Composition de culture générale

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Composition de culture générale
CADMEX2013
Composition de culture générale : Comment répondre au « sentiment d’insécurité » ?
La mort au printemps 2013 de Paul Voise a été l’occasion d’un retour médiatique sur l’affaire
« Papy Voise » d’avril 2002 dont le traitement par les différents médias avait alimenté le sentiment
d’insécurité des français et, probablement, eu un impact sur les résultats électoraux du Front national.
Les soutiens multiples apportés au retraité, apparemment victime d’une agression en bande
organisée, avaient illustré l’impact des médias sur l’opinion publique et plus fondamentalement,
l’importance du « sentiment d’insécurité » en France.
L’insécurité, par opposition à la sécurité, caractérise une situation incertaine, voire de malaise,
alimentée par les peurs individuelles et collectives qui reflètent les fragilités de la société. Différente
selon les populations et les régions du monde, l’insécurité repose sur des bases tangibles qu’elle soit
physique-alimentaire, sanitaire-écologique, politique et juridique, culturelle ou économique. Elle peut
ainsi reposer tant sur la persistance de guerres ou de famines que sur les changements climatiques,
les catastrophes naturelles ou la précarité légale et réglementaire de l’emploi.
Aux variables tangibles de l’insécurité se superpose, en particulier dans les sociétés occidentales,
l’existence d’un sentiment d’insécurité, qui s’ancre sur des opinions ou des perceptions. Du domaine
de l’intengible, le sentiment repose sur l’imaginaire individuel, mais également collectif au niveau de la
communauté, de la nation voire d’opinions publiques transnationales. Le citoyen assure la
transposition du sentiment dans le débat public : dans les démocraties, le sentiment est une variable
du débat politique, et le peuple législateur contribue à inscrire le domaine de l’imaginaire dans le
domaine du droit.
Le sentiment d’insécurité est ainsi alimenté tant par les perceptions que par les faits. Il est renforcé
dans la période actuelle par la combinaison d’éléments économiques liés à l’essor de la
mondialisation des échanges de biens et de services à l’échelle internationale , à la crise économique,
financière et des finances publiques que subissent les Etats occidentaux depuis 2007 et d’éléments
politiques et sociaux, notamment l’effondrement des structures traditionnelles d’encadrement des
individus telle la famille, la persistance d’un chômage massif et une certaine incompréhension
alimentant des formules xénophobes tant en Europe qu’en Amérique du Nord.
En raison des nombreuses difficultés auxquelles il soumet tant les Etats que les individus, le sentiment
d’insécurité doit trouver des réponses à son encontre, tant superficielles dans le présent que
structurelles pour l’avenir.
Inhérent à l’être humain, le sentiment d’insécurité place-t-il l’Etat, le citoyen et le débat public dans
l’incapacité de sortir de son emprise et d’y apporter une réponse ?
Le sentiment d’insécurité partagé par l’ensemble des sociétés humaines a vu dans l’avènement de
l’Etat moderne une première réponse émancipatrice (I). Néanmoins, l’Etat démocratique et libéral est
porteur de ses propres incertitudes qu’il semble pouvoir combattre effectivement pour réduire le
sentiment d’insécurité (II).
*
Le sentiment d’insécurité, expression individuelle et collective d’un mal-être général, a reçu avec
l’avènement de l’Etat moderne et son évolution vers l’Etat providence une réponse structurelle
décisive.
Régulièrement instrumentalisé par tous les régimes politiques, le sentiment d’insécurité a reçu des
réponses diverses mais superficielles et peu efficaces avant l’avènement de l’Etat moderne.
