Adachi.position de these.2011 - Université Paris
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Université Paris-Sorbonne (Paris IV) École Doctorale III : Littérature française et comparée Doctorat « Littérature française » Kazuhiko ADACHI La genèse de l’esthétique réaliste de Maupassant jusqu’à Une vie – la naissance d’un écrivain – Thèse dirigée par Madame Mariane BURY, maître de conférences habilitée à diriger des recherches Soutenue le 9 décembre 2011 Jury : Madame Mariane Bury Madame Sylvie Thorel-Caillteau Madame Maria Giulia Longhi Madame Marie-Ève Thérenty Position de thèse Les études scientifiques sur la personne et l’œuvre de Guy de Maupassant (1850-1893) se sont continuellement développées depuis les années 1950 en France et à l’étranger. L’étude approfondie d’André Vial, Guy de Maupassant et l’art du roman (Nizet, 1954) a marqué une première grande date dans cette histoire, suivie de l’étude de Pierre Cogny (Maupassant l’homme sans Dieu, La Renaissance du Livre, 1968), de celle de Marie-Claire Bancquart (Maupassant conteur fantastique, Minard, 1976), et de beaucoup d’autres. Les Contes et nouvelles sont entrés dans la prestigieuse collection de la Bibliothèque de la Pléiade chez Gallimard, dans les années 1970, et puis les Romans en 1987, tous les volumes étant édités par Louis Forestier. À l’occasion du centenaire de la mort de l’écrivain en 1993, les recherches se sont animées considérablement ; plusieurs colloques ont été organisés pour célébrer le conteur et le romancier, en même temps que l’ampleur et la multiplicité de ses activités littéraires ont suscité les intérêts et ont été examinées de divers points de vue. À partir de ce moment, les études par exemple thématiques, psychanalytiques, stylistiques et narratologiques s’accumulent et contribuent à éclairer d’un côté la profondeur des expériences humaines chez l’écrivain, et d’un autre côté, la cohérence et la diversité contenues dans son œuvre littéraire. Beaucoup d’attention a été portée à l’activité journalistique de Maupassant. Les recherches patientes de Gérard Delaisement ont abouti à son édition complète des Chroniques en deux tomes (Rive droite, 2003), qui met au clair l’image totale du Maupassant journaliste. Dans le domaine de l’esthétique ou de la poétique de l’écrivain, les études de Mariane Bury, et surtout La Poétique de Maupassant (SEDES, 1994), en éclaircissant l’esthétisme de Maupassant, hérité de Flaubert, et sa propre manière de traiter le réel dans sa fiction, ont rénové le point de vue traditionnel projeté sur l’œuvre de cet écrivain, qui avait été souvent considéré comme un écrivain facile. En 2000, la commémoration du cent cinquantenaire de la naissance de l’écrivain a encore une fois donné aux chercheurs l’occasion de s’intéresser à Maupassant. Le plus récent de ces événements est un colloque international organisé à l’Université de Nanterre en 2007 (Maupassant aujourd’hui, sous la direction de Jean-Louis Cabanès, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2008). Il faut noter que la publication de la grande bibliographie en deux 2 tomes (sous la direction de Noëlle Benhamou, Yvan Leclerc et Emmanuel Vincent, Memini, 2008) atteste la richesse des études développées jusqu’à aujourd’hui. Dans cette tradition déjà assez longue des études maupassantiennes, on peut admettre néanmoins qu’il y a souvent manqué un point de vue chronologique. La plupart d’études ont traité toute l’œuvre de Maupassant comme un corpus uniforme. Malgré l’abondance des biographies sur la vie de l’écrivain (par exemple, Armand Lanoux, Maupassant le Bel-Ami, Fayard, 1967), on s’est rarement demandé s’il n’y avait pas eu un changement ou un développement dans le concept et l’art littéraires chez cet écrivain. Certes, la carrière de Maupassant en tant que prosateur n’est pas si longue, ne s’étendant que sur une dizaine d’années. Mais la brièveté de carrière ne pourrait expliquer ni justifier une cohérence thématique ou technique dans une œuvre abondante, constituée de 300 récits courts, six romans, plus de 250 chroniques, trois récits de voyage et deux pièces de théâtre. En fait, il faut y ajouter beaucoup d’œuvres laissées pendant les années d’apprentissage : un recueil de poèmes, trois pièces de théâtre et quelques œuvres en prose, tous ces textes ayant été écrits dans les années 1870, sous la tutelle de Gustave Flaubert. Le deuxième manque dans les études maupassantiennes concerne ces œuvres de jeunesse citées ci-dessus, qui sont souvent négligées par même les spécialistes de Maupassant. Certes, à partir de la parution d’une édition critique de Des vers (éd. Emmanuel