corps identité et socialisation

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corps identité et socialisation
1.A.I- Corps, identité et socialisation.
1.A-I-1- Le corps social: une construction, un produit, un signifiant, le résultat
d'un processus, un producteur.
"Le corps semble aller de soi" (D Le Breton, 1992) puisque la condition humaine est
corporelle, "que l'homme est indissociable du corps qui lui donne épaisseur et la sensibilité de
son être au monde". Et pourtant Le corps n'est pas un donné en soi, la conscience du corps ne
va pas de soi, "il ne prend sens qu'avec le regard culturel de l'homme", il "est une construction
symbolique". "Les représentations du corps et les savoirs qui l'atteignent sont tributaires d'un
état social, d'une vision du monde, et à l'intérieur de cette dernière d'une définition de la
personne".
Le corps est ainsi tributaire d'une société donné et d'une époque mais il est aussi façonné par
elle, il est ce en quoi "se mire la société", "le symbole de l'intégrité du corps social" (M
Bernard, 1981), "il fournit à la société un moyen de se représenter, de se comprendre et d'agir
sur elle-même".
L'intermédiaire entre le corps de l'individu et le corps social est l'apprentissage des techniques
du corps qui "sont les façons dont les hommes société par société savent se servir de leur
corps de manière traditionnelle" (M Mauss, 1968). Chaque société à travers les faits
d'éducation impose à l'individu un usage déterminé de son corps, "de l'art d'utiliser le corps
humain", par l'intermédiaire des besoins et des activités corporelles. Cet "habitus corporel",
véritable "principe producteur de pratique" (Bourdieu, 1980), "structure structurée appelée à
fonctionner comme structure structurante" (Bourdieu, 1972), "cette loi immanente lex insita
inscrite dans le corps par une histoire identique" devient l'organisateur et des pratiques
corporelles et du rapport au corps, en même temps que la référence pour apprécier l'autre dans
la relation sociale et décrypter la réalité pour agir. "Dimension fondamentale du sens de
l'orientation sociale, l'hexis corporelle est une manière pratique d'éprouver et d'exprimer le
sens que l'on a, comme on dit, de sa propre valeur sociale... Tout se passe comme si les
conditionnements sociaux attachés à la condition sociale tendaient à inscrire le rapport au
monde social dans un rapport durable et généralisé au corps propre, une manière de tenir son
corps, de le présenter aux autres, de le mouvoir, de lui faire une place, qui donne au corps sa
physionomie sociale" Ainsi chacun apprécie l'autre sur et à partir de sa propre hexis
corporelle, et "les sociétés en traitant le corps comme une mémoire, lui confient sous une
forme abrégée et pratique, les principes fondamentaux de l'arbitraire culturel".
le corps est donc un produit social et un marqueur social, il nous permet de nous reconnaître
mais aussi de distinguer, il nous permet de situer les autres dans la relation, mais aussi d'être
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"catalogué", il est celui à partir duquel on va comprendre le monde social et agir sur lui, et il
est pour toutes ses raisons celui dont l'éducation ne saurait être laissée au hasard.
Le corps est donc le résultat d'une intériorisation du social dans l'individu et donc des
processus qui participent à "une mise en société" (Chamborédon, 1971) de celui-ci.
Mais il est aussi ce par quoi l'individu se différencie, s'affirme comme personne autonome en
particulier par le biais des différentes interactions qu'il peut vivre dans différentes situations,
situations dans lesquelles il met son corps en scène (Goffman, 1971) et apprend à partir de son
histoire à tenir différents rôles, à contenir son corps et à jouer de son corps, où il apprend
progressivement à maitriser les "allants de soi" corporels propres à un milieu donné, à un rôle
donné. "Les sociétés occidentales, confrontées à la désymbolisation de leur rapport au monde,
où les relations formelles l'emportent toujours davantage sur les relations de sens (et donc de
valeurs) engendrent des formes inédites de socialisation qui privilégient le corps, mais le
corps ganté de signes éphémères, objet d'un investissement croissant" (D Le Breton, 1992).
alors, l'individu, "cherche son unité de sujet en agençant des signes où il cherche à produire
son identité et à se faire socialement reconnaître".
