contraire diarrhée, nausée, vomissements) ou neurologique/comportemental (agitation/anxiété ou au contraire sédation) et souvent imputés, surtout dans les cas les plus graves, aux effets sérotoninergiques. La communication avec le propriétaire et le suivi de l’animal doit permettre d’ajuster au mieux la dose thérapeutique afin de minimiser ces effets indésirables tout en conservant une action antalgique. Le tapentadol (PalexiaNDH) est une molécule relativement nouvelle apparentée au tramadol ayant des effets négligeables sur la recapture de la sérotonine et dont l’efficacité ne dépend pas de la production de métabolites actifs contrairement au tramadol. Encore peu étudié et utilisé, il représente une thérapeutique prometteuse dans le traitement des douleurs chroniques chez les animaux de compagnie (Giorgi 2012). Opioïdes Les opioïdes « vrais » demeurent en première ligne du traitement des douleurs aiguës intenses lors de processus cancéreux, qu’il s’agissent de traiter une douleur chirurgicale/ traumatique ou d’enrailler un pic de douleur dans le cours de la maladie chronique. Les molécules injectables disponibles en médecine vétérinaire trouvent ici leur place. Compte tenu de l’intensité douloureuse dans ces cas, les opioïdes agonistes mu purs sont à préférer (méthadone, fentanyl). Lorsque la douleur intense se chronicise, les options morphiniques utilisables chez nos animaux de compagnies deviennent plus limitées. En dépit des efforts des laboratoires pharmaceutiques visant à développer des spécialités opioïdes vétérinaires à longue d’action (fentanyl transdermique – Recuvyra®, injection de buprenorphine longue durée – Buprenorphine SR®), ces composés peinent à arriver sur le marché et/ou à s’imposer. L’utilisation de buprenorphine (forme injectable) par voie transmucosale buccale peut se révéler intéressante chez le chat mais la délivrance de ce médicament pour une administration à la maison soulève d’importantes questions législatives et sécuritaires. Les dif- 3 férentes formes galéniques disponibles en médecine humaine sont loin d’être facilement et efficacement utilisables chez nos espèces domestiques. Les formes orales de morphine ont souvent une efficacité décevante en particulier chez le chien et, même dans les formes à effet prolongé (longue action-LA), les rythmes d’administration sont contraignants. Les patches transdermiques de fentanyl ont eux aussi bien souvent une efficacité discutable ou limité en particulier chez le chien. Ils posent également le problème de la sécurité de l’entourage de l’animal et de la responsabilité du vétérinaire lorsqu’ils sont utilisés sur une animal non hospitalisé. Une des voies d’administration à considérer notamment lors de douleurs rebelles terminales en soins palliatifs est la voie épidurale. Une administration de morphine, associée ou non à un anesthésique local, permet une gestion efficace de la douleur pour environ 24h, permettant bien souvent de « briser » un cercle vicieux douloureux. Dans les cas extrêmes, on peut également considérer les administrations répétées, en laissant par exemple en place un cathéter péridural. Anesthésiques locaux L’utilisation de l’anesthésie locale ou locorégionale en chirurgie oncologie est à recommander dès lors qu’il s’agit de limiter l’apparition de phénomènes d’hyperalgésie. L’utilisation préopératoire permet de bloquer efficacement tout influx nerveux nociceptif et par là même de limiter les risques d’hypersensibilisation. Dans des chirurgies très invasives, l’utilisation postopératoire répétée d’anesthésiques locaux est souvent très intéressante également, par le biais de cathéters de plaies notamment. En dépit de l’absence d’autorisation de mise sur le marché vétérinaire, les molécules longues actions telles que la bupivacaïne ou la ropivacaïne sont dans ce cas à préférer à des molécules de plus courte durée telles que la lidocaïne. Dans la gestion chronique de l’animal cancéreux, les anesthésiques locaux peuvent également trouver leur place, depuis les plus simples applications topiques sur des plaies de décubitus ou des abrasions post-radiations par exemple, aux administrations rachidiennes (seuls ou associées à la morphine, à des alpha 2 agonistes…), telles que mentionnées plus haut, afin d’enrailler une douleur chronique devenue insupportable. Alpha 2 agonistes Utilisés surtout pour leurs effets sédatifs en médecine vétérinaire, leurs effets analgésiques ne doivent pas être sous-estimés. Ils 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS peuvent s’avérer être de très efficaces adjuvants de l’analgésie pour enrailler des épisodes aigüe de la douleur chronique, utilisés par voie systémique en injection simple ou continue, par voie épidurale ou éventuellement transmucosale buccale (chez le chat notamment). Une autre voie d’administration potentiellement intéressante est la voie transdermique. Les patches de clonidine, utilisés en médecine palliative humaine, semble donner d’intéressant résultats chez les patients vétérinaires. Notons toutefois que ces dispositifs n’ont fait l’objet d’aucune étude/validation expérimentale chez les carnivores domestiques dans le contexte de la prise en charge de la douleur oncologique. Antagonistes des récepteurs (N-Méthyl-D-Aspartate) NMDA Les récepteurs NMDA jouent un rôle primordial au sein de la corne dorsale de la moelle épinière dans la modulation du message douloureux et la plasticité neuronale. Leur blocage est une des stratégie privilégiée dans la prévention de l’hypersensibilisation centrale et de ses conséquences (hyperalgésie, allodynie, chronicisation de la douleur). L’utilisation de kétamine à des doses infra-anesthésiques peut dès lors être recommandée dans la gestion des douleurs aiguës lors de cancer (chirurgie, pic douloureux). Pour l’utilisation chronique, le recours à une forme orale d’antagoniste NMDA comme l’amantadine est souvent suggérée. En dépit de bons résultats dans la gestion des douleurs chroniques arthrosiques, cette molécule ne semble pas toujours donner de résultats très satisfaisants dans le cas des douleurs cancéreuses. Anticonvulsivants La gabapentine et la prégabaline sont deux molécules initialement développés comme anticonvulsivants dont les potentiels effets sur la modulation du message douloureux réorientent de plus en plus leur indication vers la prise en charge de douleurs neuropathiques. Ils agissent en bloqueurs des canaux calciques voltage-dépendants présents dans le système nerveux central, inhibent ainsi l’influx calcique et la transmission du potentiel d’action (et de l’information nociceptive) qui en résulte. De plus en plus de rapports cliniques ou de publications font état de leur efficacité dans la prise en charge de la douleur chez les animaux de compagnie. Leurs effets indésirables sont essentiellement liés à leur activité inhibitrice sur le système nerveux central (léthargie, fatigue, ataxie quelques fois, prise de poids). Les benzodiazépines comme adjuvants de l’analgésie sont parfois suggérés dans le traitement des douleurs cancéreuses. Même si, à part le clonazepam, aucune molécule de cette famille n’a réellement démontré d’effets proprement antalgiques, leur activité anxiolytique et myorelaxante semble pouvoir jouer un rôle intéressant dans les situations douloureuses complexes et avancées (notamment lorsque des spasmes musculaires viennent amplifier le phénomène algique). Antidépresseurs Les antidépresseurs tricycliques, en particulier les molécules inhibitrices mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (clomipramine, amitriptyline), se révèlent être de très intéressants adjuvants de l’analgésie, en particulier associés aux opioïdes, et ce, avant même de produire de profonds effets antidépresseurs. Outre leurs effets sur la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, ils agissent sur nombres d’autres récepteurs/sites d’action participant à leurs effets analgésiques (effets anti-histaminiques, augmentation des concentrations d’opioïdes endogènes, blocage des récepteurs NMDA, réduction des concentrations intracellulaires de calcium, blocage des canaux sodiques et potassiques). D’autres antidépresseurs aux mécanismes d’action similaires tels que la mirtazapine, molécule bien connue et utilisée chez le chat et le chien pour ses vertus orexigènes, sont également à considérer dans la gestion de ces douleurs complexes cancéreuses. Non pharmacologiques (Looney 2010) Acupuncture L’acupuncture sous toutes ses formes (aiguille fine simple, électro-acupuncture, laser…) est de plus en plus utilisée dans la gestion de la douleur animale. Dans le cadre de la douleur cancéreuse, elle peut non seulement aider à la prise en charge des douleurs aussi bien chroniques qu’aiguës mais également participer à limiter les nausées induites par les traitements, aider à la régulation du transit digestif et à la reprise de l’appétit ainsi qu’à améliorer la circulation locale notamment sur les sites chirurgicaux afin de limiter l’œdème et l’inflammation. Même si les preuves de l’efficacité de ses traitements demeurent bien souvent empiriques, on ne peut nier leur impact à la fois sur les patients cancéreux et leurs propriétaires. 