La mémorisation dans les apprentissages

Transcription

La mémorisation dans les apprentissages
IUFM DE BOURGOGNE
CONCOURS DE RECRUTEMENT
Professeur des Ecoles
LA MÉMORISATION DANS LES APPRENTISSAGES
« VERS UNE OPTIMISATION DE LA MÉMOIRE À LONG
TERME »
Anne CLEMENCE
Directrice de mémoire
Françoise GODINAT
Année 2004 – 2005
N° Dossier : 04STA00338
1
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
4
PARTIE 1. COMMENT L’ÉLÈVE MÉMORISE-T-IL ?
6
1. Observations et questionnement
1.1. En classe de CE2 (Elémentaire)
6
1.2. En classe de PS –MS (Maternelle)
9
6
1. Enjeux d’une meilleure mémorisation
12
PARTIE 2. COMMENT LA MÉMORISATION FONCTIONNE-T-ELLE ?
13
1. Qu’est-ce que la mémoire ?
1.1. La mémoire est une fonction du cerveau
13
1.2. La mémoire est-elle une forme d' « intelligence » ?
1.3. Mémoriser ou apprendre ?
2. Un ou plusieurs type(s) de mémoire ?
2.1. Différents niveaux de mémoire
a) De la mémoire sensorielle à la mémoire à court terme
15
b) Mémoire à court terme ou mémoire « de travail »?
16
c) Vers la mémoire à long terme ou « profonde »
16
d) L’oubli : « C’est grave, docteur !? »
16
e) Le rappel
17
13
14
14
15
15
2
2.2. L’information est de diverses natures
a) La mémoire « déclarative » – La mémoire « procédurale »
17
17
b) La mémoire « lexicale » – La mémoire « sémantique »
17
2.3. La mémoire dite « défaillante »
19
a) La maladie d’Alzheimer
19
b) La dyslexie
19
c) L’illettrisme
20
3. Ce qui peut gêner ou favoriser l’acte d’apprendre
3.1. Les facteurs propres à la personne (ou intrinsèques)
20
a) Au niveau du traitement de l’information
20
b) L’âge
20
c) La dominante de stratégie développée par l'apprenant
21
d) La motivation – La pédagogie du projet
23
e) L’attention
24
f) L’anxiété – le stress
24
20
3.2. Les facteurs extérieurs (ou extrinsèques)
25
a) L’environnement
25
b) La tâche
c) Les pauses – le sommeil
25
25
PARTIE 3. QUELLES SOLUTIONS PÉDAGOGIQUES POUR PERMETTRE
UNE MEILLEURE APPROPRIATION DES SAVOIRS ?
27
3
1. La place de la mémoire dans l'enseignement
27
2. Les méthodes actuelles de mémorisation
27
2.1. Apprendre en répétant (ou par le « par cœur »)
27
2.2Apprendre par l’action
28
a) La manipulation
28
b) Le jeu
28
2.3. Apprendre par les images
2.4. Apprendre par l’imagerie mentale
29
2.5. Apprendre en comprenant, simplement !
29
30
3. Vers de nouvelles méthodes : l’exemple de la « gestion mentale »
30
3.1. Qu’est-ce que la « gestion mentale » ?
30
3.2. Quelques techniques de gestion mentale
32
a) Les « images mentales »
32
b) Les catégorisations
3.3. Apprendre « en recontextualisant »
33
34
4. L’évaluation de la mémoire ?
35
CONCLUSION
36
BIBLIOGRAPHIE
37
ANNEXES
38
ANNEXE 1.2
ANNEXE 3
ANNEXE 4
ANNEXE 5
ANNEXE 6
ANNEXE 7
ANNEXE 8
L’apprentissage de la lecture – F. HENRIAT
Lecture : La reconnaissance globale (jeu)
Graphique : La présentation audiovisuelle de l’information
Séquence de mathématiques : la multiplication (CE2)
La table de Pythagore, outil construit avec les élèves
Les cartes numériques (jeux)
Exemple de « hiérarchisation catégorielle »
4
ANNEXE 9
Les clés de la mémorisation (dessins humoristiques)
Ce sacré Charlemagne qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer l’école… fit venir le
théologien anglo-saxon Alcuin afin de bénéficier de ses conseils en matière pédagogique :
CHARLEMAGNE. -- Que vas-tu me dire maintenant de la mémoire, que je pense être la
partie la plus noble de la rhétorique ?
ALCUIN. -- […] La mémoire est la salle au trésor de toutes les choses.
5
Extrait de L’Art de la mémoire, F. YATES, Gallimard. 1975
INTRODUCTION
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je porte un intérêt particulier à la mémoire dans les
apprentissages.
D’abord, de par mon cursus universitaire à l’U.F.R. S.T.A.P.S. (Sciences et Techniques des
Activités Physiques et Sportives), j’ai été amenée à réfléchir sur la mémoire du geste chez les
sportifs, notamment à analyser de nouvelle pratique comme la préparation mentale ou l’imagerie
mentale et à quantifier les gains de performances des athlètes. Dans le cadre d’un mémoire de
maîtrise, j’ai mené une expérimentation chez les personnes vieillissantes pratiquant une activité
physique régulière. J’ai alors constaté que des progrès en matière de mémoire du geste étaient
notables à condition qu’elles sollicitent régulièrement leur mémoire.
Pourquoi poursuivre alors ? Parce que le sujet me préoccupe toujours. Je continue à
m’interroger sur la mémoire et notamment sur sa place et son rôle dans les apprentissages à
l’école. J’aimerais comprendre comment l’apprenant s’organise pour mémoriser et retenir,
comprendre le fonctionnement du cerveau lors de cette phase de mémorisation, et par la suite
envisager quelques pistes de réflexion en matière de réinvestissement possible dans le cadre
pédagogique.
Ensuite, ayant constaté dans les classes que, à même niveau, certains enfants retiennent mieux
que d’autres, il serait intéressant de savoir la cause de tels écarts. Sont-ils dus uniquement à des
facteurs sociaux, comme Bourdieu le dit lorsqu’il parle de « déterminisme social » ? En cela, la
réussite scolaire ne dépendrait-elle que du milieu social d’origine ?
A l’heure actuelle, des progrès dans le domaine du cerveau ont permis de mettre en évidence
que les enfants – et les adultes – sont déjà inégaux sur le plan physiologique : nous ne
fonctionnons pas de la même façon. Les élèves n’étant pas égaux dans les apprentissages,
comment permettre alors la réussite scolaire d’un maximum d’élèves ? De plus, nous connaissons
désormais plus le développement de l’enfant en psychologie. Parallèlement, la société elle-même a
évolué. Tout cela a forcément eu des répercussions sur le système éducatif, tant au niveau
didactique que pédagogique.
6
Pourtant, la mémoire a souvent mauvaise presse et elle reste cantonnée dans la sphère
dévalorisante de l’apprentissage par cœur. Ainsi, comme le souligne Marilyne Baumard1 : "Hier
jetée hors des classes comme « sciences des ânes », la mémoire prend sa revanche ; elle bénéficie
aujourd’hui des apports les plus récents de la recherche (…) Sans mémoire, pas d’apprentissage.
Mais sans connaissances, pas de mémoire…"
Il est rare qu’on mette en relation l’échec scolaire avec les mécanismes de la mémoire. En
effet, il ne semble pas qu’elle soit véritablement prise en compte dans l’éducation : peu
d’enseignants connaissent effectivement les fonctions du cerveau et leurs incidences sur les
apprentissages. Malgré tout, ceci n’en fait pas pour autant de moins bons éducateurs. Toutefois,
prendre en compte les répercussions de la mémorisation dans son enseignement est un gage
supplémentaire de réussite pour l’élève.
En quoi la mémoire a des incidences sur les apprentissages ?
Est-ce qu’il est nécessaire pour l’enseignant de connaître le fonctionnement du cerveau pour
transmettre un savoir ?
Comment l’enseignant peut-il intervenir au niveau des fonctions mnésiques de l’apprenant
pour améliorer son acte d’apprendre ?
En quoi les nouvelles formes d’appropriation des savoirs - comme la gestion mentale,
proposée par Antoine de LA GARANDERIE, et encore peu utilisée dans les classes - pourraientelles être un plus pour l’institution scolaire, en matière de pédagogie ?
Certes, la mémoire reste encore un domaine « flou », difficile à cerner. Cependant, on peut
agir sur la mémorisation, en particulier, sur la mémorisation à long terme en améliorant les
méthodes propres à chaque élève. Ainsi, quels sont les processus de mémorisation et quelles sont
ces méthodes ?
Dans un premier temps, nous tenterons de comprendre comment l’élève mémorise et
s’organise dans les apprentissages. Puis, par un apport théorique, nous verrons comment la
mémorisation fonctionne. Enfin, à partir de ces différents éléments nous définirons les principales
méthodes - au sein du système scolaire – qui permettraient d’améliorer l’acte de mémoriser.
1
In « Mémoire et apprentissage : une histoire d’amour contrariée ». Le Monde de l'Education, n°284. Sept 2000
7
PARTIE 1.
COMMENT L’ÉLÈVE MÉMORISE-T-IL ?
