Les proliférations plasmocytaires
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Les proliférations plasmocytaires
Hématologie 2006 ; 12 (spécial 2) : 9-16 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Les proliférations plasmocytaires Florence Pasquier1 Anne-Sophie Moreau1 Thierry Facon1 Xavier Leleu1,2 1 Service des maladies du sang, hôpital Huriez, CHRU, Lille, France 2 Bing center for Waldenstrom Macroglobulinemia and Jerome Lipper Multiple Myeloma center, Medical oncology, Dana-Farber Cancer Institute and Harvard Medical School, Boston, MA 02115, USA <[email protected]> L e thalidomide, le bortezomib (Velcade®), puis l’analogue du thalidomide, le lénalidomide (Revlimid®), ont rapidement influencé l’approche thérapeutique dans le myélome multiple (MM). Le congrès 2005 de la Société Américaine d’Hématologie (ASH) a vu rapporter les résultats finaux de plusieurs protocoles testant la place du thalidomide et du bortezomib (Bz) en première ligne. Il a aussi été marqué par les nombreuses communications sur les mécanismes de résistance au Bz, et la présentation d’associations visant à dépasser ce phénomène. Les résultats de l’étude de phase III avec le lénalidomide dans le MM en rechute sont encourageants et supporteront le prochain enregistrement de cette molécule. Enfin, plusieurs essais de phase I/II sont rapportés avec d’autres molécules innovantes que l’on pourrait qualifier de seconde génération, issues de la recherche initiée autour du thalidomide et du Bz. Myélome multiple Essais thérapeutiques de première ligne Thalidomide Correspondance et tirés à part : X. Leleu Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 Dans l’essai baptisé Total Therapy II du groupe de Little Rock, le thalidomide améliore significativement le taux de réponse complète (RC) (de 41 % à 59 %) et la survie sans progression à 5 ans (de 42 % à 54 %), mais il n’existe pas d’avantage de survie globale (G. Tricot, n° 423). L’essai de phase III européen HOVON/GMMG suggère l’intérêt du thalidomide dans la combinaison TAD (thalidomide, adriamycine, dexa- méthasone), en réduction tumorale avant autogreffe de cellules souches périphériques (ACSP), comparativement au VAD (vincristine, adriamycine, dexaméthasone), en termes de réponse (80 % versus 63 %) et de réponses complètes (7 % versus 3 %), mais le bénéfice après greffe n’est plus significatif (H. Goldschmidt, n° 424). L’analyse finale de l’essai IFM 99-02 valide le thalidomide comme traitement d’entretien post-autogreffe, au moins pour certains patients. Les patients recevant le thalidomide ont un avantage sur la survie sans progression (plus longue de près de 10 % à 4 ans) et la survie globale, mais cet avantage n’est pas retrouvé chez les patients avec une délétion du chromosome 13 (M. Attal, n° 1148). Chez les sujets âgés de plus de 65 ans, la dernière analyse intermédiaire du protocole IFM 99-06 (figure 1) montre la supériorité du bras MPT (melphalan, prednisone, thalidomide) sur le bras MP en termes de réponse, de survie sans progression et de survie globale (figure 2). De façon plus inattendue, MPT est également supérieur au traitement intensif (ACSP) comprenant deux séquences de melphalan 100 mg/m2, situant le traitement MPT comme le nouveau protocole de référence chez les patients de plus de 65 ans (T. Facon, n° 780). Les résultats de l’essai IFM 99-06 sont retrouvés, en termes de réponse et survie sans progression, dans un essai du groupe italien (A. Palumbo, n° 779). Bortezomib Le bortezomib a aussi fait l’objet de nombreux essais de phase II en première ligne de traitement dans le MM. Deux essais ont évalué les taux de réponses avec le Bz seul en première 9 IFM 99-06 MM au diagnostic chez des patients âgés de 65 à 75 ans RANDOMISATION Bras A MP 1 Bras B Bras C VAD 1 Bras A + thalidomide Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. (£ 400 mg/j) VAD 2 Cyclo. 