Club de réflexioN FEmmEs Et gouvErnancE

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Club de réflexioN FEmmEs Et gouvErnancE
club de réflexion
Femmes et gouvernance
Ne w s l e t t e r J U i l l e t / a o û t 2 0 1 5
Edito
« Nous sommes rentrés dans une ère de transparence... Aujourd’hui un grand patron ne peut
plus rien cacher à son Conseil d’administration ou à ses top managers le plus proches ».
Cette citation d’un des derniers intervenants à la
tribune de notre Club de réflexion confirme la tendance
inéluctable vers plus de transparence et responsabilité
èmes
sociale en matière de gouvernance d’entreprise. Les 2
Assises de la Performance sociale ont ouvert le débat
avec cette interrogation : La performance sociale
contribuera-t-elle au capitalisme responsable ?
Laura Restelli-Brizard
Avocate associée
Puzzle Avocats
Valérie Mouchabac
Co-fondatrice du Club
Valérie Mouchabac-Hutman
Banquier privé
Banque Transatlantique
Face aux transformations profondes des mentalités
et modes de fonctionnement de l’entreprise (à
l’échelle internationale d’ailleurs) les entreprises ont
été amenées à s’interroger sur la pertinence de leurs
modèles de gouvernance et à y intégrer les enjeux de la
responsabilité en les ouvrant davantage à l’ensemble des
parties prenantes. S’éloignant d’un modèle strictement
vertical, la gouvernance est aujourd’hui envisagée
comme le reflet de la culture de l’entreprise : le dialogue
social évolue, une plus grande ouverture à l’ensemble
des parties prenantes se rend nécessaire, l’évolution
vers une co-responsabilité entre entreprise, salariés et
parties prenantes est inéluctable. On remarque d’ailleurs
que certains grands groupes favorisent ouvertement les
interactions entre leur Comité de gouvernance / RSE
qui en valide les orientations stratégiques, et leur
Direction RSE qui en assure le déploiement opérationnel.
L’objectif étant d’accompagner le Conseil dans sa prise
de décision stratégique en intégrant les enjeux RSE et les
opportunités associées.
A l’échelle internationale, la performance sociale devient
un levier majeur d’adhésion au projet d’entreprise et
par conséquent un véritable atout de compétitivité. La
globalisation croissante conduit les entreprises à opérer
dans un environnement de plus en plus imprévisible
et hétérogène tant sur le plan social que sociétal. Une
entreprise à vocation internationale s’apprécie désormais
également au regard de sa démarche de responsabilité,
sa capacité à décliner des standards élevés dans tous
les pays où elle est présente, bien que les contraintes
réglementaires qui pèsent sur les entreprises sont
inégales entre les pays.
Les ressources humaines occupent plus que jamais
une fonction centrale au sein des entreprises, à travers
la gestion des talents, tout en réinventant le rôle du
manager. Celui-ci, non seulement gouverne, mais diffuse
l’information et la performance au sein de l’entreprise.
Le capital humain devient un des facteurs clés de
compétitivité pour l’entreprise. La capacité à attirer et
Sous l’égide de
fidéliser les talents, les engagements des salariés, sont
des sujets importants pour le conseil d’administration
car ils ont un impact fort sur la stratégie et la réussite de
l’entreprise. Les enjeux liés aux ressources humaines ont
profondément changé avec une organisation du travail
très impactée par la digitalisation des organisations, le
développement de la mobilité, la compétition pour les
talents, les attentes des nouvelles générations de salariés,
ème
les enjeux de la mixité. La 10 édition du Grand Prix de
l’Assemblée Générale 2015 a dressé un beau panorama
de l’état de la gouvernance d’entreprise, que Caroline de
La Marnierre nous décrit ci-après dans cette newsletter.
