Jean Giono serait-il (aussi) dramaturge?

Transcription

Jean Giono serait-il (aussi) dramaturge?
Anales de Filología Francesa, n.º 21, 2013
DOMINIQUE BONNET
Jean Giono serait-il (aussi) dramaturge?
Dominique Bonnet
Universidad de Huelva
[email protected]
Resumen
Abstract
Jean Giono, escritor francés del siglo XX, permanece en nuestras memorias con sus obras
marcadas por un pacifismo empedernido, una
naturaleza exaltada y una profunda influencia
romántica. Novelas, relatos y ensayos componen el itinerario literario de Jean Giono y sin
embargo es gracias al teatro como últimamente
reaparece en el panorama literario. Así, 2011
nos devuelve un Giono desconocido por el público gracias a la puesta en escena por François
Rancillac de una de las escasas creaciones teatrales de este autor Le Bout de la route. Llegar
a conocer mejor un Jean Giono distinto, visitar
la obra teatral de este viajero inmóvil, tal como
le gustaba definirse, constituyen la meta y la
voluntad de nuestro artículo.
Jean Giono, a twentieth-century French writer,
stays in our memories through writings characterized by an inveterate pacifism, an exalted
feeling of nature and a deep romantic influence.
Novels, short stories and essays compose the
literary path of Jean Giono and yet it is the theater that made him reappear recently in the literary scene. In 2011 an unknown Giono returns
thanks to the staging by François Rancillac
of one of the few theatrical creations by this
author, Le Bout de la route. Getting to know
better this different Jean Giono, exploring the
play by this motionless traveler, as he liked to
define himself, are the goals of our article.
Palabras clave
Key-words
Jean Giono, teatro, imaginación, François Rancillac.
Jean Giono, theatre, imagination, François
Rancillac.
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JEAN GIONO SERAIT-IL (AUSSI) DRAMATURGE?
J’ai essayé de faire du théâtre, je n’y suis jamais arrivé. Chaque fois, il a fallut
qu’on me pousse l’épée dans les reins pour que je fasse une pièce de théâtre.
Ça n’est pas mon rythme
(Carrière, 1991: 146)
1. Introduction
Jean Giono, écrivain français du vingtième siècle, reste ancré dans nos mémoires pour
des œuvres où cohabitent pacifisme acharné, nature exaltée et influence romantique et non
pas pour sa production théâtrale et pourtant… Romans, récits et essais parsèment son itinéraire et cependant c’est par le théâtre qu’il nous est récemment revenu; 2011 nous a rendu un
Jean Giono méconnu du grand public grâce à la mise en scène par François Rancillac d’une
des rares créations théâtrales gionesques Le Bout de la route. Connaître et découvrir une nouvelle facette de Jean Giono, visiter et comprendre l’œuvre théâtrale de ce voyageur immobile
tel qu’il se complaisait à s’appeler sont le but et la volonté de cet article.
2. Influences littéraires. Initiation à l’écriture
Né en 1895 Jean Giono d’origine italienne vécut dans une famille modeste où père
et mère travaillèrent durement tout au long de leurs vies. Cette enfance Jean Giono s’en
souvint toujours avec tendresse. Les sensations accumulées en lui à cette époque furent fondamentales dans l’élaboration de son œuvre postérieure: la chaleur, les odeurs, les couleurs
constituèrent son petit trésor poétique que plus tard il exploiterait. Cet univers que lui-même
qualifie de “cosmique et sensuel” serait souvent la réponse aux côtés les plus obscurs et
amers de son existence.
Il commence à travailler très jeune inquiet pour son père en mauvaise santé ainsi que
pour l’économie familiale et malgré son manque d’intérêt pour les études il ne tarde pas à
découvrir sa véritable passion qui comble son ennui dans le monde du travail: la littérature.
Cette passion pour la lecture lui vint de son père et très tôt son avidité pour les livres le conduisit au sein d’un monde dont la variété et l’immensité nous apparaît dans sa bibliothèque:
de La Bible à Charles Dickens en passant par Walter Scott ou Fénimore Cooper il semblait
sans limites. Ses premiers salaires lui permirent d’accéder à toutes sortes de collections et
d’ouvrages: Homère, Sophocle, Shakespeare, Diderot, Cervantès ou Goethe passèrent entre
ses mains. La lecture le passionnait tant qu’elle s’accompagnait d’un véritable rituel qu’il
nous rapporta dans la préface des Pages immortelles de Virgile:
Je recevais deux francs par dimanche. J’avais scrupule, mais je les prenais. Les
Anatole France coûtaient trois francs cinquante chez Calman-Lévy. Euripide,
Eschyle, Sophocle, Aristophane, Virgile coûtaient 0,95 F dans les classiques
Garnier. Avec mes deux francs, j’avais deux de ces gens-là et il me restait deux
sous. Avec les deux sous je timbrais ma lettre, car il n’y avait pas de librairies
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à Manosque et je commandais directement à Paris... Dès que j’avais écrit, la
joie commençait, J’allais mettre moi-même la lettre à la poste... C’était parti. Ils allaient venir! J’attendais. Ce sont les plus pures émotions de ma vie.
