image du corps

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image du corps
Images du corps et schéma corporel
Note de synthèse pour licence sciences de l’éducation
L'apologie faite au corps dans nos sociétés contemporaines ~ sinscrit-elle dans une évolution
du corps objet - tabou du corps - sujet, au corps à être, à l'être du corps ?
En effet depuis le XIX siècle on assiste à un intérêt grandissant pour le corps, intérêt social,
économique ou scientifique.
Cela passe par l'idéologie du corps sain à visée médicale ou normative (le corps redressé :
Vigarello) et va Jusqu'à la notion de modèle du corps, d'image du corps idéale véhiculée par
les média ou la publicité; beauté du corps, beauté de la peau étant implicitement liées à pureté
de l'âme, des sentiments, des affects, des désirs, notre société se mire dans les corps. "Le
corps est le symbole dont use une société pour parler de ses fantasmes, c'est le symbole de
tous les symboles existants possible écrit M. Bernard.
Ce qui entraîne la construction du corps (BODY BUILDING) sa réparation (intervention du
médical) ou de le prendre comme lieu d'investissement des affects, des fantasmes, comme lieu
de traitement du sujet et de ses difficultés personnelles relationnelles...
Ainsi sont apparues les techniques corporelles faisant appel à l'énergie, au corps du groupe, à
l'inconscient du groupe (analyse transactionnelle, groupe de confrontation, psychodrame
technique de massage, technique de pack, analyse bioénergique... Et pourtant malgré cet
avènement du corporéisme ; Anzieu écrit : "Le dénié actuel (comme l'était le sexe du temps de
FREUD) reste le corps comme dimension vitale de la réalité humaine, comme donnée globale
pre-sexuelle et irréductible, comme ce sur quoi les fonctions psychiques trouvent tout leur
étayage".
Le corps ne serait-il de préférence qu'étudié sous un certain angle, y aurait-il un oubli des
dimensions sexuelles fantasmatiques du corps ?
Cela pose le problème de comment celui-çi se construit, comme il vit, comment il se ressent,
comment il existe ?
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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Une première étude historique des différentes approches des notions de schéma corporel et
d'image du corps, et une étude de l'imbrication de l'un par rapport à l'autre permettra d'y
répondre
L'analyse de la construction de 1'image du corps et du schéma corporel pose alors comme
problème celui du développement de l'enfant, de la façon dont il est au monde, plus
spécifiquement, nous poserons la question de savoir ce que cela entraîne dans la relation
enseignant-enseigné, dans la relation aux apprentissages corporels et aux activités physiques.
Corps ! Schéma corporel I Image du Corps !
L'héritage de Platon au niveau de la culture occidentale s'est traduit par une problématique des
rapports de l'âme et du corps qui poussent l'homme à affirmer "j'ai un Corps".
Le courant philosophique et phénoménologique de Merleau Ponty a le mérite de mettre
l'accent sur le corps sujet. « Le corps est le principe biologique de ma présence au monde; il
convient donc de dire je suis un corps et non j’ai un corps »..
Si l'on considère le problème d'un point de vue scientifique, au début du XIX. C'est sous une
problématique physiologique qu'apparaît le terme de schéma - corporel.
Les appellations se sont d'ailleurs multipliées, donnant lieu à un conflit de compréhension. La
non distinction pour certains auteurs entre schéma corporel et image du corps a également
contribué a peser sur l'ambiguïté de ces notions.
Essayons d'examiner rapidement cette évolution
PICK en 1908 propose le terme d'image spatiale du corps : notre conscience dessinerait notre
corps selon des pointillés déterminés par les excitations épidermiques localisées visuellement.
HEAD parle de modèle postural du corps auquel sont mesurées avant d'entrer dans la
conscience tous les changements de posture - notion de schéma postural et de schéma de
surface du corps.
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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SCHILDER parle de schéma corporel au sein duquel les données tactiles, kinesthésiques et
visuelles ne peuvent être séparées. Le modèle postural du corps n’est plus seulement envisagé
sous son aspect perceptif mais comme une structure indissolublement perceptive et active
enrichie sans cesse par l'expérience.
L'observation clinique et l'expérimentation ont depuis lors largement montré que les champs
sensoriels proprioceptifs sont intriqués dans les manifestations du schéma corporel confirmant
ainsi l'hypothèse de Schilder et de Wallon prétendant que les modalités sensorielles sont à ce
niveau associées aux modalités labyrinthiques.
C'est Schilder qui en quelque sorte souligne l'ambiguïté des notions schéma corporel. Image
du corps, intégrant les deux termes dans le même concept alors que d'autres auteurs les
différencieront.
Ainsi Schilder soulignera le rôle de l'expérience émotionnelle et libidinale au sein du modèle
postural de chaque être humain. La structure de l'image du corps variera selon les tendances
psycho-sexuelles des individus.
Le schéma corporel est conçu comme une structure libidinale dynamique qui varie en fonction
de nos rapports avec le milieu physique, vital et social donc "en perpétuelle auto construction
et auto destruction". C'est un processus continuel de différenciation et d'intégration de toutes
les expériences incorporées au cours de notre vie (perceptives, motrices, affectives,
sexuelles...). Les ambiguïtés de ce schéma corporel proposé par Schilder viennent du fait que
les deux modèles de l’image du corps, celui correspondant aux capacités perceptives motrices d'un organisme anatomiquement et physiologiquement défini et celui correspondant
au modèle psychanalytique de l'image fluctuante et onirique du corps érogène, restent
simplement accolés arbitrairement juxtaposés.
Michel Bernard dans son livre " Le corps"analyse les différentes approches du corps comme
relation". Il distingue :
1) L'approche phénoménologique :
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"mon corps comme être au monde" Merleau Ponty en ce sens que notre schéma corporel ne
retient de la structuration anatomo physiologique ou morphologique de notre corps et de ses
expériences acquises que ce qui a une valeur pour nos projets c'est-à-dire ce qui lui permet de
mieux s'adapter à son environnement.
La deuxième dimension soulignée par Merleau Ponty est celle du corps comme véhicule de
l'être au monde : "avoir un corps c'est pour un vivant se joindre à un milieu défini, se
confondre avec certains projets et s'y engager ».
M. Bernard critique cette visée, parce que trop restrictive. Il situe le corps comme un espace
expressif, comme le moyen général d'avoir un monde, dans une perspective d'intercorporeïté.
