Lire un extrait - Editions Persée

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DE L’INCONSCIENT
Tchekovanina
De l’inconscient
Nouvelles
Éditions Persée
Du même auteur
Libre Parcours (recueil de Poésies), auto-édition.
prochainement disponible sur la page Facebook de l’auteur
Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements
sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes
vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence.
Toute l’actualité du livre, ainsi qu’une version audio est disponible
sur la page Facebook De L’Inconscient@TCHEKOVANINA
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© Éditions Persée, 2016
Pour tout contact :
Éditions Persée — 38 Parc du Golf — 13856 Aix-en-Provence
www.editions-persee.fr
SOMMAIRE
Tohu bohu........................................................................................................................................... La Cervelle......................................................................................
Le magasin propre. ..........................................................................
7 : jour de Création ?.......................................................................
Tarek. ...............................................................................................
Josy....................................................................................................
Les parents d’abord........................................................................
La Famille........................................................................................
Histoire de…....................................................................................
Histoire d’Amour ...........................................................................
Je m’appelle, m’appelais ? R…........................................................
« Vatislava, je me souviens… »......................................................
l’autre..............................................................................................
Michel et la vie...............................................................................
À la vie, à la tienne........................................................................
La Soutane Blanche.......................................................................
La peau des autres..........................................................................
S… Sauveur, salvatore, serpent !..................................................
« Mais si j’ai pied… ».......................................................................
Enfin là !...........................................................................................
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À
Lola,
Jennifer
et Pauline
À
Marie et Bernard,
À
Magali
TOHU BOHU
À chaque fois que je la regardais, cette maison face à
la mienne me glaçait… La femme, je l’ai toujours connue
rouge, grosse, et blonde paille… Rouge comme si la colère, le
désir, et l’envie la brûlaient ; grosse, comme s’il fallait à tout
prix repousser, rebondir, ne pas sentir, se protéger du dehors ;
blonde paille, comme si ses cheveux fins, mous, et plats d’enfant gavée avaient cramé sous le soleil ardent du bassin picard,
à moins que ce ne fut simplement sous le feu crépitant de ses
passions inavouées… ?? Ses yeux étaient limpides, d’un bleu
clair merveilleux et prospère, au milieu desquels se perdaient
des pupilles ardentes et jalouses. L’homme était l’exact moitié
opposée de sa femme… Petit, maigre, yeux foncés derrière des
binocles épais qu’il portait toujours, comme pour demander à
son entourage de ne surtout pas le déranger. Il courait, de temps
à autre, entretenant ainsi un corps noueux et agile, d’une grande
utilité pour escalader sa montagne, fuir ses attaques, courber
l’échine plus bas que terre quand elle le lui demandait. Quand il
rentrait chez lui, il s’affalait sur le sofa, face à ses séries télévisées, le projetant dans une vie fantasmée, ô combien désirable.
Il ne parlait pas, il ne bougeait que rarement… « Je fais ce que
ma femme me demande… ». Sa vie se résumait à obéir. Sans
que je pus savoir comment, ils réussirent à faire échoir d’un de
leur coït un nourrisson. Ce que j’avais pris pour un bourrelet
supplémentaire était donc un être en devenir !! Effrayée par une
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aménorrhée de 2 mois, elle avait commencé par pleurnicher,
en téléphonant à sa Mère. Quand elle lui téléphonait – c’est-àdire, en moyenne 5 à 6 fois par jour –, j’avais remarqué que sa
voix se faisait sirupeuse, mielleuse, doucereuse et pauvresse…
Ce jour-là, ce fut pire : j’entendis une chèvre en apprentissage
linguistique humanoïde, transitant par le stade ruminant de la
vache pour annoncer en beuglant que « non (elle) n’a (vait) pas
fait de bêtise… (qu’elle avait) bien fait comme convenu… ! ».
Une fois de plus, elle rentra dans les menus détails du coït
qu’elle avait « subi », comme tous les mardis. « Comme il
m’a léchée et que ça m’a fait du bien (en pleurnichant, sur
un ton lamentable d’enfant en faute), je lui ai léchouillé la
gigue, et comme elle est devenue raide comme une trique, il
m’a retirée, et me l’a foutue par-derrière… !!! » … Dans un
sanglot, elle confessa : « Ouiiiii… (schreuschreuschreu)…
c’était délicieux !!! (schreuschreuschreu) »… En temps normal,
­j’aurais ri et secoué du chef… Ce jour-là, j’ai pleuré.
L’homme n’en revint pas. Je le vis gonflé le torse, jusqu’à
ce qu’elle le toise. Il fit profil bas, tout en gardant son sourire
en coin, visiblement très fier d’avoir réussi à féconder sa bête.
