Les proliférations plasmocytaires

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Les proliférations plasmocytaires
Hématologie 2006 ; 12 (spécial 2) : 9-16
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Les proliférations plasmocytaires
Florence Pasquier1
Anne-Sophie Moreau1
Thierry Facon1
Xavier Leleu1,2
1
Service des maladies du sang,
hôpital Huriez, CHRU, Lille, France
2
Bing center for Waldenstrom
Macroglobulinemia and Jerome Lipper
Multiple Myeloma center, Medical
oncology, Dana-Farber Cancer Institute
and Harvard Medical School, Boston,
MA 02115, USA
<[email protected]>
L
e thalidomide, le bortezomib (Velcade®), puis l’analogue du thalidomide, le
lénalidomide (Revlimid®),
ont rapidement influencé
l’approche thérapeutique dans le myélome multiple (MM). Le congrès 2005
de la Société Américaine d’Hématologie (ASH) a vu rapporter les résultats
finaux de plusieurs protocoles testant la
place du thalidomide et du bortezomib
(Bz) en première ligne. Il a aussi été
marqué par les nombreuses communications sur les mécanismes de résistance
au Bz, et la présentation d’associations
visant à dépasser ce phénomène. Les
résultats de l’étude de phase III avec le
lénalidomide dans le MM en rechute
sont encourageants et supporteront le
prochain enregistrement de cette molécule. Enfin, plusieurs essais de
phase I/II sont rapportés avec d’autres
molécules innovantes que l’on pourrait
qualifier de seconde génération, issues
de la recherche initiée autour du thalidomide et du Bz.
Myélome multiple
Essais thérapeutiques
de première ligne
Thalidomide
Correspondance et tirés à part :
X. Leleu
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
Dans l’essai baptisé Total Therapy II du
groupe de Little Rock, le thalidomide
améliore significativement le taux de
réponse complète (RC) (de 41 % à
59 %) et la survie sans progression à
5 ans (de 42 % à 54 %), mais il n’existe
pas d’avantage de survie globale (G.
Tricot, n° 423). L’essai de phase III européen HOVON/GMMG suggère l’intérêt du thalidomide dans la combinaison
TAD (thalidomide, adriamycine, dexa-
méthasone), en réduction tumorale
avant autogreffe de cellules souches
périphériques (ACSP), comparativement au VAD (vincristine, adriamycine,
dexaméthasone), en termes de réponse
(80 % versus 63 %) et de réponses complètes (7 % versus 3 %), mais le bénéfice après greffe n’est plus significatif
(H. Goldschmidt, n° 424). L’analyse
finale de l’essai IFM 99-02 valide le
thalidomide comme traitement d’entretien post-autogreffe, au moins pour certains patients. Les patients recevant le
thalidomide ont un avantage sur la survie sans progression (plus longue de
près de 10 % à 4 ans) et la survie globale, mais cet avantage n’est pas
retrouvé chez les patients avec une délétion du chromosome 13 (M. Attal,
n° 1148). Chez les sujets âgés de plus
de 65 ans, la dernière analyse intermédiaire du protocole IFM 99-06 (figure 1)
montre la supériorité du bras MPT (melphalan, prednisone, thalidomide) sur le
bras MP en termes de réponse, de survie
sans progression et de survie globale
(figure 2). De façon plus inattendue,
MPT est également supérieur au traitement intensif (ACSP) comprenant deux
séquences de melphalan 100 mg/m2,
situant le traitement MPT comme le nouveau protocole de référence chez les
patients de plus de 65 ans (T. Facon,
n° 780). Les résultats de l’essai
IFM 99-06 sont retrouvés, en termes de
réponse et survie sans progression,
dans un essai du groupe italien
(A. Palumbo, n° 779).
Bortezomib
Le bortezomib a aussi fait l’objet de
nombreux essais de phase II en première ligne de traitement dans le MM.
Deux essais ont évalué les taux de
réponses avec le Bz seul en première
9
IFM 99-06
MM au diagnostic chez des patients âgés de 65 à 75 ans
RANDOMISATION
Bras A
MP 1
Bras B
Bras C
VAD 1
Bras A
+
thalidomide
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(£ 400 mg/j)
VAD 2
Cyclo. 3 g/m2
G-CSF + collecte de CSP
MP 12
MHD 100 mg/m2
MHD 100 mg/m2
Figure 1. Schéma de l’essai IFM 99-06.
