Prise en charge des patients présentant un cancer bronchique non
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Prise en charge des patients présentant un cancer bronchique non
ONCO-PNEUMOLOGIE Prise en charge des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules non résécable localement avancé au thorax Chemoradiation therapy for patients with unresectable locally advanced non-small-cell lung cancer D. Arpin*, **, M. Pérol*** , I. Martel-Lafay** , P. Fournel**** Quels sont les patients présentant un cancer de stade III considéré comme non résécable ? * Service de pneumologie, centre hospitalier des Chanaux, Mâcon. ** Département de radiothérapie, centre Léon-Bérard, Lyon. *** Département de médecine, centre Léon-Bérard, Lyon. **** Département d’oncologie médicale, institut de cancérologie Lucien-Neuwirth, Saint-Étienne. Les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) sont diagnostiqués, dans environ 30 % des cas (1), à un stade localement avancé au thorax (stades IIIA et IIIB) de la stadification TNM révisée en 2009 (2). Même si le pronostic global de cette population reste sombre, avec une probabilité de survie de l’ordre de 20 % à 5 ans (1, 3), les stades III représentent en fait un groupe hétérogène de patients, tant pour le pronostic que pour la prise en charge thérapeutique. Par exemple, la survie à 5 ans des stades IIIA-N2 varie de plus de 30 % pour les N2 découverts fortuitement lors de l’analyse de la pièce opératoire (pN2) [4] à moins de 15 % pour les stades IIIA-N2 cliniquement visibles lors du bilan préopératoire (5). En pratique, le paramètre essentiel sur lequel est fondée la décision thérapeutique est la résécabilité chirurgicale. Si certaines tumeurs classées T4 peuvent exceptionnellement être résécables, les limites de l’exérèse chirurgicale complète se situent en fait au sein des stades IIIA-N2, et font souvent l’objet de discussions difficiles au cours des réunions de concertation pluridisciplinaires. Toute- 148 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 fois, il est actuellement communément admis que les patients présentant un stade IIIA-N2 avec atteinte N2 clinique multi-site ne relèvent pas d’une résection chirurgicale, et ce d’autant moins qu’il n’y a pas eu de down-staging médiastinal après chimiothérapie (CT) d’induction et qu’une pneumonectomie est nécessaire (5, 6). L’immense majorité des stades IIIB et une fraction des stades IIIA-N2 tels que définis ci-dessus sont considérés comme non résécables et relèvent de l’association d’une CT et d’une radiothérapie (RT), qui font l’objet de cette mise au point. De l’irradiation thoracique exclusive à la radiochimiothérapie concomitante Au début des années 1990, l’adjonction d’une CT d’induction délivrée sur un mode séquentiel (CT-RT) et comportant du cisplatine a apporté un indiscutable bénéfice de survie par rapport à la RT thoracique exclusive, qui constituait jusqu’alors le traitement de référence. Ce gain de survie, de l’ordre de 2 mois de médiane (environ 12 mois de survie médiane) pour les associations CT-RT, démontré dans la métaanalyse du Non-Small Cell Lung Cancer Collaborative Group portant sur les données individuelles de plus Résumé Les patients ayant un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement avancé au thorax et non résécable représentent 30 % de ceux atteints de CBNPC ; leur pronostic est de l’ordre de 20 % de survivants à 5 ans. Pour une minorité de patients, le traitement de référence comporte l’association concomitante d’une chimiothérapie à base de sels de platine et d’une radiothérapie de conformation en 3 dimensions (RC3D) réalisée en étalement et fractionnement conventionnels, délivrant une dose totale de 60 à 66 Gy. L’intérêt de l’adjonction de traitements d’induction ou de consolidation à cette radio-chimiothérapie (RT + CT) concomitante n’est pas démontré. La majorité des patients pris en charge en pratique quotidienne, plus âgés, en mauvais état général ou ayant des comorbidités rédhibitoires, ne présente pas les critères d’éligibilité exigibles pour une RT + CT concomitante. Ces patients devront alors être traités par l’association séquentielle d’une polychimiothérapie d’induction