Si la mixité est devenue un acquis au sein de l’entreprise,
cela n’est pas le cas dans l’art. Malgré les appels à
davantage d’égalité, l’art reste un domaine de la culture
résolument masculin. Il y a encore une trentaine d’années,
la place des femmes dans l’art contemporain était loin
d’être acquise. En 1985, un groupe d’artistes féminines
américaines qui combattaient la discrimination, les
Guerrilla Girls, avaient placardé des affiches dans New
York pour expliquer que 85 % des nus de la section
d’art moderne du Metropolitan Museum étaient des
femmes, mais qu’elles ne représentaient que 5 % des
artistes. En 2014, dans la liste des 30 expositions les
plus vues à Paris, il n’y en a qu’une avec l’œuvre d’une
artiste : la rétrospective Niki de Saint Phalle, qui a attiré
350 000 visiteurs. Car même si en 2014, selon The Art
Newspaper, l’exposition d’un artiste vivant la plus visitée
du monde a été celle de Yayoi Kusama, l’artiste japonaise
aux gros pois reste une anomalie coincée entre Salvador
Dalí et Vincent van Gogh. Dans le classement ArtPrice
2014, la première femme artiste apparaît en 24 ième
position, une place que Cindy Sherman tient fermement
depuis des années. Il faut dire que The Art Newspaper
révélait un autre sévère déséquilibre : en 2014, 73 % des
expositions organisées par des galeries aux Etats-Unis
accrochaient les œuvres d’artistes hommes.
Pourtant, il y a bien des femmes dans l’art contemporain !
Ingrid Brochard, après avoir été un chef d’entreprise
précoce et douée, s’est mise au service de la diffusion
démocratique de l’art et de sa promotion auprès du
plus jeune public, avec la création d’un musée mobile, le
MuMo. Affaire à suivre ...
Laura Restelli-Brizard
et Valérie Mouchabac-Hutman
Co-fondatrices Club de réflexion Femmes et Gouvernance
Club de réflexion
Femmes et Gouvernance
TRIbune
Bal des Assemblées générales 2015 : audace et vigilance mènent la danse !
Caroline de La
Marnierre
Présidente / Fondatrice
CAPITALCOM
Conseil / accompagnement
en communication intégrée
(corporate, sociale et
financière)
Depuis déjà 10 ans, CAPITALCOM couvre la saison
des Assemblées générales des sociétés du CAC 40
et constate, chaque année, une avancée de plus en
plus significative des relations entre les entreprises
et leurs parties prenantes présentes en assemblée
(essentiellement les actionnaires individuels et salariés).
La qualité des résultats financiers des sociétés du
CAC 40 au titre de l’exercice 2014 et la vigueur de la
Bourse au 1er semestre 2015 ont profité à l’atmosphère
de la saison des Assemblées générales : cette année, les
applaudissements y étaient plus fréquents que les années
précédentes et les relations entre les actionnaires et le
management, plus chaleureuses. Plusieurs actionnaires
ont félicité les dirigeants sur la performance
commerciale ou la qualité de la gestion de la société (y
compris lors de rendez-vous habituellement difficiles)
et les entreprises elles-mêmes ont adopté un ton plus
léger et audacieux dans les présentations.
Comme en 2014, les sujets liés à la gouvernance
d’entreprise et la rémunération des dirigeants ont
cristallisé l’attention des médias, dont la couverture de
la saison des Assemblées générales a été plus large que
les années précédentes. Dans un contexte marqué par la
mise en œuvre de la loi dite Florange pour la reconquête
de l’économie réelle (qui prévoit la généralisation du
droit de vote double pour les actionnaires investis depuis
2 ans et la fin de la neutralité du Conseil d’administration
en cas d’offre publique) et la 2ème année d’application du
Say on Pay en France (c’est-à-dire, le vote consultatif
ex post de l’Assemblée Générale sur les montants de
la rémunération des mandataires sociaux) le taux de
contestation des résolutions à l’ordre du jour a été
particulièrement élevé, y compris pour les résolutions
agréées par le conseil.
Mobilisation générale en faveur de l’actionnariat
des particuliers
La place des actionnaires les plus fidèles au capital des
sociétés du CAC 40 et le rôle qu’ils jouent dans la
gouvernance ont suscité de nombreux échanges entre
les actionnaires et le management en 2015. Les uns et
les autres ont saisi la mise en œuvre de la loi Florange
et l’appel d’Emmanuel Macron en faveur d’un renouveau
de la démocratie actionnariale comme un prétexte pour
échanger leurs points de vue sur les remèdes possibles
à la désaffection des Français pour la Bourse. La plupart
des sociétés ont développé l’importance qu’elles
prêtent à l’actionnariat des particuliers, dont la fidélité
Sous l’égide de
est un atout dans la conduite de stratégies ambitieuses
et de programmes d’investissement sur le long
terme (en toute indépendance, le développement de la
part des individuels au capital constituant une mesure
efficace contre les offres publiques d’achat).
