Les principes de base du traitement de la toxicomanie
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Les principes de base du traitement de la toxicomanie
Qu’est-ce que le traitement de la toxicomanie chez les jeunes? De façon générale, quand on parle du traitement des jeunes toxicomanes, on parle d’activités visant à soutenir les adolescents aux prises avec des problèmes d’alcool ou de drogues. Il existe divers types de traitements et d'interventions, allant différents types de contact individuel aux séances de counseling, en passant par les services communautaires et en groupe, les programmes en établissement et les services en milieu hospitalier. Ces activités peuvent être déployées par des conseillers, des médecins, des infirmiers, des responsables de l’application de la loi, des éducateurs ou toute personne souhaitant aider les jeunes à régler un problème de consommation. Vu sous cet angle, même un parent préoccupé ou un proche peut dispenser une activité de type thérapeutique. La présente trousse porte sur le traitement dans ce sens élargi. Dé finir la consommation problématique chez les jeunes La définition de consommation problématique d’alcool et de drogues chez les jeunes fait souvent l’objet de débats, même parmi les professionnels aidants. Aux fins de la présente trousse, toxicomanie ou abus de substances chez les jeunes se définit comme : Des situations où la consommation d’alcool et/ou de substances psychotropes a des effets néfastes sur la vie d’un jeune, que ce soit dans des secteurs de sa vie sociale comme l’école, le travail, la famille, les amis ou la justice ou des secteurs de sa vie personnelle, comme la santé et le bien-être physiques, mentaux, émotionnels et spirituels. Dé finir l’a dolescence L’adolescence se définit de plusieurs façons. Pour cette trousse, l’adolescence comprend la période entre la fin de l’enfance (puberté) et le début de l’âge adulte – soit habituellement de 12 à 19 ans, et les termes « jeune » et « adolescent » sont utilisés de façon interchangeable. La trousse permettra aux professionnels aidants et aux proches de prendre en charge les problématiques de toxicomanie de l’adolescent. On y décrit des bonnes pratiques dans le traitement de l’abus de substances chez l’adolescent et des connaissances et habiletés nécessaires pour travailler auprès de ce groupe d’âge. Comment fonctionne-t-il? Selon des travaux de recherche, de nombreux facteurs influent sur l’efficacité des approches thérapeutiques, dont le moment où se font les interventions et les caractéristiques de chaque jeune. Cela dit, on s’entend généralement pour reconnaître certaines bonnes pratiques dans le traitement de l’abus de substances chez l’adolescent, dont : • Bâtir un lien ou une « alliance » thérapeutique solide avec le jeune Le conseiller arrive à bâtir ce lien par le respect, l’écoute et une attitude non critique dans toutes ses interactions avec la clientèle adolescente. • Rester en contact et faire régulièrement des évaluations Le jeune entrera plus facilement en contact avec le conseiller si les séances sont de courte durée, mais fréquentes, car au fil du temps, il développera un sentiment de confiance par rapport au conseiller. De plus, cette façon de faire permettra au conseiller d’évaluer régulièrement les besoins du jeune. • Recourir à un traitement individualisé centré sur la personne et sur ses forces Pour trouver le traitement approprié, il faut tenir compte de divers éléments, dont la culture, le genre, la religion, l’orientation sexuelle, l’identité et la diversité, la préférence de la personne, la situation familiale et de vie, les liens avec la communauté et l’accessibilité du traitement. La thérapie débute en mettant l’accent sur les points positifs, puis met à profit les progrès, même minimes. • Faire participer la famille au traitement Ce point signif ie faire participer les parents et les proches (tels qu’identif iés par le jeune) au processus d’évaluation, de façon à les sensibiliser à la consommation et à l’abus de substances chez les adolescents, à aborder la dynamique familiale et autres relations difficiles et à s’allier les membres de la famille pour répondre à des besoins en traitement connexes. Les avantages d’impliquer la famille dans le traitement de l’adolescent sont bien démontrés. • Aborder le traitement selon un angle holistique et biopsychosocial Il faut comprendre chaque jeune dans sa totalité, ce qui signif ie notamment tenir compte de ses problèmes de santé mentale, de son bien-être physique, émotionnel et spirituel, de ses réseaux