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Josée Yvon Les laides otages à mon ami Bill (Burroughs) à Janet Kerouac et Jack Micheline pour le traveling-écriture américain et à Gena Rowlings (Une femme sous influence) et toutes les mortes-vivantes OTAGE n.m. (Ostage, 1080, aussi «logement, demeure»; de oste «hôte», les otages étant d'abord logés chez le souverain). Personne livrée ou reçue comme garantie de l'exécution d'une promesse, d'un traité (militaire ou politique). De l'éternité Tu seras Otage du temps PASTERNAK, Lettres à Maria Olga Ivinskaïa Difference between sanity and insanity is analogious to the points in the rainbow when one color begins and another ends. MELVILLE Mariées ou nonnes, patriciennes ou soubrettes, elles savent leur poste et revendiquent la création. GOLDONI Un bruit sourd Kâlisse guettait par le carreau, sa jaquette qui pendouillait ouverte. La grande Betty rugissait, à coups de poings féroces sur la matrone assommée; elle devint carnivore, lui arrachant les cheveux, à pleines mordées elle entama les joues et avec ses mains incroyables lui arracha complètement la mâchoire Kâlisse pissa sur le plancher froid Betty s'attaquait aux orbites de la vieille en gris avec «nul autre» instrument ... que ses longues mains, elle arrachait des lambeaux de chair sur la gisante déjà inanimée, elle lui mordait le cou en saccades, et elle coupait l'aorte, aspirant le sang, le recrachant avec dégoût son œil noir pendait exorbité au bout du nerf optique puis d'un coup sec furieux dément, Betty la décapita presque complètement Kâlisse courut se coucher dans le dortoir sous son lit. presque complètement Kâlisse courut se coucher dans le dortoir sous son lit. Kâlisse, elle s'appelle Triste, baptisée Tristanne aussi Treste-Anne mais le prénom avait glissé tout doucement comme elle, oui, s'était écoulé de sa vie sage dans de petits emplois puis l'acid de 67 et de bar en bar le speed de 70... et la junk. Son dernier hit remonte au jour de l'An: on l'a retrouvée démente et nue dans un coma laborieux. En fait elle avait toujours suivi, toujours cherché. Un grand voile l'emporte sans la secouer une existence trop ordinaire. «Nous sommes tuées par nos désirs, par nos sexes», dixit Marie-Thérèse. On refusait l'entrée de tous les clubs à Marie-Thérèse. Parfois les bouncers la traînaient en bas de longs escaliers. Elle se faisait battre parce qu'elle se promenait la poitrine nue. En prison sur trop de mescaline, ils l'ont menée chez les folles: elle portait de la laine d'acier en guise de boucles d'oreilles. Refusée. «La crevette», qu'ils l'appelaient, et bannie de partout. Son Southern Comfort trop violent faisait fuir et on la tirait hors du restaurant par les cheveux. Son repaire passait surtout par les jeux d'arcades, tolérée... enfin pas vraiment presque censurée. Dépendait des soirs. Les machines à boules brillent plein gaz, les canards s'excitent et à chaque coup des milliers de paillettes s'allument, flashent sur le chrome. La féerie éblouit; tout le luxe chic et flamboyant halluciné. Battue chez les hommes, reniée chez les butchs, Marie-Thérèse se réfugie chez les bums. Devant elle s'extasient des chérubins qui dansent avec une élégance invitante. Mais les machines se composent de papier mâché; le goudron dépasse du papier collé; le plancher de slutch dégoutte un jus noirâtre. Bosselés, amputés, castrés les pauvres engins gémissent encore quand on les heurte. Dans le noir quelques pitons encore mauve Indiana Jones où apparaissent les filtres à cigarettes et les gommes-ballounes entassées sur la fausse vitre. Des murs craquelés et jaunissants suinte cette fétide odeur de chasse-d'eau. Mais Marie-Thérèse cruise les deux adolescents morveux, elle ne voit plus leur pissante vulgarité. Jamais elle n'a craint le danger, elle le recherche. Invités chez elle ce soir de pleine lune, pour la rapace de quelques objets, ils l'éventrèrent aux tessons de bouteilles. Elle aura été la dernière à commander des «saucisses dégueulasses» au Sélect. Au-dessus régnait Têtra, la boss, la maîtresse, la femme aux mille pattes. Que savions-nous d'Elle, cette géante, cette super-intendante? Qu'elle vivait de barbituriques et qu'elle laissait faire? Stoned, elle enregistrait les plaintes en bas. Pour elle, les otages se tasseraient évidemment, puisqu'elle-même n'aimait plus la vie et qu'elle les gaverait de poulets bar-b-cues, de pizzas, de mets chinois: alors, comment peuvent exister les otages? Un simple mécontentement qui vous ravage jusqu'au bout du cœur? Et l'empirisme s'empoche la conscience. Dans le fond des bars ils finissent par se remplir difficilement. Et elle entendait la plus jeune surnommée «Kâlisse», parfois «Laide» ou «Laitte». Kâlisse criait: «Je ne veux pas sortir. Où irions-nous à part d'ici?» Têtra, la reine des fourmis rouges, gardait dans son aquarium une grosse chenille orangepoilue, flasque, obèse, couverte de pustules d'où dégouline un lait noirâtre. Facile de la capturer, tant son estomac blême mou l'empêchait d'avancer. Quelque mille ouvrières la transportèrent au nid. Toute la «wing» se rassemble, donne des électrochocs à l'infirmier qui a violé la petite Rosine Plating inconsciente. Les deux autres matrones, Gertrude et celle qu'elles surnommaient Guidoune sont alors facilement capturées. De l'âge du bonze frelatées au point de boire le formol qui garde le fœtus cette beauté qui ne s'écrit pas cherche encore la veine-maîtresse boit la strega sur la gerbe des communiantes étire la peau du silence. Rosine n'était malgré elle qu'une incantatrice sorcière ne portait que des brassières jaunies des corsets agrafés de graisse sous sa muqueuse sèche pensait qu'elle se massait avec de l'huile de rose d'hyacinthe, du musc alors qu'elle renversait le sirop à tousser. Mouvoir son corps comme la Chienne! peut-être des fruits, des fleurs, des balles ou des masques tombés comtesses, ménagères, courtisanes, boulangères, froissant toutes leur robe de satin noir et ces photos médiocres seront fusillées tous ces ridotti pendant que le restant de bois économise l'énergie. VENIMEUSES, ATTEINTES. Livides, nombreuses: Joni, Topaze, Saloppe, Alma qui suce toutte même les «pruneaux», Kathleen, CharlotteLina siamoises, Monday fille de calendrier, Lise «Capotée» Boudreau, la grande Christiane qui cherche encore son jupon noir, la Ferrée, Canuck qui ne sait que raconter «Peau d'Âne», et Nicole-Nympho et Courgette et Rosine Plating... et Betty l'émeutière qui renverse les comptoirs et qui, mordue au gros orteil par un rat, prend sa douche cinq fois par jour, se désinfecte constamment par peur du sida... Pendant que gît ce bonheur psychotique, l'extérieur n'est que symptôme de ganglions dissimulé qui se trompe: elles sont la vraie société, aussi pire, aussi malade, aussi vulnérable. Bébette-Barbara, America, Eileen Treunde la gymnastique de Marie-Thérèse et Treste-Laitte, toutes pauvres danseuses sur cette corde raide de la réputation de tout temps, comme si l'aptitude à bouger son corps allait de pair avec la légèreté des mœurs ... mais Miss Menken, Gertrude Menken, la gardienne déploguée, connaissait le pas du serpent depuis sa petite amie Verity chaude les pieds nus sur les crachats elle longeait les murs des maladies de peau rampait, quêtait et les insectes demeuraient le seul danger du porc salé, de la farine, du lard des fèves et du thé elle ne conservait malheureusement qu'une très faible histoire... Il y avait de la mort dans les grottes. «Déprivation»... seule l'horloge ne s'arrête... Nous vivions un temps où il fallait s'installer. Seule la rumeur touchait encore un peu. Solitude inadéquate, mais qu'importe ce pays bâtard, car invisibles étaient les marques sur nos corps absents. Ne saurais dire l'impact d'un désert si rude puisque j'en suis demeurée sans vie. Katkleen Coburn s'était terrée à la cave depuis cette longue pénible histoire incestueuse avec son père. La belle Katkleen s'est enroulée dans sa longue tresse et dans une couverture sale, et se jurait bien de se laisser mourir près de la suie de la grosse fournaise plutôt que de remonter son visage pâle au soleil. Elle aoûterait, un mois en avance comme l'érable de Norvège. Son cœur sue à rebours inacceptable et les rosées perlent de folies puisque morte quelle importance cette plage de motel aucune place pour les perdantes, les ouvreuses... Depuis le tribunal, tous savaient. Soudainement sa mère sans lui parler descendit à la cave et subrepticement, grimpa, s'accrocha, se pendit devant elle, rapide. Elle n'avait plus besoin de lui exprimer sa détresse et Katkleen ne comprendra plus jamais. Il paraît que les corps des suicidées flottent quelque part... et ne peuvent qu'onduler vers le plaisir vers les rosiers jaune orange, les lys, les odorantes et les papyrus... Celle qui fut comme sa sœur. Toute pensée est avant tout l'œuvre d'une existence singulière. Jacques LAVIGNE L'inquiétude humaine et les répétitions sont dessinées comme de vieux mantras. On laissa Miss Menken venir soigner les «deux cheurs» (surnom qu'on leur donnait) écorchées, Lina et Charlotte siamoises, parce que par paresse ou par peur, on n'a jamais voulu savoir si elles étaient une dans l'autre ou l'une dans deux! Miss Menken prit goût au vin qui coulait et à la pizza répandue. Elle ne voulait plus retourner dans la chambre matelassée elle se mit à danser sur la musique qui suintait de la petite radio de Rosine. Elle branche une autre fois les électro-chocs à l'infirmier qu'elle avait toujours détesté. Là-haut, Têtra riait d'un bon cœur, sur sa baie vitrée. Elle savait que Miss Menken ne resterait pas longtemps une «otage». Elle aimait trop «ses» filles. Bien que Saloppe la surveillait étroitement, barreau de lit à la main, Menken se mit à chanter et partit un pot-pourri que même Georgette dite Courgette entama dans son sommeil. Lise «Capotée» Boudreau continua avec un rigodon et Nicole entama un plain avec Joni. Bébette-Barbara débuta un strip-tease pendant qu'Eileen Treunde se mit en tête de tabarnaquer une volée à la dernière gardienne Pendant qu'à Papeete, Léontine drague dans une superbe robe à fleurs transparentes... Hélas, la peine amère qui nous ronge Pour le canoë naufragé, pour l'amie perdue. Ma précieuse plume de héron flotte sur le rivage de l'océan, Et la foudre du ciel salue la mort. Maintenant que tu as pris ce sentier glissant, Y a-t-il une autorité au monde? Puisque tu n'es plus rempart de ton peuple. L'oiseau qui chantait la sagesse s'est envolé, Désormais les femmes pleurent des ruisseaux de larmes. Ton corps gît dans son beau manteau, Mais ton esprit s'est enfui Ah! mon précieux bijou de jade vert, emblème des guerriers déchus Paolo Grossi, poète polynésien La bataille s'enfle dans le dortoir comme un ballon dirigeable. Elles meuglent. Monday bat Lise qui bat Rosine Plating qui hurle à travers les barreaux; elle prépare une bannière «Au secours» comme à Archambault. Lise se rabat sur Topaze qui déchire les jaquettes pendant que Alma-les-Pruneaux essaie de voler le jupon noir de la grande Christiane. Kâlisse pleure à sanglots fous terrifiés tandis que Katkleen Coburn se berce en chantonnant. Saloppe s'obstine avec Betty pour la direction des opérations. Joni la noire appelle sa maîtresse: «Mona, Mona!» comme si Mona pouvait l'entendre. Georgette dite Courgette casse le cou à toutes les poupées sur les lits, puis s'acharne sur le piano avec la suce des toilettes. Les robinets coulent, le sang gicle sur l'infirmier inconscient. Eileen Treunde fait des exercices de gymnastique et Bébette-Barbara fait l'amour à Nicole. Les dernières décorations poussiéreuses de la Saint-Valentin flottent encore, pleuvent sur la grande Christiane qui essaie de séparer les siamoises qui rient. Lina et Charlotte soudées, les yeux renversés ne sursautent même pas. Mais là-haut, Têtra rit à en pleurer en se versant un autre verre. Couchées sur le ciment les matelas tout éventrés et barricadés contre les fenêtres, toutes épuisées; suintait seulement un immense gémissement peut-être aussi quelques cris sauvages Alma-les-Pruneaux se mit à chanter le blues, un blues jamais entendu souffrance et joie mais aussi hystérie et le son dépassa le matin. Elles ont demandé du Bellini pour déjeuner et pris un verre devant l'odeur du cadavre. Topaze pratique son kung-fu, même si l'estomac lui craque; passe