Colmar : tout reste ouvert à l`ouest - Haut-Rhin

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Colmar : tout reste ouvert à l`ouest - Haut-Rhin
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Région
S AM E D I 7 MAR S 201 5
L ' AL S A CE
ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES
Colmar : tout reste ouvert à l’ouest
Exit le découpage nord-sud à Colmar, au profit de deux cantons est-ouest qui débordent sur Ingersheim et la plaine. Si le scrutin paraît verrouillé à l’est, où le tandem de sortants
Klinkert-Straumann part largement favori, la donne reste ouverte à l’ouest, où le premier adjoint colmarien Yves Hemedinger tente de sortir l’écologiste Frédéric Hilbert.
FN que de la gauche. Rappelons
qu’aux dernières élections européennes, le parti frontiste était arrivé en tête à Colmar avec 24,55 %
des voix. Et deux ans plus tôt, sa
leader Marine Le Pen avait réalisé
près de 20 % des voix au premier
tour de la présidentielle.
Clément Tonnot
Avec 43 000 habitants au sud contre 27 000 au nord, l’ancien découpage colmarien avait vécu. La
réforme territoriale a rééquilibré
les comptes et les cantons colmariens, désormais séparés par un axe
nord-sud qui suit grosso modo la
voie ferrée et la route de Strasbourg, ont pris de l’embonpoint.
Le nouveau canton ouest (Colmar
1, 44 814 habitants) rassemble les
quartiers Sainte-Marie, Europe,
Saint-Vincent-de-Paul, Saint-Joseph/Mittelharth, avec une incursion à l’est dans le quartier SaintLéon, et déborde sur la couronne
urbaine avec la commune d’Ingersheim. C’est globalement le
canton le plus populaire, mêlant
anciens lotissements ouvriers, pavillons de la fin des Trente glorieuses et tours de la Zup.
Le canton Est (Colmar 2, 48 844 habitants) est davantage tourné vers
la ruralité. Outre les quartiers colmariens Sud, Maraîchers, Centre et
Saint-Antoine/Ladhof, il englobe
13 communes à l’Est : une partie de
la Communauté d’agglomération
de Colmar (Horbourg-Wihr, Houssen, Jebsheim, Sainte-Croix-en-Plaine, Sundhoffen) et la totalité du
Pays du Ried Brun (Andolsheim, Bischwihr, Fortschwihr, Grussenheim,
Holtzwihr, Muntzenheim, Riedwihr
et Wickerschwihr). On est dans la
plaine périurbanisée, où les lotissements ont poussé comme des
champignons avec beaucoup de
mouvements pendulaires vers l’agglomération.
Peu de suspense sur ce dernier terrain, où quatre binômes sont en lice. Le canton est paraît avoir été
taillé sur mesure pour les deux sortants Brigitte Klinkert (DVD, Colmar nord) et Eric Straumann (UMP,
Andolsheim), puisqu’il recoupe en
grande partie leurs anciens fiefs. Le
député de Colmar et sa suppléante,
qui siègent ensemble au conseil gé-
« Égalité et justice »
brouille les cartes
Un dernier ingrédient est particulièrement difficile à évaluer : la candidature de Hasan Gözel et Valérie
Kökmen sous les couleurs du Parti
égalité et justice (PEJ). Ancien militant du PS, le premier figurait sur la
L’issue paraît beaucoup plus incertaine du côté des hautes tours du canton ouest que dans la plaine du canton est (au
fond).
Photo L’Alsace/Hervé Kielwasser
néral depuis 2004, ont très logiquement constitué un binôme qui a
découragé beaucoup de concurrents.
les couleurs du mouvement de Nicolas Dupont-Aignan dans le HautRhin, il ne devrait pas peser bien
lourd dans la bataille.
Dans un premier temps, les socialistes Julien Ernst, secrétaire de la section locale, et Marie-Christine Gindensperger, prévoyaient d’ailleurs
de se présenter à l’ouest. Mais ils
ont dû laisser le champ libre à l’écologiste Frédéric Hilbert, sortant du
canton sud, dans le cadre d’un accord à gauche.
Si l’issue est à peu près certaine
dans le canton de Colmar est, à
l’ouest en revanche, c’est une tout
autre histoire. Sur le papier, l’écologiste Frédéric Hilbert (EELV), sortant du canton sud, et Caroline
Sanchez, sa colistière au conseil
municipal, paraissent en fâcheuse
posture face au premier adjoint de
Colmar Yves Hemedinger, allié à
l’adjointe d’Ingersheim Martine
Dietrich. D’autant que les deux adjoints UMP bénéficient du soutien
actif de leurs maires respectifs.
Le FN au deuxième
tour ?
