céré (46) 21, 22 et 23 octobre 2011

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céré (46) 21, 22 et 23 octobre 2011
documentaire engagé
21, 22 et 23 octobre 2011
ÉTRANGERS 4 > l’ÉTRANGER intérieur : L’AUTISTE
ÉTRANGES ÉTRANGERS 4 > L’ÉTRANGER INTÉRIEUR : L’AUTISTE
Papotins
et fiers de l’être
Ces diseurs atypiques
Fabrice, jeune Papotin des premiers temps, répétait
souvent : « Il faut aider le lecteur ! ». Fidèle servant de
l’entreprise « Papotin », j’ai gardé cette injonction en tête à
chaque conception de numéro et je l’entendais à chaque fois
différemment. C’est, veiller à plus de lisibilité, c’est mettre
plus de lumière, donner plus de caractère Le résultat, pour
les amateurs que nous sommes, est que chaque numéro est
une « création », ne serait ce que par l’arrivée de nouveaux
rédacteurs qui impriment leur trace originale dans cet espace.
Mais la griffe « Papotin » reste intacte depuis sa création en
mai 1990.
C’est tout naturel donc que je pense à « t’aider », cher
lecteur, à entrer dans cette page et à retrouver dans un autre
ordre les mots que ces diseurs ont semés dans la trentaine de
numéros de leur journal atypique.
Ces auteurs sont les personnages les plus singuliers qui
puissent exister. Ils ne se donnent pas un genre, ils sont tout
entiers à leur dimension de héros tragiques à l’étroit dans le
canevas quotidien de leur existence. Ce sont des graines de
Don Quichotte aux gestes amples plein délicatesse.
Je me promène parmi eux ramassant leurs mots justes
et confondants et je les mets dans des jolis habits pour te
les présenter ami lecteur. Je n’oublierai jamais cette jeune
fille du premier numéro le serrant contre sa poitrine et le
désignant, se désignant : « C’est moi ! » clamait-elle et moi
fier d’avoir contribué à ce produit de haute couture, me disant
en moi : « C’est moi ! ». Tout au bonheur d’avoir, ensemble,
confectionné cette chose dans laquelle on se reconnaissait.
J’aurais pu sauter en l’air, comme l’a fait Johann, un autre
Papotin, à l’issue d’un récital qui l’avait emmené loin, très loin
et crier : « Ça y est, j’ai trouvé mon métier d’avenir : (et après
un silence) je serai spectateur de galas ! » C’est à quelque
chose près, mon cri de joie récurrent. Les comités de rédaction
du mercredi matin sont depuis plus de 20 ans mes « galas »
!
Brève genèse : Il fallait, pour te porter ces mots, amis
lecteurs, trouver le bon messager. Le passeur serait un artiste.
Un artiste que vous reconnaitrez chers lecteurs et qui connaitra
ces Papotins faiseurs de mots.
Le premier sera Howard Buten qui a un don d’ubiquité
avéré : Il est pleinement là et totalement ailleurs. Il est dedans
et dehors. C’est une des rencontres les plus heureuses du
Papotin. Son interview commencé en 1990 continue encore
cette année 2011. Esther, notre portraitiste Papotine, se pose
encore la question : « Est ce que Howard est noir comme
moi ? ». On vous tiendra au courant quand on sera un peu
avancé dans le mystère Howard Buten. Quoiqu’il en soit, il fut
celui qui a fait sortir le Papotin dehors et qui l’a fait entrer chez
vous, et chez moi. Il est devenu, comme Marc Lavoine quelque
temps après, notre familier qui vient chez nous, chez lui, seul,
ou en compagnie.
André Dussolier apporta au deuxième numéro, sa
gentillesse, son élégance et sa sympathie. Avec lui, on est
passé du noir et blanc à la monochromie. Toute la couleur
vint avec Léos Carax au troisième numéro. Alors que son film,
« Les amants du pont neuf » était le sujet de tous les médias et
que toutes les chaines cherchaient à l’avoir, il avait dédaigné
tous les plateaux, télé, radio, journaux et avait demandé à
rencontrer Le Papotin. Il avait même accepté de figurer dans
un reportage sur le journal que filmait France 3 et a soutenu
généreusement pendant des années la parution du Papotin.
Chers enfants du Papotin
Et puis vint Marc Lavoine. Et avec lui « Le Papotin » prit une
autre dimension. Marc s’activa comme un véritable VRP du
journal. Il le fit connaitre dans les médias, créa un véritable
pont entre le journal, ses rédacteurs et le monde des artistes
et celui des politiques plus tard. La circulation se mit en place
allègrement dans les deux sens. Ce fut le départ de tout un
programme de sorties culturelles, de reportages, de rencontres
qui alimentent nos colonnes et qui nourrissent notre esprit.
La ligne éditoriale qui se dessinait à partir du deuxième
numéro s’imposa assez nettement à partir du numéro quatre
et elle reste inchangée . Un rendez-vous est verrouillé depuis
plus de vingt ans maintenant : les mercredi de 10 heures à
12heures, réunion du comité de rédaction du Papotin. Le rituel
a démarré dans une petite salle de l’hôpital de Jour d’Antony
et se poursuit depuis plus de douze ans à l’espace d’art et
d’essai « Le lucernaire » à Paris.
Une constante de ces rendez-vous hebdomadaires : la
gaité. Quelques soient les sujets abordés, le rire est présent.
Un rire « bon enfant » défoulant, sans le moindre soupçon
d’agressivité. Cette gaité est l’ingrédient principal de la tenue
de cette conférence de rédaction. On y vient par plaisir. Plaisir
de déposer quelque chose : un texte préparé dans sa tête, un
texte écrit, un texte relevé dans un journal Plaisir de prendre
ce qui est donné à entendre Plaisir de s’exprimer librement.
Chacun à sa « spécialité », son genre, son style, sa présence,
sa musique, ses formules. Personne ne singe personne. Réel
plaisir de se retrouver ensemble. Réel plaisir de recevoir ceux
qui nous rendent visite, célèbres ou pas célèbres.
Nous avons construit en vingt ans un espace des plus
rassurants qui soient grâce à la constance du lien et à la
régularité des actions. On sait la valeur que cela revêt pour
tout un chacun et plus particulièrement pour les personnes
souffrant d’autisme. Quand on a commencé à recevoir des
invités au Papotin, on leur demandait systématiquement s’ils
revenaient le mercredi suivant. Arnaud n’aimait pas les « choses
qui n’arrivent qu’une fois ». Petit à petit cette « crainte » s’est
estampée. La fidélité de l’équipe accompagnante y est pour
beaucoup.
Le lien se consolide continuellement par le partage de
moments extraordinaires. Les moments forts sont souvent des
moments d’une grande drôlerie. Pour n’en citer qu’un, resté
dans mon souvenir auréolé d’une grande douceur, c’était un
après-midi, chez la chanteuse Barbara. On finissait de prendre
un goûter qu’elle nous avait préparé et assise à son grand piano
noir elle demande à Arnaud de sa belle de Barbara : « Arnaud,
veux-tu que je te chante une mes chansons ?» et Arnaud de
répondre très poliment : « Non merci, par contre, est ce que
je peux aller voir les draps dans lesquels tu dors ? » et Barbara
de répondre de sa belle voix de Barbara dans le ton le plus
doux : « Bien sûr Arnaud, tu peux ! ».
Les Papotins ont une façon de dire ce qu’ils sentent, ce qu’ils
ressentent le plus naturellement du monde, sans artifice, sans
déguisement et sans que cela paraisse ni agressif, ni intrusif.
Et ils obtiennent en retour des réponses sincères aux questions
qu’ils posent. Aux premiers temps mes préjugés furent
malmenés et petit à petit j’ai remisé mes aprioris. A l’évidence,
Le Papotin fait ressortir le plus beau profil des personnalités
qu’il rencontre. On s’en trouve « bonifié » par contagion !
Driss El Kesri
extrait « Toi et moi, on s’appelle par nos prénoms » Fayard 2011
Un matin, je reçois le journal du «Papotin», dans ma maison.