2) L'approche psychobiologique
Représentée par H. Wallon qui présente le schéma corporel comme une nécessité, se
constituant selon les besoins de l'activité: Ce n'est pas une donnée initiale ni une entité
biologique ou psychique. Mais « le résultat et la condition de justes rapports entre l'individu et
le milieu »:~
C'est l'émotion qui est une forme d'adaptation au milieu et plus spécifiquement à autrui. il
s’agit d'une adaptation émotionnelle ayant pour-étoffe le tonus musculaire.
Ajuriaguera : « le dialoque tonique". La genèse de la conscience du corps propre et de la
personnalité chez l'enfant est un processus dialectique dans la mesure où il y a un va et vient
de soi à autrui, et de l’imqge perçue par autrui à soi même, avec à chaque stade d'évolution
rupture, rectification et reprise, et dépassement de la situation extérieure.
M. Bernard qualifie de synthèse fluctuante la vue d'Ajuriaguera "Le corps vu comme dialogue
corporel".
Cela permet de voir notre corps en relation avec l'espace environnant mais ne pouvant si vivre
que dans et par le corps d'autrui.
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I1 y a une histoire du fond tonique et des réactions toniques correspondant à celle de la
formation de la personnalité. Celle-çi pouvant être troublée dans la mesure où cette histoire
tonique connaîtra des retards ou des régressions.
Cette explication a été le point de départ d'une nouvelle thérapeutique : la relaxation en tant
que restauration de la fonction tonique daos son ensemble, patiente rééducation du corps
comme dialogue tonique avec soi; le milieu et les autres (relaxation type Jacobson et Schultz).
Le problème d'une telle psychotérapie est qu’elle ne peut suffire à modifier historiquement
toute une personnalité n'ayant pas prise sur l'ensemble des mécanismes de défense, elle exige
donc le complément de la psychanalyse. Le corps n'étant pas vécu seulement toniquement
mais aussi fantasmatiquement.
3) L'approche psychanalytique :
Ajoute la réalité d'un corps libidinal et d'un corps fantasmé.
Chacun vit son corps selon la singularité de son histoire, de ses expériences personnelles de
satisfaction ou de frustration de sa libido.
Le corps garde une structure libidinale imaginaire dessinée par les fantasmes de notre
première enfance et par les conflits affectifs qui ont bouleversé et tissé notre histoire.
'Le psychanalyse envisage le corps comme un fantasme produit par l'imaginaire et signifié par
un langage et voit dans les notions de schéma corporel et d'image du corps que des
élaborations secondaires. Ce qui revient à les situer par rapport à une expérience primitive
inconsciente dont elles ne sont que la refraction consciente le déguisement ou le masque
idéologique.
Cette approche psychanalytique consiste à restituer le langage archaïque des fantasmes du
corps par delà les rationalisations des discours anatomiques, physiologiques, psychologiques
et phénoménologiques.
Les pulsions de l'enfant et les fantasmes qu'elles animent sont pris, captés dans un niveau de
signifiant qui obéissent aux lois structurales du langage.
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Le corps en tant que service et organe de plaisir est inspiré de notre langage et, inversement
notre langage signifie et s'enracine dans l'expérience érogène de notre corps.
Ce corps et ou ce langage se constituant dans la relation du corps de l’enfant avec celui de la
mère dans leur appel réciproque au plaisir.
4) La dimension du Corps regardé et jugé
L'élaboration secondaire de l'image du corps ne peut être reconnue et assurée par nous que par
notre perception du regard et du jugement d'autrui.
Notre corps n'acquiert une totale réalité pour nous que lors que notre acceptation du regard et
du jugement d'autrui permet de construire une image de notre corps en accord avec la
configuration fantasmatique dessinée par nos désirs.
~5) L'approche socioloqique :
Le corps comme structure sociale et mythe
I1 s'agit içi de situer la synthèse que propose Michel Bernard après une vue d'ensemble du
problème.
Pour lui le corps ne se confond ni avec sa réalité biologique ni avec sa réalité imaginaire, ni
avec sa réalité sociale (en tant que configuration et pratique culturelle).
L'image de notre corps est ce que projette notre désir jailli certes de la vie, de la sexualité,
mais aussi limité et défini par les significations et les valeurs sociales imposées par les
situations. « Le corps est le symbole dont use une société pour parler de ses fantasmes. C'est
le symbole de tous les symboles existants ou possibles. »
La réalité du corps est l'horizon inaccessible et illusoire des mythes qui en parlent et
prétendent en donner la vérité.
`,6) Approche neurophysiologique de l'image du corps et du schéma corporel.
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PAILLARD
A partir des différents systèmes de traitement de l'information qu'il étudie, Paillard décrit un
corps identifié, comme corps que nous habitons, dans sa forme et dans le contenu de ses
surfaces limitables, et un corps situé, localisé comme objet perçu dans un certain espace
orienté dans un espace de référence géocentré.
Le corps identifié correspondrait à l'image du corps et serait lié au processus de traitement de
l'information (visuelle, tactile, auditive, kinésthésique...) qui analyse la forme et les qualités
sensorielles, le corps situé correspondrait au schéma corporel, le corps étant situé grâce aux
processus de traitement de l'information qui localise les objets par rapport au corps (corps
référence) ou le corps par rapport aux objets (corps référé).
Pour la construction de ces notions, cet auteur mettra l'accent sur les expériences sensorielles
résultant d'un corps agissant, sur le rôle organisant du corps actif.
Cette approche semble assez restrictive n'étant que neurophysiologique, mais peut-être
gagnerait-elle à être reliée à une approche psychanalytique reliant ces données matérielles aux
données du développement de l'image du corps du développement de l'enfant.
La notion de contenu de ses surfaces limitantes ne pourrait-elle pas être reliées à la notion de
contenant du moi peau et de surface délimitante d'ANZIEU (Le moi Peau)!
Toutes ces approches ont leur pertinence à restituer dans le contexte, mais nous allons
maintenant étudier deux auteurs qui nous semble très intéressants pour notre sujet.
II F. DOLTO et D. ANZIEU
1) L'approche psychanalytique de F. DOLTO :~:
Le schéma corporel spécifie l'individu en tant que représentant de l'espèce.
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C'est lui qui sera l'interprète actif ou passif de l'image du corps, en ce sens qu'il permet
l'objectivation d'une intersubjectivité, d'une relation libidinale langagière avec les autres qui
sans lui, sans le support qu'il représente, resterait à jamais fantasme non communicable.