Le corps devient ainsi à la fois le porteur d'un histoire et le lieu d'inscription des structures, à
la fois le vecteur des transformations et le support de l'identité de l'acteur, il est la résultante
de l'ensemble des processus de socialisation, processus résultant à la fois d'une intériorisation
du social dans l'individu et du produit des interactions sociales (P Garnier, 1992). S'interroger
sur le corps revient à interroger le processus de socialisation et à s'interesser à "tous les
cursus, toutes les expériences, tous les parcours générateurs d'apprentissage ou (...)
générateurs de transformation des habitus et des représentations" (Ph Perrenoud, 1988). Le
corps est alors "le lieu privilégié d'intelligibilité des procès de socialisation (...), à la fois par
l'incorporation du sociétal dans l'individuel, soit selon une logique structurelle comme
naturalisation de la règle, soit selon une logique actancielle comme interaction d'affects par
lesquels se constitue le lien social, à la fois grâce à la marge de manoeuvre dont disposent les
acteurs qui "opèrent par stratégies et tactiques au sein des systèmes de contraintes dont la
détermination complexe implique une part d'incertitude et d'indétermination" (M Drulher,
1985).
Pour comprendre le processus de socialisation et donc d'exclusion, il devient dès lors
nécessaire de s'interesser non seulement au corps produit mais surtout au corps producteur,
"au corps ludique qui réalise des stratégies de réappropriation et un certain déchainement des
passions" et pour cela d'observer les divers aspects corporels de ce qui est impliqué dans les
procès de socialisation, aussi bien ce qui relève de la matérialité corporelle que des
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représentations sous-jacentes ayant trait au corps, à ses postures et à ses gestes pour le
présenter et en rendre compte et être attentif aux pratiques corporelles productrices d'effets
particuliers dans l'interaction.
S'interesser au corps dans la situation classe, c'est s'intéresser au processus de socialisation et
chercher à comprendre comment s'élaborent les procès de socialisation, c'est vouloir
comprendre comment s'acquièrent les compétences propres à la capacité d'intégration,
compétences à se situer et à trouver une place en ayant acquis le minimum dénominateur
commun pour communiquer, compétences à vivre et analyser des situations ou des
expériences, compétences à endosser des rôles, compétences à s'adapter et à influer sur
l'équilibre social.
1.A.I.2- Corps et identité, image de soi et image du corps.
Le corps est plus qu'un produit et un producteur. Il est la résultante d'un processus tant social
q'individuel qui fait se croiser en lui le monde social en faisant incorporer à l'homme les
objets sociaux et le monde des pulsions individuelles qui nécessitent une sublimation, un
investissement fantasmatique et un processus de symbolisation, "C'est en lui que s'accomplit
l'activité de structuration symbolique du monde" (M bernard, 1981) la résultante se déclinant
pour chacun en image du corps.
C'est ainsi que "notre corps ne se confond ni avec sa réalité biologique en tant qu'organisme
vivant, ni avec sa réalité imaginaire en tant que fantasme, ni avec sa réalité sociale en tant que
configuration et pratiques culturelles. Il est en quelque sorte plus et moins que les trois à la
fois, dans la mesure où il est processus de constitution, de formation symbolique, c'est à dire
fournissant à la fois à la société un moyen de se représenter, de se comprendre et d'agir sur
elle même, et à l'individu, un moyen de dépasser la simple vie organique par l'objet fantasmé
de son désir" ( M Bernard, 1981).
Il est moi au monde, il est à la fois sensation et sens, il est ce qui me donne corps, le porteur
de ce que je suis, l'expression de mon identité,il est le vecteur de l'image de soi comme
l'occasion de la construction de cette image et le "sol dialectique acquis sur lequel s'opère une
mise en forme supérieure" ( Merleau ponty ), il est à la fois le support et l'origine de l'image
de soi et de la quête d'identité. le corps permet de faire entendre une revendication d'existence
"quand l'identité personnelle est en question à travers les remaniements incessants de sens et
de valeurs qui marquent la modernité", de "chercher son unité de sujet en agençant des signes
où il cherche à produire son identité et à se faire socialement reconnaître" (D Le Breton,
1992).
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Donc, par le corps, la personne vérifie son existence au monde et cherche à valider son image,
image de soi participant de la constitution progressive de l'identité de l'individu ( B Charlot, E
Bautier, JY Rochex, 1993) tout en s'expérimentant en tant que "je", porteur d'un pouvoir sur le
monde et sur les autres.
Cette construction du "je", individu autonome nécessite la construction d'un Moi peau,
première construction d'une image du corps, limite perméable entre l'intérieur et l'extérieur
permettant la fusion et la séparation, la protection et les échanges,à la fois contenant et
contenu (D Anzieu, 1988) et l'élaboration de l'image du corps qui est une représentation que le
sujet se fait de son corps, la façon dont il lui apparaît plus ou moins consciemment à travers
un contexte social et culturel particularisé par son histoire personnelle (D Le Breton, 1992).