à base de sels de platine et d’une RT thoracique, voire par une RT thoracique exclusive. de 3 000 patients (7), s’effectue grâce à un meilleur contrôle de la maladie micrométastatique, sans apporter d’amélioration du contrôle local, qui reste inférieur à 40 % des cas. Afin de tenter d’améliorer ces résultats, de nombreux essais randomisés développés au milieu des années 1990 ont comparé un traitement séquentiel par CT-RT avec une association concomitante RT + CT, l’objectif étant d’utiliser les propriétés radiosensibilisantes de la CT conduisant à un effet synergique tout en maintenant le contrôle de la maladie micrométastatique. Les résultats de ces travaux ont été regroupés et analysés dans une méta-analyse publiée en 2010 portant sur 6 essais et 1 200 données individuelles de patients : il y a un gain significatif de survie avec le traitement concomitant : dans le bras RT + CT, le bénéfice absolu de survie est de 4,5 % à 5 ans, et la survie médiane, de l’ordre de 16 mois, au prix d’une majoration significative des toxicités non hématologiques, en particulier les toxicités œsophagiennes, dont l’incidence est quadruplée (8). À l’inverse de ce qui était observé précédemment, le bénéfice de survie obtenu est lié à une amélioration du contrôle local, alors qu’il n’y a pas de gain en termes de contrôle métastatique par rapport au traitement séquentiel. Tout cela est parfaitement illustré par l’essai français GLOT-GFPC 95-01, dont les résultats ont été publiés en 2005 (9), dans lequel le bras de traitement RT + CT donnait lieu à une survie médiane de 16,5 mois grâce à un meilleur contrôle local (41 % de rechute locale, versus 53 % pour le bras CT-RT), mais au prix d’un surcroît de toxicité, avec une augmentation du nombre de décès toxiques (9 % versus 6 %) et une majoration significative (32 % versus 3 %) des toxicités œsophagiennes de grade 3-4 dans le bras RT + CT. À l’issue de l’ensemble de ces travaux, la radio-chimiothérapie concomitante est actuellement considérée en 2012 comme le traitement de référence chez des patients sélectionnés présentant un CBNPC non résécable localement avancé au thorax. Sélection des patients inclus dans les essais thérapeutiques et gain de survie De 10 mois au début des années 1990, la survie médiane des patients présentant un CBNPC loca- lement avancé non résécable est donc passée à 12 mois vers le milieu des années 1990, puis à 16-17 mois au début des années 2000 avec l’avènement des schémas de RT + CT, pour dépasser actuellement régulièrement les 20 mois, y compris dans les essais de phase III (10). Si les avancées thérapeutiques décrites dans le paragraphe précédent sont bien réelles, puisque validées par des essais randomisés et contrôlés, les critères de sélection des patients dans ces essais se sont également affinés au fil du temps conduisant de fait à un gain de survie grâce à une sélection de plus en plus drastique des patients, s’appuyant sur des critères ayant une incidence pronostique. Outre l’exclusion progressive des essais thérapeutiques de patients âgés (≥ 70 ans) ou présentant des critères cliniques tels qu’un Performance Status (PS) supérieur à 1 ou une perte de poids de plus de 5 %, dont l’impact pronostique est clairement démontré dans ces populations (11), la réalisation de plus en plus fréquente (d’environ 5 % des cas au début des années 2000 à plus de 80 % 10 ans plus tard) [12] d’une tomographie par émission de positons au fluorodésoxyglucose (TEP au 18FDG) préthérapeutique permet également d’exclure de ces programmes de RT + CT les maladies métastatiques auparavant non détectées par les techniques d’imagerie conventionnelle (13) et d’augmenter artificiellement la survie des patients inclus dans les essais par effet de migration de stade, ou effet “will rogers” (14). Enfin, à la suite des travaux montrant l’existence d’une corrélation entre le pourcentage de volume pulmonaire irradié à une dose donnée et le risque de toxicité pulmonaire (15), l’attitude actuelle est de n’inclure dans les essais de RT + CT que les patients présentant une dosimétrie compatible avec ces contraintes volumétriques afin de limiter le plus possible le risque toxique, ce qui a pour conséquence la