devant Betty et lui administre un coup de pied plein centre Betty voit rouge et frappe America-Susan qui hurle corrosive, comme patinée sur des aquatintes: le combat de la veille reprend au ralenti. Joni tremble en se faisant une rouleuse, elle réclame du pot, elle ricane, jacasse avec Lise «Capotée» Boudreau qu'elle déteste, ne peut s'arrêter de parler Eileen Treunde improvise un simulacre de tennis insensé. Kâlisse se cache dans l'émeute elle, la détestée, la mineure, l'enfant-chaloupe, la «Laitte» elle se tasse sur ce qu'elle croit des rochers à l'ombre sans sex-appeal. Maigre, trop grande, dans le vécu d'une autre, elle bourre sa brassière de kleenex, si parfaite qu'on la demande à danser à la salle paroissiale ou à jouer au Monopoly; elle faisait de la philatélie parce que les garçons lui donnaient des timbres. Courbée, gênée, elle finit par acheter «Like a Rolling Stone» au Miracle Mart et sa voisine-amiepianiste Danielle refusa de l'écouter. de la poudre compacte un pitt-bull en laisse très chic et la souffrance n'est pas la faiblesse «ce milieu-là» pour les fragiles ça les excite s'ils voient ta peur Le mal ça existe, tu comprends pas ça? Après les claques sur la gueule, Lise «Capotée» Boudreau se mit à danser avec Topaze, et Saloppe avec Monday. À danser, elles se souciaient peu de l'otage, «morte ou vive»: la vie continue. Têtra, tout en se versant sur son gros ventre, se mit à rire et monta le volume De s'enjouir de la mort n'est qu'un mauvais principe moraliste. Et la fête existe! Mais savaient-elles le soupçon de leur joie? Saloppe se mit à rédiger la liste des réclamations. Toutes hurlaient, ce qui ne réveillait pas Bébette-Barbara qui ronflait sous la table d'électro-chocs. Bébette-Barbara, gagnante même laide, celle qui a tout quitté, surtout l'amour, pour des tournées de strip-tease aux États-Unis. Jusqu'à ce que la mort envahisse tranquillement le quotidien. Et le jack-knife vers le pusher; son sang goûtait bon et la barmaid toute-puissante inventa un cocktail, le last-call sur sa pudeur et son immortalité. Elle vous reverra demain pour crosser les fils et la toilette coule, le téléphone sonne, le Yorkshire Terrier pisse sur le tapis. Les fenêtres se raréfient en ville, peu à peu et la mort à souhait, elle s'enlise dans le double-crossing, devient si vulnérable que le chagrin d'une amie l'emporte. Elle parle de 80 couches et de caisses de pots pour bébés en même temps que de son dernier tatou sur la fesse. La tournée, le métier. Hôtels, repas dans les cuisines avec le personnel et puis l'«entertainment», poussée par cette tapette chiante money-maker, une routine jusqu'aux petites heures pour les chauffeurs de trucks de lait, un lunch café-gin au «Cycle Sluts from Hell» avec les autres artisses au mascara coulant, pendant que les enfants passent pour l'école en se bousculant. Assise encore un autre matin avec ses ami-e-s aux joues creuses. Et puis: «Salut les boys, je vas crasher.» ... et cette encéphalite qui vint très vite... Lise «Capotée» Boudreau la réveille mais elle ne veut rien commander. Lise «Capotée» qui buvait en cachette depuis si longtemps et enfin ouvertement, elle s'est tirée au bout du champ de blé d'Inde, dans la boue, seule au bout de l'alcool, un demi-visage arraché, elle qui savait si bien monter le silo à grains; elle ne pouvait produire d'enfant; elle s'est manquée d'une escalade gauche et titanesque qui enflamma sa folie. La vie ne revient plus: son cœur bat trop fort, manque d'alcool et mal de cœur elle ne revenait plus, malade de boisson, vraiment malade de boisson. Monday, fille de porno, en fait elle s'appelait Janette, mais se choquait instantanément si on ne l'appelait pas Monday. Son personnage avait déjà vécu, il fallait le croire. Celle à la piscine en cœur, aux renards blancs frôlant le sol, celle à quatre pattes pour sucer les producteurs dans les bureaux, la Jayne Mansfield qui se laisse caresser sans fin dans la loge pendant qu'elle se maquille quelques barbituriques pour effacer sous les flashs le petit remords taché au fond du cœur comment se sortir de l'envie du rêve telle une statue elle pose encore comme une vedette, une étoile ou une star qui s'ennuie à la porte de l'hôtel en attendant la limousine. Un jour elle a mélangé le cognac avec le sirop, un coma délirant qui dure... elle ne croit plus à la pluie même si elle en dégoutte contre le mur où le ciel se safrane vie-erreur si petite soit-elle et pendant qu'elle pleure elle devient pieuvre des bois. elle ne se souvient plus de ce motel aux draps fanés sa brassière de cuir coulait de chocolat mâchait le ciment une fille qui ralentit ne s'arrête pas sur la poudre d'or qui couvre ses shiners et ne serait-ce que de ce talon cassé que la petite veut pour son chat terreuses de peur, gaz pur et violentes sur cet air d'espoir où le pire était vrai si nous nous perdions dans nos larmes qui dira que cette peur nous mène dans un terrain mou? Monday s'accoude épuisée sur la table à cartes, griffée, vomissant, jaquette en lambeaux, les cheveux collés dans la confiture qu'elle s'applique comme maquillage. Par terre à côté d'elle, Saloppe sanglote, avec sa carrure de femme de ménage elle essuie encore une défaite. Issue d'une solitude presque parfaite. Fleurs et cadeaux elle épouse cet individu absent et nerveux: trompée dans son premier amour, effrontément jusqu'aux gonorrhées, elle découvre le mépris. Servante de Monsieur à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, torcheuse, et courir au troisième dépanneur pour un cartoon de gitanes. Jamais un signe de satisfaction: «Trou puant!» «Grosse torche!» Elle lave le tas de vaisselle collante, le blender où flotte encore l'œuf et la banane il quitte négligemment, essuyant affairé le gruau qui dégoutte du coin de sa moustache elle se tient près du chauffe-eau comme un lampadaire elle regarde sa vie brisée, décousue entre ses doigts puis vint cet accouchement impersonnel et rude elle appuya fort sur la jugulaire du bébé comme on écrase une sauterelle verte se mit à hurler au restaurant du coin: «La cigale ayant chanté tout l'été» et criant: «Et bien chantez maintenant», commanda, mangea tout ce qu'elle n'avait jamais goûté. C'est ainsi qu'on la trouva. «Malade d'être si pauvre, la pauvreté me dégoûte!» dit Monday «it's creeping-crawling» des restrictions, toujours des restrictions le gris, la maladie finale, le désespoir constant encore plus insupportable que la pauvreté qui crie, parce qu'elle se tait, gémit et se cache du terminal tout gentiment, répressive, contrôle l'univers et sa plus précieuse caractéristique demeure de s'adapter à n'importe quoi même aux camps de concentration. «Moi Monday me suis rendue à une agence du Palais du Commerce, me suis perdue dans les couloirs, soit au bureau 319. Derrière une porte grillagée une grosse fille me fait attendre deux heures dans un salon assez chic, genre peluche rouge. Puis des photos sur tous les angles; c'est comme ça que j'ai commencé A cause d'une annonce. Et au pourcentage!» The Mass of women lead lifes of quiet desperation THOREAU Topaze a mis la radio au boutte et plein de coquerelles en sont sorties farce ou tragédie elle pratique son kung-fu plein gaz et Betty chante à tue-tête sous la douche et Topaze se tape une soupe chaude y trempant ses immenses cheveux couleur zircon une hippie putain jusqu'aux roulottes du Texas dans des bars «red-neck» de fermiers, de rodeo-men, de pushers, de drag queens plutôt amanchés, de chauffeurs de vannes évidemment, de gangs de bicycles, parfois sans bicycles, des musiciens, des hipsters. Quelques artistes ou des révolutionnaires... Et cette police qui trouve toujours un morceau, de la dope, un recel, un suçage dans les toilettes, et le propriétaire cajun avec son dossier heavy, ses trois cents livres c'est pas qu'ils le soupçonnaient mais le feu prit soudainement et ils accusèrent des patriotes fanatiques. Un surnom. Personne ne la connaît. America-Susan, son nom trop compliqué sous les cheveux de jais on dit que les Indiennes ne pleurent pas... America a tiré son beau-frère parce qu'il abusait d'elle et flagellée morte de sécheresse un tatouage en forme de serpent entre les seins elle sourit comme en rosière Topaze veut des patates frites, enfin elle veut faire des patates frites avec de la margarine, elle réclame aussi de la Stella Artois. Kâlisse trop jeune pour avoir déjà vu un cadavre, et il y a plein de vers dans la rue. Mais Têtra a peur du feu, déjà les cigarettes, les cigares... Topaze reçoit la bière et 24 casseaux de patates. Tant qu'à Saloppe, à grands cris, elle veut du spaghetti, mais personne ne sait comment elle a réussi à le vomir dans ses lunettes en plastique. Betty dit qu'elle n'est qu'une grosse larve qui n'a pas demandé à être, mais elle va en jouir, tant qu'à être là, et le plus facilement possible et se faire connaître tant qu'à y être Monday réclame du speed, elle dit qu'il faut s'en introduire dans le vagin la mort civile, la mort érotique, la mort intellectuelle, la mort déchirante. La grande Christiane a lâché son mari insipide de l'Association des consommateurs. Il écrit dans son agenda: mardi: retoucher la peinture verte mercredi: sortir les planches de la shed jeudi: appeler mon dentiste vendredi: prendre notes pour la réunion, souper, réunion, faire l'amour samedi: profiter des spéciaux de Super Carnaval, ranger mes archives, cinéma: revoir Tristana de Buñuel. Etc. Comme ça, deux ou trois semaines à l'avance. «Inquiète-toé pas Christiane, il n'y en aura ben un jour, un autre qui brisera pas ton cœur» lui répondait la Ferrée. La Ferrée, la sage, celle qu'on a isolée dans le mauvais département, celui réservé aux moins de trente ans. Eileen Treunde invisible, transparente malgré ses cheveux teints vert, fraîchement arrivée: elle avait peur qu'on voit au travers d'elle. Elle pleurait encore la mort de son amie Marie-Thérèse, faisait inlassablement de la gymnastique pour ne pas décompresser, disait-elle. Tant qu'à Bébette-Barbara, elle raconte son arrestation. Arrivée à la chambre d'hôtel, elle avait battu le client un peu sévèrement. Un gars doux, Maurice ou quelle chose comme ça, paletot de tweed. Ils avaient mangé des brochettes dans un restaurant italien, puis bu un vague rye au bar de l'hôtel Sheraton Centre. Dans la chambre, il avait exprimé le désir de recevoir des coups de ceinture mouillée. Tous les deux nus, Bébette-Barbara avait pris un malin plaisir à le faire souffrir. Elle transportait toujours un petit kit nécessaire pour ces cas: menottes, fouet portatif, ou à boules, bâillon et bonnes cordes. Elle le ficela bien dur dans l'encadrement de la toilette, et gicla la ceinture de toutes ses forces sans répit jusqu'à ce qu'il décharge. La boucle métallique faisait jaillir le sang comme un calmar qui jette son encre. La frénésie l'emportait et bien qu'évanoui, elle pense qu'elle a continué des heures, le rendant comme une loque en charpie. Elle ne fut pas retrouvée cette année-là et ne se rappelle plus combien elle en a tué ou blessé, pas pire que la grosse Denise qui suçait avec une lame à rasoir dans la bouche. Puisqu'ils le demandaient. Là-dessus, elle tabarnaque une bonne claque à Nicole la maudite nymphomane qui vient de ramper sous le lit des siamoises «les deux cheurs» pour la rejoindre Et elle se demande qu'est-ce que tous les gens peuvent bien faire le soir assis sur leurs balcons. Non il n'existait pas cet Émil, Joseph-Émil que Nicole racontait de long en large. Comment il l'amenait au cinéma, lui offrait des «banana split». Il aurait bientôt 34 ans et il ressemblerait vaguement à son voisin ou à Charles Bronson. Toutes les filles acquiesçaient, écoutaient, certaines disaient même le connaître, et Kâlisse devint très attentive. Les points d'interrogation ne tapent pas si à l'envers que ça, sur le super-ordinateur de Têtra, et surtout ils ne s'effacent pas. Et Nicole commande du sucre à la crème et offre de payer les ingrédients. La sinuosité porte sa marque et vient tuer tous les racoins du dessin. «Ton gros, quand il dort, est-ce qu'il a l'air d'un bébé?» «Il s'appelait Benny.» «Mais t'as dit t'à l'heure, qu'il s'appelait Émil-Joseph!» «Oh oui, c'est vrai, mais Benny c'était son surnom, il en avait toujours plein les poches des bennies, on en prenait tellement. C'était à se rouler par terre, il en échappait