Le sentiment d’insécurité est pour certains penseurs contractualistes à l’origine du regroupement des
hommes en collectivité. Le regroupement et l’organisation des hommes en société permet en effet de
limiter la faiblesse qui borne l’homme seul et le rend vulnérable aux forces étrangères. Il peut ainsi
s’agir de lui offrir une protection contre les autres hommes. C’est ce qu’affirme Thomas Hobbes dans
Le Léviathan (1651) reprenant la formule de Plaute : « Homo homini lupus est », l’homme est un loup
pour l’homme. L’insécurité de l’homme s’affirme également vis à vis de la nature ; en effet, comme
l’exprimait Pascal, « l’homme est un roseau, le plus faible de la nature(…) et il ne faut pas que
l’univers entier s’arme pour l’écraser ». Ainsi, les incertitudes qui pesaient sur la vie humaine
s’estompent avec l’organisation des hommes en sociétés et l’émergence des premières formes d’Etat.
Avec Hobbes, l’Etat est ainsi le « réducteur d’incertitudes ».
Les régimes autoritaires, des monarchies européennes aux épisodes totalitaires du XXème siècle ont
fait de la manipulation du sentiment d’insécurité une base tangible de leur contrôle des masses,
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d’autant plus fort qu’il reposait sur une déresponsabilisation de chacun. La mise en place des
systèmes despotiques reposait en effet sur une hiérarchie serrée de responsables, de sorte que
chacun avait un chef au dessus de soi. C’est le système décrit par La Boétie dans le Discours de la
servitude volontaire. L’ordre règne par la crainte de chacun de perdre les privilèges de son potentat,
alimentant un sentiment d’insécurité tant chez les gouvernés que chez les gouvernants. Dans les
systèmes totalitaires du XXè siècle, la bureaucratie communique un sentiment d’insécurité d’autant
plus fort que le système est déresponsabilisant. Dans ce « règne de l’anonyme » dénoncé par
Hannah Arendt dans les Origines du totalitarisme, c’est l’Etat lui-même qui inspire la crainte. Outre le
fait de l’inspirer, il l’alimente également par des actions précipitant l’insécurité des populations. Outre
les assassinats ciblés, l’insécurité alimentaire a pu être mise en œuvre, notamment en Ukraine, par
Staline comme l’a illustré l’ouvrage de T. Snyder, Terres de sang, paru en 2012.Les régimes
autoritaires ont également eu pour but d’identifier des ennemis de l’intérieur et de laisser émerger des
sentiments d’insécurité communautaristes : juifs et protestants sous l’Ancien régime avec le massacre
de la Saint Barthélémy dans la nuit du 24 août 1572, ou encore les étrangers « immigrés en France
pendant l’occupation. Dans son ouvrage Le Roman inachevé paru en 1956, Aragon revient sur
l’ « Affiche rouge » qui, affichée « sur les murs de nos villes (…) Parce qu’à prononcer vos noms sont
difficiles/ y cherchait un effet de peur sur les passants ».
Les réponses apportées dans de tels régimes à l’émergence d’un sentiment d’insécurité parmi les
peuples se sont révélées inappropriées sur le long terme. On peut identifier trois réponses différentes
dans ce cadre. D’abord la guerre extérieure qui témoigne du sentiment d’insécurité d’un Etat ou d’un
peuple à l’égard d’un voisin. A cet égard, le déclenchement par Sparte de la guerre du Péloponnèse
est identifiée par Thucydide comme provenant de la crainte des Lacédémoniens face à l’expansion
d’Athènes. La guerre civile peut constituer une autre réponse. Selon Montherlant dans La guerre civile
(1965) parce qu’elle est « la bonne guerre, celle où l’on sait pourquoi l’on tue et qui l’on tue », elle
permet de régénérer les peuples. A un degré moindre de violence, le rite sacrificiel permet par la
désignation d’une victime expiatoire d’apaiser les troubles de la société en proie à un sentiment
d’insécurité. Dans La violence et le sacré de 1972, René Girard évoque ainsi l’insécurité sanitaire
avec l’expulsion d’Œdipe de Thèbes pour guérir la cité de la peste.
Néanmoins, c’est l’émergence de l’Etat démocratique et libéral moderne qui constitue une première
réponse décisive contre le sentiment d’insécurité en encadrant par la raison et par le droit l’individu et
la collectivité.
