L`homme qui murmurait à l`oreille de ses pairs
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L`homme qui murmurait à l`oreille de ses pairs
LE JOURNAL DU JURA SAMEDI 31 AOÛT 2013 26 RIFFS HIFI MARK LANEGAN Il sort ces jours «Imitations», une collection de reprises L’homme qui murmurait à l’oreille de ses pairs... PASCAL VUILLE Joie, l’énigmatique chanteur de Seattle est sorti de son repaire! «Je suis juste un mec normal qui aime la musique», marmonne celui qui fut l’idole d’un certain Kurt Cobain (avec qui il avait d’ailleurs monté un groupe, The Jury, au crépuscule des eighties) alors qu’on lui demande de bien vouloir se présenter. L’homme n’aime pas parler de lui. Il n’aime pas parler de sa musique non plus. Il n’aime pas parler tout court, partant du principe que sa musique parle d’ellemême. Dès lors qu’il est plus facile de faire sortir un loup de sa tanière que Mark Lanegan de son silence, la suite de l’entrevue, dans le backstage du Montreux Jazz Lab, prendra des allures de soliloque. Du bout des lèvres, il révèle qu’il a accroché à la musique grâce au «Livre de la jungle» de Disney et que ses parents lui ont fait découvrir Simon & Garfunkel, Andy Williams, Johnny Cash. Mais c’est à d’autres icônes qu’il a choisi de rendre hommage en publiant «Imitations», recueil de covers osé sur lequel se côtoient les Sinatra (Nancy et Frank), Nick Cave, John Cale, Bobby Darin, Vern Gosdin. Encore un disque de reprises, di- A 77 balais, du blues et même du rythme S’il a beaucoup été question de Buddy Guy ces temps-ci, c’est que le vieux bluesman a récemment été récompensé lors des Kennedy Center Honors, cérémonie très prestigieuse où le président Obama s’est fendu d’une apparition. Lors de cette fête, qui a consacré également Led Zeppelin un an après les Who, les «lauréats» sont honorés par d’autres artistes. C’est ainsi que Jeff Beck, incontestable numéro un de la six cordes, a repris «I’d rather go blind» en compagnie de la toute belle Beth Hart. Une version littéralement surnaturelle qui a littéralement boosté la carrière de Madame de façon méritée. Enfin une chanteuse qui ne couine pas! Pour en revenir à ce bon Buddy Guy, le vieux renard vient de sortir dans la foulée «Rhythm & Blues» (Sony Music), double CD on ne peut plus explicite, l’un consacré au blues et le second plus rythmé. De la toute bonne tambouille rehaussée par la présence de braves bougres comme Kid Rock, Keith Urban, Steven Tyler et... Beth Hart, notamment. Buddy Guy? Un des grands maîtres du genre. Bien sûr, faut aimer le genre... PABR TEDESCHI TRUCKS BAND Couple à la ville comme à la scène Mark Lanegan: il ne gagnera certes pas l’award de l’artiste le plus volubile... DR ront les esprits chagrins. «Je m’en moque totalement, je n’ai pas peur des critiques. Certains l’aimeront, d’autres pas. Moi je l’aime et c’est ce qui compte», se contentet-il de rétorquer. S’il apparaît ennuyé et fatigué, on se risque tout de même à lui poser une ultime question, un brin provocatrice. On a envie de savoir ce qu’il choisirait comme épitaphe. Amusé, il se fendra d’un «Il était « Un album de reprises de ● plus? Je me moque totalement de ce que diront les critiques. Je n’ai pas peur d’eux.» MARK LANEGAN CHANTEUR BOUGON fan de Jeffrey Lee Pierce et il aimait écouter John Cale». Dans la vie de Mark Lanegan, tout est musique. Si le solide Ricain aux mains tatouées est taciturne en interview, il se montre tellement généreux quand il s’agit de prêter sa voix à d’autres. Et les sollicitations ne manquent pas. Pas un mois ne passe sans qu’on ne lui demande de poser son empreinte vocale sur un morceau. Lanegan ne snobe personne, ni aucun style. Il se donne, donne de la voix là où elle est demandée. Une fois posée sur