J’imaginais tout... Et un matin, ce brave Félicien de facteur disait: ‘Jean, tu
as un paquet’. Joie et pleurs de joie, c’était un paquet parfait et intact, en bon
papier fort, ficelé de bonne ficelle, aux bons noeuds, avec une bonne recommandation de treize sous, par ces bons frères Garnier dont le beau nom était
en belles lettres sur l’étiquette. C’est ainsi qu’un 20 décembre 1911 je reçus
Virgile... Je restais quelques jours à jouir de Virgile de cette façon-là. Je le portais dans la poche de mon veston. Je le soupesais. Je regardais sa couverture
jaune... La veille de Noël on nous donna congé l’après-midi. C’était le moment
d’entamer franchement le grand-oeuvre. Je pris mon Virgile le bras et je m’en
allais dans les collines (Giono, 1974b: 1045-1047).
De cette passion pour la lecture surgirent ses premiers vers. Ses premiers écrits, poétiques apparurent pendant son adolescence vers 1911-1912. Ses lectures ainsi que sa grande
sensibilité donnèrent lieu à plusieurs tercets qui ne sont pas sans nous rappeler Symbolisme
et Parnasse:
Dans la vasque de pierre aux cristallines eaux,
La libellule au bout d’un fragile roseau
Mire son corselet de gaze aux longues ailes,
Et sous les verts taillis aux troublantes odeurs,
Je bois la rêverie ainsi que la fraîcheur,
Dans les vagues d’iris des blanches cascatelles
(Citado por Fluchère, 1983: 37)
Ses écrits pacifistes n’arrivèrent que plus tard en conséquence de sa terrible expérience au front pendant la Première Guerre Mondiale qui marqua une étape décisive dans sa vie
d’homme et d’écrivain. Il en revint horrifié et traumatisé par la barbarie, la gigantesque tuerie
au nom du patriotisme à partir de là rejeté, repoussé, choisissant la voie pacifiste qu’il dévoila
dans ses écrits des années 30: “Il n’y a pas de gloire à être français. Il n’y a qu’une gloire:
c’est d’être vivant” (Giono, 1972: 180).
Les années vingt furent particulièrement productives dans l’activité créatrice de Giono. Il passa une grande partie de son temps dans les collines qui entourent sa ville natale Manosque avec des gens simples, bergers ou ermites, qui tout comme lui recherchaient pureté et
solitude. Les écrits qu’il publia alors l’élevèrent au niveau des plus grands. Avec Colline en
1929 il connut le succès et put enfin laisser le monde de la banque pour se consacrer totalement à l’écriture. Par la suite avec Un de Baumugnes en 1929 et Regain en 1930 André Gide
affirma qu’un nouveau Virgile était né en la personne de Jean Giono; la recherche d’une vie
retirée, simple et sereine dans laquelle la paix, l’existence naturelle et le travail de la terre
étaient devenues ainsi les valeurs fondamentales, Les Vraies Richesses.
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3. Du cinéma au théâtre en passant par la tragédie grecque et l’imaginaire…
Jean Giono s’est toujours considéré comme médiocre dans l’écriture théâtrale: “Moi
je n’ai jamais écrit avec Le Bout de la route ou Le Voyage en calèche que de mauvaises pièces” (cité par Toullet, 2011: 233) ou encore “Je travaille à un roman assez vaste, Le Chant
du monde et à une pièce de théâtre Aux lisières de la forêt. Pièce de théâtre c’est moi qui dis
ça” (cité par Fourcault, 2011: 209). Et pourtant c’est par le théâtre qu’il revient sur la scène
littéraire au cours de ces dernières années. Mais après tout n’était-il pas aussi l’homme de la
mise en scène, l’homme de l’adaptation?
Jean Giono fut l’un des écrivains-cinéastes de sa génération. Malgré sa vie retirée à
Manosque il portait un grand intérêt à l’adaptation cinématographique tout en séparant totalement son écriture pour le cinéma de son travail d’écrivain.
Ce fut à partir de ses premiers succès littéraires que Jean Giono commença à
s’intéresser pour le cinéma ou plus exactement que le cinéma commença à s’intéresser à Jean
Giono. En 1929 André Gide incita Jean Giono à autoriser l’adaptation de Un de Baumugnes
par Marc Allégret. Ce monde inconnu pour Jean Giono ne l’attirait pas, représentant aux
premiers abords tout ce qu’il détestait: superficialité et industrie commerciale. Pourtant ses
romans étaient très demandés par les metteurs en scène de l’époque et dès 1930 il collabora
de façon beaucoup plus directe avec le septième art.