sociaux, familiaux et d’entraide, de sa situation légale, scolaire et professionnelle, des traumatismes qu’il a vécus et de ses ressources financières. En ce qui concerne les troubles concomitants de toxicomanie et de santé mentale, il faut envisager la prestation d’un traitement intégré et multisystémique. • Faire appel à la thérapie cognitivo-comportementale et à l’entrevue motivationnelle Les avantages de la thérapie cognitivo-comportementale pour les personnes toxicomanes sont bien documentés. Associer une démarche motivationnelle à la volonté d’un jeune de changer peut se révéler d’une grande efficacité. • S'entendre pour réduire les méfaits La réduction des méfaits comprend un ensemble de stratégies et d’interventions visant à réduire les méfaits causés par l’usage de substances, dont diminuer la fréquence de consommation d’alcool ou de drogues ou la quantité, encourager une consommation sécuritaire et des pratiques sexuelles sans risque, diminuer le comportement autodestructeur (p. ex. l’automutilation), sécuriser l’environnement et même priv ilégier l’abstinence pour certains jeunes ou certaines substances. L’élément le plus important ici, c’est de tirer parti de la motivation du jeune et de lui fixer des buts réalisables et concrets. • Mettre l'accent sur l'acquisition de compétences Les adolescents aux prises avec des problèmes de consommation ont souvent besoin d’aide pour résoudre des problèmes, apprendre à s’adapter et à dire non, prendre des décisions, gérer leurs relations, identifier et stabiliser leurs émotions, accéder à des réseaux d’entraide (p. ex. thérapeutiques, scolaires, professionnels et financiers) et acquérir d’autres aptitudes fondamentales pour devenir des adultes fonctionnels. • Créer des programmes axés sur l’expér ience, la participation, la collaboration et le plaisir Au départ, les adolescents seront peu enthousiastes à l’idée de modifier leur comportement par rapport à l’alcool et aux drogues. Les activités de type participatif et tenant compte des pairs et des intérêts des jeunes ont plus de chances de porter fruit. • Proposer des cadres thérapeutiques sécuritaires et accueillants De nombreux adolescents toxicomanes ont des antécédents d’abus, de violence, d’oppression, de traumatismes, d’instabilité familiale et de relations instables qui les empêchent de s’ouv rir aux adultes et à leurs pairs. Des cadres sécuritaires et conviviaux et des professionnels sensibilisés et qualifiés devraient donc attirer ces adolescents. Les services doivent tenir compte des traumatismes et les prendre en charge, le cas échéant. • Offrir des traitements faciles d'accès Les professionnels en toxicomanie savent que le niveau de motivation d’une personne à changer fluctue. Comme des services de traitement offerts alors que la personne est motivée seront plus efficaces, il faudra envisager d’instaurer un programme en milieu scolaire pour que les jeunes puissent voir un conseiller pendant la journée, de proposer des services de proximité aux jeunes sans-abri ou vivant dans des collectivités éloignées ou de fournir des services dans des lieux que fréquentent déjà les jeunes, comme les centres commerciaux, et à des moments qui leur conviennent, comme pendant la fin de semaine. Tenir compte des différe nces sexospécifiques L’importance d’aborder les différences entre les filles et les garçons se manifeste de plus en plus dans le traitement des problèmes de consommation. Par exemple, les effets de l’alcool sont plus néfastes chez les filles, car leur corps en développement métabolise l’alcool plus lentement que les garçons, ce qui a des répercussions sur la gestion du sevrage et pour les spécialistes du traitement. De même, le traitement de l’abus de substances chez les jeunes tient compte des effets des conditions et inégalités sociales (p. ex. revenu, race, lieu géographique, sexualité, in/capacités, langue, patrimoine et culture) sur l’état de santé global. Ces questions sont cruciales et sont à examiner dans toute démarche thérapeutique. Tenir compte de la motivation La motivation est l’un des points clés dans le traitement des jeunes toxicomanes. Comme pour toute thérapie, les chances de réussite seront accrues si le bénéficiaire souhaite vraiment changer. De nombreux jeunes se présentent en traitement de leur propre gré pour demander de l’aide. On dit alors que leur motivation est « interne » ou « intrinsèque. Par contre, pour certains adolescents ayant besoin de suivre une thérapie, comme pour les adultes, la motivation à modif ier leur comportement de consommation