N°281 Cépages résistants: le précieux héritage d`Alain Bouquet

Transcription

N°281 Cépages résistants: le précieux héritage d`Alain Bouquet
VIGNE
Cépages résistants Le préci
Pendant trente-cinq ans, Alain Bouquet, chercheur à l’Inra, a croisé des vignes
pour obtenir des cépages résistants au mildiou et à l’oïdium. Les essais montrent
qu’il a atteint son objectif. Le point sur ces variétés que l’Inra refuse de diffuser.
I
l avait tout d’un visionnaire. Décédé prématurément en 2009 à la suite
d’une opération chirurgicale, Alain Bouquet, chercheur
à l’Inra de Montpellier (Hérault),
a consacré toute sa carrière à
l’amélioration génétique de la
vigne. Dès 1974, alors que le sujet
n’intéressait pas la profession, il
a initié un programme d’hybridation en croisant Vitis vinifera
avec Muscadinia rotundifolia, une
espèce américaine résistante à de
nombreux parasites de la vigne
(phylloxéra, nématodes…) mais
surtout au mildiou et à l’oïdium.
Pendant trente-cinq ans, ce chercheur, peu soutenu par ses pairs,
s’est entêté à transférer cette résistance à la vigne. Pour cela, il
a croisé sa première génération
d’hybrides avec des cépages
connus, puis a recommencé
avec les générations suivantes.
Au total, il a effectué jusqu’à
cinq rétro-croisements successifs (génération dénommée RV6)
avec du cabernet-sauvignon, du
merlot ou du grenache. « Un travail exceptionnel », reconnaissent
aujourd’hui la plupart des scientifiques.
« Son idée était d’obtenir des variétés très proches de Vitis vinifera,
mais avec les gènes de résistance
à l’oïdium et au mildiou de Muscadinia rotundifolia, explique
Laurent Torregrosa, professeur de
génétique et biologie de la vigne
À gauche, un cépage classique ayant perdu
toutes ses feuilles. À droite, une variété résistante,
obtenue par Alain Bouquet, les a toutes conservées
intactes. Ces vignes n’ont pas été traitées de toute l’année.
Photo prise le 9 novembre, à l’Inra de Pech Rouge.
© Inra Pech Rouge
à Montpellier SupAgro, dont
Alain Bouquet a été le directeur
de thèse. Aujourd’hui, ces variétés
ressemblent en tout point aux Vitis
vinifera. Elles ont le même port, le
même feuillage… Mais n’ont pas
l’apparence des hybrides producteurs directs largement plantés
entre 1920 et 1950. Et les vins ne
présentent plus du tout le caractère
foxé de ces hybrides. À l’aveugle, il
est très difficile de les distinguer de
Vitis vinifera. » Alain Bouquet a
obtenu une quarantaine de variétés, conservées sur différents
sites de l’Inra.
À partir de 2005, une première
vague d’essais a été lancée avec
plusieurs chambres d’agriculture
et le Bnic. Huit obtentions (cinq
rouges et trois blancs) ont été
choisies pour être testées dans
différents vignobles : Languedoc-
Roussillon, vallée du Rhône, Bordeaux et Cognac. Sur l’ensemble
de ces sites, ces variétés n’ont
jamais reçu un seul traitement
et font preuve d’une résistance
totale à l’oïdium et au mildiou.
Début 2006, l’Inra de Pech Rouge
(Aude) a également surgreffé des
variétés à faible degré d’alcool
d’Alain Bouquet (deux rouges
et deux blancs) et des variétés
au profil méditerranéen (treize
Des syrahs et des carignans rendus résistants
C’est une avancée considérable dans
la connaissance des mécanismes de
résistance. Des chercheurs français de l’Inra
(Montpellier, Colmar, Évry) ont réussi, avec des
confrères australiens et américains, à séquencer
les gènes de résistance Run1 (oïdium) et Rpv1
(mildiou). Ils ont ainsi identifié le contenu exact
de la portion de chromosome (locus) où se
situent ces deux gènes. Dans une publication
de 2013, ils révèlent que ce locus est composé
de quinze gènes, dont deux seulement sont des
gènes majeurs de résistance : l’un à l’oïdium,
34
La Vigne - N° 281 - décembre 2015
l’autre au mildiou. à la suite de cette découverte,
ils ont cloné et introduit ces deux gènes dans
des variétés de Vitis vinifera. L’expérience a été
menée sur syrah, tempranillo, portan, macabeu
et carignan. Ces variétés transgéniques se sont
révélées très résistantes au mildiou et à l’oïdium,
confirmant donc que les gènes identifiés
sont bien ceux qui portent la résistance à ces
deux maladies. La connaissance de ces gènes
va permettre un travail plus rapide dans la
sélection par hybridation. Les chercheurs,
utilisant désormais la sélection assistée par
marqueurs, pourront donc vérifier, au début
d’un programme de sélection, si ces deux gènes
sont bien présents sur de jeunes vignes issues
de croisement. Par ailleurs, ils vont travailler
sur le mécanisme moléculaire de résistance :
quel est le rôle de la protéine produite par ces
gènes dans la réponse de la vigne à l’agent
pathogène ? Sans les recherches d’Alain
Bouquet, ces travaux auraient été impossibles. Il
signe naturellement cette première scientifique
aux côtés de ses confrères Ian Dry (CSIRO
Australien) et Laurent Torregrosa.