De plus, afin de mieux comprendre quelles furent les origines de son intérêt pour le
théâtre il est intéressant de revenir sur ses premières lectures (Euripide, Sophocle, Aristophane…) évoquées dans la deuxième partie de ce travail.
Comme le souligne Sébastien Cauquil dans un article consacré à l’influence de la
tragédie grecque dans l’écriture gionesque: “Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est
tout d’abord l’aspect financier qui a poussé Giono à lire ces classiques plutôt que ses contemporains” (Cauquil, 2011: 269). Cependant dans une autre interview il précisait que le
prix n’avait pas été le seul facteur décisif, l’aventure et le plaisir procuré par ces lectures
motivèrent aussi son choix:
À l’aventure et d’abord les Grecs! À la base, évidemment, il y a le fait que
Homère, Eschyle, Sophocle, Euripide ne coûtaient que quatre-vingt-quinze
centimes. Mais il y avait aussi une très grande joie à la lecture de ces livres-là.
Je me souviens de la première fois que j’ai lu Les Perses, ça a été véritablement
la grande explosion (Amrouche, 1990: 136).
C’est dans ces lectures que Jean Giono commença à laisser libre cours à sa fantaisie,
à créer son propre imaginaire:
C’était un octobre très brumeux et très froid, où dans les collines, ayant emporté mon livre, j’ai lu le Prométhée enchaîné. Brusquement, je me suis rendu
compte que Prométhée pouvait être enchaîné sur les collines que je voyais là,
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ça pouvait être un homme immense, une sorte de Dieu, dévoré par un vautour,
ça pouvait être un de ces petits bonshommes qui marchaient sur la route, ou
même moi dévoré aussi par le vautour! À ce moment-là, les images m’ont paru,
en effet, plus aiguës et ayant un sens différent de l’appareil purement décoratif
(Cauquil, 2011: 270).
Tout au long de sa carrière d’écrivain, Jean Giono fut souvent appelé le voyageur immobile en allusion au récit du même nom inclus dans son roman L’Eau vive; son imagination
fut complice de ses évasions, l’aidant à passer des frontières imaginaires, à nous faire connaître des femmes et des hommes surgis de son esprit créateur d’un monde parallèle. C’est ainsi
que dans son écriture Jean Giono ajouta ses propres touches fantastiques au monde réel pour
lutter contre la monotonie du quotidien. Lorsque Gilles Lapouge (1990: 5) met en relation
Jean Giono avec la réalité il en arrive à la conclusion suivante: “le réel, Giono n’y comprend
rien, doute de sa réalité et du reste, ça l’assomme... Giono vit dans une réalité passionnément
imaginaire”.
La découverte de son imaginaire lors de sa lecture de Prométhée enchaîné fut le premier pas vers cette appropriation de la réalité qui l’entourait, l’ouverture sur l’immensité des
possibilités d’interprétation que celle-ci lui offrait:
Il y a autant de réalités que d’individus: c’est une vérité de La Palice. Je passe
à côté d’un champ de blé. Il y a le champ de blé du paysan qui l’a semé, qui escompte la récolte, pense à tout ce qu’il pourra payer avec l’argent que rapportera
le blé; il y a le champ de blé près duquel je passe et qui me donne des idées de
cuirasse d’or (par exemple et pour aller plus vite), d’autant que je suis en promenade avec un petit Arioste dans ma poche, et je serais plutôt tenté d’admirer
dans ce champ de blé le magnifique vert des chardons et le beau rouge des coquelicots que j’interprète comme le travail de Cellini et du sang vermeil, alors
que le vrai paysan s’en désespère et suppute combien ces chardons secs seront
désagréable au battage. Il y a le champ de blé de l’économiste distingué; il y a le
champ de blé du citadin en ballade; il y a le champ de blé de Van Gogh, mais il
n’y a pas le champ de blé du manieur de réalités. Ni le paysan, ni moi-même, ni
l’économiste, ni Van Gogh ne sommes dans la réalité. Tout ce que nous pouvons
transmettre c’est l’idée que nous nous faisons du champ de blé. Il en est des êtres
comme des choses. De là les passions (Giono, 1988: 135-136).
Par la force des choses et un peu par le hasard Giono entra donc dans le monde du
théâtre par la porte de la tragédie grecque. Cette initiation datant de sa plus jeune époque le
suivit tout au long de sa carrière d’écrivain et l’accompagna dans nombre de ses écrits, à la
recherche du tragique dans son imaginaire. Comme exemple prenons cette réflexion au sujet
de l’écriture de l’un de ses grands romans Deux cavaliers de l’orage: “Simplicité. J’avais
dit au début faire grec et je n’ai pas fait grec. Le faire. Tout simplement” (Giono, 1995: 302).