partout.» Et Nicole de se mettre à rire, démentielle. Et la grande Christiane de lui soulever la table en pleine face: «Je t'ai toujours vue faire la rue, t'as pas plus de mari que de crapaud dans ta baignoire. Encore que ça t'irait mieux!» Et voilà que la grande Christiane et Nicole se poignent par les cheveux. Nicole a tout reçu la sauce soya qui traînait depuis les mets chinois, et on dirait qu'elle est déjà sauvagement battue. La grande Christiane lui frappe la figure sur les barreaux à une dizaine de reprises et Nicole perd connaissance. Ça lui apprendra à conter des menteries, des histoires. Christiane est toutes griffes dehors, les autres se tassent ou s'en vont: c'est vraiment pas le temps de rester proche. Les mâles sont complètement absents et les femelles se reproduisent sans avoir été fécondées. PIERRE DE TONNANCOURT, entomologiste Têtra, grand papillon noir revêtue de mantilles blanches en polyester et de ses ailes repliables, versatiles linceul démoniaque à la Goya talons aiguilles et armature de fer pour un ventre plat pas de puérilité et encore moins d'innocence chienne mouillée, urinoir, évier couché, vieille poussière souriante si dure avec encore un «neet» d'épuration de silicone cheap elle se donne la syphilis infection de préservatifs le plastique se chauffe à Cleveland, Ohio, et une lésion ça n'infecte pas. Mais Têtra n'était qu'un ange supervisor amusé par ses marionnettes. Les otages n'avaient plus de mots. L'infirmier inconscient et Guidoune strappée en truie. Reste toujours la libération... Les «libérées» se libéreraient, exhumeraient tous leurs fantasmes. Et Têtra pense à les abandonner son parchemin devient douloureux Miss Menken s'occupe de tout maintenant comme si de rien n'était Miss Menken est devenue Edith Sitwell Saloppe demande un chaudron elle ne croit pas aux êtres humains Kâlisse a ôté ses mitaines, elle peut recommencer à se mutiler partout elle se gratte, se mord d'une façon tellement démente que son corps s'ouvre comme une plaie Betty l'attache, de lanières bien tendues de draps et Kâlisse regarde de ses yeux béats, pleure à petits coups, une vierge, mais à la regarder, elle aurait connu les grandes guerres, les corps mutilés, violés, tués. Les petites fesses continuent sans chandail phosphorescent le long des allées centrales la sensualité fume des trottoirs et Kâlisse a pensé: on ne fait pas sa vie dans un lit, dans une toilette, dans une maison mais fatiguée de courir, de se plaindre «au vent mauvais» elle a trouvé ce lit, cette toilette, cette maison elle voudrait dormir pour une éternité. Et le flux est parti tout d'un coup, l'a pliée en deux, ça coule de partout, ça glisse, ça sent la marde, elle est pleine, tout son corps se vide. La grande Christiane à côté en est pleine elle aussi, ça pue, ça coule, Christiane en riant glisse dedans. Un seul muscle, et tout est fait; Nicole veut masturber Kâlisse pendant qu'elle se vide de marde liquide, qu'elle nage dedans et glisse. Elle glisse dans la marde jusqu'au ventre, la face maculée. La grande Christine continue à boire le Bellini, elle boit mais elle en met partout, on dirait qu'elle fait exprès, elle crache dans son verre en plastique, elle boit, recrache, boit: on dirait que les cicatrices se mêlent aux larmes You are terrific when you are drunk. Les vecteurs de sa caresse d'acier répugnant comme un baiser de Clint Eastwood il y avait les autres sur la colline qui avaient mesuré seules ou avec des parents et en bas les 2½ étrangement compartimentés sans vouloir jouer le jeu des grands entrer dans les conflits de toutes les petites coopératives Tous les jours les deux eunuques à Têtra venaient chercher la liste des demandes et des besoins, faisaient le ménage et rapportaient tout ce qui était demandé. Personne ne leur parlait de toute façon; ils avaient peut-être aussi la langue coupée. Aujourd'hui, il fallait sortir le cadavre de la matrone décapitée: ça commençait à sentir l'enfer de la charogne. Mais toutes s'en foutaient. Les filles organisaient une disco pour ce soir: ça prendrait beaucoup de costumes et des disques. La petite Rosine Plating était si excitée qu'elle en vomissait sa nourriture. Puis elles désiraient des drinks old fashion, des zombies, du irish whiskey, des singapours, particulièrement tous les «long drinks». Têtra se tordait comme une grosse chenille ventrue et applaudissait comme l'endosseur en otage. On en vint aux canapés. Georgette dite Courgette voulait absolument les préparer et se battait avec Nicole-Nympho, disant qu'elle seule connaissait les bars. Le combat et les gros mots prirent fin quand les fameux canapés arrivèrent tout faits. Alors Nicole réclama des huîtres. Elles se mirent à boire très tôt, ce qui ne présageait rien de bon. Saloppe délire cauchemardesque horrible sa fille délire dans l'autre wagon et elle est perdue Elle ne peut rien faire pour elle hystérique, qu'ils disent, c'est pourquoi elle est si révoltée, oui. âtre ou antre on se retranche inconfortables, laides et malheureuses elles se dissolvent sans être transfuges altérées de désir consignées, minutées ce bizarre égarement pour manufacturer peut-être une bouffonnerie quelque chose a été artificiel et pour se travestir encore elles fantasment en habitudes pensionnaires d'ordre, de crachats, de cachot pour désinfecter la lessive qui colle Lise «Capotée» Boudreau voulait revivre entrer dans cette récréation criblée ou transpercée pour sceller ce défigurement Kâlisse de l'intrinsèque ravissement de son âme, se sentait un petit épagneul battu, atonique, débile et fautive les allergies lui rongeaient les bras, les chevilles, le dessous de ses petits seins mais une ténébreuse tentation se fomentait en elle le circuit convulsif sans revolver se chambardait graduellement en cataclysme doux. Et Kâlisse regarde Monday comme une super grande idole, tout ce dégagement dans sa façon de rire, de montrer son cul, de marcher comme la fin du monde, d'allumer sa cigarette; elle s'était tressé les cheveux comme la Bo Derek locale de cette fièvre qui brûle la dysenterie d'un pays de cette sorte dont on se souvient une heure après l'avoir rencontrée et Betty retourna prendre sa douche par peur de communiquer sa transpiration (Vive Tiny Tim!). Vie de carnaval de femmes pendant que Saloppe et Lise «Capotée» Boudreau installent un super-circuit de lumières de Noël, alternatif, double phosphorescence, triple stroboscope, psychédélique pour la Réparation sans Fin. Kâlisse ressentait une sourde souffrance qui la hérissait. Entre l'asile et l'abri, Katkleen Coburn ne bronche pas malgré Rosine Plating qui la chatouille, simagre, se trémousse en montrant sa petite rose des vents le jeu de jambes trop évident. Joni se berce dans son cauchemar de rêve local, dans la fenêtre Saint-Denis en bas de Dorchester. Passent des amoureuses, Joni a une «fixation» sur les amantes elle caresse son pénis noir qui se ratatine; a commencé les hormones, fils d'Hermès et d'Aphrodite dans la chambre jaunie au tapis si taché Joni divague. Il fait un soleil de cinq heures et il pleut en même temps: on dirait une neige fine. Elle s'étend sur le lit craquant mou, bientôt viendrait Mona sa douce protégée. Mona l'enfant-sourire, Mona l'enfant-rêve et demain elle lui tiendrait la main pour la grande opération, comme une petite sœur angélique. Non, elle ne pourrait pas lui tenir la main, pas dans la salle d'opération, mais au réveil elle verrait ses grands yeux tatoués d'école de réforme. Mona manquée, mais ses seize ans irréprochablement parfaits. Joni sniffe un peu de crack. Elle entendait tous ces robinets qui dégouttent dans toutes les cavernes de la rue. Elle soigne ses ongles, ses bijoux: elle serait bientôt complètement femelle, comme le souhaite Mona, oui la grande maîtresse noire qui l'entraînerait dans les tourbillons fous de sa magie. Hôpital Saint-Luc en face, l'escargot, la sangsue et le lombric, ces hermaphrodites; les étamines et le pistil grandissent ensemble pour regagner la hideur de ces lieux misérables. Être cet athlète parfait grand comme un hévéa et en même temps cette femme du soir vaporeuse en robe rouge à petites bretelles. Naître sans l'avoir voulu, et en plus avec un sexe non-interchangeable. Elle a rêvé d'être une fille. Et Mona ouvre sa brassière, cachant des noyaux de raisins et des livres et tous les travaux qu'on se donne pourtant il fallait des rites se peindre, attacher sa boucle d'oreille, etc. adéquate dans le noir? une compote d'oignons comme fer de lame pour y échapper peut-être. Ici la stabilité rit tapis de sueur de sang une dernière vielle lacération paroxystique. Délinquante de droit commun se donne un lavement avec des reliques pour le mobile et les issues. À l'infirmier qui s'est réveillé, Saloppe administre d'autres électro-chocs. Elle ne désire pas de costume, se sent bien dans sa salopette pleine de trous de cigarettes. Rosine Plating veut une petite jupe en polyester, comme celle qu'elle avait déjà eue enfant, mais son tour de taille trop plein l'oblige à une robe genre plutôt sac. Bébette-Barbara se met à faire un récital de ses chansons de club, délirant, tout croche, avec des imitations. Les siamoises se masturbent presque constamment, en se berçant: deux têtes, deux bras, deux jambes et une petite ouverture entre. Monday se pavane en vraie star de cinéma. Dans la grosse poubelle, Nicole-Nympho a brûlé toutes les jaquettes, sauf pour Lina et Charlotte: un peu difficiles, toutes nues, elles réclament des habits farfelus. Saloppe leur a cependant commandé de petits souliers italiens fins. Seule Kâlisse veut garder sa jaquette et la Ferrée veut des bottines. La soirée disco fut des plus éprouvantes. Monday avait mis tellement de make-up qu'elle ressemblait à une momie. Rosine Plating complètement saoule renvoyait partout. Lise «Capotée» Boudreau essayait un twist dépassé, son gin à la main. Nicole-Nue dansait un plain avec Saloppe. Betty était accoudée les yeux complètement renversés dans une crinoline noire transparente. Malgré le bruit d'enfer, America-Susan dormait. Lina et Charlotte battaient des mains à tout rompre. Topaze avait obtenu une tambourine. Miss Menken essayait son pas du serpent sur un cha-cha. Bébette-Barbara faisait le disc-jockey pendant qu'Eileen Treunde continuait ses exercices de gymnastique et que la Ferrée buvait dru dans un coin. Alma-les-Pruneaux ronflait et la grande Christiane avait concocté un punch «fruits et retsina» avec de l'alcool 94 %, ce qui acheva celles à peu près encore debout. La grande Christiane dans son jupon noir avalait des pilules que c'en était épeurant. Par poignées de dix, elle avait commandé tout un attirail. Elle avait dit qu'elle mélangerait le meilleur des cocktails. Au matin, il y avait des corps de femmes étendus un peu partout, la radio jouait encore, la disc-jockey s'était fatiguée... Une commande d'aspirine. Toutes cherchaient un coke, ou un petit remontant, vite. On s'aperçut que le corps de la grande Christiane était glacé. Alma-les-Pruneaux s'empressa de lui voler son jupon noir. Et Christiane prit le chemin de la morgue d'en bas dans une couverture grise: overdose de pilules et d'alcool. La grande Christiane qui avait été la reine de l'underground montréalais. Elle les connaissait bien les nuits de l'underground. Pionnière de toutes les boîtes, de la Paloma, à la Hutte suisse, du Chat noir à la Casa espagnole. Qui ne connaissait la grande Christiane, jusqu'au petit matin, immanquable, grasseyant avec son sourire un peu croche, la bouche en coin. Figure de proue des nuits interdites, elle avait bu sa grosse bière, fumé son joint, pris son acid avec toutes ces mêmes figures qui hantaient nos bars illicites. Elle était connue, la grande Christiane, et aimée: ça prendrait des funérailles sur les petites nappes rouges qu'elle a presque brûlées. Et combien de lavages d'estomac pour ces petites pilules qu'elle adorait. Elle a bien roulé sa bosse de nuit, mais pas n'importe où avec n'importe qui, n'importe comment. Betty trop de l'est Betty, de Berthe-Rose-Délima, sa mère, de sa chambre en biais regarde la boulangerie se convertir, s'agrandir. Depuis la mort du grand-père Théodore, on transforme le petit écueil de magasin, toute son enfance dans la Salaison Montréal. Finies les tartes de la tante Malice et l'immense comptoir gélatineux fantastechnicolor des