Télécharger l`article au format PDF

Transcription

Télécharger l`article au format PDF
L’Encéphale (2012) 38, 310—317
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHIATRIE DE L’ENFANT
Étude factorielle des composantes
psychopathologiques de l’obésité sévère
chez l’adolescent
Factorial study of the psychopathological factors of morbid
obesity in the adolescent
J. Foucart a,∗,b, C. De Buck b, P. Verbanck a,c
a
Laboratoire de psychophysiologie du mouvement, FSM, faculté des sciences de la motricité, université libre de Bruxelles,
campus Erasme, bâtiment N CP 640, 808, route de Lennik, 1070 Bruxelles, Belgique
b
CMP Clairs-Vallons, Ottignies, Belgique
c
Service de psychiatrie, université libre de Bruxelles, CHU Brugmann, Bruxelles, Belgique
Reçu le 24 novembre 2010 ; accepté le 22 mars 2011
Disponible sur Internet le 30 août 2011
MOTS CLÉS
Obésité ;
Enfant ;
Adolescent ;
Psychopathologie
KEYWORDS
Obesity;
Adolescent;
Psychopathology
∗
Résumé Cette étude vise à évaluer à l’aide d’une analyse factorielle, les liens qui peuvent
exister entre les composantes psychologiques, psychopathologiques, certaines composantes
socio-développementales et la sévérité de l’obésité ainsi que la compliance au traitement dans
une population d’adolescents souffrant d’obésité sévère hospitalisée pour une perte pondérale.
Nos résultats ont mis en évidence qu’une plus grande sévérité de l’obésité s’associait à des facteurs d’environnement défavorisant (troubles mentaux dans la famille, carences, maltraitance)
et à la présence d’un profil psychopathologique. De plus, ces mêmes modalités étaient associées avec une compliance familiale et individuelle moins importante. Nous avons de ce fait,
discuté l’idée que l’obésité pourrait se concevoir comme ayant une fonction adaptative que ces
sujets auraient trouvé face aux expériences familiales traumatiques vécues. Mais si l’obésité a
une fonction adaptative, la perte pondérale aurait de ce fait des implications psychologiques
plus profondes, rendant sa prise en charge et son évolution plus complexes.
© L’Encéphale, Paris, 2011.
Summary
Background. — The prevalence of paediatric obesity is high in most countries. Added to this,
the degree of paediatric obesity is also on the rise. It is however to be noted that although
the psychological causes of the problem are well known, they remain difficult to assess. Facing
the great number of adolescents suffering from severe obesity, who are looking for treatment
and failing to find one, this survey aims at facts-finding and analyses of the psychological and
psychopathological origin and associated severity of obesity, and of the parameters that can
lead to a successful treatment.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J. Foucart).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.06.004
Étude factorielle des composantes psychopathologiques de l’obésité sévère
311
Methods. — This survey has been carried out among 125 adolescents suffering from grade
2 obesity. To lose weight, the adolescents were treated during 1 year at the boarding dietary
department of the ‘‘Institut Médical Pédiatrique Clairs-Vallons’’ in Belgium. The evaluation
consists in a type CFTMEA-R-2000 psychopathological diagnosis including previous traumatic
factors, taking into consideration the information regarding weight, weight evolution over one
year and a quality assessment of the compliance of the patient with the treatment. These data
have been submitted to the SPADN statistical program in order to carry out an analysis taking
into account the various connections.
Results. — Our results have underlined that the severity of the obesity in our population can be
coupled with pathological family environment factors such as mental illness, care deficiencies,
child abuse and, as a result, the presence of a psychopathological diagnosis. The same can be
said in cases of lesser compliance with the treatment by the patient and his family, although in
the short term the weight loss is greater. Likewise, a less severe obesity and a better compliance
with the treatment can be coupled with the absence of both psychopathological diagnosis and
pathological family environment.
Conclusion. — In our sample population, the psychological and psychopathological factors tend
to be linked with a more severe obesity, and less good compliance with the treatment on both
individual and family accounts. As a result, obesity could be considered as a way for the patient
to adapt him/herself or compensate in front of traumatic family experiences. The isolation from
the family seems therefore indispensable for any change in the adolescent, but then raises the
problem of long term care after hospitalisation. If obesity is an adaptation process, the loss of
weight could then have deeper psychological implications, implying a more complex follow-up
of the patient.
© L’Encéphale, Paris, 2011.