1. Observations et questionnement
Voici ci-dessous des observations réalisées, dans une classe de CE2 ainsi que dans une classe
de maternelle, lors des différents stages en responsabilité. Par ces observations et retranscriptions,
j’ai tenté de trouver quelques réponses à la question suivante : « Comment les élèves s’organisentils pour apprendre et retenir? ».
Selon l’âge des apprenants, les observations n’ont pas porté sur les mêmes contenus.
1.1.
En classe de CE2 (Elémentaire)
Dans un premier temps, un débat d’une vingtaine de minutes, organisé en classe entière a été
proposé aux enfants. Je leur ai expliqué pourquoi cela m’intéressait – en tant qu’enseignante - de
comprendre comment ils apprenaient leurs leçons et de pouvoir aider par la suite les enfants en
difficultés (séance n°1).
Au préalable, les enfants ont été sensibilisés sur le fait que toutes les réponses étaient
acceptées - même si elles étaient différentes de celles du voisin (au contraire !) ; l’important étant
que chacun puisse dire ce qu’il pense.
SÉANCE N°1 : DÉBAT COLLECTIF
« Comment fais–tu pour apprendre… ? »
1°) Les tables de multiplication ?
ANTOINE : « Je lis dans ma tête. Après, je récite les yeux fermés : d’abord dans
l’ordre, puis dans le désordre. A la fin, maman m’interroge. »
8
ROSE : « Moi, je copie plusieurs fois : plus si j’ai des difficultés. Après, je lis
plusieurs fois. Et un adulte me fait la dictée. »
2°) Une poésie ?
Ex : Anagrammes (Coran)
STÉPHANE : « C’est pas pareil ! D’abord, je lis plusieurs fois et après je l’apprends
soit par cœur sans chercher à comprendre le sens, soit en essayant de comprendre
de quoi ça parle, pour mieux comprendre justement. »
CAMILLE : « Moi, comme il n’y a pas d’images, j’invente les images de la poésie.
Par exemple, quand l’auteur écrit : « (…) » et ben, j’imagine un chien et une
niche. »
3°) Une lecture suivie ?
Ex : Le petit Chaperon rouge (Charles Perrault)
NASSIM : « Alors déjà, je relis l’histoire. Je repère les personnages, de quoi ça
parle... Et puis, après, ma mère me pose des questions pour savoir si j’ai
compris. »
ANTOINE : « Et puis, moi, je prends le dictionnaire pour les mots que je ne
comprends pas. »
4°) Qu’est-ce qu’il faut dans une leçon pour qu’elle te soit facile à apprendre ?
LEÏLA : « Du texte ! C’est plus précis.»
ROSE : « … Et des images, car il y a plusieurs sens ! Ils se complètent. »
STÉPHANE : « Moi, je préfère quand il y a plus de texte car ça m’aide plus pour
comprendre. (…) S’il n’y a que des images : tu peux confondre parce qu’elles
peuvent dire plusieurs choses, ou même, tu ne comprends pas du tout ce qu’elles
disent. »
5°) Que penses-tu de la T.V. qui reste allumée pendant que tu fais tes devoirs ?
TOUFIK : « Il faut du calme »
SANDY : « Ca déconcentre »
ANTOINE : « Ben oui, on ne peut pas faire deux choses en même temps ! »
WENDY : « Moi, ça ne me dérange pas ! »
Il est intéressant de voir que les enfants n’ont pas tous la même façon d’apprendre, de
mémoriser. Par exemple, en ce qui concerne l’apprentissage des tables de multiplication, Antoine
sera plus dans le registre auditif alors que Rose dans le registre visuel.
De plus, selon les matières, les enfants n’utilisent pas forcément les mêmes stratégies de
mémorisation. Ainsi, Stéphane aura recours à la répétition, au « par cœur », en annonant tandis que
Camille tentera de développer des images mentales. Certains utiliseront un tiers pour oraliser,
9
d’autres seront dans une démarche plus intérieure. Certains comprendront l’importance du lieu et
du contexte d’apprentissage, d’autres pas.
N’est-il pas nécessaire de dépister les stratégies de mémorisation de chaque enfant pour lui
apporter (ou lui compléter) un éventail plus large de moyens de mémoriser afin de mieux retenir ?
Dans un second temps, les enfants ont reçu un questionnaire individuel auquel ils devaient
répondre plus précisément sur leurs façons d’apprendre et de retenir. Vingt-trois élèves ont
participé.
Les réponses ne concernent donc que ce petit échantillon. Toutefois, les résultats ci-après
peuvent nous renseigner sur les stratégies développées au moment des apprentissages.
SÉANCE N°2 : QUESTIONNAIRE INDIVIDUEL
1°) Comment apprends-tu les tables de multiplication ?
Je lis
77 %
Je copie
17 %
Je lis et je copie
6%
2°) Apprends-tu seul ou aidé d’un adulte ?
J’apprends tout seul
17 %
Un adulte m’aide
83 %
3°) Tu fais la même chose pour une poésie ?
Oui 54 %
Non 36 %
- Je lis plusieurs fois – strophe par strophe
- Je récite dans ma tête
4°) Est-ce que la table de Pythagore est facile à utiliser ?
Oui 65 %
- C’est bien parce que ça regroupe toutes les tables
C’est facile à comprendre
Non 35 %
- Je préfère les tables normales
C’est difficile à comprendre
5°) Tu pourrais mieux apprendre les tables avec la table de Pythagore (outil
mathématique)?
Oui 64 %
- Je l’ai toujours dans la tête
Ça donne tout de suite le résultat
On a toutes les réponses sous les yeux
Non 17 %
- Je retiens moins bien
10
On sait déjà les tables (par cœur)
6°) Qu’est-ce qui est le plus facile à apprendre et à retenir ?
Une poésie
1
Les tables de multiplication
2
Une leçon d’histoire
3-4
Une leçon de grammaire
3–4
- Pour l’histoire, il faut lire beaucoup de fois, c’est long. Ca ne m’intéresse pas.
- Pour la grammaire, il y a beaucoup de choses à retenir. C’est dur à apprendre.
7°) Que faut-il dans une leçon d’histoire, par exemple, pour t’aider à mieux
l’apprendre et la retenir ? Pourquoi ?
Du texte
23 %
Des images
22 %
Ecouter la maîtresse raconter 12 %
Du texte et des images
18 %
Du texte et écouter
18 %
- Les images, on les a dans la tête après
- Ecouter la maîtresse raconter « comme une histoire », ça aide à comprendre
- Quand j’écris le texte, et que je le relis, je retiens mieux.
8°) Est-ce que la T.V peut te gêner pendant que tu es en train de faire tes devoirs ?
Oui 53 %
- ça déconcentre ! Ça fait trop de bruit !
Non 6 %
- On peut quand même travailler
Nous pouvons constater que très peu d’enfants utilisent deux stratégies pour mémoriser, c’està-dire que la plupart privilégient une stratégie.
Il est intéressant de voir qu’une poésie sera facile à apprendre alors qu’une d’histoire ou de
grammaire pose plus de problème à l’élève. Une poésie - de par son aspect concret peut faciliter sa
mise en mémoire par l’organisation en strophes, les assonances, les rimes, les images mentales
qu’elle peut véhiculer etc. De plus, il est certainement plus évident de comprendre le sens d’une
poésie que celui d’une leçon de grammaire où les notions peuvent paraître abstraites.
En ce qui concerne les mathématiques, la table de Pythagore n’est pas véritablement une aide
à la mémorisation : elle récapitule les résultats des multiplication. C’est un outil avant tout : on y a
recours pour aller plus vite, par exemple. Cependant, pour certains enfants elle est aussi un moyen
de fixer les tables, de les organiser, de faciliter le rappel des résultats appris, mais aussi de
permettre la déduction de résultats encore inconnus à partir de combinaisons comprises
antérieurement.
L’adulte est présent essentiellement pour interroger sur la leçon qu’il aura apprise seul dans un
premier temps. L’adulte peut aussi questionner, expliquer ou proposer des exercices.
11
1.2.
En classe de PS –MS (Maternelle)
Les observations ont été réalisées lors d’activités proposées en classe entière – motricité ou
moment de regroupements – ou bien en petits groupes - ateliers.
1°) Les Comptines sont mieux retenues si elles sont :
- mimées
- assez courtes (4 à 5 phrases)
- accompagnées d’un support musical ou imagé
- répétées, récitées de façons variées (vite/lentement, en rigolant/en
pleurant…)
2°) Intérêt de la motricité et de la manipulation dans la découverte et
l’acquisition de nouvelle notion.
Par exemple, en mathématiques, et plus particulièrement en géométrie : je devais
aborder « la forme ronde ». Au lieu de me lancer tout de suite dans la notion
purement mathématique, j’ai mêlé différentes activités autour de cette notion :
- Par des comptines mimées (C’est la baleine qui tourne et qui vire…)
- Par de la motricité (appréhension de la forme ronde/carrée)
- Par du langage (avec l’album Rond comme un ballon comme support)
Cette approche pluri disciplinaire favorise l’acquisition d’une nouvelle notion :
chaque enfant puise ce dont il a besoin, à son niveau.
A) Motricité : Jeu « Remplir sa maison »
- Matériel : cerceaux, lattes assemblées, de formes différentes représentant les
maisons des petits écureuils – répartis dans tout l’espace, et des réserves de
ballons, de briques, d’anneaux.
Les écureuils doivent « déposer les trésors dans les bonnes maisons ».