Si le schéma corporel est en principe le même pour tous les individus, l'image du corps par
contre est propre à chacun : elle est liée au sujet et à son histoire. Elle est spécifique d'une
libido en situation, il en résulte que le schéma corporel est en partie inconscient mais aussi
conscient tandis que l’image du corps est éminemment inconsciente.
L'image du corps est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles : interhumaines,
répétitivement vécus à travers les sensations érogènes électives, archaïques ou actuelles.
Elle peut être considérée comme l'incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant. (Le
sujet inconscient désirant en relation au corps existe dès la conception). L'image du corps est à
chaque moment mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel, et en même temps elle est
actuelle vivante en situation dynamique, à la fois narcissique et inter-relationnelle :
camouflable ou actualisable dans la relation içi et maintenant, par toute expression langagière,
dessin, modelage, invention musicale plastique comme aussi mimique et geste.
C'est grâce à notre image du corps portée par et croisée à notre schéma corporel que nous
pouvons entrer en communication avec autrui.
C'est dans l'image du corps, support du narcissisme que le temps se croise à l'espace que le
passé inconscient résonne dans la relation présente. Dans le temps actuel se répète toujours en
filigrane quelque chose d'une relation d'un temps passé. La libido est mobilisée dans la
relation actuelle, mais peut s'en trouver ressuscitée, une image relationnelle archaïque qui était
restée refoulée et fait alors retour.
Autre différence que souligne F. DOLTO • alors que le schéma: corporel, est abstraction d'un
vécu du corps dans la réalité et se structure par l'apprentissage et l'expérience, l'image du
corps se structure par la communication entre sujets, et la trace au jour le jour mémorisée du
jouir frustré, réprimé et interdit (castration entendu au sens psychanalytique, du désir dans la
réalité). C'est pourquoi, elle est à référer exclusivement à l'imaginaire, à un intersubjectif
imaginaire marqué d'emblée chez l'humain de la dimension symbolique. Autrement dit, le
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schéma corporel réfère le corps actuel dans l'espace à l'expérience immédiate. il peut-être
indépendant du langage, entendu comme histoire relationnelle du sujet aux autres. Le schéma
corporel est inconscient préconscient et conscient. Il est évolutif dans le temps et l'espace.
L'image du corps réfère le sujet du désir à son jouir, médiatisé par le langage mémorisé de la
communication entre sujets. Elle peut se rendre indépendante du schéma corporel. Mais elle
s'y articule par le narcissisme, originé dans la charnalisation du sujet à la conception.
F. DOLTO, forte d'une grande expérience psychanalytique avec les enfants, montre que les
illustrations graphiques et plastiques d'enfants psychotiques révèlent leur image du corps à
décoder dans le dialogue analytique. Elle montre en quoi schéma corporel et image du corps
dépendent de deux registres différents mais sont en même temps étroitement liés.
Puisqu'un schéma corporel sain (sans lésion organique) arrive à être invalidé de par une image
du corps pertubée, de même qu'un schéma corporel infirme peut cohabiter avec une image du
corps saine (cas de polyomyélites). Son hypothèse est que la structuration ou non de l'image
du corps dépend de la symbolisation permise à l'enfant par l'entourage. Symbolisation permise
par le maintien de la relation langagière à l'enfant.
C'est donc, dans la mesure où l'image du corps se structure dans la relation intersubjective que
toute interruption de cette relation, de cette communication peut avoir des effets dramatiques.
F. DOLTO suit l'élaboration de l'image du corps phase après phase, en montrant que chaque
fois le pas est franchi par une castration.
L'image du corps est à tout moment la représentation immanente inconsciente où se source le
désir. Ainsi la vision du monde du petit enfant est conforme à son image.du corps actuelle et
en dépend.
Le lieu source des pulsions est le schéma corporel, et le lieu de leur représentation, l'image du
corps. L'élaboration de l'image du corps ne peut donc être étudiée qu'au cours de l'évolution
du schéma corporel chez l'enfant.
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C'est par les deux processus que sont tensions de douleurs ou de plaisir dans le corps, et
paroles venues d'un autre pour humaniser ces perceptions que schéma corporel et image du
corps sont en relation.
C'est en effet par la parole que les désirs révolus ont pu s'organiser en image du corps, que des
souvenirs passés ont pu affecter des zones du schéma corporel devenues de ce fait zones
érogènes (même quand l'objet du désir n'est plus là). Si la parole extérieure fait défaut; l'image
du corps ne structure pas le symbolisme du sujet mais fait de celui-çi un débile idéatif
relationnel.
Analysons l'élaboration de cette image du corps au cours de 1' histoire du sujet. :~^
Analyse intéressante car elle permet de comprendre l'importance du langage adressé à l'enfant
dès le plus jeune âge voire in utéro, l'importance des "castrations symboligènes" et ce dans un
but "d'humanisation" de l'individu.
Intéressante aussi car elle nous permet de comprendre certaines pathologies de l'image du
corps et ce que parler son mal peut vouloir dire.
L'image du corps est donc toujours inconsciente constituée de l'articulation dynamique d'une
image de base, d'une image fonctionnelle et d'une image des zones érogènes où s'exprime la
tension des puisions.
L'image de base est ce qui permet à l'enfant de se ressentir dans une "mêmeté » d'être,
c'est à dire dans une continuité narcissique.
C'est elle qui est constitutive du narcissisme primordial (on
trouvera une image de base propre à chaque stade : image aérienne
image orale, image anale).
L’image fonctionnelle correspond à l’image sténique du sujet visant l’accomplissement
de son désir.
L'image érogène associée à telle image fonctionnelle c'est le lieu où se focalise plaisir ou
déplaisir érotique dans la relation à l'autre.
L'image du corps se trouve être la synthèse de ces trois images reliées entre elles par les
puisions de vie, lesquelles sont actualisées par le sujet dans l'image dynamique qui exprime en
chacun le sujet en droit de désirer.
Le narcissisme assure la continuité de l’être mais a à être remanié en fonction des épreuves
auxquelles se heurte le désir de l'enfant. Ce sont ces épreuves représentées par les castrations
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au sens psychanalytique du terme qui vont permettre la symbolisation et contribuer à modeler
l'image du corps dans l'histoire et ses réélaborations successives. Dans un processus normal
d'élaboration de l’image du corps, les paroles échangées vont permettre la symbolisation des
objets de jouissance révolue.