Vincent, Publications de l’Université de Rouen, 2001), les textes mineurs commencent à attirer l’attention des chercheurs. Mais il resterait à examiner de plus près et de synthétiser l’ensemble des activités des années 1870 pour mieux comprendre la formation de l’écrivain. De plus, ces œuvres de jeunesse peuvent nous aider à reconsidérer les œuvres majeures que sont les contes et nouvelles. Notre étude a été conçue pour compléter ces deux défauts reconnus dans les études publiées jusqu’ici. Aujourd’hui, grâce aux travaux de Louis Forestier et de Gérard Delaisement entre autres, nous pouvons avancer pas à pas, et dans l’ordre chronologique, dans l’œuvre de Maupassant. Quant aux œuvres de jeunesse, il faut noter que la Bibliothèque de Rouen a récemment acquis un manuscrit encore inédit de la pièce de théâtre La Comtesse de Rhétune, la réécriture complète de la pièce déjà connue, La Trahison de la comtesse de Rhune. Ce 3 document précieux va beaucoup nous aider à reconsidérer les activités de Maupassant en tant que poète et dramaturge dans les années 1870. Notre corpus est donc constitué par la réunion de ces textes, comportant à la fois la poésie, le théâtre, la prose et les articles journalistiques. En suivant étape par étape la trajectoire de l’écrivain, nous tentons d’étudier la genèse de l’esthétique réaliste de Maupassant jusqu’à l’achèvement de son premier roman, Une vie (1883). Précisons l’objectif de notre étude. Celle-ci respecte et suit principalement l’argument développé dans le livre déjà cité de Mariane Bury, selon lequel la spécificité de la littérature de Maupassant consiste en son refus total de la littérarité, qui déforme une vision sincère de l’écrivain sur les hommes et sur le monde. En rejetant le mensonge littéraire et la convention sociale, l’auteur tente d’émerger le lecteur directement dans le réel, en recourant aux sensations physiques et aux images mouvantes. Nous appelons l’esthétique réaliste cette caractéristique de la littérature de Maupassant, où il s’agit de réconcilier les deux impératifs : faire vrai et faire beau. Et nous nous concentrons sur la genèse de cette esthétique particulière, parce que le processus de sa formation doit nous révéler clairement son enjeu et sa vraie portée. Nous remontons donc aux années 1870 et examinons les œuvres de jeunesse pour réfléchir à la fois à ce que le jeune apprenti a voulu y réaliser et à ce que ces tentatives ont apporté au futur écrivain. Autrement dit, en analysant l’intention et le résultat de ces exercices, nous voulons mettre au jour le développement sûr du jeune homme, développement qui lui assurera les succès éclatants et durables qu’on lui connaît dans les années 1880. Nous bornons nos recherches à une période allant jusqu’à l’achèvement du premier roman, Une vie, parce qu’on peut voir là un point d’arrivée de l’écrivain. Nous nous expliquons sur ce point. Conçu à la fin 1877 et réalisé en 1882, ce roman unit les deux époques, séparées par la parution de la nouvelle « Boule de suif » (1880). Maupassant s’est reconnu dans les années 1870 principalement comme poète, et il n’a cessé de versifier dans la poésie et dans les pièces de théâtre. Pourtant, après la découverte de la potentialité de la prose au cours de l’écriture de cette nouvelle, il décide de se consacrer à la prose. De plus, cette décision est renforcée par l’entrée dans le monde de la presse en tant que journaliste. L’activité littéraire de Maupassant dans les années 1880-1881 se divise donc en deux domaines distincts mais 4 interdépendants. Tandis que le journaliste regarde et critique sévèrement la société contemporaine dans ses chroniques, le conteur s’efforce de créer des œuvres de fiction, qui succèdent à la poésie des années 1870 et seront réunies dans La Maison Tellier en 1881. En 1882, ces deux tendances s’unissent plus sûrement, de sorte qu’un nouveau type de récit court apparaît sous la main de cet écrivain-journaliste : Mademoiselle Fifi (1882), le deuxième recueil de récits brefs, en sera un des fruits. Enfin, le premier roman s’achève, en recueillant toutes les expériences du poète, du conteur et du chroniqueur. Parce que c’est à la fois la liquidation de la jeunesse et le véritable point de départ d’un écrivain mûr et expérimenté, ce roman sera le point final de notre démarche visant à élucider la genèse d’un écrivain. On pourrait ainsi comprendre que le parcours d’un écrivain n’est ni un chemin droit ni un chemin sans encombres. Tout au contraire, chacune de ces expériences a son propre sens et entraîne Maupassant vers sa maturité. Nous nous sommes interrogés en tête de notre étude : quand un écrivain est-il né ? Du moins en ce qui concerne Maupassant, il n’est pas aisé de se prononcer facilement sur cette question, parce que cet écrivain se développe et change continuellement, en apprenant toujours quelque chose dans ses expériences. Nous espérons que notre étude offrira une perspective claire et nouvelle sur la carrière et l’œuvre de Maupassant et aidera à mieux apprécier la diversité de son monde littéraire. De plus, elle ne se veut pas exhaustive et attendra un enrichissement, sous la forme de recherches approfondies sur le parcours de l’écrivain, après Une vie jusqu’à Notre cœur (1890), le dernier roman de Maupassant. 