L'image du corps est non seulement une construction qui dépend de l'histoire du sujet et de la
relation qu'il établit aux autres, de l'image de l'image du corps que lui renvoie les autres,
"notre corps n'acquiert une réalité pleine et entière que lorsque notre acceptation du regard et
du jugement d'autrui permet de construire une image du corps en accord avec la configuration
fantasmatique dessinée par nos désirs" (M Bernard, 1981), mais aussi l'expression du sujet, de
l'identité de l'individu: "l'image du corps ne reflète pas seulement la coupure symbolique entre
l'intérieur et l'extérieur, l'intime et le social, la nature et la culture. Elle est aussi représentation
où l'extérieur est chargé de rendre perceptible un intérieur non plus organique mais spirituel.
C'est que le corps, en tant qu'emblème, est chargé d'exprimer le système des valeurs de celui
qu'il représente aux yeux des autres" (D Picard, 1983).
L'image du corps, comme l'identité, est alors le résultat d'une construction dans le temps lié au
processus biographique à partir des catégories offertes par les institutions successives
(famille, école...) et considérées à la fois comme accessibles et valorisantes (transaction
subjective), et d'une reconnaissance à travers le processus relationnel à un moment donné et
au sein d'un espace déterminé de légitimation (C Dubar, 1992). l'image du corps possède au
moins 2 faces d'une même subjectivité plus ou moins consciente: l'image pour soi, l'image
pour autrui représentée et une 3ème, l'image virtuelle souhaitée.
L'image du corps présentée servira donc de support pour conférer à chacun une 1ère identité
sociale en particulier à l'école, pour lui dénier ou non la possibilité de transformer son identité
héritée.
Travailler sur le corps, s'interroger sur l'image du corps, sur les éléments de construction de
cette image, sur les éléments d'information utilisés pour conférer une image, sur l'image de soi
renvoyée à travers le corps de l'autre et l'interprétation de son regard, c'est à la fois poser le
problème de la constitution de chacun comme sujet donc de l'accès à l'autonomie, et celui de
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la construction de l'identité, de l'accès à une identité autre que celle conférée, c'est se poser le
problème de l'égalité des chances et de l'intégration de chacun.
1.A.I-3- Corps et interaction sociale.
Ainsi le corps est un marqueur social, il est ce par quoi l'autre nous attribue un statut et une
valeur sociale, ce par quoi nous nous présentons aux autres. Il est devenu porteur de signes
qui permettent de tenir un rôle et de jouer sur les identités.
Il est ce qui à tout moment va nous signifier aux yeux des autres, va conduire à engager une
relation, à l'orienter avant même le premier mot, interférer, accompagner, marquer toute
interaction; le face à face est un corps à corps. Le corps "ce fait social total" (M Mauss, 1936)
est impliqué totalement dans toute communication, tout échange et il participe à la
construction de l'interaction à quatre niveaux.
1.A.I-3-a) le corps comme a priori dans la relation et système d'excellence et de
jugement.
Le corps se présente par son apparence, c'est à dire le corps et les objets portés par lui, sa
présentation, sa représentation, ce que l'on voit, comment il est vêtu, arrangé, présenté. Cette
apparence corporelle est une construction c'est à dire un lieu où se marquent et où se donnent
à voir les conditions sociales de sa production, mais aussi une création individuelle dans le
sens où sa production suppose de la part des acteurs sociaux une interprétation de ses
contraintes, des manières de se situer par rapport à elles et de les négocier (M Pages Delon,
1988), elle est le résultat toujours en devenir d'un procès complexe à travers lequel se réalise
la combinaison du structurel et de l'actanciel.
La mise en forme de l'apparence corporelle est "un enchainement de pratiques liées à des
normes, des modèles et des valeurs en vigueur dans un système social donné, qui produisent
tout au long de l'histoire sociale d'un individu l'apparence de son corps comme socialisé". Elle
devient le support de jugements sociaux, l'occasion d'un regard sur l'autre interprétatif et
évaluatif et signe de l'excellence corporelle qui, comme elle se rapporte à des pratiques,
s'ancre dans des valeurs et manifeste une compétence, "un talent", "elle renvoie à une
constellation singulière de qualités morales et spirituelles, de goûts et de dispositions
esthétiques, de savoir et de savoir-faire, de compétences intellectuelles, d'habiletés manuelles
ou sensorielles, de forces ou de ressources physiques, d'attitudes ou de traits de personnalité"
(P Perrenoud, 1984). Mr Pages Delon (1988) démontre que le contenu concret des valeurs
d'apparence diffère selon les catégories d'acteurs concernés et renvoit à des morales de
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l'apparence différente ainsi qu'à des système différents de hiérarchisation de l'excellence
corporelle.