Le jeu est libre, l’enseignant laisse les enfants chercher.
A la fin, retour sur la pratique : discussion avec les enfants (réussite ? échec ?)
12
B) Réinvestissement dans un atelier mathématique – notion géométrique
- Dans un premier temps, une activité de tri (rond / pas rond) en donnant des
exemples vus en motricité « ça roule comme le ballon » / « ça ne roule pas comme
la brique ».
- Dans un second temps, un jeu de Kim. Les enfants doivent retrouver des objets
ronds placés dans un sac – dans lequel ils ne peuvent voir. Ils n’ont comme
recours que le toucher.
La notion d’attention : Les petits de 3-4 ans ne peuvent pas rester longtemps sur la même
activité (10 à 15 min au max) ; au-delà, ils ne restent plus en place.
L’enseignant doit donc donner un sens à l’activité, surtout pour les plus jeunes qui n’ont pas
encore la capacité d’abstraction – surtout pour capter leur attention. Il doit être attentif aux
réactions des enfants et relancer l’activité, proposer des choses variées. Pour les petits, la consigne
doit être claire et employer un vocabulaire simple, accessible par les enfants.
La mémorisation : Si la notion à acquérir a été vécue par l’enfant, elle sera d’autant plus vite
assimilée. L’action permet une meilleure compréhension. L’enfant est « acteur », il ne fait pas
qu’écouter ou observer.
Le moment du retour sur la pratique avec les enfants est important. Ils verbalisent euxmêmes la solution attendue (exemple, en motricité : « les trésors ronds dans les maisons rondes » /
« les trésors carrés dans les maisons carrées ». L’enseignant reformule et aide à la définition de
propriétés – données par les enfants et validées par tous - comme « le rond peut rouler » et « le
carré ne roule pas ». De plus, il faut toujours vérifier ce qui est proposé par les enfants ou
l’enseignant (par exemple, en manipulant : les ballons, les briques etc.). Ceci permet l’adhésion de
tous par rapport aux critères avancés.
Il me semble que ces différentes activités ont permis à chaque enfant de comprendre ; mais à
la vue de leur frimousse, pas au même moment, ni dans les mêmes activités.
A partir de ces différentes observations menées sur le terrain, un questionnement émerge.
La mémorisation, dès lors, n’est-elle pas intrinsèquement liée à une perception sensorielle ?
N’existe-t-il pas des mémoires spécifiques à chacun des sens ?
Est-ce que tout apprenant a un mode spécifique de restitution de l’information basé sur ses
mémoires sensorielles ?
Est-il possible d’améliorer le stockage et le rappel des informations ?
13
Comment expliquer que dans des conditions semblables, à capacité et bonne volonté équivalente,
des élèves retiennent et réussissent alors que d’autres amorcent la spirale de l’échec ?
Se demande-t-on suffisamment ce que signifie apprendre pour un élève ?
S’interroge-t-on assez sur les processus qu’il déclenche lorsqu’il apprend une leçon ?
Et si, avant toute démarche pédagogique volontariste, on l’aidait à connaître et à développer son
potentiel de mémorisation ?
Si on l’aidait à se construire des méthodes de travail adaptées à ce qu’il est réellement ?2 Comment
inscrire du savoir dans la mémoire à long terme de l’enfant ?
Comment l'amener à se questionner sur : « comment je fais pour mémoriser? »
Nous savons, aujourd’hui, que la mémoire s’entraîne et s’éduque.
En effet, mémoriser relève de certaines méthodes liées à l’utilisation des possibilités de notre
cerveau. Elles varient d’un individu à l’autre. Retenir, mémoriser, mobiliser ses connaissances,
tout cela s’apprend.
Comment ? En utilisant ces processus qui permettent la meilleure utilisation de nos
possibilités mentales et en montrant à chacun comment les adapter à son mode de fonctionnement
personnel.
2. Enjeux d’une meilleure mémorisation
Au regard des missions de l’école que sont : la démocratisation du savoir et la transmission de
l’héritage culturel, la mémoire se trouve ainsi réhabilitée.
Tout enseignant - dans sa mission de « transmetteur de savoirs » - vise à amener les enfants
vers une base commune - nécessaire pour leur vie de futurs citoyens. Il tente par là même de
toucher leur mémoire à plus ou moins long terme. Ainsi, l’un des intérêts de la mémorisation - ou
de l’appropriation - à long terme pour l’apprenant serait de « savoir mémoriser pour anticiper».
Prenons un exemple : la mémoire des nombres, en mathématiques. L’enfant doit savoir
mémoriser « parce qu’il va être confronté aux nombres, en particulier dans la résolution de
problèmes ; il va devoir utiliser des procédures qui relèvent du calcul. Pour cela, l’élève
reconnaît qu’il peut faire appel à des savoirs numériques anciens, et utilise soit des résultats
mémorisés, soit des connaissances sur les nombres et les transformations qu’on peut leur faire
subir.»3 Par conséquent, la mémoire des nombres est nécessaire pour la réalisation de tâches y
faisant appel.
2
3
VECCHI G. (de), Aider les élèves à apprendre
ERMEL. Apprentissages numériques et résolution de problèmes - GS
14
Par ailleurs, l’anticipation entraîne une certaine autonomie de l’apprenant. En reprenant les
propos de MONTESSORI : « Aide-moi à faire seul !», l’une des missions de l’enseignant serait
d’amener l’élève à mémoriser seul, mais ce, après la découverte et l’appropriation de méthodes.
Il apparaît dont important avant d’envisager de se pencher sur ces méthodes
pratiques de mémorisation de comprendre comment fonctionne la mémoire et plus
particulièrement, comprendre comment fonctionne la mémorisation.
PARTIE 2.
COMMENT LA MÉMORISATION FONCTIONNE-T-ELLE ?
1. Qu’est-ce que la mémoire ?
Les définitions des dictionnaires présentent la mémoire comme « la faculté de conserver des
idées antérieurement acquises »4, ou comme « la faculté de conserver et de rappeler des états de
conscience passés et ce qui s'y trouve associé. »5
Les physiologistes la définissent comme l’ensemble des systèmes biologiques et
psychologiques qui permettent le codage, le stockage et la récupération des informations. La
mémoire est subjective – puisque propre à chaque individu - et donc nécessairement sélective mais
aussi imparfaite.
4
5
Dictionnaire Larousse
Dictionnaire Robert
15
1.1. La mémoire est une fonction du cerveau
La mémoire est localisée dans le cerveau au niveau des lobes temporaux, et plus
particulièrement au niveau de l’hippocampe : c’est ici qu’à lieu l’activité neuronale principale que
constituent les opérations de la mémoire. Cette fonction est sollicitée à chaque fois qu’une
information nouvelle ou récurrente arrive au cerveau.
Elle coordonne des activités à la fois successives et simultanées, et nous permet de :
(1)
(2)
(3)
Acquérir une
information
La Conserver
intacte
La Restituer à la
demande
Le « traitement de l'information » proposé par SCHMIDT & PAILLARD en 1970, est basé sur
le principe du Stimulus-réponse.
L’acte de mémoriser est ainsi l'enchaînement de ces trois étapes : mettre et garder en mémoire
pour restituer à bon escient. Mémoriser, ce n’est nullement remplir le cerveau d’informations
comme on remplirait une bouteille avec du liquide.6
Dans le domaine des neurosciences, les chercheurs considèrent que le cerveau fonctionne
comme un ordinateur, et que la fonction « mémoire » - qui est une composante - serait régie par cet
ordinateur.
Dès lors, il est possible d’apprendre à optimiser le stockage et le rappel des informations.
1.2. La mémoire est-elle une forme d' « intelligence » ?
La mémoire et l'intelligence sont-elles liées ? Est-ce que l’une prédomine sur l’autre ?
L’intelligence est définie comme « la capacité à comprendre, l’aptitude à s’adapter à une
situation, à choisir en fonction des circonstances »7. L’intelligence ne concernerait alors pas la
mémorisation.
Pourtant, selon Alain LIEURY8, il existerait une corrélation positive entre l’empan mnésique
et l’intelligence (beaucoup de tests d’intelligence comportent une épreuve de mémoire immédiate).
Si l’on considère que mémoriser, c’est utiliser les connaissances apprises pour les réinvestir à bon
6
CHAMPAGNE C., Mémoriser au cycle III : les clés de la mémoire
Dictionnaire Petit Larousse en couleur
8
LIEURY A., La réussite : intelligence ou mémoire ? (p.104)
7
16
escient, cela suppose bien une certaine adaptation du sujet. En effet, en fonction du contexte, celui
doit faire appel à telle ou telle connaissance emmagasinée, pour proposer une réponse la plus
adéquate possible.
Etre intelligent, quel que soit le moyen d’évaluation, suppose d’avoir au préalable bien
mémoriser et compris les savoirs et les savoir-faire pour les restituer au moment approprié.
Claude CHAMPAGNE ajoute qu’ « il ne s'agit pas d’enregistrer et de restituer comme le
ferait un magnétophone »9.
1.3. Mémoriser ou apprendre ?
Mémoriser est un acte complexe qui suppose une activité – inconsciente - du sujet dans le fait
de garder une information reçue en vue de la restituer ultérieurement dans un délai plus ou moins
long. Ce n’est pas un mécanisme passif. Selon Armelle GENINET, « mémoriser, c’est être capable
de redire les notions, de donner du sens à ce qui a été appris »10.
