Histoire 3e3: les joueurs de Skat
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Histoire 3e3: les joueurs de Skat
Histoire 3e3: les joueurs de Skat Thème : _______________________________________________ Problématique : _____________________________________________ Domaine artistique :__________________________________________ Artiste : ___________________________ Année de réalisation et contexte historique :______________________________ Dimensions : _____________________________ Technique de l’œuvre : _____________________________________________ Mouvement(s) artistique(s) :__________________________________________ Biographie de l'auteur en rapport avec le contexte de création : Otto Dix est un peintre allemand ; il nait en 1891 et meurt en 1969. Issu d'une famille ouvrière, il fait néanmoins des études à l'école des Arts décoratifs de Dresde de 1909 à 1914 ; à la proclamation de la guerre, il s’engage avec enthousiasme dans l’armée allemande et prend part à la bataille de la Somme ( une des batailles les plus meutrières qui opposa les Anglais et les Français aux Allemands en 1916) , puis part sur le front de l’Est en 1917. Il est gravement blessé plusieurs fois. La guerre de tranchée, qui le traumatise profondément, deviendra le thème majeur de son œuvre, à travers ses toiles, mais aussi par de nombreux dessins et gravures. Les dignitaires nazis, à leur arrivée au pouvoir en 1933, jugèrent l’art de Dix « dégénéré » et le font renvoyer de son poste de professeur à l’Académie de Dresde. Plusieurs de ses œuvres sont exposées à la fameuse exposition d’« Art dégénéré » organisée par les fascistes, puis brûlées (notamment La Tranchée). Il participe par obligation à la fin de la Seconde Guerre mondiale (on imagine la détresse que cela lui causa). Il sert sur le front occidental entre 1944 et 1945. Là, il sera fait prisonnier en Alsace par les Français, et ne sera libéré qu'en 1947 (il a peint un auto portrait en prisonnier) ! A partir de ce moment là et jusqu'à sa mort, Dix s'éloigne des nouveaux courants artistiques allemands. Il meurt à Singen en 1969, âgé de 78 ans. Mouvement(s) artistique(s) et intellectuel(s) : Après la guerre, Otto Dix affirme son style, très graphique et mouvementé, agressif et relevé par une palette de couleurs acides et froides, qui lui permet de décrire son époque avec une grande cruauté. Il est alors considéré comme le chef de file de la Nouvelle Objectivité allemande (la Neue Sachlichkeit) et de l’Expressionnisme (déformation de la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle, visions angoissantes déformant et stylisant la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive. Les expressionnistes ont une vision pessimiste de leur époque, hantée par la menace de la Première Guerre mondiale). Description et thème de l'oeuvre : 3 joueurs de cartes, invalides de guerre. Lieu : un bistro en Allemagne -Joueur de droite : machoire en fer avec inscription « Prothèse marke Dix » (manière pour l'auteur de s'identifier?) ; il porte la Croix de Fer, distinction pour bravoure au combat ; plus de jambes, bras gauche infirme, main droite articulée. -Joueur de gauche : manque œil droit, oreille et une partie du visage. Main articulée ; tient ses cartes avec les pieds ; appareil d'amplification sonore posé sur la table. -Joueur de face : manque une partie du cuir chevelu, oreilles, jambes … Joue avec sa bouche ; œil de verre. Une femme nue est dessinée sur son crane artificiel, pourquoi ? Cette image met un peu mal à l'aise... Ils ressemblent à des monstres de cauchemar. La tête de mort sur le lampadaire ajoute au desespoir de la scène. Le porte-manteau est vide car les hommes ne sont pas capables de se débrouiller seuls, de faire les simples gestes du quotidien. Caractéristiques visuelles : Grand désordre, membres artificiels en tous sens ; lignes structurant le tableau sont confuses, comme brisées ; cela rompt avec les règles et conventions artistiques pour témoigner du chaos de la guerre, de son absence de règles. Ex : utilisation d'armes (shrapnel) , qui au delà de tuer, laisse des vivants mutilés, brûlés, poumons détruits par les gaz testés à cette époque... Pas de valides présents : « gueules cassées » seuls entre eux, coupés du monde, mis à l'écart ; STIGMATISATION La pièce est sombre mais table, cartes, visages sont de couleur claire : technique du clair-obscure (voir De la Tour, Rambrandt) revisitée pour mettre les personnages en valeur. Technique du collage, utilisée par les artistes allemands du mouvement dada. Signification et importance de l'oeuvre : – Dix a été soldat et veut témoigner des horreurs de la guerre – rendre hommage à ses compagnons d'armes, défigurés, amputés, détruits par la violence du combat, qui tentent malgré tout de se raccrocher à la vie, en continuant à jouer, à tricher aux cartes... pour prétendre que la vie a encore de l'importance (courage) – mais surtout dénoncer la relégation sociale et la stigmatisation dont ils souffrirent à leur retour (mieux vaudrait être mort « en héro » que de se rendre compte que ceux que l'on voulait défendre vous traitent en « paria ») – volonté de nous faire ressentir de la sympathie, de l'empathie pour ses « monstres » qui avant la guerre étaient des hommes, qui maintenant sont privés de leur jeunesse, de l'amour, du sexe (plus de femmes nues pour eux) – reflexion sur les progrès de la médecine : quelques decennies auparavant ces soldats seraient mort de leurs blessures, mais les progrès techniques ont permis de les « sauver ». Ambivalence du « progrès » : les armes modernes dechiquettent les chairs en une seconde, et la medecine moderne répare tant bien que mal le corps. Cette œuvre majeure illustre bien le concept de « brutalisation » des sociétés européennes par la 1ere guerre mondiale (8 millions de victimes, 6 millions d’invalides), guerre industrielle, qui exposa soldats et civils à de telles atrocités que la violence en devint presque « normale », la « barbarie » habituelle. Cette brutalisation des sociétés, ce sentiment d'injustice vécu par les soldats participèrent de la montée des périls dans l'Europe des années 30. Otto Dix nous interroge sur notre humanité. Qui sont les monstres ? Les soldats invalides ou les civils bien-portant qui détournent leurs yeux ? L'oeuvre de Dix va être en partie detruite par les nazis car elle montre la réalité de la guerre et le sort funèbre des aspirants « héros ». L' « art » fasciste et nazi mettront au contraire la violence en valeur, mythifiant les héros patriotes qui offrent leur force et leur cruauté au service de l'Allemagne, glorifiant la destruction, faisant de l'homme une machine, incitant à la négation totale de l'empathie pour le « faible », l' « imparfait », le sensible, le simplement humain.