La promotion des droits de l’individu et du citoyen et la consécration de ses libertés fondamentales
vis-à-vis d’autrui et de l’Etat consacrent le projet des Lumières de sortir l’homme de son état de
minorité et de sa mise sous tutelle. Libéré et éclairé, l’homme devenu citoyen va permettre le recul de
l’insécurité par le droit et du sentiment d’insécurité par la raison. Si le processus de civilisation des
mœurs décrit par Norbert Elias avait permis de réduire considérablement le sentiment d’insécurité
physique, l’avènement de l’Etat démocratique et libéral permet une émancipation de l’homme à l’égard
des forces qui le maintenaient sous tutelle, en particulier la monarchie et l’Eglise. L’abolition des
privilèges et des droits féodaux et la proclamation de nouvelles libertés, en particulier celle d’aller et
venir et le droit de propriété libèrent le citoyen de l’ancienne tutelle d’Ancien régime. La liberté de
pensée, de conscience et de religion qui s’accompagne de celle de la presse permet l’émergence d’un
véritable espace public et de nouvelles formes de transparence. Voltaire estimait ainsi que « la seule
chose qui peut réduire chez les hommes la rage du fanatisme, c’est la publicité ». L’émergence
d’échanges d’idées transnationaux permet également de véhiculer un cosmopolitisme antixénophobe,
ce qui ne va pas néanmoins sans limites. L’émergence d’une justice égalitaire vient également apaiser
les tensions et permettre une pacification des mœurs.
Le développement économique et social des sociétés occidentales, en particulier dans la
seconde moitié du XXe siècle, permet de réduire drastiquement le sentiment d’insécurité économique,
alimentaire et sanitaire. La reconstruction de l’Europe après la seconde guerre mondiale est fondée
sur le modèle américain de consommation et sur la construction d’Etats-providence à même de
prendre en charge la sécurité des citoyens. Le développement économique contribue à une
amélioration des conditions de vie et se traduit par des avancées sanitaires et sociales multiples. Le
développement de l’Etat providence garantit à chacun une protection sociale de qualité avec en
France la Sécurité sociale. La qualité de vie se développe et les retombées économiques permettent
le développement d’infrastructures publiques de qualité, stimulant ainsi toutes les variables de la
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croissance économique de long terme. Dans le domaine énergétique, la France asseoit sa sécurité en
développant le nucléaire, notamment après le premier choc pétrolier. Les sociétés occidentales
attractives reçoivent de plus une main d’œuvre étrangère en quantité pour soutenir leurs modèles
économiques productifs. L’insécurité générale et le sentiment d’insécurité sont de plus réduits par une
socialisation des risques, dans le cadre des systèmes d’assurance mais également dans l’ordre
législatif avec des lois d’indemnisation des diverses éventualités : victimes du terrorisme, aléa
thérapeutique…La protection du citoyen se traduit également en droit positif par le renforcement de la
responsabilité de l’Etat, y compris sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques ou
pour risques.
La consécration récente par le Conseil d’Etat du principe de sécurité juridique répondait également de
cette veine (CE, 2006, Société KPMG).
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L’Etat moderne devenu Etat providence a donc cherché à prévenir tous les risques pouvant peser sur
les citoyens, réduisant ainsi les incertitudes et le sentiment d’insécurité des individus. Celui-ci n’a
cependant pas disparu. Il a évolué en lien avec l’Etat et la mondialisation économique. Il convient
néanmoins d’en limiter la portée.
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Porteurs de leurs propres peurs, l’Etat et l’individu modernes, traversés par des crises
profondes, possèdent néanmoins les moyens de faire front et de permettre l’émancipation de chacun
à l’égard de son sentiment d’insécurité.
Loin d’avoir aboli le sentiment d’insécurité, l’Etat et l’individu modernes sont soumis à ses
évolutions, desquelles ils sont au moins partiellement responsables.