Introduction
Actuellement, l’obésité pédiatrique est largement répandue
tant dans les pays développés qu’en voie de développement [20]. Mais au-delà de cette pandémie, c’est également
l’augmentation de la sévérité de l’obésité qui apparaît
inquiétante [21]. Peu de chiffres sont néanmoins disponibles pour évaluer le nombre de jeunes sujets touchés par
l’obésité sévère. De très nombreux facteurs biologiques,
culturels, sociaux et environnementaux et psychologiques
seraient impliqués dans la vulnérabilité, le développement
et le maintien de cette pathologie [3]. Dans les situations cliniques, il est de fait nécessaire de considérer l’ensemble de
ces facteurs tant dans la détermination objective que dans
le développement des aspects psychopathologiques spécifiques à l’enfant obèse. La complexité de la sommation de
ces différentes variables amène les études à s’accorder sur
le fait qu’il n’existe pas une mais des obésités tant au niveau
clinique qu’au niveau du profil évolutif que des comorbidités
[1]. Il y a lieu néanmoins de s’interroger sur un lien possible entre le profil psychologique de l’obésité et le degré
de sévérité de celle-ci chez l’adolescent.
La souffrance psychologique des jeunes sujets obèses
est fréquemment reconnue par les auteurs et apparaît, en
effet, selon différentes études d’autant plus importante
lorsque l’obésité est sévère [25]. La souffrance concomitante à l’obésité est fréquemment décrite comme en lien
avec l’importance de la stigmatisation, du manque d’estime
de soi et de l’insatisfaction corporelle de ces jeunes sujets.
Les auteurs mettent en évidence que les facteurs psychologiques les plus compromis concernent l’image du corps,
l’estime de soi et le bien-être psychologique [25]. Différentes études [12,15] soulignent dès lors que la sévérité
de l’obésité est liée à une plus grande souffrance psychologique mais aussi à une plus grande occurrence de
troubles psychopathologiques. D’autres auteurs ont tenté
également de comprendre, outre la souffrance secondaire
à l’obésité, la dynamique psychique dans laquelle s’inscrit
l’obésité sévère [7,9,11]. Ces auteurs développent l’idée de
l’existence d’une problématique identitaire chez certains
sujets obèses. Cette hypothèse d’une fonction adaptive de
l’obésité a été développée largement, dans un premier
temps par Hilde Bruch [4] sur la base de ses observations
de jeunes obèses et anorexiques en psychothérapie. Elle
définit l’obésité comme un trouble de l’image du corps faisant suite à des perturbations de la perception intéroceptive
en dénonçant les premières expériences interactionnelles
de la mère et de son enfant et son influence sur le développement de la personnalité. Dumet [11] parle, quant à
elle, de l’obésité comme d’une pathologie psychosomatique
où l’hyperphagie et le fait de manger figurent la composante somatique de l’introjection et traduit une élaboration
psychique objectale défaillante. Sous les problématiques
d’hyperphagie, il peut s’agir, selon elle, dans certains cas,
de vécus psychosomatiques antérieurs en attente de subjectivation et d’historicisation. L’hyperphagie serait au service
de la subjectivation qui ne peut se faire que par la voie
où est advenu le traumatisme initial à savoir la voie charnelle. À défaut de ressources psychiques suffisantes, le
conflit s’exprimerait, dans cette conception décrite également par d’autres auteurs, principalement au niveau du
corps [8,16]. Corps qui lui-même apparaît, en effet, dans
de nombreux cas, comme malmené depuis le plus jeune
âge de l’enfant. En effet, il a été mis en évidence que la
présence de violence physique, sexuelle ou verbale augmente le risque d’obésité juvénile ainsi que sa sévérité
312
[2,18,26]. Ces théories décrivent donc une obésité spécifique où l’aspect hyperphagique prédomine or l’obésité ne
peut se limiter à la considération de la présence d’un trouble
hyperphagique. Tous les auteurs s’accordent à cet égard
de considérer qu’il n’existe pas une mais des obésités ; y
aurait-il dès lors une spécificité d’un certain type d’obésité ?
Nous nous interrogeons dès lors sur ces obésités sévères
et sur leur possible spécificité au niveau de la dynamique
psychologique.
Afin d’améliorer notre compréhension de cette problématique et sa prise en charge, nous avons étudié, à l’aide
d’une analyse factorielle, les liens qui pouvaient exister
entre les composantes psychologiques, psychopathologiques
et certains composantes socio-développementales et la
sévérité de l’obésité du sujet ainsi que sa compliance au
traitement.