" L'apparence corporelle, porteuse d'information sociale et support de jugements, constitue un
système sémiologique, un para langage: une forme ce communication non verbale. Sa
construction et son contrôle sont des facteurs importants de la socialisation de l'individu" (M
Pages Delon, M N Planté, 1988).
Mais le corps se présente aussi par sa morphologie, sa forme, la forme de son visage, la
couleur de ses cheveux et si la morphopsychologie semble être une dicipline pour le moins
hasardeuse, il s'avère par contre que "tout le monde infère constamment du physique au
psychologique. On ne peut pas voir un corps humain sans déterminer d'après lui, ce qu'est son
esprit, son caractère, ses goûts, ses dispositions profondes" (M A Descamps, 1989) et "ses
inférences sont tellement majoritaires qu'elles constituent des stéréotypes". Elles "sont
cohérentes et constituent une théorie implicite de la personnalité ... qui correspond à son
groupe d'appartenance et surtout à sa culture"; Signes du corps, gestes et emblèmes ont des
significations différentes. A des morphotypes correspondent des stréotypes! "Et même si ce
premier portrait peut être corrigé par la suite en tenant compte du comportement manifesté à
son égard, la première impression demeure".
L'apparence et la morphologie du corps se conjugue pour construire à priori une idée de la
personne, une représentation de la personne, de son origine sociale, de ses compétences, de
son caractère, de sa personnalité, de sa qualité et de ses qualités qui seront référés aux normes
et valeurs prisées, aux traits de personnalité valorisés. Apparence et morphologie sont des
composantes de la distinction, de la reconnaissance, de la catégorisation, de l'acceptation ou
du rejet. L'un se construit et "s'apprend", l'autre est, mais peut-être transformé partiellement
par l'apparence et nécessite un méta regard pour être dépassé.
L'analyse de cette composante de l'interaction peut permettre de mettre à nu certains
phénomènes d'évitement, de rejet, d'exclusion.
1.A.I-3-b) Le corps dans la relation. Les règles corporelles sociales de communication.
Les codes corporels dans le cadre d'une interaction c'est à dire avec feed-back sont un
apprentissage et varient d'une culture à une autre, en particulier la distance entre
protagonistes, le rapport entre distance et accessibilité visuelle, le regard, sa durée, son
orientation, son objet, l'orientation de son corps sont différents d'une culture à une autre et ont
des significations différentes. En particulier les distances intimes, personnelles, sociales et
publiques avec chacune 2 modalités, proche et lointaine, varient en fonction de sa culture et
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du lieu (E Hall, 1971). l'interprétation, les gestes se lisent à travers le système informel, les
indicateurs et leur interprétation sont différente d'un individu à l'autre.
La non concordance des systèmes formels et surtout informel de prise d'information et
d'interprétation est une cause d'incompréhension, de malentendu et de rupture de la
communication.
Plus largement, l'interaction corporelle possède une dimension conventionnelle renvoyant à la
culture et une dimension pulsionnelle et organique qui échappe à l'emprise des règles et des
codes, elle paraît s'inscrire dans un champ de tension entre nature et culture, énergie et code,
désir et loi et s'offre sous une triple perspective: celle de la norme, celle du sens et celle de la
pulsion (D Picard, 1983). Cet auteur est amené à distinguer le nomos, système de règles qui
structure les interactions, du topos, ensemble de conduites virtuelles générées par le nomos.
Le premier propose un modèle de conformité valorisé positivement, favorise l'intégration
sociale dans un groupe donné, et confère au topos une signification et une valeur clairement
saisissable à l'intérieur du groupe. Il intervient donc comme système de règles de savoir vivre
qui "tend à imposer une structuration normative du temps et de l'espace social. C'est un
système d'assignation de places et de rôles et un système de communication, à travers cette
structure, entre les acteurs sociaux". Ce savoir vivre dans l'interaction corporelle se signifie à
travers la position dans l'espace, la station, et la posture qui se divise en contact (auto contact,
avec autrui, avec les objets), la tenue, le mouvement, sa forme, son intensité, et la posture ou
manière de tenir son corps.