Faut-il mémoriser pour apprendre ? Ou bien, apprendre pour mémoriser ?
Bien sûr, il faut les deux. La mémorisation et l’apprentissage sont interdépendants. En effet, le
stockage de connaissances à plus ou moins long terme est la base des apprentissages. La
mémorisation pourrait être la finalité de tout apprentissage : le fait d’avoir touché la mémoire à long
terme.
2. Un ou plusieurs type(s) de mémoire ?
2.1. Différents niveaux de mémoire
Il existe plusieurs niveaux de mémoire.
Toutefois, pour simplifier l'explication, je me contenterai des principales et ne parlerai pas de
la mémoire « immédiate » (intervenant avant la mémoire à court terme), ni de la mémoire « à
moyen terme », ni de la mémoire « gustative » (liée au goût) ou « olfactive » (liée aux senteurs), ni
de la mémoire du « plaisir » ou du « déplaisir » (en relation avec les travaux de PAVLOV) etc.
Nous pouvons représenter le mécanisme d'emmagasinage et de restitution de l"information
dans le modèle ci-dessous :
9
CHAMPAGNE C., Mémoriser au cycle III : les clefs de la mémoire
GENINET A. La gestion mentale en mathématique
10
17
Information
Registre
sensoriel
Mémoire à
court terme
Mémoire à
long terme
Rappel
Mémoire
de travail
Oubli
Oubli
a) De la mémoire sensorielle à la mémoire à court terme
L’information (ou le message) qui arrive en mémoire est de diverses formes. Elle va être
stockée provisoirement dans une mémoire sensorielle avant d’être identifiée. Le résultat de cette
opération d’encodage est transféré en mémoire à court terme.
L’enregistrement de l’information à ce niveau - suscite déjà des différences entre individus.
En effet, chaque individu n’interprète pas de la même façon cette information qui arrive ; il y a une
part importante de subjectivité. Le sujet met en mémoire ce qu’il a réussi à décoder du message
reçu. Ainsi nous n’enregistrons pas une information absolue.
b) Mémoire à court terme ou mémoire « de travail »?
La mémoire à court terme est « une mémoire consciente, elle permet de se souvenir pendant
une courte durée d’un nombre limité d’éléments ».11 Elle permet un stockage temporaire des
éléments : au bout de vingt-quatre heures, nous avons oublié 80 % des informations enregistrées.
« Il faut apprendre à s’en méfier, car on a toujours l’impression qu’on se souviendra. » 12
La mémoire à court terme et la mémoire de travail sont très proches. La mémoire de travail
contient des informations « transitoires », qui vont être maintenues en mémoire pendant quelques
minutes voire quelques heures, nécessaires à la réalisation de la tâche en cours. Elle requiert donc
de l’attention. Ces informations seront en général oubliées dès la tâche terminée.
Selon les chrono biologistes, la mémoire à court terme serait plus efficace le matin.
11
12
BABIN, Programmes, projets, apprentissages pour l'école maternelle
CHAMPAGNE C., Mémoriser au cycle III : les clefs de la mémoire
18
c) Vers la mémoire à long terme ou « profonde »
La mémoire dite « profonde » est la dernière étape du mécanisme de mémorisation : c’est le
domaine de ce qu’on n'oublie pas. C’est ici qu’ont lieu les activités hautement automatisées qui se
déroulent par activation directe en mémoire à long terme. Ainsi, si je veux calculer mentalement 3
fois 202, je suis obligé de retenir ces nombres en mémoire à court terme, le temps d’accéder en
mémoire à long terme à des sous résultats déjà stockés (ici : 3 fois 2).
France MOURET, kinésithérapeute en gériatrie, remarque tous les jours dans les différents
services hospitaliers auprès desquels elle intervient que, comme toute fonction, « la mémoire ne
s’use que si l’on ne s’en sert pas »13. Une sollicitation régulière de la mémoire est nécessaire pour
conserver ses capacités pratiques. Notre mémoire doit sans cesse être entretenue sous peine de
laisser se mettre en route le processus de l’oubli.
d) L’oubli : « C’est grave, docteur !? »
Faut-il mémoriser un grand nombre d’informations pour moins oublier ?
Il existe une conception très répandue selon laquelle l’enfant peut tout apprendre parce qu’il
est jeune. Ce qui est inexact. L'oubli est indispensable à l'équilibre mental et au processus
mnésique, car le cerveau a une capacité limitée de stockage informationnel - au niveau de la
mémoire à court terme. La mémoire à long terme a, elle, une capacité extensible.
L’oubli est rapide en mémoire de travail, lorsque la répétition mentale est impossible. On a
l’occasion d’en faire l’expérience quand on est interrompu dans une tâche qui requiert de
l’attention. Par exemple, dans une opération de calcul, on va oublier le résultat du dernier calcul
qu’on venait de faire, et bien souvent on va oublier aussi où on en était dans l’opération. L’oubli est
donc physiologiquement normal.
Seulement, à partir d’un certain âge, ce phénomène apparaît plus souvent. En effet, comme le
stock neuronal diminue vers la trentaine, les connexions sont moins importantes, et le transfert de
l’information se voit lui-même ralenti. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, l’oubli est
pathologique car lié à la dégénérescence brutale des neurones. Le malade ne se souvient plus de ce
qu’il a fait les heures ou les jours auparavant, par contre, il se souvient plus précisément des
premières décennies de sa vie.
Par ailleurs, au cours des apprentissages, l’élève va retenir « son » essentiel et oublier « son »
superflu, et l’essentiel pour l’enfant ne sera pas forcément celui de l’enseignant.
13
MOURET F., Conférence « Les bienfaits des activités physiques sur la santé » - Octobre 2000
19
e) Le rappel
Certains chercheurs, comme le canadien TULVIN, ont supposé que la mémoire fonctionnait
comme un ordinateur ou une bibliothèque. De même que les livres sont associés à une référence
qui sert d’adresse dans les rayonnages, nos souvenirs seraient munis d’indices pour les retrouver.
Prenons un exemple. Il s’agit de mémoriser et retenir une liste d’une vingtaine de mots.
On constate ainsi que le rappel est meilleur pour les premiers et derniers mots que pour les
mots intermédiaires. En effet, les sujets ont tendance à répéter mentalement la liste depuis le
début, de sorte que les premiers mots sont répétés plus souvent (répétition mentale). Les derniers
mots sont mieux rappelés parce qu’ils sont en mémoire immédiate.
Retenir ce qu’on apprend ne s’opère pas en une seule fois et n’est jamais totalement définitif.
Pour être disponibles et mobilisables, nos connaissances ont besoin d’être périodiquement
réactivées14.
L’enseignant doit donc insister auprès de tous les élèves sur l’importance de la réactivation de
la mémoire : chaque soir, prendre le temps de revoir, de revoir le cours, puis le reprendre après
quelques jours.
2.2. L’information est de diverses natures
a) La mémoire « déclarative » – La mémoire « procédurale »
Les informations sont mémorisées à la fois par la mémoire dite « déclarative » et par la
mémoire dite « procédurale ».
Tandis que la mémoire déclarative concerne les savoirs théoriques (par exemple, connaître les
caractéristiques de l’époque du Paléolithique, en histoire), la mémoire procédurale se rapporte,
elle, aux savoirs- faire (par exemple, savoir faire la synthèse de quelque chose).
b) La mémoire « lexicale » – La mémoire « sémantique »
De la même façon, on distingue, au niveau de la langue orale ou écrite, la mémoire
« lexicale » qui se réfère au vocabulaire acquis et la mémoire « sémantique », qui elle fait référence
au sens véhiculé dans l’information.
14
CHAMPAGNE C., Mémoriser au cycle III
20
Voici ci-dessous, la présentation du T.A.P. de Français, réalisé dans une classe de C.P. avec
leur enseignante, F. HENRIAT, I.M.F. à l’école des Rosoirs, pourra illustrer ces termes.
(Cf. ANNEXES 1, 2, 3).
OBJECTIF : « Mémorisation et Ecriture »
Comment fait-on pour mémoriser ? Et pour écrire ?
Les séances observées et menées, s’appuient sur l’album de Philippe
CORENTIN, Plouf ! Les textes travaillés par les enfants comportent une
quarantaine de mots.
« Il existe un lien entre l’acte de mémoriser et celui d’écrire ». En effet, pour
F. HENRIAT, c’est par les répétitions, par des manipulations de mots étiquettes –
quotidiennes - que l’imprégnation des mots va se faire. C’est un entraînement
auquel l’élève doit être confronté le plus possible.
Lors du rituel de la date, par exemple, l’enseignante peut choisir de faire
écrire à la classe – sous la dictée de l’adulte ou non – le nouveau mois. Le rituel
est en cela une véritable situation d’apprentissage.
La découverte de texte se fait par l’élève et requiert des stratégies différentes :
soit par reconnaissance globale, dans le cas où les mots sont déjà connus, soit
par décodage ou « déchiffrage », pour les mots inconnus.
Par ailleurs, la reconnaissance de la graphie d’un mot se fait par la
reconnaissance de la « silhouette » de ce mot, mais aussi par sa mise en contexte
(sa place dans la chronologie de l’histoire, par exemple).