Sujets et méthode
Sélection des sujets
L’étude concerne l’ensemble des adolescents obèses hospitalisés au centre médical pédiatrique de Clairs-Vallons à
Ottignies sur cinq années scolaires (septembre 2003 à septembre 2008). La durée prévue de l’hospitalisation s’étend
sur une année scolaire. L’hospitalisation est initiée par
une prescription médicale et a comme objectifs en outre,
le contrôle du poids, la prévention et le traitement des
complications liées à l’obésité mais aussi une amélioration de la qualité de vie et ce, à travers la compréhension
des mécanismes ayant entraîné les troubles alimentaires.
Tous les sujets sont soumis au même protocole thérapeutique, à savoir une prise en charge pluridisciplinaire de
l’obésité incluant entretiens médicaux, diététiques (individuels et familiaux), kinésithérapeutiques, psychologiques
individuels et familiaux, sociaux si nécessaire et travail éducatif.
Critères d’inclusion
Nos critères d’inclusion sont intimement liés aux critères
d’admission de l’institution. Afin de répondre à ces critères
d’admission et en accord avec la définition de l’obésité
infantile sévère [6], nos sujets ont un IMC supérieur au
percentile 97 (courbe IOTF 25). Ils sont issus de toutes
les régions de la Belgique francophone mais doivent être
adressés par le médecin traitant ou le pédiatre traitant, les
centres médicaux scolaires ou un médecin des services hospitaliers ambulatoires où la prise en charge de l’obésité s’est
soldée par un échec. Le seul critère de sélection qui nous
soit propre concerne l’âge des sujets, à savoir des adolescents souffrant d’obésité sévère. Nous avons, de ce fait,
sélectionnés les sujets âgés de 12 à 18 ans hospitalisés de
septembre 2003 à septembre 2008 (durée de notre étude) et
ayant accepté de participer à l’étude. Cent soixante-quatre
sujets étaient hospitalisés durant cette période, 125 ont
accepté de participer à l’étude. Notre étude porte donc sur
ces 125 sujets.
J. Foucart et al.
Critères d’exclusion
Tous les enfants souffrant d’obésité secondaire résultant
d’un traitement ou d’une maladie, qu’elle soit endocrinienne, neurologique ou génétique, ont été exclus de
l’étude. De plus, aucun des sujets n’a été soumis durant
ou avant son hospitalisation à un traitement médical ou chirurgical ayant pour objectif une perte de poids. Aucun des
sujets hospitalisés durant cette période ne rentrait dans
ce critère. Notre étude a donc porté sur l’ensemble des
125 sujets ayant accepté l’étude.
Outils méthodologiques
Pour mettre en évidence les liaisons que peuvent receler
nos données, nous avons réalisé une « analyse factorielle
des correspondances multiples » (AFCM) à l’aide du logiciel
Système portable pour l’analyse des données numériques
(SPADN) version 7.0.
Afin de pouvoir répondre à nos hypothèses, nous nous
sommes focalisés dans cette approche multivariée sur
l’étude plus spécifique de quelques variables.
Variables étudiées
Variables dépendantes ou actives :
• IMC relatif à l’entrée des sujets : cette variable évalue
le pourcentage d’excès de poids à l’entrée des sujets en
tenant compte de l’âge de l’enfant1 ;
• compliance individuelle et familiale au traitement :
n’ayant trouvé aucun outil de compliance au traitement
de l’obésité validé, cette évaluation est qualitative et
est réalisée par l’ensemble de l’équipe thérapeutique.
Les critères qui sont pris en compte pour l’évaluation
sont l’application et le respect des consignes diététiques
données. L’évaluation comporte cinq niveaux allant de
« inexistant » à « très bon ». Elle est réalisée de manière
indépendante pour le sujet et pour sa famille ;
• évolution pondérale au sein du séjour : cette variable
correspond à une variable recalculée sur base de la différence entre l’IMC relatif d’entrée et l’IMC relatif de
sortie et ce, en tenant compte du nombre de jours
d’hospitalisation ;
• le quotient intellectuel de l’enfant : le quotient intellectuel a été évalué à l’aide des échelles de Weschler et a
été encodé en tenant compte des catégories préétablies
en vigueur dans les échelles de Weschler :
◦ QI ≤ 70 : QI retard mental,
◦ 70 > QI ≤ 85 : QI limite,
◦ 85 > QI ≤ 100 : QI moyen inférieur,
◦ 100 > QI ≤ 115 : QI moyen supérieur,
◦ 115 > QI ≤ 130 : QI supérieur,
◦ QI > 130 : QI très supérieur ;
1 Afin de tenir compte de la variation de l’IMC liée à l’âge, l’IMC
relatif est utilisé. Il se définit comme étant l’IMC rapporté à l’IMC
du percentile 50 pour un enfant du même âge et du même sexe. Ce
rapport est multiplié par 100 et s’exprime en pourcentage.