De cette réflexion découle la difficulté à laquelle s’affrontait Giono lorsqu’il s’improvisait
dramaturge, comme nous l’avons vu dans la citation du début de ce travail il affirmait que ça
n’était pas son rythme. Mais il s’agit là de beaucoup plus qu’une simple écriture de dramatur41
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gie; ce qu’il semblait rechercher était au-delà du genre, une atmosphère, celle des tragédies
grecques si chères à son cœur, atmosphère que nous retrouvons dans Noé:
Il y a, dit-il, de petites places désertes où dès que j’arrive, en plein été, au gros
du soleil, Oedipe, les yeux crevés, apparaît sur un seuil et se met à beugler. Il y
a des ruelles, si je m’y promène tard, un soir de mai, dans l’odeur des lilas, j’y
vois Vérone où la nourrice de Juliette traîne sa pantoufle. Et dans le faubourg
de l’abattoir, à l’endroit où il n’y a rien qu’une palissade en planches, j’ai installé tous les paysages de Dostoïevski... (Giono, 1974a: 613).
La tragédie grecque le guida vers un style, vers une ambiance mais non pas vers un
genre. Jean Giono aimait la liberté du roman et le théâtre dont il disait qu’il ne correspondait
pas à son rythme semblait exiger une trop grande discipline quant à son écriture: “La discipline du romancier est presque contraire à la discipline de l’auteur dramatique” (Cauquil,
2011:271).
4. Le théâtre de Jean Giono
Mais alors, si le rythme et la rigidité littéraires du théâtre ne lui convenaient pas, pourquoi a-t-il finalement écrit pour le théâtre?
Bien que mal reçues dans leur ensemble par la critique, les pièces de Jean Giono sont
là pour témoigner de ce travail de dramaturge exercé à certaines époques de sa vie. Certes,
cette incommodité dans ce travail d’écrivain de théâtre existait ne serait-ce que par les propos
tenus par l’auteur cités plus haut. Pourtant certaines techniques littéraires propres au théâtre
ne lui étaient pas inconnues comme le souligne Toullet Renouleau au sujet des dialogues:
Des dialogues enlevés il savait le faire: il remplissent des pages de Deux cavaliers de l’orage, de Batailles dans la montagne. Et les Chronique? On pense
à Un roi sans divertissement ou aux Âmes fortes. C’est probablement pour
eux qu’on adapte si volontiers à la scène les œuvres romanesques de Giono
(Toullet, 2011: 235).
Si l’on a parlé auparavant de sa curiosité croissante pour l’écriture cinématographique qui put être l’un des facteurs d’intérêt quant à l’écriture dramaturgique, il n’en reste pas
moins vrai que les années quarante sont pour Jean Giono, comme pour beaucoup d’autres
gens de lettres, difficiles sur tous les plans: idéologiques et financiers. Jean Giono était depuis
la publication de Colline en contact avec le milieu littéraire parisien:
Je suis arrivé dans un monde où tous se sont glorifiés de m’avoir découvert...
J’ai rencontré P. Mac Orlan avec lequel on a parlé longuement et sympathie
[sic], puis Chamson est venu me dire qu’André Gide était un admirateur de
Colline et désirait me voir. Je suis donc allé chez Chamson le soir même. Il y
avait Gide, Paulhan, Ehrenbourg (un russe, ancien commissaire du peuple) et
divers autres dont je n’ai pas entendu le nom (Giono, 1971: 934).
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Par ces fréquentations et par la connaissance de ce monde intellectuel français il savait
qu’une incursion dans le monde du théâtre pouvait compléter sa carrière lui donnant prestige
et versatilité. Cependant comme l’affirme Toullet, les motifs qui le décidèrent semblent être
d’ordre financier, une sorte de survie à l’Occupation:
Ce sont les considérations financières qui ont joué un rôle déterminant. On
sait que pendant ces deux périodes Jean Giono se trouvait étranglé […] Sous
l’Occupation, l’édition s’était raréfiée. Le théàtre semblait offrir des opportunités à ne pas négliger. De fait, il ne s’était pas trompé, mais c’est alors qu’il ne
s’y attendait plus que Le Bout de la route allait rencontrer un succès formidable. Cette pièce tint l’affiche pendant plus de trois ans et Jean Giono s’étonna
d’en fêter la millième représentation, le jour de la première de La Femme du
boulanger (Toullet, 2011: 235).
Ce passage à l’écriture pour le théâtre n’est toutefois qu’une nouvelle forme de
l’écriture gionesque. Giono reste présent dans ce nouveau genre par le biais de ses indications scéniques, ses didascalies, aussi littéraires qu’impossibles à mettre en œuvre. Giono ne
s’est donc pas plié à ce nouveau genre, bien au contraire il l’a fait sien, l’incorporant à son
écriture romanesque:
S’il insère les didascalies d’usage, certaines cependant excèdent de beaucoup
la pragmatique théâtrale habituelle […] ‘La maison se dégèle et vit avec ses
joies et ses douleurs’ (Giono, 1978:6); ‘On entend vivre la pendule’(Giono,
1978: 40) […] Giono dit ce que le théâtre ne peut pas faire, ne s’effaçant pas
comme locuteur, comme de raison, mais engageant un dialogue ironique avec
les praticiens du théâtre ou avec le lecteur, puisque son théâtre est destiné à
être publié (Toullet, 2011:238).