MM : myélome multiple ; IFM : intergroupe francophone du myélome ; MP : melphalan-prednisone ; VAD : vincristine, adriamycine,
dexaméthasone ; CSP : cellules souches périphériques ; MHD : melphalan haute dose ; Cyclo. : cyclophosphamide.
10
ligne, utilisé essentiellement comme agent de réduction tumorale avant intensification thérapeutique. Les taux de réponses
étaient d’environ 40 % avec 10 % de RC (A. Dispenzieri,
n° 2546, et P. Richardson, n° 2548). Une troisième série
associait la dexaméthasone orale chez les patients n’ayant
pas atteint une RP après deux cycles ou une RC après 4
cycles, et rapporte des taux de réponse de 85 %
(S. Jagannath, n° 783). Dans cet essai, 70 % des patients
ont reçu la dexaméthasone en association à partir des cycles
3 et 5 avec une amélioration de la réponse chez 60 % des
patients.
Dans le protocole BTD (bortezomib, thalidomide, dexaméthasone), réalisé chez 36 patients, le thalidomide était donné à
la dose de 100 mg/j, la dexaméthasone aux doses habituelles, et le bortezomib à 3 posologies différentes (1,3 ; 1,5 et
1,6 mg/m2) (M. Wang, n° 784). Le taux de réponse était de
92 % avec 19 % de RC. Une intensification thérapeutique
avec ACSP terminait le traitement chez 22 patients après une
médiane de 4 cycles, sans complication et avec 31 % de RC.
Le Bz peut être associé au melphalan étudié chez 53 patients
âgés de plus de 65 ans dans le protocole BMP (bortezomib,
melphalan, prednisone). Les taux de réponses et de RC,
après 3 cycles, étaient respectivement de 86 % et 39 %.
Cependant, 10 % des patients sont décédés de toxicité ou de
progression (M.V. Mateos, n° 786).
Dans le protocole baptisé Total Therapy 3 (TT3), le groupe de
Little Rock associe le Bz en induction et en consolidation au
protocole de TT2 (G. Tricot, n° 1157, et A. Badros,
n° 2747).
Sur les 162 premiers patients, seulement 113 ont pu recevoir
la deuxième ACSP, mais 50 % des patients étaient âgés de
plus de 65 ans. On note 4 % de décès toxiques à 12 mois et
la probabilité d’obtenir une nRC était de 81 % contre 64 %
dans le protocole de TT2.
Lénalidomide
Le lénalidomide a été proposé en première ligne (25 mg/j,
21 jours consécutifs, cycle de 28 jours) en combinaison avec
la dexaméthasone chez 34 patients atteints de MM pour 4
cycles avant ACSP. L’aspirine était associée à la dose de 81
ou 325 mg/jour (S.V. Rajkumar, n° 781). Le taux de réponse
est de 91 % avec 38 % de RC dans une médiane d’un mois. Il
ne semble pas y avoir de problème au recueil du greffon et un
seul épisode thrombotique est survenu. Il est recommandé
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
Proportion
1.0
O/N
MP
0.8
Survie
Médiane ± se (mois)
141/191
17,2 ± 1,5
MP + Thal
57/124
29,5 ± 3,6
Intensif
82/121
19,0 ± 1,3
0.6
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0.4
Comparaison
HR
p
MP / MP-T
2,4
< 0,0001
MP / MEL 100
1,2
0,16
MEL 100 / MP-T
2,0
0,0001
0.2
0.0
0
12
24
36
48
60
72
Temps depuis inclusion (mois)
Proportion
O/N
1.0
0.8
Survie
médiane ± se (mois)
MP
86/191
MP + Thal
34/124 non atteinte à 56 mois
30,3 ± 5,8
Intensif
54/121
38,6 ± 3,0
0.6
0.4
Comparaison
0.2
HR
P
MP / MP-T
1,9
0,0008
MP / MEL 100
1,1
0,55
MEL 100 / MP-T
1,7
0,014
0.0
0
12
24
36
48
60
Temps depuis inclusion (mois)
Figure 2. Courbes de survie globale et sans progression des patients du protocole IFM 99-06. La courbe du haut correspond à la survie
sans progression. La courbe du bas correspond à la survie globale.