À titre d’illustration, les dirigeants d’Air Liquide
ont plaidé en faveur de la neutralité du Conseil
d’administration et du principe «une action, une
voix» auquel le groupe est attaché depuis la suppression
des droits de vote double en 1993 ; autre son de cloche
chez Vivendi où le nouveau Président du Conseil
d’administration, Vincent Bolloré, a mis en lumière le
recours aux droits de vote multiples par les concurrents
car il constitue une source d’agilité dont l’entreprise a
besoin pour être compétitive.
Les actionnaires ont su saisir cette opportunité pour
interroger le management sur les mesures concrètes
qu’il envisage de mettre en œuvre pour les fidéliser
et attirer de nouveaux actionnaires : le nombre de
questions ayant porté sur la création de primes de
fidélité, la division de la valeur nominale de l’action,
l’évolution de la structure du capital et la lutte contre
l’activisme actionnarial ou l’opéabilité de la société
ont doublé par rapport à 2014 (elles représentent
une question sur douze en 2015. Une majorité d’entre
eux ont témoigné de la fierté qu’ils éprouvent à
être actionnaires et les regrets qu’ils éprouvent avec
le départ à l’étranger de fleurons de la côte lors
d’opérations de fusions, comme Alcatel-Lucent ou
Lafarge, une nouveauté qui corrobore les enseignements
d’initiatives récentes en matière de promotion de
l’actionnariat individuel en France, dont l’Observatoire
des Actionnaires d’Avenir lancé par CAPITALCOM en
2014.
Sur les 14 sociétés du CAC 40 concernées par la
loi Florange en 2015, 12 ont déposé une résolution
visant à rétablir le droit de vote simple ; rejetée dans
4 sociétés en raison de l’opposition de l’actionnaire
de référence, elle a été approuvée par les actionnaires
de 8 sociétés avec un taux d’approbation moyen de
95,07 %. Autre surprise de la saison des Assemblées
générales 2015 : les actionnaires ont rejeté à plusieurs
reprises les demandes d’autorisations financières avec
la suppression ou le maintien du droit préférentiel de
souscription, et plus particulièrement, celles qui sont
susceptibles d’être activées en cas d’offre publique dans
le cadre de la loi Florange !
Les rémunérations sous pression
Les sociétés du
CAC 40 œuvrent
à mettre en
valeur (...) un
alignement entre
la gouvernance
et les travaux
du Conseil
d’administration,
les enjeux de
l’environnement
de marché et la
mise en œuvre
de la stratégie
.
dirigeants mandataires sociaux (83,62%), une attitude
cohérente de la part des actionnaires.
Les sociétés du CAC 40 œuvrent à mettre en valeur
en Assemblée générale depuis quelques années, un
alignement entre la gouvernance et les travaux du
Conseil d’administration, d’une part ; les enjeux de
l’environnement de marché et la mise en œuvre de
la stratégie, d’autre part. C’est la raison pour laquelle
elles dévoilent les coulisses du processus de sélection
de nouveaux administrateurs en fonction de leurs
expertises, les échanges lors du séminaire stratégique
du Conseil d’administration ou les résultats de
l’évaluation du fonctionnement de la gouvernance –
des pratiques inédites il y a encore 3 ou 4 ans. C’est
ème
l’une des explications pour lesquelles le Jury de la 10
édition du Grand Prix de l’Assemblée générale (animé
par CAPITALCOM depuis 2006) a décerné le Prix de
la Gouvernance à L’Oréal, cette année.
L’exposé sur la rémunération des dirigeants mandataires
sociaux poursuit la même évolution, sous la pression
des investisseurs et des acteurs de la place de Paris qui
attendent une mise en corrélation entre les montants
versés et la performance financière et extra-financière
(environnementale, sociale et sociétale) de l’entreprise,
dans un contexte où les inégalités de revenu se
creusent. Les principaux proxys avaient annoncé un
durcissement de leurs positions sur les rémunérations
et ils ont été largement suivis par les investisseurs : le
taux d’approbation des rémunérations des dirigeants
mandataires sociaux du CAC 40 a sensiblement baissé
en 2015 à 86,62 %, contre 92,58 % en 2014.
