Aux origines de la malbouffe
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Aux origines de la malbouffe
I La Croix I MERCREDI 14 MARS 2007 I I CULTURE I 21 EN BREF PORTRAIT CINÉMA 29e festival international de films documentaires. Jusqu’au 20 mars, le cinéma du centre Pompidou et le MK2 Beaubourg à Paris accueillent la 29e édition du cinéma du réel. Pour la compétition internationale, 24 films de 19 pays différents ont été sélectionnés. 12 films inédits concourent dans la catégorie française. Une rétrospective est consacrée au cinéma allemand avec un hommage à Alexander Kluge. www.cinereel.org Rens. : 01.44.78.45.16. A la rencontre des hommes de bonne volonté Olivier Meyrou Réalisateur JOHN MACDOUGALL /AFP Le cinéaste suit pas à pas une histoire de reconstruction. Sa caméra pudique accompagne la famille Chenu, ravagée par le meurtre de François, fils et frère, dans un parcours impressionnant qui les conduit au-delà de la haine. Lorsque l’on confie à Olivier Meyrou tout le bien que l’on pense de son film, il sourit gentiment : « Vous savez, ce sont les Chenu qui lui donnent toute sa valeur. Des personnes exceptionnelles de dignité, de courage et d’humanité… » Une modestie que l’on sent parfaitement sincère, tant le cinéaste est encore sous le coup de cette rencontre, « comme on en fait peu dans la vie ». Marie-Cécile, Jean-Paul Chenu et leur famille sont les protagonis- tes d’un documentaire qui aurait pu prendre une tout autre voie. « Je travaillais sur la thématique de la violence, et Dieu sait qu’il existe mille portes d’entrée pour en parler », explique le réalisateur qui aime explorer des univers aussi divers que la haute couture dans Célébration (lire La Croix du 24 février) ou la réconciliation en Afrique du Sud avec Bye Bye Apartheid. « D’emblée, je voulais évoquer l’intolérance, à partir de son contraire, la tolérance, pour éviter la répétition anxiogène d’images brutales qui provoquent davantage de stress que de réflexion. » L’agression mortelle d’un jeune homosexuel dans un parc de Reims par trois skinheads – dont un mineur de 16 ans – attire alors son attention : commence une longue approche, sans brusquerie, via les avocats de la famille de François, la victime. « Il était hors de question de les contacter directement. Ce sont eux, au bout d’un an, qui ont demandé à me voir… » Olivier Meyrou se rappelle chaque étape de cet ap- privoisement réciproque, de ces premières minutes face à des gens « qui vivaient au bord d’un gouffre creusé entre eux et le monde. Après bien des tâtonnements, la caméra est devenue une passerelle pouvant les aider à reprendre contact avec la vie. » Sans doute est-ce cette lente maturation qui donne au film sa puissance, son caractère épuré et, en même temps, une incroyable dramaturgie. Chaque scène semble cruciale, le centre de gravité du documentaire, avant que la suivante ne prenne le relais, plus intense encore. Olivier Meyrou use de nombreux plans fixes, parfois très étirés, pour rendre compte du tempo de ce cheminement qui conduit la famille Chenu d’une colère « tripale » à cette « porte entrouverte » en direction des bourreaux de François. « J’ai cherché à faire un film très doux sur un sujet très dur. » Pour être à l’unisson avec Marie-Cécile, lorsqu’elle explique combien elle redoute de voir les accusés lors du procès. Parce qu’elle craint de changer de sentiments à leur égard et, reconnaissant un peu d’humanité en eux, « de se sentir obligée à aller au-delà de la haine ». Jean-Paul, ancien éducateur, et Marie-Cécile, chrétienne active, ne prétendent jamais donner aucune « leçon de pardon » mais traduisent plutôt cette volonté farouche de ne pas voir ruinées, comme l’a été leur existence, les valeurs auxquelles ils croient. Olivier Meyrou a présenté avec succès son film de Prague à Turin et de Sydney à New York. Il constate calmement « cette universalité de la tragédie » mais décèle aussi dans son travail actuel avec la compagnie de trapézistes les Arts Sauts (lire La Croix du 26 février) un désir vital de s’envoler, ne serait-ce qu’un instant, par-delà la faiblesse humaine. Sylvester Stallone inculpé par un tribunal australien pour importation de substances interdites. La star de la série des Rocky et des Rambo a tenté d’introduire illégalement 48 flacons d’hormones de croissance en Australie, où l’usage de ce produit dopant est très réglementé. Il risque une amende de 110 000 dollars australiens (65 000 €). EMMANUELLE GIULIANI AGENDA Au-delà de la haine EEE, film français, 1 h 25. PARIS Sur les écrans également… MA PLACE AU SOLEIL, d’Éric de Montalier Film français, 1 h 45 d Voici un nouveau film « choral », réunissant une affiche prestigieuse : Nicole Garcia, Jacques Dutronc, André Dussollier, Élodie Bouchez, François Cluzet, Mélanie Doutey… et le réalisateur lui-même, qui signe son premier long métrage. Autant de personnages, parvenus à un carrefour de leur vie, à la nécessité des choix et la difficulté de les faire. Des amoureux et des blasés, des franchement paumés et d’autres qui sauvent à peu près les apparences. Si le réalisateur réussit avec une certaine élégance à passer d’un héros à l’autre sans déconcerter le spectateur, il échoue, en revanche, à leur donner suffisamment d’épaisseur pour que leurs trajectoires hésitantes captivent vraiment. E. G. Aux origines de la malbouffe Un documentariste autrichien a sillonné l’Europe de l’agriculture et de l’élevage intensifs. Sans commentaire NOTRE PAIN QUOTIDIEN EE de Nikolaus Geyrhalter Documentaire autrichien, 1 h 32 D es images qui se passent de commentaires. Tel fut le pari – réussi – de Nikolaus Gerhalter. Pendant deux ans, le scénariste et réalisateur autrichien a parcouru l’Europe et planté sa caméra au beau milieu des exploitations agricoles et des élevages intensifs. Les salariés, les entreprises, jusqu’aux pays concernés, sont anonymes. Cela n’a guère d’importance. Car ces images sont interchangeables. Le poulet industriel ou le poivron hors-sol sont des objets alimentaires apatrides qui n’ont plus besoin de champs ni de soleil pour pousser. Notre pain quotidien dévoile ainsi les dessous de fabrication, les secrets d’origine de la cuisse de poulet, de la ratatouille et de la belle pomme rouge de nos assiettes. Rien que l’on ne sache déjà. Sauf que voir donne une autre dimension au savoir. Le documentaire LA CITÉ INTERDITE, de Zhang Yimou Film chinois, 1 h 54 d Au Xe siècle, vers la fin de la dynastie des Tang, au pouvoir depuis trois cents ans, l’empereur qui revient dans la Cité interdite après une longue absence empoisonne méthodiquement l’impératrice. Prévenue de ce qu’on lui fait endurer, elle décide de prendre le pouvoir avec l’appui de ses fils. Trahisons, complots, exécutions, combats sanguinaires : aucune épice ne manque à ce plat asiatique trop lourd, mal cuisiné, qui reste sur l’estomac. La Cité interdite reconstituée en studio rutile, les poignards volent toujours avant d’atteindre leur cible, les combattants pirouettent dans les airs avant de retomber sur leurs pattes comme des félins. Gong Li semble prodigieusement s’ennuyer. Nous sommes tous des Gong Li. Cinéma. Aujourd’hui « Soirée bref » au MK2 Quai de Seine en compagnie de la jeune réalisatrice Jocelyne Desverchere. Six projections à partir de 20 h 30. 14 quai de la Seine (19e). Rens. : 08.92.69.84.84. et www.mk2.com Musique. Grand moment dans la saison de l’Orchestre de Paris et de son chœur : Christoph Eschenbach dirige le Requiem de Verdi avec la sublime June Anderson, Guang Yang, Miroslav Dvorsky et Mikhail Petrenko. 14 et 15 mars à 20 h. Salle Pleyel. Rens. : 0825.000.851. J.-C. R. (Publicité) suit le travail quotidien, les gestes répétitifs, la cadence soutenue de ces salariés de la culture intensive. Sans commentaires, presque sans paroles sauf les rares propos échangés. Édifiant. On regrettera cependant le parti pris de montrer de nombreuses filières de production plutôt que de s’attarder sur certaines d’entre elles. Surgit néanmoins dans le cerveau du spectateur une lancinante interrogation : mais jusqu’où ira l’inconséquence humaine ? Allongera-t-on la liste des 27 traitements de pesticides qu’ingurgite la pomme avant que nous ne la mangions ? Inventera-t-on des machines encore plus infernales pour attraper, secouer, projeter les poulets ? S’il avait pu en être témoin, nul doute que Charlie Chaplin s’en serait inspiré. Notre pain quotidien appelle forcément à poursuivre par un « pardonnez-nous nos offenses ». Et c’est évidemment le propos tout à fait explicite du documentaire. Montrer revient à dénoncer. Notre pain quotidien a reçu de nombreux prix de festivals à Paris, Amsterdam, Montréal, Athènes, Toronto, etc. La société de distribution, KMBO, reversera 5 % des bénéfices sur les entrées à des associations qui promeuvent l’agriculture biologique ou respectueuse de l’environnement. MARIE VERDIER