5 Résumé en français Quand un écrivain est-il né ? Nous tentons de répondre à cette question en ce qui concerne Guy de Maupassant (1850-1893). Nous examinons d’abord les œuvres de jeunesse, écrites dans les années 1870, poésie, théâtre et prose, où Maupassant rejette le romantisme sentimental et exprime sa vision matérialiste du monde, en s’attachant au corps et à la nature. Dans ces exercices poétiques, il acquiert un art descriptif impressionniste aussi bien que ses principes littéraires comme l’originalité et l’indépendance. Nous abordons ensuite la transformation du poète en prosateur, en nous focalisant sur la nouvelle « Boule de suif » (1880). Lorsque le poète projette ses regards autour de lui, il peut enfin objectiver sa propre vision. La prose lui permet de socialiser son regard critique. La découverte de cette potentialité de la prose est suivie de celle du journalisme, qui aide notre écrivain à élargir son monde littéraire. En suivant par étapes l’activité journalistique de Maupassant, nous constatons la consolidation de son esthétique réaliste, où faire vrai et faire beau ne font qu’un, l’esthétique et l’éthique s’unissant solidement. De plus, en unissant le fait divers et la fiction, il trouve dans le récit bref sa propre forme littéraire susceptible de toucher le lecteur. Enfin Une vie (1883), premier roman, en rassemblant toutes les caractéristiques de la prose de Maupassant, représente pleinement sa vision personnelle du monde, désabusée et pessimiste. Notre étude permettra de comprendre que la naissance d’un écrivain ne s’est pas faite en un jour. En suivant le parcours de l’écrivain, il sera ainsi possible d’éclairer les sens des expériences et de la maturité d’un homme. Titre anglais (English Title) : The Genesis of the Realistic Aesthetics of Maupassant until Une vie – the Birth of a Novelist – Résumé en anglais (English Summary) When was a writer born? We try to answer this question in the case of Guy de Maupassant (1850-1893). We examine at first his young works, left in the 1870s, such as the poetry, the theater plays and the prose, in which Maupassant rejects the sentimental 6 romanticism, and expresses his materialistic vision of the world, by growing attached to the body and to the nature. In these poetic exercises, he acquires the impressionistic descriptive art as well as his own literary principles such as originality and independence. Then, we consider the conversion of the poet to the prose-writer, by focusing on the “Boule de suif” (1880). When the poet throws his eyes around him, he can finally objectivize his own vision. The prose allows him to socialize his critical eye. The discovery of this potentiality of the prose is followed by that of the journalism, which helps our writer to enlarge his literary world. By following stage by stage the journalistic activity of Maupassant, we notice the consolidation of his realistic aesthetics, where to make really and to make beautiful are only one, the aesthetics and the ethics uniting firmly. Furthermore, by uniting the news item and the fiction, he finds in the brief narrative his own literary shape susceptible to touch the reader. Finally Une vie (1883), the first novel, collecting all the characteristics of the prose of Maupassant, represents completely his personal vision of the world, disenchanted and pessimistic. Our study allows us to understand that the birth of a writer is not made in one day. By following the career of the writer, we can enlighten the meanings of the experiments and of the maturity of a man. Mots clefs en français Guy de Maupassant, esthétique, réalisme, Naturalisme, Une vie, Boule de suif, La Maison Tellier, Mademoiselle Fifi, poésie, conte, nouvelle, roman, chronique, théâtre, journalisme, XIXe siècle Mots clefs en anglais (English Keywords) Guy de Maupassant, aesthetics, realism, Naturalism, Une vie, Boule de suif, La Maison Tellier, Mademoiselle Fifi, poetry, novel, comment, drama, journalism, nineteenth century 7