J’ouvre le «Papotin», et je vois que les images, ce sont vos
visages tendres et souriants. Les textes des interviews ce sont
vos questions. Les poèmes ce sont vos mots d’humour et
d’amour, des mots que vous dîtes comme personne ne sait les
dire, ni les écrire, avec un langage réinventé par vous.
Je suis éblouie par vos mots, par vos définitions des êtres et
des choses. Vos mots sont comme des bulles de soleil, comme
une fête. Je vois que vous êtes des «extra-lucides magiciens»
et j’ai eu envie de vous rencontrer.
Je lis le numéro de téléphone du «Papotin», j’appelle, et
c’est Driss qui me répond. Nous prenons rendez-vous pour un
mercredi matin.
Je suis très intimidée et un peu angoissée, quand j’arrive à
Antony, je me demande quelle doit être mon attitude, mon
écoute, mon langage, avec des enfants, avec des «personnes
atypiques», comme vous dîtes.
J’ai poussé la porte, on se regarde et vous venez vers moi
comme un vol d’oiseaux, tout de suite, vous me donnez la
réponse à toutes mes questions.
On va s’asseoir sur le banc devant la maison (il y a des
arbres et il fait beau), nous parlons sans entrave, nous parlons
simplement et clair et on rit beaucoup. Et voilà, vous m’avez
donné la clef de votre jardin magique.
Vous savez bien que lorsqu’on se tutoie on peut se dire
plus de choses, parce que «se tutoyer» c’est mieux, c’est plus
tendre. Alors on se tutoie.
N’est-ce pas Arnaud ?
N’est-ce pas Isabelle ?
N’est-ce pas Nathalie ?
N’est-ce pas Marjorie ?
Et toi Fernando ?
et toi Robert ?
et vous Tous ?
Vous me posez des questions jolies, mais vraiment jolies, et
drôles, et toi Arnaud tu me dis que je suis une voiture, et toi
aussi Stéphane tu me dis que je suis une voiture de course!
rouge je crois !
C’est le plus beau compliment que l’on m’ait fait, puisque
je sais que vous adorez les voitures !
A midi je déjeune à Antony et toi ma petite Isabelle tu veux
tellement venir dans ma maison, toi aussi Marjorie qui aime
tant les bijoux. Alors un jour, vous êtes venus dans la maison
charmante comme dit Arnaud.
Bientôt je vais revenir vous voir à Antony ; vous me raconterez peut-être ce que vous avez fait avec Driss pendant cette
longue absence. Vous me lirez vos poèmes et nous partagerons
nos émotions et nos forces.
Ça c’est demain, mais aujourd’hui pour Noël et tous les
autres jours, je vous envoie mille et mille et des milliers de
petites étoiles scintillantes qui tombent doucement sur vous
et vous font une grande douceur de lumière.
Bonne Année
A bientôt chers vous tous
Chers oiseaux
Je vous embrasse et je ris avec vous.
Depuis ce matin d’Antony je pense presque chaque jour à
vous. Je suis heureuse que vous m’ayez acceptée. Merci. Merci.
C’est une voiture rouge qui vous écris et qui signe
Barbara
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organisation : La Parole a le geste • informations : [email protected] / 05.65.11.61.75 / Office de tourisme “entre Cère et Dordogne“ : 05 65 38 59 53
soutiens : Communautés de communes “entre Cère et Dordogne“ et “du Pays de Saint-Céré“, Mairies de Bretenoux et de Martel, Secteur audiovisuel de la délégation Paris-Michel
Ange du CNRS, Ministère de la Culture • site Internet : http://leliencommun.org/festdoc • Merci d’afficher la couverture de ce journal dans les lieux publics.
avec la participation des associations : Arts Scènes et Compagnie, Cri 46 (Martel), Les Papotins (Paris), les Turbulents, Cinaps TV. imprimé par : Rotimpress (Girona, Espagne)
L’
autisme est à priori un sujet difficile, où
la communication n’est pas simple… Or ce
« terrain » nous a au contraire livré un sujet
passionnant, multiple, certes où l’unification faisait problème mais où on arrivait à s’entendre, on
s’entendait parfois trop, une vraie polyphonie !
Depuis 1912, où le mot a fait irruption dans le vocabulaire,
avec le psychiatre suisse Bleuler, la perception de l’autisme,
la savante comme la populaire, a beaucoup changé. On est
passé d’une approche essentiellement psychanalytique, du
moins en France, où on allait jusqu’à culpabiliser les parents,
à une approche comportementaliste, importée de nos voisins
anglo-saxons, où l’autisme est devenu un handicap et où les
causes psychologiques apparaissent comme marginales.
C’est à travers le dialogue avec une association de notre
région, le CRI 46, que nous avons mené notre aventure, nous
lui donnons la parole un peu plus loin (page 7) et un de nos
films est consacré à un de « leurs » enfants et sa famille.
Le Festival Ètranges-étrangers se doit de respecter cette
rencontre entre plusieurs cultures, entre ces étrangers que nous
sommes tous les uns pour les autres, les uns avec les autres…
- d’un côté, il y a la culture de l’étranger qui parle un langage
souvent non verbal – mais attention, les autistes peuvent aussi
parler, et même très bien, c’est le cas des autistes Asperger
ou autistes « savants » – et qui demande à être aidé pour
s’épanouir. Ce langage non verbal, peut-être aussi riche que le
verbal même si nous n’en possédons pas les clefs,
- de l’autre, il y a l’ l’importance de la culture autochtone, celle
des gens normaux, des neurotypiques, comme les étrangers
nous appellent. C’est à cette culture qu’appartiennent, le plus
souvent, les parents qui souffrent et veulent protéger/intégrer
leurs enfants.
l’éthique, c’est l’élan qui nous pousse à aller
donner de la tête contre les bornes du langage
En étrange pays en mon pays lui-même,
D’où plusieurs expressions
plusieurs films
plusieurs regards
plusieurs points de vue
sans que l’un d’eux soit juste,
juste un point de vue, comme on dit juste une image…
Autisme l’espoir, premier film de la journée commence par
l’évocation des « nouvelles » méthodes, venues de nos voisins
anglo-saxons qui réalisent des miracles : « il ne parlait pas et
écoutez, il parle… »
Histoire, histoires d’autisme parce qu’il n’y a pas une histoire mais plusieurs
Les Papotins, association de jeunes autistes, décoiffent et
remettent en cause nos certitudes : nous les attendons pour
qu’ils nous déstabilisent un peu plus, et avec eux la batucada
Turbulente (12 musiciens) qui dialoguera avec notre sambatifolle
… plus sage ?
Le film d’Annie Morillon nous montrera comment nos amis
s’en tirent en dialoguant avec Howard Buten, Jacques Chirac
ou Lorie…
Mais nous avons aussi invité deux grandes figures de l’antipsychiatrie institutionnelle et non institutionnelle, l’un psychanalyste (Tony Lainé) et l’autre pas (Fernand Deligny). Antiinstitutionnelle parce qu’ils ont des démarches qu’aujourd’hui
on n’ose même plus avoir… Institutionnelle parce que, jusqu’au
bout, ils dialoguent avec les institutions, se situant à la fois au
dehors et au dedans.
Samedi soir, nous commencerons avec Fernand et le film
Ce gamin-là, nous présentons son travail un peu plus loin.
Deligny en appelle à un milieu institutionnel qui serait capable de se réinventer pour accepter l’autre avec sa différence…
Depuis 2005, la loi oblige l’Éducation nationale à accepter les
enfants autistes… un début ?
Dimanche soir, nous poursuivrons avec Tony qui, avec
Daniel Karlin, a réalisé plusieurs films et écrit plusieurs livres
(La raison du plus fou, Le malentendu), et qui surtout a créé /
animé / réchauffé / humanisé l’hôpital de jour du Pradon à
Sainte-Genèvieve-des-Bois.