Ces didascalies tirées d’une de ses premières pièces de théâtre Le Bout de la route
(il en écrivit plusieurs selon la chronologie établie par Laurent Fourcault (2011) depuis Esquisse de la mort d’Hélène en 1926 jusqu’au Voyage en calèche en 1942, titres complétés
par la suite par trois textes écrits sur commande) sont représentatives de la volonté littéraire
maintenue par Jean Giono dans l’écriture de ses textes dramaturgiques. Ni les personnages,
ni l’intrigue ne semblent nous guider au sein de cette pièce si gionesque mais plutôt un idéal
littéraire et spirituel, éternel fil conducteur de toute l’œuvre de cet écrivain. Nous le comprendrons mieux dans la suite de cet article où nous reviendrons de façon plus détaillée sur cette
pièce de théâtre, Le Bout de la route, que Jean Giono se plaisait à qualifier de mauvaise pièce
(Toullet, 2011: 233), ainsi que sur son adaptation par François Rancillac au printemps 2011.
5. Une œuvre purement gionesque adaptée par François Rancillac: Le Bout de la route
Comme le précise François Rancillac dans sa présentation de la pièce (Rénilde, 2011:
5) Le Bout de la route (1931) est une histoire de renaissance comme bon nombre d’autres
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récits écrits à la même époque par Jean Giono. Regain, Un de Baumugnes ou encore Que
ma joie demeure en sont des exemples. Toutes ces renaissances passent par l’arrivée ou la
rencontre d’un être inattendu, venu de nulle part et extérieur à la communauté dans laquelle
il arrive. Une fille perdue, un ouvrier venu d’ailleurs ou encore un poète dans le cas de Que
ma joie demeure sont les personnages gionesques par qui s’opèrent ces résurrections.
Dans Le Bout de la route le protagoniste, Jean, arrive par son errance dans une ferme marquée par le deuil. Jean tout comme Bobi dans Que ma joie demeure ou Mamèche
dans Regain vient d’on ne sait où, tous étant marqués par une errance dont on ne parle pas,
à laquelle ces personnages ne font pas référence tel que nous le suggère John Baude au
sujet de Bobi:
À ces hommes et femmes sédentaires, dont l’imagination ne peut s’alimenter à
la source des voyages, Bobi le plus souvent se garde d’évoquer les lieux de ses
errances passées. Il les invite à recréer le monde à partir de ce que ce dernier
offre aux sens, et le vent supplée à l’immobilité des paysans en leur apportant
les formes et les couleurs des nuages, des sons et des odeurs à même de mettre
en branle leur imagination (Baude, 2011).
Dans Le Bout de la route Jean arrive dans une ferme où chacun des personnages est
imprégné d’une solitude propre à bon nombre de personnages de l’œuvre gionesque. La
mort, qui frappa le maître de maison des années auparavant et qui vient d’emporter la fille
aînée beaucoup plus récemment, laisse derrière elle une grand-mère folle et gémissante, une
maîtresse de maison hermétique et sévère et une jeune fille, la cadette, perdue et désireuse
de vivre. La solitude de chacun fait alors son travail sous la plume de Jean Giono qui, de
nouveau par ce thème, emmène la tragédie dans son univers narratif:
Il me semble que je retrouve et que je remâche toujours, le même personnage
solitaire et le même drame de la solitude... quand je fais une sorte de regard
rétrospectif sur mes livres déjà écrits, je me rends compte que presque toujours
ces héros m’ont été, à des titres divers, des capitaines Achab (Giono, 1974c:
1110-1111).
Dans l’œuvre de Jean Giono, l’homme se retrouve souvent seul, confronté à son entourage et aux sentiments les plus ambivalents:
Du sentiment que le tragique de sa condition tient pour l’homme au défi que lui
jette ce monde qu’il n’a pas créé et à une solitude fondamentale, de même que
la certitude qu’il n’est pas possible de donner valeur à sa vie si on ne conserve
pas la conscience de ce tragique (Giono, 1974c: 1119).
Cette solitude devient plus aiguë lorsque Giono l’associe à la condition humaine en
général dont les luttes et les batailles sont un moyen de survie. Utilisant sa culture classique
de la tragédie il exprime cette dualité de la façon suivante: “Entendons que l’homme devant
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Pan ne peut qu’apprendre à se soumettre aux puissances de la nature et qu’avec Dionysos il
s’efforce d’agir et de laisser une oeuvre derrière lui” (Giono, 1972: 1424).