Ainsi l’acquisition de la lecture passe à la fois par l’acquisition du code
mais aussi celle du sens. Pour F. HENRIAT, « la phrase est une unité de sens –
elle véhicule une idée, et est également codée – par la ponctuation ».
On remarque ainsi que lors de l’apprentissage de la lecture, au Cours Préparatoire,
l’enseignant vise principalement à développer la mémoire dite « lexicale » en augmentant le
bagage de mots reconnus, ainsi que la mémoire dite « sémantique » qui est portée sur le sens des
mots, leur(s) signification(s).
21
2.3. La mémoire dite « défaillante »
a) La maladie d’Alzheimer
C’est une pathologie de la mémoire. Elle correspond à une dégénérescence des neurones. « Le
malade est alors incapable d’apprentissages requérant la conservation d’informations : il ne se
souvient plus de ce qui a été fait auparavant et il faut continuellement reprendre les choses au
début »15. Pour LIEURY, la maladie d’Alzheimer montre que nos capacités mentales peuvent être
réduites de façon catastrophique si la mémoire est détruite. Le traitement médical atténue les effets
de la maladie mais n’aide en rien à recouvrer la mémoire : il est préventif. Ce qui est perdu est
perdu.
Il existe par ailleurs de nombreuses autres maladies neurobiologiques qui peuvent altérer,
souvent de façon irrémédiable, les fonctions de la mémoire et du coup, les mécanismes de
mémorisation.
b) La dyslexie
Pour LEUCAT, Professeur à l'Université de Bourgogne, et spécialiste de l’A.I.S. (Aide à
l’Intégration Scolaire), « la dyslexie est une absence d’automatisation cérébrale ». En effet,
l’enfant comprend ce qu’il lit (physiquement) mais lit effectivement des synonymes des mots ;
pourtant dans sa tête, il entend le bon mot. Ainsi, les enfants dyslexiques mémorisent bien mais
restituent mal.
c) L’illettrisme
Actuellement, en France, l'illettrisme pourrait représenter plus de 20% de la population. Un des
critères relevés : la maîtrise d’un texte de 180 mots simples. Pourtant, la plupart ont suivi une
scolarisation "normale" dans la durée - de 6 à 16 ans. S’agit-il d’une mauvaise mémorisation ?
Ou bien, ne pas être assez confronté à l’écrit au quotidien entraîne son oubli ?
Toutes les études autour de l’illettrisme montrent qu’une des causes de l‘oubli des
apprentissages liés à l’écrit (règles orthographes et grammaticales, construction syntaxique…)
résulte du manque de réinvestissement régulier de l’écrit.
15
C.N.E.D. Cours de Psychologie : Origines et bases
22
3. Ce qui peut gêner ou favoriser l’acte d’apprendre
3.1. Les facteurs propres à la personne (ou intrinsèques)
a) Au niveau du traitement de l’information
Il peut y avoir dysfonctionnement de la mémoire à chacune des étapes du traitement de
l’information (Cf. Partie 1/1.1) :
(1)
* Le message à retenir n'est pas clair, ne présente pas d'intérêt
* L'individu a une déficience au niveau de ses capteurs sensoriels (mauvaise
vue, mauvaise ouïe…)
(2)
* Le cerveau n'est pas éveillé
* Il existe des troubles de santé (physiques, psychologiques)
(3)
* Le désir de se rappeler n'est pas assez vif (pas de projet)
* La sollicitation extérieure n'est pas assez forte
L’enseignant se doit d’être vigilant dans sa pratique et tenir compte de ces dysfonctionnements
possibles et non exhaustifs.
b) L’âge
Les élèves n’apprennent pas les mêmes choses selon leur âge. D’ailleurs, les objectifs et les
contenus d’enseignement sont adaptés à l’âge. Par exemple, la multiplication est abordée en CE1
sous forme de problèmes simples et c’est seulement en classe de CE2 et CM1 que la technique est
introduite.
De même, à la maternelle, un enfant pourra stocker des informations concrètes.
Selon PIAGET, le stade de développement de l’individu a une incidence sur sa capacité à
raisonner. C’est seulement vers l’âge de 12 ou 13 ans qu’un enfant développe la capacité d’avoir
un « raisonnement hypothético déductif »16 : il émet des hypothèses pour tenter de répondre à un
problème posé (si …alors …). Autrement dit, on ne peut espérer qu’au Cours Moyen, l’enfant soit
véritablement capable de raisonner sur l’abstrait, c’est-à-dire sur des choses non visibles, non
concrètes. L’enseignant propose certes des exercices relevant du raisonnement et de la logique,
mais ceux-ci sont pensés de manière à ce que l’enfant développe ses capacités cognitives
progressivement.
23
Car, toujours selon PIAGET, le développement de la pensée et du langage serait défini par des
stades liés à la capacité neuronale. En effet, au fur et à mesure que l’enfant grandit, son stock de
connexions neuronales s’agrandit, ainsi il développe sa capacité de raisonnement.
c) La dominante de stratégie développée par l'apprenant
Linda WILLIAMS déclare qu’il y a « plusieurs cerveaux dans une seule tête ».17 Notre
cerveau n’est pas un organe homogène. En plus d’être composé en couches superposées
correspondant aux grands stades de l’évolution des êtres vivants, il est également séparé en deux
parties : l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche.
Les récentes recherches en neurologie ont révolutionné nos conceptions des mécanismes
mentaux. Nous savons maintenant que les deux hémisphères du cerveau fonctionnent de façon
radicalement différente :
Le cerveau GAUCHE
Le cerveau DROIT
- Est le siège de l’imagination, de la création
- Gère la parole, l’abstraction
- Synthétise, il peut traiter plusieurs
- Est analytique et logique
informations en même temps
- Est sollicité dans les activités de langage
- Orienté vers une perception globale, il
privilégie les images, les schémas
Le cerveau gauche fonctionne donc beaucoup
Le cerveau droit quant à lui opère surtout à
en utilisant l’auditif.
partir du visuel.
La mémoire est « auditive » (ou verbale)
La mémoire est « visuelle » (ou imagée)
D’une manière générale, nous nous répartissons ainsi, à peu près par moitié, entre ceux à
dominante visuelle et ceux qui sont à dominante auditive. L’enseignant se doit d’être vigilant sur
le fait que pour comprendre et mémoriser, certains enfants seront plutôt « auditifs » alors que
d’autres plutôt « visuels ».
Chaque élève – mais également chaque enseignant – a des habitudes mentales pour être
attentif, pour apprendre, pour comprendre, pour réfléchir, pour mémoriser ou pour imaginer.
« Nous avons tous un mode privilégié d’utilisation des possibilités de notre cerveau ».18
17
18
Linda WILLIALS. Deux cerveaux pour apprendre : le gauche et le droit
Claude CHAMPAGNE. Mémoriser au cycle III
24
LIEURY insiste sur l’intérêt de donner des mots sous la forme la plus riche possible, c’est-àdire « audiovisuelle », pour que l’enfant connaisse à la fois la prononciation (grâce à l’utilisation
de sa mémoire auditive) et l’orthographe (sa mémoire visuelle). Cf. ANNEXE 4
Cependant, il existe un autre mode d’enregistrement. CHARCOT, éminent neurologue des
années quatre-vingt, évoque les « moteurs », terme qui sera repris par la suite par le pédagogue
Antoine de LA GARANDERIE. Ceux-ci font appel à la mémoire du geste (ou kinesthésique).
Cette mémoire joue également un rôle important dans les apprentissages, notamment au travers de
la mise en action ou par la manipulation de matériel. Elle intervient, par exemple, lors de séances
d’écriture, pendant lesquelles l’enfant s’exerce à écrire afin d’acquérir des automatismes – tout en
respectant un certain code d’écriture. Ainsi, pour dessiner les petites lettres rondes, comme le a ou
le o, il faut se rappeler que le crayon est posé sur le premier interligne (d’un cahier SEYES) et
qu’ensuite, je dois tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre pour fermer la boucle.
Mais attention ! A trop privilégier tel ou tel mode d’enregistrement, l’individu se retrouve
parfois bloqué dans la résolution d’un problème qui requiert la composante qu’il n’a pas
développée.
Je m’explique dans l’exemple ci-après tiré de ma pratique personnelle. L’apprentissage du
piano est un exemple concret d’activité relevant à la fois des trois modes de reconnaissance.
LEÇON DE PIANO
J’ai appris à jouer du piano étant petite et pratiqué pendant une dizaine
d’années. Et je me rends compte à l’heure actuelle que, si je veux à nouveau
jouer un morceau que je connaissais sur le bout des doigts – comme La sonate de
Beethoven, par exemple - et bien je rencontre quelques difficultés.
Je suis capable de jouer le début du morceau, par le souvenir de la gestuelle et
de la mélodie, mais une fois bloquée, sans recours à la partition, je suis perdue.
Me voilà, dix ans plus tard, à redécouvrir la partition, et notamment, le
déchiffrage des notes, en clé de fa et clé de sol…
Pendant longtemps, j’ai privilégié la dominante gestuelle et auditive essentiellement. Depuis
toute petite déjà, j’avais des difficultés en matière de reconnaissance des notes écrites sur la
partition, non pas pour celles de la clé de sol (pour la main droite) mais pour celles écrites en clé
25
de fa (pour la main gauche). Du coup, n’ayant jamais véritablement fait l’effort d’un apprentissage
assidu, je me suis adaptée et reposée sur les autres stratégies d’apprentissage.