Et l'enfant recueille les fruits de la castration que F. DOLTO résume ainsi
Le fruit de la castration orale est ce qui permet à l'enfant ne plus être totalement dépendant de
sa mère.
Le fruit de la castration anale est l'autonomie de l'enfant (et pas seulement donc l'acquisition
de la propreté).
Le fruit de la castration oedipienne est l'adaptation de l'enfant à toutes les situations de la
société.
Les castrations données à temps et expliquées permettent l'entrée des puisions dans le
processus de sublimation c'est à dire à la culture.
F. DOLTO insiste sur ce qu'elle appelle "les castrations symboligènes" qui doivent permettre
au cours de chaque phase du développement l'élaboration de l'image du corps.
Il doit s'agir d'un processus de mutation pour le sujet et de renforcement pour le désir. Les
puisions refoulées subissent un remaniement dynamique et le désir vise son accomplissement
par des sublimations. C'est ce processus découlant de la castration q'on nomme symbolisation.
Ce qui ne veut pas dire que castration soit synonyme de sublimation, elle peut y conduire mais
peut aussi déboucher sur une perversion. (La perversion est d'ailleurs une symbolisation mais
qui ne correspond pas à la loi pour tous).
F. DOLTO s'interroge sur les conditions nécessaires pour que les castrations données à
l'enfant lui permettent l'accès aux sublimations et à l'ordre symbolique de la loi humaine.
1) Il faut que le schéma corporel de l'enfant se trouve en mesure de les supporter.
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il y a en effet un juste moment pour apporter les castrations c'est celui ou les pulsions ont
amené un certain développement du schéma corporel qui rend l'enfant capable par exemple
d'aménager ses pulsions autrement que dans la satisfaction du total corps à corps. Le langage
permettra de séparer besoin et désir et de médiatiser les castrations.
Ainsi par communication, le sevrage sera une castration orale symboligène : les zones
érogènes liées à la tactilité avant la séparation du corps à corps peuvent devenir lieu de plaisir
et de désir tant reçu que donné.
2) I1 faut à l'adulte certaines qualités pour assurer la dimension symboligène de ce processus :
respect et amour chaste pour l'enfant, exemple et modèle pour l'enfant.
Un stade semble important dans le sujet qui nous préoccupe c'est le stade du miroir.
En effet les castrations orale et anale ont opéré une individuation qui a permis au schéma
corporel de l'enfant de se séparer de celui de la mère et de lier son propre schéma corporel à
son image inconsciente du corps.
I1 est important que l'enfant ne découvre pas seul son image dans le miroir car de là peut
subvenir le trou symbolique dont découle l'inadaptation de l'image du corps et du schéma
corporel.
en effet, avant l'expérience du miroir, c'est le schéma corporel de la mère qui donne sens au
narcissisme fondamental de l'enfant. Avec l'expérience du miroir, l'image du corps du bébé
informe son propre schéma corporel selon le langage que constitue l'image du corps pour le
sujet en référence au sujet mère. Il n'en découvre l'intégrité que si son narcissisme se satisfait
de l'image qu'il voit dans le miroir. C'est l'origine du narcissisme primaire.
C'est donc par introjection des paroles de l'adulte que l'image inconsciente du corps se
structure depuis la première castration ombilicale, puis le sevrage, puis l'indépendance
motrice. Elle se structure en informant le schéma corporel des dires parentaux en ce qu'ils
limitent les initiatives de l'enfant parce qu'elles mettraient en danger la cohésion du sujet.
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Ainsi, avec la castration primaire qui correspond à la découverte des sexes, il est important de
dire la vérité sur les sexes; leur utilité, afin de permettre à la fille comme au garçon de
conforter leur image inconsciente de leur corps et d'accepter leur schéma corporel.
Avec la découverte de l'appartenance sexuelle définitive, on entre dans la phase du complexe
d'oëdipe et dans la castration oëdipienne génitale, l'image du corps du sujet change, elle est
consciemment celle qui doit s'accorder dans la réalité à un corps qui sera celui d'un homme ou
d'une femme et on parle d'entrée dans le narcissisme secondaire.
Nous verrons avec l'étude de quelques cas extrêmes de pathologie de l'image du corps
(autisme...) combien l'articulation entre schéma corporel et image du corps est signifiante tout
au long du développement; mais il est intéressant de voir en quoi l'analyse de F. DOLTO est
révélatrice dans la vie de tous les jours et dès le plus jeune age.
En effet cela nous montre en quoi des symptômes organiques (tels que vomissement, diarrhée,
constipation du nourrisson) qui peuvent être tout simplement des manifestations de langage
parlé aux parents, des demandes de communication affective, risquent par incompréhension et
non relation de se transformer en névroses;
Pour F. DOLTO, et c'est pour cela que sa visée nous semble la plus pertinente dans cette
étude, tout est langage chez l'être humain en particulier le corps par la santé et la maladie !
"I’image du corps croisée au schéma corporel, substrat de notre être au monde, lien des sujets
à leur corps dans sa substantialité palpitante lieu de leur apparence; tel peut aussi se dire le
désir inconscient".
2) La notion de moi-Peau étudiée par Didier ANZIEU. `~'
Anzieu établit une structure intermédiaire indispensable à la formation du moi presqu'une
instance le moi-PEAU, se rattachant à une structure topographique inscrite sous forme
virtuelle dans le psychisme mais vécue sur le plan fantasmatique.
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On peut voir cette instance comme une construction première et primordiale de l'image du
corps avec la nécessité de le relier à un investissement visuel et libidinal du corps en général.
Le moi-peau se constitue comme première construction d'une image du corps et va s'élaborer
par différenciation progressive, par emboîtement successif.
"En mettant l'accent sur la peau comme donnée originaire à la fois d'ordre organique et d'ordre
imaginaire, comme système de protection de notre individualité en même temps que comme
premier instrument et lieu d'échange avec autrui, je vise à faire émerger un autre modèle, à
l'assise biologique assurée, où l'interaction avec l'entourage trouve sa fondation et qui respecte
la spécificité des phénomènes psychiques par rapport aux réalités organiques comme aux faits
sociaux" écrit ANZIEU.
h`.
Cet auteur donne une telle place à la peau parce que "la surface de l'ensemble de son corps et
de celui de sa mère fait l'objet chez le bébé, d'expériences aussi importantes pour leur qualité
émotionnelle pour leur stimulation de la confiance du plaisir et de la pensée, que les
expériences liées à la succion et à l'excrétion ou à la présence fantasmatique d'objets internes
représentant les produits du fonctionnement des orifices.