Pendant sa grossesse, je la sentis nerveuse. Plus nerveuse
que d’habitude, elle s’acharnait au ménage, coupait du bois,
se levait et se baissait pour tout, pour rien… puis s’effondrait
dans le sofa, le combiné à la main… Comme, c’était l’hiver, je
n’entendais pas les conversations. Je savais cependant qu’elle
téléphonait à sa mère. Pendant qu’elle tenait le combiné et
faisait état de ses menues activités ménagères, je percevais des
signes de nervosité coupable, puis d’anxieuse inquiétude, puis
de colère… celle de l’enfant privé de sucette, ou ­d’adolescent
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énervé… En reposant le combiné, elle laissait souvent perler
une larme, et pointait son index sur son flanc gonflant. Plusieurs
fois de suite, elle piquait… on aurait dit l’infirmière maudite,
celle des piqûres… Finalement, elle s’endormait.
Lorsque son mari rentrait, il se laissait sombrer sur le sofa…
tous les jours, à la même heure… Elle, pendant ce temps,
parlait au téléphone… puis, d’un coup, regardait sa montre,
et se tournait vers la cuisine… 19 h… l’heure était incontournable, sans que je ne pus jamais comprendre pourquoi. Quand
un bon programme s’annonçait, on ne mettait pas de couverts,
on utilisait les assiettes en carton et les gobelets jetables, puis
on se jetait sur le placard haut, pour en sortir 2 paquets, au
hasard. Je les voyais, ensuite, plonger leurs mains, machinalement dedans, et les diriger vers leurs bouches respectives,
puis mâcher… parfois, leurs lèvres bougeaient, mais leurs
yeux restaient rivés sur l’écran. Je n’ai jamais eu le vice de
rester jusqu’à ce qu’il bougent, mais leur envoûtement pour le
défilé audiovisuel me fascinait.
Un soir pourtant, à peine assise, elle le regarda fixement,
avec des yeux étranges. Il parut étonné, se demandant sans
doute ce qui arrivait… « ça coule… ça coule… », crus-je lire
sur ses lèvres. Il se leva d’un bond, la prit par le coude, et la
lâcha, après qu’elle eut dit quelque chose. Affolé, il courut
dans l’escalier et en redescendit avec un sac noir. Elle vociféra quelque chose. Il revint de la salle de bain, déconfit et
écarta les bras du corps, d’un air désespéré. Elle répéta ; les
traits du visage crispés et visiblement affligée. Finalement,
il revint la prendre par le coude. Elle se leva en s’appuyant
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avec son autre main contre le sofa. On aurait dit un couple de
vieillards, en partance pour la morgue. Soudain, elle fit demitour, tout à coup bien droite, pour aller téléphoner. En parlant
au combiné, elle adopta des pliures du corps étonnantes, tout
en articulant démesurément. Je me demandai s’il s’agissait
d’un exercice pré-accouchement, ou si cela était simplement
dû aux efforts pour limiter la perte. Je ne fus jamais en capacité de trancher cette question, pourtant, cette même scène se
répéterait 2 fois encore…
Ils finirent par partir. Quant à moi, j’allai me coucher et
loupai le retour du mari. Le lendemain, je le croisai. Il avait
les yeux fatigués et je me demandai s’il lui avait été possible
d’assister à l’accouchement. – « Alors ??? » – « Bah, ça
y’est… c’est une chieuse… ». Affligée, je rentrai.
Elle revint un soir. Son visage était émacié, ses traits tirés,
ses yeux rougis, et son teint blafard. Je pensai immédiatement
qu’un drame était survenu. La portière du véhicule claquée,
elle se précipita dans le salon, s’assit sur le sofa et pleura.
Pendant ce temps, son docile mari sortait les affaires du coffre
puis, le couffin noir. Lui aussi avait l’air éprouvé, et pendant
un instant, je me demandai si le nouveau-né n’était pas déjà
défunt. Il y’avait beaucoup de vent, et je ne pus entendre ce
que dit l’homme en regardant ce qui devait être l’enfant. Entre
deux bourrasques, j’entendis un cri strident, si terrifiant que
j’en lâchai ma tasse et manquai de me brûler du thé chaud
qui s’y trouvait. Elle, toujours emmitouflée dans son manteau
noir, se tapa les oreilles, et ferma les yeux ; lui, courut dans la
pièce, posa le paquet et s’adressa à lui, l’index démonstratif et
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réprobateur. Impuissant, il se rua sur le sac noir et en sortit une
tétine. Ce substitut calma l’enfant 10’’… puis, les hurlements
rejaillirent… La femme secouait négativement la tête devant
les suggestions du mari. Alors, elle saisit le bébé, en hurlant…
et lui donna le sein. Le calme régna. Le bébé, maintenant satisfait dans ces bras si peu accueillants, s’endormit accroché à
elle. La femme ne supportait visiblement pas cette indécence.
Elle repoussa le menton du nouveau-né pour récupérer son sein
rond et beau. À peine eut-elle remis son tissu que le cri reprit.