Avec mon ami Romain Pomedio, nous évoquerons cette
mémoire vivante en passant des extraits de films tournés au
Pradon et ailleurs. Daniel Karlin, qui a pris des distances avec sa
vie de cinéaste, ne sera pas parmi nous mais nous le saluons…
Je me rappelle d’un jour de Noël où je faisais le clown et où les
jeunes n’arrêtaient pas de m’arracher mon nez rouge… c’est
cela qui est devenu le spectacle… Daniel a filmé ce moment…
Tony est un psychanalyste qui pensait que l’écoute de la
différence avait son mot à dire sur l’éthique. Tony mort à 62
ans, le même jour que Félix Guattari, animateur de la clinique
de la Borde, où a travaillé un temps Deligny.
Michel Boccara
citations de Wittgenstein et Aragon
Il serait intéressant de chercher comment un milieu
proche
habituel
familial
ou
éducatif
accepte et entreprend
de s’inventer, de
se “re-créer“ en fonction d’un enfant (ou
d’enfants) en retard,
à part, anormal, difficile.
étranges
étrangers
L’ÉTRANGER INTÉRIEUR : L’AUTISTE
4>
Deligny, Un langage non verbal, 1968, (page 663)
programme du festival du film documentaire engagé 2011
Vendredi 21 octobre, au cinéma Robert Doisneau de Bretenoux-Biars, séance au tarif habituel du cinéma
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18h30 : Lancement du festival avec la Batucada turbulente / Apéro en musique avec un groupe de jeunes autistes engagés !
19h30 : Grignotage, tartines et salades
20h30 : • Jeunesse de l’Afrique, de Philippe Arson et Michel Boccara, 2011, 30 mn
Un film sur le festival de 2011, des débats, des rencontres avec la population, des danses, des chants… et des films
Présentation du festival 2011
21h : • Elle s’appelle Sabine, de Sandrine Bonnaire avec Sabine Bonnaire, 2008, 85 mn
Un documentaire sur une famille ordinaire et ses difficulés pour comprendre un de ses enfants. Récit de l’histoire de Sabine à
travers des archives personnelles, filmées par la comédienne sur une période de 25 ans, le documentaire évoque une personnalité
attachante, dont le développement et les dons multiples ont été broyés par un système de prise en charge défaillant.
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Samedi 22 octobre, salle polyvalente de Saint-Michel Loubéjou, participation libre.
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Après-midi, à partir de 14 heures
• Autisme, l’espoir, de Natacha Calestrémé, 2010, 94 mn
Ce film retrace l’histoire d’une transformation : celle d’Aymeric, diagnostiqué autiste sévère à l’âge de 3 ans et qui, aujourd’hui, à 9 ans, est
scolarisé en CE2. Au travers du portrait du petit garçon, la réalisatrice Natacha met en exergue les différentes thérapies comportementales,
souvent encore méconnues, qui permettent aujourd’hui d’aider ces enfants à s’exprimer, à communiquer, à apprendre à lire et à écrire.
• Histoire, histoires d’autisme, de Anne Georget, 2000, 58 mn
Voyage dans l’histoire de l’autisme, une histoire mouvementée qui déchaîne les passions. Depuis un demi-siècle,
cette maladie cristallise un débat d’idées majeur sur les relations entre cerveau et comportement.
• Papotins et fiers de l’être, de Annie Morillon, 2004, 27 mn
François, Arnaud, Nathanaël, entre autres, sont atypiques. Le Papotin, c’est leur journal, une création de jeunes de l’hôpital de jour d’Antony. Un journalsoutenu depuis longtemps par Howard Buten et Marc Lavoine, qui sort deux fois par an depuis 16 ans. Ces jeunes gens souffrent tous, à des degrés divers, des troubles de la communication. Pourtant, chaque mercredi, ils se réunissent afin que leurs idées, leurs envies, leurs mots ou leurs dessins donnent naissance à un journal magnifiquement atypique !
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18h30 /20h : débat-rencontre autour de l’autisme, animé par Driss El Kresri de l’association les Papotins, avec nos invités,
atypiques et neurotypiques.
20h : repas
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soirée à partir de 21 heures :
Étrange rencontre avec Fernand Deligny
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• Ce gamin-là, de Renaud Victor, 1975, 88 mn. Ce gamin-là est une réponse à l’enfant sauvage de François Truffaut,
qui produit d’ailleurs le film. Ce gamin-là, c’est Janmari, le double hors symbolique de Deligny…
• Le moindre geste, de Fernand Deligny, 1962-1971, extraits.
Une authentique histoire de fous…
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Table ronde avec Sandra Alvarez de Toledo, éditrice de Fernand Deligny, Œuvres, aux éditions L’Arachnéen,
et Jean-Pierre Daniel, monteur du Moindre geste, sous réserves.
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Dimanche 23 octobre, à Martel, rendez-vous salle municipale, participation libre.
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À partir de 14 h
• Mon petit frère de la lune, de Frédéric Philibert, 2007, 5 mn
Frédéric Philibert, parent d’un petit garçon autiste, a réalisé ce film d’animation. Une petite fille essaie de faire
comprendre pourquoi son petit frère (autiste) n’est pas vraiment comme les autres enfants et donne sa version des faits.
• Images improbables, de Philippe Arson, 2011, 20 mn
J’ai passé deux jours avec les éducateurs et les résidents de la maison d’accueil spécialisée l’ Alter Ego en région parisienne.
Je mettais à disposition de tous, une caméra et un appareil photo. Chacun, au grès de ses envies, touchait le matériel, filmait.
• Rencontre avec Joey, de Pierre Fréjaville et Michel Boccara, 20 mn
Deux jours avec Joey, sa famille, ses éducateurs, au rythme de ses mots, de ses jeux, de ses plaisirs, de ses ennuis…
• Un film surprise
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18h : à la salle municipale de Martel : projection suivie d’un apéritif / plateau ciné
Étrange rencontre avec Tony Lainé
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Extraits de
• La forteresse vide, de Daniel Karlin et Tony Lainé, 1974-1975
Un portrait de Bruno Bettelheim (1903-1990), psychanalyste américain,
d’origine autrichienne, qui dirige l’Ecole orthogénique. L’Ecole orthogénique est née en 1947 et offre aux enfants autistes un
«milieu thérapeutique total», dont le cadre de vie et la solidarité qui unit soignants et patients constituent l’esprit et le «ciment».
• Frédéric, une autre naissance de Daniel Karlin et Tony Lainé, 1988
Le portrait de Frédéric, jeune autiste, à l’hôpital de jour du Pradon, dirigé par Tony Lainé. Apparemment il ne se passe rien…
et pourtant sous la glace des gestes répétitifs, le miracle des mots surgit… à qui a des oreilles pour entendre…
Fernand
Le Tain du miroir
Certains pensent que l’humanité court à sa perte ...
Ce qui arrive bien souvent dans la nature, c’est qu’un
des caractères d’une espèce quelconque, végétale ou
animale, bénéficie d’une sorte d’excroissance qui devient
monstrueuse ; d’où sa disparition par surcharge et
empiétement. Ce que j’entends dire quelquefois par des
chercheurs en toutes sciences, que tout se passe comme
si l’homme s’était mis à utiliser les ressources infinies
de sa grosse tête à l’envers et tout à fait à contresens ; ce
qui n’empêche d’ailleurs pas ces mêmes chercheurs de
subjectiver à outrance ce dont ils parlent, ne serait-ce que
des orchidées, ou du lichen.
Fernand Deligny a passé une grande partie de sa vie à
construire avec quelques autres personnes un réseau de petites
unités composées d’adultes qui travaillaient à des activités
régulières comme l’élevage, couper le bois ou la fabrication du
pain. Ces unités de vie pouvaient recevoir un ou deux enfants
autistes comme s’ils étaient en vacances. Il s’agissait de mettre
en place un quotidien régulier, ponctué (orné) d’événements
pratiques (le coutumier) dans lequel les enfants pouvaient
repérer la régularité et agir d’initiative (ce qui n’est pas permis
à l’intérieur des institutions).