bonbons à la cenne, les cornets à la napolitaine, dans l'odeur du pains frais. Toute la famille avait gagné la paroisse Immaculée-Conception: «Il y a moins de bums», répétaient-ils. Elle seule avait loué une petite chambre face à l'ancienne boulangerie et l'on peinturait maintenant en grosses lettres rouges sur le ciment du trottoir «Salaison Montréal». Fille de convenance, Betty n'acceptait ni la pointure ni la hauteur du talon du soulier. Alignait son cœur sur le balcon. Son petit lézard enchaîné au vieux frigidaire mort, les cordes à linge grincent, les chiens jappent. La grosse Suzie au premier, toute, toute tatouée de Tanguay, vient de donner un coup de pelle à son beau-frère, le soleil se lève dans la buée de la rue Ontario. La petite Betty se réconforte dans ses matins dodus et cette araignée qui descend, non elle ne la tuera pas, signe de malheur. Nonchalamment, elle échappe son verre sur la galerie. Le vieux Émile qui y dort, crie: - Vas-tu les ramasser tes jouets? Betty répond: Pis toé, la marde de tes chiens? «Je te l'enverrai par la malle», et il se rendort sur sa chaise en arborite, d'où coule la bouteille de cidre. Betty surveille les nuages, les lavages, le poudrage, les colibris à l'aile blessée, le caniche avec ses vers intestinaux. Les premiers chars commencent à péter. Betty change de fenêtre en attendant le dépanneur «Regul», toujours la première cliente, le Bellini pour Mademoiselle. À peu près temps, deux grosses shots, une cigarette; elle craint la journée qui s'annonce. Passe la vieille Rose, la conversation niaise: elle attend Shoof qui ouvre la Taverne Belhumeur. Quelques vieux déjà, sur les bancs, les premiers autobus. Betty amène son Pomme-à-Rien (poméranien) sur le balcon. Peut-être qu'ils vont encore lui livrer La Presse par erreur à matin. La peur la serre tellement qu'elle cale toute la bouteille. Elle respire. Betty a l'âme à sec. Peur morbide de l'agent du Bien-Être: M'ame Lavigne, M. Barbeau, M. Ernest, l'autre qui ressemble à Lucifer, Brousseau, Bonhomme, tant d'années de crainte... aussi les comptes pas payés, le téléphone condamné: elle se terre... l'heure du parfum se versant une bière, elle lave l'assiette d'hier. La pauvreté agresse telle la poussière du gyproc. vert-de-gris de poudre, cherche le tournevis pour fixer le toaster, mais rien n'a été déballé depuis tellement longtemps... et si la spatule casse, elle grattera la poêle avec l'économe. Puisqu'elle est déjà voûtée comme un mandarin, pourquoi pas nettoyer avec une garcette? couvre son lit, une bien faible routine, connue elle laisse sa porte entrouverte, descend sur ses longues jambes et ses bas en filet, chicane les enfants qui passent pour la garderie au mégahertz, jase un peu en regardant les petits totons blancs de la vendeuse de souliers à rabais qui lui promet de lui trouver quelque chose. Un bond au «pet shop», vie ordonnée, nette, incertaine. Non pas la Taverne Belhumeur à matin, plutôt la Taverne du Faubourg, lire le journal avec le facteur axée sur le vide un petit drink apéritif à la Brassette Panet avant la rituelle soupe chez Joe's Pizzeria. Puis quelques heures à la Brassade en têtant un bock pour regarder la vue américaine «télévision payante» sur écran géant. On est loin des boisés sauvages de la Rivière-des-Prairies. Une dernière à la Champlain, et la shot à la Brasserie Delorimier où avec son corps agile de 28 ans, elle suce le waiter quotidiennement, le «vide» comme il dit, et parfois quelques-uns de ses amis. L'amour évaporé, bouche pleine de glands circoncis. Depuis le soir de l'Épiphanie, elle marque à la craie près de son lit le nombre de fois... Elle a bien fait de suivre des cours de mime et d'expression corporelle: elle se paiera encore sa bouteille pour la nuit. À 4 heures, elle revient allègrement par la ruelle «ils» ne viendront plus, pas ce soir, ni pour la fin de semaine! elle laisserait même la porte ouverte. La fenêtre flashe l'enseigne de Molson, bleu rouge, rouge bleu, bleu rouge, rouge, rouge bleu, comme un mantra, le rouge flamboie tellement qu'elle sort nu-pieds jusqu'à Dorchester pour voir les pompiers. Il n'y avait rien qu'un mince filet de rue au fond d'une cour sale et ses néons pas catholiques. Cette fois juillet brûlait les pieds; l'étouffement des poêles gaz avait cessé. Elle ne jurerait que par la prudence et l'extincteur s'est déchargé par défaut. Le chat Philomène se roule d'une extase si peu galvanisée, non elle ne pleurerait pas mais la rage avait pénétré son corps par tous les petits pores et l'enflammait peu à peu comme le Stromboli. Et toutes les nuits elle guette, assise à la fenêtre, le bruit ralentir, le People's s'éteindre, l'arcade qui flashe de toutes ses motos jusqu'au «Montréal Tchopper», les stroboscopes de l'arcade, ses «star wars» et le Tatouage du Québec avec sa panthère illuminée, le Rock Machine, l'affiche démesurée du Roi du Matelas d'un jaune mordant qui scande, qui scande. Il traîne encore quelques putains devant l'enseigne et ses cadrages sanglants. Quelques pushers avachis. Les itinérantes s'engouffrent dans l'entrée du Club des Vétérans en gougounes de phentex. Celui qu'elles appellent «le Caporal» les chasse avec sa jambe de métal et sa béquille. Les vociférations, les rugissements montent, des bonds, des hurlements, des bousculades, des gifles, des cris, des insultes, des prières et des coups elles crachent, lancent des cochonneries dans sa vitre et finalement vont se réfugier dans l'entrée de la lingerie «Grosse Grandeur». Betty ne sait plus tenir sa chambre dans son maigre itinéraire, son territoire de mandala; elle rentre avec deux poireaux, sa bouteille, son linge sale. Les quatre pharmacies la guettent; elle ne tient plus (serax, dalmane, libriums, ativans), la cirrhose l'envahit, elle ne dort plus ils l'ont amenée, elle si forte, si dure, elle volait des débarbouillettes au People's parce qu'elle avait chié sur la rue et personne n'est venu la propriétaire mal payée raconte des énormités: Betty garde un singe, des perroquets, chiens et chats, elle hurle tôt le matin: des douleurs rhumatismales. Que faisons-nous pour les blessées et les néons se rallument devant l'angoisse et la télévision. La fameuse Salaison a brûlé au ras du sol pour se relocaliser en face plus aucune trace de peinture rouge sur le ciment noirci. Le Jeu des otages Wir sind ein wenig frei. WAGNER, Die Meistersinger, dans la bouche de Hans Sachs Comme un fer-angle Pauvre Kâlisse, moins poignante qu'un accent étranger manipulée tu seras tu sens déjà l'ennui et le malheur qui a pensé parler d'une femme! et tu traîneras ton carosse en parka avec tes quatre commissions dans la neige fondante et l'imbroglio tu ne sauras jamais te maquiller tu verras les pleurs des petites les invectives et une prochaine bouchée de pilules Bébette-Barbara, à Haight-Ashbury à 15 ans, sans papiers ni argent ni pilules contraceptives: seule avec son centre optique. Les jours d'Halcyon: elle déclare, aujourd'hui la guerre des alcyons: elle dansait nue dans le parc, couchait avec toutes les filles, tous les gars: le pouvoir du Flower People... Dormait n'importe où, heureuse, stoned et belle. Son body-painting phosphorescent illuminait cette réalité si évanescente. L'acid se lançait, se donnait, on se l'avalait sur la langue, les cheveux tressés de fleurs. Tout à coup elle se réveilla malade: les petites roses avaient fui, l'acid manquait: tout avait fui. Le sombre nuage des Hell's d'automne planait: est-ce l'amour qui avait fui ou le harpon qui se resserrait? Il fallait payer et chèrement. Elle dansait seule, dans un «pad» devant quelques vieux et on lui disait: «Tu es belle Cheetah.» Elle est partie sur le premier bicycle avec le premier gangster... elle tombait dans les bleus. Les Diggers ont fait main basse... Et puis Bébette-Barbara ne veut plus parler. Trop drôle: Nicole et Rosine décident de chatouiller Guidoune, qui, suppliante, demande un peu de cognac. Bébette-Barbara cassée bégaye «Seconal» et elle se rendort: elle n'a plus besoin de se déguiser, de mettre du make-up sur ses cuisses brûlées aux cigarettes et descendre, descendre, descendre... la petite Rosine Plating sourit de son hébétement triste, se cache derrière les portes. Elle se met à danser le twist et avec ses yeux qui louchent elle semblerait encore amoureuse de l'infirmier... Elle aime aussi les hommes de ménage, qu'on ne voit plus... Munie de gros seins, tous ses frères ont «passé» sur elle, dessus elle dans le logement trois pièces et ses deux divans-lits pour sept personnes, plus que promiscuité, où l'on dormait à tour de rôle. Les religieuses voulaient la faire stériliser. Mais elle s'est sauvée la nuit. La fin de semaine, elle entendait des sirènes dans l'hôpital et se cachait encore plus profond. De dessous les corps entassés qui grommelaient d'un demi-sommeil ivre. Nicole-Nympho suçait Bébette-Barbara qui éveillée agrippait America-Susan. Elles ne sont pas nées sur le même bord de la planète, ça va être long avant que leur race s'éteigne. Betty boit démesurément, boit démesurément. De ses grands bras, elle harangue le pavillon comme si c'était la terre entière. Elle est bien accotée par Saloppe et Topaze. Tant qu'à Monday, elle a découvert l'armoire à Thorazine et conserve ce secret bien pour elle. Eileen Treunde fait sa gymnastique et de grosses larmes roulent sur ses joues quand elle pense à sa pauvre petite Marie-Thérèse, éventrée comme un faisan sauvage et ses sanglots redoublent. Nicole-Nympho suce Lise «Capotée» Boudreau qui commence à y prendre plaisir. Rosine Plating et Kâlisse dansent sur de la musique évidemment trop forte. Alma-les-Pruneaux découpe des revues avec des petits ciseaux comme une enfant: on dirait qu'elle n'en a jamais vues... Elles avaient toutes deux l'idée de faire un dépanneur. Joni prie pour sa Mona qu'elle ne reverra jamais. Le plan bien médité: le livreur quittait à dix heures et la vieille se retirait chez elle en haut. Elle connaissait bien Joni, c'est pourquoi celle-ci avait l'intention de la tuer. Un petit dépanneur de fond de rue, médiocre et décadent qui fructifie un peu le jour et où presque personne ne passe le soir. Un petit coin lugubre où la vieille allait bientôt mourir; la porte verrouillée et la propriétaire qui vérifie ses frigidaires avant de monter à sa chambre par l'escalier intérieur. Quand elle aperçut la carrure de Joni à travers la porte, elle sortit machinalement ses clefs et en bonne avaricieuse calcula une dernière commande de «booze». Joni tira, la balle ricocha et sans le vouloir tua son amour: elle abattit sa petite amie Mona. Lise «Capotée» Boudreau, Bébette-Barbara, Eileen Treunde, Saloppe font des plans pour remplir la petite cour de fleurs. Joni dit que c'est inutile: «C'est mieux comme ça: les grilles, les barreaux puis les bancs. Des fleurs, des fleurs, j'aime pas ça les fleurs, ça nous emmerde, suppose qu'il faut les planter, les arroser. Voulez-vous des arbres avec ça?» «Toi Joni, ça paraît que t'es transexuelle, une tête d'homme dans un corps de femme! pis une négresse en plus! T'avais rien qu'à pas tuer ta blonde!» Joni empoigne Bébette-Barbara par ses longs cheveux, lui crisse la face dans le grillage, puis continue à la battre de ses muscles déliés. Une volée féroce, comme lorsqu'on atteint quelqu'une en plein cœur. Bébette-Barbara se relève pleine de sang, toute tuméfiée, court aux toilettes en pleurant. «Ben bon pour elle, dit Joni, pis je m'en crisse de vos maudits arbustes.» Et elle rentre fumer sa cigarette sur son lit dans sa pose habituelle. La commande avait été exhorbitante: des pétunias en cascade, des lobélies, géraniums, des lierres, des capucines, fuchsias, bégonias, balsamines, impatientes, asters, œillets d'Inde, zinias, dahlias, asperges, des browallies, plox, némésias, des tagètes, alyssums, pourpiers, thum-gergies, mufliers, céloses plumeuses, kochias, cinéraires, calendulas, des nicotines, des fougères pied-de-lapin et des lierres-kangourou. Un flacon d'Equanil Joni s'arrête à tous les coins de rue saluer une amie, une ancienne barmaid ou pour pogner une bonne bataille pour les travesties, le «e» muet n'existe pas, il est omniprésent et l'emporte sur le masculin. Et Léontine, au Bounty, le club pédé de Papeete Hao, l'atoll de la région avec ses pantalons éléphant, ses mocassins blancs, chemise légère et une belle