Animée par les individus et partiellement encadrée par les Etats qui en bénéficient, la
mondialisation des échanges et néanmoins porteuse de nouvelles peurs qui alimentent un renouveau
du sentiment d’insécurité, en particulier lorsqu’elle débouche sur une crise. Au congrès de Vaise du 25
juillet 1914, Jean Jaurès estimait ainsi que : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée
porte l’orage ». Si la mondialisation n’a pas conduit pour les sociétés occidentales à des conflits
militaires majeurs, elle a permis l’avènement de nouvelles formes d’insécurité. D’un point de vue
alimentaire et sanitaire, elle encadre en effet un réseau dense d’interactions humaines dans lequel
l’interdépendance entretient la facilité de propagation des dangers. L’épisode de la viande de cheval
du printemps 2013 a ainsi illustré qu’à l’heure de la « traçabilité intégrale des objets » et des
personnes, pour reprendre l’expression de Mireille Delmas-Marty, des dangers subsistent. La
possibilité qu’une épidémie telle le SRAS ou H1N1 se développe rapidement à l’échelle internationale
n’est ainsi pas écartée. Dans Les peurs en Occident, Jean Delumeau fait le constat de cette évolution
des peurs au fil des siècles au fur et à mesure des réponses apportées. S’il rappelle que la
mondialisation transmet de nouvelles formes d’insécurité, il semble possible dans son prolongement
de dire que la conjonction des nouveaux dangers et des communautés historiquement désignées
comme « coupables »et victimes de mouvements xénophobes auxquelles ils sont assimilés est une
synthèse dangereuse. Alimenté par les crises dans certaines banlieues sensibles depuis les émeutes
de Vénissieux de 1987, le sentiment d’insécurité de certaines franges de la population des sociétés
française et occidentales vient stigmatiser des populations immigrées. L’effet d’assimilation de masse
des difficultés aux communautés d’origine maghrébine de confession musulmane renforcé par les
attentats du 11 septembre 2001 et une lecture médiatique du Choc des civilisations de Samuel
Huntington a été et reste délétère pour les unités nationales, en particulier en France. La politique
volontariste de la majorité de droite (2007-2012) en matière de reconduites à la frontière et
d’expulsion, ainsi que l’ancrage législatif d’une telle politique a illustré la montée d’un malaise en
France. Le score de la candidate du Front national aux dernières élections présidentielles, 17,9%, est
également révélateur de ce point de vue. Il convient ainsi de distinguer les violences urbaines des
communautés maghrébines en insistant sur le fait qu’elles concernent la plupart des populations
délaissées, notamment en période de crise économique et de chômage massif et en particulier dans
les banlieues des grandes agglomérations, ce que dénonçait déjà Céline dans le Voyage au bout de
la nuit (1932), avant l’immigration d’Afrique du Nord.
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La peur de la « puissance égalisatrice » de l’atome est également une peur moderne qui
participe au renforcement du sentiment d’insécurité des populations. Cela concerne l’arme nucléaire
en tant que telle, ainsi que les centrales nucléaires, notamment depuis les incidents de Three Miles
Island et de Tchernobyl (1987). Pour Ulrich Beck dans la Société du risque (1986), les centrales
nucléaires sont les « signes avant-coureurs d’un nouveau Moyen-Age moderne du danger ». Depuis
l’explosion de la première bombe atomique en 1945, l’année « 0 » pour Günther Anders, le risque
nucléaire est effectivement au cœur des débats. Cela est également le cas en matière d’armement
nucléaire. Si la Russie et les Etats-Unis réduisent régulièrement leurs stocks de têtes déployées et de
vecteurs la prolifération à des Etats tels que la Corée du Nord et l’Iran pose de multiples problèmes.
Le discours de Netanyahou à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2012 avec le
dessin d’une bombe nucléaire illustrait l’acuité de ce débat.
Dans ce contexte de renouveau généralisé du sentiment d’insécurité, le législateur, le juge et
l’enseignant doivent porter un nouveau message moderne et éclairé pour encadrer les dérives à
même d’implanter le sentiment dans l’esprit des citoyens.