Grâce à un système de cartographie des trajets des différents
enfants à l’intérieur des unités de vie, Fernand Deligny s’est
aperçu que l’appareil à repérer fonctionne chez bon nombre
d’enfants privés du langage articulé et qu’il leur est commun.
De ce « comme un » que partagent tous les individus de la
même espèce et qui ne nous est plus accessible à nous qui
sommes pourvus de l’appareil à langage. Cet appareil à repérer
aurait été commun à l’espèce humaine avant le langage et
l’individuation.
La vie du réseau s’organisait autour de ces enfants dans un
si grand respect de leurs existences qu’ils étaient réellement
les boussoles de la vie collective.
Selon Fernand Deligny, l’humanité éviterait beaucoup de
déboire si nous étions plus à l’écoute de ces « innocents ». Si
l’œuvre de Fernand Deligny est controversée, je pense que c’est,
comme souvent, parce qu’on n’a pas vraiment lu ses textes.
Traces d’être et bâtisse d’ombre, 1983, (page 1497).
L’acquisition du langage, selon Fernand Deligny, nous oblige
à prendre conscience de l’individu que nous sommes et à devenir
sujet. L’acquisition de la conscience d’être nous ferme à jamais
la possibilité de nous souvenir comment nous fonctionnions
comme espèce. Selon Fernand Deligny, les autistes profonds
complètement privés de l’appareil à langage, sont équipés de
cet autre appareil que nous n’avons plus, l’appareil à repérer.
Stéphane
De deux fous, il faut choisir le moindre, de cet homme
en uniforme qui pense juste, utile et même nécessaire
de libérer quelques tonnes de bombes sur un petit nid de
paillotes, et nous y sommes, dessous, et de cette gamine
qui danse devant son père venu la chercher. Elle ne dit rien :
elle danse... Nous et l’Innocent, 1975, (page 760).
Je ne suis pas l’auteur de la formule que “l’acquis envahit
l’inné”. D’une manière ou d’une autre, ça se dit. “L’acquis
a remplacé l’inné”, ce qui revient à dire que l’homme
est arrivé à se domestiquer entièrement, intégralement,
et à cet état-là de domestication invétéré, il y tient, avec
l’énergie du désespoir. Cet état-là est son bien. Tous ces
milliers d’années, il ne faut pas les laisser perdre, fabuleux
héritage dont l’aspect épouvantable est là, flagrant. Cette
espèce nôtre est à deux doigts de s’anéantir, comme ça,
tout à l’heure, demain.
N’empêche qu’au seul mot de “nature”, les révolutionnaires se révulsent. Alors, le recours, c’est quoi ?
C’est l’ONU ? C’est le pape ?
Si je dis : “c’est Janmari”, ça fait rigoler. Et pourtant…
Il témoigne de ce qu’il en est d’être humain privé
d’information(s). Tout se passe comme si le pont entre les
deux hémisphères était coupé, et la “clivure” est si profonde
que rien ne passe, rien n’en provient, de cet hémisphère
gauche gorgé de toute les acquisitions dont l’homme s’est
avéré capable, magasin faramineux, réservoir inépuisable.
Qu’il révèle à l’évidence que l’appareil psychique est
tout autre chose que l’appareil à langage, puisqu’il s’avère
qu’il fonctionne sans ce matériau-là, prouve au moins que
l’inné envahi, submergé, recouvert, enfoui, renié, vilipendé,
ridiculisé, persiste à préluder, intact, comme un genou est un
genou depuis toujours, comme les cinq doigts de la main.
De l’escargot fossile, voilà qu’il en sort les cornes, vivaces,
vigilantes, aux aguets depuis toujours. Encéphalopathe, ce
Janmari-là ? C’est fort possible. La brèche est trop profonde.
Ce qui nous occupe et nous préoccupe, l’acquis envahissant,
ne passe pas, reste dehors, avec armes et bagages ; et, dans
ces bagages, l’idée qui s’est faite de la personne et de la
liberté, liberté sciée de ce qui pourrait la fonder, la “nature”
étant récusée, et le « penser » sans langage, exclu.
Le Croire et le craindre, 1978, (pages 1182-1183).
Notes à propos d’une tentative
J’ai vécu à Gourgas, maison de Félix Guattari,
voisine de Granier la maison de Fernand Deligny
de septembre 1977 à mai 1978. Il y avait de
très nombreux échanges, parce qu’il y avait de
nombreux projets communs. Sans doute estce pour cela que je me suis familiarisée avec le
langage si particulier et la pensée si originale de
Fernand Deligny. En réalité, pensée et langage
(style) sont inséparables. Ceci dit, il me semble
que tout les commentaires qui vont suivre
pourraient être faits par tous ceux qui liraient
le texte de Deligny avec attention.
Des lieux de vie se mettaient en place
autour de Deligny. C’était d’abord la création
et la recherche d’un mode de vie (aujourd’hui
nous dirions alternatif, nous disions alors en
marge). Fernand Deligny était absolument
réfractaire au pouvoir et c’est ça qui nous
rassemblait.
L’institution, ce que j’appelle quelquefois le dedans, le “c’est là que ça se passe,
c’est là que ça se fait” dégageait pour moi
un champ magnétique qui me repoussait,
ou plutôt me maintenait à distance, et je
crois bien que c’est le ON de institutiON, le
ON y va... Le Croire et le craindre, 1978.
Puisqu’ON n’y peut rien, il faut peut-être
que quelques UNS s’efforcent de ne pas
l’être, tout à fait ON. Pour que quelques-uns
de ces enfants-là, psychopathes graves,
manquent là où leurs symptômes manifestes les menaient tout droit, à l’institution
de service, encore faut-il que quelquesuns de nous autres y manquent, là où ils
devraient être, en emploi ou en fonction
quelque part, tout saisis bien sûr du malaise
de cette fonction ressentie insensée. Mais il
faut bien vivre, comme on dit, et la gagner,
sa vie, serait-ce au prix qu’elle s’y perde...
Nous et l’innocent, 1975, (page 708).
Fernand Deligny était réfractaire à la pensée
institutionnalisée et institutionnalisante, bref
la pensée dominante, instituée, établie, convenue. Il a fui en 1968 les débats à Gourgas,
(maison de Félix Guattari) et finit par s’installer
à Granier. Il fuyait le tumulte des débats où
personne n’écoutait personne et il écrivait.
Ainsi, l’affirmation : le langage c’est le
pouvoir, ce n’est certes pas pour rien ! Il parlait
peu et écrivait beaucoup.
Que cette pression de la parole soit
oppression, le fait est si flagrant qu’il
nous éblouit et que nous sommes bien
en peine de le percevoir. Les empires ont
des serviteurs subtils, et plus grand est
l’empire de la parole, plus astucieux et plus
nombreux sont ses prêtres et ses ministres
organisés en clans qui se chamaillent pour
se répartir le mode d’influence et les biais
par lesquels la parole régnante régnera de
plus belle... Nous et l’Innocent, 1975, (p. 720).
L’écriture de Fernand Deligny est très
particulière. Elle ouvre, développe, déploie la
signification des mots. Elle utilise les glissements phonétiques et sémantiques comme on
utiliserait le courant d’une rivière pour avancer
dans un récit. Fernand Deligny partage avec
nous ses réflexions sur sa propre expérience du
pouvoir subi : « l’institué ». Ses formes et ses
formules sont aussi celles du Nord, populaires.
Fernand Deligny n’était pas un universitaire,
mais il avait des choses à dire. C’est justement
en décortiquant le langage que le texte dévoile
les coquilles de « l’institué ».
Nous devons à Fernand Deligny deux découvertes majeures en ce qui concerne les autistes.
Pour éviter de nombreuses crises il fallait
éviter les situations nouvelles, les imprévues,
installer un coutumier. Le coutumier mis en
place, permettait l’agir des enfants. C’était
du quotidien orné de pratiques régulières,
donc repérable pour l’enfant.
Les lignes d’erre étaient les chemins
empruntés pas les enfants autistes dans les
aires de séjour, systématiquement relevées
sur des cartes, cela a permis la découverte
des chevêtres.