sacoche ce que l'on ne connaît pas fait peur polarise vers la fascination du danger enchevêtrements de poignards la misère vis-à-vis du crime et la puissance du calme Flattée de la sucer dans un ascenseur dans un camion peut-être de t'exhiber de velours grenat de parfum de perdition ou l'idée de déchoir le neutre, anglais ou allemand demeure travesti tissé sur la monstruosité sexuelle de l'écriture élégance et raffinement dans la peau pas de jeans serrés pour montrer ses fesses «La prostitution, ça s'apprend comme le reste...» Kâlisse est en admiration devant Monday, lui embrasserait les pieds; elle la suit et imite chacun de ses gestes de vamp. Monday se maquille, se coiffe dès l'aube et l'opération continue, dure tout l'avant-midi: elle n'a plus besoin de cacher ses crayons dans ses pantoufles et dans son oreiller la nuit: elle possède maintenant tout un kit. Kâlisse observe mais n'ose pas lui parler. Quant à la soirée, Monday la passe entièrement au démaquillage. Betty prend toujours sa douche cinq fois par jour: elle a peur de la contamination, comme Tiny Tim. Elle nettoie tout ce qui l'entoure comme un raton-laveur. Le pire fut quand Topaze décida de faire entrer un singe-écureuil. Puis ce fut America-Susan qui réclama un chien, Monday un chat angora, BébetteBarbara un perroquet, Nicole-Nympho tenait une tarentule dans ses cheveux et la salle fut bientôt envahie par une dizaine de chats. Betty qui adorait les animaux, ne pouvait par contre pas supporter ceux des autres, et c'est à grands coups de pieds que cette ménagerie chiait partout. Rosine Plating gardait des lapins et des cochons d'Inde. Lise «Capotée» Boudreau voulait un canard, comme celui qui la suivait partout et que son père avait tué. Alma-les-Pruneaux déménagea son lit dans le coin le plus reculé: elle détestait tout ce qui bouge. Elle ne se souvenait même pas quelle avait été sa vie, avec quels hommes elle l'avait partagée; ils se ressemblaient tous, ils se confondaient et elle continuait à ramasser les mégots. Lina et Charlotte, folles d'ébahissement: «Treblinka... Treblinka... Treblinka...». Elles se balançaient dans cette grosse berceuse à cœur joie, essayant de tout attraper d'un tel bonheur. Têtra pleura de rire et se tortilla sur tous les angles, quand Joni demanda un petit cochon. Georgette, dite Courgette, a complètement décrissé le piano. Elle veut manger les touches. Maudit vieux piano auquel on l'a si souvent menottée. Les touches revolent comme des colombes autant étouffées et elle rit démentielle, saccageant, piétinant, ensuite elle est allée s'ébouillanter les mains au lavabo. Elle ignore que son mari l'attend, celui qui pratiquait l'alcoolisme avec elle. Si seule. «Loose her mind?» Courgette tous les matins allait chercher deux grosses bières tablette dans son vieux manteau beige qui date et date, qu'elle porte même l'été. La maladie, la démolition ont eu raison d'elle: elle ne sait plus rien et se prostre. Automate, personne n'en sait rien. Comme Duchamp avait raison à propos du «clandestin» la fleur de rose ou la marchandise de ses longs doigts elle parlait continuellement aux cannettes vides Joni avait perdu son peigne afro et elle est loin sa Mona, sa John comme elle dit, et brisée de dope elle se demande si elle a déjà existé. Si ce n'est au cinéma. De fait elle ressemble à la voisine. Elle s'appelle comme une princesse. Mais elle tombe dans la misère, la dépendance, l'industrie, l'impromptu volontaire et pour elle impossible de se taire et Saloppe de dire: «Il avait les tempes sculptées en trois étages bien comme il faut.» Eileen Treunde parle de sa Marie-Thérèse qui n'aimait pas le cinéma de répertoire: «C'est trop clean-cut.» America dans son langage qu'on ne comprend pas voit défiler les chevilles si fines des chevaux, America, fade décor de cactus courant vers un renouveau devant la porte barricadée celle qui n'a pas de nom l'innocence de naissance devant les grillages des «machos repentis» elle sait encore dire non elle porte toujours son matricule manifeste otage attention à celles qui ont souffert pour ceux qui croient que le pardon s'adopte il n'y a pas de rancune plus longue que celle tissée au cœur d'une Indienne. Tel le Diotis, petite fleur de Bretagne linge rouillé comme clou loin de jouer «España» miettes désabusées si seulement les anges existaient dans l'Ouest américain vendanges de fleurs aux tomates elle sombre sous un piment demi-fort on lui a sucé le cœur pour le renvoyer au monde guetteuse indienne comme les aimants sucrés. Il faut quitter, toujours quitter pour rester en vie le contraire de la Belle au Bois dormant il faut partir, continuer briser ces petits heurts de fracture ne pas se retourner à moins qu'on en soit incapable... ON NE SAIT PAS ENCORE POURQUOI ON MEURT ALORS POURQUOI SAURAIT-ON POURQUOI ON TUE? Tu te réveilles un autre lundi: ton muffler est volé tu téléphones, tu reviens, c'est ton char qui a disparu! le pire, c'était celui de ton meilleur ami And you realize «You need a tune-up babe» une gazelle sans rides rends-toi désirable tu la gagneras... peut-être No leader can survive being a legend F. F. COPPOLA Un junkie a assommé Alma-les-Pruneaux, a volé sa maigre pitance, et les policiers connaissent trop bien la blessée, cette artiste de la rue, lui ont administré le commun dénominateur: désormais elle ne nuira plus. Mais elle restait incapable de raconter sans mentir, de parler sans fabuler: jamais exactement la vérité. Les arbustes: personne ne connaissait de nom d'arbuste, alors on s'en passerait. De toute façon, la cour devint un écheveau de fleurs tellement dense qu'on ne pouvait plus jouer au jeu de poches. Et Bébette-Barbara pleure au Motel Diplomat entre le bain tourbillon et le lit rond. Elle ne voit rien entre tous ces miroirs autour, au-dessus. En réflexion, donnez-lui la paix, au moins le mystère. Elle pense à se sauver par le balcon: paranoïa la guette. Dessous la discothèque hurle, on se bat dans le parking et le sang des chars à gaz monte comme un ravage. Elle ouvre tous les robinets et essaie de se noyer dans les serviettes. C'est Noël et elle se souvient de tous les Noëls sans excitation et cesse de regarder au dehors, laisse tomber le rideau. Manipulée Big Times Bruise. Elle attend toujours le héros, descend tranquillement, boite sur les papiers dans la slutch, elle n'a pas la valeur, la rentabilité des autres, qu'elle croit: un problème de distribution. Finalement pourquoi gagner, elle se rendra de guerre lasse. Elle fait la rue Ontario, il y a longtemps qu'elle est sortie du roman bourgeois, et pourtant elle sait, elle voit mais n'a plus envie de rien dire et il y a soudain les enfants fous et ce petit vieux de sa taverne qui l'embrasse comme se sœur et la dépression devient férocité. On les appelait «les deux cheurs». Lina et Charlotte se tenaient la douce main sans savoir qui serrait l'une ou l'autre. «Don't arch, don't arch» criait Eileen Treunde. Saloppe sanglote de plus en plus: la thérapie Cameron, du nom du Dr Ewen Cameron et la CIA-brain washing Experiments efface peu à peu la mémoire, rend infantile incontinent, presque aveugle. Au Royal Victoria, un presbytérien écossais lui a administré le sodium amytal, il l'a mesmérisée comme au Cointreau et au LSD... Elle imagine qu'un homme lui suce les orteils au supermarché et depuis lors elle ne cesse de s'arroser. Joni cherche une rouleuse et du papier Export. Les yeux de Kâlisse surgissent du sombre, pleurent: elle veut soigner les animaux, elle n'a jamais su se déshabiller. Elle exige des papillons. Elles étaient si seules, bien sûr comme les saules pleureurs. Peu importe Lina et Charlotte aiment beaucoup ce genre de solitude. Un peu jeunes, à part la Ferrée (on avait dû manquer de lits dans l'autre département), Lina et Charlotte comprenaient pourtant toute cette singerie qui se trompait de travail. «Ça fait chier! Ça fait chier!» «Soucoupe! Soucoupe!» Leur amusement, un rire continuel. Elles s'amusent tellement. Quel était cet endroit? Même pas une école de redressement ou une prison ou un hôpital! Peut-être un nouvel habitat? un bordel? Elles regardent Rock Hudson sur la tévé plastique couleur et rient. Qui est dans le cerveau de l'autre? et Betty crie: «La violence pour la délinquance!» et leurs mains applaudissent à tout rompre. Elles réclament du sucre à la crème. Elles ne sauront jamais dans quel escalier elles subsistent: «Est-ce qu'on peut avoir du fudge?» Et elle rit, elle rit; toutes la regardent presque en pleurant. Betty drue comme un chêne turc, râblée, puissante, impose la discipline dans la garderie. Toutes les pauvres comme toi exercent le commerce des larmes, saignent et puent d'une bâtardise qu'on ne croit même plus à cette solitude. Les pleurs de femmes, des amis sur tes épaules battues, pendant que tu regardes au travers des cellules, au-delà du large... Des enfants roses, des filles de rue, des super-women qui ne se cassent jamais la jambe, des fées-duchesses du cœur, des amoureuses blessées: la pire des trahisons et cette âme qui traîne les canaux, flotte comme un rognon pas encore épluché. Sur un seul palier, qui aurait pu crier l'immolation du sang et du poisson? La peau seule au grand vent a cintré ta blouse et qui, où, comment? Monday, reine de porno, fille de calendrier, retouche son maquillage. Et Kâlisse-Tristessa ne se maquille jamais sur la vie brisée, ne saura pas, les orteils collés dans le manger malade un pauvre pigeon un oreiller entre les deux cuisses et maître-pauvre s'incruste, hésite à faire nettoyer son vieux manteau d'hiver. Tout ce qui déteint ne revient jamais. Ne serait-ce que le faisceau lumineux de ses jambes les couples connaissent une même qualité de désespoir des insectes dans un vivarium, chances en main pour cette bagarre et les fourmis rouges ont crevé leur entrepôt, elles se reproduisent se répandent partout dans les cartons de pizzas elles avaient des lettres gravées dans leur sang de moutarde chient, se procurent du Chicken Soo Guy. Qu'est-ce qu'il y avait tant à faire? Avec au-dehors la Menterie l'argent, les pushers, encore les pénis mous ratatinés jaunes, la moquerie, la graisse des hanches, la conduite à tenir. Ici au moins, pensait Kâlisse, les lucioles du rire passaient parfois. On était pour s'abriter selon les plans de Betty, dans une mosquée parfaite dans la cour qui donnait sur le dortoir et Topaze est tellement sur les bennies avec Saloppe et Miss Menken. Maintenant elles construisent les plans les plus fous. La mosquée ressemblerait à une synagogue où éclateraient des physiques éblouissants. Rosine Plating en étouffe de joie et réclame d'essayer le cigare et aussi du Saint-Emilion dont elle a déjà entendu parler. Eileen Treunde voudrait faire réincarner sa petite Marie-Thérèse éventrée, sa protégée, mais il semble que ce soit la seule idée impossible à réaliser. Elle l'avait bien couverte de son aura spectaculaire: une fissure s'est produite. Watch her cooking! elles travaillaient la tendresse sans le savoir dessinaient de la main gauche au crayon à mine et ce moto de Lina-Charlotte: «Ça va chier! Ça va faire chier! Ça va faire chier!» à tout propos, si répétitif que les filles ne riaient plus. Les siamoises avaient deux bouches, deux bras, deux jambes et exactement synchronisées, elles criaient à l'unisson. Fortes et costaudes, enfin comme deux, pas faciles à bâillonner. La télévision grésille entre deux postes zébrés et Saloppe regarde fixée avec ébahissement. Elle a des caractères burinés à l'intérieur d'elle-même, inscrits à l'encre de Chine avec son sang menstruel. Georgette dite Courgette pique une crise; elle ne veut pas d'un oreiller en couleur: elle ne veut pas rêver, dit-elle, la salive sèche sur ses lèvres crevassées comme les croûtes jaunes sous ses aisselles; aujourd'hui on boira décida Joni. Rosine bat des mains. Betty allongée sur deux lits qu'elle s'approprie crache par terre. Ouais avec du bicarbonate de soude, elle déclare la journée de l'Halcyon et Bébette-Barbara se réveille: «Moé chu pas un trou de cul.» «Je viens pour la mort» un peu pute, un peu juive, un peu arabe, tout à fait illégale dans les marges de sa vie les serpents mouvant les franges de son châle des échappées il s'agit de déranger l'horreur du voyage strombe les oreilles le dyachilon sur la narine blessée les rails décrochent les boucles des ceintures