un arpège, un riff, un beat, un son, la chanson prend une dimension insoupçonnée. Les demandeurs en sont conscients. C’est ainsi que sont nées, ces dix dernières années, des collaborations avec Queens Of The Stone Age, PJ Harvey, Isobel Campbell (Belle and Sebastian), Melissa Auf Der Maur, Martina Topley-Bird (Massive Attack), Soulsavers, Greg Dulli (Afghan Whigs), Eagles Of Death Metal. Et plus récemment l’immense Moby. Ce serait le moment qu’il sorte du statut d’icône underground pour éclater au grand jour et que sa voix soit entendue par tous. Mais le veut-il vraiment? S’il l’avait réellement désiré, son groupe, les fabuleux Screaming Trees, aurait jadis totalement éclipsé Nirvana. Mais eux aussi sont restés dans l’ombre. C’est peut-être là que Lanegan se sent le plus à l’aise. Mark Lanegan, «Imitations», distrribution Musikvertrieb. En concert le 16 novembre à Zurich (Kaufleuten) et le 17 à Lausanne (Théâtre de l’Octogone). BUSINESS Le disque, ça eût payé mais ça paye plus Megadeth dépassé par le «Black Album» Le marché du disque, au sens physique du terme, s’effondre. Les échoppes spécialisées, une à une, ferment leurs portes, laissant place nette aux sites de téléchargements ou de commandes en ligne. Cede.ch, priez pour nous! Dans la vie, la vraie, seuls quelques fous vivent encore de la vente de disques, cette forme préhistorique d’accès à un divertissement fossilisé sur un sup- BUDDY GUY port de polycarbonate enrobé d’une fine couche d’aluminium. Mais ces passionnés s’adaptent. Ils n’ont plus le choix. Coffrets, raretés, vinyles, c’est leur nouveau fonds de commerce. Les ventes américaines du 14e album de Megadeth, sorti début juin, résonne comme la complainte d’un marché un péril. «Super Collider», c’est le nom de l’œuvre, est directement entré à Alcoolique et drogué repenti, Dave Mustaine a davantage trouvé la paix dans la foi chrétienne quand dans l’esthétisme suranné du Billboard. DR la 6e place du Billboard 200, le hit-parade de référence aux Etats-Unis. Une performance intéressante pour un produit qui ne l’est pas moins. Pour se fondre dans le top 10, l’escouade du cultissime et torturé Dave Mustaine a écoulé 29 000 exemplaires d’un album entre deux, un peu thrash, un peu pop-metal. En valeur absolue, cette 6e marche signifie la meilleure entrée de Megadeth dans le Billboard depuis «Youthanasia», également promu No 6 en première semaine. C’était en 1994. Pour s’établir à ce niveau, 143 000 disques avaient trouvé un heureux acquéreur. Un autre temps... L’historique de quelques dernières sorties de Megadeth image parfaitement la fin de l’époque dorée du CD. En novembre 2011, «TH1RT3EN», précédent album de Megadeth, avait atteint la 11e position en première semaine avec 42 000 disques écoulés. «The System Has Failed», c’est 46 000 exem- plaires en 2004 pour un matricule No 18 alors que «The World Needs A Hero» avait nécessité la vente de 61 000 copies pour atteindre le No 16 en 2001. Ce sont les chiffres. Froids. Cliniques. Depuis sa sortie il y a un peu plus d’une année et demie, «TH1RT3EN» s’est vendu à 120 000 exemplaires aux EtatsUnis. Lors de ses trois premiers mois d’exploitation, normalement les plus lucratifs, «Super Collider» atteint à peine la moitié de ce total. Pire, début août, pour sa sixième et dernière semaine dans le Billboard, avec 1713 copies, «Super Collider» a moins vendu que le «Black Album» (1991) des frères ennemis de Metallica, dont le compte officiel est de 1737 exemplaires cédés, une broutille en regard des 16 millions de pièces lâchées aux EtatsUnisdepuis 22ans.Commequoi, de nos jours, les supports physiques ne servent qu’à contenter des hérétiques désireux de compléter leur collection de millésimes éculés. LAURENT KLEISL