numéro 51 - oCToBrE, noVEmBrE 2009
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numéro 51 - oCToBrE, noVEmBrE 2009
numé ro 51 - OC T OBR E , NO V E MBR E 20 0 9 magazine 51 - OCTOBRE 2009 On nous raconte des histoires. Et il faut croire qu’on aime ça. À mesure que l’établissement des faits a déserté la presse, le récit s’est glissé dans la place laissée vacante. Pas une marque, pas un produit, pas même une personnalité sans histoire – la belle, pas la maudite. Quant à l’investigation, avec un grand « I », qui serait le salut de cette presse en ces temps d’Internet et de formats courts, il y a belle lurette qu’elle est le fait des livres, dont l’économie dépend du nombre de lecteurs et non des marques. S’il y a lieu de déprimer ? Pas tant que ça ; juste de repenser les fondements. Brèves P. 08 5 magazines P. 10 Rodeo, I love you, Ranked, Mint, Wound. Interview P. 20 Vincent Darré a dessiné pour plusieurs maisons de mode, mais s’en détourne aujourd’hui pour préférer la variété d’une pratique plus proche des arts décoratifs : mobilier, mode, tissu, image… par Cédric Saint André Perrin. Images P. 24 Une erreur de fichier ou un voyage dans le temps ? Des images des années 60 se sont immiscées dans le réel de l’été 2009. Voyage dans le temps. par Céline Mallet. Histoire P. 26 Du côté du signe plutôt que de l’indispensable, le chapeau masculin a une histoire tourmentée, où l’Histoire le dispute à l’élégance. par Marlène Van de Casteele. Logo P. 28 A Venise cet été, le visiteur mondain a vu beaucoup d’expositions, peu de publicités mais surtout un logo qui en vaut mille. par Yorgo Tloupas. Off record P. 30 Une période de tension est toujours propice à s’interroger sur les signes (de la mode) : que véhiculent les logos ? quel rôle jouent les blogs ? où se vendra la mode demain ? par Angelo Cirimele. digital lab janvier.fr Re-naissance P. 34 Portfolio de Milo Keller et Julien Gallico. Biographie P. 48 André Courrèges n’a pas seulement imposé le blanc et la mini-jupe. Retour sur une vie bien remplie et un peu obsessionnelle. par Marlène Van de Casteele. Inspiration P. 50 Mais d’où viennent ces lunettes carrées que l’on croise au nez de quiconque a choisi de se promener en ville ? par Florence Tétier. Commissariat P. 52 Marta Gili a remis le Jeu de Paume au centre du Paris artistique ; l’occasion de revenir sur les références et les pratiques de cette commissaire autodidacte de l’image. par Emmanuelle Lequeux. Casting sauvage P. 56 Portfolio de Brice Compagnon. Rencontre P. 66 Yusuke ne veut plus dessiner (de la mode) pour les hommes mais pour les chiens. Comment en est-on arrivé là ? par Mathias Ohrel. Consumer P. 68 Un magazine promotionnel à la gloire d’une personne ? Oui, c’est possible. Pourtant, il ne se présente pas à une élection mais est DJ. Design P. 70 Le design doit avoir une fonction et est donc généreux par essence. Et si un designer prenait le contrepied de cette affirmation ? par Pierre Doze. Projection P. 72 Comment les déchets sont-ils devenus la dernière mémoire de notre frénétique consommation ? par Sylvain Ohrel Points de vue P. 75 Dans la même journée, trois personnages vont être confrontés à la même œuvre. par Géraldine Miquelot. Rétrovision P. 76 Dans les années 50, Robert Delpire était directeur technique de Neuf et de L’Œil ; avant qu’on éprouve le besoin d’affubler du terme « artistique » les titres des graphistes. par Pierre Ponant. Agenda P. 79 Adresses P. 82 Directeur éditorial Angelo Cirimele DirecteurS artistiqueS de ce numéro Milo Keller & Julien Gallico / twinroom.net PHOTOGRAPHES Brice Compagnon, Milo Keller & Julien Gallico Contributeurs Pierre Doze, Emmanuelle Lequeux, Céline Mallet, Géraldine Miquelot, Mathias Ohrel, Sylvain Ohrel, Pierre Ponant, Florence Tétier, Marlène Van de Casteele, Cédric Saint André Perrin, Yorgo Tloupas. Traduction Kate van den Boogert Design original Yorgo Tloupas Couverture Milo Keller & Julien Gallico Remerciements Saif Mahdhi, Jean-Marc (Le Petit-Oiseau) Annabelle Jouot, Camille