3 g/m2 G-CSF + collecte de CSP MP 12 MHD 100 mg/m2 MHD 100 mg/m2 Figure 1. Schéma de l’essai IFM 99-06. MM : myélome multiple ; IFM : intergroupe francophone du myélome ; MP : melphalan-prednisone ; VAD : vincristine, adriamycine, dexaméthasone ; CSP : cellules souches périphériques ; MHD : melphalan haute dose ; Cyclo. : cyclophosphamide. 10 ligne, utilisé essentiellement comme agent de réduction tumorale avant intensification thérapeutique. Les taux de réponses étaient d’environ 40 % avec 10 % de RC (A. Dispenzieri, n° 2546, et P. Richardson, n° 2548). Une troisième série associait la dexaméthasone orale chez les patients n’ayant pas atteint une RP après deux cycles ou une RC après 4 cycles, et rapporte des taux de réponse de 85 % (S. Jagannath, n° 783). Dans cet essai, 70 % des patients ont reçu la dexaméthasone en association à partir des cycles 3 et 5 avec une amélioration de la réponse chez 60 % des patients. Dans le protocole BTD (bortezomib, thalidomide, dexaméthasone), réalisé chez 36 patients, le thalidomide était donné à la dose de 100 mg/j, la dexaméthasone aux doses habituelles, et le bortezomib à 3 posologies différentes (1,3 ; 1,5 et 1,6 mg/m2) (M. Wang, n° 784). Le taux de réponse était de 92 % avec 19 % de RC. Une intensification thérapeutique avec ACSP terminait le traitement chez 22 patients après une médiane de 4 cycles, sans complication et avec 31 % de RC. Le Bz peut être associé au melphalan étudié chez 53 patients âgés de plus de 65 ans dans le protocole BMP (bortezomib, melphalan, prednisone). Les taux de réponses et de RC, après 3 cycles, étaient respectivement de 86 % et 39 %. Cependant, 10 % des patients sont décédés de toxicité ou de progression (M.V. Mateos, n° 786). Dans le protocole baptisé Total Therapy 3 (TT3), le groupe de Little Rock associe le Bz en induction et en consolidation au protocole de TT2 (G. Tricot, n° 1157, et A. Badros, n° 2747). Sur les 162 premiers patients, seulement 113 ont pu recevoir la deuxième ACSP, mais 50 % des patients étaient âgés de plus de 65 ans. On note 4 % de décès toxiques à 12 mois et la probabilité d’obtenir une nRC était de 81 % contre 64 % dans le protocole de TT2. Lénalidomide Le lénalidomide a été proposé en première ligne (25 mg/j, 21 jours consécutifs, cycle de 28 jours) en combinaison avec la dexaméthasone chez 34 patients atteints de MM pour 4 cycles avant ACSP. L’aspirine était associée à la dose de 81 ou 325 mg/jour (S.V. Rajkumar, n° 781). Le taux de réponse est de 91 % avec 38 % de RC dans une médiane d’un mois. Il ne semble pas y avoir de problème au recueil du greffon et un seul épisode thrombotique est survenu. Il est recommandé Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 Proportion 1.0 O/N MP 0.8 Survie Médiane ± se (mois) 141/191 17,2 ± 1,5 MP + Thal 57/124 29,5 ± 3,6 Intensif 82/121 19,0 ± 1,3 0.6 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. 0.4 Comparaison HR p MP / MP-T 2,4 < 0,0001 MP / MEL 100 1,2 0,16 MEL 100 / MP-T 2,0 0,0001 0.2 0.0 0 12 24 36 48 60 72 Temps depuis inclusion (mois) Proportion O/N 1.0 0.8 Survie médiane ± se (mois) MP 86/191 MP + Thal 34/124 non atteinte à 56 mois 30,3 ± 5,8 Intensif 54/121 38,6 ± 3,0 0.6 0.4 Comparaison 0.2 HR P MP / MP-T 1,9 0,0008 MP / MEL 100 1,1 0,55 MEL 100 / MP-T 1,7 0,014 0.0 0 12 24 36 48 60 Temps depuis inclusion (mois) Figure 2. Courbes de survie globale et sans progression des patients du protocole IFM 99-06. La courbe du haut correspond à la survie sans progression. La courbe du bas correspond à la survie globale. T/Thal : thalidomide ; O/N : nombre d’événements observés dans le groupe concerné/nombre de patients total dans ce groupe ; HR : risque relatif ; se : standard event ; Int. : bras traitement intensif (bras C) ; MEL 100 = HDM 100 ; p : degré de significativité. 