Le ticket Straumann-Klinkert part
très largement favori, mais une
élection au premier tour est peu
probable, puisqu’il faut rassembler
25 % des inscrits. La question est
donc de savoir quel binôme se qualifiera pour le second tour en se classant deuxième. Compte tenu du
contexte défavorable à la gauche,
le FN (Marc Coursières et Marion
Wilhelm) pourrait bien devancer le
PS… Quant au tandem Debout la
France (Fabrice Leglise et Angélique Winterberger), le seul à porter
Mais avec six équipages en lice, le
boulevard initial s’est largement rétréci. Le binôme Hemedinger-Die-
trich sera concurrencé sur sa droite
par le FN – Romain Thomann (lire
aussi ci-dessous) et Laurence Locher –, de retour dans le jeu colmarien. Au centre droit, il sera aussi
gêné par le ticket Unser Land de
Gérard Cronenberger et Nadia
Hoog, qui surfent aussi sur le rejet
de la grande Région et la défense de
l’identité. Sans compter que l’électorat de droite hostile à Gilbert
Meyer pourrait être tenté de voter
pour l’ancien maire d’Ingersheim…
La partie ne sera pas plus facile pour
les écologistes Hilbert-Sanchez :
s’ils ont les coudées franches avec
le PS, ils devront compter avec le
Front de gauche (Damien Allain et
Régine Mariage). Et si les quartiers
populaires pèsent lourd dans le
canton, le sentiment de déclassement joue davantage en faveur du
Les candidats
Colmar 1 (ouest)
Martine Dietrich (UMP) et Yves
Hemedinger (UMP) ; Laurence Locher (FN) et Romain Thomann
(FN) ; Gérard Cronenberger (centriste) et Nadia Hoog (UL) ; Damien Allain (FDG) et Régine
Mariage (FDG) ; Frédéric Hilbert
(EELV, sortant) et Caroline Sanchez (SE) ; Hasan Gözel (PEJ) et
Valérie Kökmen (PEJ).
Colmar 2 (est)
Marc Coursières (FN) et Marion
Wilhelm (FN) ; Brigitte Klinkert
(DVD, sortante) et Éric Straumann
(UMP, sortant) ; Fabrice Leglise
(DLF) et Angélique Wintenberger
(DLF) ; Julien Ernst (PS) et MarieChristine Gindensperger (PS).
FN : Thomann divague,
Favaletto dédramatise
Emmanuel Delahaye
Le tout jeune Romain Thomann,
19 ans, vient de commettre une
jolie « boulette ». Investi par le
Front national dans le canton de
Colmar 1, l’intéressé se confie au
détour d’une conservation tenue
sur Facebook : « Pour avoir vu les
candidats du Haut-Rhin [NDLR :
c’est-à-dire ceux investis FN], ils
ont presque tous été enrôlés de
force… Moi-même si je m’écoutais
je ne me qualifierais pas de ‘‘compétent’’ pour cette responsabilité.
On verra bien, mais les journalistes nous attendent au tournant ! »
« Bad buzz »
Tollé immédiat sur les réseaux sociaux. Reprenant ses esprits, Romain Thomann supprime vite le
message litigieux. Peine perdue :
les sites d’Europe 1 et du Figaro se
sont déjà fendus d’une brève. Voilà ce qu’on appelle un « bad
buzz »… Quant au jeune ingénu, il
est au moins lucide sur un point :
oui, les journalistes attendent les
candidats au tournant. Tous les
candidats, de tous les partis. Du
côté de la fédération haut-rhinoise
du FN, on tâche de dédramatiser :
« Les quelques lignes écrites par le
jeune Thomann revêtent un sens
bien trop flou pour reconsidérer
ses bonnes relations avec la fédération. Il conserve mon entier soutien », assure ainsi Alain Favaletto,
chargé par intérim de la direction
départementale. Et d’ajouter :
« Le flou concernant le type de
compétence mis en cause (compétence d’éventuel futur élu ? De
candidat ? Voire, comme l’avait
compris l’un d’entre nous, compétence militante ?) a sans doute
joué dans la retombée rapide de
l’affaire. […] Cet émoi médiatique
[…] révèle l’attention portée au
mouvement de Marine Le Pen. »
Fine mouche, il oublie – ou feint
d’oublier… – une hypothèse au
moins aussi plausible : l’émoi en
question est peut-être dû au fait
qu’on puisse très tranquillement
parler, en France et en 2015, de
« candidats enrôlés de force ».
IRE01
liste de Victorine Valentin aux dernières municipales. Son binôme, elle, a fait campagne avec Bertrand
Burger en 2014 et Brigitte Klinkert
en 2008.
Leur candidature est d’autant plus
inclassable que le PEJ, s’il se dit « républicain et laïc », milite dans les
faits pour des menus halal dans les
cantines scolaires ou contre la loi
sur le voile (L’Alsace du 22 février).
Des arguments à double tranchant : le PEJ risque de recruter
dans les communautés turque et
musulmane, dont il est proche,
mais peut favoriser à l’inverse le vote FN en jouant les épouvantails…