Wodling, Monsieur X. Secrétaire de rédaction Anaïs Chourin Éditeur Angelo Cirimele RETOUCHes Janvier Imprimeur SIO 94120 Fontenay-sous-Bois Email [email protected] Issn n° 1633-5821 Correspondance ACP : 32, bd de Strasbourg, 75010 Paris t. 06 16 399 242 © Magazine et les auteurs, tous droits de reproduction réservés. Magazine n’est pas responsable des textes, photos et illustrations publiées, qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Abonnement/Subscription Magazine est gratuit, mais vous pouvez aussi le recevoir chez vous ou au bureau. Abonnement France 1 an / 5 numéros / 40 euros. Abonnement hors France 1 an / 5 numéros / 50 euros. Envoyez votre règlement en chèque à l’ordre d’ACP à l’adresse suivante : ACP – Magazine 32, boulevard de Strasbourg 75010 Paris MAGAZINE N 51, PAGE 8 Ça s’est passé cet été : les mensuels Femmes et Atmosphères ont fusionné, premier numéro en octobre. Le supplément de Libération Next est devenu un mensuel indépendant, vendu 1 euro, mais son contenu a peu évolué. Exit Le Monde 2, place au Monde magazine (aussi peu d’évolutions). What happened this summer: the monthlies Femmes and Atmosphères merged, the first issue’s due out in October. Liberation’s supplement Next has become an independent monthly, sold for 1 euro, though the content has changed little. Out with Le Monde 2, in with Monde magazine. Une rétrospective Yves Saint Laurent se tiendra au Petit Palais en mars 2010. Vêtements mais aussi objets, dessins, photos et films retraçant 40 ans de carrière. En attendant, Yves Saint Laurent Tout terriblement de Jérôme de Missolz, un documentaire consacré au styliste, sort en DVD chez Arte Editions en novembre. An Yves Saint Laurent retrospective will take place at the Petit Palais in March 2010. Clothes, but also objects, drawings, photos and films will retrace his 40 year career. In the meantime, Yves Saint Laurent Tout terriblement by Jérôme de Missolz, a documentary about the designer, comes out on DVD from Arte Editions in November. Grazia en chiffres : 2 ans de gestation, 6 numéros zéro, une lectrice souhaitée entre 25 et 35 ans, un prix de vente de 1 euro et bientôt deux ou presque, 45 % de mode et beauté, 35 % d’actualité, 10 % de people et 10 % de culture... le tout pour 25 millions d’euros investis. La crise ? Quelle crise ? Grazia in figures : 2 years in the making, 6 number zeros, a target readership of women between 25 and 35, an initial cover price of 1 euro soon to be 2 euros or thereabouts, 45% fashion and beauty, 35% news, 10% celebrity gossip and 10% culture... all that for an investment of 25 million euros. The GFC? What GFC? L’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) a publié un appel d’offres pour la refonte de son identité visuelle (logo et charte graphique). Les outils actuels élaborés par les M/M (Paris), anciens étudiants de l’école, seraient-ils trop décoratifs et pas assez pratiques ? The Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) has made a call for entries for the redesign of its visual identity (logo and design). Is the current version, created by M/M(Paris), former students of the school, too decorative and not sufficiently practical? On attend début 2010 des nouvelles formules : Les Cahiers du Cinéma (à présent dirigé par Stéphane Delorme) et Les Inrockuptibles, racheté par Matthieu Pigasse et dirigé par Bernard Zekri (exiTélé), avec une tonalité plus sociale et politique. Rappel mathématique : 2010 + 2 = 2012. We’re expecting a few makeovers for the beginning of 2010 : Les Cahiers du Cinéma (currently directed by Stéphane Delorme) and Les Inrockuptibles, bought out by Matthieu Pigasse and run by Bernard Zekri (ex iTélé), with a more social and political tone. A mathematical reminder: 2010 + 2 = 2012 Il y a encore des marques qui se lancent : Thomsen, spécialiste de la chemise, imaginée par le trio Alix Thomsen (styliste), Franck Cohen (ex-American Apparel) et Lionel Bensemoun (Monsieur le Baron) a ouvert sa première boutique parisienne dans le