sélection de maladies présentant un plus faible volume tumoral. Il est difficile d’évaluer l’impact spécifique de cette sélection sur la survie des patients et de l’extraire du gain thérapeutique réel obtenu au cours de ces 2 dernières décennies. Toutefois, il est instructif d’analyser de manière comparative les survies médianes de 2 populations traitées exactement par le même schéma de RT + CT, mais à 10 ans d’intervalle. Par exemple, la survie médiane des patients japonais traités par une association Mots-clés Cancer bronchique non à petites cellules localement avancé Non résécable Radio-chimiothérapie concomitante Patients sélectionnés Summary Patients with unresectable, locally advanced thoracic non-small-cell lung cancer (NSCLC) account for 30% of NSCLC patients. Their 5-year survival rate is around 20%. For a minority of selected patients, standard treatment includes the concomitant association of platinum-based chemotherapy and three-dimensional thoracic conformal radiation therapy performed with conventionally spread-out and fractionated delivery, for a total dose of 60 to 66 Gy. The benefit of induction and/or consolidation treatments in conjunction with concurrent chemoradiotherapy is unproven. Most patients managed in daily practice do not meet the eligibility criteria for concurrent chemoradiotherapy because of old age, poor general condition or because they present with prohibitive comorbidities. These patients should then be treated with a sequential combination of platinum-based induction polychemotherapy and thoracic radiotherapy, or exclusively with thoracic radiotherapy. Keywords Locally advanced non-smallcell lung cancer Unresectable Concurrent chemoradiotherapy Selected patients La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 | 149 ONCO-PNEUMOLOGIE Prise en charge des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules non résécable localement avancé au thorax concomitante de cisplatine-vindésine-mitomycine (MVP) et de RT passe de 16 mois dans un essai publié en 1999 (16) à plus 20 mois dans un essai publié en 2010 (17) où cette même association concomitante servait de bras de référence. Quelle radiothérapie concomitante pour les patients éligibles à un programme de radio-chimiothérapie concomitante ? La radiothérapie de conformation en 3 dimensions (RC3D) représente depuis le début des années 2000 la technique d’irradiation couramment utilisée chez ces patients. Grâce à une acquisition tridimensionnelle des données anatomiques et à l’analyse de la distribution de la dose à la tumeur et aux tissus sains environnants, elle autorise en effet d’une part une escalade de dose par rapport aux techniques d’irradiation bidimensionnelle (18) et, d’autre part, une meilleure protection des tissus sains grâce à une meilleure définition du volume tumoral, optimisée encore ces dernières années par l’implémentation quasi systématique du TEP au 18FDG dans le bilan préthérapeutique. En outre, la RC3D permet une analyse à la fois quantitative et qualitative de la distribution de dose dans le parenchyme pulmonaire sain, définissant ainsi des paramètres dosimétriques prédictifs du risque de toxicité pulmonaire, comme le pourcentage de volume pulmonaire total irradié à 20 Gy (V20) et la dose pulmonaire moyenne totale (DMT), ce qui permet de sélectionner – comme on l’a vu – avec un maximum de sécurité les patients éligibles à un programme de RT + CT. Après la démonstration de la faisabilité et de l’intérêt d’une escalade de dose avec la RC3D (18) comparativement au traitement standard de 60 Gy en 6 semaines par fractions de 2 Gy, établie par les travaux historiques du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG), plusieurs études de phase I-II ont montré que, en cas d’association RT + CT, la dose maximale tolérée de radiothérapie était de 74 Gy en étalement conventionnel (2 Gy par fraction). Cela a conduit à la réalisation de l’essai de phase III RTOG 0617 (20) comportant 2 fois 2 bras, dans lequel étaient comparées la dose de référence de 60 Gy en 6 semaines et une haute dose de 74 Gy délivrés en 7,5 semaines, sachant que les patients bénéficiaient dans tous les cas d’une CT concomitante hebdomadaire par