4 Physiothérapie Le recours à la physiothérapie fait également partie de la prise en charge globale de ces patients. Les différentes techniques disponibles (massage, mobilisation, alternance chaud et froid, drainage lymphatique, électrostimulation…) sont, bien entendu, très utiles en postopératoire dans l’optimisation de la circulation locale au site chirurgical, le contrôle de l’inflammation et la prévention de l’ankylose et des complications liées au décubitus et à l’immobilité, mais également dans de nombreux cas de douleurs chroniques pour la décongestion de zones enflammées ou la décontraction de zones musculaires sujettes aux contractures. Autres Radiations palliatives, neurolyse, chirurgie analgésique palliative, stimulation nerveuse sont autant d’options possibles pour une prise en charge des douleurs cancéreuses. Bibliographie • Fan TM (2014). Pain management in veterinary patients with cancer. Vet Clin North Am Small Anim Pract. Sep;44(5):989-1001. • Giorgi M (2012). Tramadol Vs Tapentadol: A new Horizon in Pain Treatment? Am J Anim Vet Sci 7 (1): 7-11. • Illiopoulou MA, Kitchell BE, Yuzbasiyan-Gurkan V (2013). Development of a survey instrument to assess health-related quality of life in small animal cancer patients treated with chemotherapy. J Am Vet Med Assoc. Jun 15;242(12):1679-87. • Looney A (2010). Oncology pain in veterinary patients. Top Companion Anim Med. Feb;25(1):32-44. • Lynch S, Savary-Bataille K, Leeuw B, Argyle DJ (2011). Development of a questionnaire assessing health-related quality-of-life in dogs and cats with cancer. Vet Comp Oncol. Sep;9 (3): 172-82. Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Refuse de déclarer d'éventuels conflits d'intérêt 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS ONCOLOGIE - BIEN-ÊTRE ANIMAL PROGRAMME GÉNÉRAL Qualité de vie préservée en oncologie Évaluer qualité de vie du patient cancéreux, intérêt pratique Claire BEAUDU-LANGE DV, CEAV médecine Interne, PhD Clinique Vétérinaire de la Pierre Bleue - 1 rue de la Prairie - 35550 PIPRIAC Face au mot « cancer » les propriétaires ont d’abord Peur. Peur de la douleur, de la toxicité des traitements, d’une perte de qualité de vie, de se trouver en position d’acharnement, de la mort et de son déroulement, et ce souvent en fonction de leurs expériences personnelles du cancer humain : ainsi, 72 % étaient inquiets du fait de la nature incurable du cancer, 66 % avaient peur d’une baisse de qualité de vie de leur chien et 41 % avaient peur des effets adverses de la chimiothérapie dans une étude récente (Iliopoulou). Permettre au propriétaire de comprendre la maladie, son évolution attendue pour qu’il puisse décider du traitement Il faut savoir que parmi les 25 propriétaires ayant finalement engagé une chimiothérapie sur leur animal en 2010, 43 % n’avaient jamais entendu parler ou pensé à entamer un tel traitement sur un animal ; 32 % étaient d’emblée d’accord avec un tel traitement, 21 % se posaient des questions et hésitaient, et 4 % étaient de prime abord en désaccord (Bowles). Éclairer leurs attentes d’informations Seule une minorité de propriétaires préfèrent ne rien savoir : s’enquérir des préférences d’information est donc important au début du dialogue. Pour la grande majorité, il faut avant toute chose, éclairer leurs attentes d’informations (très fortes au moment du diagnostic), et accepter de prendre en compte avec empathie l’affect et l’émotionnel. La plupart des propriétaires ont une idée toute faite et fausse du « Cancer » comme s’il n’y en avait qu’une seule sorte, celle qu’ils ont vécu dans leur entourage proche. Il faut donc partir du principe qu’il faut patiemment tout expliquer. La majorité des propriétaires veulent avoir le maximum d’informations, FIABLES et VRAIES, sur les procédures diagnostiques, le pronostic sans traitement, les différentes possibilités de traitements, leurs effets secondaires et bénéfices attendus, la qualité de vie de leur animal sans et avec traitement, le rôle qu’ils auront à jouer entre les séances, ce qu’ils devront monitorer, l’espérance de vie avec traitement, la charge émotionnelle et le temps à passer, et les critères qui devront les pousser à envisager l’euthanasie, et son déroulement (Stoewen). Le vétérinaire doit ensuite évoquer le prix des soins, en mettant toujours leur animal au cœur de la discussion, sans le traiter comme un « cas clinique ». Toutes ces étapes sont nécessaires dès l’explication de départ ; il faut donc, une fois le cancer connu, prendre du temps pour expliquer la suite de la démarche et les différentes options possibles ; il est recommandé au cours de cette discussion de vérifier au fur et à mesure, point par point, qu’ils ont bien compris, en synthétisant et reformulant chaque point essentiel (Stoewen). Informer et créer un lien de confiance avec le client Les informations fournies, précises, claires, étayées, et homogènes au sein de l’équipe sont un critère de compétence des soignants aux yeux des clients et les aident à décider du traitement, favorisant aussi leur compréhension et leur maîtrise émotionnelle de la situation en diminuant l’angoisse de l’inconnu et permettent l’établissement d’un lien fort de confiance avec l’équipe de soin. Le lien de confiance construit avec l’équipe est alors un facteur positif pour l’implication du propriétaire dans le soin ensuite, l’observance du traitement, son bon suivi et du coup offre les meilleures chances de succès du traitement (Stoewen). Importance du lien propriétaire animal dans la décision de traitement L’étude citée touchait des propriétaires étant allés en centre de troisième intention pour leur animal cancéreux ; pourtant, leurs niveaux de vie, leurs niveaux d’études, détaillés, étaient sans aucun lien avec leur démarche et couvraient le spectre complet d’une population lambda ; le seul point commun entre ces propriétaires motivés par le soin en cancérologie était leur lien très fort avec cet animal en particulier (Stoewen). Il peut donc être 5 intéressant de jauger discrètement ce lien pendant le dialogue. Dans une étude américaine (Johnson), ce lien avait été établi selon une liste de questions (traduites en annexe) et étudié en fonction de la situation sociologique des personnes interrogées : les américains les plus attachés à leur animal avaient plutôt eu un animal déjà dans leur enfance, étaient plutôt de sexe féminin, ou quel que soit le sexe mais plus âgées, plutôt moins éduquées et moins riches et souvent sans enfants avec peu de personnes proches, ou sans appartenance à un groupe d’activité. Dans l’étude portant sur 29 chiens traités pour cancers (avec métastases, Iliopoulou) 93 % des propriétaires qui avaient opté pour une chimiothérapie et accepté de répondre aux questionnaires décrivaient leur animal comme un membre de la famille, et 59 % indiquaient qu’il jouait le rôle de compagnon. Place de l’évaluation de la qualité de vie dans les études de cancérologie vétérinaire Vétérinaires et cancérologues ont souvent estimé ces dernières années la durée médiane de survie avec et sans traitement d’un type donné de cancer, en fonction de son stade (bilan d’extension), ainsi que la toxicité éventuelle des traitements de chimiothérapie (cf site internet très utile pour avoir ces informations, en anglais : http://www.vsso.org/vsso); mais la question du bien être de l’animal, de la qualité de vie ressentie par les propriétaires, et du maintien de la qualité du lien propriétaire animal est restée longtemps secondaire. Pourtant, par expérience