Marais. Brands continue to be launched: Thomsen, shirt specialist, created by the trio Alix Thomsen (designer), Franck Cohen (ex-American Apparel) and Lionel Bensemoun (Mr le Baron) has opened its first Parisian store in the Marais. La boisson Red Bull va ouvrir une galerie d’art à Paris. « 12 Mail » accueillera une exposition consacrée au magazine Sang Bleu pour son ouverture, cette fashion week. The energy drink Red Bull is to open an art gallery in Paris. ‘12 Mail’ will present an exhibition dedicated to the magazine Sang Bleu for its opening, this fashion week. C’est Surface to Air qui est en charge de la campagne de lancement de la marque japonaise Uniqlo, qui a ouvert une boutique de 2 000 m2 rue Scribe (9e). Surface to Air is in charge of the launch campaign for the Japanese brand Uniqlo, which has opened a 2,000 m2 flagship rue Scribe (9th). Valse des DA : Interview est repris en main par Fabien Baron (après le départ de Glen O’Brien et des graphistes M/M (Paris), et retrouve son logo. The waltz of the ADs: Interview is taken in hand by Fabien Baron (following the departure of Glen O’Brien and the graphic designers M/M [Paris]) and gets back its logo. Ça s’est passé cet été (part 2) : Parce qu’elle aime bien les chiffres ronds pour rajeunir son lectorat et parce qu’on ne sait pas encore si Grazia marchera, Elle a passé son prix de vente de 2,30 à 2 euros. La centenaire librairie Brentano’s (1895) de l’avenue de l’Opéra (2e) a définitivement fermé ses portes. What happened this summer (part 2) : Because it likes round figures, to attract a younger readership and because it doesn’t yet know if Grazia will work, Elle has reduced its cover price from 2.30 to 2 euros. The century old bookshop Brentano’s (1895) on the Avenue de l’Opéra (2nd) has closed its doors for good. Une exposition consacrée à la mode, mais dont le vêtement n’est pas le centre arrive à Paris. « Dysfashional » se veut réflexive et prospective, et présentera des propositions de Hussein Chalayan, Raf Simons, Grit & Jerszy Seymour, Pierre Hardy et Bless, entre autres. Passage du Désir, à partir du 29 octobre. An exhibition dedicated to fashion, but where the garment is not at the centre, lands in Paris. “Dysfashional” wants to be self-critical and focus on emerging talent and ideas and will present propositions by Hussein Chalayan, Raf Simons, Grit & Jerszy Seymour, Pierre Hardy and Bless, among others. Passage du Désir, from 29 October. The Day Before est le prochain documentaire en quatre épisodes signé Loïc Prigent, qui a suivi quatre maisons (Proenza Schouler, Jean Paul Gaultier, Sonia Rykiel et Fendi) 36 heures avant leur défilé. Pas encore de date de diffusion communiquée. The Day Before is the new documentary in 4 episodes from Loïc Prigent, who followed four fashion houses (Proenza Schouler, Jean Paul Gaultier, Sonia Rykiel and Fendi) for the 36 hours leading up to their fashion show. The screening date has not yet been made public. Rencontre du mass market et de l’indie media : Gap s’est associé à la blogueuse Garance Doré en exposant une série d’illustrations dans une boutique éphémère londonienne, parfois reprises sur des T-shirts. Meeting of the mass market and indie media: Gap has joined forces with blogger Garance Doré, exhibiting, in a pop-up store in London, a series of illustrations some of which are printed on T‑shirts too. L’art continue de se déplacer dans les interstices. Après le bar de la dernière Biennale de Venise, conçu par l’artiste Tobias Rehberger (et qui lui a valu un Lion d’or), c’est au stand de la galerie Alain-Gutharc à la Fiac d’être mis en espace par Christian Lacroix. Art continues to move into the cracks: after the bar at the last Venice Biennale, thought up by Tobias Rehberger (and which won him a Golden Lion), Alain Gutharc gallery’s stand at the Fiac will be designed by Christian Lacroix. Agnès b. a annoncé la création de la « Fondation Agnès Troublé dite agnès b. ». Le lieu ouvrira début 2010, mais on ne sait pas encore où, même en insistant. Agnès b. has announced the creation of the ‘Fondation Agnès Troublé dite agnès b.’ (Agnès Troublé known as agnès b. Foundation). It will open early 2010, though we don’t know where yet, even after insisting. Le film Logorama, réalisé par H5 et reprenant pléthore de logos dans une même narration, sera projeté lors de la 100e du magazine « Mensomadaire », sur Canal +, le 16 octobre. The film Logorama, by H5, which re-employs a plethora of logos in the one narrative, will be projected during the 100th episode of the TV series “Mensomadaire”, on Canal+, the 16 October. Faute de financement, l’exposition « Kate Moss » prévue aux Arts Déco fin novembre est repoussée à 2011. Due to a shortfall in financing, the exhibition “Kate Moss”, originally scheduled at the Arts Déco Museum for the end of November, has been pushed back to 2011. Mesurons la crise : le numéro de septembre 2009 de Vogue US compte 584 pages, contre 798 l’année passée, soit – 25 %. Let’s measure the Crisis: the September 2009 issue of Vogue US has 534 pages, versus 798 last year, so a drop of 25%. Les Inrocks ont confié leur nouvelle formule à la nouvelle génération : Etienne Robial – qui a signé la première identité de Canal + en 1984. En kiosque dès mars 2010. Les Inrocks magazine have put their redesign in the hands of the new generation: Etienne Robial, who designed Canal+’s first visual identity back in 1984. On newstands from March 2010. Le Bon Marché propose une exposition consacrée au photographe Guy Bourdin, en présentant 15 vidéos de shooting ou de moments plus intimes. Jusqu’au 29 octobre. Le Bon Marché presents an exhibition dedicated to the photographer Guy Bourdin, presenting 15 videos of shoots and of more private moments. Until 29 October. « Balenciaga Paris », le premier parfum Balenciaga de l’ère Ghesquière est annoncé pour février, avec Charlotte Gainsbourg photographiée par Steven Meisel pour égérie. ‘Balenciaga Paris’, the first Balenciaga perfume launched during Ghesquière’s reign, is out February, with Charlotte Gainsbourg photographed by Steven Meisel as its face. Hermès a ouvert une boutique éphémère rue de Grenelle (7e), en attendant son nouvel espace rue de Sèvres (6e), prévu fin 2010. Hermès has opened a pop-up store rue de Grenelle (7th), until its new space rue de Sèvres (6th) opens, scheduled for the end of 2010. Après Gareth Pugh, c’est Giles Deacon qui a remporté le prix de l’Andam et qui défilera à Paris, au Palais de Tokyo, pour la première fois en octobre. After Gareth Pugh it’s Giles Deacon who has won the Andam prize and who will show in Paris, at the Palais de Tokyo, for the first time in October. Neville Brody est le nouveau directeur artistique d’Arena Homme + , précédemment designé par M/M (Paris). Neville Brody is the new artistic director of Arena Homme+, formerly designed by M/M (Paris). Olivier Zahm (Purple) devient photographe et signe sa première campagne pour Zadig & Voltaire. Olivier Zahm (Purple) turns photographer and signs his first campaign for Zadig & Voltaire. Le magazine de design Intramuros a confié la refonte de son logo à H5. The design magazine Intramuros has entrusted the redesign of its logo to H5. Terry Richardson a shooté le prochain calendrier Pirelli au Brésil. Terry Richardson shot the next Pirelli calendar in Brazil. MAGAZINE N 51, PAGE 10 Rodeo Italie, bimestriel, 164 p., no 57, 225 x 325 mm, 5,90 euros. Editor in chief: Marcelo Burlon Creative director: Tim McIntyre Deputy editor: Leo Mansueto Publisher: Superstudio rodeomagazine.it On éprouve un sentiment étrange après avoir regardé et lu Rodeo : enthousiaste et contrarié. Pourtant, peu de magazines italiens peuvent se targuer d’une telle tenue, tous s’effaçant devant le Vogue italien et sa démesure. Beaucoup d’informations, une DA affûtée et élégante, qui n’a rien à envier à des titres hollandais ou anglais, une mode affirmée et minimaliste, qui demanderait même à s’étendre sur davantage de doubles pages. Rodeo se situe entre le lifestyle et le