Ils sont sympas, Derek Trucks et Susan Tedeschi. Guitariste aussi doué que classique, le premier nommé a commencé à faire parler de lui à l’âge de neuf ans, quand il se produisit aux côtés de son oncle Butch Trucks au sein des immortels Allman Brothers Band, gang avec lequel il s’aligne encore aujourd’hui. Après quelques collaborations prestigieuses – dont une, tiens, avec un certain Buddy Guy –, il rencontre la toute belle chanteuse de blues Susan Tedeschi qu’il épouse en 2001. Ces deux-là vivent littéralement dans les Seventies, côté look comme en matière d’inspiration. On se demande d’ailleurs où Madame dégote ses horribles jupettes que même le Brockenhaus ne fournit plus. Côté musique, il est vrai que personne ne demande aux bluesmen d’évoluer. Sur «Made up mind» (Sony Music), le couple a cependant mis une solide dose d’éclectisme dans ses compos. Soul, rock sudiste et blues du delta cohabitent avec bonheur. De la belle ouvrage. Mais pour le prix de la modernité, faudra repasser. PABR SLAYER Lombardo licencié pour une histoire de fric Batteur d’exception, Dave Lombardo ne mène plus la rythmique de Slayer depuis le 30 mai, jour choisi par le guitariste Kerry King pour le virer. La raison? Le brave Dave s’est juste demandé où s’en allait l’argent des concerts. «L’année dernière, j’ai découvert que 90% des revenus de Slayer en tournée étaient comptabilisés en frais et qu’il ne restait que 10% à partager entre les quatre membres du groupe», a-t-il expliqué. «J’ai proposé un autre business plan mais Kerry King m’a bien fait comprendre qu’il n’était pas intéressé par le changement.» Désireux de demander un audit des comptes du groupe, Lombardo a finalement reçu son avis de licenciement par... e-mail! Avec le décès, ce printemps, du guitariste Jeff Hanneman, Slayer se voit ainsi amputer d’un deuxième membre fondateur. Sympa, l’ambiance... LK LA PLAYLIST DE... Pascal Vuille [email protected] ALEX HEPBURN «Together alone» (2013 Une voix qui grésille comme le saphir sur un vinyle, des trames mélodiques foutrement bien trouvées, des textes autobiographiques sertis dans une mélancolie authentique: logique que la jeune Anglaise squatte les charts (avec «Under» et «Miss Misery») et soit en passe de gagner le nombreux public qui a jadis craqué pour Amy Winehouse ainsi que l’armada de fans de Pink. THE HIVES «Lex Hives» (2013) Le premier titre du 6e opus des Suédois dure 1’08. Un ordre, «Come mon!» («Viens!»), y est répété 60 fois dans une bonne humeur contagieuse. Le reste du compact est un concentré d’énergie pure, de gaie folie et d’autodérision (le quintette s’est autoproclamé «meilleur groupe du monde»). Après la Lex Forrer de 1899 et la Lex Weber l’an passé, il y a dorénavant une Lex Hives. Et celle-ci ne fera aucun malheureux. Même en Valais. EDWARD SHARPE & THE MAGNETIC ZEROS «Up from below» Le nom ne vous dit rien, et pourtant. Les joyeuses mélopées de ce jam band de L.A. qui compte 12 membres sont irrésistibles. Les publicitaires l’ont bien compris et empruntent leurs pépites (le splendide «Home» notamment) à qui mieux mieux. Ce collectif est le signe d’un regain certain, que l’on doit à Mumford & Sons et The Lumineers, pour le folk. Preuve, si besoin était, que la musique est cyclique. THE WINERY DOGS «The winery dogs» (2013) La mode est aux supergroupes. Dans le sillon de Velvet Revolver, Chickenfoot, Black Country Communion ou Kings of Chaos, ce trio s’applique à jouer un heavy rock burné, mais sobre et groovy. Etonnant quand on connaît la virtuosité des gaillards (Mike Portnoy de Dream Theater, Billy Sheehan de Mr. Big et Richie Kotzen de Poison) qui nous ont souvent habitués à des accords pour guitaristes à huit doigts construits sur des mesures en 9/13.