Chevêtre.- Il s’agit d’un des mots apparus
récemment dans “l’argot” de la tentative.
Lorsque les lignes d’erre sont étudiées de
près, comparées, on s’aperçoit qu’il y a de
nombreux points communs à bon nombre
des enfants venus en séjour. Ces points
communs - lieux d’écart, détours, attirance
vers l’eau, vers les “nœuds” de nos propres
trajets, etc. font chevêtres.
S’y révèle que ce qui est “repéré” hors
l’usage du langage est commun à des
enfants individuellement différents. Ce qui
met sur la piste d’une « intelligence » spécifique curieusement différente de l’intelligence “acquise”. Le Croire et le craindre, 1978.
Le réseau : un ensemble d’alternatives à
ce que nous n’appelions pas encore la pensée
unique ; des radeaux qui pousseraient comme
avec des rhizomes. Dans l’oralité de Gourgas,
les rhizomes sont ce qui fait qu’on ne peut
pas éradiquer la mauvaise herbe, clin d’œil
aux graines de crapules et aux réseaux de la
résistance. Une forme sociale en contradiction
avec la pyramide par exemple.
Plus j’y pense et plus je vois ces tentatives
comme la recherche d’une nouvelle forme de
vie sociale capable d’éviter « la malencontre ».
Je dis ça à cause de la récurrente recherche
du « commun » ainsi que du pointage
perpétuel, par narrations successives des
coïncidences des deux modes d’être (celui
des enfants autistes et le nôtre), comme pour
gratter le tain du miroir de la conscience
d’être qui nous aveugle depuis l’avènement
du langage et de l’individu séparé.
Les mots durs : ils expriment des idées
abso-lument nouvelles, le langage est clair mais
difficile à comprendre. Parce que ces concepts
originaux ne se forment pas par rapport à
d’autres déjà connus et assimilés. Pour lire
Fernand Deligny il faut le faire mot à mot et se
donner la peine d’envisager pour la première
fois quelque chose de jamais envisagé.
Fernand Deligny utilisait l’infinitif en
écrivant à propos de Janmari ou des autres
enfants autistes du réseau, il supprimait
ainsi les pronoms personnels, (les sujets).
Parce que l’agir, ce n’est pas à partir du sujet
(« se » n’existe plus) mais à partir de cette
espèce nôtre : l’humain. Comme pour dire en
filigrane que c’est l’espèce qui agit.
Que l’agir soit dépourvu d’intention,
c’est bien ce que je veux dire. Et pourtant,
l’agir existe bel et bien, humain à n’en
pas douter, et non pas résidu de quel-que
inaptitude, mais ébauche liminaire de ce
que l’image héritée que chacun se fait de
l’homme élude depuis toujours. Les détours
de l’agir ou le moindre geste, 1979, (page 1250).
Plus nous vivons dans le discours (universitaire) et moins nous avons « la faculté »
(c’est joli !) d’être dans le commun.
Et si « comme un » est un mythe, c’est
le privilège des enfants, des artistes et des
malades mentaux de vivre dans ce mythe. Plus
on est « ethnie », moins on est « espèce » !
Stéphane
Deligny
ÉTRANGES ÉTRANGERS 4 > fernand deligny
deux lignes i et quelques lignes d’erre…
vie(s) et œuvres
(Pour ceux qui veulent tout savoir ou presque sur Deligny, achetez pour 58 € Fernand Deligny, Œuvres, un livre de 1.846 pages
publié aux éditions l’Arachnéen et édité par Sandra Alvarez de Toledo : les indications de pages, entre parenthèses, s’y rapportent)
3 / Le cinéma, le langage
non verbal et l’outil
pédagogique (1955-1971)
1 / Origines (1920-1996)
_____________________________________
Origine(s) c’est-à-dire ce qui est toujours
là, au cœur de soi, même si on n’en a plus
conscience…
Deligny (ou Del) est un homme du Nord – il
en a toujours gardé le léger accent. Il est né rue
du collège à Bergues, à quelques kilomètres
de la frontière belge, le 7 novembre 1913. Le
grand-père de Louise, sa mère, était secrétaire
de la fédération anarchiste des Ardennes.
Il adore le cinéma et il y va, comme les
Grecs allaient au théâtre pour communer*
aux tragédies d’Euripide ou de Sophocle.
Communer, terme forgé par Deligny sur
communier et communiste, mi-chrétien micommuniste c’est-à-dire anarchiste…
Très jeune il lit Michaux et garde dans son
écriture une certaine parenté avec lui.
Les uns lui passent dessus sans crier
gare, les autres s’essuient tranquillement
les mains à son veston.Il a fini par s’habituer.
Il aime mieux voyager avec modestie. Tant
que ce sera possible, il le fera. Si on lui sert,
hargneux, une racine dans son assiette, une
grosse racine : “allons, mangez. Qu’est-ce
que vous attendez ?”.
“Oh, bien, tout de suite, voilà.” Il ne veut
pas s’attirer des histoires inutilement. Et
si, la nuit, on lui refuse un lit : “Quoi ! Vous
n’êtes pas venu de si loin pour dormir, non ?
Allons, prenez votre malle et vos affaires,
c’est le moment de la journée où l’on
marche le plus facilement. ” Plume voyage
À vingt ans, je pensais volontiers que
j’étais né pour écrire. À trente ans, je me
suis retrouvé « éducateur principal » dans
un Institut médico-pédagogique, dépotoir
régional où des centaines d’enfants anormaux, pour la plupart délinquants plus ou
moins chevronnés, espéraient leur retour
à la vie normale.
Prologue à Pavillon 3, 1944 (page52)
Tu te dis : “Ils ont volé, ils se sont sauvés
de chez eux et ils ont vagabondé : errants
comme des loups, sournois comme des
fauves… Je vais à tout hasard élargir mes
épaules et prendre, mâchoires serrées, un
regard de dompteur…” Et tu les trouves
serviles, flatteurs, empressés et obéissants.
Ils t’offrent, puisqu’ils ne peuvent te donner
autre chose, leurs mains, leur sourire et
leurs oreilles. Tu te dis : “Je les ai conquis.”
Les deux trous d’épingle dans les pneus de
la bicyclette, c’est pour compléter le cadeau, ce don d’eux-mêmes qu’ils jugeaient
sans doute insuffisant.
Graine de crapule, 1945 (page 122)
Del, après la guerre essaye, ici et là, de
mettre en place des centres alternatifs comme
par exemple au Centre d’Observation et de
Triage de Lille. Revenu de l’autre côté de la vie,
de Ravensbrück, Martha Desrumeaux lui dit :
J’essayai de vivre … Les premières voix
que j’ai entendues, c’était tes gosses. Je savais que j’étais dans un quartier bourgeois
et les voix étaient d’argot du quartier où
j’étais petite. J’ai dû croire, pendant plusieurs
jours, que c’était du délire avant la mort, des
souvenirs qui me cornaient aux oreilles. Mais
voilà que je ne connaissais pas les chansons…
J’ai admis que ce que j’entendais, c’était du
neuf. Je suis contente, tu sais, Deligny, d’avoir
entendu leurs voix les premières.
Les vagabonds efficaces, 1947, (page 180)
_____________________________________
2 / La Grande cordée :
où le communer
se met en place (1948-1959)
_____________________________________
Puis vient l’époque de La Grande cordée.
La Grande cordée, c’est à la fois la résultante
des coopérations de Del avec les institutions
officielles ou d’avant garde et un réseau,
c’est-à-dire un ensemble de lignes d’erre qui
vagabondent dans et hors institution.
L’association sera agréée par la Sécurité
sociale en 1951 jusqu’en 1953. Le premier
texte intitulé La Grande Cordée paraît en
1950 dans la revue des CEMEA, (Centres
d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation
Active), VEN (Vers l’Éducation Nouvelle), revue
toujours vivante. Le Conseil d’Administration
d’En Cordée est entièrement composé de
membres du Parti Communiste.