carboplatine (AUC2)-pacli- 150 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 taxel (45 mg/m2), associée ou non à du cétuximab. En 2011, et à la suite d’une analyse intermédiaire programmée, les inclusions dans les 2 bras haute dose de l’essai (RT 74 Gy + CT et RT 74 Gy + CT + cétuximab) ont été interrompues de façon prématurée en raison d’une meilleure survie dans le bras dose standard (81 % versus 74 % de survivants à 1 an). Ainsi, ce concept pourtant prometteur d’escalade de dose n’est actuellement pas validé en pratique, et la dose de RT à administrer chez ces patients reste, hors essais, comprise entre 60 et 66 Gy. L’intérêt de l’hyperfractionnement des doses d’irradiation, permettant de raccourcir la durée totale de la RT dans l’optique de lutter contre les phénomènes de repopulation cellulaire, a été démontré par l’essai CHART (21), dans lequel les patients traités sur un mode hyperfractionné accéléré (3 fractions quotidiennes de 1,5 Gy pendant 12 jours) présentaient un meilleur contrôle local et une meilleure survie que leurs homologues traités par une RT exclusive en étalement conventionnel (60 Gy pendant 6 semaines). À l’inverse, l’utilisation d’un schéma bifractionné (2 fractions quotidiennes de 1,2 Gy) à 69,6 Gy n’a pas démontré de supériorité sur le traitement de référence dans l’essai RTOG 8808 (22). En cas d’association concomitante avec une CT, la RT fractionnée, par ailleurs difficile à mettre en œuvre en pratique, n’a pas clairement démontré son intérêt par rapport à une RT + CT où la RT est réalisée en fractionnement conventionnel, et entraîne en outre une nette majoration des toxicités, en particulier œsophagiennes et pulmonaires (1). Le fractionnement conventionnel reste donc, à l’heure actuelle, la référence en matière d’association concomitante RT + CT. Quelles chimiothérapies pour les patients éligibles à un programme de radiochimiothérapie concomitante ? Le cisplatine représente indiscutablement la molécule pivot des associations concomitantes RT + CT (3). Bien que son action radiosensibilisante à faible dose quotidienne (6 mg/m2/j) ait été démontrée en monothérapie (23), il est actuellement essentiellement utilisé à doses cytotoxiques (entre 80 et 100 mg/m2/3 sem.) et dans le cadre de polychimiothérapies concomitantes. En effet, dans la méta-analyse de 2010 (8), la majorité des associa- ONCO-PNEUMOLOGIE tions RT + CT comportait du cisplatine à dose cytotoxique. Le choix optimal de la molécule associée au cisplatine reste encore débattu. Si des molécules trop radiosensibilisantes, comme l’adriamycine ou la gemcitabine, ne doivent pas être utilisées en association concomitante avec la RT, des produits comme l’étoposide, la vinorelbine ou les taxanes peuvent être employés – pour la plupart à doses adaptées – en association avec le cisplatine dans le cadre d’associations RT + CT (3). Peu d’études comparant différentes associations de CT concomitante à base de cisplatine sont actuellement disponibles. Dans l’essai de phase II randomisé du Cancer And Leukemia Group B (CALGB) 9431 (24), où les associations concomitantes cisplatine-gemcitabine, cisplatine-paclitaxel et cisplatine-vinorelbine étaient évaluées, c’est l’association cisplatine-vinorelbine dans laquelle la dose-intensité de la vinorelbine était diminuée (15 mg/m2 2 semaines sur 3) qui l’emportaient sur les 2 autres, avec le meilleur pourcentage de survivants à 2 ans et le taux d’œsophagite de grade 3-4 le plus faible. Plus récemment (25), l’association concomitante de dernière génération cisplatine (40 mg/m2 J1, J8)-docétaxel (40 mg/m2 J1, J8) n’a pas pu démontrer sa supériorité en termes de survie sur un schéma plus ancien utilisant l’association MVP-RT. Enfin, l’association concomitante cisplatine-étoposide-RT, qui reste, à la suite des travaux successifs du Southwest Oncology Group (SWOG), un des schémas de référence aux États-Unis, est actuellement comparée à l’association cisplatine-pémétrexed-RT dans le cadre de l’essai de phase III PROCLAIM (26), qui s’adresse aux patients présentant un CBNPC non épidermoïde. En effet, le pémétrexed, dernière molécule à avoir été développée dans cette situation, présente l’intérêt de pouvoir être utilisé