De même, un pianiste qui privilégierait la dominante visuelle, en s’appuyant sur la lecture de
la partition, doit également développer les autres types de mémoires auditives (ex : être sensible à
la justesse des notes, à l’harmonie) et kinesthésique (ex : « les mains » ont enregistré leurs
déplacements sur le piano) au risque de voir apparaître des défaillances.
Ainsi, le bon pianiste est celui qui développe simultanément les trois dominantes
d’apprentissage, utilise et coordonne les deux hémisphères. Il connaît son morceau de musique
« sur le bout des doigts » : la lecture de sa partition, la mélodie et la gestuelle.
Par conséquent, il faut aussi travailler la stratégie pour laquelle on est le moins performant, et
non pas se reposer uniquement sur celle qui nous convient le mieux – car à un moment donné, elle
nous fera défaut.
Linda WILLIAMS ajoute que « le cerveau a deux hémisphères [mais constate que,
malheureusement] trop souvent, le système éducatif fonctionne comme s’il n’avait qu’un seul
hémisphère ».
d) La motivation – La pédagogie du projet
Certaines informations sont emmagasinées « passivement » alors que d’autres vont nécessiter
un investissement de l’individu, selon son projet personnel. « On ne retient que ce qui est utile,
intéressant pour soi et objet d’un projet en réutilisation »19.
L’enseignant doit tenter d’amener l’enfant à avoir un projet d’apprentissage à long terme :
Je ne sais pas
Je sais
Je m’approprie
J’expérimente
Je sais pour longtemps
J’ai un projet
Ça me semble important
Antoine de LA GARANDERIE parle de projet ou d’« imaginaire d’avenir » dans les gestes
mentaux. Il distingue cependant le projet de l’objectif.
L’objectif – donné par l’enseignant - est extérieur à l’élève et commun à la classe. C’est le but
à atteindre, évaluable, vérifiable objectivement. Tandis que le projet est complètement personnel et
fait appel à des stratégies mentales préalables pour atteindre l’objectif fixé. Pour un même objectif,
« effectuer une multiplication », par exemple, un enfant aura comme projet de
19
« faire une
BABIN. Programmes, projets, apprentissages pour l’école maternelle
26
opération » ou de « faire un dessin »…La notion de projet – dans ce cas - se rapproche de la notion
de stratégie de résolution (terme réservé aux mathématiques).
Néanmoins, pour un élève de l’école primaire, il est encore difficile de se projeter dans
l’avenir. En effet, nous savons que la motivation première de l’enfant sera d’abord de faire plaisir à
l’adulte, à son enseignant et surtout à ses parents.
e) L’attention
La notion d’attention intervient au niveau de la mémoire de travail. Elle est le maillon central
d'une chaîne :
BESOIN
INTERET
MOTIVATION
ATTENTION
CONCENTRATION
ORGANISATION
La notion est la condition préalable à l'enregistrement : sans attention, il n'y a pas de mémoire.
Le plus souvent, nous ne manquons pas de mémoire mais d'attention. Les enfants, et surtout les
plus jeunes, ont une capacité d'attention limitée (variable entre 10 à 15 minutes pour les plus
jeunes, et parfois jusqu’à 25 minutes pour leurs aînés).
Contrôler son attention implique que l'on passe d'une situation d'automatismes à une situation
d'intervention consciente et volontaire.
f) L’anxiété – le stress
La mémoire à long terme est gênée par l’anxiété, le stress ou un environnement perçu comme
menaçant.
Toutefois, il faut distinguer deux niveaux de stress : on parle de « stress positif » quand celuici motive, et de « stress négatif » quand, au contraire, il empêche de réaliser l’action souhaitée (par
exemple, la feuille blanche à l’examen). Dès lors, si l’état d’anxiété du sujet apprenant est trop
élevé, il ne sera pas dans de bonnes conditions pour apprendre et restituer.
3.2.
Les facteurs extérieurs (ou extrinsèques)
a) L’environnement
Peut-on apprendre ses leçons en écoutant de la musique ou en regardant la télévision ?
27
Les enfants le disent eux-mêmes (Cf. Partie 1) : « il est important que l’environnement soit
calme pour rester concentrer » et pour que la mémorisation ne soit pas parasité par des éléments
extérieurs qui n’auraient pas à être enregistrés. Comme la catastrophe du Journal de 20h qui
viendrait s’intercaler entre deux tables de multiplication, par exemple !
b) La tâche
Dans la réalisation d’une tâche, la mémorisation dépend de façon primordiale des objectifs.
L’élève doit savoir pourquoi il fait telle chose. La tâche doit donc avoir du sens. De même qu’elle
doit être raisonnable en terme de quantité. En effet, la surcharge nuit à la mémoire et ralentit
l’apprentissage. Au niveau temporel, si la même tâche est trop souvent répétée ou trop longue,
elle va vite manquer d’intérêt pour l’apprenant.
L’enseignant doit varier la présentation de la tâche. La première condition pour que nos élèves
retiennent ce que nous leur enseignons, c’est que le contenu de la séquence de présentation soit
clair et qu’elle soit conduite de façon active et vivante.
c) Les pauses – le sommeil
Les phases de repos entre l’apprentissage d’une notion et le rappel sont bénéfiques à la
mémorisation. En effet, c’est l’observation que l’on peut faire dans la vie quotidienne : on se
souvient mieux le matin d’un texte appris la veille au soir avant de s’endormir qu’on ne se
souvient le soir qu’un texte appris le matin.
Ce sont les activités de la journée, plus que le temps en lui-même qui est responsable de la
détérioration de la rétention.
L’enseignant, dans sa pratique, doit être vigilant par rapport à la motivation de
l’élève et à sa capacité à recevoir l’information. L’élève, de son côté, doit s’investir
au maximum pour garantir une véritable appropriation des savoirs.
« C’est la combinaison des deux paramètres qui expliquerait le fait qu’il existe
des inégalités face aux apprentissages, notamment dans le fait que certaines
retiennent mieux que d’autres »20.
20
BABIN, Programmes – Projets – Apprentissages…
28
L’enseignant, dans le cadre d’une pédagogie active, doit donc sans cesse
s’interroger sur les différentes composantes de la mémorisation pour savoir s’il ne
peut proposer pas des solutions adaptées à chaque élève.
PARTIE 3.
QUELLES SOLUTIONS PÉDAGOGIQUES POUR PERMETTRE UNE MEILLEURE
APPROPRIATION DES SAVOIRS ?
29
1. La place de la mémoire dans l'enseignement
Au début du XXè siècle, on ne connaissait peu de chose du cerveau et de son fonctionnement.
Pourtant, il y avait des résultats sur le plan scolaire. Les enfants apprenaient et retenaient. Mes
parents, par exemple, élèves dans les années soixante, se souviennent encore des différentes
préfectures ou chefs-lieux de tel ou tel département !
Nous savons que la pédagogie a évolué, notamment par rapport au statut de l’apprentissage
« par cœur » qui trouve ses limites dans son absence de sens. Elle a évolué également par les
différentes politiques du gouvernement. Ainsi, la Loi d’Orientation de 1989 – promue par Lionel
JOSPIN, Ministre de l’Education Nationale à l’époque, a tenté des réformes, notamment dans la
démocratisation de l’enseignement.
Cependant, la guerre du « par cœur » contre les pédagogies dites « innovantes » est plus que
jamais d’actualité quand, sans cesse, l’échec dans la scolarité d’un élève est systématiquement
expliqué par un problème de pédagogie ou d’autorité de l’enseignant…
2. Les méthodes actuelles de mémorisation
2.1. Apprendre en répétant (ou par le « par cœur »)
Pour MONTAIGNE, « Savoir par cœur n’est pas savoir : c’est tenir ce qu’on a donné en
garde à sa mémoire » (extrait des Essais). L’apprentissage par cœur est souvent dévalorisé, car il
est vu comme un apprentissage passif et bête comme dans la répétition du perroquet. Parfois la
répétition se fait sans compréhension, or de multiples expériences ont démontré que, le plus
souvent, la répétition était l’occasion d’une organisation de l’information.
Pour LIEURY, il faut revaloriser l’apprentissage par cœur, car celui-ci comprend plusieurs
composantes, une organisation et un rappel à court terme.
La répétition a toujours été considérée comme un facteur majeur de la mémorisation. Les
méthodes d’apprentissage témoignent du fait que cette idée est fort répandue dans le public. Cette
idée a un support scientifique incontestable ; la répétition joue un rôle important, on ne peut le
nier. Ainsi, l’auteur évoque le rôle de la vocalisation dans la mémoire. En effet, « si on supprime
la vocalisation [répétition à voix basse ou intériorisée], on constate une diminution importante de
la mémorisation »21.
Cependant, l’erreur serait de croire que c’est le facteur majeur, voire le seul facteur de
mémorisation.
21
LIEURY. Mémoire et réussite scolaire (p.21)
30
2.2. Apprendre par l’action
a) La manipulation
Comme dit DEWEY, « C’est en faisant qu’on apprend ».
C’est à force d’expérimentation, de pratique, d’entraînement, que l’on atteint une certaine
automatisation. La pratique, la manipulation ainsi que le retour sur l’action ont une incidence
importance sur l’appropriation d’un savoir, comme nous l’avons observé dans la Partie 1.