Ce n’est certainement pas un hasard si
Tony Lainé, autre grande figure française de la
clinique de l’autisme, et que nous évoquerons
dimanche soir, a aussi travaillé aux CEMEA et
écrit dans VEN… les CEMEA, comme le PC,
traversés par les contradictions…
Dans : Les adolescents étaient adressés à
La Grande Cordée par le professeur Heuyer
(Hôpital Necker) ou par le juge d’enfants.
Deligny publie dans la revue Rééducation,
du Ministère de la Justice créée en 1947.
Hors : Bon, qu’est-ce que tu veux faire ?
demandait Deligny à un adolescent venu le
trouver. Je veux être aviateur. Et Del l’envoyait
chez un de ses copains, mécanicien à Orly.
Une cartographie des rencontres et des
hasards se dessinait, moins mélancolique
que la psychogéographie situationniste.
Presque en même temps, en juillet, il écrit
dans VEN «La caméra, outil pédagogique»
(pages 414 à 416). Pour Del, le cinéma est
un langage qui permet de contourner les
manques du langage parlé.
La caméra est d’abord un outil pédagogique
avant d’être un mode d’expression, la caméra
« non pas pour enregistrer l’action pédagogique, mais pour, participer à cette action »
Le film contribue à la constitution d’une
mémoire de groupe « frappée de longues
périodes d’amnésie » mais prémisse d’une
conscience collective.
Le cinéma restera toujours plus projeté
- Del joue sur les deux sens de projeter que réalisé… C’est comme cela que nous
devons regarder aujourd’hui le cinéma de
Del : comme des fragments d’une mémoire
trouée mais qui nous donne des bribes de
la conscience d’un groupe, d’une « ethnie »
comme il aimera à l’écrire en détournant le
mot « ethnie » de ses origines coloniales et
racistes.
Cette « production » - documentaire permanent dont des extraits pourraient être
montés en film présentable - est la raison
d’être de la collectivité pédagogique
Grande Cordée.Celui qui, d’une manière ou
d’une autre ne travaille pas au film n’a rien
à y faire (…) Il s’agit, à la Grande cordée,
de faire un film et d’y travailler ensemble.
C’est là l’objectif et le seul objectif réel.
Lettre à Irène Lézine du 19 mars 1955, (page 400)
Au delà du caractère provocateur et de
la nécessité de se justifier auprès d’Irène, ce
caractère central du cinéma est à renvoyer
essentiellement au langage et au langage
non verbal… le cinéma comme langage
non verbal, c’est d’ailleurs ce qui ressort des
films de Del tels qu’ils nous sont parvenus.
Ce gamin-là ou Le moindre geste, réalisé par
Renaud Victor.
Del navigue au plus près des images !
Un de mes objectifs artistiques était
de montrer à quel point la pensée est une
chose et les actes une autre.
Lettre de Deligny à Truffaut, 8-10-59, in Bernard
Bastide, Correspondance Truffaut-Deligny, Internet,
1895.revues.org/281 , jv 2008.
Parmi les contradictions, c’est-à-dire la vie
foisonnante de Del, on notera qu’une de ses
interlocutrices privilégiées est Irène Lézine,
militante du PC et adepte de la pensée de
Makarenko (aller voir sur Wikipédia si vous ne
savez pas qui c’est). Del est aussi plus proche
de Henri Wallon - Président de la Grande
Cordée à sa fondation - que de Piaget.
(Re)lisons Wallon et nous verrons pourquoi.
En mars 1950, Deligny se radicalise en
créant son premier centre « hors institution » :
le lien est toujours là mais de plus en plus
rhizomatique, y compris avec le PC .
Ce qui m’intéresse c’est ce qu’il y a
de communiste dans n’importe quel être
jeune ou vieux. Tout le monde l’est, d’une
manière ou d’une autre.
Et le cinéma est un langage qui permet de
montrer l’un, l’autre, et le rapport entre les deux.
C’est dans la mesure où les « voûtes
verbales » et très illusoires de leurs conduites incertaines vont céder, que deviendra possible et même nécessaire l’usage
d’un langage autre que la parole au sens
verbal du terme, langage qui tend à devenir
re-présentation par gestes et par tracés des
actes à prévoir et de la réalité non présente
là… Et les objets ? En tant qu’ils sont des
outils très élémentaires, ils sont d’une
certaine manière, langage …
Le langage non verbal doit être élaboré
avec la participation au départ involontaire
des enfants « sans paroles » puisqu’il
vient se greffer sur des manifestations
spontanées (posture des mains, jeu des
doigts) qui sont au langage non verbal ce
que le gazouillis du tout petit enfant est à la
parole… «Un langage non verbal», in Cahiers de
Lettre à Irène Lézine du 2 février 1955, page 392
la fgéri, n°2, 1968, page 659.
Sandra Alvarez de Toledo, (page 387)
4 / Singulière « ethnie » :
camérer ou le radeau (1968-96)
_____________________________________
Les mains sont les premières compagnes de l’être humain, ni mâles ni femelles et les deux à la fois, à la fois une et
nombreuses par les doigts, présence proche
et permanente, marionnettes et outils ; dans
leur existence même se trouve cet aiguillage
vers les lignes surchargées de la parole et
vers cette écriture en marge, voie désertée,
ensablée, ensevelie, perdue peut-être à tout
jamais… Nous et l’innocent, 1975, (page 681)
Singulière ethnie ou la mémoire d’une
« ethnie » qui ne peut se dire qu’en montrant sous
le sujet l’objet… Et Del revient sur cette période
de sa jeunesse ou, comme tout un chacun,
il voyait des tas de films, bons ou mauvais, et
écrivait des critiques dessus… Le cinéma faisait
partie d’un coutumier, on se (re)fabriquait
une mémoire « ethnique ». Lorsque Del écrit
Camérer, il réinvente, comme avec communer,
l’infinitif, pour retrouver le geste sous le mot.
Puisqu’il s’agit de l’usage d’un instrument dénommé caméra, pourquoi ne pas
dire « camérer ? (page 1742) comme on dit
raboter ou plancher… Le cinéma ou l’art de
prendre les objets comme sujets.
Combien de cinéastes ne sont que des
écrivains quelque peu manqués par le
fait que leur velléité est sans objet, l’objet
n’étant pas le sujet mais l’instrument, la
phrase même… (page 1744)
On retrouve dans cette valorisation de
l’objet la filiation avec Francis Ponge, auteur
de sa jeunesse, poète de l’objet, Eh ! Ponge.
Ce lâche et froid sous-sol que l’on nomme la mie a un tissu pareil à celui des éponges… Francis Ponge, « le pain », in Le parti pris des
choses, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p.22
Comme dans cette définition de l’art contemporain : « redonner aux objets leur force
de sujet. »
un langage réfractaire à la domination
symbolique
On voit qu’il y aurait deux mémoires,
ce que je crois, l’une pour laquelle le langage est souverain, et l’autre en quelque
sorte réfractaire à la domestication symbolique, quelque peu aberrante et qui se
laisse frapper par ce qui ne veut rien dire,
si on entend par frappe ce choc qui fait
empreinte… (page 1744)
sous le langage, l’image… à la fin de son écriture, Del s’évade du langage, plus seulement du
langage verbal mais du langage tout court…
Il y a de ça dans le cinéma, c’est-à-dire
un enthousiasme immédiat et on ne sait pas
pourquoi, mais on est touché par ce qu’on
finit par appeler des images et qui ne sont
pas des effets de langage, ça touche bien
au delà… Y en a qui y sont arrivés, qu’ils le
sachent ou non… Charlot y est arrivé, sans
aucun doute :ça touche immédiatement très
profond où tout le monde est dépassé…
« Ce qui ne se voit pas », in Cahiers du Cinéma,
1990 (page 1774), à la sortie du film Ce gamin-là.