à pleine dose en association avec les sels de platine et la RT, car les essais de phase II n’ont pas constaté de surcroît évident de toxicité (27). À l’inverse de ce qui a été observé avec le cisplatine, l’action radiosensibilisante du carboplatine dans les stades localement avancés n’a pas été clairement établie (3). En effet, une seule étude comportant du carboplatine en traitement concomitant était présente dans la méta-analyse de 2010 (8). Toutefois, pour des raisons pratiques, des doublets à base de carboplatine, en particulier l’association hebdomadaire carboplatine (AUC2)-paclitaxel 45 ou 50 mg/m2, sont régulièrement utilisés par les groupes nord-américains comme le CALGB et le RTOG, y compris dans des essais de phase III de grande envergure (20). Néanmoins, les résultats obtenus dans les essais de phase III par cette association concomitante semblent inférieurs, pour certains d’entre eux (28), à ce qui est habituellement observé lorsque l’on utilise des doublets à base de cisplatine. La seule étude comparative entre une CT concomitante délivrée à dose cytotoxique et un traitement à visée radiosensibilisante qui ait été publiée à notre connaissance est une étude de non-infériorité menée par le West Japan Thoracic Oncology Group (29) comparant un schéma de référence MVP + RT (bras A) et 2 schémas expérimentaux comportant soit une association hebdomadaire de carboplatine (AUC2)-irinotécan (20 mg/m2) [bras B], soit une association hebdomadaire de carboplatine (AUC2)-paclitaxel (40 mg/m2) [bras C]. Bien que la non-infériorité des 2 schémas expérimentaux n’ait pas pu être démontrée en raison d’un manque de puissance statistique de l’étude, probablement lié à une sous-estimation de la survie dans le bras de référence, les courbes de survie des bras A et C sont superposables, le profil de toxicité favorisant le bras C. En résumé, beaucoup d’arguments vont dans le sens de l’utilisation d’une polychimiothérapie concomitante utilisant un doublet à base de cisplatine, cette dernière molécule étant délivrée à doses cytotoxiques. Depuis la publication du CALGB 9431 (24), l’association concomitante cisplatine-vinorelbineRT représente en France l’association pour laquelle nous disposons du meilleur recul et c’est celle qui est utilisée en routine hors essais cliniques dans la plupart des centres. Quelles stratégies pour les patients éligibles à un programme de radiochimiothérapie concomitante : RT + CT seule ? Induction ou consolidation ? Une fois démontrée la supériorité d’une association concomitante RT + CT sur des schémas séquentiels, l’étape ultérieure a consisté à savoir si l’adjonction d’un traitement d’induction ou de consolidation à une RT + CT était capable d’améliorer la prise en charge des patients. L’utilité d’un traitement de consolidation après RT + CT a fait l’objet d’intenses efforts de recherche clinique ces dernières années. L’essai de phase II randomisé LAMP (30), évaluant 3 modalités d’association RT-CT, a montré des résultats encourageants en faveur de cette stratégie La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 | 151 ONCO-PNEUMOLOGIE Prise en charge des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules non résécable localement avancé au thorax en favorisant clairement le bras comportant une CT de consolidation par 2 cycles de carboplatinepaclitaxel après une RT + CT (16,3 mois de survie médiane) par rapport à une approche séquentielle (bras contrôle, 13 mois) ou d’induction suivie de la même RT + CT (12,7 mois). Dans le même ordre d’idées, les essais de phase II successifs du SWOG ayant montré des médianes de survie intéressantes dans des populations traitées avec des schémas de consolidation, l’intérêt d’un traitement de consolidation par 3 cycles de docétaxel a été testé en phase III par le Hoosier Oncology Group (HOG) [10]. Malheureusement, cet essai de phase III – le seul portant sur cette question à notre connaissance – a été clos prématurément du fait d’une surmortalité par toxicité dans le bras docétaxel par rapport au bras observation. Les inhibiteurs des tyrosine kinases (ITK) liés à l’EGFR ont également été étudiés en maintenance après un traitement d’induction comportant une RT + CT