T/Thal : thalidomide ; O/N : nombre d’événements observés dans le groupe concerné/nombre de patients total dans ce groupe ;
HR : risque relatif ; se : standard event ; Int. : bras traitement intensif (bras C) ; MEL 100 = HDM 100 ; p : degré de significativité.
11
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
Tableau 1
Principales études (ASH 2005 et récemment publiées) utilisant thalidomide, bortezomib ou lénalidomide,
seuls ou en association à la dexaméthasone, dans le MM en première ligne
Dispenzieri (n° 2546)
Richardson (n° 2548)
Abdelkefi [1]
Cavo [2]
Rajkumar [3]
Jagannath (n° 783)b
Harousseau[4]
Rajkumar [5]
Nb patients
Protocoles
Nb cyclesa
RC/nRC
18
60
60
71
99
40
48
34
Bz
Bz
T+D
T+D
T+D
Bz±D
Bz+D
L+D
5
6
75 jours
4 mois
> 4 mois
6
4
4
10 %
24 %
17 %
4%
20 %
31 %
38 %
≥ RP
38
38
74
66
63
85
67
91
%
%
%
%
%
%
%
%
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RC : réponse complète (immunofixation négative) ; nRC : réponse presque complète (critères de la RC mais avec immunofixation positive) ; RP : réponse partielle.
a
Nombre médian de cycles reçus. L : lénalidomide ; D : dexaméthasone ; T : thalidomide ; Bz : bortezomib.
b
28 patients.
avec cette molécule, à l’image du thalidomide, d’associer
systématiquement de l’aspirine à faibles doses ou une HBPM
en prévention des événements thrombotiques (R. Niesvizky,
n° 3454, et J.A. Zonder, n° 3455) (tableau 1).
Essais thérapeutiques à la rechute
Thalidomide
L’utilisation du thalidomide à la rechute est passée dans la
pratique courante, même si des interrogations demeurent sur
sa posologie optimale et sa toxicité. L’essai majeur est celui
de l’IFM 01-02, qui comparait thalidomide 100 mg/j
(N = 205) à 400 mg/j (N = 195) avec ajout de la dexaméthasone en cas de réponse insuffisante. Il montre la noninfériorité, en termes de réponse et de survie, du bras
100 mg/j. La dexaméthasone, associée pour les patients en
maladie stable ou en progression à 3 mois, a été ajoutée plus
fréquemment dans le bras 100 mg/j que dans le bras
400 mg/j (53 % versus 46 %). Les toxicités de grade 3 et 4
étaient plus fréquentes dans le bras 400 mg/j (I. YakoubAgha, n° 364). Une méta-analyse a comparé les études qui
avaient traité les patients en rechute/réfractaires par bortezomib (N = 333) par rapport à ceux traités par thalidomide
(N = 1007), à l’exclusion des patients ayant reçu la dexaméthasone en combinaison (M. Prince, n° 5160). Les deux
groupes étaient comparables, mis à part que 48 % des
patients du groupe bortezomib avaient préalablement reçu
du thalidomide. Les taux de réponses étaient de 36 % et
22 %, et le pourcentage de survie à 1 an de 81 % et 67 %,
dans les deux groupes, respectivement.
Bortezomib
12
La mise à jour de l’étude baptisée APEX, qui a permis
l’enregistrement du bortezomib dans le MM en première
rechute/réfractaire [6], confirme la supériorité du Bz sur la
dexaméthasone pour la réponse, la RC, la survie sans progression et la survie globale (P. Richardson n° 2547). De
nombreux essais sont en cours pour déterminer les meilleures
associations avec le Bz. L’adjonction de dexaméthasone,
doxorubicine, thalidomide, melphalan ou lénalidomide semble conférer un avantage thérapeutique. Le protocole BTD
(bortezomib-thalidomide-dexaméthasone), aux doses de Bz
1,0 mg/m2 ou 1,3 mg/m2, avec le thalidomide à 200 mg/j
ou moins obtient, sur 85 patients, 71 % de réponses et 16 %
de RC, avec une survie sans progression à 12 mois de 47 %
dans le bras Bz 1,3 mg/m2. Il est intéressant de constater
que seul le Bz a un effet dose, 1,3 mg/m2 étant supérieur à
1,0 mg/m2, et qu’un traitement préalable par le thalidomide
est associé à une survie sans progression plus courte à 1 an,
26 % versus 63 % (M. Zangari, n° 2552, et G. Teoh,
n° 5127). L’ajout du melphalan (VMDT, cycles de 28 jours,
pour 8 cycles, Bz 1,0 mg/m2, melphalan à 0,15 mg/kg du
jour 1 à 4, avec le thalidomide à 100 mg/j et la dexaméthasone donnée de façon intermittente de J1 à J4 et de J17 à
J20), sur 25 patients, ne semble pas apporter de bénéfice
(E. Terpos, n° 363). L’augmentation des doses de Bz jusqu’à
1,6 mg/m2 aux jours J1, J8, J15, J22 dans le protocole
MPTV (melphalan, prednisone, thalidomide, bortezomib)
n’augmente pas les taux de réponses (A. Palumbo, n° 2553).