Dans Pour saluer Melville, Giono fait de Melville un représentant de la solitude à
long terme qui installe dans le personnage une angoisse latente continue:
On voit qu’en faisant de Melville un homme qui a gardé de ses années passées
en mer un sentiment très fort de la fragilité et de la solitude de l’homme dans
les monde, et à qui l’expérience d’un sentiment nouveau, lui aussi sans mesure, va permettre d’exprimer pleinement cette fragilité et cette solitude (Giono,
1974c: 1109-1110).
Cette solitude est ici marquée par le titre Le Bout de la route qui est à prendre au sens
littéral: le bout de la route comme le bout du monde, la fin du cheminement que semble chercher Jean: “Est-ce bien ici le bout de la route?” (Giono, 1978: 2).
La solitude c’est celle des personnages de la ferme qui attrapés dans leur deuil et dans
leur géographie lointaine se condamnent à la retraite physique et spirituelle. La solitude c’est
aussi celle de Jean qui fuit la trahison amoureuse qui a brisé son couple et qui se plonge dans
la solitude de l’oubli fuyant le monde trop vivants des hommes: “Trop de vivants. Il faut
partir tout de suite” (Giono, 1978: 40).
Mais la solitude est surtout et encore l’impossibilité des hommes à vivre dans la réalité
cruelle. Réapparaît alors l’un des thèmes favoris de Giono: l’évasion par le rêve, l’imaginaire,
l’imagionaire comme le déclina Jacques Chabot (1995). Dans sa présentation de la pièce qui
figure su le programme de l’époque, Jean Giono insistait sur cette étroite ligne qui sépare le
réel de l’imaginaire et sur le drame que l’interpénétration de ces deux mondes peut provoquer:
Le Bout de la route est simplement le drame de celui qui vit à la limite de la
vie réelle et du rêve. À certains moments on se sent poussé dans de derniers
retranchements […] Jean est cet homme enfermé dans sa dernière forteresse,
avec ses dernières cartouches, dans son dernier combat (Toullet, 2011: 247).
L’espace entourant ce bout de la route est lui aussi conséquence et création de
l’imaginaire gionesque. L’espace dans Le Bout de la route nous apparaît comme un double
isolement. La quasi-totalité de la pièce se déroulant en intérieur, l’extérieur n’en perd pas
pour autant son importance ainsi que sa valeur symbolique.
Le bout de la route, indéfini, a les caractéristiques de beaucoup d’autres lieux que
nous retrouvons dans l’écriture gionesque: une ferme perdue dans la montagne, isolée de
tout et de tous, exposée aux intempéries du temps. Regain, Un de Baumugnes, Un roi sans
divertissement pour ne citer que quelques uns des livres qui se rassemblent autour d’un lieu
similaire, accordent ainsi une fonction particulière à ces lieux: leurs caractéristiques géographiques sont partie intégrante du fonctionnement même des personnages qui y résident ou
qui y arrivent. L’importance de ces lieux n’est pas dans leur réalité géographique mais dans
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l’association de celle-ci avec les habitants tel que nous l’explique Robert Ricatte dans le cas
du plateau de Que ma joie demeure:
Toute cette présence variable de l’espace dans le génie de Giono aurait une
conséquence bien dérisoire pour la critique si elle devait déboucher sur de
l’admiration pour des dons descriptifs, si admirables soient-ils. Il s’agit de bien
autre chose. On se doute d’abord que le substrat psychologique des personnages et les statuts réciproques de l’analyse et du récit deviennent extrêmement
particuliers si les êtres imaginaires que produit le roman sont définis et mis en
acte surtout en fonction de l’espace qui les englobe (Ricatte R. ,1971: XXII).
S’il est vrai que la plupart des écrits de Jean Giono se déroulent sur des terres arides
dont les caractéristiques rappellent inévitablement l’austérité de la Haute Provence, il est
important cependant de rappeler les grands objectifs de l’auteur qui ne sont autres que de
mettre en avant l’ambivalence de la nature face à l’être humain. Leur rencontre peut, en
effet, déboucher sur de dramatiques affrontement ou bien au contraire, sur une communion
pleine et total. De là vient le titre qu’il donna à sa trilogie première composée par les trois
livres suivants: Colline, Un de Baumugnes y Regain: Le Cycle de Pan. Pan dont le nom est
en correspondance depuis l’Antiquité avec le mot grec tout symbolise dans ce cycle le grand
Tout c’est-à-dire la puissance universelle de la vie. Ce choix qui nous renvoie directement à
la culture classique de Jean Giono fut déterminant afin d’incarner les sentiments universels
en opposition au drame et à la psychologie individuelles:
Il faudra que je parle de cette force qui ne choisit pas, mais qui pèse d’un poids
égal sur l’amandier qui veut fleurir, sur la chienne qui court sa course, et sur
l’homme... Pour que je dise: PAN, et pour qu’on comprenne comme je l’ai
compris à côté de toi, cette nuit, toute la sauvagerie, toute la grandeur, tout
l’humain de ce mot, il faudra que j’ajoute des mots à des mots et que j’en fasse
des tas bien séparés; un pour ça, un pour ça, un pour ça, parce que je n’ai pas,
parce qu’un homme vivant n’a pas cette lucidité précise et ce grand souffle
qu’ont les morts.
