NEA Say ...161 - EU

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Burqa : un bilan Cinq ans après lentrée en vigueur de la loi sur le port
du voile intégral en France.
Quelque 1.500 amendes, un nombre de femmes verbalisées stable d'une année sur l'autre: la loi interdisant le voile
intégral, qui a cinq ans, est appliquée sans difficulté majeure selon le ministère de lIntérieur . Mais certains la jugent
inefficace face à l'islam radical. Le 11 octobre 2010, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, promulguait la
loi "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public". Autrement dit punissant d'une amende allant jusqu'à
150 euros le port du niqab (qui ne montre que les yeux) ou de la burqa (qui les cache derrière un tissu à mailles).
L'interdiction n'est entrée en vigueur que six mois plus tard, pour "mettre l'accent sur la prévention", selon le
ministère de l'Intérieur, auprès d'une population concernée estimée à environ 2.000 femmes. Depuis, selon un
bilan au 1er septembre dernier communiqué à l'AFP par le Ministère de lintérieur 1.546 verbalisations ont été
établies par les forces de l'ordre, concernant 234 femmes en 2011 - année incomplète -, puis 332 en 2012, 383 en
2013 et 397 l'an dernier. Sur les neuf premiers mois de cette année, 200 contrevenantes ont été verbalisées. Un
tournant a été marqué par le jugement de la Cour européenne des droits de lHomme (CEDH).Saisie par une
avocate se disant adepte de la burqa, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a validé la loi en jugeant
que "la préservation des conditions du "vivre ensemble" était un objectif légitime". Mais l'application du texte a
provoqué localement des tensions qui pouvaient dans de rares cas provoquer quelques violences urbaines ou des
contrôles didentité mouvementés. Longtemps le port de la burqa donnait lieu à des actes provocatoires la
contrevenante espérant toujours que cela se termine devant la Cour de Strasbourg qui selon des tendances
supposées ne manquerait de se prononcer en leur faveur. La loi "a été appliquée normalement par les policiers et
gendarmes, qui ont su faire preuve de discernement", assure à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur,
Pierre-Henry Brandet. "L'immense majorité des contrôles et verbalisations sest déroulée sereinement et sans
tension particulière". Du côté des syndicats de police , on souligne que le contrôle des femmes intégralement
voilées n'est "pas la préoccupation première des policiers", selon Céline Berthon, secrétaire générale du Syndicat
des commissaires de la police nationale (SCPN)."Quand ils effectuent ces contrôles, ils doivent souvent répondre à
des interventions extrêmement difficiles de la population qui les amènent à devoir s'expliquer devant l'IGPN",
renchérit Frédéric Lagache (Alliance-Police nationale, majoritaire). Nicolas Comte (Unité SGP Police FO) parle
d'une loi "toujours très compliquée à appliquer, parce qu'elle met les policiers en difficulté et que les sanctions qui
suivent ces contrôles sont jugées trop faibles. Pour la police, le jeu n'en vaut pas la chandelle". L'amende de 150
euros elle-même n'est guère dissuasive. Elle l'est d'autant moins qu'un homme d'affaires algérien adepte des
coups médiatiques, Rachid Nekkaz, s'est donné pour mission d'en régler l'essentiel. Ce promoteur immobilier, qui
affirme mener ce combat au nom du "respect des libertés fondamentales" alors qu'il se dit hostile au port du niqab,
a réglé sa 973e amende, a-t-il indiqué à l'AFP. Ces verbalisations concernent 683 femmes - une majorité est
multirécidiviste -, aux deux tiers "Françaises converties" selon lui. Pour lui, la loi anti-niqab "ne protège pas ces
femmes contre le discours intégriste". Au contraire, elle le "favorise car ces femmes sont assignées à résidence
chez elles", poursuit-il en affirmant que si 118 des contrevenantes avec lesquelles il a été en contact ont retiré leur
niqab après amende, 213 ont pris le voile intégral depuis 2011. "On ne peut pas juger efficace cette loi votée à des
fins électorales: elle n'a pas éduqué les femmes concernées, notamment celles qui sont tombées dans le piège
d'imams autoproclamés", déplore Abdallah Zekri, secrétaire général du Conseil français du culte musulman
(CFCM), au sein duquel il préside l'Observatoire contre l'islamophobie. "Tous ces débats ont prêté à confusion",
mettant parfois à l'index des femmes portant un simple hijab (qui ne couvre pas le visage), estime une source
proche de l'Observatoire de la laïcité qui a travaillé sur ces questions. "Et cela a pu alimenter un discours
victimaire. Pas sûr que cette loi soit efficace..."En mars 2004 au coeur des débats tendus précédant ladoption du