concomitante chez les patients présentant un CBNPC localement avancé. L’étude randomisée de phase III SWOG 0023 (31) a comparé l’intérêt d’une maintenance par géfitinib versus placebo après un traitement d’induction comportant une RT + CT suivie d’une consolidation par 3 cycles de docétaxel. Après réalisation d’une analyse intermédiaire, cette étude a été arrêtée prématurément en raison de la constatation d’une survie significativement moins bonne dans le bras géfitinib pour cause d’un excès de décès par cancer. L’erlotinib a également été testé dans cette situation de maintenance versus placebo (32). Là encore, même s’il n’a pas été observé de déficit de survie dans le bras erlotinib, les résultats de cette étude sont décevants en termes de survie, et n’encouragent pas à poursuivre le développement des ITK de l’EGFR en maintenance dans cette situation. Il n’y a donc pas actuellement de démonstration de l’intérêt d’une CT de consolidation ou d’un traitement de maintenance, qui ne doivent donc pas être utilisés en routine, hors essais thérapeutiques. Toutefois, le sujet n’est pas clos, et de larges études de phase III sont en cours, tels l’essai RTOG 0617 (carboplatine-paclitaxel en consolidation) [20] et l’étude PROCLAIM (pémétrexed ou choix du traitement de consolidation par l’investigateur) [26], qui testent divers schémas, même si l’on peut regretter qu’il n’y ait pas de bras observation faisant office de référence dans ces essais. En effet, il est bien possible que le profil de toxicité de la ou des molécules utilisées en consolidation soit déterminant, comme l’ont bien montré les résultats de l’essai du HOG (10). 152 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 La réalisation d’une polychimiothérapie d’induction a l’avantage pratique de permettre de traiter rapidement le patient, préalablement à la réalisation de la RT + CT qui nécessite la mise en œuvre de procédures techniques et organisationnelles de plus en plus complexes. Son utilité n’est toutefois actuellement pas démontrée, l’essai de phase III du CALGB (28) n’ayant pas montré qu’il y avait un intérêt en termes de survie à l’adjonction à une RT + CT de 2 cycles de carboplatine-paclitaxel (14 mois de survie médiane avec induction versus 12 mois sans induction, différence non significative). De même, l’induction par 2 cycles de cisplatine-gemcitabine n’apporte aucun bénéfice de survie par rapport à une RT + CT seule (33). L’essai de phase II randomisé GFPC-GLOT-IFCT 02-01, qui avait pour objectif de comparer une stratégie d’induction par 2 cycles de cisplatine-paclitaxel avec une consolidation avec ces mêmes molécules, ne permet pas non plus de trancher ; car, si la survie médiane est plus importante dans le bras induction (19,6 versus 16,3 mois), la survie à 3 ans favorise le bras consolidation (31 versus 21 %), les toxicités étant globalement identiques dans les 2 bras (34). Au total, il n’y a actuellement aucune démonstration de l’intérêt que pourrait avoir l’adjonction d’un traitement d’induction ou de consolidation à une association de RT + CT concomitante chez ces patients. Quels sont les patients non éligibles à un programme de RT + CT, et comment les traiter en pratique quotidienne ? L’exigence croissante de sélection des essais thérapeutiques de RT + CT a conduit à une diminution de la représentativité des patients inclus vis-à-vis de la population générale. Par exemple, seuls 13 % des patients inclus dans la méta-analyse de 2010 étaient âgés de plus de 70 ans, et seuls 2 % d’entre eux avaient un PS égal à 2 (8). Dans leur travail remarquable, D. De Ruysscher et al. (35) ont utilisé les critères de sélection habituels des essais thérapeutiques de RT + CT en les appliquant de manière prospective à leurs patients pris en charge en routine clinique entre 2002 et 2005, et ils ont montré que seuls 40 % des malades porteurs d’un CBNPC localement avancé traités durant cette période présentaient des critères d’éligibilité à un programme de RT + CT tels que définis dans les essais thérapeutiques. Le traitement de référence actuel par RT + CT ONCO-PNEUMOLOGIE validé par la recherche clinique concerne donc probablement moins de 50 % des patients pris en