Étude factorielle des composantes psychopathologiques de l’obésité sévère
Tableau 1
Résultats : statistiques descriptives.
Mesures à
l’entrée
(n = 125)
Moyenne
(écart-type)
Minimum
Maximum
Poids (kg)
Taille (cm)
IMC2
IMC relatif
105,0
165,3
38,5
198,4
67,0
140,0
27,7
140,8
172,2
187,0
58,4
307,6
(21,0)
(7,7)
(6,0)
(31,9)
• diagnostic psychiatrique selon la CFTMEA-R-2000 : axe
1 et axe 2. Ces variables ont été sélectionnées afin
d’évaluer l’influence des facteurs familiaux tant en
termes d’antécédents familiaux d’obésité qu’en termes
de pathologies mentales familiales auxquelles le jeune
aurait été soumis.
Résultats
Statistiques descriptives
Notre étude a porté sur cinq années scolaires (de septembre
2003 à septembre 2008), elle concerne 125 sujets (85 filles
contre 40 garçons) qui correspond à l’ensemble des sujets
ayant accepté de participer à l’étude, aucun n’a dû être
exclu de l’étude. Ils ont une moyenne d’âge de 14,21 (±1,56)
avec un minimum de 12 ans et un maximum de 18 ans. La
durée moyenne du séjour des enfants est de 338 jours, ce
qui correspond à une année scolaire. Les données d’entrée
sont présentées dans le Tableau 1.
Le poids moyen des sujets à l’entrée est de 105 kg pour
1 m 65. Cette donnée est peu significative puisqu’il s’agit de
sujets en croissance. Il faut donc s’intéresser à l’IMC relatif
qui tient compte des différences d’âge sur base des courbes
de poids. On note que l’IMC relatif moyen est de 198,4 %.
Ce résultat souligne la sévérité de l’obésité de notre population.
Statistiques factorielles
En tenant compte du critère de Keiser2 , nous n’avons étudié
que le 1◦ axe de l’analyse factorielle qui se réfère à 9,24 %
de la variance expliquée. Les résultats fournis par l’AFCM
concernant la construction de cet axe met en évidence les
modalités qui s’opposent. Elles sont significatives dans sa
construction (Fig. 1).
La figure indique les contributions de chaque modalité
dans la construction des axes ainsi que les coordonnées
de chaque modalité sur l’axe. Pour chaque modalité, nous
avons colorié en vert pour chaque axe, les cases qui correspondent aux modalités qui présentent une contribution
supérieure ou égale à la moyenne générale, à savoir 2,38 % et
2 Le critère de Keiser consiste à ne prendre en considération que
les axes dont les valeurs propres (pourcentage de la variance expliquée) sont supérieures à 1/p où p désigne le nombre de variables
pris en considération. Dans notre cas possédant 12 variables, il s’agit
des valeurs supérieures à 1/12 = 8,33%.
313
qui sont donc, significatives. Possédant 42 modalités, en cas
d’égalité de contribution, chaque modalité devrait intervenir, en effet, pour 100/42, soit 2,38 %. Ensuite, nous nous
sommes référés à leurs coordonnées sur l’axe en indiquant
en rouge celles qui étaient les plus hautes à la droite de
l’axe 1 et en bleu celles qui étaient les plus basses à savoir
à la gauche de l’axe 1. Nous avons donc en rouge les modalités qui s’opposent aux modalités en bleu permettant dès
lors de retrouver deux groupes dans notre population.
Les résultats fournis par l’AFCM concernant la construction des axes mettent donc en évidence que les modalités
qui fournissent les plus grandes contributions dans la
construction des axes en s’opposant sont respectivement et
classées en fonction de leur contribution pour l’axe 1.