Le moi-peau serait d'abord, la figuration dont le moi de l'enfant se sert au cours des phases
précoces de son développement pour se représenter lui même comme moi contenant les
contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps. C'est à la fois un sac
qui retient et contient, un interface qui marque la limite et une surface d'inscription des traces,
un moyen de communication. Par la même il fondera la possibilité même de la pensée.
Comme la peau, il est constitué de deux enveloppes : une extérieure ayant un rôle de pare
excitation filtrant ce qui vient de l'extérieur et une interne d'inscription des traces provenant de
l'intérieur et des informations filtrées par la peau extérieure.
La structure du moi-peau évolue donc entre une carapace imperméable et une enveloppe
passoire, l'une et l'autre ayant trait à des déséquilibres du psychisme et étant lié au
développement de l'enfant.
L'enveloppe passoire pouvant être une raison de la constitution d'une deuxième peau
musculaire pathogène, pare excitation passive, prothèse substitutive. Il est à noter que cette
deuxième peau quand elle joue le rôle de pare excitation active (sports vêtements) est
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indispensable pour l'homme normal, que son investissement pulsionnel spécifique est fourni
par l'agressivité. (Sports de compétition).
Le moi-Peau pour se constituer doit passer par trois fantasmes
- celui d'inclusion réciproque lié à la vie intra-utérine
- celui d'une peau commune avec la mère après la naissance qui devra se déchirer pour que
chacun reconnaisse sa propre peau.
Si les angoisses liées à ces fantasmes arrivent à être surmontées, l'enfant acquiert un moi-peau
selon une double intériorisation de l'interface qui devient une enveloppe psychique contenant
des contenus psychiques de l'entourage maternant qui devient le monde interne des pensées,
des images, des affects. Ce sera la condition pour que le moi acquiert le sentiment de sa
continuité temporelle.
Pour cela, il faudra que l'entourage qui forme une enveloppe extérieure pour le bébé, ne colle
ni trop à la peau (moi étouffé dans son développement ni ne soit trop lâche (moi : manque de
consistance). Le moi n'est-il pas pour FREUD"avant tout un moi corporel, il n'est pas
seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d'une surface".
ANZIEU assigne ainsi neuf fonctions au Moi-PEAU.
-
fonction de maintenance du psychisme
-
Rôle du holding de Winnicott
- fonction contenance (moi peau = écorce complémentaire avec le noyau : le CA)
-
fonction du handling –
-
Rôle de pare-excitation
-
- fonction d'individuation de soi
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- fonction d'intersensorialité : surface psychologique reliant entre elles les diverses sensations.
- fonction de surface de soutien de l'excitation sexuelle.
- fonction de recharge libidinale du fonctionnement psychique, de maintien de la tension
énergétique interne et de sa répartition inégale entre les sous-systèmes psychiques
- fonction d'inscription des traces sensorielles
- fonction négative visant à l'auto destruction de la peau et du moi.
Toutes ces fonctions semblent pouvoir être des éléments constituant de l'image du corps
marquant l’histoire de l'image du corps en même temps gue des fonctions de structuration du
moi.
Cette notion de moi peau renvoie d'ailleurs au triple statut reconnu par FEDERNE au corps :
partie du moi, partie du monde extérieur et frontière entre le moi et le monde.
En travaillant sur la notion de moi peau, ANZIEU s'intéresse à d'autres éléments qui nous
semblent primordiaux pour la construction du moi-Peau et par là de l'image du corps ainsi que
pour le développement du moi et de la pensée.
Le Moi-Peau serait constitué d'une enveloppe sonore, thermique, olfactive et gustative et ne
peut passer de la problématique narcissique à la problématique oedipienne, qu'en passant du
tactile du gustatif de l'olfactif du respiratoire au visuel.
L'auteur d'ailleurs, pose alors une interdiction précédant l'interdiction de l'oedipe qui est celle
du noli tangere; noli tangere qui faut-il le rappeler est un des fondements de notre système
éducatif. (cf oury et Vasquez)
Anzieu écrit : "Si le moi est une surface (celle de l'appareil psychique) et la projection d'une
surface (celle du corps), s'il fonctionne donc, d'abord selon une structuration du moi-peau, il
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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ne peut passer au système de fonctionnement de la pensée (propre à un moi : psychique
différencié du moi corporel) qu'en renonçant, sous l'effet du double interdit du toucher au
primat du plaisir de peau puis de mains et en transformant l'expérience tactile concrète en
représentation de base sur le fond desquelles des systèmes de correspondance intersensorielles
peuvent s'établir".
Enfin ANZIEU termine et là nous rejoignons le problème de l'image du corps comme
relation, le problème de toute relation aux autres, le problème du poids des mots par exemple
dans une relation enseignant enseigné, et dans toute relation psychanalytique :
« La parole de l'autre, si elle est opportune, vivante et vraie permet au destinataire de
reconstituer une enveloppe psychique contenante, et elle le permet dans la mesure où les mots
entendus tissent une peau symbolique qui soit un équivalent sur les plans phonologiques et
sémantigues des échotactilismes originaires entre le tout petit et son environnement maternel
et familial.
III Des Exemples divers d'implication de l'image du corps. l
A l'aide de ces différentes approches du schéma corporel et de l'image du corps, nous allons
essayé à partir d'exemples de présenter quelques implications de l'image du corps de sa
construction, de la relation au corps, à soi, à l'autre, aux autres, à l'espace compris comme
instituant et institué, à différents milieux (aérien, aquatique...), à différentes activités, à
différents actes moteurs notamment dans la relation d'apprentissage, dans les apprentissages
moteurs.
Nous étudierons d'abord comment l'image du corps et son développement s'inscrit dans notre
corps, dans notre être au monde, comment se sont constituées certaines psychoses en relation
avec cette image du corps.
Puis nous nous intéresserons à la situation d'apprentissage, avec quelques remarques sur le
langage et l'image du corps, sur le rôle et la place des mots; et plus spécialement
1) à la relation enseignant enseigné, à l'image du corps pro-jettée et perçue de l'un et de
l'autre, à son rôle dans le rapport au savoir (ANZIEU : les groupes fonctionnent comme un
corps - LABRIdy C. PUGADE. Renaud).