texte certains observateurs prédisaient que tout cela allait mettre la France à feu et à sang. Aujourdhui la loi fait
lobjet dun quasi consensus. Rares sont ceux qui demandent son abrogation. LObservatoire de la laïcité note un
très petit nombre dincidents, bref une situation dapaisement. La loi a pourtant échoué à offrir une réponse simple à
la question du port des signes religieux, de la neutralité religieuse. Le phénomène reste marginal, un
non-évènement pour la quasi majorité des musulmans. Les associations qui sétaient montées en grand nombre
sont désormais en sommeil ou ont disparu, tout comme celles dailleurs portées par le gouvernement dans un
objectif différent. La loi a agi comme un déclencheur suscitant des vocations, celles qui portaient la burqa ou le
niqab le faisaient au départ dans une démarche religieuse, piétiste, aujourdhui avec une volonté plus marquée de
revendication, de rupture avec une société quelles considèrent comme hostile. Elles revendiquent leur libre arbitre
et nagissent pas nécessairement sous la pression du mari. Certains sociologues évoquent une recherche
identitaire, rarement suivi dun investissement religieux profond. Ce nest pas le témoignage dune islamisation
profonde de la société comme auraient aimer le dénoncer les milieux de la droite forte, voire extrême. Le battage
médiatique a permis à certaines femmes de découvrir un moyen de revendiquer une islamité valorisante parce que
jusque là on les avait surtout nourries dexclusion, de discrimination, de racismes. Que ces phénomènes cessent et
lon aura des pratiques plus apaisées. Entre temps on a créé le monstre quon avait voulu éviter, a pu écrire le
journal le Monde . Une première conclusion : les lois sur le port du voile à lécole ou de la burqa na cependant pas
résolu la question des signes religieux ostensibles. Les choses semblent sapaiser mais sans aucune garantie pour
le court terme à venir. En témoigne le cas canadien : il est difficile dimaginer une situation plus tolérante,
permissive, intégrative dans la société quil sagisse des musulmans ou des sikhs. Or les esprits se sont enflammés
à loccasion des dernières élections législatives. Les canadiens sétaient moqués des français au plus chaud de la
querelle sur le port, en France, de la burqa, leurs voisins québécois, proches des français dans leurs réactions et
comportements, avaient eux aussi subi le même type de moqueries. Or une grande question vient de surgir : faut-il
interdire le port du niqab lors de cérémonies dattribution de la citoyenneté canadienne. Arrivée par surprise, cette
question sest imposée comme lun des enjeux majeurs des dernières semaines de campagne avant les élections
législatives du 19 octobre. Le ministère de limmigration qui prétendait linterdire, bien quappuyé fortement par une
majorité de canadiens, a été débouté par la justice. La plaignante intégralement voilée a assisté à la cérémonie de
la citoyenneté. Le parti conservateur au pouvoir depuis 2006 a su simposer en courtisant les minorités ethniques et
religieuses (un canadien sur 5 est né à létranger). Mais ce temps est bien révolu : les conservateurs ont
instrumentalisé la récente crise migratoire en faisant lamalgame entre les réfugiés, la situation dans le monde
musulman et la sécurité. Notons la création dune ligne téléphonique réservée à la dénonciation « de pratiques
culturelles barbares », une autre promesse électorale conservatrice. On dit aux gens quils ont raison dépier leurs
voisins de couleur, que cest normal de juger quelquun sur ses origines etctout cela dans un pays qui dispensait les
motocyclistes sikhs de porter un casque comme loblige le code de la route pour pouvoir conserver leur turban !
Cette contagion ne concerne pas uniquement lEurope à qui la vigilance simpose. Pour en savoir plus : -. Articles
de Eulogos parus dans Nea say
http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3650&nea=160&lang=fra&arch=0&term=
-. Texte de larrêt de la Grande Chambre
http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=11&ved=0CB0Q
-. Les communiqués du Ministère de lintérieur
http://www.interieur.gouv.fr/Presse/Les-communiques#miomcti_topmenu-firstlevel -. Le monde : la loi sur le voile à
lécole na pas résolu la question des signes religieux ostensibles
http://www.lemonde.fr/religions/article/2015/10/10/la-loi-sur-le-voile-a-l-ecole-n-a-pas-resolu-la-question-des-signes-religieux-o
-. Le monde : la loi sur le voile intégral : on a créé le monstre quon voulait éviter
http://www.lemonde.fr/religions/article/2015/10/10/loi-sur-le-voile-integral-on-a-cree-le-monstre-qu-on-voulait-eviter_4786934_