Le melphalan peut être remplacé par le cyclophosphamide
(50 mg/j de façon continue ou 500 mg/sem à J1, J8, J15 et
J22), dans les schémas BCD avec la dexaméthasone et BCP
avec la prednisone, sans différence de réponse (M. Kropff,
n° 2549, et D.E. Reece, n° 2556). L’association du bortezomib à des anthracyclines, avec ou sans adjonction du thalidomide, ne donne pas non plus de bénéfice significatif. Les
résultats très préliminaires de l’essai de phase I, en escalade
de doses, combinant Bz et lénalidomide, ont été rapportés
chez 17 patients avec 59 % de réponse dont 2 complètes
(P. Richardson, n° 365). Cette association est prometteuse et
pourrait, à terme, produire un schéma Bz-lénalidomidedexaméthasone adapté à la réduction tumorale avant autogreffe.
L’utilisation du Bz après allogreffe à conditionnement atténué
est possible, sans recrudescence de GVH, avec des
réponses, notamment dans les rechutes extramédullaires
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
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Tableau 2
Principaux protocoles (ASH 2005 et récemment publiés) comprenant des molécules innovantes seules et en association
à la dexaméthasone dans le myélome multiple en rechute/réfractaire
Richardson (n° 2547)
Jagannath [7]
Kropff [8]
Fenk [9]
Tosi [10]
Anagnostopoulos [11]
Zangari [12]
Richardson [13]
Dimopoulos (n° 6)
Richardson (n° 365)
Nb patients
333
26
15
32
60
47
79
27
175
17
Protocoles
B
B+D
B+D
T
T
T+D
B+T
L
L+D
B+L
Nb cyclesa
7
8
8
2 mois
8
>1 mois
>5
7
RC/nRC
16 %
4%
7%
3%
13 %
22 %
17 %
9%
≥ RP
43 %
50 %
74 %
59 %
28 %
47 %
72 %
29 %
59 %
73 %
RC : réponse complète (immunofixation négative) ; nRC : réponse presque complète (critères de la RC mais avec immunofixation positive) ; RP : réponse partielle.
a
Nombre de cycles médians reçus par les patients à la définition de la réponse. L : lénalidomide ; D : dexaméthasone ; T : thalidomide ; B : bortezomib.
(Giralt, n° 1651 et S. Ducastelle, n° 5399). Une équipe
rapporte son expérience positive de l’utilisation du bortezomib en entretien chez 9 patients avec un MM en maladie
résiduelle persistante (non définie) dans les suites d’une
mini-allogreffe (N. Kroeger, n° 2010).
Lénalidomide
Les résultats définitifs de la phase III comparant le lénalidomide donné selon le schéma classique (combiné à la dexaméthasone), à la dexaméthasone seule ont été rapportés chez
351 patients ayant un MM en rechute/réfractaires
(M.L. Dimopoulos, n° 6). Il y avait deux essais, un aux
États-Unis, le MM-010, et un en Europe, Israël, Australie, le
MM-009. Les patients étaient stratifiés selon le dosage sérique de la bêta-2-microglobuline, un antécédent d’ACSP, et le
nombre de lignes de traitement antérieures. Avec un suivi de
18 mois en médiane, le taux des réponses est supérieur dans
le bras lénalidomide, à savoir 61 % versus 22 %, de même
pour le taux des RC, 26,5 % versus 4 % et la survie sans
rechute : 13,3 mois versus 5,1 mois, respectivement. Par
contre, la toxicité grade 3/4 est aussi supérieure dans le bras
lénalidomide : 16,5 % versus 1,2 % de même que l’incidence des événements thromboemboliques : 8,5 % versus
4,5 % (tableau 2).
