Une grande journée du souvenir des déportés

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Une grande journée du souvenir des déportés
10
70e anniversaire
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 888 - juillet-août 2014
Plus de 200 personnes réunies à Compiègne
Une grande journée
du souvenir des déportés
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Cela faisait plus d’un an que les deux responsables de
l’Association du Mémorial du wagon de la Déportation
en gare de Compiègne (Oise) l’espérait : une grande
journée du souvenir à Compiègne qui rassemblerait
toutes les associations et amicales de résistants et de
déportés et les élus qui les avaient soutenus dans leur
projet de mémorial - mémorial inauguré en petit comité en mars 2013. Raymond Lovato et Alain Lorriaux
ont vu leur vœu se réaliser dimanche 29 juin. Plus de
deux cents personnes, dont de nombreux porte-drapeaux, avaient fait le déplacement pour participer à
cette « Journée du souvenir des déportés » dont plus
de 40 000 partirent de cette gare. Une belle journée au
cours de laquelle on commémora également le départ
des derniers convois massifs de 1944 et le 70 e anniversaire de la libération de la France. Une dizaine de déportés étaient présents, parmi lesquels Roger Bordage,
déporté à Sachsenhausen, qui se souvient bien de ce
8 mai 1943 où il sortit du camp pour se rendre à la
gare, et où il aperçut sa mère, prévenue de son départ
par quelque canal… Il y avait Michel Di Massimo, entouré par sa famille, qui revenait pour la première fois
à Compiègne depuis son embarquement pour Dachau
en 1943… Et plusieurs générations de descendants et
d’amis, des représentants d’associations et d’amicales
s’étaient donnés rendez-vous à Compiègne.
La journée commença non pas au Mémorial de la
gare (qui se trouve en réalité sur le territoire de la commune de Margny-lès-Compiègne) mais au Mémorial
du camp de Royallieu, distant de 3,5 kilomètres. Au
cours d’une cérémonie devant le monument de la
Déportation, plusieurs personnalités prirent la parole. Raymond Lovato, président départemental de
l’ADIRP et de l’AFMD de l’Oise, et secrétaire général adjoint de la FNDIRP, évoqua avec émotion les
déportés qu’il a connus, leur désir de voir se créer
un Mémorial à Royallieu et un autre à la gare d’où ils
partirent pour l’enfer concentrationnaire.
Serge Klarsfeld, président des Fils et filles des déportés juifs de France, évoqua le terrible hiver 1941-1942
que subirent dans « le camp des juifs » de Royallieu
les 743 notables parisiens presque tous français raflés
le 12 décembre 1941 à Paris et les 300 juifs transférés
de Drancy, la plupart étrangers. « Ils y moururent lit­
téralement de faim, de froid et de manque d’hygiène »,
rappela-t-il. Alain Rivet, pour la FNDIRP, mentionna
les convois de déportation dont les destinations se multiplièrent en 1943 et 1944, emmenant vers les camps
et leurs Kommandos des dizaines de milliers de déportés. Ceux qui rentrèrent étaient tous « convaincus
qu’ils devaient aussi leur survie aux gestes de solida­
rité ponctuels et spontanés ou organisés et structurés
de leurs camarades ».
Pour Bertrand Brassens, représentant le Conseil
général, il s’agissait de bien faire comprendre que la
Seconde Guerre mondiale fut loin de n’être qu’une
guerre de conquête de territoires, comme les précédentes, mais qu’avec le nazisme, on atteignit un summum de l’inhumanité, prouvant que la barbarie peut
naître parmi des peuples cultivés comme les nôtres.
Enfin le maire de Compiègne, Philippe Marini, souligna toute l’importance du Mémorial de Royallieu
pour la transmission de la mémoire de la Résistance
et de la Déportation.
Après le dépôt de gerbes, un long cortège s’ébranla
en direction de la gare en suivant l’un des itinéraires
empruntés il y a 70 ans par les déportés… moments
de recueillement dans les rues quasiment vides en ce
dimanche pluvieux.
Une heure plus tard, une seconde cérémonie tout
aussi émouvante se déroula au Mémorial de la gare,
avec plusieurs prises de parole, dont celle d’Alain
Lorriaux, président de l’Association du wagon de la
Déportation et professeur à l’Université technologique de Compiègne, à l’origine des silhouettes de
déportés métalliques conçues par ses étudiants, qui
se dressent au fond du Mémorial. S’exprimèrent également les représentants de l’Union nationale des orphelins de déportés, de l’Association des anciennes
déportées et internées de la Résistance, de l’Association Mémoire vive, des Amicales de Neuengamme
et de Dachau. Jean Thomas, qui partit de cette gare
pour Dachau le 2 juillet 1944, évoqua l’horreur de
ce convoi au cours duquel plus d’un quart des 2162
­prisonniers trouva la mort…
Bernard Hellal, maire de Margny-lès-Compiègne,
conclut la cérémonie en signalant la mobilisation
autour de la mémoire de la Déportation dont font
preuve sa commune et celle de Compiègne, mais également la SNCF, les Conseils général et régional, de
concert avec les associations. Il précisa que le quai
d’où partaient les déportés a été classé à l’inventaire
des Monuments historiques, ce qui signifie que « ce
lieu ne disparaîtra jamais ».
Après un repas pris en commun à Margny-lèsCompiègne, une partie des participants retourna au
Mémorial de Royallieu pour une visite plus approfondie des lieux et du musée. « Pour nous, c’était in­
dispensable de venir ici, encore une fois, de trouver le
nom de notre père et grand-père sur le “mur des noms”,
pour sentir sa présence, faire revivre son histoire… »
Une aspiration exprimée par les membres d’une des
familles présentes mais qui, sans aucun doute, était
partagée par tous les participants à cette journée du
souvenir, dans ces lieux qui conservent la mémoire
de tous ceux qui ne sont pas revenus. n
 r aymond lovato (à g.) et alain lorriaux (au centre), chevilles ouvrières du mémorial du wagon de la
déportation en gare de compiègne/margny-lès-compiègne, avec jean thomas, déporté de cette gare
vers dachau, le 2 juillet 1944.
 cérémonie au monument de la déportation, qui jouxte le mémorial du camp de royallieu.
p
orte-drapeaux en tête, un long cortège a suivi le chemin qu’empruntèrent les déportés du camp à la
gare.
 allocution de jean thomas lors de la cérémonie au mémorial du wagon de la déportation.
 devant le « mur des noms » au mémorial de royallieu, sur la trace du père et grand-père interné dans
le camp.