Tu peux être tranquille, je le dirai quand même
Ce sera comme si je disais d’abord le P, puis le A, puis le N et qu’enfin on
entende le mot entier (Giono, 1971: 777).
Cette assimilation géographique aux paysages de Haute Provence attribuée aux écrits
de Jean Giono par certaines critiques fut souvent démentie par l’auteur lui-même qui revenait
volontiers sur l’importance de l’imagination et de l’invention dans sa création littéraire:
La Provence que je décris est une Provence inventée et c’est mon droit. C’est
une Provence inventée, c’est un Sud inventé comme a été inventé le Sud de
Faulkner. J’ai inventé un pays, je l’ai peuplé de personnages inventés, et j’ai
donné à ces personnages inventés des drames inventés, et le pays lui-même est
inventé. Tout est inventé. Rien n’est fonction du pays qui est sous mes yeux,
et il participe du pays qui est sous mes yeux mais en passant à travers moi
(Carrière, 1991: 77).
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DOMINIQUE BONNET
Ou encore à la question “Est-ce que vous espérez tisser une légende de la Provence?”
que William D. Miller lui posa lors d’une interview en 1967, Jean Giono répondit: “Pas du
tout. Ce n’est pas la Provence du tout. Je ne connais pas la Provence” (Miller, 1979: 57);
réponse qui étonna Miller qui rajouta “La région?”, ce à quoi Giono répondit:
Pas du tout. Même la région. C’est une région inventée, comme Faulkner a
inventé avec le comté de Yoknapatawpha. C’est exactement pareil. C’est un
endroit inventé, personnel, mais qui n’a rien à voir avec la Provence. C’est
comme ça. Ça aurait pu être ailleurs. Je peux habiter demain en Allemagne,
à Munich, en Suisse. Je peux vivre en Bulgarie, j’écrirais quand même une
région Giono, et qui m’appartiendrait à moi-même, qui ne serait pas à d’autres,
personnelle (Miller, 1979: 57).
Il allait même plus loin dans son refus de l’étiquette d’écrivain régionaliste qui
lui fut souvent attribuée refusant d’aimer la Provence comme un provençal, par excès et
caricature:
Je ne suis pas provençal. Je suis né en Provence. Je suis né en Provence par
hasard, parce que mon père et ma mère s’y sont rencontrés et s’y sont mariés
[…] Mais j’aime ce pays... Je l’aime comme Swann aimait Odette, en se rendant finalement compte que c’était la femme qui ne lui convenait pas, que ce
n’était pas son type. Eh bien la Provence ce n’est pas mon “type” de pays. Si
j’habitais un pays que j’aime, j’habiterais un pays où il pleut [...] C’est donc
un pays que j’aime, j’aime ses odeurs, j’aime sa façon d’être, mais je l’aime
mieux que ce que l’aiment les félibres, je l’aime trop, je l’aime plus qu’eux.
Parce que je n’aime pas qu’on en fasse un portrait ridicule. Or, le personnage
du provençal hâbleur, joueur de boules, buveur de pastis, il existe, mais il existe en minorité, et ce n’est pas sur celui-là qu’il faut porter l’accent. C’est sur un
autre, sur un provençal beaucoup plus latin, beaucoup plus humain, beaucoup
plus secret (Carrière, 1991:74-75).
Cette géographie imaginaire semble doublement symbolique dans Le Bout de la route.
Jean arrive dans un espace marqué par le deuil et l’isolement et par sa bonté, sa gentillesse, il
parviendra à recréer les liens, les sentiments effacés, oubliés par le passage de la mort. Dans
cet endroit marqué par la mort, Jean fait renaître l’espoir, l’union, la vie. Tout comme Bobi
dans Que ma joie demeure, il parvient à remettre en marche un monde qui semblait arrêté à
tout jamais. Le Bout de la route va plus loin dans cette géographie imaginaire en marquant
la progression de l’isolement en deux étapes: le bout du chemin en étant la première et
l’intérieur de la ferme la deuxième. Cet isolement propre aux habitants de la ferme se développe en harmonie avec le lieu qui les entoure et tout comme Luce Ricatte l’affirma pour Que
ma joie demeure dans son introduction à l’édition de la Pléiade:
La topographie rigoureuse d’un lieu n’est plus […] qu’un matériau pour construire l’espace romanesque. Celui-ci n’est pas à la mesure de l’homme, mais
devient un élément essentiel d’une poétique où l’image est souvent plus importante que la réalité (Ricatte L., 1971: 1336).
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JEAN GIONO SERAIT-IL (AUSSI) DRAMATURGE?