Du côté négatif de l’axe 1
Du côté positif de l’axe 1
Absence de troubles
mentaux chez les parents
(7,11)
Compliance familiale très
bonne (4,45)
Absence de carence (3,86)
Pas de compliance familiale
(7,64) Carences (6,63)
QI supérieur (3,77)
IMC entrée moyen inférieur
(3,69)
L’absence de contexte
familial particulier (3,17)
L’absence de diagnostic
(2,78)
L’absence de rupture de
lien (2,77)
Pathologie névrotique
(2,52)
Mauvais traitement (6,26)
Compliance individuelle
faible (4,94)
Évolution IMC données
manquantes (4,30)
IMC entrée supérieur (3,99)
Troubles mentaux familiaux
(3,47)
Rupture de lien (3,00)
Pas de compliance
individuelle (2,6)
Discussion
Cette étude porte sur une population d’adolescents souffrant d’obésité sévère hospitalisés pour une perte de poids
au centre médical pédiatrique de Clairs-Vallons. Le choix
d’une population d’adolescents obèses sévères qui est hospitalisée dans une institution pour une perte de poids est
un élément spécifique de notre population et se doit d’être
considérée dans l’interprétation de nos données en considérant l’impossibilité de généraliser de tels résultats à
la population obèse en général. Néanmoins, il est important de considérer que lorsqu’on travaille avec des sujets
souffrant d’une pathologie, le choix d’une population clinique s’impose très fréquemment en raison de l’accessibilité
à un plus grand nombre de sujets. Par ailleurs, il nous
faut relever qu’en ce qui concerne la population obèse
pédiatrique, ceux qui cherchent un traitement sont plus
sévèrement obèses que ceux qui ne le font pas [23]. Or
notre intérêt se porte tout particulièrement sur ces jeunes
dont l’obésité est majeure, il est donc très probable qu’ils
aient déjà ou font appel à une prise en charge et plus
spécifiquement à une prise en charge résidentielle en ce
qu’elle s’adresse tout particulièrement aux jeunes souffrant
d’obésité sévère.
314
J. Foucart et al.
Coordonnées et contributions des modalités actives
Poids
relatif
(en %)
Libellé
Carré de
Axe 2 :
Axe 1 : Axe 2 :
la
Axe 1 :
distance Coordonn Contribut Coordonné Contributio
ns
es
ions
à
ées
l'origine
QI
QI débilité
QI limite
QI moyen inférieur
QI moyen supérieur
QI supérieur
0,80
1,53
3,00
2,53
0,47
9,42
4,43
1,78
2,29
16,86
0,68
0,56
0,03
-0,34
-1,37
1,62
2,10
0,01
1,30
3,77
1,05
-1,14
0,08
0,27
-0,06
5,57
12,44
0,11
1,20
0,01
Pathologie réactionnelle
0,40
1,40
6,13
0,13
19,83
4,95
0,36
61,50
-1,27
-0,64
0,29
-1,07
2,78
2,52
2,23
0,66
-0,13
0,12
0,02
-3,59
0,04
0,12
0,02
10,78
*Réponse manquante*
0,267
30,25
-0,84
0,82
0,88
1,29
3,80
1,19
0,08
0,11
0,04
0,03
4,40
0,89
-0,01
0,00
-0,06
0,11
2,60
1,17
2,30
4,94
-0,19
0,26
0,64
-0,78
8,91
0,17
0,25
1,27
1,12
0,66
3,80
7,64
0,31
0,62
1,86
-0,37
1,75
0,18
0,17
0,44
2,29
-0,27
0,97
4,45
0,80
2,96
Diagnostic
Absence de diagnostic
Pathologie névrotique
Pathologie limite
FACTEURS
ENVIRONNEMENTA
UX
Absence de facteur
environnemental
Présence de facteurs
environnementaux
COMPLIANCE INDIVIDUELLE AU REGIME PROPOSE
Pas de compliance
0,27
30,25
1,50
individuelle
Compliance individuelle
1,13
6,35
1,00
faible
Compliance individuelle
2,33
2,57
-0,25
moyenne
Compliance individuelle
3,20
1,60
-0,11
bonne
Compliance individuelle
1,40
4,95
-0,43
très bonne
COMPLIANCE FAMILIALE AU REGIME PROPOSE
Pas de compliance
1,00
7,33
1,33
familiale
Compliance familiale
2,00
3,17
0,46
faible
Compliance familiale
2,47
2,38
-0,13
moyenne
Compliance familiale
2,13
2,90
-0,50
bonne
Compliance familiale très
0,73
10,36
-1,18
bonne
TROUBLES MENTAUX
FAMILIAUX
Troubles mentaux
familiaux
Absence de trouble mental
familial
CARENCES
Carences
Pas de carence
MAUVAIS
TRAITEMENTS
Mauvais traitements
Pas de mauvais
traitement
Figure 1
5,60
0,49
0,38
3,47
-0,08
0,22
2,73
2,05
-0,78
7,11
0,16
0,45
3,07
5,27
1,72
0,58
0,71
-0,41
6,63
3,86
0,04
-0,02
0,03
0,02
1,53
4,43
0,97
6,26
-0,24
0,58
6,80
0,22
-0,22
1,41
0,06
0,13
Coordonnées et contributions des modalités actives.