comme un garçon laid se clippe les ongles des orteils de si proche et de si loin aux sacs verts sur le bol de toilettes de quoi parler à part des Basses Laurentides et pleure encore la taïga le whiskey apporté à la garderie «Mort subite», une bonne marque de bière boule de flippers! une vieille de 45 ans lave la vaisselle tue du regard comme un peuple d'avion elle parlait d'aliments naturels comme en 1960 psychédéliques «Mort subite», une bonne marque de ale Mona dort tandis que Joni étire sa cigarette sous ses lunettes fumées. Dehors la rue Saint-Denis s'agite au soleil de robineux, de beaux petits couples; une police ramasse un quêteux écrasé le nez en sang gueulant, il tonitrue et empile excessivement de bruit. Le jazz crie en plein matin, Joni enlève ses lunettes soleil, éteint sa cigarette sur la porte rouge, le disque de Janis vient de se briser. Rue Gauthier, elle vend de porte en porte la crème «Cruelle» comme Valérie Perrine le plus souvent couchée au goof de muscles indécents d'une madone noire Saloppe saute comme une grosse gazelle, ses jeans sont déchirés pleins de trous de cigarettes, le zipper ne monte pas sur ses bourrelets, sort un paquet de poils hirsutes il y a autant de rides dans sa face que dans ses culottes avec des taches, des spots engravée comme une planche à dessins avec ses bas dépareillés, elle marche sur ses pantalons trop longs et elle danse et monte la radio Rosine Plating ramasse encore toutes les boîtes des pizzas et les cartons des commandes, si bien que Lise «Capotée» Boudreau l'aide à s'installer dans la deuxième chambre capitonnée: elle prend trop de place, la petite. Elle collectionne aussi les ficelles des emballages sous son lit et couche dans les boîtes de carton qu'elle peinture, véritable fouillis. Elle s'invente des jeux, et malgré l'exiguïté des lieux, on ne la trouve plus. Pour cet atelier des métamorphoses, Joni arracha la porte capitonnée. Eileen Treunde et America-Susan vinrent à la rescousse: on décida d'extirper la vieille gardienne Stein de la troisième chambre. Oubliée là-dedans dans sa camisole de force, seulement la Ferrée venait lui donner à manger en cachette. Elle hérita du banc de bois de la salle commune. On décida de l'appeler Guidoune Stein et chacune en passant la giflait, la cognait, lui crachait dessus. Encore une fois la porte arrachée et déjà Monday s'installait. Un bon dégagement. Avec tout son attirail, de perruques, de sacs de maquillage, de costumes, de crinolines; elle occupait presque la moitié du dortoir: elle exigea un miroir plus grand. Tant qu'à Miss Menken, elle était frappée du syndrome de Stockholm: celui qui rend l'otage identique, sympathique à ses ravisseurs. Dans quel pays était-elle tombée, qu'est-ce que ce ramassis de chaises, ce dortoir désenligné entre les caisses d'oranges. Où est-elle? Elle frôle de si près la folie et elle se met à rire de Guidoune Stein. Puis vaut mieux dormir, tout effacer, surtout les surprises, les questions: elle se sent si euphorique, si libre. pour Lévy-Strauss Un vaste corridor une arène, des escaliers, des lockers elle était de toute éternité les cartes ne mentent pas «Aimer à l'opéra, c'est mourir» et les embruns de la fille sauvage d'Irlande pendant qu'elle ramasse le ventre plat des poissons morts dans la rivière elle s'est endormie s'accroupissant sur son visage peut-être l'étouffant de pets puants mais les arbres à fièvre étaient là enflaient comme des grenouilles au travers des lianes pour les lépreuses, les ignorantes, les malades et une femme meurt toujours par petits intervalles la mort d'amour, la pourrie, la célèbre à demi-païenne-femme Kâlisse se gratte à n'en plus finir: en plus du psoriasis, de la gale, elle a attrapé les puces du chien de Monday, à force de dormir dans sa grosse toison, ce que Monday ne permet pas, ça la décoifferait. On devrait noyer Kâlisse dans le Kwallada. Les chats sibyllins avaient forcé les barrages de carton de Rosine Plating et dévoré ses deux gerboises. Rosine hurlait, criait, pleurait. «Plein le cass, plein le cass, plein le cass!» chantaient Lina et Charlotte. Alma-les-Pruneaux avait opté pour la morphine. Tant qu'à Nicole-Nympho, elle s'occupe très bien avec Bébette-Barbara. «Ta gueule! Tu commanderas d'autres gerboises, fuck!» vociféra Saloppe en mâchant sa réglisse rouge. Le cri se fit plus aigu comme au pas furtif d'un tam-tam. La Ferrée et America-Susan se déplacent vers l'édifice de carton de Rosine Plating. Dans l'amoncellement des boîtes de pizzas et des pots de peinture, son ventre gondole comme un étrange melon. Personne ne voulait du bébé de Rosine Plating surtout pas elle. La Ferrée la prit dans son lit, elle l'idiote du village, la canuck, la folle. L'enfant resta sans nom. La commande vertigineuse: pas seulement des couches et des biberons, mais toutes les extravagances, du hochet principal aux mobiles désaffectés, jusqu'aux habits de reines et tout ce qu'une confiture peut valoir de plus... et une bonne brûlure de cigarette pour Guidoune Stein. America-Susan lui donne à boire quand toutes dorment. Pourquoi, vandalisée dans un tel pays, avait-elle encore quelque pitié? Le goudron noir1 où le flou se dessine schéma de l'incongrue trop étroit au domaine de cette impossible tête en bas demain elle sera à la piscine... elle essuie quelques plaintes défuntes piétinée de femmes et soudain elle eut peur de cet attentat même les petites punks iroquoises ont eu l'air sérieux. 1 Goudron noir: sorte d'héroïne très différente de la China White. «Savages» comme l'ultime cri, la première des ères pensez-vous qu'elles vont lâcher une société qui n'a pas la taille d'un amant digne de leur dire une certaine prière qui n'émeut pas et le parti de détester s'avère comme une faux dans le foin super-performance pour une femme sans idéologie le foie vibrant. Pas de l'espèce des peureux, des laids, des caves, des malaimés. D'instinct la suprématie du mâle. Arrêtez d'être mères, puisque vous ne croyez pas à leur «mind». Vicieux, hypocrites, instables, mal formés et schizo. Le repère s'étiole émeraude des gants beurre-frais des hauts-fonds dangereux la théine prend le quotidien en otage et son odeur de menthe sauvage de benjoin pour mesurer l'abrasion À quoi bon énumérer les lieux, les blessures et les hommes? GEORGES MEMMI Qui se souvient du café Rubens Bébette-Barbara apprenait à parler au perroquet «Zadig» (celui qui est tellement «parfait» qu'on ne peut que le détester). Zadig savait déjà: «Soucoupe», «Cask-de-bain», «Résine-de-sida», et «Blow-job», tous des jurons savamment étudiés et c'est comme si Bébette-Barbara s'amusait à un jeu nouveau, découvrait tout à coup une machine à boules Devant le succès grandissant de sa jumelle au Woolworth et à la piscine municipale, elle essaya de se suicider dans sa chambre elle avala tout l'acid de sa sœur, puis très paniquée, la réveilla pour de l'aide. Toujours deuxième et battue par la dominante, elle s'évade dans la maladie, se croit laide elle n'imite plus, elle contredit, elle se moque, adopte complètement le genre garçon manqué... puis un jour vaincue elle la tue ou du moins s'imagine le scénario de la tuer, mais victime de sa beauté, de son corps-otage elle ne parle plus, sauf à son perroquet. La tournée de Bébette-Barbara l'a complètement ruinée physiquement. Monosyllabique. On aurait dû la voir à Lowell. Toute son amertume s'est dévolue sur Nicole-Nympho. Aimer d'une délicatesse si terrible que même toutes les folles en reviennent. Définitif. Un beau petit ménage. Elles avaient collé le lit des mortes contre le piano cassé, où Georgette dite Courgette s'obstinait à jouer «La Dame en bleu». Bébette-Barbara, strip-teaseuse hors pair de Memphis, Tennessee, jusqu'à Houston, Texas et elle trouve enfin les bras chauds que tous ces grossiers lui avaient reniés. Tant qu'à Nicole, les rages d'amour maladives apaisent sa cirrhose et Bébette-Barbara se laisse moitement vivre. La route s'étire comme l'élastic d'une fronde. VICTOR LEVY-BEAULIEU, Jack Kerouac, essai-poulet Bébette-Barbara oublie tous ses strip-teases, devant les miroirs craqués des villes du Sud et de l'Ouest, sur les lits en fausse peluche de l'Ontario jusqu'à Ville Laval, et du Texas à l'Oklahoma. Les jours passent, la vie s'en va l'angoisse gagne parfois une des horribles Furies et Têtra joue à la cobra et à la mangouste peut-être de l'étain de roche. Joni garde toujours une place pour Mona dans le lit simple et plie sa robe de religieuse de nuit. Elle pense qu'elle a perdu Mona à cause de sa vie dissolue, de son alcoolisme, de son gambling, de ses batailles de taverne, de rue, et parce qu'elle lisait des journaux idiots de la première ligne à la dernière, de ses deux Kraft Dinner par jour, de ses crises nerveuses les jours de fête, de ses cigarettes «light» pleines de coke, son peigne de négresse dans sa poche arrière gauche, elle oublie les «raids» de l'amour. Même si la mort était inscrite la mort «aux yeux bleus». Les personnages féminins ne le sont pas nécessairement. Psychopompes. Eileen Treunde était entrée par la porte arrière, avait perçu vivement le désordre, et fait fuir les voyous délaissant leur butin. Vociférant, pleurant, elle a ramassé les morceaux de la petite tough à Marie-Thérèse. Pauvre petite Sleepy-la-Goune, celle qu'on ne baisera plus jamais. Finis leurs longues conversations dans les bars, leurs libations, leur théâtre. Un grand masque pré-colombien pendait le long du mur et il semblait détenir le film du combat. Le spectacle a été trop dur pour Eileen Treunde et elle se met à errer portant une tuque en plein juillet. Seul son pas de gymnastique la rattache à la vie. Comme Effie Briest, la Bovary allemande. Lina et Charlotte: leur tic fatigue autant que le perroquet, une œsophagie continuelle. Pendant que le caniche de Monday formule des vers incestueux Têtra se délecte de cet aquarium sous elle, qui grouille. Elle envoie du Champagne et du pot, redoutant «le syndrome des ensevelies», un empoisonnement du sang, qui, sous l'effet de la compression, ne bénéficie plus d'un apport suffisant d'oxygène. Comment Topaze pouvait encore avoir une âme: après les électro-chocs, puis des doses massives d'acide lysergique, parfois des quadruples doses. Ensuite un sédatif dessous l'oreiller un message qui pouvait répéter 1/4 de million de fois, et le traitement recommençait. Il pouvait durer de 2 à 3 mois. Chocs électriques-acid-repos subliminal chocs-LSD-hypnose... Toutes l'appelaient «Bleue», bleue comme une pervenche. Léontine bleue, bleue comme une plogue, bleue comme un bleu. Professionnelle de l'art ne se dégonfle jamais Topaze parfois avait peur de Léon, si jaune avec son souffle de paprika. Topaze avait peur, elle le voyait quand il la regardait maghreb. Topaze gratte avec bruit le fond de son assiette métallique racle avec zèle le spaghetti avec le pain. Elle recevait constamment des lettres de son amant homosexuel Léon. Léontine des plus belles d'amour de Papeete. Papeete, la ville des folles, la ville de tous ces garçons fous qui se répandent dans les palmiers dans leurs culottes bouffantes. Le rêve, Léontine l'attend à Papeete dans tous les bars clairs aux drinks fabuleux, tous les jeunes gars qui chantent bras dessus bras dessous dans les rues sur les terrasses. Les gens peuvent avoir un cœur pur sans vivre autant comme des clochards célestes. DHARMA BUM Topaze quand elle s'est aperçue que son client était une police, elle l'a jeté par la fenêtre elle s'éclaire à la chandelle, transparente et dure, pas d'espoir les rasoirs sortent de toutes ses poches les mauvais rêves caustiques, cruels, lucides. Papeete, le paradis des gais: on les honore, on les sert, on les complimente: ils sont tous beaux bronzés, leurs dents éclatantes sur leur chemise ouverte fuchsia. Pieds nus dansant dans leurs soies pastel, parfaitement maquillés avec leurs lèvres si rouges et leur nez fin. Ouf! Topaze s'ennuie de Léontine, de son parfum si délicat dans les sables à coquillages. Alors que le harcèlement, la pauvreté, la souffrance paraissent pareils à un combat dans la jungle viet-cong. Oui, Léon attend sa petite pierre précieuse, son doux écrin de Topaze, sans savoir dans quel pétrin elle s'est enroulée. Topaze ne répond plus aux lettres: jamais elle ne pourra rejoindre Léon. D'abord sortir et faire tellement de clients, et encore cette