Il y a ainsi un codage du corps qui est "un territoire et une représentation où on retrouve des
"lieux" nobles et des lieux vulgaires, des parties privées et des communs, une scène et des
coulisses", et un codage de son utilisation qui permet d'ailleurs "d'inhiber les conduites
agressives ou les impulsions sexuelles qui pourraient troubler l'interaction sociale".
Dans l'interaction, l'interaction corporelle possède ses propres codes qui servent à nouveau de
marqueur social mais aussi de régulation du pulsionnel dans la relation. Ce système de règles
n'est pas connu et maîtrisé pareillement par tous, ni compréhensible pareillement, ni interprété
de la même façon. Il peut être la source de jugements, d'incompréhensions, de rejets voir
d'agression.
Décortiquer l'interaction corporelle, le topos, au niveau du système de règles, le nomos, c'est
comprendre comment se fabrique au jour le jour l'exclusion corporelle et la non acceptation
de l'image du corps, comprendre pourquoi l'image du corps affichée se traduit par une image
du corps attribuée, quels sont les "allants de soi corporels" et comment les acquérir.
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1.A.I.1-3-c) la communication non verbale.
"Toute communication est interagissante et circulaire, émettant à plusieurs niveaux, de
manière multilinéaire" (M A Deschamps, 1989) et multicanale ( J Cosnier, A Brossard, 1984).
Lors d'une interaction de face à face, chaque interactant émet et reçoit un énoncé total,
hétérogène, résultant de la combinaison généralement synergique de plusieurs éléments:
les uns voco accoustiques, les autres visuels. Ces derniers se divisent en 2 codes
utilisés comme marqueurs sociaux qui serviront à la définition contextuelle de la situation par
leur fonction métacommunicative, le statique (morphologique, artifice, parures, etc) et le
cinétique lent (facies basal, rides, postures, etc), et un code, le cinétique rapide (mimiques
faciales, gestes, tec) qui participe à la fois au travail énonciatif et à la composition même de
l'énoncé et a donc une fonction co-textuelle.
Une dernière série d'élements sont les éléments olfactifs, tactiles et thermiques. le contextuel a
déjà été envisagé dans les paragraphes suivants, la dernière série le sera dans le suivant.
"A ces fonctions textuelles dénotatives, connotatives et métacommunicatives manifestes
s'ajoutent un rôle beaucoup moins officiel de la mimogestualité qui en fait le véhicule de
l'implicite et du non dit. Les dispositions profondes du locuteur, ses intentions latentes, sont
suceptibles de transparaître à son insu à travers ses postures, sa mimogestualité et concourent
ainsi avec les autres informations visuelles à induire chez l'allocutaire une imprsssion
permanente ou passagère qui influencera le cour de l'interaction... En cas de discordance, ce
sont les indices visuels qui provoquent les impressions dominantes" (J Cosnier, A Brossard,
1984).
La communication non verbale a 3 rôles principaux: celui de la pragmatique interactionnelle
(partage de parole, maintien de l'interaction) par des fonctions facilitatrices et inhibitrices, au
niveau du processus énonciatif en facilitant le travail cognitif par l'activité motrice et en
jouant un rôle de régulation homéostatique, par sa fonction homéostatique individuelle.
Le seul énoncé verbale peut-être considérablement modifié et considérablement interprété.
Une analyse de la communication non verbale est indispensable pour apprendre à
métacommuniquer et pour comprendre les ruptures dans la communication, les interprétations
multiples, les représentations des messages émis et de la personne qui les émet.
1.A.I.1-3-d) Le ressenti du corps et l'investissement libidinal.
Tout ne passe pas par l'esprit, la conscience, tout n'est pas identifiable ou rationnel. Par delà la
communication non verbale, les codes corporels, les habitus corporels, la gestion sociale des
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corps, n'y aurait-il pas une communication corporelle, de corps à corps, avec ou sans la
médiation de l'inconscient?
Ce qui vient d'abord à l'esprit, ce sont les odeurs, "l'enveloppe olfactive que dégage chaque
homme est comme une signature de sa présence au monde (D Le Breton, 1992),cet ineffable
qui fait percevoir l'autre dans son animalité. "L'odeur, c'est la mauvaise part de l'autre
mauvaise part de l'homme qui est sa chair" (D Le Breton, 1992).