VIGNE
eux héritage d’Alain Bouquet
de résistance à l’oïdium.
« Le nombre de gènes de résistance
au mildiou et à l’oïdium est limité.
Il est important de les préserver »,
plaide Carole Caranta, chef de la
biologie et de l’alimentation des
plantes à l’Inra. Une décision
controversée au sein même de
l’institut (voir La Vigne de novembre 2015).
En dépit de ces résultats prometteurs, en 2010, l’Inra a décidé de
En 2000, un nouveau programme
d’hybridation a été lancé à l’Inra
ne pas déployer ces variétés. Il
estime que leur résistance étant
monogénique (un seul gène de
résistance), celle-ci risque d’être
contournée si ces variétés étaient
diffusées à grande échelle. Cela
conduirait non seulement à la
perte de résistance des variétés
d’Alain Bouquet, mais priverait
définitivement les chercheurs et
la filière viticole des gènes Run1
de résistance au mildiou et Rpv1
de Colmar sur la base des variétés RV4 et RV5 obtenues par
Alain Bouquet. L’Inra les a croisées avec des variétés résistantes
allemandes (regent, bronner)
pour obtenir une descendance
intégrant d’autres gènes de résistance. Les premières obtentions
sont attendues en 2017.
« Ces variétés continuent d’être
suivies ainsi que d’autres qui en
dérivent à l’Inra de Pech Rouge.
Des vins très qualitatifs
Au printemps 2009, une première dégustation des vins issus
des variétés d’Alain Bouquet avait donné une idée de leur
qualité. Le jury d’alors, des chercheurs de l’Inra et des vignerons,
avait dégusté à l’aveugle des variétés rouges et blanches. Une seule
des obtentions rouges avait été jugée décevante. À l’inverse, deux
d’entre elles avaient été mieux notées que le témoin, une syrah. Une
nouvelle dégustation a été organisée en avril dernier, à la demande
du CIVL. Quatre vins ont pu être évalués. Les deux premiers, un
blanc et un rouge, provenaient de variétés sélectionnées pour leur
capacité à produire des faibles degrés (entre 10 et 11 % vol.). Le
blanc, légèrement muscaté, et le rouge, peu coloré et fruité, ont
agréablement surpris l’assistance. Les deux autres, des rouges plus
structurés, au profil proche du grenache, ont aussi été appréciés.
Nous leur avons dédié 10 ha pour
les étudier afin de surveiller l’apparition d’éventuels contournements
et de comprendre les mécanismes
de résistance », indique Hernan
Ojeda, directeur de l’unité expérimentale de l’Inra de Pech Rouge.
L’idée a été émise de créer un
observatoire de la durabilité
des résistances. Reste à savoir à
partir de quand la résistance au
mildiou et à l’oïdium des variétés d’Alain Bouquet pourra être
considérée comme durable ? La
question est aujourd’hui sans
réponse. Seule certitude : Alain
Bouquet était bel et bien un visionnaire.tio Michèle Trévoux
Vinion
La nouvelle liberté de taille.
Des batteries adaptées à vos besoins
Batterie ULiB 150 de poche
845 g pour une journée de taille
IQ
UÉ EN FR
A
NC
R
IQ
A
NC
FAB
E
E
FAB
R
Les caractéristiques techniques et les photos sont données à titre indicatif : elles ne sont en aucun cas contractuelles.
rouges et huit blancs). Là encore,
les parcelles expérimentales
n’ont reçu aucun traitement –
excepté deux passages contre la
flavescence dorée – et ont fait
preuve d’une résistance parfaite à
l’oïdium et au mildiou. En outre,
ces variétés n’ont pas subi d’attaque de black-rot ni de la maladie de Brenner.
Batterie ULiB 250 à doUBLe connectiqUe
Travail alterné d’un sécateur
et d’un deuxième outil PELLENC
Jusqu’à 15 h d’autonomie
UÉ EN FR
* Prix valable du 01/09/2015 au 31/03/2016 dans les points de ventes participants en France métropolitaine.
Un sécateur Vinion et une batterie 150 sont au prix de 948 € TTC auquel se rajoute une éco participation de 0,36 € TTC,
soit un prix total de 948,36 € TTC.
www.pellenc.com
201509_VINION_PUB_FRE_190x136.indd 1
19/11/2015 14:18