personnelle, et au vu des études citées ci-dessus, c’est la plupart du temps cette question et l’attention que le vétérinaire cancérologue y prête qui va déterminer le propriétaire dans son choix d’engager ou ne pas engager le traitement. Une étude récente a montré que la plupart des études vétérinaires en cancérologie n’y a jusqu’à présent attaché qu’une importance secondaire, et aucune grille de qualité de vie en cancérologie vétérinaire n’a été réellement 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS validée jusqu’à présent (Giuffrida, 2014) : sur 144 études recensées en oncologie vétérinaire, une telle grille n’avait été utilisée que dans 11,1 % des cas. Seul 5,6 % des publications en donnaient les résultats ; aucune étude n’avait utilisé le même outil ou un outil validé de mesure, et seule une étude fournissait suffisamment d’informations pour qu’elle puisse être répliquée. Parmi les études proposant une grille de qualité de vie, celle de Yazbek en 2005 (traduite et fournie en annexe) a montré une différence significative de qualité de vie au moment du diagnostic entre les animaux sains, les animaux atteints de cancer et les animaux atteints de troubles cutanés, mais cette grille n’a pas été validée ensuite pour le suivi longitudinal d’un cas donné de cancérologie. Cette étude montre en revanche qu’au moment du diagnostic, la qualité de vie de l’animal est déjà détériorée. De même, l’étude d’Iliopoulou montre une différence statistique nettement signficative (p<0,001) entre la qualité de vie estimée du chien 6 mois avant le diagnostic de son cancer et au jour du diagnostic : 6 mois avant, les chiens étaient plus actifs, plus joyeux, beaucoup moins anxieux, avaient un meilleur appétit, plus de mobilité, moins de signes de douleurs, étaient plus enclins à jouer, et montraient moins de signes de maladie en général. La même étude montre que tous ces paramètres sont significativement améliorés aux yeux du propriétaire et du clinicien à la deuxième et troisième séance de chimiothérapie, mais restent inférieurs aux niveaux antérieurs atteints 6 mois avant le diagnostic de la maladie. Cet article ne donne malheureusement pas directement le détail des questions posées. Une autre grille, utilisée par Didier Lanore, en France, est reprise en annexe. A titre d’exemple de ce qui peut être proposé dans le suivi des animaux en palliatif, la grille proposée en 2007 (HHHHHMM QoL) par Villalobos est aussi fournie en annexe. Quels paramètres devraient être mesurés pour évaluer la qualité de vie chez l’animal ? Sachant que les patients sont souvent présentés en stade avancé de cancer, surtout pour les cancers internes qui provoquent des symptômes visibles tardivement pour un œil non attentif (poumon, foie, rate, tube digestif..), il est essentiel de pouvoir mesurer cette qualité de vie avant tout traitement, pour pouvoir pallier à l’inconfort dès le départ, et en mesurer l’évolution sous traitement, quel qu’il soit (invasif, palliatif,…). Pour cela, connaître la nature du cancer en cause est essentiel, chaque type de cancer donnant des douleurs prévisibles différentes. Connaître la nature de la tumeur, son mode d’extension, son grade, et son bilan d’extension Biopsie, ou histologie de la pièce d’éxérèse, ainsi que cytoponctions des nœuds lymphatiques de drainage et bilan d’extension à distance selon la nature de la tumeur (radiographies thoraciques, scanner, échographies abdominales..) sont nécessaires et indispensables pour établir le diagnostic et le bilan d’extension de la tumeur. Il y a en effet très peu de marqueurs sanguins fiables à l’heure actuelle pour diagnostiquer un état cancéreux chez l’animal, et ces dosages (dont certains sont commercialisés aux USA) doivent impérativement s’accompagner d’examens d’imagerie et de prélèvements (Schleis 2014) : ainsi, les dosages seuls ou combinés de la thymidine kinase (permettant la synthèse pyrimidique), de la LDH (lactate deshydrogénase, détection des lymphomes et leucémie), de la protéine C réactive ou de l’haptoglobine (marqueurs d’inflammation), de l’alpha foetoprotéine sont en effet peu satisfaisants (faible spécificité, faible sensibilité). Pour déterminer le bilan d’extension, il est important de connaitre le mode d’extension d’une tumeur : de manière générale, les carcinomes commencent par métastaser vers les noeuds lymphatiques de drainage puis ensuite à distance (poumon mais aussi rate foie reins glandes surrénales cerveau…) ; les sarcomes métastasent par voie sanguine directement vers les organes cible à distance ; les mastocytomes métastasent d’abord vers les nœuds lymphatiques de drainage puis vers les organes cible (rate foie moelle osseuse) ; les mélanomes métastasent et par voie sanguine directe et dans les nœuds lymphatiques de drainage. Ainsi, un ostéosarcome provoque une douleur locale intense par destruction de l’os alvéolaire, diffusion par voie sanguine rapide, et a déjà atteint très fréquemment les poumons au moment diagnostic : les radiographies thoraciques ne sont pas assez sensibles pour détecter ces métastases nodulaires de petite taille, et il est primordial de prévoir d’emblée un scanner thoracique et pulmonaire pour avoir un bilan d’extension fiable. Autre exemple, l’hémangiosarcome, diffuse aussi par voie sanguine, avec des métastases dans rate foie, mais aussi dans l’oreillette droite, ou les os… : penser à faire une échographie abdominale et cardiaque avant de conclure à un bilan d’extension négatif, et encore, il faut se souvenir que ces examens ont une sensibilité faible pour infirmer un enva- 6 hissement, mais une spécificité intéressante pour le confirmer. Autre exemple, le carcinome inflammatoire de la mamelle : erythémateux chaud extrêmement douloureux, il est très souvent déjà métastasé au diagnostic (nœuds lymphatiques de drainage et poumons rate foie reins glandes surrénales, peau…): le reconnaitre (le différencier d’une pyodermite !) et savoir le prendre en charge sans chirurgie avec une gestion palliative de la douleur (anticox2) permet une survie de plusieurs mois dans de bonnes conditions, contrairement aux 7 à 15 obtenus post chirurgie et chimiothérapie classique (rechutes locales inévitables) (De Souza). Prévoir et évaluer la douleur associée au type de cancer connu Certains cancers sont plus douloureux que d’autres (os, tumeurs buccales, tumeurs provoquant la distension de la capsule externe de l’organe (rate, foie, rein), tumeurs cutanées ulcérées, carcinomes inflammatoires de la mamelle sont particulièrement douloureux (Duncan et Lascelles). Les comportements de douleur excessive à la palpation pression (hyperalgie) ou de douleur face à un stimulus non douloureux comme une simple caresse à distance de la zone touchée (allodynie) marquent une douleur intense ; mais souvent la douleur va plutôt se traduire par un simple changement de position (emprosthotonos), une tendance au moindre déplacement, une difficulté à sauter, une boiterie, une léthargie, une apathie, une dysorexie, ou un changement de comportement (animal « grognon » voire agressif). Cette douleur doit être prise en compte. Autres paramètres à mesurer Les grilles humaines de qualité de vie ne se limitent pas à la mesure d’une douleur éventuelle ; chez l’enfant, les grilles PedsQL (VØls 2016) permettent justement d’intégrer l’avis d’une tierce personne (les parents) au sujet d’un enfant malade de cancer, ainsi que leur intégration dans leur milieu et pourraient être retranscrites dans un modèle vétérinaire de lien animal- propriétaire : • Mesure des paramètres de bien-être physique, que l’on peut chez l’animal mesurer avec l’appétit, (nausées, vomissements ?) le toilettage (poils ternes, pelage piqué, sale, poils collés..), l’activité et les déplacements quotidiens (prostration, apathie..), l’élimination urinaire (cystite hémorragique, durée miction, mise en position, incontinence) et des selles (qualité des selles, difficulté à se mettre en position, ténesme..), la qualité du sommeil (changements de lieux, déambulations..) à compléter avec un examen clinique 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS attentif (nœuds lymphatiques de drainage, palpation abdominale, examen neurologique périphérique et central..), mesure de la taille de la tumeur dans les cas où elle n’a pas été retirée, évolution des métastases éventuelles par imagerie. • Les