culturel : 50 pages de mode ouvrent le magazine, puis s’entremêlent 20 pages d’art, des sections design, musique, photo… le tout lié par une pléthore d’infos courtes, un agenda, des chroniques et même un poster central « pin-up calendrier », recto homme, verso femme. L’identité de Rodeo est d’ailleurs plutôt masculine et gay. Dans ses sujets, le magazine part aisément au Japon (l’architecte Sou Fujimoto), à New York (Mike Mills ou Arto Lindsay), ou encore à Londres et Berlin ; comme pour conjurer le côté provincial de Milan. Et c’est peut-être là que réside la légère déception de Rodeo : le DA est anglais (Tim McIntyre), l’invité design new-yorkais (Felix Burrichter de Pin-up magazine), les photographes de mode américains ou suédois… A se demander si Rodeo est un magazine international édité à Milan ou un magazine italien avec une spécificité. On aurait préféré la deuxième hypothèse. Extrait ALESSIA GIACOBINO Non delego de la mia vita Riminse, trentenne, Alessia Giacobino ha una grinta invidiabile e le idee molto chiare su come gestire gli eventi: si lascia andare a nuove esperienze con l’istinto di chi sa che contaminazione è un mezzo più che mai utile per definire la propria identità. Sposata, una figlia di 3 anni (Allegra), appassionata d’arte (al liceo artistico utilizzava materiali provenienti dal mondo dell’edilizia per costruire le sue sculture), Alessia ha studiato architettura, per accontentare i genitori, proprietari di negozi di abbigliamento, che “volevano verderla sistemata”. E il lavoro sicuro è arrivato… quando nel 2000 ha deciso di sperimentare il mondo della moda, alla sua maniera, senza deleghe, in un’azienda dallo scenario surreale. Il marchio è Jonofui, che sfila a Milano dal 2005. Ma il suo cv non si chiuderà qui… —Cosa intendi quando dici “non delego niente” ? Che mi piace decidere tutto, ogni dettaglio, une cerniera, un bottone… é un mio difetto ! Non so delegare e non mi piace nemmeno; scelgo anche i clienti, quelli che non mi piacciono restano fuori dal mio parco. Ho richieste da oltre 300 esercizi; ne scelgo solo 20. Alla lunga l’istinto paga, con quei clienti c’è un rapporto che dura da sette anni. —Sei un capo detestabile ? (ride, ndr) No, tutt’altro: la mia azienda, che ha sede in un mulino-fucina, non è industrializzata. Siamo come una famiglia, condividiamo tutto. Da noi privato e lavoro si fondono e quando ci salta in mente un’idea ci sentiamo anche alle tre del mattino. […] Harold Baberini, p. 52 MAGAZINE N 51, PAGE 12 I love you Allemagne, semestriel, 68 p., no 1, 240 x 335 mm, 5 euros. Editor in chief & creative director: Christiane Bördner Fashion direction: Alexx & Anton Design: Philippa Bllod Publisher: E-design + communication Gmbh iloveyou-magazine.com Bonne nouvelle : on peut encore se faire plaisir. Un grand format, 68 pages d’érotisme, beaucoup de liberté et un prix modique (5 euros) ! Une déclaration donc (I love you) et une liste de prénoms, masculins et féminins, qui ont participé au magazine. Si l’air du temps est au magazine érotique, comme un retour de balancier du porno chic et de la vague Richardson (on aura aussi remarqué Jacques, magazine très vintage et un peu creux), celui-ci a la particularité d’être créé par une femme, qui se faufile entre sensualité et évocation. Quelques citations de Bataille (en allemand !), le récit d’un rêve, une pub 50, un long échange de mails et quelques confidences. Les textes sont courts et procèdent du même mouvement : suggérer. Côté DA, c’est élégant et vintage ce qu’il faut, sauf quelques images que la typo couvre comme un vêtement… et qu’on dirait tout droit sorties de Self Service. Et dans une typo minuscule, juste sous le titre : « my printed blog » ; ça commence à devenir intéressant. I love you est une nouvelle preuve que les médias ne s’annulent pas mais offrent de multiples variantes, régénérant les formes. Pour clore ce conte merveilleux, quelques faits et mécanismes : l’éditrice, Christiane Bördner, est DA et agent de son annoying husband (ainsi