Sans un mot, elle se leva, l’enfant dans les bras, et se dirigea
vers l’endroit du grenier le plus éloigné de leur chambre. Là,
elle déposa le paquet. Elle redescendit, se servit une tasse de
chocolat fumant, le but assise sur le sofa, toujours enveloppée
de son manteau. L’homme à ses côtés, les yeux rivés sur
l’écran, finit par la regarder et lui prit la main.
Le lendemain, elle tira son lait, et se mit à lui donner le
biberon, au moindre gazouillis du nourrisson, ou dès qu’elle
souhaitait être tranquille. On ne fut plus dérangé. L’enfant
prit des rondeurs, grandit, et tenta rapidement des babillages sans réponse. Je craignis un temps que cette enfant ne
devint un monstre de tant de gavage, mais non… car au bout
de 21 jours, elle régurgita systématiquement, pour repleurer
ensuite… Sans émotion, et après consultation téléphonique,
la mère passa au lait industriel… À nouveau, nous bénéficiâmes d’un répit… Dans le silence absolu entre l’enfant et
ses parents, la vie en face sembla reprendre.
Au 8e mois, j’eus l’impression d’une soudaine jovialité de
la mère… Elle se pouponnait, tentait de se mettre du rouge
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aux ongles de pieds, qu’elle avait très beaux, parfaitement
réguliers… mais si loin de sa tête, et derrière tant d’obstacles,
que l’opération relevait du don de soi !! Un jour qu’elle était
allongée sur le dos, combiné à l’oreille, je la vis bondir, et
aller rendre dans l’évier de la cuisine. Elle était enceinte.
Le scénario se répéterait. À la suite de Jenny, venaient
Kylian, et John… Accaparée par ses hommes, la mère oublia
complètement Jenny, qui, elle passait son temps, les yeux
rivés sur sa mère.
On était en Été, il était l’heure de la tétée gloutonne de
John, à laquelle assistait émerveillé le petit Kylian, tandis que
Jenny enviait le regard d’amour que la mère portait à ce petit
mâle qui lui arrachait les tétons. Elle tenait un crayon dans
sa main. Elle le cassa en 2 morceaux, avec la seule pression
de ses doigts – « Qu’est-ce qu’elle fout celle-là encore ? ».
Jenny regarda sa mère et bredouilla en tendant sa main. La
mère s’esclaffa – « Mais non, c’est rien… ça va pas te tuer,
va… Allez, va dans la chambre dessiner… ». Mais Jenny
insista, en regardant sa mère droit dans les yeux… « Mais,
t’as fini, oui… Arrête de me r’garder comme ça… on dirait
une débile ! ». Plus tard, dans la soirée, elle fit part à sa Mère
de ses inquiétudes concernant Jenny – « J’crois qu’elle est
gogole… ». Au même moment, Jenny se plantait un stylo
pointu dans la paume de la main. Quand le sang jaillit,
elle cria. Sa mère lâcha le combiné, et fit irruption dans la
chambre. Elle l’a prise dans ses bras, l’embrassa nerveusement, puis hurla – « Mais, t’es complètement dingue !! Ne me
regarde pas comme ça j’t’ai d’jà dit !! Me r’gard’pas !! » Elle
la secoua pour que l’enfant détourne son regard, mais Jenny,
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au contraire, planta ses yeux dans les prunelles de sa mère. Sa
mère la gifla et retourna au téléphone témoigner à sa propre
Mère de l’état de Jenny. Sans doute, la grand-mère demanda
à parler à sa petite fille, car Jenny descendit et fut autorisée
à saisir le combiné. Je l’entendis pleurer. Derrière, la mère
répétait que sa fille était dingue.
À 8 ans, Jenny prit des rondeurs. Sa mère l’habillait comme
une loque, la giflait en riant. – « Tu vois bien que j’t’aime,
gourde, va ! ». La peau de l’enfant se couvrit de plaques et son
corps devint trop gros pour elle… À l’école, elle se prostrait
en silence. Les autres ne la voyaient pas, passaient à côté, la
bousculaient sans s’excuser. Elle ne bronchait pas. De plus, à
vouloir dégager son regard de cheveux encombrants, elle prit
l’habitude de hocher la tête.
Les mois passèrent, et malgré les ciseaux de Dame
coiffeuse-sa mère, le hochement de tête persista, s’accompagnant d’une crispation violente des nerfs du cou. Plus sa
mère lui disait qu’elle avait l’air gogol, plus elle s’enfermait
dans la répétition exacerbée du geste. Elle reçut des gifles,
encore, puis d’autres toujours… – « d’un côté et de l’autre »
disait la mère, « pour équilibrer ». Bientôt, elle se mit à ouvrir
grand la bouche, sans raison apparente… bien qu’elle eut
commencé à le faire pour satisfaire un besoin ardent de visite
bucco-­dentaire de sa mère.
« Toquée, malade, folle, gogole »… À la maison, les
petits mâles amplifiaient les attitudes de la mère, et le père,
lui… travaillait… puis, regardait la télévision… De temps
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