L’image échappe à la connaissance parce que c’est d’abord de la vie… et une bonne
image, c’est de la vie et rien d’autre : voilà
résolu le plus vieux problème philosophique
du monde, celui que Nietzsche appelait la
domination de la vie par la connaissance,
pas une image juste, juste une image, et
on échappe au langage… l’image propre
est autiste, essentiellement. Écrire joue des
images écrit Del dans un de ses derniers textes,
Citadelle, roman inachevé (page 1802)
Michel Boccara
ÉTRANGES ÉTRANGERS 4 > rencontre avec Joey
le grand esprit
Le grand esprit a créé un
monde magnifique, plein
d’harmonie, et dans son infinie
sagesse il a permis à l’homme
de pouvoir s’écarter de cette
harmonie naturelle afin de vivre
parfois des expériences très
destructrices.
Cet homme, avec toutes ses
faiblesses, pense que le grand
esprit s’est trompé lorsque naît
une personne très différente,
de par son physique ou sa façon
d’être. Il va pouvoir dire : lui, il
est pas normal, il a rien à nous
apprendre, on va le redresser.
Deux types déjà très différents,
mais amis - Michel et Pierre
- ont fait la rencontre d’un
troisième type différent :
JOEY, autiste.
Rencontre du troisième type :
JOEY
Ce film témoigne de deux jours pleins
de surprises, passés avec JOEY, sa famille
et les intervenants pédagogiques.
Michel : Est-ce que vraiment l’autisme, c’est un trouble de la
communication ?
Béatrice (psycholinguiste éducatrice de Joey) : J’en suis
persuadée !
Béatrice : Non !
Michel : Oui, mais quels gens ?
Béatrice : Ses parents, son environnement…
Michel : pas moi.
Michel : Dans quelle ville ?
Béatrice : Fondamentalement, c’est un trouble de la relation
à l’autre, de l’échange, de l’interaction sociale... je crois que
là où il y a une idée fausse, c’est qu’on dit que l’autiste ne
veut pas communiquer. Et là, je crois qu’on se trompe, parce
que la plupart des personnes avec autisme voudraient bien
communiquer, mais elles ne savent pas faire ! D’ailleurs, elles
y prennent du plaisir quand on leur en donne les moyens !
Béatrice : A Ouagadougou.
Michel : Oui, mais je crois que notre culture, telle qu’elle s’est
construite, ne permet plus la communication dont eux ils ont
besoin, ils doivent donc s’adapter à cette violence particulière,
qui pour nous est devenue ordinaire.
Pierre : Alors c’est toi qui a développé le PECS ?
Pierre : Ils auraient donc un système de communication que
nous avons perdu !
(Le PECS c’est le classeur de communication par l’image, en
anglais : Picture Echange Communication Système, Système
de Communication par Images en Français).
Léo (père de Joey) : Mais ça veut dire que dans notre société,
ça devient un trouble de communication.
Michel : Oui, mais c’est pas pareil.
Béatrice : Je ne crois pas vraiment que cela dépende de la
société... Au Burkina Faso, j’ai rencontré un enfant autiste,
et j’étais très curieuse de voir si l’autisme, c’était « la même
chose » là-bas ou pas… et là, on est dans une culture
totalement différente...
Michel : Ce n’est pas sûr ! Ils ont été colonisés, il faut
faire attention, il n’existe plus de culture indépendante de
l’Occident.
Pierre : Et là-bas, les gens n’arrivaient pas à communiquer
avec lui ?
je me devais de lui proposer cet outil et de tenter l’aventure
!
Et en fait, c’est comme s’il n’attendait que ça ! Pour moi,
Joey a sans doute tenté de communiquer auparavant, il a du
tenter de se faire comprendre à sa manière mais comme ses
initiatives échouaient par le manque de compréhension de ses
interlocuteurs, il s’est sans doute résigné... je ne sais pas si j’ai
raison mais c’est l’impression que cela m’a donnée.
Michel : Ouagadougou ce n’est pas le Burkina, Ouagadougou
c’est l’Occident transporté au Burkina, Ouagadougou, c’est
d’une violence permanente, Ouagadougou c’est autre chose…
Pierre : Il y a combien de temps ?
Béatrice : Je ne suis pas complètement d’accord ! Ça dépend
où tu es à Ouaga... (sourire)
Béatrice : C’est allé vraiment très vite ! Et ce que j’avais perçu
comme étant de l’isolement, c’était peut-être uniquement le
résultat de trop d’expériences d’échec, comme s’il avait cessé
de persévérer. Comme s’il avait lancé des perches, et qu’elles
n’avaient pas été attrapées, alors il se serait dit « eh bien, ça
sert à rien ». Le jour où il a compris qu’il pouvait communiquer
et se faire comprendre avec cet outil, c’est allé très vite. On
n’a pas eu besoin de travailler longtemps sur l’échange
comme pour d’autres enfants avec un autisme plus sévère. On
lui a proposé l’outil, et hop, c’était parti ! En 4 à 5 mois, il
maîtrisait l’outil et se débrouillait avec.
Béatrice : Non pas du tout, je l’ai mis en place auprès et avec
Joey, mais j’ai eu une formation sur le PECS.
Béatrice : … Donc je sortais juste de formation, et j’ai
rencontré Claudine (mère de Joey) avec d’autres mamans.
Léo : La première fois c’était 30 secondes ou 40 secondes à
peine !
Béatrice : Oui, Joey ne restait pas assis et il ne comprenait
pas du tout ce que j’attendais de lui parce que c’était
complètement nouveau.
C’était une autre façon de communiquer et il n’était pas
habitué. Quant à moi, cela me paraissait très difficile de
mettre en place cette stratégie parce que je me disais que
cet enfant était si isolé, avec si peu de communication, si peu
d’échange... et le PECS nécessite des compétences que je ne
voyais pas encore chez lui... mais en tant que professionnelle
Claudine : Il avait à peu près 6 ans (Joey a 12 ans et demi).
Léo : Tant qu’il n’avait pas cet outil, il commençait à avoir des
problèmes de comportement.
Béatrice : Il n’était pas dans l’échange avec l’autre quand
je l’ai connu, il ne communiquait pas ou plus, il était
complètement isolé…(Claudine montre qu’elle n’est pas tout
à fait d’accord)…sauf avec sa maman (sourires), ça reste…
Michel : Ho, n’oublions pas la maman… Et c’est peut-être
la maman qui a permis que ça redémarre, parce qu’elle avait
maintenu le lien ! … Et le papa, qu’est ce qu’il foutait ? (en
plaisantant) …
Dialogue introduit par Pierre Fréjaville
accompagne
L’
autisme est un handicap d’ordre neuro-développemental. Selon les résultats des études épidémiologiques dans le monde, cet handicap touche
entre 1 sur 100 et 1 sur 150 naissances.
L’autisme est un handicap qui se manifeste
différemment pour chaque personne, c’est pour cette raison
que l’on parle de Troubles du Spectre Autistique – TSA – ou de
Troubles Envahissants du Développement – TED - .
Cet handicap neuro-développemental touche environ 4 garçons pour 1 fille. Il se caractérise par des anomalies dans les
relations sociales, la communication verbale ou non verbale, des
intérêts restreints, des stéréotypies et des troubles sensoriels.
CRI 46 a été créée en janvier 2005 par un groupe de
parents d’enfants TSA dans la même tranche d’âge sur le
canton de Martel. Cette association est née pour tenter de
répondre aux difficultés que les parents rencontrent dans la
scolarisation, dans la socialisation (accueil en crèche, centre
de loisirs etc.) et pour trouver des accompagnements adaptés
aux besoins de leur enfant.
La France reste un modèle dans bien des pays développés*
sur le plan de la santé publique mais les Français ignorent
que la prise en charge de l’autisme est très en retard, comparée aux pays développés dans le monde. Il faut savoir que la
France a été la dernière en Europe à reconnaître la définition
internationale de l’OMS sur l’autisme, à donner le droit de
scolarisation aux enfants handicapés (loi de 2005), à reconnaître l’autisme comme handicap et non comme une maladie
mentale, qu’elle a été plusieurs fois condamnée par le Conseil
de l’Europe pour non respect des droits des personnes
autistes. Notre pays souffre de la grande résistance du milieu
psychiatrique aux nouvelles approches issues de la recherche
scientifique mondiale. Le clivage entre les approches psychodynamiques et les approches psycho-éducatives ont marqué
l’histoire de l’autisme pendant les quarante dernières années
en France. Le pouvoir et l’influence du milieu psychiatrique ont
ralenti de façon considérable les progrès possibles dans l’accompagnement des personnes autistes et leur épanouissement.