peut faire défaut, ou ils entrent en traitement sous une certaine forme de pression ou de contrainte. On dit alors que leur motivation est « externe » ou « extrinsèque ». Les jeunes de ce second groupe adopteront parfois des attitudes et comportements rendant particulièrement difficile le travail des spécialistes en toxicomanie et des professionnels de domaines connexes. Les mêmes principes d’intervention s’appliquent toutefois aux deux groupes. Quelles sont les répercussions pour les professionnels en toxicomanie et de domaines connexes? Les professionnels aidants voient un nombre grandissant de jeunes aux prises avec des problèmes de consommation et d’autres problématiques complexes qui en découlent. Si de nombreux jeunes feront l’expérience de l’alcool et de la drogue sans développer de problèmes, d’autres en subiront de graves conséquences. Les systèmes de serv ices et de soutiens ne peuvent compter uniquement sur les experts et organismes en toxicomanie pour s’occuper de ces jeunes, qui se présentent dans divers types d’organisations et d’environnements. Tous les professionnels aidants doivent se familiariser avec la bonne façon d’intervenir. Cela ne veut pas dire qu’il faut se spécialiser dans le traitement de la toxicomanie, mais plutôt qu’il faut que tous les fournisseurs de services, peu importe dans quel secteur ils œuvrent (p. ex. traitement de la toxicomanie, services en santé mentale) s’engagent à s’informer sur le dépistage des problèmes et soient disposés à collaborer pour répondre aux besoins plus complexes de certains jeunes. Si un spécialiste en toxicomanie travaille habituellement avec des adultes, il devra peut-être adopter une nouvelle approche pour s’occuper des jeunes. Les circonstances particulières, les besoins développementaux et les conditions de v ie d’un adolescent auront une grande influence sur sa réceptivité au traitement et le choix d’interventions. Compétences pour prendre en charge la consommation chez les jeunes Les habiletés, connaissances, attitudes et valeurs de l’intervenant sont parmi les principaux facteurs de réussite dans le travail auprès des jeunes avec des problèmes de consommation. Des données de plus en plus nombreuses montrent que les qualités du thérapeute sont tout aussi importantes – et même dans certains cas, plus importantes – que le type de traitement choisi. Autrement dit, les connaissances et aptitudes et les caractéristiques indiv iduelles des professionnels aidants peuvent véritablement amener un jeune à accepter l’aide offerte. L’adaptabilité et la flexibilité, par exemple, sont des qualités importantes pour tout conseiller travaillant auprès des jeunes; une autre compétence est la capacité à créer des liens avec les jeunes. Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT) a préparé le document Compétences pour les intervenants canadiens en toxicomanie, qui énonce les connaissances, aptitudes et attitudes que peuvent acquérir les professionnels pour augmenter leur compétence à intervenir en toxicomanie auprès des jeunes et d’autres groupes. Pour plus de renseignements sur les compétences, cliquez ici. Préparé par Rod Olfert, courtier du savoir, division de la recherche et de l’échange des connaissances, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies Révisé par Joanna Henderson, clinicienne-chercheure et chef de la recherche, Programme pour les enfants, les jeunes et leur famille, Centre de toxicomanie et de santé mentale, et professeure adjointe, Département de psychiatrie, Université de Toronto Ré fére nces Commission albertaine contre l’alcool et les toxicomanies. Youth Detoxification and Residential Treatment Literature Review: Best and Promising Practices in Adolescent Substance Use Treatment (Final Report), 2006. Miller, W.R. et S. Rollnick. Motivational Interviewing: Preparing People to Change Addictive Behavior, New York, The Guildford Press, 1991. Santé Canada. Meilleures pratiques – Traitement et réadaptation des jeunes ayant des problèmes attribuables à la consommation d’alcool et d’autres drogues, 2001. ISBN : 0662-85452-7. No de cat. : H49-154-2001F. Extrait de http://www.hc-sc.gc.ca/hcps/alt_formats/hecs-sesc/pdf/pubs/adp-apd/youth-jeunes/youth-jeunes-fra.pdf. Shebib, B. Choices: Counselling Skills for Canadians, Toronto, Pearson Canada Inc, 2010. Volkow, N.D. Exploring the Why's of Adolescent Drug Abuse. NIDA Notes, National Institute on Drug Abuse, vol. 19(3), 2004. Winters, K.C. Screening and Assessing Adolescents for Substance Use Disorders. 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