11 Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 Tableau 1 Principales études (ASH 2005 et récemment publiées) utilisant thalidomide, bortezomib ou lénalidomide, seuls ou en association à la dexaméthasone, dans le MM en première ligne Dispenzieri (n° 2546) Richardson (n° 2548) Abdelkefi [1] Cavo [2] Rajkumar [3] Jagannath (n° 783)b Harousseau[4] Rajkumar [5] Nb patients Protocoles Nb cyclesa RC/nRC 18 60 60 71 99 40 48 34 Bz Bz T+D T+D T+D Bz±D Bz+D L+D 5 6 75 jours 4 mois > 4 mois 6 4 4 10 % 24 % 17 % 4% 20 % 31 % 38 % ≥ RP 38 38 74 66 63 85 67 91 % % % % % % % % Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. RC : réponse complète (immunofixation négative) ; nRC : réponse presque complète (critères de la RC mais avec immunofixation positive) ; RP : réponse partielle. a Nombre médian de cycles reçus. L : lénalidomide ; D : dexaméthasone ; T : thalidomide ; Bz : bortezomib. b 28 patients. avec cette molécule, à l’image du thalidomide, d’associer systématiquement de l’aspirine à faibles doses ou une HBPM en prévention des événements thrombotiques (R. Niesvizky, n° 3454, et J.A. Zonder, n° 3455) (tableau 1). Essais thérapeutiques à la rechute Thalidomide L’utilisation du thalidomide à la rechute est passée dans la pratique courante, même si des interrogations demeurent sur sa posologie optimale et sa toxicité. L’essai majeur est celui de l’IFM 01-02, qui comparait thalidomide 100 mg/j (N = 205) à 400 mg/j (N = 195) avec ajout de la dexaméthasone en cas de réponse insuffisante. Il montre la noninfériorité, en termes de réponse et de survie, du bras 100 mg/j. La dexaméthasone, associée pour les patients en maladie stable ou en progression à 3 mois, a été ajoutée plus fréquemment dans le bras 100 mg/j que dans le bras 400 mg/j (53 % versus 46 %). Les toxicités de grade 3 et 4 étaient plus fréquentes dans le bras 400 mg/j (I. YakoubAgha, n° 364). Une méta-analyse a comparé les études qui avaient traité les patients en rechute/réfractaires par bortezomib (N = 333) par rapport à ceux traités par thalidomide (N = 1007), à l’exclusion des patients ayant reçu la dexaméthasone en combinaison (M. Prince, n° 5160). Les deux groupes étaient comparables, mis à part que 48 % des patients du groupe bortezomib avaient préalablement reçu du thalidomide. Les taux de réponses étaient de 36 % et 22 %, et le pourcentage de survie à 1 an de 81 % et 67 %, dans les deux groupes, respectivement. Bortezomib 12 La mise à jour de l’étude baptisée APEX, qui a permis l’enregistrement du bortezomib dans le MM en première rechute/réfractaire [6], confirme la supériorité du Bz sur la dexaméthasone pour la réponse, la RC, la survie sans progression et la survie globale (P. Richardson n° 2547). De nombreux essais sont en cours pour déterminer les meilleures associations avec le Bz. L’adjonction de dexaméthasone, doxorubicine, thalidomide, melphalan ou lénalidomide semble conférer un avantage thérapeutique. Le protocole BTD (bortezomib-thalidomide-dexaméthasone), aux doses de Bz 1,0 mg/m2 ou 1,3 mg/m2, avec le thalidomide à 200 mg/j ou moins obtient, sur 85 patients, 71 % de réponses et 16 % de RC, avec une survie sans progression à 12 mois de 47 % dans le bras Bz 1,3 mg/m2. Il est intéressant de constater que seul le Bz a un effet dose, 1,3 mg/m2 étant supérieur à 1,0 mg/m2, et qu’un traitement préalable par le thalidomide est associé à une survie sans progression plus courte à 1 an, 26 % versus 63 % (M. Zangari, n° 2552, et G. Teoh, n° 5127). L’ajout du melphalan (VMDT, cycles de 28 jours, pour 8 cycles, Bz 1,0 mg/m2, melphalan à 0,15 mg/kg du jour 1 à 4, avec le thalidomide à 100 mg/j et la dexaméthasone donnée de façon intermittente de J1 à J4 et de J17 à J20), sur 25 patients, ne semble pas apporter de bénéfice (E. Terpos, n° 