Dans l’adaptation de François Rancillac (2011), ce double isolement est symbolisé
par une double obscurité, une obscurité intense:
Nous avons beaucoup regardé ensemble les splendides tableaux Outrenoirs
de Pierre Soulages, recouverts de cette pâte d’un noir absolu, telle une terre
luisante, pétrolifère, labourée par les griffes terribles (mais sensuelles) d’un
immense râteau métaphysique… Toutes les surfaces (sol, murs) du décor du
Bout de la route seront recouvertes d’une semblable peau de nuit minérale et
striée, qui vibrera sous la lumière. Car ici, c’est le noir qui révèle la lumière…
(Gérardin, 2011: 8).
Cette lumière dont nous parle Rancillac c’est Jean, à l’image de Bobi dans Que ma
joie demeure, qui la répand, qui redonne une ouverture à la vie à toute la communauté du
bout de la route. L’obscurité intense des parois de la mise en scène de François Rancillac
disparaît alors progressivement:
Puis la paroi du fond glissera doucement vers le public et commencera à se disloquer, à laisser place à des fentes de lumières colorées, qui s’insinueront dans
le four banal (II,1). Elle s’ouvrira ensuite franchement sur la nuit du deuxième
acte (II, 2) (Gérardin, 2011: 8).
Mais tout comme Bobi qui fuit “la mort qui en rappelle une autre, celle de sa mère
[…] le chemin efface le plateau et Bobi redevient le vagabond des toutes premières pages”
(Baude, 2011), Jean fuit ce qui le fit arriver sur les lieux de cet isolement. Lorsque l’amour
réapparaît dans le personnage de Mina, Jean repart, redevant l’amant trahi, errant sur les
routes du début de la pièce, laissant place de nouveau à l’obscurité sur la scène imaginée par
Rancillac: “pour se reconstituer enfin en muraille infranchissable au troisième acte, bouchant
violemment l’espace de l’avant-scène” (Gérardin, 2011: 8).
6. Conclusion
Si nous connaissions Jean Giono pour ses romans et ses récits, ses pièces de théâtre
semblent être restées dans l’ombre. Et pour cause, l’écrivain affirmait à qui voulait bien
l’entendre sa maladresse dans ce genre: “Je ne sais pas écrire pour le théâtre. Mon boulot
c’est les livres […] Le théâtre m’ennuie trop” (Ricatte, 2011: 194). Pourtant les romans gionesques laissent souvent une grande place au dialogue mais dans une structure narrative où
personnages et intentions du narrateur aiment à se fondre.
Giono n’a fait que de brèves apparitions dans le monde du théâtre pour des raisons
ludiques, matérielles ou tout simplement pour des commandes et nous y retrouvons le travail
du Giono romancier non pas dans l’art du dialogue mais dans l’art de l’imaginaire propre à
toute son œuvre. Posons-nous alors la question que se pose Toullet dans sa réflexion sur le
théâtre gionesque et acceptons-en la réponse: “Faut-il regretter la perte de consistance des
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personnages? Pas plus que celle de l’action” (Toullet, 2011: 245). L’imaginaire gionesque
reste dans le théâtre aussi, le moteur de son écriture et comme pour le reste de son œuvre
nous pouvons dire des personnages de Giono qu’ “ils sont nés de l’imagination de leur créateur; ils partagent souvent sa philosophie de la vie. Et de plus, ils sont des témoins éternels
de l’imaginaire gionesque” (Miller, 1979: 59).
“Simple comme une tragédie grecque, ample comme un roman” (Gérardin, 2011: 6);
cette définition du Bout de la route de François Rancillac nous fait part de sa parfaite compréhension du théâtre de Jean Giono, mi roman-mi tragédie, qui se reflète dans sa mise en
scène par une œuvre profondément gionesque dans laquelle imaginaire et solitude se retrouvent au cœur du drame vital des personnages dans un éternel retour au fil conducteur de tous
les écrits de Jean Giono, au théâtre comme dans ses romans…
Références bibliographiques
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Carrière, Jean. 1991. Jean Giono. Besançon, La Manufacture.
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du monde est acculé à l’imaginaire” in Revue Giono, nº5, 207-231.
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Lapouge, Gilles. 1990. “Giono: une réalité passionnément imaginaire” in La Quinzaine
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complètes I. Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade).
Ricatte, Robert. 2011. “Notice générale sur le théâtre de Jean Giono” in Revue Giono, nº5,
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travaux/42-contenu/travaux/97-le-plateau-un-avant-pays-de-jean-giono-dans-quema-joie-demeure-bulletin-de-lassociation-des-amis-de-jean-giono.html>.
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JEAN GIONO SERAIT-IL (AUSSI) DRAMATURGE?
Gérardin, Rénilde. 2011. “Le Bout de la route de Jean Giono, mise en scène François Rancillac”. France: CNDP [consultée le 12/03/2013] <http://www.cndp.fr/crdp-reims/
fileadmin/documents/preac/spectacle_vivant_comedie/Dossier_pedagogique_Le_
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