Autres traitements innovants
De nombreux travaux ont été réalisés pour comprendre les
mécanismes de résistance aux agents innovants, qui ont
donné naissance à de nouvelles molécules visant à dépasser
ces phénomènes. Ces molécules bloquent principalement les
grandes voies de signalisation de la cellule tumorale. On
trouve ainsi des inhibiteurs de la voie de l’IL-6, le CNTO328
et l’azacitidine, plusieurs inhibiteurs en clinique des molécules de la famille antiapoptotique de BCL-2, l’ABT-737 et le
GX15-070. On trouve plusieurs anticorps monoclonaux dirigés contre le CD40, le SGN-40 (M.A. Hussein, n° 2572) et
le chir12.12 (L. Long, n° 3470) ou l’anticorps humanisé
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
anti-CD70/CD27L (un membre de la famille du TNF)
(J.A. McEarchem, n° 1591). L’activité antitumorale des inhibiteurs de l’histone déacétylase (HDAC-I) a déjà été rapportée. Une équipe confirme ces résultats en testant les différents
HDAC-I connus, la trichostatine-A, le SAHA (SuberoylAnilide
Hydroxamic Acid) et le SV (Sodium Valproate) et montre que
SV serait le plus efficace des HDAC-I seul et en combinaison
avec le bortezomib et/ou la dexaméthasone (S. Basu,
n° 5148). D’autres molécules de cette famille sont en cours
d’étude, le LBH589, le PXD101, le FK228 et le LAQ824.
Parmi les inhibiteurs des HSP90, le KOS-953 semble le plus
en avance dans les essais (P.G. Richardson, n° 361, et
A.A. Chanan-Khan, n° 362).
De nouveaux inhibiteurs du protéasome plus spécifiques, le
NPI-0052 (D. Chauhan, n° 3363) et le PR-171 font l’objet
d’une attention particulière. Une longue liste d’inhibiteurs
plus ou moins spécifiques de protéines kinases est à l’étude,
dont les plus avancés en termes de développement semblent
être les inhibiteurs de la voie AKT/PKB, la périfosine
(L. Catley, n° 1579, et T. Hideshima, n° 250) et une molécule
de la famille des inhibiteurs de la farnésyl transférase, le
tipifarnib (J.L. Kaufman, n° 1573). Également à l’essai, deux
inhibiteurs des PKC bêta, l’enzastaurin (LY317615)
(K. Podar, n° 1584) et le PKC412 (J. Negri, n° 247), la
rapamycine (inhibiteur de mTOR) (H. Yan, n° 1582) et l’atiprimod (inhibiteur de STAT3) (M. Wang, n° 111).
L’étude des mécanismes de résistance au traitement par le
bortezomib a permis de comprendre que le blocage de la
voie protéolytique du protéasome par le bortezomib induisait
le développement de voies protéolytiques alternatives
(J. Bae, n° 2464, et C. Driessen, N°3375). Ainsi la combinaison avec le bortezomib de l’inhibiteur de protéases du
HIV, le ritonavir (Norvir®), un inhibiteur puissant d’autres
voies protéolytiques, semble avoir un effet synergique puissant et permet ainsi d’éviter le développement de résistances
au bortezomib.
13
Approches d’immunothérapie
et de thérapie génique
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Le développement de peptides immunogéniques dérivés
d’antigènes tumoraux spécifiques permet l’induction d’une
réaction cytotoxique T spécifique, ce qui constitue un moyen
de vaccination antitumorale. Plusieurs cibles sont actuellement à l’étude, telles que XBP1, facteur de transcription
essentiel dans la différentiation plasmocytaire, surexprimé
dans les cellules myélomateuses, ou CD138 (syndécan 1). Il
est possible de générer une réponse de type CTL
(lymphocytes T cytotoxiques) envers ces cibles spécifiques
des lignées cellulaires myélomateuses HLA-A2+ (J. Bae,
n° 3465). De nouveaux antigènes, capables d’induire une
réaction immunitaire spontanée médiée par des CTL chez des
patients atteints de tumeurs solides, les antigènes
cancer/testis CT10 et SSX, semblent fortement exprimés dans
les cellules myélomateuses et pourraient aussi constituer des
cibles potentielles (D. Atanackovic, n° 3468).