363). L’augmentation des doses de Bz jusqu’à 1,6 mg/m2 aux jours J1, J8, J15, J22 dans le protocole MPTV (melphalan, prednisone, thalidomide, bortezomib) n’augmente pas les taux de réponses (A. Palumbo, n° 2553). Le melphalan peut être remplacé par le cyclophosphamide (50 mg/j de façon continue ou 500 mg/sem à J1, J8, J15 et J22), dans les schémas BCD avec la dexaméthasone et BCP avec la prednisone, sans différence de réponse (M. Kropff, n° 2549, et D.E. Reece, n° 2556). L’association du bortezomib à des anthracyclines, avec ou sans adjonction du thalidomide, ne donne pas non plus de bénéfice significatif. Les résultats très préliminaires de l’essai de phase I, en escalade de doses, combinant Bz et lénalidomide, ont été rapportés chez 17 patients avec 59 % de réponse dont 2 complètes (P. Richardson, n° 365). Cette association est prometteuse et pourrait, à terme, produire un schéma Bz-lénalidomidedexaméthasone adapté à la réduction tumorale avant autogreffe. L’utilisation du Bz après allogreffe à conditionnement atténué est possible, sans recrudescence de GVH, avec des réponses, notamment dans les rechutes extramédullaires Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Tableau 2 Principaux protocoles (ASH 2005 et récemment publiés) comprenant des molécules innovantes seules et en association à la dexaméthasone dans le myélome multiple en rechute/réfractaire Richardson (n° 2547) Jagannath [7] Kropff [8] Fenk [9] Tosi [10] Anagnostopoulos [11] Zangari [12] Richardson [13] Dimopoulos (n° 6) Richardson (n° 365) Nb patients 333 26 15 32 60 47 79 27 175 17 Protocoles B B+D B+D T T T+D B+T L L+D B+L Nb cyclesa 7 8 8 2 mois 8 >1 mois >5 7 RC/nRC 16 % 4% 7% 3% 13 % 22 % 17 % 9% ≥ RP 43 % 50 % 74 % 59 % 28 % 47 % 72 % 29 % 59 % 73 % RC : réponse complète (immunofixation négative) ; nRC : réponse presque complète (critères de la RC mais avec immunofixation positive) ; RP : réponse partielle. a Nombre de cycles médians reçus par les patients à la définition de la réponse. L : lénalidomide ; D : dexaméthasone ; T : thalidomide ; B : bortezomib. (Giralt, n° 1651 et S. Ducastelle, n° 5399). Une équipe rapporte son expérience positive de l’utilisation du bortezomib en entretien chez 9 patients avec un MM en maladie résiduelle persistante (non définie) dans les suites d’une mini-allogreffe (N. Kroeger, n° 2010). Lénalidomide Les résultats définitifs de la phase III comparant le lénalidomide donné selon le schéma classique (combiné à la dexaméthasone), à la dexaméthasone seule ont été rapportés chez 351 patients ayant un MM en rechute/réfractaires (M.L. Dimopoulos, n° 6). Il y avait deux essais, un aux États-Unis, le MM-010, et un en Europe, Israël, Australie, le MM-009. Les patients étaient stratifiés selon le dosage sérique de la bêta-2-microglobuline, un antécédent d’ACSP, et le nombre de lignes de traitement antérieures. Avec un suivi de 18 mois en médiane, le taux des réponses est supérieur dans le bras lénalidomide, à savoir 61 % versus 22 %, de même pour le taux des RC, 26,5 % versus 4 % et la survie sans rechute : 13,3 mois versus 5,1 mois, respectivement. Par contre, la toxicité grade 3/4 est aussi supérieure dans le bras lénalidomide : 16,5 % versus 1,2 % de même que l’incidence des événements thromboemboliques : 8,5 % versus 4,5 % (tableau 2). Autres traitements innovants De nombreux travaux ont été réalisés pour comprendre les mécanismes de résistance aux agents innovants, qui ont donné naissance à de nouvelles molécules visant à dépasser ces phénomènes. Ces molécules bloquent principalement les grandes voies de signalisation de la cellule tumorale. On trouve ainsi des inhibiteurs de la voie de l’IL-6, le CNTO328 et l’azacitidine, plusieurs inhibiteurs en clinique des molécules de la famille antiapoptotique de BCL-2, l’ABT-737 et le GX15-070. On trouve