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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2) à la liaison image du corps savoir corporel, au problème de la signification de l'activité, du
milieu de cette activité, par le corps et pour le corps et de l'investissement libidinal de
l'activité lors de l'apprentissage.
.A) Un regard sur la pathologie des images du corps. ~
F. DOLTO, grâce à son expérience psychanalytique nous montre
que le processus de
régression des images du corps est le processus inverse de leur structuration. Pour elle ce
processus est toujours dépendant d'une relation affective; il ne faut donc pas déduire un
déterminisme organiciste car c'est grâce à la relation de langage entre le sujet et son entourage
que la généralité du processus d'articulation de l'image du corps et du schéma corporel
s'éclaire comme la personnalisation narcissique défensive du sujet.
~
F. DOLTO explique que la pathologie de cette image du corps peut subvenir tout au cours du
développement et même être due à la vie intra-utérine, alors que les manifestations ne se
révèleront que y plus tard.
Un être humain peut sans -avoir d'anomalies neuro-musculaires ou neuro-végétatives s'être
trouvé dans l’impossibilité de structurer sa première image du corps et même de soutenir son
narcissisme fondamental. Il suffit qu'il ait subi des ruptures dommageables du lien précoce
avec sa mère.
C'est l'exemple du schyzophrène chez qui la potentialité de symboliser l'image du corps a été
interrompue (par absence de parole L'enfant va symboliser pour lui même tout ce qu'il vit
dans un code qui n'est plus communicable : ainsi du psychotique muet qui présente rarement
des troubles organiques, mais ne présente pas de médiation de l'image du corps, le schéma
corporel vit tout seul. Le sujet se désolidarise de son corps. On constate que cela arrive dans
des cas d'hospitalisation précoces, de séparation brusques mère-enfant, en bref dans des cas
où les castrations ne sont pas symboligènes, seul les besoins physiologiques étant comblés.
C'est le cas de toutes les maladies psychosomatiques, correspondant d'ailleurs à des psychoses
ou névroses plus ou moins graves selon que les traumatismes ont lieu avant la castration
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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primaire et plus encore avant la marche et avant l'achèvement neurologique du schéma
corporel.
~
Ce sont les symptômes de dérèglement végétatif (du tube digestif, du cavum.)
Ainsi quand les zones érogènes (visage, bouche, anus, fesses) liées aux puisions orales et
anales ne sont plus intégrées au plaisir ni en relation avec la mère ni aux images de base
correspondante (ventre, estomac), il y a régression du sujet jusqu'à des images
cardiorespiratoires et péristaltiques. Il peut y avoir un retour impossible à la mère foetale ou
appel en vain à la mère tactile; ce qui peut provoquer des crises d'asthme...
F. DOLTO nous montre que le rôle de la psychanalytique est le rendre le sujet désirant afin de
permettre une reconstruction de l’image du corps en rapport avec le schéma corporel.
B) Image du corps et intelligence du langage des gestes, des mots
La schizophrénie nous permet de comprendre l'importance du sens des mots, et leur
dimension. Le schéma corporel séparé de l'image du corps crée comme une rupture de
l'espace et de temps, une faille où l'enfant bascule dans l'imaginaire d'un désir dissocié le sa
possible réalisation. Ainsi un bruit extérieur peut-être une réponse à un ressenti actuel de son
corps, le monde entier des choses est en conversation avec lui mais pas celui des humains,
parce que lui a manqué à un moment donné la relation langagière structurante.
F. DOLTO explique que c'est pour cela que le mime qui médiatise des images du corps est
immédiatement intelligible par le psychotique, le schizophrène, justement parce qu'il ne
déchiffre pas linguistiquement le spectacle du mime, ne met pas, comme le public habituel
des mots sur ce qu'il voit. Le spectacle du mime parle directement à son image du corps.
En effet, la compréhension d'un mot dépend à la fois du schéma corporel de chacun et de la
constitution de son image du corps reliée aux échanges vivants qui ont accompagné pour lui,
l'intégration, l'acquisition de ce même mot.
Le mot a certes un sens symbolique en lui même, c'est à dire qu’il réunit par delà l’espace et
le temps, dans une communication par le langage parlé écrit, des êtres humains qui même sans
expérience acquise en commun, peuvent se transmettre ainsi s'ils se font confiance, les fruits
langagiers acquis par eux dans le croisement de leur image du corps à leur schéma corporel.
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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Mais celui qui n'a pas soit l'image du corps, soit le schéma corporel correspondant au mot
émis, entend le mot sans le comprendre, faute d'avoir le rapport corporel (image sur schéma)
qui permet d'y donner un sens.
Le cas de l'aveugle de naissance (qui peut très bien nommner les couleurs dont il se fait une
représentation auditive et émotionnelle dans sa relation aux autres mais il n'empêche que les
signifiants des couleurs ne peuvent pas réunir pour lui une image du corps de voyant à un
schéma corporel qui est non voyant) nous fait comprendre indirectement ce qu'il en est pour
un enfant qui, du fait d'un schéma corporel encore immature, n'a pas pu enregistrer, par la
rencontre des perceptions effectives et de son image du corps, l'expérience sensorielle sous
jacente à certains mots prononcés par les adultes. Ces mots; il les entend et les répète à
l'invitation de ceux-çi.
L'enfant ne possède pas comme l'adulte à propos de ce qu'il dit une image du corps fantasmée,
remanence d'expériences personnelles vécues, correspondant au sens qu’ont les mots pour les
adultes.
Les mots, pour pendre sens doivent d'abord prendre corps, être du moins métabolisés dans une
image du corps relationnelle. Chacun de nous a ainsi un rapport narcissisé aux éléments
sensoriels en résonnance aux mots du vocabulaire.
C) Investissement libidinal du corps et relation à l'éducation et au savoir
M Bernard (après avoir parlé d'éducation physique et d'éducation).
"I1 faut dire que seul le corps est lieu de processus éducatif, puisque c'est en lui que s'opère,
s'accomplit l'activité de structuration symbolique du monde, dont notre langage est le moteur
fondamental en même temps que le témoin principal, bref puisque le corps est ouverture et
carrefour du champ symbolique". "Mais en tant que tel, c'est un lieu tourmenté soumis à
d'incessants conflits et plus exactement au flux capricieux d'une énergie rebelle à l'action
corrosive et répressive de toute symbolisation. il est illusoire et mystificateur de l'unifier, d'y
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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chercher une cohérence en ce sens le corps-sera toujours à la fois le lieu d'inscription, le
moteur de toute éducation et sa limite ultime".