Le matériel disponible tient une place essentielle : il facilite la concrétisation de la notion
souvent abstraite. Par exemple, dans le cadre des mathématiques, les abaques ou les cubes de
couleur, sont utilisés pour la découverte de la quantité (ex : la dizaine, la centaine…)
b) Le jeu
Le jeu joue un rôle important dans les apprentissages, notamment par le plaisir que celui-ci
procure à l’élève. A la maternelle, l’essentiel des apprentissages passe par le jeu, mais bien
souvent, cet aspect ludique est délaissé au primaire.
Ci-dessous, l’exploitation de « cartes numériques » montre l’intérêt du jeu dans une phase de
réinvestissement de l’apprentissage des tables de multiplication (Cf. ANNEXES 5, 6 et 7)
Les tables de multiplication : JEUX DE CARTES
Dans le cadre de mon deuxième stage en responsabilité, en classe de CE2, j’ai
utilisé des « cartes ludiques », à partir desquelles les élèves ont pu réinvestir de
façon plus sympathique, leurs tables de multiplication qu’ils avaient appris pour
le coup « par cœur ».
Ceci a fait fureur ! Lorsque les enfants avaient terminé leur travail – et en
attendant que le reste de la classe ait fini- ils se précipitaient sur les jeux de
cartes. Ils ont même inventé même de nouvelles façons de les utiliser. Avec les
cartes, les enfants ont pu ainsi jouer à différents types de « Batailles »,
« Mémory » …
Chaque élève a dû retrouver mentalement le résultat des différents produits inscrits sur les
cartes, et en déduire si, par rapport aux adversaires, il avait un résultat inférieur ou supérieur.
31
Finalement, ce jeu a permis le réinvestissement de plusieurs compétences : calculer un
produit, comparer par rapport à d’autres produits, retrouver les différents écritures des produits
correspondant à un même résultat.
Il semble donc primordial de ne pas abandonner l’aspect ludique au primaire, et même audelà. Il est motivant pour les enfants d’apprendre en jouant.
Pourquoi alors ne pas utiliser et s’appuyer sur qui ce marche pour les plus petits (de la
maternelle) dans les classes supérieures ?
2.3. Apprendre par les images
Pour LIEURY, les images (ou dessins) sont plus efficaces en mémoire que les mots. Mais la
mémorisation des images n’est pas une simple visualisation dans une mémoire photographique,
comme beaucoup le pensent ; elle est le résultat de nombreux mécanismes, notamment
d’interprétation de l’image et de mise en correspondance avec un mot.
Néanmoins, pour une meilleure efficacité, l’image doit être complétée par le texte.
2.4. Apprendre par l’imagerie mentale
En E.P.S., surtout dans le milieu des sportifs de haut niveau, les psychomotriciens parlent de
« préparation mentale ». Les athlètes apprennent à mémoriser leur enchaînement d’actions
motrices. Ils sollicitent alors la mémoire du geste. Ceci entraîne des gains de performances
notoires.
Quel réinvestissement au niveau de l’enseignement ? En écriture, par exemple, l’élève qui fait
des lignes d’écriture s’entraîne en fait à réaliser telle ou telle lettre. Il visualise son geste – de façon
inconsciente. Cependant, en rendant cette visualisation mentale consciente – comme pour un
athlète – ne peut-on pas garantir des progrès au niveau de la calligraphie, de la graphie d’un mot ?
2.5. Apprendre en comprenant, simplement !
32
La compréhension est une démarche personnelle, extérieure au champ d’action de l’enseignant.
Cependant, faut-il apprendre pour comprendre ? Ou bien, comprendre pour apprendre ?
Personne ne doute que pour retenir et utiliser ce qu’on a appris, il faut d’abord le comprendre
et en percevoir le sens. En effet, la meilleure façon de mémoriser un texte, c’est d’essayer de bien
le comprendre.
Le « par cœur » a fait ses preuves, mais retenir est-ce seulement cela ? Parce que la
mémorisation est acte complexe, l’apprentissage par répétition ne peut suffire. Il revient donc à
l’enseignant de mettre en œuvre des techniques simples de mémorisation qui rendront beaucoup
plus efficaces l’enseignement qu’il dispense.
3. Vers de nouvelles méthodes : l’exemple de la « gestion mentale »
3.1 Qu’est-ce que la « gestion mentale » ?
Il est possible d’intégrer la gestion mentale complètement à la pratique pédagogique - et pas
uniquement comme outil de remédiation pour l’élève en difficulté – si on a le souci de donner leur
chance à un plus grand nombre d’élèves, quel que soit leur âge.
(Antoine de LA GARANDERIE)
LA GARANDERIE a posé les bases théoriques de la gestion mentale, ouvrant ainsi des portes
à la pédagogie. Il la définit comme étant « une proposition de pratique pédagogique visant à
gommer de nombreuses difficultés, en particulier de compréhension ». Ainsi, les activités relevant
de la gestion mentale seraient « des outils pour mieux réfléchir, pour mieux comprendre et pour
mieux retenir ».22
Voici ci-après différentes stratégies des élèves observées lors de la recherche d’un problème
de mathématiques.
Approche de la multiplication (CE2)
22
GENINET A. La gestion mentale en mathématiques
33
Problème : à partir d’un quadrillage, trouver le nombre total de carreaux.
Stratégie 1 : addition réitérées
Un élève compte le nombre de carreaux contenus dans une colonne et additionne
tant de fois pour chaque colonne du quadrillage, il obtient l’opération suivante :
4+4+4+4+4+4+4=?
= (((((4 + 4) + 4) + 4) + 4) + 4) + 4
= ((((8 + 4) + 4) + 4) + 4) + 4
= (((12 + 4) + 4) + 4) + 4
 7 étapes
= ((16 + 4) + 4) +4
= (20 + 4) + 4
= 24 + 4
= 28
Stratégie 2 : réinvestissement d’un résultat acquis antérieurement
Un autre élève compte le nombre de carreaux contenus dans une colonne et fait
des regroupements à partir de résultats connus ; ici : 4 + 4 = 8
= (4 + 4) + (4 + 4) + (4 + 4) + 4
= (8 + 8) + (8 + 4)
= 16 + 12
 4 étapes
= 28
Stratégie 3 : experte – résolution par multiplication
7 X 4 = 4 X 7 = 28
 1 étape
Il est important que l’élève perçoive la nécessité de l’acquisition de résultats mémorisés
antérieurement pour gagner en efficacité.
Même s’il n’en voit pas immédiatement l’utilité, l’élève peut comprendre qu’apprendre a un
intérêt. En effet, lors de la résolution d’un autre problème, il pourra faire appel aux notions déjà
mémorisées.
34
3.2.
Quelques techniques de gestion mentale
a) Les « images mentales »
¤ Les comptines numériques - jeux de doigts
Les comptines sont essentiellement utilisées en maternelle. Elles sont un excellent moyen de
faire travailler la mémoire chez les petits. Le plus souvent, la mémorisation repose sur des critères
phonologiques comme les assonances, les rimes…
Elles visent différents objectifs :
_ Pour le plaisir des mots ou des rimes
_ Pour le plaisir de dire sans se tromper
_ Pour désigner quelqu’un directement
_ Pour aborder les nombres et s’approprier l’aspect ordinal (les suites de nombres énumérés dans
l’ordre, les suites fractionnées de 1 en 1, de 2 en 2…)
_ Pour jouer avec les nombres et les mots (les nombres sont séparés par mots ou groupes de mots)
_ Pour aborder les quantités et s’approprier l’aspect cardinal du nombre (par les collections : jeux
de doigts, constellations…).
Voici deux exemples réalisés en maternelle, dans une classe de PS-MS, liés à différents
objectifs mathématiques.
L’objectif est ici la mémoire des QUANTITES.
Attention…
(Une main dans le dos)
Dans ma main, j’ai cinq doigts
(La main sort, doigts écartés)
En voici… 2 !
(Montrer les doigts)
En voici… 3 !
L’objectif est la mémoire des NOMBRES.
C’est la baleine qui tourne et vire
Autour de cinq petits navires
(Les deux mains en l’air)
(La main G doigts écartés)
Petit navire, prends garde à toi
Ou la baleine te mangera !
5, puis 4, puis 3…
(Un à un, les doigts se replient)
35
¤ Les moyens mnémotechniques
Le premier qui ait ébauché la mnémotechnique est, dit-on, SIMONIDE (un poète lyrique
grec du Vè siècle avant notre ère). Il a en effet observé que la mémoire est aidée par des « cases
bien marquées dans l’esprit ». Les moyens mnémotechniques sont des « procédés capables
d’aider la mise en mémoire par des associations mentales ».23
Par exemple, en Sciences, et plus particulièrement en Astronomie, on donne généralement aux
enfants des petites phrases pour retenir la position des planètes par rapport au Soleil.
Mercredi, Viendras-Tu Manger, Jean, Sur Une Nappe Propre ?