histoire du policier qu'elle avait balancé par la fenêtre! Elle se contenterait de rêver à cette merveilleuse adulation et liberté qu'elle avait connues, il y a si longtemps! Plus rien ne pouvait l'atteindre désormais. Cuirassée, balafrée, indigne, infroissable de sexe et que quelqu'une seulement lui enlève son écuelle. Pour elle anyway, la différence entre sa partner Léontine et elle n'avait jamais existé, sinon un immense amour frénétique. Topaze, avec ses épaules larges, ses petits seins, saurait bien se déguiser. Les autres la regardaient manger goulûment du coin de l'œil et jamais on ne lui poussait une joke plate sur sa correspondance qu'elle embrassait dans sa brassière. Betty et Saloppe somnolaient, les autres presque, de trop de spaghetti. Monday ne dormait pas, le goulot sur ses lèvres onctueuses. Elle pensait combien ce serait bon un spécial du jour à la Brassade avec soupe et dessert. Georgette dite Courgette à la bouche un peu tordue se grattait d'une façon démente, véhémente: elle change la radio de poste, elle change encore; elle ne trouve pas. Parce qu'elles ne sauront jamais le vrai niveau des larmes elles se gardent des chapelets de baisers pour redescendre des malheurs séduites, épousées, abandonnées comme le jouvenceau de Comencini et à Papeete, Léon drague dans sa superbe robe à fleurs transparentes il s'était piqué le cœur sur les épines et comme dit Carabosse, il dormira longtemps damnées elles se sont surprises de ce mélange incestueux folles à tout jamais de toute la caméra des petites créances d'une élégance bohémienne pour tuer cette soif qui monte à l'ombre du cobra. Elle ne ferait pas de mal à un ange. Tellement sérieuse désespérée-religieuse agonise incessante une peuplade remembrée au hasard délices du métaphysique dans des cheminées de marbre blanc évidemment comme Watteau qui admirait Rosalba Carrera, depuis la mort du Corrège... ... et son clavecin... et son violon victimes de l'allaitement au bordel ou à la messe un vieux blues décrépit s'intermine mais aucun des musiciens n'osa sur l'inoxydable déposer son rictus et elle fend sous les soucis locatifs mais jamais en deux. Elle fait fuir les animaux. Elle regarde à travers la plaque vitrée mais ne bouge pas barbituriques Têtra transportée cannibalisme encore une matrone et un infirmier en otages otages perpétuels? tout se consomme en réel tapageur sans science-fiction l'analyste ne trouve pas les données entre les murs si lisses dans le couloir du métro Kimberley d'une dimension débile un ivrogne se crossait en grognant un bourreau nostalgique hachait cette distance entre la veste de cœur et le tee-shirt surveillait le dégoulis institutrice impossible à refaire «don't arch» elles parlent de rénovations, se mutilent déploient des bracelets sarmates les vandales s'avortent avec des broches à tricoter. L'infirmier, le plus laid otage, gémit à fendre l'âme. Saloppe veut le reploguer, mais Betty et Joni et Alma-les-Pruneaux décident qu'il faut en finir avec lui. Après tout Guidoune Stein restait otage: tous les privilèges seraient gardés en se débarrassant de ce gros lard. Il pue en plus. Nicole-Nympho commence sa danse erotique; elle se fait rasseoir violemment par Bébette-Barbara. Betty décide pour la cravate chilienne: on perce un trou dans la gorge, on va chercher la langue très loin et on fait un nœud de cravate avec. Courgette met la musique au boutte, mais l'idiote plogue du Sibelius, ce qui cacherait peut-être les hurlements. Saloppe tient absolument aux organes génitaux: il faut être puni par où on a péché. Elle découpe minutieusement, et c'est America-Susan qui les lui coud dans la bouche, comme elle sait si bien coudre une peau de castor. Elles regardent toutes un bon moment le sang gicler. L'infirmier s'affaisse sur lui-même avec un bruit horrible, déchiré, ulcéré. Elles regardent toutes un bon moment les yeux s'exorbiter; il ne peut plus proférer un seul son même sur le Sibelius. Ça devient lassant comme un boa constrictor qui s'endort. Alors Eileen Treunde appuie le courant au maximum pour l'éteindre à tout jamais et Monday dégoûtée le roule dans le corridor hors des grilles. Betty s'empresse de prendre sa douche. Kâlisse et Rosine Plating sont restées terrées. La Ferrée fait semblant de ne rien voir, elle, l'idiote du village; Lina et Charlotte applaudissent comme des folles en pleurant de rire. Elles détestaient toutes cet immonde. Alma-les-Pruneaux ferme la musique et Lise «Capotée» Boudreau continue la partie de cartes avec Topaze. «Déprivation» un seul cadran ne s'arrête pas Katkleen vit sous les vents rabattants, n'a plus d'horloge double-crossing and double-loving elle devrait peut-être pourvoir son père dans les grands Canyons absolument de batey entre la rumeur qui touchait encore très tôt «Treblinka,... Treblinka... Treblinka» scandaient incandescentes les jumelles dans leur habit de jogging, moto d'un film qu'elles avaient déjà vu dans leur camisole de sécurité et Topaze fait semblant d'écrire, en fait elle ne fait que quelque couture Le perroquet n'arrêtait pas son entraînement «Cask-de-bain», «Soucoupe», «Soucoupe», «Blow-job», «Blow-job». Lina et Charlotte riaient si fort en mangeant un beigne à deux mains qu'elles se mirent à en recracher partout. Habillées d'une ample robe de chambre d'où n'apparaissaient que deux jambes, un ventre énorme, et elles dodelinaient en se frappant les deux têtes parfois très fort dans leur berceuse spéciale. Depuis longtemps elles avaient appris à coordonner leurs mains. «Ça fait chier, ça fait chier!» chantaient-elles en chœur. Et le perroquet de répondre: «Soucoupe! Soucoupe! Cask-de-bain! Blow-job! Blow-job!» Georgette dite Courgette s'était encore ébouillanté les mains au lavabo: c'est le genre d'hystérie qui déplaît souverainement à Têtra, alors qu'elle adore tous les genres de folies. Elle fit bander, plutôt emmaillotter Georgette d'une façon très sévère et presque impossible à défaire. Ce soir-là en regardant la télévision, après un régal de fruits de mer mélangé à du spaghetti, Katkleen Coburn qui n'avait rien touché comme d'habitude mit le feu à sa couverture ou échappa sa cigarette, qui sait. Si sale, que son huile naturelle la transforma en torche en quelques secondes. Saloppe essaya de l'éteindre mais les flammes montaient de son fauteuil graisseux qu'elle ne quittait jamais. Têtra eut toute une crise, elle se roulait sur ses pustules, se tordait, en mâchouillait même sa grosse chenille; le feu la rendait complètement hors d'elle. Les deux eunuques arrivent avec les extincteurs et sans précaution shoutent partout. Plein la face de Katkleen Coburn, et autour: elle ne porte pas de vêtement sous sa couverture. Le feu est éteint, mais elle est déjà morte. Il y a une morgue au sous-sol, elle est emportée avec sa chaise. Oscar Wilde disait que le plus grand chagrin de sa vie, c'était la mort de Lucien de Rubempré dans «Splendeurs et misères des courtisanes». Un personnage romanesque vous accompagne, meurt, il ne vous trahira jamais, il ne vous quittera plus; il préservera l'intensité de vos émotions. Car il appartient à une autre durée et à une autre mémoire. FREDERIC VITOUX Il me semble désormais que Roger est en Italie On étouffe dans la miuf de l'extincteur, pendant que Betty prend sa douche une cinquième fois. Toutes les filles se rassemblent dans la petite cour pas encore aménagée, au bout des toilettes. America-Susan et la Ferrée transportent les siamoises qui rient: «Ça fait chier! Ça fait chier!» Bébette-Barbara sauve le perroquet: «Soucoupe! Soucoupe!» Nicole-Nympho fait un strip-tease, mais comme elle est déjà toute nue! A dix-sept ans, elle a découvert la beauté de son corps et dès lors elle n'a cessé de se déshabiller, partout où elle entrait: salons, bars, discothèques, restaurants; tout de suite les vêtements par terre. Puis elle développa une petite danse érotique. Au début elle avait un succès fou dans les parties. Il fallait Nicole pour le piquant. Évidemment elle couchait avec tout le monde, déesse-reine. Puis les invitations se firent plus rares. Jalousie? Mesquinerie? et les séjours en prison de plus en plus nombreux. Obscénité sur la voie publique. La plupart des bars lui refusaient l'entrée. Elle dut fréquenter des clubs de plus en plus louches. Aucun garçon ne voulait être vu en sa compagnie: elle possédait une solide réputation. Elle se retrouva dans des sous-sols miteux où elle couchait encore avec tout le monde, sans s'apercevoir qu'on collectait sur son dos. Encore la prison et à 27 ans, elle se déshabilla au tribunal qui l'adjura folle. Il faut dire que son manège était bien ancré, puisqu'elle le continuait dans cette aile de femmes. À Papeete, Léontine secoue son cul de «fruit» ou de «piccadilly», des armoires pleines de petites culottes fuchsia avec un trou, des foulards bleu et vert des robes serrées noires sans épaule toutes mordorées ou de couleurs vives des porte-jarretelles roses, blancs ou noirs des brassières en cuir parfums, colliers, une table de maquillage incroyable: toutes les couleurs de faux cils, tous les dégradés de fonds de teints, du rouge, du bleu, du jaune pour les paupières et plein de sparkles par-dessus. La petite culotte de dentelle sort de sa poche pendant qu'il enlace. Évidemment l'assortiment fatal de tous les vernis, toutes les couleurs inimaginables et des rouges à lèvres de grande qualité, des bas de soie, surtout noirs, mais aussi à motifs, même des beiges, ressuscitent tous les parfums de l'Orient. En ouvrant, les délices tombent, poudres, une centaine de ceintures en alligator ou crocodile de la plus piquante à la plus chromée, des tissus si fins, des nylons si soyeux importés... Translucide ou minée et on ne parlera pas de l'extravagante collection de perruques. Vêtements fous mais choisis délicatement, boas d'une rareté et d'une richesse que les policiers en sont restés bouche bée, c'est le cas de le dire, jaloux peut-être certains essayaient des accessoires en ricanant la gloire de la princesse même le délégué des Teamsters alla goûter au «fruit». Comme amant, on ne pouvait rien voir de plus désorganisé. L'héroïne pas pire que le reste. Sniffer complètement hypocrite et non différent donne l'impression d'une bonne conscience... et les adeptes de se mépriser, ne se reconnaissent pas. Ce sont les autres Topaze ne croit pas, elle s'enfourche le speed direct dans la plotte comme si elle sortait un rivet d'un seau. Défenestrée aux bennies, elle réclame d'autres bennies, de la strychnine ou de la sauce aux orties ce qui rend Kâlisse absolument en larmes, hébétée, convulsée. Ricordati di me... DANTE Lorsque Sacco et Vanzetti se mirent en marche vers le lieu de leur supplice, ils chantaient l'air de Mario dans le dernier acte de La Tosca: «O dolci baci o languide carezze...» Et Kâlisse aura toujours peur, depuis qu'elle a vu un pauvre pénis, la peau toute ratatinée collée autour. Alors elle s'est rendue de bar en bar malgré son âge, elle s'est rendue jusqu’aux brûlures sur les seins. Elle ne se lave plus: elle porte ses mites. Sensible comme un porc-épic, elle commande de la goulash et ne connaît pas Le Caravage. Mais on la sent brûlante comme un baiser de Jane Birkin. Elle cache un petit collier de verre dans sa main gauche comme une méduse échouée, mais personne ne saura jamais... La Ferrée s'est réduite à un vieux bagel le midi, non pas qu'elle ait abandonné, mais elle se livre à un stage d'observation. «That one day is gonne be your day. Better start crying now, Anyway you gonne remember, believe me.» Alma-les-Pruneaux s'assoit le plus souvent devant l'hôtel Lafayette, puis se dirige vers le parc Beaudry et en soirée à la gare Centrale. Elle n'a jamais vu le trou des voies ferrées, avant que la Place Ville-Marie fût construite. L'ambiance de nuit, les voyageurs qui donnent trente sous, le banc chaud où elle se recroqueville, le parfum à cinq cents des toilettes, elle n'enlève pas ses bottines pour ne pas se faire pincer mais tient la bouteille serrée fort entre ses dents. Elle crache sur les passants qui lui refusent une cigarette et quand ils la donnent, elle crache quand même. La meilleure série d'invectives jamais entendue. «J'ai des bijoux à vendre, une piasse, gang de chiens!» «Donne-lui pas une cenne, si tu savais combien elle va chercher!» Alma sans Abri a été amenée contre son gré au Centre. Sur