Les techniques de vaccination devraient bientôt faire l’objet
d’essais thérapeutiques importants dans le MM. Une étude
comparant, dans un modèle murin, deux préparations vaccinales, cellules dendritiques (DC) pulsées avec l’idiotype ou
vaccin protéique par l’idiotype couplé à la protéine porteuse
KLH, montre une efficacité identique en prophylaxie, mais
une supériorité du vaccin DC en traitement curatif (Q. Yi,
n° 3466).
Une immunité anti-MAGE 3 (famille des antigènes
cancer/testis), obtenue par vaccination chez un donneur sain
MAGE 3 négatif, peut être transférée à son frère jumeau
homozygote atteint de myélome, dans les suites de greffe
(S. Gnjatic, n° 2197). Le patient a développé une immunité
anti-MAGE 3, il est en RC à un an. Les auteurs pensent
pouvoir appliquer cette technique pour réduire la maladie
résiduelle post-autogreffe ou allogreffe.
Amylose AL
Intensification thérapeutique
ou traitement conventionnel ?
L’utilisation d’une chimiothérapie à haute dose suivie d’autogreffe de cellules souches du sang périphérique (ACSP) a été
considérée, à partir du milieu des années 1990, comme un
progrès dans la prise en charge des patients atteints d’amylose AL (AAL), mais avec, en contrepartie, un certain degré
de mortalité liée au traitement. Dans la controverse entre
partisans du traitement intensif et de la chimiothérapie
conventionnelle, les résultats du protocole national français,
issu de la collaboration des MAG et IFM (29 centres), étaient
très attendus. Seul essai randomisé dans ce domaine, il
comparait un traitement oral par melphalan (10 mg/m2) et
dexaméthasone (M-Dex) à un traitement intensif avec ACSP
sans réduction tumorale préalable, avec ajustement des
doses de chimiothérapie, melphalan 140 ou 200 mg/m2 en
fonction de l’âge et de l’état clinique (A. Jaccard, n° 421). Le
bras M-Dex montre une efficacité en termes de réponse
hématologique identique au bras greffe, avec une survie
supérieure (57 mois versus 47 mois) et une toxicité significativement moindre (tableau 3).
Comment améliorer l’intensification
thérapeutique ?
Le groupe du Memorial Sloan Kettering de New York rapporte
un moyen de diminuer la mortalité liée à la greffe dans un
groupe de 94 patients (dont 71 % traités en première ligne), en
adaptant la posologie du melphalan en fonction de l’âge :
melphalan 200 mg/m2 si âge < 60 ans, 140 mg/m2 entre
61 et 71 ans, 100 mg/m2 si âge > 71 ans, et aussi en fonction de l’atteinte organique (melphalan : 140 mg/m2 voire
100 mg/m2 s’il existe une atteinte cardiaque et/ou une clairance de la créatinine < 51 mL/min) (R.L. Comenzo,
n° 1156).
Les patients de moins de 41 ans étaient systématiquement
traités par melphalan 200 mg/m2, indépendamment des
autres critères. Une réponse complète hématologique est
obtenue sans différence significative entre les 3 groupes
(melphalan 200 mg/m2 : 34 %, melphalan 140 mg/m2 :
29 %, melphalan 100 mg/m2 : 50 %). Avec un suivi moyen
de 22 mois, la survie globale est à 81 %. Une différence de
survie à la mobilisation est retrouvée entre les patients sans et
avec atteinte cardiaque (88 % versus 63 %).
La même équipe a étudié l’intérêt d’un traitement adjuvant
oral pour les patients qui ne sont pas en réponse complète
hématologique après la greffe, par l’association dexaméthasone (20 mg/m2, 1 à 3 fois par mois) ± thalidomide (50 à
200 mg/j en continu) pendant 9 mois, débuté à 3 mois de
l’ACSP. À 12 mois de l’ACSP, ce traitement d’entretien a
amélioré un tiers des patients, avec une toxicité acceptable
(A.D. Cohen, n° 1163) (tableau 4).
Le groupe de la Mayo Clinic a étudié l’intérêt d’une double
autogreffe chez quatre patients en rechute et deux patients en
Tableau 3
Étude randomisée MAG-IFM
Bras ACSP
Bras M-dex
14
N
TRM
Réponse
hématologique
Réponse complète
hématologique
Réponse
d’organe
Survie
médiane (mois)
25
38
24 %
2%
64 %
65 %
40 %
31,5 %
52 %
40 %
48,6
56,9
N : nombre de patients ; TRM : mortalité liée au traitement ; M-dex : melphalan-dexaméthasone.