Effectivement dans l'institution scolaire le corps n'a que peu de place, si on lui en laisse une
c'est toujours de façon médiée .Le corps ne se dit pas, ne se parle pas à l'école. Pourtant une
étude plus détaillée permet de s'interroger. L'enseignant ne se met-il pas en scène à longueur
de journée et comment le faire à part par le corps, par l'image de soi, par l'image de sa
corporéité
- Comment imposer son autorité ?
- n'est-ce pas le corps qui est mis en cage grâce au respect des règles, n'est-ce pas lui qui se
rebiffe et s'exprime par le chahut, par une attitude de passivité ou de repli.
- à la limite n'est-ce pas déjà une défense schizoïde que d'avoir une enveloppe présente içi,
alors que le rêve a conduit le corps ailleurs.
- enfin que peut bien percevoir l'enseignant de l'élève pour se sentir agresser, que peut-il
percevoir d'abord d'autre que l'image du corps de l'élève, que l'image que lui renvoie l'élève,
que l'image que l'élève projette sur lui.
CLAUJE PU0ADE RENAUD est une des premières avec DANIEL ZINNERMAM à s'être
intéressée à ce qu'elle appelle les voies non verbales de la relation pédagogique et même si
elle ne parle pas explicitement d'image du corps, c'est bien le corps qui parle, qui laisse
transparaître, ce sont des images du corps qui s'expriment filtrées par des codes .
Claude Pujade Renaud a mené son étude parallèlement sur deux
activités la danse et le karaté et à la fois en étudiant ce qui se
passe dans une classe où le mobilier est supprimé ainsi que la parole; elle a d'autre part (dans
deux autres études ; "Le corps
Y
de l'élève dans la classe" "Le corps de l'enseignant dans la classe") travaillé sur des
représentations non verbales émises par les élèves et les enseignant
Elle découvre très rapidement des comportements significatifs
d'occupation de l'espace, de distance par rapport à l'autre, de
réseaux de relations, de forme d'approche ou d'évitement, de gestes
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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d'agressivité ou de violence symbolique, "d'érotisation diffuse qui
est tout à la fois approche et évitement de l'acte sexuel".
"La situation non verbale permettrait-elle de faire apparaître le glissement de la violence du
savoir à la violence du désir et le renforcement de la première par la deuxième" écrit-elle.
il apparaît ainsi qu'une fois la parole supprimée, la présence
physique et le corps mutique de l'autre sont difficilement tolérables
Immanquablement, la relation pédagogique doit mener à la
mort pédagogique de l'un des partenaires, l'enseignant étant obligé
de nier l'enseigné en tant que sujet porteur de désir et de violence
et ce pour plusieurs raisons :
- l'adulte est censé posséder, habiter un corps reconnu
socialement et sexuellement, alors que l'adolescent doit découvrir,
expérimenter, inventer un corps fluctuant et angoissant, privé en
partie de statut social et sexuel
- enseignant et enseignés jouent continuellement le jeu de
la séduction, chaque enseigné voulant s'arroger une relation
privilégiée avec l'enseignant, étant obligé de vivre sa sexualité
en référence à la sexualité de l'enseignant parent
- la violence des relations physiques et affectives inter
personnelles s'articule avec celle des règles qui régissent les
apprentissages et les conduites, le langage devient porteur d'un
pouvoir qui renvoie au corps, le système scolaire atteint le corps.
Alors, "entre la mort par la grisaille de l'indifférence
et la mort par une élection amoureuse annulant les autres, et
risquant de tuer l'élu par son emprise possessive, une position
intermédiaire est-elle concevable ? Un travail pédagogique fondamental ne serait-il pas de
permettre que la sexualité et la violence soient nommées et que devenues symboliques,
puissent être élaborées ?
Tout ceci amène à se poser la question du pouvoir que peut bien avoir un enseignant dont
l'objet d'action, de savoir est spécifiquement le corps et les pratiques corporelles, "corps dont
le paradoxe est d'être à la fois image, objet et signifiant," pratiques d'exercices corporels dans
lesquelles l'image du corps permet une unification du pratiquant : c'est le triomphe du MOI
sur le ça, identification de surface pour l'être parlant", enseignant qui éduque avec un corps
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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lieu priviligié d'illusion et de maîtrise tout autant que de jouissance corps outil ou corps écran"
( H. DELANöE. F. LABRIDY)
A) image du corps et savoir corporel :
C'est le problème de la signification de l'activité par le corps, et de l'investissement libidinal
de l'activité lors de l'apprentissage .
- Exemple du karaté et de la Danse (Pujade. Renaud) mort et sexualité.
"Le travail solitaire, plus encore que celui à deux, permet la confrontation à la violence,
meurtrière ou sexuelle, sans autres limites que celles propres au sujet. En karaté le geste est
achevé et achève. Le sens est donné. En danse, il est toujours à récréer. La sexualité mise en
jeu par la danse est tout à la fois narcissique et séductrice. La danse peut jouer sur toutes les
demi- teintes de la sexualité à la violence : évocation; suggestion, fuite, provocation appel,
séduction, défi. Par contre, le karaté ne souffre pas d'intermédiaire. il donne la mort, il permet
d’y échapper pour faire mourir ou ne pas mourir soi-même, on engage une énergie
(mobilisation des barrières, tension et décharge) comparable à celle qui est investie dans l'acte
sexuel".
il semble donc bien ici que ces deux activités correspondent à deux représentations du corps,
de son fonctionnement, qu'elles ne donnent pas la même image du corps, et l'on peut supposer
que les pratiquants de l'une ou l'autre auront des images du corps différentes, que suivant les
rapports au corps entretenu par l'enseigné, l'apprentissage de ces techniques sera plus ou
moins investi affectivement, plus ou moins bien imagé par le corps.
- Mais milieu de pratique autant que l'activité sont médiateur entre le sujet et l'apprenant.
Exemple de l'eau et de la natation :
Deux éléments et une étude fondent cette réflexion.
« l’être voué à l’eau est un être de vertige. Il meurt à chaque minute sans cesse quelque chose
de sa substance s’écroule… La mort quotidienne est la mort de l’eau » (Bachelard)
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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"Le corps est un habit d'Arlequin et la pratique sportive une tentative pour recoller les
morceaux, l'effort devenant un moyen privilégié de sentir son corps". (~RUYEl').