paramètres émotionnels (attitude générale, joie de vivre, quantités de bons jours versus mauvais jours..). • Les paramètres « d’intégration sociale », que l’on pourrait mesurer en posant la question du maintien ou non de la qualité du lien animalfamille et éventuellement les interactions avec les autres animaux proches et les autres humains, dont les membres de la clinique (animal qui se cache, cesse d’interagir, voir grogne quand on vient le voir, ou en stress aggravé quand il vient à la clinique..) ; le jugement des autres humains envers le propriétaire est sans doute aussi à prendre en compte dans cette rubrique (remarque personnelle de l’auteur, des clients lui ayant relaté qu’ils se sentaient déjugés par les autres et n’osaient pas dire à leur entourage qu’ils faisaient suivre une chimiothérapie à leur chien..). • Enfin, chez l’humain, on mesure des paramètres cognitifs et fonctionnels, capacité de concentration, d’écoute, et capacité à faire les tâches quotidiennes, que l’on mesure facilement chez l’animal de sport ou de chasse ou chez l’animal guide d’aveugle ou d’handicapé, dans l’exercice de ses fonctions, mais qui chez l’animal de compagnie vont se mesurer selon ce que le propriétaire attend de son chien (motivation pour l’activité favorite antérieure, envie d’aller se promener, de jouer, demande de caresses, …). Dans l’étude d’Iliopoulou, les activités préférées des chiens avant le diagnostic de cancer étaient selon leurs propriétaires le jeu (86 %) l’interaction avec les humains (86 %) la gamelle (83 %) la marche (79 %) d’autres exercices (76 %), monter dans la voiture (66 %) rester à la maison (62 %). 55 % des animaux appréciaient l’ensemble de ces points. 28 % des propriétaires signalaient d’autres activités non détaillées dans le questionnaire. Ces deux derniers items (parametres sociaux et cognitifs) sont rarement pris en compte dans les questionnaires de qualité de vie détaillés dans les articles ou dans les deux exemples de grilles fournies en annexe et méritent pourtant notre attention. Joie de vivre et jeu étaient les critères les plus retenus par les propriétaires pour représenter et mesurer l’amélioration ou la détérioration de la qualité de vie de l’animal sous chimiothérapie dans l’étude de Iliopoulou ; il est intéressant de noter que dans cet article, la perception de la qualité de vie de l’animal par le propriétaire et par le clinicien était fortement corrélés au moment du diagnostic et pendant la chimiothérapie. Le mieux est donc sans doute d’adopter une grille de qualité de vie qui recouvre bien les paramètres cliniques et de bien-être physique, et d’y ajouter un suivi personnalisé des paramètres émotionnels, sociaux et de qualité du lien avec le propriétaire, en fonction de l’activité préférée de l’animal et du couple hommeanimal avant la maladie, en posant toujours les mêmes questions à chaque visite. Intérêt de cette évaluation dans le suivi au long cours de l’animal cancéreux L’intérêt est d’impliquer le propriétaire, qui a besoin d’être proactif, et de permettre à l’équipe vétérinaire d’être réactive (meilleure gestion des effets secondaires ou de l’évolution de la maladie). D’ailleurs, il faut souligner l’importance de l’équipe vétérinaire dans son entier, comme certains clients préfèrent donner certaines observations aux ASV et non aux vétérinaires (Hamilton, 2012 et remarque personnelle). Il est important que ces informations remontent systématiquement au vétérinaire en temps réel ! 79 % des propriétaires étaient heureux de compléter un questionnaire de qualité de vie (Iliopoulou), 17 % appréciant un peu, et 3 % pas entousiastes. L’évaluation de la qualité de vie est indispensable pour gérer au mieux la douleur, en associant des molécules antalgiques diverses (cf conférence à suivre sur la douleur). L’évaluation de cette qualité de vie est aussi indispensable pour gérer les effets secondaires des chimiothérapies : dans l’étude de Hamilton (2012) portant sur des cancers en stade avancé (hémangiosarcomes, ostéosarcomes, mélanomes bucaux et carcinomes transitionnels de la vessie), 48 % des propriétaires avaient des remarques, soucis ou points négatifs à signaler entre les chimiothérapies. Mellanby a rapporté un chiffre de 52 % pour les chiens en polychimiothérapie de lymphomes. Chez les chats, dans l’étude de Tzannes, 2008, portant sur des lymphomes, des effets secondaires ont été notés chez 87 % des animaux sous chimiothérapie, même si les clients étaient heureux de l’avoir fait (83 %), et même recommenceraient avec un autre animal si c’était nécessaire, comme cela a aussi été décrit chez le chien (Tzannes mais aussi, Mellanby, Bowles). L’essentiel des effets secondaires rapportés dans l’étude de Hamilton et les autres étaient les vomissements, la diarrhée, une léthargie et une dysorexie (plus des cas de cystite hé- 7 morragique en cas d’usage du cyclophosphamide). La majorité des remarques était liée à l’importance de la diarrhée. Des changements de défécation, respiration ou de comportements étaient aussi notés avec inquiétude. Dans cette étude (Hamilton 2012), où les propriétaires remplissaient un questionnaire systématique sur les effets secondaires et ou les symptômes nouveaux apparus, avant chaque visite de chimiothérapie (107 animaux, 553 visites), les cliniciens oncologues (qui ne savaient pas que leurs rapports internes seraient relus) n’ont pas apporté de réponse aux plaintes des propriétaires en diminuant les doses, en modifiant la fréquence ou en prescrivant des molécules pour soulager les effets secondaires dans 25 % des cas. Pourtant, selon le grading officiel des effets adverses des cytotoxiques (du VCOG), certains de ces effets secondaires étaient de grade 3 ou 4 (donc sévères à graves). Un tel manque de prise en compte des remarques, observation, ou plaintes est un facteur de risque fort de démotivation du client, et de désengagement du traitement (Stoewen). Il est important de grader systématiquement les effets secondaires des cytotxiques selon la grille officielle (VCOG) ; Prendre en charge une diarrhée sous chimiothérapie se fait en général avec de la doxycycline ou du metronidazole (surtout en cas de neutropénie) et de traitements de soutien de la flore digestive et des pansements intestinaux éventuels. Les vomissements et nausées, ainsi que la dysorexie, répondent en général bien au maropitant tant chez le chat que chez le chien (1mg/kg). Prescrire de la mirtazapine (1/4 cp de norset 15 mg) peut aider à déclencher la prise alimentaire chez le chat. En cas d’effets secondaires de grade 1 à 2, une simple diminution de dose du cytotoxique de 10 % permet de prévenir les effets adverses de la séance suivante ; si les effets secondaires sont plus sévères, il faudra diminuer de 25 à 40 % la dose ; attention aux animaux homozygotes mutés MDR1 qui ne supportent pas la plupart des cytotoxiques aux doses classiques : il faut au moins diminuer de 40 % la dose dans ce cas, avec néanmoins un risque notable d’effets adverses (Schleis) ! En cas d’effets adverses trop importants, la solution d’un traitement palliatif, ou d’une chimiothérapie métronimique, beaucoup moins toxique, est possible (cf conférence suivante). Les remarques soucieuses des propriétaires diminuent lorsque le cancer est en rémission, ou du moins stabilisé, mais ne sont pas liées au bilan d’extension de la tumeur ; elles ne s’atténuent pas avec le nombre de chimiothérapies dans cette étude (Hamilton), 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS mais s’atténuent à la deuxième et troisième séance dans une autre (fort pourcentage de lymphomes en rémission, Iliopoulou) : 69 % étaient extrêmement soucieux au diagnostic, leur nieau d’nquiétude décroissant significativement ensuite (p<0 ;001). La qualité de vie est régulièrement notée meilleure une fois le traitement entrepris qu’au moment du diagnostic (Tzannes, Mellanby), et la grande majorité des propriétaires (>8090 %) dans ces études ne regrettent pas d’avoir entrepris une chimiothérapie et même seraient prêt à le refaire pour une autre animal si nécessaire. Enfin, l’euthanasie doit être franchement discutée avec le propriétaire lorsque l’évaluation de la qualité de vie se dégrade. Parfois, les propriétaires attendent le signal du vétérinaire et n’osent pas en parler eux-mêmes, ayant peur d’être mal jugés par l’équipe soignante (expérience personnelle). La mesure objective et longitudinale des paramètres de qualité de vie aide le propriétaire à prendre la décision de l’euthanasie et l’aide probablement aussi ensuite dans son deuil (Iliopoulou). Conclusion Les études montrent, bien qu’aucune grille de qualité de vie n’ait réellement pas encore été validée chez l’animal, que l’advenue d’un cancer détériore la qualité de vie par rapport aux animaux sains. Sur des études en majeure par- Annexe 1 : Tableau 1 : Grille de qualité de vie selon Yazbek 8 tie rétrospectives et non en double aveugle, la majorité des propriétaires remarquent une amélioration de cette qualité de vie une fois le traitement de chimiothérapie engagé, même si les niveaux antérieurs de qualité de vie ne sont pas complètement retrouvés ; rassurer les propriétaires sur cette qualité de vie sous chimiothérapie est fondamental, réévaluer régulièrement ce paramètre en cours de traitement aide au bon déroulement du traitement, motive le client, permet de mieux gérer les effets secondaires, en adaptant le protocole, en prescrivant des médicaments de comfort, ou en changeant de protocole et permet aussi de conseiller humainement le propriétaire dont l’animal se révèle au bout du compte en fin de vie. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Evaluation de la Qualité de vie de ma chienne, le Placez une marque sur l’échelle ci-dessous qui représente la qualité de vie de votre chienne à ce jour. 0 = la pire, 100 = la meilleure qualité possible. 0 100 Compléter le tableau. Qualité de vie de votre chienne atteinte d’un cancer Joie de vivre Pas d’accord Ma chienne demande à jouer ou à sortir pour sa promenade Ma chienne répond positivement à ma présence ou à la présence d’autres membres de la famille Ma chienne est heureuse de vivre Neutre D’accord 1 □ 2 □ 3 □ 4 □ 5 □ 1 □ 2 □ 3 □ 4 □ 5 □ 1 □ 2 □ 3 □ 4 □ 5 □ Douleur Pas d’accord Ma chienne ressent de la douleur 1□ Ma chienne halète anormalement 1 Ma chienne tremble anormalement □ 1□ D’accord 2□ □ 2□ 2 3□ □ 3□ 3 4□ □ 4□ 4 5□ □ 5□ 5 Mobilité Pas d’accord Ma chienne bouge facilement, se lève facilement après une période de repos Ma chienne reste à la même place toute la journée Ma chienne est toujours aussi active □ 1□ 1□ 1 D’accord □ 2□ 2□ 2 □ 3□ 3□ 3 □ 4□ 4□ 4 □ 5□ 5□ 5 Appétit Pas d’accord Appétit normal Ma chienne mange des friandises □ 1□ 1 D’accord □ 2□ 2 □ 3□ 3 □ 4□ 4 □ 5□ 5 Etat mental Pas d’accord Ma chienne a plus de bons jours que de mauvais jours Ma chienne parait dépressive □ 1□ 1 D’accord □ 2□ 2 □ 3□ 3 □ 4□ 4 □ 5□ 5 Santé générale Pire Etat général par rapport à la dernière évaluation Etat général par rapport au moment du diagnostic initial de cancer □ 1□ 1 Tableau 2 : Autre exemple de grille de qualité de vie 9 Mieux □ 2□ 2 □ 3□ 3 □ 4□ 4 □ 5□ 5 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Critère Score (1-10) Douleur : contrôle adéquat de la douleur ? en incluant la capacité à respirer, y-at-il besoin d’oxygène? Appétit : l’animal mange-t-il assez ? doit-il être nourri à la main ? At-t-il besoin d’un tube d’alimentation ? Etat d’hydratation : le patient est il deshydraté ? Pour le patient qui ne boirait pas assez, le rehydrater une ou deux fois par jour par voie sous-cutanée pour répondre aux besoins. Hygiène : le patient se souille-t-il après l’élimination, est –il propre, présente-t-il des escarres ou des plaies ? si oui sont-elles maintenues propres ? Joie de vivre : l’animal exprime-t-il de la joie et de l’intérêt pour son environnement ? Répond-il aux stimuli extérieurs (famille, jouets..) ? Est-il particulièrement anxieux, déprimé, solitaire, blasé ou effrayé ? Le panier de l’animal peut il être déplacé au fur et à mesure de la journée sur les lieux de vie de la famille ? Mobilité : L’animal peut-il se lever sans aide ? a-t-il besoin d’une aide de départ, voire d’un chariot ? A-t-il envie de se promener ? Souffre-til de convulsions ? Plus de bons jours que de mauvais : si le nombre de mauvais jours dépasse le nombre de bons jours, la qualité de vie est compromise ; « quand le lien humain animal n’existe plus, le propriétaire doit être conscient que la fin est proche ; une décision doit être prise si l’animal est en souffrance ; si la mort vient dans la sérénitéet la paix, elle est acceptable Total (si >35 points, la qualité de vie est satisfaisante) Tableau 3 : Grille de qualité de vie HHHHHMM selon Villalobos traduite mot pour mot par les soins de l’auteur, construite pour le suivi des animaux en soins palliatifs. Les propriétaires d’animaux donnent pour chaque item une note de 1 à 10, 1 étant la note correspondant à la qualité de vie minimale, 10 la note de qualité de vie maximale. Ces soins palliatifs poussés à domicile, avec des conseils de réhydratation sous cutanée, de mise sous oxygène et d’hygiène assez poussés, nécessitent des propriétaires particulièrement motivés et éduqués, et sans doute peu facile à utiliser en pratique en France, en dehors de questions éthiques. 10 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS N° de question Affirmation A Mon ami signifie plus pour moi que n’importe lequel de mes amis. B C’est souvent que je me confie à mon animal. C Je crois que les animaux devraient avoir les mêmes droits et privilèges que des membres de la famille. D Je crois que mon animal est mon meilleur ami. E Souvent, mes sentiments envers les gens dépendent de la manière dont ils réagissent avec mon animal. F J’aime mon animal parce qu’il ou elle est plus loyal que la plupart des personnes de mon entourage. G J’aime montrer aux autres des photos de mon animal. H Je pense que mon animal est juste un animal. I J’aime mon animal parce qu’il ne me juge jamais. J Mon animal sait lorsque je vais mal. K Je parle souvent de mon animal aux autres gens. L Mon animal me comprends. M Je crois qu’aimer mon animal m’aide à rester en bonne santé. N Les animaux méritent autant de respect que les humains. O Mon animal et moi sommes très proches. P Je ferais presque n’importe quoi pour prendre soin de mon animal. Q Je joue souvent avec mon animal. R Je considère que mon animal est un merveilleux compagnon. S Mon animal me rend heureux. T Je sens que mon animal fait partie de ma famille. U Je ne suis pas très ataché à mon animal. V Posséder un animal ajoute à mon bonheur. W Je considère que mon animal est un ami. Totalement d’accord A peu près d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord du tout Je ne sais pas ou ne veux pas répondre Tableau 4 : Traduction par les soins de l’auteur d’une grille de mesure du lien d’attachement propriétaire – animal (Lexington). La colonne totalement d’accord donne 3 points, à peu près d’accord 2 points, plutôt pas d’accord 1 point pas d’accord du tout ou refuse de répondre 0 points ; les questions négatives doivent être notées inversement. En moyenne, les personnes interviewées (questions posées dans un ordre aléatoire) dans cette étude avaient obtenu un score de 47 (note maximale possible 69). 11 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Bibliographie Bowles M. C. et al. Owners’ perception of carboplatin in conjunction with other palliative treatments for cancer therapy Journal of Small Animal Practice 2010, 51, 104–112. De Souza C.H.M. et al. Inflammatory mammary carcinoma in 12 dogs: Clinical features, cyclooxygenase-2 expression, and response to piroxicam treatment. Can Vet J 2009;50:506–510. Duncan B. et Lascelles X. 