plusieurs anticorps monoclonaux dirigés contre le CD40, le SGN-40 (M.A. Hussein, n° 2572) et le chir12.12 (L. Long, n° 3470) ou l’anticorps humanisé Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 anti-CD70/CD27L (un membre de la famille du TNF) (J.A. McEarchem, n° 1591). L’activité antitumorale des inhibiteurs de l’histone déacétylase (HDAC-I) a déjà été rapportée. Une équipe confirme ces résultats en testant les différents HDAC-I connus, la trichostatine-A, le SAHA (SuberoylAnilide Hydroxamic Acid) et le SV (Sodium Valproate) et montre que SV serait le plus efficace des HDAC-I seul et en combinaison avec le bortezomib et/ou la dexaméthasone (S. Basu, n° 5148). D’autres molécules de cette famille sont en cours d’étude, le LBH589, le PXD101, le FK228 et le LAQ824. Parmi les inhibiteurs des HSP90, le KOS-953 semble le plus en avance dans les essais (P.G. Richardson, n° 361, et A.A. Chanan-Khan, n° 362). De nouveaux inhibiteurs du protéasome plus spécifiques, le NPI-0052 (D. Chauhan, n° 3363) et le PR-171 font l’objet d’une attention particulière. Une longue liste d’inhibiteurs plus ou moins spécifiques de protéines kinases est à l’étude, dont les plus avancés en termes de développement semblent être les inhibiteurs de la voie AKT/PKB, la périfosine (L. Catley, n° 1579, et T. Hideshima, n° 250) et une molécule de la famille des inhibiteurs de la farnésyl transférase, le tipifarnib (J.L. Kaufman, n° 1573). Également à l’essai, deux inhibiteurs des PKC bêta, l’enzastaurin (LY317615) (K. Podar, n° 1584) et le PKC412 (J. Negri, n° 247), la rapamycine (inhibiteur de mTOR) (H. Yan, n° 1582) et l’atiprimod (inhibiteur de STAT3) (M. Wang, n° 111). L’étude des mécanismes de résistance au traitement par le bortezomib a permis de comprendre que le blocage de la voie protéolytique du protéasome par le bortezomib induisait le développement de voies protéolytiques alternatives (J. Bae, n° 2464, et C. Driessen, N°3375). Ainsi la combinaison avec le bortezomib de l’inhibiteur de protéases du HIV, le ritonavir (Norvir®), un inhibiteur puissant d’autres voies protéolytiques, semble avoir un effet synergique puissant et permet ainsi d’éviter le développement de résistances au bortezomib. 13 Approches d’immunothérapie et de thérapie génique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Le développement de peptides immunogéniques dérivés d’antigènes tumoraux spécifiques permet l’induction d’une réaction cytotoxique T spécifique, ce qui constitue un moyen de vaccination antitumorale. Plusieurs cibles sont actuellement à l’étude, telles que XBP1, facteur de transcription essentiel dans la différentiation plasmocytaire, surexprimé dans les cellules myélomateuses, ou CD138 (syndécan 1). Il est possible de générer une réponse de type CTL (lymphocytes T cytotoxiques) envers ces cibles spécifiques des lignées cellulaires myélomateuses HLA-A2+ (J. Bae, n° 3465). De nouveaux antigènes, capables d’induire une réaction immunitaire spontanée médiée par des CTL chez des patients atteints de tumeurs solides, les antigènes cancer/testis CT10 et SSX, semblent fortement exprimés dans les cellules myélomateuses et pourraient aussi constituer des cibles potentielles (D. Atanackovic, n° 3468). Les techniques de vaccination devraient bientôt faire l’objet d’essais thérapeutiques importants dans le MM. Une étude comparant, dans un modèle murin, deux préparations vaccinales, cellules dendritiques (DC) pulsées avec l’idiotype ou vaccin protéique par l’idiotype couplé à la protéine porteuse KLH, montre une efficacité identique en prophylaxie, mais une supériorité du vaccin DC en traitement curatif (Q. Yi, n° 3466). Une immunité anti-MAGE 3 (famille des antigènes cancer/testis), obtenue par vaccination chez un donneur sain MAGE 3 négatif, peut être transférée à son frère jumeau homozygote