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
Tableau 4
Principales études sur l’ACSP et le traitement conventionnel
Études
N
Traitement
Réponse
hématologique
Réponse complète
hématologique
Décès
Survie médiane
(année)
Comenzo (n° 1156)
94
64 %
37,6 %
4,3 %
Na
Cohen (n° 1163)
45
63 %
18 %
4,4 %
Na
Offer* (n° 3495)
Wechalekar* (n° 3496)
90
43
MHD
200/140/100
MHD
200/140/100
M ou MP
CTD
40 %
74 %
7%
34 %
0%
0%
5,8
Na
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MP : melphalan-prednisone oral ; CTD : cyclophosphamide-thalidomide-dexaméthasone oral ; *Évaluation par dosage des sFLC (réponse complète :
normalisation de la valeur absolue des sFLC et du ratio) ; MHD : melphalan haute dose ; n : nombre de patients ; Na : non atteinte.
échec après la première autogreffe (n° 5469). Si les échecs
primaires ne semblent pas tirer bénéfice d’une seconde
intensification, deux des patients initialement répondeurs ont
obtenu une nouvelle réponse dont une complète. Cependant,
ces deux patients répondeurs avaient eu les plus longues
durées de réponse après leur première greffe.
Place des molécules innovantes
Les résultats de l’association du cyclophosphamide au thalidomide et à la dexaméthasone (CTD), pendant en moyenne
4 cycles, (C : 500 mg/sem ; T : 200 mg/j en continu ; D :
40 mg de J1 à J4 et de J9 à J12) ont été rapportés chez 43
patients d’âge moyen 61 ans, avec en moyenne deux organes atteints, dont 39 % en première ligne de traitement. On
observe 74 % de réponses hématologiques, dont 34 % de
réponses complètes, mais 39 % des patients ont présenté une
toxicité essentiellement cardiaque nécessitant une réduction
de doses (A.D. Wechalekar, n° 3496).
Le lénalidomide ± dexaméthasone, ajouté en cas d’absence
de réponse hématologique ou de progression avant le troisième mois, permet d’obtenir sur 12 patients, 4 réponses
partielles hématologiques, avec 2 réponses rénales et une
hépatique. Les principales toxicités sont hématologiques et
cutanées (A. Dispenzieri, n° 252).
Place de la transplantation d’organe
L’indication de transplantation d’organe est controversée
dans l’AAL, étant donné le caractère systémique de l’affection et l’absence de traitement curatif. Le Centre National
Britannique de l’Amylose rapporte l’expérience de 5
patients, d’âge moyen 53 ans, avec une atteinte cardiaque
avancée mais isolée, ayant bénéficié d’une transplantation
cardiaque avant une ACSP (melphalan : 140 mg/m2).
L’ACSP a été réalisée en moyenne à 13 mois de la transplantation cardiaque. Les patients présentaient alors des signes
d’évolutivité extracardiaque, mais il n’y avait pas d’argument
en faveur d’une localisation amyloïde au niveau du greffon. Il
n’y a eu aucune complication cardiaque dans les suites de
l’ACSP.
Avec un suivi médian de 95 mois, 3/5 patients sont en
rémission hématologique, sans signes d’évolutivité, et 2
Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006
patients sont décédés par progression de l’AAL, avec amylose au niveau du greffon (J.D. Gillmore, n° 1158). Des
résultats intéressants sont aussi rapportés chez 16 patients
présentant une atteinte rénale isolée, d’âge moyen 64 ans,
ayant reçu une transplantation rénale. Un traitement cytotoxique complémentaire a été réalisé chez 13 patients. Avec un
suivi de plus de 7 ans à partir de la transplantation, 6 décès
sont survenus par progression de l’AAL, 4/6 présentant des
dépôts amyloïdes au niveau du greffon, même si ceux-ci
étaient tous fonctionnels (A.D. Wechalekar, n° 3497). Ces
deux études suggèrent d’une part la faisabilité des transplantations d’organes, et d’autre part l’intérêt en termes de survie,
pour les patients présentant des atteintes électives et avancées de l’organe transplanté. ■
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