Quand il y a proximité, la chaleur dégagé peut-être source de sensation et de dialogue
corporel. De la même façon, si contact il y a, il est ressenti différemment et a des qualités
différentes, cette approche par le toucher a même donné lieu à une pratique qui soigne les
bébés dans le ventre de la mère: l'hapnopathie.
Le tonus corporel fait lui aussi partie de ce ressenti et J De Ajuriaguerra parle de dialogue
tonique qui renvoie "à une relation affective primaire qui passe d'un corps à l'autre, de façon
le plus souvent préconsciente, et qui se manifeste par l'interaction dela tonicité musculaire,
des attitudes posturales, des expressions mimiques, des décharges motrices, des
symbolisations gestuelles".
Le rayonnement du corps, ce que les chercheurs russes ont appelé l'effet Kylian, cet
enveloppe rayonnante qui se dilate plus ou moins selon les individus, leur état de santé, la
situation, est sans doute aussi l'occasion d'une interaction corporelle et d'une sensation qui
prédispose vis à vis de l'autre avant même toute parole et tout au long de la rencontre. De
manière moins scientifique, J Fontaine distingue 3 corps: le corps physique, le corps astral et
le corps éthérique et soigne le corps physique à partir des 2 autres. Il est possible que ceux-ci
existent et interviennent dans un dialogue corporel mais il apparaît difficile de le démontrer.
Mais, la libido investit le corps, pas tout le corps, chacun privilégie chez lui et chez l'autre des
zones particulières, ce qui aboutit à la construction d'un corps fantasmatique qui n'est pas un
décalque de la réalité. "Ainsi l'interaction corporelle se situe dans une oscillation constante et
irréductible entre la réalité du corps somatique et l'imaginaire du corps fantasmé, investi par la
pulsion, la projection et le transfert, processus à travers lequel se construit la relation d'objet"
(D Picard, 1983).
Par delà la corps social se construit un corps érogène qui interfère avec le premier et aboutit à
un dialogue des images du corps au sens de synthèse vivante de nos expériences
émotionnelles, "incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant" (F Dolto,),
représentation immanente inconsciente où se source le désir. Ainsi, c'est dans l'image du
corps, support du narcissisme que le temps se croise à l'espace, que le passé inconscient
résonne dans la relation présente. Elle est camouflable ou actualisable dans la relation ici et
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maintenant par toute expression langagière, dessin ... comme aussi mimique et geste. pour les
psychanalyste, "d'une part la parole s'étaye sur le corps, sur ses mouvements pulsionnels, sur
sa reprise imaginaire dans le fantasme; d'autre part, la parole infiltre le corps et celui-ci
peut,..., se substituer au langage dans sa fonction signifiante et son rôle de communication" (D
Picard, 1983).
Cette dimension de l'interaction corporelle qui s'appuie sur le sujet désirant est incontournable
puisqu'il s'agit là du passage nécessaire pour donner validité à son désir, se reconnaître en tant
que personne désirante, en tant que "je" sexué et désirable.
"Il convient donc, dans l'interaction corporelle, de mettre en lumière une unité essentielle faite
de l'articulation entre un niveau énergétique (trouvant sa source dans la pulsion) et un niveau
sémiotique (où l'énergie pulsionnelle s'investit dans des représentations), articulation qui
donne "sens" et signification à la relation".
Tout travail sur le corps nécessite donc de l'envisager comme corps social, comme corps
communiquant et comme corps libidinal, l'interaction corporelle s'offre sous une quadruple
perspective, celle de la norme qui renvoit à la lecture sociale du corps, celui de la signification
qui dépend de codes et permet une communication formelle, celui du sens que prend au
niveau de l'individu en relation avec son propre investissement fantasmatique et sa
stucturation symbolique tout signe corporel, et celui de la pulsion et de l'investissement
libidinal sur le corps.
Tenter d'analyser et de comprendre les interactions corporelles revient à analyser le processus
interactionnel dans la construction de l'identité et son rôle dans le processus de socialisation,
c'est comprendre à partir du corps et par delà le corps, grâce à l'image du corps et à l'image de
soi, comment chaque individu se construit ou s'aliène, se connaît, se reconnait et est reconnu,
acquiert des compétences d'intégration, se socialise.
S'interroger sur les interactions corporelles en général et à l'école en particulier, c'est
s'interroger sur comment se construit au quotidien la stigmatisation, l'exclusion, le rejet, c'est
comprendre les ressorts de construction de l'image de soi, de l'identité, de la socialisation.
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