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BEAUDU-LANGE DV, CEAV médecine Interne, PhD Clinique Vétérinaire de la Pierre Bleue - 1 rue de la Prairie - 35550 PIPRIAC Oser le palliatif requiert déjà de considérer une définition d’un traitement palliatif : ce terme s’emploie au sujet d’un traitement appliqué à une maladie qui à terme va quand même provoquer la mort; à ce titre, toute chimiothérapie, chez l’animal, à ce jour, peut être considérée comme palliative : très peu de cas en effet avec les protocoles utilisés à ce jour permettent de promettre une guérison. Nous avons néanmoins décidé de n’aborder ici que les cas réellement très avancés (tumeurs cancéreuses inopérables, bilan d’extension à distance positifs) : que faire face à de tels cas, et y-a-t-il un moyen terme entre le temps du diagnostic et celui de l’euthanasie ? Une telle question demande déjà un éclaircissement éthique : oser le palliatif, oui, mais dans un cadre contrôlé et dans lequel le respect de l’animal prime, notamment avec un suivi régulier de sa douleur et de sa qualité de vie. Si ces deux critères ne sont pas suffisamment contrôlés par le traitement proposé, il faut savoir proposer l’euthanasie et amener le propriétaire à en comprendre l’importance. Nous avons déjà parlé de qualité de vie, la gestion de la douleur va être traitée par ailleurs ; quels sont les résultats à attendre d’un traitement palliatif dans les situations où le cancer est métastasé ou non traitables chirurgicalement ? Quels traitements palliatifs peut-on proposer ? Nous prendrons pour cela l’exemple des ostéosarcomes appendiculaires, des hémangiosarcomes et des sarcomes des tissus mous, connus pour être particulièrement agressifs et offrant des médianes de survie très courtes sans traitement. Radiothérapie Un exemple parlant de cancer nécessitant un traitement palliatif est l’ostéosarcome appendiculaire du chien. De part le format du chien et la gravité de la maladie, certains propriétaires hésitent à amputer ; de plus, le cancer est déjà métastasé dans les poumons au moment du diagnostic dans une grande majorité de cas (nécessité de faire un scanner du thorax pour affirmer un bilan d’extension négatif, la radiographie avec sa mauvaise sensibilité permettant juste d’être sûr d’un bilan d’extension très positif…). En présence de métastases, l’amputation s’entend moins. A condition de prendre toute la mesure de la douleur locale (due à la destruction de l’os et la compression des nerfs sensitifs et nociceptifs), et de sa gestion en combinant en plus des drogues analgésiantes (AINS cox-2, gabapentine, pamidronate de sodium, tramadol..), la radiothérapie peut être une bonne option de traitement palliatif, qui va diminuer rapidement la douleur locale, en détruisant les cellules cancéreuses, en diminuant l’inflammation locale, et en favorisant une cicatrisation locale de l’os, ce qui va permettre au chien de ré appuyer sur son membre : 74 à 96 % des chiens sont soulagés ainsi de leur douleur. Les protocoles consistent en 2 séances espacées de 24h de 800 Gy chacune. L’amélioration s’installe en 11 à 15 jours, et la gestion de la douleur ainsi permise dure de 1,8 à 4,3 mois. La radiothérapie est réitérable si elle a fonctionné la première fois. La survie médiane après un tel traitement est comprise entre 4,1 et 10,4 mois selon les publications (Mayer). Dans une étude de 2009 (Fan) très complète, portant sur des ostéosarcomes appendiculaires traités palliativement par radiothérapie, anti cox-2 et doxorubicine tous les 21 jours sur 5 séances, la durée médiane de soulagement complet de la douleur a été de 75 jours. L’adjonction de pamidronate (étude prospective) n’a pas amélioré cette durée. Pour les chiens ayant pu suivre le protocole entier, la durée médiane de soulagement de la douleur a été de 168 (avec pamidronate, de 112 à 279) à 196 (sans pamidronate, de 112 à 1005) jours. Tous les chiens ayant ou non pu compléter le protocole, sont morts ou ont été euthanasiés du fait de fractures spontanées (dues au processus néoplasique), de douleur s’aggravant, de métastases ou de mort subite. Cet exemple de cancer pourtant réputé douloureux et foudroyant montre combien une gestion palliative attentive peut apporter de confort pendant quelques mois à l’animal, 13 sans doute retarder les métastases et reculer l’euthanasie, à la quelle du coup le propriétaire est alors mieux préparé. La radiothérapie palliative peut aussi s’utiliser dans nombre d’autres cancers, notamment les carcinomes de la prostate. Chimiothérapie métronomique La chimiothérapie métronomique désigne une technique visant non pas la destruction directe des cellules cancéreuses, comme dans le cas de la chimiothérapie dite classique, mais l’administration continue de faibles doses de cytotoxiques par voie orale, dans le but de restaurer les défenses immunitaires en déprimant la prolifération et le recrutement de lymphocytes T régulateurs (inhibant la réponse immunitaire anticancéreuse), d’inhiber la néoangiogénèse (en diminuant le recrutement de précurseurs des cellules endothéliales dans la tumeur et la prolifération des cellules endothéliales), et l’apport subséquent de nutriments indispensables aux cellules cancéreuses. Lomustine métronomique L’étude de Tripp, a porté sur 81 chiens atteints de tumeurs non complètement retirées ou inopérables, pour la plupart métastasées et n’ayant pas répondu pas à une ou plusieurs séances de chimiothérapie classique, et ou de radiothérapie (essentiellement des ostéosarcomes et des hémangiosarcomes, mais aussi mélanomes buccaux, carcinomes thyroïdiens, sarcomes anaplasiques, c’est-à-dire des tumeurs connues pour leur agressivité et leur très mauvais pronostic..). La dose métronomique de lomustine testée était de 2,84 mg/ m2 par jour. Le traitement a été administré sur une durée médiane de 98 jours (1-680j). 27,2 % des chiens ont dû arrêter le traitement pour cause d’effets secondaires (durée médiane de traitement pour les chiens ayant arrêté, 97j, de 1 à 439j). Ces effets secondaires ont été de faible intensité (bas grade) et souvent cumulativement tardifs : 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS • 1 cas de neutropénie persistante de grade 1 après 46 jours de traitement. • 20 % des chiens (12 animaux) ont développé une thrombopénie entre 19 et 436 jours de traitement (médiane 432 jours) (75 % (9 chiens) de grade 1, 16 % (2 chiens) de grade 3, 8 % (1 chien) de grade 4). • 15 % d’anémie (8 animaux), après 32 à 220 jours (médiane de 148 jours) de grade 1 pour 7 cas, de grade 2 pour le huitième • 15 % (8 animaux) ont développé une azotémie après 20 à 390 jours de traitement (médiane de 116 jours), 7/8 de grade 1, un animal azotémique au départ dont la créatinine avait ensuite doublé du fait du traitement • 21 % (11 animaux) ont montré une élévation des ALT (> 1,5* la limite supérieure) après 19 à 413 jours de traitement (médiane de 265 jours). Aucune insuffisance hépatique n’est apparue et la thérapie a été stoppée seulement chez 3 chiens. • 25 % toxicité gastrointestinale après 1 à 439 jours de traitement, (médiane 20 jours) (vomissements 4 chiens, 7 anorexies, 1 nausées, 2 diarrhées, 13 arrêts de traitement), toxicité de grade 1 (8 chiens) ou 2 (5 chiens). Le résultat sur la maladie cancéreuse a été 6 % de réponse partielle (disparition de métastases, diminution des tumeurs non opérées) et 30 % de maladie stabilisée, dans les 30 jours suivant le début de la thérapie, et durant au moins 30 jours. • Pour les ostéosarcomes inclus dans l’étude, la durée médiane de survie des tumeurs non métastasées au diagnostic ayant reçu chimiothérapie métronomique et radiothérapie palliative a été de 237 jours (74 à 417). Les chiens présentant un ostéosarcome métastasé au départ ont eu une médiane de survie de 74 jours (38 à 135 jours). • Pour les hémangiosarcomes inclus, les chiens non opérés et présentant des métastases (pulmonaires, cardiaques, viscérales ou combinant plusieurs sites) ont atteint une médiane de survie de 120 jours (19 à 307 jours). Cyclophosphamide L’étude de Lana a porté sur des chiens atteints de stade II d’hémangiosarcomes (en hémorragie mais sans métastases au diagnostic). Ils ont été placés pour 6 mois sous étoposide (un inhibiteur de la topoisomérase II administré per os à 50 mg/m2/j pendant 3 semaines en alternance avec 3 semaines de cyclophosphamide), cyclophosphamide (PO à 12,525 mg/m2/j pendant 3 semaines, et piroxicam (0,3 mg/kg/j) après la chirurgie, par cycles successifs de 6 semaines. La durée médiane de rémission et de sur- vie a été de 178 jours dans le groupe métronomique, à comparer aux 126 et 133 jours (p =0,03) respectifs sous chimiothérapie à dose maximale de doxorubicine (tous les 15 jours). Les effets secondaires du protocole : aucun des chiens n’a développé de toxicité de grade 3 ou 4, et les toxicités de grade 1 et 2 ne différaient pas avec le groupe doorubicine (toxicités non détaillées). 2 chiens sur 9 ont développé une cystite hémorragique stérile due au cyclophosphamide, 18 semaines après le début du traitement pour l’un et 1an après le début du traitement pour l’autre. L’étude rétrospective d’Emslie comportait 85 animaux, souffrant de sarcome des tissus mous dont l’éxérèse était en marge contaminée. Un groupe a reçu du cyclophosphamide (10 mg/m2/j PO) et du piroxicam (0,3 mg/ kg/j). La durée de rémission locale suite à la chirurgie a été très significativement augmentée : la médiane de rémission du groupe sans chimiothérapie métronomique était de 211 jours, tandis qu’à 1400 jours, 80 % des chiens sous chimiothérapie métronomique n’avaient pas rechuté. 