Les institutions républicaines doivent chercher à renforcer la sécurité des citoyens en leur
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conférant le sentiment. L’article 1 de l’Acte instituant l’UNESCO prévoit ainsi que « la guerre naissant
dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut implanter les défenses de la
paix ». Il en va ainsi avec le sentiment d’insécurité. Le législateur doit encadrer effectivement les
différentes dérives susceptibles de susciter de l’insécurité. A cet égard, la loi renforçant la qualité du
système bancaire du 26 juillet 2013 incite par le biais d’une moralisation des activités bancaires, à
réduire les risques pris par les agents financiers. L’encadrement par le législateur de nombreux pays,
y compris la Chine, des pratiques de corruption illustre également la volonté à l’échelle internationale
de réduire les incertitudes. Le législateur gagnera également à encadrer le débat public pour éviter les
dérives communautaristes et à renforcer la déontologie des journalistes, comme le proposent
différents auteurs dans le n°176 du Débat (septembre-octobre 2013). En lien avec le législateur, le
juge doit restaurer la confiance que les citoyens lui portent et assurer que l’impunité ne s’ancre pas
sur les territoires républicains. A cet égard, l’arrestation de parlementaires du parti Aube dorée en
Grèce pour avoir commandité l’assassinat d’un chanteur anti-fasciste illustre l’ancrage de la justice
dans les mœurs de la civilisation européenne, renforcée par les adhésion à l’Union européenne et au
Conseil de l’Europe. C’est enfin à l’enseignant de favoriser l’émergence de générations éclairées qui
ne doivent pas se tromper de danger et doivent abandonner les revendications communautaristes.
Cela permettrait, conformément à l’expression de Michèle Tribalat, de « faire France ».
Les élites politiques, économiques et culturelles gagneront à porter une nouvelle « civilisation
de mœurs » qui repose sur une conception égalitaire des différentes communautés appelées à
s’intégrer dans la République. S’il ne s’agit pas de prôner un cosmopolitisme illimité, les élites doivent
rejeter fermement l’idée d’un choc des civilisations et défendre une forme d’unité du genre humain
propice à réduire à portion congrue les mouvements xénophobes. C’est également le message que
véhiculent certaines élites religieuses. Dans un entretien accordé à la revue jésuite Etudes en
septembre 2013, le Pape François Ier rappelait que le message des religions du Livre est avant tout
un message d’unité du genre humain. Les recensements ethniques tels qu’ils sont pratiqués aux
Etats-Unis vont ainsi à l’encontre de telles valeurs. Les élites doivent se saisir du débat public pour
l’éclairer : l’ouvrage de Philippe d’Iribarne, l’Islam devant la démocratie paru en avril 2013 peut ainsi
apparaître comme une réponse éclairée aux débats actuels. Il convient dans la sphère publique
comme dans le monde scolaire de faire raisonner les individus, car comme le rappelait une gravure de
Goya, c’est le songe -ou le sommeil- de la raison qui engendre des monstres.
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La réponse à apporter au « sentiment d’insécurité » est un des grands défis des sociétés
occidentales contemporaines. Il convient pour les pouvoirs publics et les individus de ne pas laisser le
sentiment prendre le pas sur la réalité. De plus, pour reprendre Montaigne, dans ses Essais (1588),
« moins d’ordinaire on a peur et moins on court de danger ». Aussi, ne faut-il pas surestimer les
diverses variables qui alimentent le sentiment d’insécurité. Nous répondrons donc par la négative à la
question posée en introduction. Les sociétés policées, pacifiées, démocratisées et stables ont les
moyens de répondre aux menaces qui pèsent sur elles. L’Etat et le citoyen doivent protéger et
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renforcer les valeurs de la République, celles de l’intégration et du respect. Cela permettra de protéger
les institutions et les individus. Comme le disait Camus lors de son discours de réception du Prix
Nobel de littérature de 1957 : « Chaque génération se croit sans doute vouée à refaire le monde. La
mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à
éviter que le monde ne se défasse ».