Étude factorielle des composantes psychopathologiques de l’obésité sévère
RUPTURE DU LIEN
Rupture du lien
Pas de rupture du lien
CONTEXTE FAMILIAL
PARTICULIER
Contexte familial
particulier
Pas de contexte familial
particulier
BMI D’ENTREE
BMI entrée inférieur
BMI entrée moyen
inférieur
BMI entrée moyen
supérieur
BMI entrée supérieur
315
4,00
4,33
1,08
0,92
0,42
-0,38
3,00
2,77
-0,25
0,23
1,56
1,44
5,87
0,42
0,23
1,33
-0,18
1,15
2,47
2,38
-0,54
3,17
0,42
2,74
1,07
6,81
-0,10
0,05
0,07
0,04
3,80
1,19
-0,47
3,69
-0,40
3,90
2,20
2,79
0,38
1,34
0,01
0,00
1,27
5,58
0,85
3,99
1,12
10,06
0,67
11,50
-0,43
0,54
-1,28
6,89
3,73
1,23
-0,03
0,01
0,09
0,20
2,60
2,21
-0,16
0,28
-0,40
2,59
1,07
6,81
0,28
0,37
1,31
11,55
0,27
30,25
1,93
4,30
0,55
0,51
EVOLUTION DU BMI
Evolution du BMI inférieur
Evolution du BMI moyen
inférieur
Evolution du BMI moyen
supérieur
Evolution du BMI
supérieure
*Réponse manquante*
Figure 1
Nos résultats soulignent que pour un certain nombre
de nos sujets, on retrouve une homogénéité du profil.
Les sujets ayant un environnement marqué par l’absence
de facteurs environnants péjoratifs à savoir : absence de
trouble mental familial, de carence, de contexte sociofamilial particulier, de rupture de lien sont ceux qui ont une
absence de diagnostic psychopathologique ou un diagnostic de type névrotique tout en ayant un QI supérieur ; ils
sont ceux qui présentent un IMC moyen d’entrée inférieur
et dont la famille se montre très compliante au traitement. De manière opposée, les sujets qui cumulent les
facteurs d’environnement négatifs tels que les carences,
les mauvais traitements, les troubles mentaux familiaux,
les ruptures de lien sont ceux qui possèdent un IMC
d’entrée supérieur, ont une compliance individuelle faible
et une compliance familiale inexistante. On retrouve également chez ces sujets, des données manquantes au niveau
de l’évolution de l’IMC. Cela s’explique par le fait que
ce sont ces sujets qui fréquemment ne terminent pas
l’hospitalisation dans les délais et ont, au contraire, des
départs inopinés ne nous permettant pas d’avoir leur exact
IMC de sortie. Nos résultats mettent donc en évidence
une association entre différents facteurs d’environnement
péjoratif et un IMC d’entrée supérieur et donc avec la
sévérité de l’obésité de nos sujets. De nombreuses études
évoquant ou portant sur l’environnement familial du sujet
obèse décrivent ce lien entre obésité et familles dysfonctionnelles [9,13,14]. Les carences environnementales, la
maltraitance physique ou sexuelle, la négligence physique
ont été pointées comme des facteurs favorisant le développement de l’obésité pédiatrique tel qu’on la retrouve
dans une partie de notre population. Mais ces études ne
font pas intervenir le facteur de sévérité de l’obésité.
(Suite ).
Une étude portant spécifiquement sur l’abus sexuel durant
l’enfance évoque, néanmoins, ce lien entre sévérité de
l’obésité et occurrence d’abus sexuel durant l’enfance [19].
Cette étude est intéressante à plusieurs points de vue.
Premièrement, tel que nous l’avons dit, elle lie sévérité
de l’obésité et abus sexuel mais parallèlement, elle lie
la présence d’abus sexuel avec la compliance au traitement ajoutant que ce sont ces sujets-là qui sont les moins
compliants. Les auteurs expliquent ces liaisons par plusieurs facteurs : le premier concerne la présence chez les
sujets les plus sévèrement obèses d’un trouble alimentaire
de type binge eating justifiant qu’ils soient les plus sévèrement touchés par l’obésité. Ils tendent à expliquer la
moindre compliance au traitement des sujets en parlant
de leur obésité comme une fonction adaptative que les
sujets auraient trouvé face au traumatisme vécu. La perte
pondérale aurait donc des implications psychologiques plus
profondes la rendant plus problématique. Mais ici, c’est la
sévérité de l’obésité à l’âge adulte qui est considérée et non
durant l’adolescence, rendant les comparaisons avec notre
étude plus fortuites.