C’est un recul attendu au regard de l’expérience
d e s p ay s ay a n t d é j à m i s e n p l a c e l e S a y o n
Pay. Cette chute s’explique (en par tie) par la
révision des politiques de rémunération dans
les entreprises, suite au renouvellement ou à la
nomination de nombreux patrons en 2014 et
2015 ; il faut également souligner que les pratiques
des sociétés du CAC 40 ont peu évolué par rapport
à l’année dernière et l’articulation entre les montants
versés et la performance de l’entreprise n’est pas
toujours explicitée.
Il est désormais comparable au taux d’approbation
moyen des conventions réglementées portant sur les
éléments de rémunération (84,41 %), qui constituent
souvent des résolutions sensibles avec les plans
d’attribution d’actions de performance au bénéfice des
Sous l’égide de
Toutefois, une minorité de sociétés du CAC 40 ont
répondu aux attentes des investisseurs en divulguant
le taux de réalisation des objectifs quantitatifs et
qualitatifs déterminant la rémunération variable des
dirigeants mandataires sociaux et la nature de ceuxci, par exemple. Par ailleurs, une poignée de patrons
ont précisé qu’ils tireraient les leçons du vote de
leurs actionnaires pour l’exercice à venir, comme
Pernod Ricard avec les actions de performance et
Renault avec le Say on Pay. Alors que la Commission
européenne songe à rendre le Say on Pay contraignant
dans le cadre de la révision de la Directive sur les droits
des actionnaires, on est tenté de s’interroger sur les
conséquences du rejet d’une telle résolution pour le
Conseil d’administration.
Et l’an prochain ?
Le pouvoir des actionnaires en Assemblée générale
a considérablement progressé au cours des dernières
années et la marge de manœuvre dont ils disposent est
de plus en plus importante. C’est tout particulièrement
le cas pour les sujets de gouvernance sur lesquels
les actionnaires ont un rôle direct à travers le vote
des résolutions : la nomination et le renouvellement
des dirigeants mandataires sociaux, le Say on Pay, les
conventions réglementées, la modification des statuts, etc.
Or, le vote des résolutions en elles-mêmes représente
une séquence de plus en plus réduite dans le
conducteur de l’Assemblée générale si on la rapporte
aux échanges avec les actionnaires et à l’exposé du
management – où la gouvernance et les rémunérations
pèsent pour un quart, en moyenne. Plus didactiques et
plus responsables, les Assemblées générales sont ainsi le
temps fort de la relation entre le groupe et ses parties
prenantes, en particulier ses actionnaires et ses salariés.
Club de réflexion
Femmes et Gouvernance
Interview
Ingrid Brochard
Fondatrice du MuMo,
le Musée Mobile
Attirée par l’entreprenariat, poussée par un père qui lui
transmet la culture du travail et de l’entreprise, Ingrid crée
à Hong Kong à 19 ans son entreprise de cosmétiques,
commercialisés dans la grande distribution en France.
En 2007, elle décide de mettre à profit ses talents
d’entrepreneur au service de sa volonté de partager sa
passion pour l’art contemporain. Elle monte le magazine
BC / Be Contemporary, un magazine trimestriel qui a
pour vocation de promouvoir la création contemporaine
et produit en 2008 une série de douze émissions du
même nom sur Direct 8. Animée par la conviction que le
potentiel de l’art en matière d’éveil au monde doit faire
partie intégrante du processus d’éducation, elle imagine
en 2010 un projet en direction des enfants, en particulier
ceux qui habitent loin des musées et ceux qui sont
exclus de l’accès à la culture. Elle fonde en janvier 2011
le fonds de dotation L’Art à l’Enfance, obtient le soutien
de l’UNESCO, d’ATD QUART MONDE, de différents
ministères puis celui de mécènes pour financer le projet.
Elle réunit dans la foulée l’architecte Adam Kalkin, pour
concevoir une structure mobile qui se déploie, et 15
artistes de renom, dont chacun crée une pièce unique,
spécialement pour les enfants et adaptée au contexte
nomade du dispositif. Assemblé à Liverpool en 2011,
MuMo a voyagé en Europe et Afrique. Dans l’Hexagone
a fait étape dans les campagnes et les quartiers sensibles
des grandes villes. Depuis son lancement, MuMo a
parcouru 30 000 km et offert à 70 000 enfants une
initiation à l’art. Ingrid a été décorée de la distinction de
Chevalier des Arts et des Lettres et de celle de Chevalier
Ordre national du Mérite.