atteint de myélome, dans les suites de greffe (S. Gnjatic, n° 2197). Le patient a développé une immunité anti-MAGE 3, il est en RC à un an. Les auteurs pensent pouvoir appliquer cette technique pour réduire la maladie résiduelle post-autogreffe ou allogreffe. Amylose AL Intensification thérapeutique ou traitement conventionnel ? L’utilisation d’une chimiothérapie à haute dose suivie d’autogreffe de cellules souches du sang périphérique (ACSP) a été considérée, à partir du milieu des années 1990, comme un progrès dans la prise en charge des patients atteints d’amylose AL (AAL), mais avec, en contrepartie, un certain degré de mortalité liée au traitement. Dans la controverse entre partisans du traitement intensif et de la chimiothérapie conventionnelle, les résultats du protocole national français, issu de la collaboration des MAG et IFM (29 centres), étaient très attendus. Seul essai randomisé dans ce domaine, il comparait un traitement oral par melphalan (10 mg/m2) et dexaméthasone (M-Dex) à un traitement intensif avec ACSP sans réduction tumorale préalable, avec ajustement des doses de chimiothérapie, melphalan 140 ou 200 mg/m2 en fonction de l’âge et de l’état clinique (A. Jaccard, n° 421). Le bras M-Dex montre une efficacité en termes de réponse hématologique identique au bras greffe, avec une survie supérieure (57 mois versus 47 mois) et une toxicité significativement moindre (tableau 3). Comment améliorer l’intensification thérapeutique ? Le groupe du Memorial Sloan Kettering de New York rapporte un moyen de diminuer la mortalité liée à la greffe dans un groupe de 94 patients (dont 71 % traités en première ligne), en adaptant la posologie du melphalan en fonction de l’âge : melphalan 200 mg/m2 si âge < 60 ans, 140 mg/m2 entre 61 et 71 ans, 100 mg/m2 si âge > 71 ans, et aussi en fonction de l’atteinte organique (melphalan : 140 mg/m2 voire 100 mg/m2 s’il existe une atteinte cardiaque et/ou une clairance de la créatinine < 51 mL/min) (R.L. Comenzo, n° 1156). Les patients de moins de 41 ans étaient systématiquement traités par melphalan 200 mg/m2, indépendamment des autres critères. Une réponse complète hématologique est obtenue sans différence significative entre les 3 groupes (melphalan 200 mg/m2 : 34 %, melphalan 140 mg/m2 : 29 %, melphalan 100 mg/m2 : 50 %). Avec un suivi moyen de 22 mois, la survie globale est à 81 %. Une différence de survie à la mobilisation est retrouvée entre les patients sans et avec atteinte cardiaque (88 % versus 63 %). La même équipe a étudié l’intérêt d’un traitement adjuvant oral pour les patients qui ne sont pas en réponse complète hématologique après la greffe, par l’association dexaméthasone (20 mg/m2, 1 à 3 fois par mois) ± thalidomide (50 à 200 mg/j en continu) pendant 9 mois, débuté à 3 mois de l’ACSP. À 12 mois de l’ACSP, ce traitement d’entretien a amélioré un tiers des patients, avec une toxicité acceptable (A.D. Cohen, n° 1163) (tableau 4). Le groupe de la Mayo Clinic a étudié l’intérêt d’une double autogreffe chez quatre patients en rechute et deux patients en Tableau 3 Étude randomisée MAG-IFM Bras ACSP Bras M-dex 14 N TRM Réponse hématologique Réponse complète hématologique Réponse d’organe Survie médiane (mois) 25 38 24 % 2% 64 % 65 % 40 % 31,5 % 52 % 40 % 48,6 56,9 N : nombre de patients ; TRM : mortalité liée au traitement ; M-dex : melphalan-dexaméthasone. Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 Tableau 4 Principales études sur l’ACSP et le traitement conventionnel Études N Traitement Réponse hématologique Réponse complète hématologique Décès Survie médiane (année) Comenzo (n° 1156) 94 64 % 37,6 % 4,3 % Na Cohen (n° 1163) 45 63 % 18 % 4,4 % Na Offer* (n° 3495) Wechalekar* (n° 3496) 90 43 MHD 200/140/100 MHD 200/140/100 M ou MP CTD 40 % 74 % 7% 34 % 0% 0% 5,8 Na Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. MP : melphalan-prednisone oral ; CTD : cyclophosphamide-thalidomide-dexaméthasone oral ; *Évaluation par dosage des sFLC (réponse complète : normalisation de la valeur absolue des sFLC et du ratio) ; MHD : melphalan haute dose ; n : nombre de patients ; Na : non atteinte. échec après la première autogreffe (n° 5469). Si les échecs primaires ne semblent pas tirer bénéfice d’une seconde intensification, deux des patients initialement répondeurs ont obtenu une nouvelle réponse dont une complète. Cependant, ces deux patients répondeurs avaient eu les plus longues durées de réponse après leur première greffe. Place des molécules innovantes Les résultats de l’association du cyclophosphamide au thalidomide et à la dexaméthasone (CTD), pendant en moyenne 4 cycles, (C : 500 mg/sem ; T : 200 mg/j en continu ; D : 40 mg de J1 à J4 et de J9 à J12) ont été rapportés chez 43 patients d’âge moyen 61 ans, avec en moyenne deux organes atteints, dont 39 % en première ligne de traitement. On observe 74 % de réponses hématologiques, dont 34 % de réponses complètes, mais 39 % des patients ont présenté une toxicité essentiellement cardiaque nécessitant une réduction de doses (A.D. Wechalekar, n° 3496). Le lénalidomide ± dexaméthasone, ajouté en cas d’absence de réponse hématologique ou de progression avant le troisième mois, permet d’obtenir sur 12 patients, 4 réponses partielles hématologiques, avec 2 réponses rénales et une hépatique. Les principales toxicités sont hématologiques et cutanées (A. Dispenzieri, n° 252). Place de la transplantation d’organe L’indication de transplantation d’organe est controversée dans l’AAL, étant donné le caractère systémique de l’affection et l’absence de traitement curatif. Le Centre National Britannique de l’Amylose rapporte l’expérience de 5 patients, d’âge moyen 53 ans, avec une atteinte cardiaque avancée mais isolée, ayant bénéficié d’une transplantation cardiaque avant une ACSP (melphalan : 140 mg/m2). L’ACSP a été réalisée en moyenne à 13 mois de la transplantation cardiaque. Les patients présentaient alors des signes d’évolutivité extracardiaque, mais il n’y avait pas d’argument en faveur d’une localisation amyloïde au niveau du greffon. Il n’y a eu aucune complication cardiaque dans les suites de l’ACSP. Avec un suivi médian de 95 mois, 3/5 patients sont en rémission hématologique, sans signes d’évolutivité, et 2 Hématologie, vol. 12, n° spécial 2, avril 2006 patients sont décédés par progression de l’AAL, avec amylose au niveau du greffon (J.D. Gillmore, n° 1158). Des résultats intéressants sont aussi rapportés chez 16 patients présentant une atteinte rénale isolée, d’âge moyen 64 ans, ayant reçu une transplantation rénale. Un traitement cytotoxique complémentaire a été réalisé chez 13 patients. Avec un suivi de plus de 7 ans à partir de la transplantation, 6 décès sont survenus par progression de l’AAL, 4/6 présentant des dépôts amyloïdes au niveau du greffon, même si ceux-ci étaient tous fonctionnels (A.D. Wechalekar, n° 3497). Ces deux études suggèrent d’une part la faisabilité des transplantations d’organes, et d’autre part l’intérêt en termes de survie, pour les patients présentant des atteintes électives et avancées de l’organe transplanté. ■ RÉFÉRENCES 1. Abdelkefi A, Torjman L, Ben Romdhane N, et al. First-line thalidomide-dexamethasone therapy in preparation for autologous stem cell transplantation in young patients (<61 years) with symptomatic multiple myeloma. Bone Marrow Transplant 2005 ; 36 : 193-8. 2. Cavo M, Zamagni E, Tosi P, et al. First-line therapy with thalidomide and dexaméthasone in preparation for autologous stem cell transplantation for multiple myeloma. Haematologica 2004 ; 89 : 826-31. 3. Rajkumar SV, Blood E, Vesole D, et al. 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