Nous pouvons donc dire que l’absence de facteur
d’environnement défaillant s’accompagne d’une moindre
sévérité de l’obésité chez nos sujets alors que parallèlement la présence de ces facteurs s’associe à une plus
grande sévérité de l’obésité. De plus, nos résultats ont également évoqué le lien entre ces facteurs d’environnement
non défaillant et une bonne compliance familiale au traitement. Dans la continuité du profil familial décrit, on observe
une moindre compliance familiale au traitement chez nos
sujets dont l’environnement était décrit par ailleurs comme
défaillant. Cet environnement continue donc à être peu soutenant pour le sujet durant son processus de perte de poids.
316
Cela nous amène d’autant plus à nous interroger sur la possibilité pour ces sujets en dehors de l’hospitalisation de
garder la perte pondérale acquise. Or, nous ne possédons pas
d’informations à ce sujet. Nous pouvons, néanmoins, avancer l’idée qu’étant dépendant de leur environnement, vu
leur âge, à leur retour à domicile, il leur sera plus difficile de
maintenir la perte de poids et ce, en raison de l’absence de
modification des habitudes familiales. Une reprise pondérale
est décrite par Christoffel et Forsyth [5] au sujet des enfants
obèses qui regagnent leur milieu familial d’origine désorganisé après une perte pondérale. De plus, nos résultats
suggèrent qu’en plus d’une compliance familiale réduite,
la compliance individuelle est également faible. Cela nous
incite à reprendre les explications fournies par Gustafson
et Sarwer [19] qui parlent, pour les adultes de fonction
adaptative de l’obésité dans l’économie psychique du sujet
rendant sa prise en charge plus difficile. Cela nous renvoie
à la description de l’obésité de développement de l’enfant.
Décrite comme une obésité d’apparition précoce, elle prendrait place dans le cadre d’un trouble réel de la personnalité
où l’obésité apparue précocement est devenue un mode de
fonctionnement indispensable au maintien de l’identité du
patient [10]. De ce fait et de par son développement dans
un système familial où le changement est évité, ces obésités
seraient plus rétives au changement [24].
En considérant les données portant sur le QI, nous
avons observé que l’axe factoriel tend à départager, voir
même grader, cette variable. Les QI les plus élevés se
trouvent le plus à gauche de l’axe et les plus faibles à
droite. Ces résultats peuvent être mis en lien avec plusieurs
domaines dont le premier concerne la dimension affective. Dans le paragraphe précédent, nous avons parlé de
l’absence de diagnostic ou de pathologie névrotique chez les
sujets ayant le moins de caractéristiques environnementales
défaillantes. Si l’on considère les liens entre l’affectivité et
le cognitif décrits par Golse et Marcelli et al. [17,22], il est
aisé de comprendre qu’un environnement affectif stable ne
représente pas une entrave au développement intellectuel
et est également moins générateur de psychopathologie.
Conclusion
Nous avons réalisé une étude qui tente de mettre en
évidence, à l’aide d’une analyse factorielle, les associations pouvant exister entre la sévérité de l’obésité chez
l’adolescent et la présence de facteurs psychosociaux défavorables et de facteurs psychopathologiques ainsi qu’avec
la compliance au traitement. Nous avons observé qu’une
plus grande sévérité de l’obésité s’associait à des facteurs environnementaux défavorisant et à une compliance
familiale et individuelle moins importante. Ces différents
résultats nous ont amenés, tout en envisageant la difficulté
de généraliser nos résultats à l’ensemble de la population
obèse adolescente, à considérer que l’obésité sévère chez
l’adolescent se doit d’être reconceptualisée en envisageant
la place, bien entendu des comobordités somatiques, mais
également en s’interrogeant sur sa place et son développement dans une économie psychique spécifique en lien
avec la présence de facteurs d’environnement délétères.
Nos résultats ont en effet, permis d’appuyer à l’aide de
résultats expérimentaux l’hypothèse clinique selon laquelle
J. Foucart et al.
l’obésité sévère prendrait place dans un trouble réel de la
personnalité où l’obésité apparue précocement est devenue un mode de fonctionnement indispensable au maintien
de l’identité du patient ce qui expliquerait sa difficulté à
établir une bonne compliance au traitement. Il s’agirait,
dès lors, face à cette nouvelle perspective d’envisager la
prise en charge de l’adolescent sévèrement obèse comme
une prise en charge complexe et nécessairement pluridisciplinaire. Ce qui à l’heure actuelle, bien qu’apparaissant être
une évidence clinique pour les personnes de terrain relève
plus de la fiction dans la pratique.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Références
[1] Archambaud MP. L’obésité. In: Alvin P, Marcelli D, editors.