12 chiens ont développé des effets secondaires de grade faible (1 ou 2), dans ce cas la fréquence de prise de cyclosphamide a été diminuée à 1 jour sur 2. Parmi les effets adverses de bas grade, étaient décrits 17 % d’anorexie (grade 2), 3 % de vomissements (grade 1), 3 % de vomissements (grade 2), 7 % d’augmentation de la créatinine (grade 2), 7 % de cystite hémorragique grade 2 et 3 % (1 cas) de cystite hémorragique stérile de grade 4. Chlorambucil seul L’étude de Leach, portait sur des chiens montrant tout type de cancers agressifs localement et mesurables, dont 13,8 % présentaient des métastase nodales, et 50 % des métastases à distance. Ces chiens, qui n’avaient pas répondu à une chimiothérapie classique antérieure, ont été traités à la dose quotidienne de 4 mg/m2. Les auteurs ont obtenu un taux de réponse (partielle ou complète) de 11 % (4 chiens) et une stabilisation de la maladie sur 17 chiens (36 animaux enrôlés prospectivement). La médiane d’absence de progression a été de 61 jours, et la médiane de survie de 153 jours. Les animaux en progression malgré le traitement ont néanmoins bénéficié d’une vitesse d’évolution lente après la constatation de la progression, comme si les métastases se développaient moins vite et progressaient moins sous chimiothérapie métronomique. Certains animaux ont atteint une durée de survie très longue, malgré la progression, le traitement ayant été maintenu (98 semaines 14 pour un cas de mastocytome, 68 semaines pour un cas de carcinome des sacs anaux, 53 semaines pour un carcinome pulmonaire et 66 semaines pour un mélanome malin). La toxicité a été très limitée, pas de toxicité hématologique, une toxicité gastrointestinale de grade 1 ou 2 (anorexie, diarrhée ou vomissements) qui a été résolue par un traitement symptomatique et sans arrêter définitivement le traitement (diète, métronidazole, métoclopramide, famotidine, ou maropitant). Une autre étude (Custead) portant sur l’usage métronomique du chlorambucil a montré que l’accroissement des doses (6 ou 8 mg/m2) n’augmentait pas les effets positifs du traitement et s’accompagnait d’une nette augmentation de la toxicité cumulative à 90 jours et 1 an. Il est donc recommandé de privilégier la dose de 4 mg/m2. Inhibiteurs cox-2 selectifs L’étude de Knapp a porté sur 44 chiens atteints de carcinomes transitionnels de la vessie non opérés, et randomisés en 3 groupes, l’un sous firocoxib seul (5 mg/kg PO q24h), le deuxième sous cisplatine seul (60 mg/m2 IV toutes les 3 semaines) et le troisième groupe sous les deux traitements combinés. Le taux de rémission partielle sous firocoxib seul a atteint 20 % et la maladie est restée stable dans 33 % des cas. Le taux de rémission partielle (aucune rémission complète dans aucun des groupes) sous cisplatine et firocoxib a atteint 57 %, à 42 jours de traitement, statistiquement meilleur que celui obtenu sous cisplatine seul (13 %). 27 % des chiens sous cisplatine seul, ou firocoxib seul avaient montré une maladie en aggravation à 42 jours, tandis qu’aucun des chiens du groupe cisplatine firocoxib n’était dans ce cas. Pour les chiens entrés en rémission partielle, la durée médiane de rémission a été de 186 jours sous cisplatine et firocoxib, 87 jours sous cisplatine seul, et 105 jours sous firocoxib seul. La capacité à uriner était nettement plus améliorée dans le groupe cisplatine firocoxib que dans les deux autres (9 améliorés sur 11 contre 8/13 (firocoxib seul) et 7/12 (cisplatine seul). La toxicité du protocole était surtout liée au cisplatine, n’étant pas supérieure dans le groupe combinant cisplatine et firocoxib. Cette toxicité était rénale (diminution du débit de filtration (de 35 % avec le cisplatine seul, de 54 % avec les deux molécules), et augmentation de la créatinine (+60 % en moyenne dans le groupe combinant les deux molécules) et gastrointestinale (firocoxib seul, 2 grade 1, 2 grades 2, 1 grade 3, pas de grade 4 ; combinaison cisplatine firocoxib 1 grade 1, 0 grade 2, 6 grades 3, 1 grade 4). 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Apports des inhibiteurs de tyrosine kinase L’étude de Mitchell s’est attachée à monitorer l’effet d’une chimiothérapie métronomique (effets adverses et effets sur les cellules sanguines) associant cyclophosphamide et tocéranibe sur 15 chiens souffrant de cancers agressifs localement et non opérés dont 13 sur 15 avaient des métastases à distance, sans étudier la durée de rémission, mais juste à la réponse à 28 et 56 jours. Le tocéranibe était d’abord distribué seul 1 jour sur 2, avec quelques chiens nécessitant une fenêtre thérapeutique due aux effets adverses suivie d’une reprise sur un schéma lundi mercredi vendredi. Au bout de 15 jours sous tocéranibe seul sans effets secondaires, le cyclophosphamide était introduite à 15 mg/ m2/j. 6 chiens sur 13 avaient une maladie stable à 56j, tandis que pour les 7 autres, le cancer avait progressé. La toxicité de l’association s’est révélée être surtout gastrointestinale (anorexie et diarrhée de grade 1 ou 2, dans 53 % des cas les 15 premiers jours de traitement, 15 % des cas les 15 jours suivants, puis disparition des symptômes signalés ensuite) ; la toxicité hématologique était faible (1 neutropénie de grade 1, 1 thrombopénie de grade 1, arrivant pendant les 42 premiers jours) et une léthargie faible a été notée dans 30 % des cas entre les jours 28 et 42. Conclusion Bibliographie Oser le palliatif : à condition de bien suivre les effets secondaires, et la qualité de vie de l’animal, une telle option est possible et peut parfois sous chimiothérapie prolonger longtemps, mais de façon totalement imprévisible pour l’instant, la vie, dans de bonnes conditions. Il est important de bien avoir obtenu le consentement éclairé des propriétaires, même en chimiothérapie métronomique. Custead M. R. et al. Retrospective comparison of three doses of metronomic chlorambucil for L’intérêt de tels traitement est leur administration orale, dérogataire à domicile par le propriétaire selon la loi sur l’usage des cytotoxiques, à condition d’en respecter l’esprit (ramassage ou dilution des déjections, pas de prescription en présence d’enfants ou de personnes immunodéprimées), et leur faible toxicité lorsque ces molécules sont utilisées à faible dose continue, contrairement à la toxicité des protocoles de chimiothérapie conventionnels. Les études sont en revanche cruellement manquantes chez le chat. Peu d’études combinant l’association de plusieurs de ces molécules ont été publiées en protocole métronomique, leur association étant pratiquée mais sans recul de publications pour l’instant. L’action des inhibiteurs de tyrosine kinases aura certainement un effet intéressant à l’avenir dans cette indication, mais les études manquent encore pour en avoir la preuve. tolerability and efficacy in dogs with spontaneous cancer. Veterinary and Comparative Oncology, 2016, doi: 10.1111/vco.12222. Elmslie R.E. et al. Metronomic Therapy with Cyclophosphamide and Piroxicam Effectively Delays Tumor Recurrence in Dogs with Incompletely Resected Soft Tissue Sarcomas. J Vet Intern Med 2008;22:1373– 1379. Fan T. M.et al. Double-Blind Placebo-Controlled Trial of Adjuvant Pamidronate with Palliative Radiotherapy and Intravenous Doxorubicin for Canine Appendicular Osteosarcoma Bone Pain. J Vet Intern Med 2009;23:152–160. Knapp D.W. et al. Randomized Trial of Cisplatin versus Firocoxib versus Cisplatin/Firocoxib in Dogs with Transitional Cell Carcinoma of the Urinary Bladder. J Vet Intern Med 2013;27:126–133. Leach T. N. et al. Prospective trial ofmetronomic chlorambucil chemotherapy in dogs with naturally occurring cancer. Veterinary and Comparative Oncology, 2011, 10, 2, 102–112. Mayer M.N. et Grier C.K. Palliative radiation therapy for canine osteosarcoma. CVJ 2006 vol 47, 707-09. Mitchell L. et al. Clinical and Immunomodulatory Effects of Toceranib Combined with Low-Dose Cyclophosphamide in Dogs with Cancer. J Vet Intern Med 2012;26:355–362. Tripp C.D. et al. Tolerability of Metronomic Administration of Lomustine in Dogs with Cancer. J Vet Intern Med 2011;25:278–284. Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Aucun conflit d'intérêt 15 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS ONCOLOGIE - BIEN-ÊTRE ANIMAL PROGRAMME GÉNÉRAL Qualité de vie préservée en oncologie Nouvelles approches thérapeutiques et qualité de vie, oser le palliatif partie Richard BLOSTIN Cabinet Vétérinaire - 42 rue Francis Poulenc - 77430 CHAMPAGNE SUR SEINE La cancérologie actuelle tend de plus en plus vers des traitements ciblés, dont l’intérêt est d’individualiser le plus possible la thérapie en fonction des caractéristiques histologiques et cliniques de la tumeur. L’avantage de ces nouvelles chirurgies, chimiothérapies, radiothérapies, immunothérapies, etc., est de gagner en efficacité thérapeutique tout en en limitant les effets secondaires non désirés, préservant la qualité de vie des patients. Ces nouvelles approches touchent progressivement la médecine vétérinaire, avec les mêmes objectifs. (1) (2) A côté de ces thérapies ciblées, les oncologues ont besoin d’outils thérapeutiques qui stimulent le système immunitaire – nous verrons que le terme moduler est plus juste –, afin de rendre l’organisme plus compétent dans sa lutte contre le cancer, en curatif comme en préventif. le font, sans l’aide de leur vétérinaire traitant, très souvent sans oser lui en parler car craignant une réaction au mieux dubitative. Ces MNC peuvent être utilisées en complément des traitements classiques, (le C de Cam) - pour améliorer la qualité de vie du patient, par une action directe, en limitant les effets secondaires des traitements conventionnels ou en améliorant leur efficacité. - pour allonger la durée de vie, par une action anti-tumorale propre ou synergique avec les traitements conventionnels. Ces MNC peuvent être utilisées en alternatif, (le A de cAm) - à la demande des propriétaires (refus de chimio ou radiothérapie, de chirurgie trop invasive, coût des traitements, etc…) Nous parlerons principalement du viscum album fermenté (VAF) qui trouve ici une indication précieuse. - comme traitement palliatif d’accompagnement de fin de vie ou quand les techniques conventionnelles sont inappropriées ou impuissantes. De façon plus générale, les médecines nonconventionnelles (MNC) ne sont pas réputées “guérir le cancer”. Mais elles tendent à être intégrées dans les protocoles conventionnels Il y a un espace pour les médecines non conventionnelles en oncologie, intégrées d’emblée dans les protocoles thérapeutiques ou à la demande des propriétaires. En tant que CAM (Complementary and Alternativ Medicine) ou techniques intégrées (Integrativ medicine). De l’utilisation des plantes en cancérologie et de la phytothérapie En cancérologie, de plus en plus de publications scientifiques soulignent l’intérêt de ces MNC. (3) Et l’intérêt d’intégrer des MNC en oncologie arrive aussi en médecine vétérinaire. (4) MNC très souvent utilisées en automédication par les patients humains à l’insu des traitants conventionnels, comme le présente une publication de 2013 pour l’Amérique du Nord (5) Probablement près des 2/3 des malades feraient appel aux MNC en cancérologie pendant et après les traitements pour lutter contre les douleurs, la fatigue, l’anxiété, l’insomnie et améliorer leur qualité de vie. (6) Il y a certainement les mêmes souhaits de nos propriétaires d’animaux de compagnie pour leurs compagnons. Et beaucoup d’entre eux Les plantes terrestres ou aquatiques constituent un réservoir considérable pour la pharmacopée. Tous les jours, 24 h sur 24, dans les laboratoires pharmaceutiques, des machines automatiques font le screening de plantes du monde entier afin de sélectionner des molécules susceptibles d’être intéressantes. Ainsi beaucoup de médicaments conventionnels, notamment en cancérologie, sont issus de plantes, comme la vincristine ou le taxol (respectivement la Pervenche de Madagascar et l’If). La liste des plantes, dont des composants présentent un intérêt en cancérologie, s’agrandit chaque jour ; mais il ne s’agit pas de phytothérapie. 16 En phytothérapie, l’approche est différente : nous essayons d’utiliser le plus possible la plante dans la totalité ou sa partie la plus intéressante ; il y a donc un mélange de molécules dans un même médicament. Dans toutes ces plantes thérapeutiques, on ne trouve pas de composants qui pris isolements ont des actions thérapeutiques opposées. Il y a une synergie de l’ensemble de ces molécules, qui dans leur totalité semblent plus efficaces que si elles étaient prises isolément. Elles agissent souvent à différents niveaux biologiques de l’organisme. Les plantes utiles en cancérologie sont très nombreuses et font l’objet de plus en plus d’études de la recherche fondamentale. A ce jour, c’est à propos du Curcuma qu’il y a le plus de publications (environ 600 dans Pubmed avec comme mot clef : curcuma et cancer) (7), puis c’est le Viscum album (environ 300 dans Pubmed avec comme mot clef : viscum album et cancer ou Iscador et cancer) (8)(9). Mais à noter que pour le Curcuma, beaucoup de publications portent sur la Curcumine, considérée comme un de ses principes actifs majeurs ; il ne s’agit plus de la plante dans sa Totalité. Ce n’est plus de la phytothérapie. La recherche fondamentale nous montre que d’autres plantes ont des propriétés biologiques très proches et intéressantes pour la cancérologie. Ainsi le Curcuma, Carduus marianus (le Chardon Marie) et le Viscum album ont des propriétés immunostimulantes, apoptotiques, anti-cox2, anti-angiogéniques (10). Et dans la pratique quotidienne nous associons fréquemment par voie buvable Curcuma et Carduus marianus lors des “viscumthérapies”. Mais ce que nous indique la recherche clinique et sans qu’on ait vraiment d’explication par la recherche fondamentale, est qu’aujourd’hui, au stade de nos connaissances, par rapport aux autres plantes, seul le VAF, permet un maintien voire une amélioration de la qualité de vie, dès lors que les patients humains ou animaux poursuivent leur traitement. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS En termes plus communs : “le VAF permet aux patients d’être bien jusqu’au bout quelle que soit la progression de la maladie ; dès lors qu’il y a une dégradation de l’état général, celle-ci est subite : elle précède le plus souvent rapidement le décès”. Sauf exceptions très rares, le VAF évite ainsi une dégradation progressive de l’état général avec une agonie longue, pénible et douloureuse. Ce maintien de la qualité de vie lors des traitements au VAF, est la seule promesse que nous tenons aux propriétaires de nos animaux. C’est, à notre connaissance, une spécificité de l’utilisation du VAF. A ce jour, aucun médicament conventionnel ne donne ce résultat. Bibliographie (1) Smrkovski OA, Essick L, Rohrbach BW, Legendre AM. Masitinib mesylate for metastatic and non-resectable canine cutaneous mast cell tumours ; Vet Comp Oncol. 2015 Sep;13(3):314-21. (2) Hahn KA, Ogilvie G, Rusk T, Devauchelle P, Leblanc A, Legendre A, Powers B, Leventhal PS, Kinet JP, Palmerini F, Dubreuil P, Moussy A, Hermine O. Masitinib is safe and effective for the treatment of canine mast cell tumors. J Vet Intern Med. 2008 Nov-Dec;22(6):1301-9. Erratum in: J Vet Intern Med. 2009 Jan-Feb;23(1):224. Oglivie, G [corrected to Ogilvie, G]. (6) Dossierdepresse–Europcancer–17juin2010–http:// www.eurocancer.com (7) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/ pubmed/?term=curcuma+and+cancer (8) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=vis cum+album+and+cancer (9) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/ pubmed/?term=Iscador+and+cancer (10) Huet M. et Fleurentin J. Curcuma, thé vert et chardon-marie : quelle stratégie adopter en prévention du cancer ou en complément des traitements. Ethnopharmacologia, n°50, juillet 2013 pp 9-17 (3) Pub med : Complementary alternative medicine cancer. 389 publications en nov.2015 (4) Raditic DM, Bartges JM. Evidenced-based integrative Medicine in Clinical Veterinary Oncology. Vet Clin North Am Small Anim Pract 2014 Sep ; 44(5) :851853 (5) Fouladbakhsh JM and coll. Understanding CAM natural Health Products : Implication of Use Among Cancer Patients and Survivors. J.Adv Pracr Oncol. 2013 Sep-Oct ; 4(5) : 289-306 17 Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Aucun conflit d'intérêt