Par conséquent la France reste un des derniers pays dans le
monde développé à proposer principalement des accompagnements psychanalytiques ou psychodynamiques alors que tous
les autres pays développés proposent des accompagnements
psycho-éducatifs avec structuration dans le temps et l’espace et
l’utilisation d’outils issus du programme TEACCH, d’ABA (travail
sur les comportements), du PECS (communication visuelle avec
échanges de pictogrammes) etc…
Le spectre autistique peut être un handicap très invalidant
et représenter une épreuve pour les familles qui souvent
se retrouvent seules pour y faire face. Cela leur demande
beaucoup de courage et de résistance.
Quand on est parent d’un enfant autiste, on note très
rapidement lorsqu’un accompagnement est porteur de progrès.
C’est pour cette raison que beaucoup de parents souhaitent
un accompagnement éducatif. Aujourd’hui les textes de loi
insistent sur ces bonnes pratiques d’accompagnement mais
le choix sur le terrain reste très peu disponible en raison du
retard considérable de la France.
Après plusieurs années de combat, CRI 46 a réussi à mettre
en place à Martel un service public, grâce à l’aide de CERESA,
association toulousaine de parents d’enfants autistes, et
le professeur Bernadette ROGÉ, experte dans ce domaine,
reconnue sur le plan national et international.
Ce service public, ACCES 46, est le seul dans le département
à proposer des accompagnements basés sur ces approches
psycho-éducatives. Il peut accueillir 15 enfants de 2 à 20 ans
pour un suivi de 8 à 10 heures hebdomadaires. Sept mois
après l’ouverture en janvier 2011, la liste d’attente s’allonge et
cela avec des enfants résidant à moins de 40 km de Martel.
Jean Launay, député-maire de Bretenoux, nous a toujours
fortement soutenu dans nos actions militantes. C’est grâce
à lui, que nous avons rencontré l’association « La parole a le
geste » et son président Michel Boccara et tous les bénévoles.
Le dynamisme de leurs actions socio-culturelles, l’originalité
de leur approche, le challenge intellectuel nous ont tout de
suite intéressés. Nos premières discussions se sont très vite
concrétisées par notre acceptation de participer à ce festival de
films documentaires autour du thème de l’autisme en 2011.
Pour nous c’est une occasion de faire entendre, en partie,
un message pas simplement sur les difficultés des familles
_____________________________
* Le terme développé est un concept utilisé par les pays dits “développés”,
on peut aussi parler, de manière plus neutre, de Monde Occidental (NDE)
mais aussi de montrer qu’il existe des solutions pour aider
efficacement nos enfants.
Faire passer ce message par le biais culturel à travers différents films est une démarche différente de notre combat
politique. Ce travail nous demande un fort engagement mais
cette collaboration est aussi très enrichissante pour nous.
Comme tout partenariat, des points de vue différents et
des désaccords se sont exprimés entre les 2 associations sur la
programmation et le but du festival. Ces différences ont été
résolues ou acceptées lors des discussions et toujours dans un
bon esprit de convivialité.
Avec ce festival et les débats, nous souhaitons toucher
un grand nombre de personnes car le grand public ignore
largement ce qu’est l’autisme, les difficultés et les souffrances
des familles. Alors n’hésitez pas à venir voir ces films, à débattre et témoigner.
CRI 46 est là pour accueillir les familles, favoriser la scolarisation et l’adaptation des moyens scolaires, l’intégration
sociale de nos enfants, le développement de leur autonomie.
L’association fait connaître des modes d’accompagnements
éducatifs adaptés.
Elle met en place des formations spécifiques, propose une
aide matérielle aux familles adhérentes pour suivre une formation ou l’achat de livres, DVD…. Elle organise également
des temps de paroles et de convivialité, donne des conseils et
accompagne dans les démarches administratives notamment
auprès de la MDPH.
L’association a un siège de représentant associatif à la
CDAPH du Lot (Commission des Droits et de l’Autonomie
des Personnes Handicapées). La CDAPH gère les dossiers
des personnes handicapées : attribution des allocations,
orientation scolaire, éducative et professionnelle… Elle a
également un siège à l’ARS du Lot (Agence Régionale de
Santé) au collège des représentants d’associations d’usagers
et un siège au collège « usagers » du CRA de Midi-Pyrénées
(Centre Ressources Autisme).
Léo, pour le CRI 46
Pour toute information :
CRI 46 - chez Mr et Mme Amery – [email protected]
Bagadou Bas 46600 Martel / Tél 05 65 37 40 07
à la recherche d’images...
« ça, c’est intéressant »
« C’est dur de se voir »
« Ah bon ! »
« Là, je reconnais le rythme d’ici »
À la recherche d’images.
Voir les images des autres, ce qu’ils proposent quand
on tend un appareil photo et une caméra, les mélanger
à nos images. Nous voir filmer, discuter, s’étonner, se
surprendre, se tromper, le dire, attendre quelque chose
et recevoir autre chose ; ne rien attendre.
J’ai passé deux jours avec les éducateurs et les
résidents de la maison d’accueil spécialisée l’ «Alter
Ego ». Je mettais à disposition de tous, une caméra et un
appareil photo. Chacun, au gré de ses envies, touchait
le matériel, filmait. Les images de la première journée
ont été projetées : de nouveau des échanges et des
images. Je proposais, ils disposaient. Il ne pouvait pas
en être autrement. Ne pas laisser les autistes disposer de
l’échange et tout s’effondre. J’étais en attente d’images,
les éducateurs aussi ; ils ont créé un espace bienveillant
dans lequel un échange serein s’est construit.
J’ai reçu des images improbables. Non pas parce que
l’outil audiovisuel n’était pas maîtrisé mais parce que
le regard tel qu’on l’attend n’est peut-être pas là… Je
veux dire le regard qui passe par l’œil… Peut-être est-il
là, peut-être pas, peut-être tente-t-il d’être là ?
Cet essai audiovisuel est construit de « regards différents » qui tentent l’échange. Il s’appuie sur mon
ressenti dans cet environnement qui m’était totalement
inconnu. J’y ai croisé de la vigilance, du contrôle de soi,
de l’écoute, une attention à prévenir tout affrontement
que l’on sait brutal et dangereux, et en même temps
une forme de calme, de décontraction, d’assurance de
soi où les personnalités doivent s’affirmer : une tension
paradoxale et épuisante.
J’ai eu l’agréable sensation que quelque part, il était
possible de s’affirmer librement. Où ? Au bout de quels efforts ?… Je ne sais pas. Mais par l’intermédiaire des images, j’ai eu la satisfaction de ressentir un champ à ouvrir…
Pourquoi alors ce plaisir d’avoir vécu ces moments,
conscient bien sûr que deux jours n’est qu’un passage
furtif, pourquoi parfois cet élan mimétique quand un
geste, un regard, une intonation, une mélopée répétée
vous interpelle ?
Philippe Arson
9 festival du film
ème
cantons de bretenoux et saint-céré (46)
vendredi 21 octobre cinéma robert doineau de bretenoux-biars
18h30 / ouverture du festival / batucada turbulente / projections
20h30 / jeunesse de l’afrique / elle s’appelle sabine
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samedi 22 octobre salle municipale de saint-michel loubéjou
14h après-midi / projections ouvertes à tous
autisme l’espoir / histoire / histoires d’autisme / papotins et fiers de l’être
21h soirée / étrange rencontre avec fernand deligny
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dimanche 23 octobre village de martel
14h / ballade documentaire
18h soirée / salle municipale / étrange rencontre avec tony lainé
en présence des réalisateurs
ÉTRANGES