présenté dans l’ours) Marcus Gaab, dont une série est publiée. Mi-book, mi-blog, I love you ne se cache pas et a l’élégance de ne pas nous imposer de pub en 4e de couverture, mais une citation sur l’édition de Clay Shirky, gourou de la post-information : “It makes increasingly less sense even to talk about a publishing industry, because the core problem publishing solves —the incredible difficulty, complexity, and expense of making something available to the public— has stopped being a problem.” Extrait I like the sound of kissing From: Christiane Bördner [email protected] Subject: Would love to print your images in my magazine! Date: Wednesday, May 6, 2009, 5:37 AM To: [email protected] I Found your images in a blog. I was wondering if you would mind me printing them in my magazine, enclosed is a rough layout. I am a great Art Director from Berlin with a sexy idea but not a big budget yet. The only thing I can offer you is being part in something remarkable beautiful with a credit. The Magazine is planned to be launched at the beginning of July for Berlin Fashionweek. If you want to see more of the magazine just give me a shout. Would love to hear from you. Best from Berlin christiane From: [email protected] Subject: Would love to print your images in my magazine! Date: 6 mai 2009, 18:02:52 MESZ To: [email protected] Hi Christiane, Thanks for the interest, the “Sweet Fashion” story has been published in many magazines and few books and I am doing an exhibition in Cannes for the film festival but it has always been published as part of an article about me, basically talking about my work and never in the way you want to use it. The problem is that I either give the whole story as a fashion editorial to a magazine (I refused Wallpaper and Wound for different reasons) or it has to be either a cover or a piece about me. So if you want to use it in a different way I’ll be happy to send you the scan, like that I don’t think it works for me. I am a starving artist in NYC trying to do what’s best for me and trying to protect my work so please do understand my reasons. Thanks so much Massimo […] p. 20 MAGAZINE N 51, PAGE 14 Ranked Angleterre, one shot, 112 p., no 1, 230 x 300 mm, 9,95 euros. Photography: Rankin Design: Them Co-ordinator: Vicky Lawton Written and edited by: John O’Reilly Publisher: Rankin rankinlive.com D’accord, c’est dans le cadre d’une importante exposition rétrospective consacrée au photographe Rankin que Ranked paraît. D’accord, la publication est à mi-chemin du catalogue d’exposition et du magazine ; d’accord, ce n’est probablement pas un caprice du type « je veux un magazine », puisque Rankin est aussi fondateur de Dazed & Confused. Alors, quoi ? Ranked, c’est 112 pages à la gloire de Rankin et ça frise la mégalomanie, même si personne ne niera son style, son intuition et la variété de ses images. Mais on a l’impression qu’un switch s’est produit : avant, les magazines de style parlaient de ceux qui les réalisaient (DA, photographes, éditeurs…), mais prenaient pour cela le prétexte de la mode, de la musique, de l’art. Aujourd’hui, c’est d’emblée qu’on balance : « je vous parle de moi ». Et même si le personnage peut être passionnant, la démarche manque d’élégance, de pudeur et peut-être d’intérêt, car on apprend plus des gens qui nous parlent du monde que d’eux-mêmes. A travers Dazed & Confused, on a vu un style, pas un personnage – de plus. Alors, certes, de nombreux textes de Ranked transpirent l’ambiance d’un shooting, le face à face Rankin/ David Bailey (le maître) est intéressant et vivant, et on objectera que le vrai contenu est ici celui des images. Reste que si vous connaissez l’inventeur du concept qui succédera au personal branding, je veux bien l’interviewer. Extrait BAILEY + RANKIN David Bailey & Rankin in Conversation Rankin: So obviously I’m a massive fan. This is weird, I feel like that TV presenter-what’s his name? Bailey: Paxman? [Laughing] R: Or Parkinson. B: Oh God, he’s the worst. R: Have you seen on any of