La thèse de III cycle de P Arnaud~
la relation affective en milieu aquatique" émet l'hypothèse suiivante :
la relation à l'eau est définie par une structure psychique particulière dont on peut penser
qu'elle est tributaire de l'évoluion libidinale des sujets.
L'eau en particulier serait perçue comme un symbole féminin, et cette relation à l'eau n'est pas
étrangère à la relation qu’entretient le sujet (au plan libidinal et affectif) avec sa mère".
Plusieurs remarques fondent le questionnement final :
- par rapport à la natation le maître nageur est un père nageur
(BACHELARD )
la pratique de la natation chez les sujets hydrophiles pourrait réaliser cet état de fusion,
d'indifférenciation entre le moi et le milieu extérieur, par disparition ou affaiblissement des
information~ extéroceptives et proprioceptives permettant l'identification corporelle.
Le sujet baigne dans un milieu dans lequel il peut se fondre. l'image du corps morcellé serait
alors réduite.
La relation à l'eau traduit une certaine manière d'être au monde, un mode particulier
d'expériences s'exerçant selon certains convergences psychologiques.
-
interdépendance sujet-milieu :
le sujet est placé en état de dépendance par rapport au milieu, celle-çi se traduisant par une
affectivité spécifique qui est la relation d'intérêt véritable pont affectif qui conduit l'enfant à
établir des relations discriminantes avec un environnement. cet état de dépendance
comporte`deux-aspects
:-~une:dépendance directe à l'égard du milieu extérieur et de ses variations
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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- une dépendance interne à l'égard des propres structures comportementales du sujet et qui a
pour effet de limiter et déterminer l'action entre certaines limites qui lui sont propres.
- l'affectivité et les conduits motrices MUCCHIELLI : l'affectivité : « opère comme un agent
de thématisation de la perception, de sélection de l'information et d'organisation des
comportements :
-relation peau-moi-peau (anzieu) la peau étant perçue comme une zone érogène et l’eau
pouvant jouer le rôle d’une enveloppe, d’interface, de protection. » dans l’eau, le corps
morcelé deviendrait un corps absent fusionnel ou un corps présent par le rôle enveloppant et
différenciateur de l’eau. « Nous assistons à un continuum qui va de la simple érotisation de la
peau à l'insécurité foncière de sa propre peau.
- l'immersion proprement dire fournit un nouvel indice proprioceptif et sensorimoteur : celui
de la perte de support. G. Andrieu écrit à la suite de ces réflexions : Le passage de l'indice au
symbole s'effectuerait par une sorte d'analyse du monde physique, non en fonction des besoins
immédiats de l'action, mais comme moyen d'évocation.C’est le contexte culturel qui va
fournir la matière à l'éclosion de ce symbolisme.
"Les aspects du monde physique serviraient-ils de signifiants à ce qui est évoqué (et donc non
objectivement perçu) à partir des expériences personnelles vécues, et seraient-ils à l'origine de
toute anticipation" (en natation la perte de support et le symbolisme qui s'y rattache peut
s'interpréter comme perte de ce qui protège et désir de fuir ou renoncer une relation
d'attachement vécu antérieurement).
Dès lors qu'elle est la part du déterminisme pédagogique face au déterminisme rétroactif de la
genèse des conduites qui préside à l'histoire de chaque sujet.
En effet le milieu n'a pas de déterminisme, il n' a que des exigences, celles-ci exerceront tout
au plus des contraintes. Le déterminisme prend corps au dedans. ,ainsi la situation
pédagogique n'est jamais déterminante au sens où elle imposerait nécessairement du dehors et
à elle seule certains types de conduite "prédéterminée qui seraient en quelque obligées de se
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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produire. Tout au plus la situation péda est actualisante et vectorialisante. C'est toujours
l'activité propre de sujet qui s'impose elle-même ses propres limites~
Avec cette dernière approche la boucle est bouclée, la relation image du corps médiatrice et
médiateur, inscription et inscripteur, actualisation et représentant, construit et constructeur du
psychism de l'individu, comme être au monde de par ses relations aux autres, à l'adulte, au
pouvoir, aux savoirs, aux activités, au milieu, semble bien être le lie et la limite de toute
éducation.
il pose le problème du choix des situations pédagogiques actualisantes et socialisantes pour
être efficace, de la place de l'enseignant, de son désir, du dire de son désir. Elle suppose
d'autres études en fonction des particularités de chacun, de chaque enseignant de son style
pédogogique d'intervention, d'autres études de la symbolique des activités et de leur
spécificité.
Plan
~
Introduction ,
La place du corps aujourd'hui Ce qui a suscite les differents approches du corps et le
problème de la relation Image du corps - schéma corporel
I les différents approches du Corps.
Evolution historique
1) l'approche phénoménologique
2) l'approche psycho-biologique –
3) l'approche pychanalytique
4) Le corps regardé et jugé
5) L'approche sociologique
6) L'approche neurophysiologique
II F. DOLTO et D ANZTEU
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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1) L'approche psychanalytique de F. DOLTO
2) Le moi - Peau de D Anzieu
III Des exemples divers d'implication de l'image du corps
A) Un regard sur la pathologie des images du corps
B) Image du corps et intelligence du langage des gestes, des mots.
C) Investissernent libidinal du corps et relation à l'éducation et au savoir
D) Image du corps et savoir corporel.
-~B~i B L I O G R A P H I E lDidier ANZIEU Le Moi Peau
Pierre ARNAUD La relation affective au milieu aquatique (thèse de 32 cycle INSEP)
BACHELAR L'eau et les rêves
Michel BERNARD
Le corps
L'ambivalence du corps
Delanoé LA:RIDY Formation des enseignants d'EPS et psychanalytique (revue EPS nQ 184)
F. DOLTO L'image inconsciente du corps
E. HALL La Danse de la vie
Alexandre LOWEN Le corps bafoué
PAILLARD Le corps situé et le corps identifié, (revue médicale Suisse - omande 198
PUDADE Renaud
Expression Corporelle
Langage du silence
te corps de l'élève dans la classe
C. Pujade Renaud et D. ZINNERMAN Voies non verbales de la relation pédagogique
SCHUTZEN Berger SAURET ; Le corps et le groupe
P. SCHILDER ; L'image du corps
WALLON ; Kinésthésie et image visuelle du corps propre chez l'enfant, (bulletin de
Psychologie 1984)
Y Vanpoulle, D Guidi, notes de lecture sciences de l’éducation, 1987
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