Femmes et Gouvernance : Après un parcours
industriel et commercial, vous avez plongé dans
l’art, fondé un magazine d’art et ensuite crée un
musée mobile sur camion pour sensibiliser les
enfants à l’art, MuMo. D’où est née cette envie ?
Club de réflexion
Femmes et Gouvernance
26, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
T +33 1 56 88 73 81
[email protected]
I. B. : Ce projet s’inscrit dans un cheminement très
personnel. L’art occupe une place importante dans ma
vie : il participe d’un éveil au monde, à l’émotion. L’art
est un formidable outil d’ouverture et de partage qui
abolit les frontières, les différences culturelles. C’est
sans doute cette constatation qui m’a donné envie de
penser un projet en direction des enfants, principalement
en direction de ceux qui n’ont pas accès aux créations
artistiques. Ces quatre années d’expérience MuMo
m’ont confirmé l’importance de l’éducation aux arts et
de l’éducation par l’art. L’impact de l’éducation artistique
sur le développement personnel, sur la réduction des
inégalités, sur les compétences sociales et citoyennes,
renforce mon engagement pour cette cause, à l’heure
où les arts sont de plus en plus laissés pour compte à
l’école. Le MuMo, je l’espère, pourra se dupliquer en
collaboration avec l’Etat afin de préparer nos enfants « à
habiter poétiquement la terre » selon l’expression du
poète Hölderlin.
Sous l’égide de
F&G : Dans la première partie de votre vie
professionnelle, vous avez sillonné l’Asie pendant
dix ans pour trouver des cosmétiques à revendre
aux grandes marques de la distribution en
Europe ? Que retenez-vous de cette expérience,
notamment en tant que femme ?
I. B. : Les femmes chefs d’entreprises sont les pionnières
en matière de responsabilité sociétale des entreprises
(RSE), de développement durable, d’implication de
l’humain dans l’entreprise. Si la femme dans l’art est
souvent associée à la muse et non à la peintre, elle n’a pas
non plus une place majeure dans le monde de l’entreprise,
puisqu’elle ne représente que (pour accentuer la
proportion minime des femmes) 30 % des chefs
d’entreprises en France et seulement 5 % des acteurs
du secteur de l’innovation. En termes de communication,
l’image de la femme est forte. Certes, dans l’art, elle est
omniprésente. Mais dans les débats actuels sur l’égalité
homme-femme dans l’entreprise, elle y est encore plus
marquante. C’est ainsi le monde même du mécénat qui
se féminise, alors que ce secteur a souvent été lié aux
figures décisionnaires de la compagnie, avant de devenir
des départements plus indépendants.
F&G : Vous semblez sensible aux initiatives
visant à aider les femmes dans le monde
professionnel. Quelle vision avez-vous aujourd’hui
de perspectives qui s’ouvrent aux femmes,
notamment de l’art ?
I. B. : L’art contemporain a joué un rôle dans l’avancement
de la condition féminine, grâce à ces femmes artistes
qui ont utilisé l’art pour libérer le monde des valeurs
conservatrices. J’ai moi-même eu un grand choc
émotionnel devant les Cells de l’artiste Louise Bourgeois.
L’art a ce pouvoir de faire bouger des lignes ! Les
Guerilla Girls créées à New York en 1985, avaient posé
des affiches sur les bus New Yorkais avec ce slogan
« Les femmes doivent-elles être nues pour pouvoir entrer
au Metropolitan Museum ? », faisant ainsi référence au
fait que dans cette institution, moins de 5 % des artistes
exposées dans les sections d’art moderne étaient des
femmes, mais qu’elles faisaient l’objet de 85 % des nus.
Plus encore que la création artistique en général ce serait
le marché qui apparaitrait fâché avec les femmes !
F&G : Le monde de l’art est très étonnement
très masculinisé, mais votre équipe du MuMo est
très féminisée. Pensez-vous pouvoir jouer un rôle
de mentoring ?
I. B. : Homme ou femme je ne perçois pas la différence
dans le travail. Ce qui m’intéresse, c’est l’œuvre.