Médecine de l’adolescence. Paris: Masson; 2000. p. 158—62.
[2] Ayad FM. Psychological factors contributing to the development of obesity and the conditions that must be treated
preoperatively. In: Martin LF, ed. Obesity Surgery. New York:
McGraw Hill Medical Publishing Division, 2004: 67—93.
[3] Basdevant A, Guy-Grand B. Médecine de l’obésité. Paris: Ed.
Flammarion Médecine-Sciences; 2004.
[4] Bruch H. Les yeux et le ventre (1973). Paris: Payot & Rivage;
1994.
[5] Christoffel KK, Forsyth BW. Mirror image of environmental
deprivation: severe chidhood of psychoscial origin. Child Abuse
Negl 1989;13(2):249—56.
[6] Cole TJ, Bellizi MC, Flegal KM, et al. Establishing a standard
definition for child overweight and obesity worldwide: international survey. Br Med J 2000;6:1240—3.
[7] Corcos M, Atger F, Jeammet P. Évolution des approches
compréhensives des troubles des conduites alimentaires. Ann
Med Psychol 2003;161:621—9.
[8] Corcos M. Le corps insoumis : psychopathologie des troubles
des conduites alimentaires. Paris: Dunod; 2005.
[9] Dreyer LM, Egan MA. Psychosocial functioning and its impact on
implementing behavioural interventions for childhood obesity.
Prog Pediatr Cardiol 2008;25(2):159—66.
[10] Dreyfus M. Abord psychologique de l’obésité de l’enfant et
de l’adolescent dans une consultation pluridisciplinaire. Ann
Pediatr 1993;40(5):305—12.
[11] Dumet N. J’engloutis, je vis, je suis : de l’hyperphagie à la
subjectivation. Cah Psychol Clin 2006:70—81.
[12] Eisenberg ME, Neumark-Sztainer D, Story M. Association of
weight based teasing and emotional well-being among adolescents. Arch Pediatr Adolesc Med 2003;157(8):733—8.
[13] Epstein H, Valoski A, Wing RR, et al. Ten-year outcomes of behavioral family-based treatment for childhood obesity. Health
Psychol 1994;13:373—83.
[14] Favaro A, Santonastaso P. Effects of parents’psychological
characteristics and eating behaviour on child obesity
and dietary compliance. J Psychosom Res 1995;39(2):
145—51.
[15] Friedlander SL, Larkin EK, Rosen CL, et al. Decreased quality of life associated with obesity in schoolaged children. Arch Pediatr Adolesc Med 2003;157(12):
1206—11.
Étude factorielle des composantes psychopathologiques de l’obésité sévère
[16] Gonthier G. Comportement alimentaire et dynamique psychique chez l’adolescent obèse. Neuropsychiatr Enfance
1981;29(10):519—26.
[17] Golse B. Le développement affectif et intellectuel : compléments sur l’émergence du langage. 4th Ed. Issy-les-Moulineaux:
Masson; 2008.
[18] Grilo CM, Masheb RM, Brody M, et al. Childhood maltreatment
in extremely obese male and female bariatric surgery candidates. Obes Res 2005;13:320—5.
[19] Gustafson TB, Sarwer DB. Childhood abuse and obesity. Obes
Rev 2004;5(3):129—35.
[20] Inserm. Obésité dépistage et prévention chez l’enfant. Paris:
Ed. Inserm; 2000.
[21] Isnard P. La psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent
obèses. Les troubles des conduites alimentaires chez l’enfant
[22]
[23]
[24]
[25]
[26]
317
et l’adolescent sous la direction de H. Chabrol. Marseille: Solal
éditeur; 2007. p. 65—112.
Marcelli D, Braconnier A. Psychopathologie de l’adolescent. 7th
Ed. Paris: Masson; 2008.
Pierce JW, Wardle J. Cause and effects beliefs and selfesteem of overweight children. J Child Psychol Psychiatry
1997;38(6):645—50.
Simeon M, Malvaux P, Cumps J, et al. Maigrir. . . sans m’aigrir.
Résultats d’une recherche. Ther Fam 1990;11(4):385—406.
Wardle J, Cooke L. The impact of obesity on psychological well-being. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab
2005;19(3):421—40.
Williamson DF, Thompson TJ, Anda RF, et al. Body weight and
obesity in adults and self-reported abuse in childhood. Int J
Obes 2002;26:1075—82.

Documents pareils