En reprenant l’initiale de chaque mot composant la phrase, l’élève retrouve l’initiale de la
planète correspondante. Il existe évidemment d’autres phrases permettant de retrouver l’ordre des
planètes. Ainsi, les neuf planètes gravitant autour du Soleil, de la plus proche à la plus éloignée
sont :
Mercure – Vénus – Terre – Mars – Jupiter – Saturne – Uranus – Neptune - Pluton
Toutefois, il est nécessaire que nos astrophysiciens n’ajoutent pas des planètes supplémentaires
à notre système solaire (comme SEDNA, KORE, VARUNA ou la planète X…), auquel cas, les
« petites astuces » actuelles ne marcheraient plus !
b) Les catégorisations
La catégorisation des éléments joue un rôle important dans la fixation en mémoire ; les
éléments sont accessibles par les catégories auxquelles ils appartiennent. Pour MANDLER (1967),
la mémorisation se fait par construction d’un réseau hiérarchique et intégration des éléments à
apprendre dans ce réseau.
Exemple : les situations d’apprentissages de listes mettent en évidence une activité
d’organisation des connaissances à apprendre consistant essentiellement en activités de
catégorisation, en fonction de critères de type sémantique, phonétique ou grammatical.
23
Dictionnaire. Petit Larousse en couleur. 1990
36
Si j’apprends les mots suivants : merle – canari – aigle – pie, je vais faire
appel à ma mémoire sémantique et catégoriser sous le nom « oiseau », ce qui fait
une unité à mémoriser au lieu de quatre.
Une des règles pour « mieux » mémoriser ne serait-elle pas d’amener chaque apprenant à
« décortiquer » l’information qu’il porte à sa mémoire pour qu’elle soit stockée avec le plus de
chemins possibles ?
La mémorisation sera d'autant meilleure que l'arborescence est développée. (Cf. ANNEXE 8)
« On pourrait comparer le cerveau à une bibliothèque dont les potentialités sont l’espace de
rayonnage : la mémoire, l’acte de mémoriser serait la capacité à organiser, à ranger les livres,
les connaissances que l’on choisit pour alimenter ces rayons »24.
Exemple : Mémoriser ma leçon d’histoire
Je dois retenir la leçon intitulée : « La bataille de Vercingétorix à Alésia en -52 »
De quelle façon vais-je enregistrer les différentes informations ?
- dans la catégorie « événement » ?
- dans la catégorie « personnage » ?
- dans la catégorie « lieu » ?
- dans la catégorie « date » ?
J’ai tout intérêt à enregistrer sous diverses formes possibles afin de garantir
un meilleur rappel : plus le nombre de chemins est important et plus j’ai de
chance de retrouver l’information.
L’organisation est le moteur de l’apprentissage.
Sur le plan pédagogique, il est très efficace d’apprendre une leçon en parties et sous-parties
bien organisées selon un plan « sémantique ». L’élève doit construire ses stratégies d’organisation.
3.3 Apprendre « en recontextualisant »
Le contexte dans lequel on apprend peut aider à se souvenir (lieu, horaire, circonstances…).
En effet, pour en avoir fait l’expérience aux différents examens passés au cours de ma scolarité, le
24
LIEURY. Mémoire et réussite scolaire
37
fait d’apprendre telle matière en tel endroit peut aider à fixer en mémoire. C’est en se souvenant
d’abord du lieu que l’on retrouve les informations apprises en ce lieu.
A l’inverse, il est possible de créer un contexte imaginaire : l'élève décide de placer telle
information dans tel lieu visuel représentant un lieu commun (la cuisine, la salle à manger…).
Par exemple, pour la mémorisation d'une poésie, je visualise ma maison. Celle-ci
représenterait la poésie. Je placerais la première strophe dans la cuisine, la seconde dans la salle à
manger, etc. Ainsi au moment du rappel, la « déambulation mentale » dans les diverses pièces
rappellerait l'information stockée.
4. L’évaluation de la mémoire ?
Est-il possible d’évaluer la mémoire ?
Il serait plus approprié de parler de « détection » de la mémoire. Nous avons pu constaté qu’il
est possible de savoir comment l’élève mémorise et donc, par là même, de mettre en évidence ses
stratégies de mémorisation. Cette évaluation « diagnostique » va permettre ensuite à l’enseignant
d’organiser sa pédagogie et de proposer des solutions adaptées aux élèves en vue d’améliorer
l’acquisition des savoirs.
A la fin des apprentissages, ce sont généralement les progrès qui sont évalués en terme de
savoirs « acquis » donc mémorisés, ou de savoirs « non acquis ».
La non-acquisition résulte cependant de deux causes : l’oubli ou le non enregistrement de
l’information. Dans le premier cas, l’enfant a effectivement mémorisé mais pas en mémoire à long
terme ; il a arrêté son apprentissage trop tôt. Dans le second cas, l’enfant est passé à côté de
l’information, il n’a pas du tout mis en mémoire.
A ce moment là, l’enseignant doit s’interroger sur sa pratique mais également sur les processus
de mémorisation de l’élève afin de lui proposer une remédiation, une aide adaptée.
38
CONCLUSION
L’école, lieu de mémoire
Cécile DELANNOY
Le processus de mémorisation est très impliqué dans la réussite scolaire, contrairement aux
conceptions dévalorisantes d’une « mémoire par cœur ». Elle doit retrouver son statut de faculté
précieuse et noble qu’on lui attribuait de l’Antiquité jusqu’à la Renaissance.
Toutefois, on ne doit pas penser la notion mémoire comme unique et homogène. Parce qu’il
s’agit d’une notion complexe et très diversifiée, le terme « les mémoires » est plus approprié. Il
existe effectivement différentes mémoires liées aux modes d’enregistrement sensoriel (visuel,
auditif et kinesthésique principalement). Chaque élève développe des capacités de mémorisation et
utilise certains types de mémoires sensorielles plutôt que d’autres.
Néanmoins, c’est l’utilisation de toutes les mémoires qui garantit une mise en mémoire
efficiente.
Dès lors qu’il est conscient des stratégies qu’il met en œuvre, l’élève peut augmenter son
potentiel de mémorisation et les optimiser. Seulement, en primaire, il est encore trop jeune pour
développer seul sa capacité de mémorisation car il a besoin de concret pour comprendre et donc
apprendre. C’est pourquoi l’enseignant doit être vigilant à « l’acte de mémoriser », étape
primordiale dans l’acquisition du savoir. Il peut alors aider l’élève à trouver ses stratégies par le
biais, notamment, de techniques – en particulier, les techniques de gestion mentales – et lui
permettre de s’approprier une méthode optimale de mémorisation à long terme.
L’une des finalités de l’enseignement est l’acquisition de notions dans les différentes matières.
Pour autant, n’est-ce pas en permettant à l’apprenant d’avoir un regard et une maîtrise de ses
processus cognitifs, et plus particulièrement mnésiques, qu’il pourra réinvestir ce savoir ? Ne
pourra-t-il pas dès lors être autonome par rapport à ses apprentissages ?
Comme, l’élève doit avoir un projet d’avenir pour emmagasiner correctement les
connaissances, l’enseignant doit également en avoir un. En portant une attention particulière à la
mémorisation de l’élève, l’enseignant participe de façon active à sa future citoyenneté.
39
BIBLIOGRAPHIE
Dictionnaire encyclopédique. ROBERT
Dictionnaire de la Langue Française. LAROUSSE – Lexis. 1993
Dictionnaire. Petit LAROUSSE en couleur. 1990
BABIN N., TERRIEUX J., PIERRE R., Programmes, projets, apprentissages pour l’école
maternelle. Hachette Education. 2002
BAUMARD M., « Mémoire et apprentissage, une histoire d’amour contrariée ». Le Monde de
l’Education. n°284. Septembre 2000
CHAMPAGNE C., HUVIER B., ROUMIEUX S., Mémoriser au cycle III : les clefs de la
mémoire. Les Pratiques de l’éducation. Nathan. 1995
C.N.E.D. sous la direction de GHIGLIONE R. et RICHARD J.-F., Cours de psychologie :
Origines et bases. 2003
DELANNOY C., Une mémoire pour apprendre. Hachette. 1994
ERMEL. Apprentissages numériques et résolution de problèmes - GS. Hatier
GARANDERIE A. (de LA), Pédagogie des moyens d’apprentissages.
GENINET A., La gestion mentale en mathématiques : Application de la 6° à 2de. Retz. 1993
LE PONCIN M., Gym Cerveau. Stock. 1987
LIEURY A., Mémoire et réussite scolaire. Dunod
40
M.E.N. Qu’apprend-on à l’école maternelle ?à l’école élémentaire ? CNDP. 2002
MOURET F., Conférence « Les bienfaits des activités physiques sur la santé ». Octobre 2001
PIAGET J., Psychologie du développement
VECCHI G. (de), Aider les élèves à apprendre. Hachette. 1992
WILLIAMS L., Deux cerveaux pour apprendre : le gauche et le droit. Les éditions d’organisation.
1986
ANNEXES
ANNEXE 1. 2
L’apprentissage de la lecture – F. HENRIAT
ANNEXE 3
Lecture : La reconnaissance globale du mot (jeu)
ANNEXE 4
La présentation audiovisuelle de l’information
ANNEXE 5
Séquence de mathématique : La multiplication (CE2)
ANNEXE 6
La table de Pythagore, outil construit avec les élèves
ANNEXE 7
Les cartes numériques (jeu)
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ANNEXE 8
Exemple de « hiérarchisation catégorielle »
ANNEXE 9
Le processus de mémorisation (dessins humoristiques)
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