charge au quotidien. Comme on l’a vu, ces programmes de RT + CT doivent s’appliquer à des patients jeunes (< 70 ans), en bon état général (PS = 0/1, perte de poids < 5 à 10 %), ne présentant pas de comorbidités rédhibitoires (VEMS > 40 % de la valeur théorique ; fonctions cardiaque, hépatique et rénale adéquates) et pour lesquels la dosimétrie réalisée respecte les contraintes définies ci-dessus. Pour tous les autres, les associations RT + CT s’avèrent trop toxiques, et il est paradoxal de voir le peu d’essais réalisés et le peu de données disponibles dans la littérature concernant ces malades, qui représentent pourtant la majorité des patients pris en charge en pratique quotidienne. Malgré ces données manquantes, la plupart des experts (36) s’accordent à proposer une association séquentielle de CT comportant un sel de platine et une RT thoracique réalisée en étalement conventionnel, voire seulement une RT en cas de PS ≥ 2. Il est toutefois probable que certaines sous-populations, en particulier les patients âgés (> 70 ans) en bon état général et sans comorbidités, puissent bénéfi- cier d’un traitement concomitant adapté, et il est nécessaire de poursuivre la recherche clinique dans ces situations. C’est ce que propose l’essai français de phase II RACCOSA (37), en cours, qui s’adresse à des patients âgés et en bon état général. Conclusion et perspectives Après 20 ans de progrès thérapeutiques réels, pour partie liés à une meilleure sélection des patients éligibles à des programmes de RT + CT, il semble que nous ayons atteint un plateau thérapeutique il y a quelques années. En effet, ni les schémas d’induction, ni ceux de consolidation testés jusqu’alors n’ont permis d’améliorer la survie des patients, le traitement de référence demeurant à ce jour une association concomitante par RT + CT. L’implémentation de nouvelles techniques d’irradiation, comme la RT en modulation d’intensité ou l’intégration des thérapeutiques ciblées dans les schémas de prise en charge, représentent 2 pistes d’avenir prometteuses, en cours d’évaluation. ■ Liens d’intérêts. D. Arpin a reçu des indemnités de voyage pour se rendre à des congrès (CPLF, ESMO), des laboratoires Lilly, Roche et Mundipharma. Références bibliographiques 1. Govindan R, Bogart J, Vokes EE. 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P E T I T E A N N O N C E 98 - NOUVELLE-CALÉDONIE Le Centre Hospitalier Territorial-Nouméa recrute 1 Praticien Hospitalier à temps plein au service de Pneumologie Poste à pourvoir le 1er décembre 2012 Profil de poste à consulter sur le site du CHT wwwcht.nc Renseignements complémentaires à demander par e-mail au Docteur Hervé LEVENES (Chef de Service de pneumologie) [email protected] Les dossiers de candidature sont à demander à la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales de Nouvelle Calédonie Médecin Inspecteur de la Santé BP N4 - 98851 NOUMEA (Nouvelle-Calédonie) Tél. : (687) 24 37 37 Télécopie : (687) 24 37 33 E-mail : [email protected] Date limite de dépôt du dossier complet : le 30 novembre 2012 Rédacteur en chef : Pr Marc Humbert Comité de rédaction I. Annesi-Maesano - E. Bergot - A. Bourdin - V. Cottin B. Degano - R. Epaud - C. Locher - A. Magnan - O. Sanchez Conseil de rédaction F. Blanchon - P. Devillier - O. Jonquet - F.X. Lebas T. Perez - P. Petitpretz - C. Rahérison J. Regnard - S. Salmeron - P. Villanueva Comité scientifique et pédagogique M. Aubier - F. Bonnaud - Ch. Brambilla - B. Charlin J.F. Cordier - A. Depierre - P. Duroux - M. Fournier J.P. Grignet - B. Housset - G. Huchon P. Léophonte - Ch. Mayaud - F.B. Michel J.F. Muir - G. Pauli - P. Scheinmann - A. Taytard - D. Vervloët Comité de lecture J. de Blic - G. Capellier - A. Cartier - Ph. Carré - E. Chailleux P. Chanez - D. Charpin - B. Crestani - J.Ch. Dalphin Ch. Delacourt - L. Delaunois - J.C. Dubus - N. Dufeu G. Durand - D. Hubert - D. Israël-Biet - E. Lemarié P. L’Her - Ph. Leuenberger - H. Mal - Y. Maria M. Molimard - D. Moro-Sibilot - J.P. Orlando - Y. Pachéco F. Paganin - I. Pin - J. Piquet - Ch. Pison - A. Prud’homme J.C. Pujet - M. Stern - L. Thiberville - D. Valeyre A. Vergnenègre - J.M. Vergnon - B. 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