VIH et droit pénal - Un cocktail explosif | Le Devoir

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MARDI 21 DÉCEMBRE 2010
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VIH et droit pénal - Un cocktail explosif
Brian Myles
18 décembre 2010 Justice
VIH et droit pénal, voilà un cocktail explosif. Les tribunaux sont
incapables de trouver une réponse à l'infection au VIH. Et sont de
plus en plus conscients de leur impuissance.
La vie n'est jamais simple pour les porteurs du VIH. S'ils cachent
leur séropositivité à leurs partenaires, ils sont passibles de
poursuites criminelles... selon le degré de risque de la relation,
une mesure subjective qui confond autant les tribunaux que
monsieur et madame Tout-le-monde.
Photo : Arc hives Le Devoir
Les tests développés par la Cour suprême pour
établir la c ulpabilité ou l’innocence d’un porteur du
VIH qui tait sa condition ne satisfont personne.
L'arrêt rendu par la Cour d'appel dans l'affaire de «D. C.», lundi
dernier, témoigne des écueils inhérents à la criminalisation du
VIH. À la suite d'une rupture amère, en 2004, D. C. a été
dénoncée par son ex-conjoint. Plus de quatre ans après leur
première relation, il s'est plaint à la police que son ancienne
flamme lui avait caché sa séropositivité lors de leur toute
première relation. Elle lui avait par la suite révélé ce détail on ne
peut plus important, et ils avaient choisi de poursuivre leur
union, pendant quatre ans.
Le couple a éclaté dans des circonstances pathétiques, à la fin de
2004, alors que le conjoint éconduit se montrait de plus en plus
violent et envahissant. Il a été traduit en justice et reconnu
coupable de voies de fait graves sur D. C. et le fils de celle-ci. Un juge lui a accordé une absolution
inconditionnelle.
L'ex-conjoint violent a décidé de porter plainte à son tour, tout juste avant les audiences en
détermination de sa peine. Sans égard aux intentions de l'homme, des accusations de voies de fait
graves et d'agression sexuelle ont été portées contre la dame. Elle fut déclarée coupable, le jour de
la Saint-Valentin 2008, par le juge de la Cour du Québec, Marc Bisson. La Cour d'appel a finalement
acquitté D. C. des deux accusations portées contre elle. Sans pour autant faire avancer d'un iota le
droit applicable dans les affaires semblables.
La Cour d'appel a même lancé une bouteille à la mer en invitant indirectement la Cour suprême ou
même les Communes à réévaluer «la question du risque de transmission de maladies infectieuses
graves, dans le contexte du droit pénal». Les ramifications «sociales, éthiques et morales» de la
question devraient interpeller le législateur, estime la Cour d'appel, à l'unanimité.
Un monde imparfait
À l'heure actuelle, les tests alambiqués développés par la Cour suprême pour établir la culpabilité ou
l'innocence d'un porteur du VIH qui tait sa condition ne satisfont... personne.
2010-12-21 10:52
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Qu'un sidéen infecte ou non son partenaire n'y change rien. S'il tait sa séropositivité, il s'expose à
des accusations criminelles. Les victimes, épaulées par les procureurs de la Couronne, feront
inévitablement valoir que l'infection au VIH est irréversible, et potentiellement mortelle. À leurs
yeux, la question est tranchée. Le VIH — un virus qui afflige environ 18 000 Québécois — est si
pernicieux qu'il s'agit d'une maladie à divulgation obligatoire. Dans l'affaire de D. C., la Cour d'appel
s'est montrée sensible à cet argument, en précisant du même souffle qu'elle était liée par la
jurisprudence.
Les organismes qui veillent à la défense des droits des sidéens pensent le contraire. À leur avis, le
recours au droit criminel est un bien piètre instrument de lutte contre l'épidémie du VIH. Ces
politiques accentuent la stigmatisation et la discrimination vécues par les porteurs du VIH,
contribuant de facto à «une augmentation de l'épidémie mondiale de sida».
La Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-sida), une
partie intervenante devant la Cour d'appel, dans la cause de D. C., répercute dans le débat public
cet argument développé par l'ONUSIDA, l'agence mondiale de prévention et de lutte contre le VIH.
L'ONUSIDA fait valoir, à juste titre, qu'aucune donnée scientifique ne permet de conclure à
l'efficacité du droit criminel pour combattre la propagation du sida. Au contraire, la «criminalisation»
du VIH peut entraîner des impacts négatifs sur la santé de la population, car elle incite les
personnes potentiellement infectées à ne pas subir de test de dépistage.
Solution simpliste, fuite en avant. Quoi qu'on en pense, ce réflexe de repli n'en est pas moins réel.
Selon la COCQ-sida, la criminalisation détourne «l'entière responsabilité de la prévention du VIH»
vers les personnes infectées, au lieu de miser sur des campagnes de sensibilisation et sur la
responsabilisation des partenaires, à qui revient le devoir de se protéger.
Un test complexe
Comme c'est souvent le cas dans les affaires à l'intersection du droit criminel et de la santé
publique, les tribunaux sont appelés à trancher. En 1998, la Cour suprême a développé, dans l'arrêt
Cuerrier, le test applicable, soit celui du «risque important de préjudice grave». Il ne suffit donc pas
de taire sa séropositivité pour être passible de poursuites criminelles. Il faut également avoir exposé
son complice amoureux à un risque important. Si les partenaires utilisent un condom, ou encore si
la charge virale de la personne infectée n'est pas détectable, les tribunaux hésiteront à y voir un
crime.
C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle D. C. a été acquittée en Cour d'appel. Sa charge
virale était si faible, au moment des faits, que le risque d'infection était de 1 sur 10 000. Il s'agissait
d'un risque «très, très faible», voire «infime», selon les médecins traitants de la dame. À des
années-lumière (du moins en droit) de ce fameux «risque important de préjudice grave».
En résumé, pour que le consentement libre et volontaire soit faussé, au point d'ouvrir la voie à des
accusations criminelles, il faut nécessairement que la victime encoure un grave péril. Solution
imparfaite. Mais tel est «l'état du droit au Canada» tel que le constate la Cour d'appel.
droit, santé, VIH, Cour d'appel
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