la bouche d'air de la Place Dupuis, elle se choquait, brûlait les bills qu'on lui donnait, lançant des injures ou montrant son cul quand elle ne faisait pas ses besoins sur le trottoir, c'est qu'elle était barrée des toilettes du Terminus Voyageur, et si elle refusait la nourriture des assistances publiques, c'est qu'elle pouvait se la payer et qu'en plus elle ne leur aimait pas la face. L'asthme, la bête qui se repointe les cow-girls, surtout celles qui ont hérité de l'Iroquois, peut-être du gypsie, de la Cherokee. Têtra à force de se rentrer des aiguilles, se déforme, se boursoufle. Elle a beau s'entourer de sumérien et de gothique, elle devient comme une grosse larve à pistons, pourtant elle maintient toujours son khôl parfait et d'un rire profond elle observe le déchaînement du jeu. Kâlisse et ses yeux violettes s'est construit un refuge, un nid dans la chambre d'isolation capitonnée, la troisième, celle dont la porte est arrachée. Elle revit la maladie du sommeil, celle de l'opossum, comme au temps où elle vendait des pilules, des robes sales, des peintures, des carnets, des couteaux, des pendentifs, sauf que maintenant elle ne laisse plus ses bobépines sur la table de chevet: elle s'est presque complètement rasé les cheveux. Et des centaines d'autruches volent dans ce rêve mais le smog les tue une à une. Couchée sur le miroir sans tain, Têtra ci-dessus réglait le jaune et le brun, bien qu'elle eût les tendances d'une bibitte un peu rouge. Sa langueur se cramponnait à la brique, peu à peu aux plates-formes, devenait hystérique et se ravissait graduellement des étages de la passion comme si elle revêtait le costume du péché... Sans fin Eileen Treunde s'exerce à un tennis imaginaire. Elle parle même de son tennis elbow, compte ses scores et ses ampoules, décrit sa collection de trophées. Et la voilà encore qui attaque d'un lob défensif, d'un revers à deux mains. Toutes s'écartent car elle tient une raquette Prince King Size avec ses poignets éponge, bien qu'elle n'ait jamais rien commandé. Pendant qu'elles buvaient régnait la mort dans les tavernes l'insonorisation dans les cellules les ghettos s'éveillent Lise «Capotée» Boudreau réalise son malheur; hélas trompée de vie dans la médiocrité des risques: elle sait qu'elle ne sera jamais nulle part, en fait elle n'aura jamais été nulle part. Aucun règlement et l'imposer la termine. Ne redouter personne et avoir raison. Tant d'efforts pour vivre une vie. Catégories pourries ce qui revient au même. L'intégrité bien démunie et abusée celle qui rejoint les castes, les classes sociales l'égoïsme, la méchanceté même. Lise «Capotée» Boudreau, agile dans le silo, connaissait la confiture et les ourlets dans son «rêve», elle «calle» encore les légumes au marché elle recule dans sa vie trop raide, elle ne peut avoir d'enfant. Elle ne craint plus sournoise, il y a longtemps qu'elle a compris. Tellement longtemps. Les siamoises crient: «Ça fait chier! Ça fait chier!» Et le perroquet de répondre: «Résine de sida! Résine de sida!» Même la femme-maîtresse entretient ce calvaire de suicide, d'incompréhension. Je ne dois pas m'exposer. Je dois tuer mon enfant, mâle, sinon le sexe débordera de mon amour. Je ne dois parler à aucun homme, même pour acheter un pyjama. Mes seins, mes fesses sont des provocations: il ne faut surtout pas les mouler. Exploitée évidemment. Adresser la parole ou répondre à la parole d'un inconnu: il faut baisser les yeux. Refuser le crédit, la carte Visa, la carte Oscar, le dépanneur, etc. Intransigeante, trop sexy pour les malades, un mythe, une poutine. Le meurtre suspect de tous les aléas. Toujours pas de condominiums pour les fées. Écrire rapproche de la lenteur, de l'épaisseur, de l'opacité provinciales, dont Flaubert a fait la matière de son œuvre. DANIELLE SALLENAVE L'œil perdu et flamber avec extase! mais où sont donc les nains de Blanche-Neige? pendant que les anneaux se tordent en serpents, du zen sur la montagne avec un sac plein de liposomes et les capucins pleuraient un clinicien avec un fix psychiatrique répétait, répétait comme dans Lili Marleen: «Vous êtes insécures, vous êtes faibles, vous êtes insécures!» trop métaphysiques pour être d'une certaine mécanique c'est un objet, un dérisoire mais qui connaît encore «l'effet de l'otage» seule sur un îlot définitif elle conduit sans connaître les virages comme toujours difficiles elle sue. Je ne peux m'empêcher de penser que celui qui découvre jusque dans l'existence des vers, une certaine proportion de souffrance et de mal inséparablement enlacés, supportera son propre lot avec plus de courage et de résignation. THOMAS HENRY HUXLEY La fumée monte des coussins doucement comme une vapeur la boule de hash s'enfonce tranquillement dans le tapis tressé le feu bondit en tigre enlace la porte d'un seul mouvement la boule s'abat grésillant la table d'encore quelques hors-d'œuvre dans le casseau d'huile bouillante un gros party secoué par les guitares électriques ratissait le vaste appartement. Ça dansait, piétinait, jacassait un verre à la main Au 4e étage de Park Avenue. Une bonne odeur de soie brûlée, chic et Kâlisse a halluciné... Un labyrinthe doré, fait de statues exquises, les loges de velours et des lumières, où des plinthes, des praticables orientent leurs voix vers l'espace... mais une otage n'est pas gérante de banque de toute façon qui peut convenir de la qualité des idoles, des otages comme un rêve, on séquestre les enfants dans des pâtisseries à part entière, flash-back de noceuses, de religieuses otages-cautions, otages-arbitres? Situé tout près de l'épicentre somato-psychique de l'âge, le coude est tout naturellement l'organe où viennent s'exprimer la prohibition de l'inceste, du meurtre, du cannibalisme et autres tabous non moins délectables. Quand un individu prend un plaisir trop intense au tennis, le moi érige toute une série de mécanismes de défense contre l'angoisse de castration. Comme on le sait, les coups fondamentaux du tennis, et plus particulièrement le revers à deux mains, offrent des ressemblances troublantes avec les gestes de la masturbation. Il n'est donc pas étonnant que le combat de Titan, que se livrent la pulsion et le renoncement à la pulsion, se localise dans la zone cubitale. FREUD Étranges symptômes tennistiques La vie, est-ce une vie? Têtra d'un calme absolu paraît si morne, elle s'amuserait bien avec un patin à roulettes, un stéréo, un agrandisseur, ou un vidéo, à quoi bon. Terne, désabusée, laide, otage d'elle-même, quel plan concevoir: elle pensait les avoir tous exploités. Si maigre sa laideur, si futile son obscénité, la vie longue. Il est un jour où le pouvoir n'amuse plus, même toutes ses fourmis rouges échappées du bocal, le Champagne insipide, la terreur révolue; il s'agit de traîner son gros corps lourd, de se mépriser et la charité pour une autre fois. Elle ne met plus d'algue dans son bain et malgré son obésité, l'anorexie la dévore. Le ciel fait pour qui? Encore une mangeoire fade où aucune perversité ne pouvait s'établir. Dans un tel dégât, quel équilibre? Le désarroi d'en-bas l'intéressait très peu. Elle se raccroche à son petit serpent, à ses bijoux, à son fan-club imaginaire, et puis lui vint cette idée: la petite vulve rose de Kâlisse. Non on ne leur coupera pas l'eau: Betty est encore dans la douche et que meurent donc les otages, toutes après tout, la géhenne n'était qu'une ville hors de Jérusalem, un dépotoir, une dompe! «Ça fait chier! Ça fait chier!» et Topaze pratique encore son kung-fu, brisant les chaises et la table à cartes. «Racine-de-sida! Racine-de-sida! Soucoupe! Soucoupe! Cask-de-bain! Cask-de-bain! Blow-job! Blow-job!» et Georgette dite Courgette essaie de jouer du piano, sur celui qu'elle a brisé. Cacophonie. Sa cravate rouge/pour matcher le débardeur sa cravate jaune/pour accompagner le mouchoir de poche se faire payer au moins quatre fois de jeux de mots vulgaires de beaux meurtres (l'assassinée) de beaux viols (une violée) trop ne sont que sociales d'un doux caca fécond qui embue tristement le visage. La prétention régnait dans la cabane. L'ongle cassé dans le bouton continuellement nerveusement Kâlisse dans une patine de poussière son visage de suie siccatif à l'huile de lin des joints demande encore un cigare dans des gestes hiératiques rédhibitoires d'une intelligence colorée il faut baisser les trois voiles avant de fermer les yeux grêle, granit et libellule la différence entre les cumuli et les strati et un lavement pour qui? La prosodie, la prose intercalées, les chapitres débutant par des chutes lexicales, les incantations des noms doubles passent à l'action directe et sont voulus comme commandements de guerre. Aimer se faire soigner, se faire opérer, se faire hospitaliser, se faire prendre en charge? Maladie psychiatrique peu connue, sous le nom de syndrome de Münchhausen, du nom du baron allemand mythomane Karl Friedrich Hieronymus Münchhausen. Les médecins allemands et le national-socialisme Dans le linceul stupide de la maison des hommes inhabitée le maquillage hybride de la violence enceinte d'elles qui est Madame Butterfly épinglée sur un clap-board. La femme porte au-dedans d'elle-même, un organe susceptible de spasmes terribles, disposant d'elle, et suscitant dans son imagination, des fantômes de toutes espèces. DIDEROT Une petite fille perdue dans le rêve d'Anderson un dieu borgne qui la sacrifie guerrières, désespérées, superbes, accablées, toutes-puissantes, déesses... ondines ou walkiries fuck les Géants des sauvages aux lèvres gonflées la madame des pêcheurs quand les madones ressuscitent et les druidesses pendues surgissent des forêts les libellules vibrantes les fées ne sont pas loin. Un jour de lion vaut mieux que cent ans de mouton. BENITO MUSSOLINI L'hystérie, prise à son propre jeu, ne peut plus l'abandonner, sauf à perdre la face: avidité et revendication affective, imitation, plasticité, suggestibilité, théâtralisme ou histrionisme, fabulation et mythomanie, conduites de séduction avec éviction de toutes relations sexuelles. DUMAS, G. et AIME, H. Névroses et psychoses de guerre Kâlisse apeurée suivit la trace rouge qui la menait au ciel, croyait-elle. Un sinueux détour, des corridors vibrants, une façade rébarbative, des tours d'escaliers sales, étrangement décolorés, où cascadait à tout rompre L'Or du Rhin, une porte tronçonnée peu invitante et sur un lit-divan, genre Récamier, très large et pleine de soie enveloppée, une femme-bête, grosse pleine de pustules, évachée, son estomac trop lourd. Fit ouvrir par les deux servants-eunuques, assis à croupetons devant la maîtresse. Kâlisse ose à peine avancer, se renfrogne dans le cadrage, tous crocs dehors. Têtra fit exécuter toutes les manœuvres de son computer pour ébahir celle qu'elle croyait la plus petite. Kâlisse fit tomber sa jaquette et s'avança. Têtra mit son gros doigt sur le sein gauche de Kâlisse qui ne broncha pas. Puis Kâlisse s'amusa avec les manivelles comme si c'était un jeu d'enfant. Les eunuques lui codaient les messages et puis Têtra attira la petite à elle, la tirant sur sa couche. Kâlisse ne résista pas, but le verre de Champagne d'un seul trait et approcha sa petite rose écartillée près de la bouche de Têtra. Pendant que Têtra préparait la coke, Kâlisse regarda le spectacle en bas: Alma-les-Pruneaux se battait avec America-Susan qui découvrait soudain toute sa véracité. Lise «Capotée» Boudreau attendait le moment d'agir et Saloppe se roulait un joint en feignant d'ignorer, en dédaignant le monde entier. Elles n'étaient que de pauvres débris dans cet oasis de permission où règne la sécurité comme une peur maladive. Kâlisse saisit le petit poignard à coke et le darda raide sous la graisse de Têtra. Têtra échappa son stock médusée. Kâlisse fut rapide, poignarda, poignarda, poignarda sans arrêt, difficile à atteindre un cœur sous tant de graisse. Têtra se retourna, comme tombe un bloc de pierre du sphinx de Gizeh. Elle darda, et darda, darda pleine de convulsions, poignarda la Vistule, le fleuve Noir, les crapauds, le Niger, le Rio Grande si bien que Têtra se roula sur elle-même et émit un petit son rauque comme un orgasme mitigé et mal identifié. Immédiatement Kâlisse releva les reins, fit signe aux deux eunuques de l'évacuer. Ce qu'ils firent. Et Kâlisse revêtit la longue robe de soie jaune et prit les commandes.