those shows? B: Nah. R: You’ve been on Chris Evan’s show haven’t you? TA? B: Yeah, but that’s because I did a film for his company, a model film. I only do interviews if I’m selling something normally —otherwise you become rent-a-voice. R: But when you first started to become famous, or infamous, you must been doing a certain amount of self-promotion. B: The truth is I didn’t really care. R: Right, they all just loved you. B: No! Not at all! Not all of them [Laughs]. People don’t want to write about somebody whose hobby is fishing or gardening or… R: Or bird-watching. B: I like bird-watching. I could have been a, what are they called? A twitcher. I love anoraks. I think anoraks are the best people in a way because they are passionate about what they do. I mean, you’re a sort of anorak —you’re a photographic one aren’t you? R: Yeah. B: I’m a photographic anorak. And I love people who build model planes, model trains, they seem to be the last people left with any passion. I’m all for anoraks. Favorite Photographers R: Or bird-watching. R: If you had to pick your favorite photographer of all time… B: Well, that’s an impossible question, like which painter or which composer. Current ones? Or dead ones? Dead ones because they’re less competition. R: [Laughs] Funny. There are so many young photographers, some who were inspired by you. Are you aware of the young photographers now? Are you a photo-fanatic? B: I don’t know all of them —there’s a Rankin, and a few others. […] p. 45 MAGAZINE N 51, PAGE 16 m i nt M51 – Mint Pays-Bas, annuel, 132 + 96 p., no 6, 210 x 280 mm, 12 euros. Editors in chief: Charlotte Lokin & Frank Jurgen Wijlens. Art direction: Tara Dougans Editor: Lisa Goudans Production: Danielle Verheul & Famke Visser Publisher: Amsterdam Fashion Institute amfi.hva.nl Difficile d’échapper au commerce ou l’impératif, catégorique ou plus sournois, « achetez ! » qui règne en maître dans les magazines de mode. Pourtant, il arrive qu’un magazine parle de mode en soi, de création, d’expérimentation et de personnes qui ne sont pas des people. Internationalisation et concurrence obligent, les écoles de mode déploient beaucoup d’énergie et de moyens pour présenter le travail de leurs étudiants. Et contrairement à l’exposition, statique et temporaire, le magazine s’avère la meilleure vitrine et archive. C’est à ce moment que tout peut être gâché par un annuaire de créateurs ou réussi par une forme plus proche du sujet. L’AMFI (Amsterdam Fashion Institute) a donc divisé l’exercice en deux : un répertoire des diplômés avec quelquesunes de leurs créations et un vrai magazine : Mint. On y trouve ce qui nourrit l’inspiration des futurs stylistes, mais aussi des interviews plus générales sur la mode, des tentatives formelles montrant que la mode n’est souvent que vintage, beaucoup d’illustrations et quelques idéaux. Pour faire exister – et faire partager – ces aspirations de mode, il est d’une nécessité impérieuse que le trait des dessins, que les photos et le graphisme traduisent la nouveauté du contenu ; et cette course en avant est assez enthousiasmante. Nul doute que le projet sera copié par des écoles françaises mais pas avant quelques années ; rien ne presse. Extrait QUIRKS AND DETAILS Alex Abramento, a self-professed “apparel designer, illustrator and part-time bus boy” is a young man who reflects a refreshing old-world quality in his designs. His work is tasteful with a little punch of humor. “For me clothing is a way to outwardly express your personality. The way a person moves changes with each garment. The more subtlety, detail and thought that is put into one’s dress the more honest the result. A young man in grey sweatshirt can say just as much with his clothing as a girl wearing 5 different patterns in one outfit. It’s obvious when a person is wearing what’s right for him or her. This thought is nothing new —but that is clothing means to me. The world needs fashion. It aids people in developing their personality and creativity. I’m not sure if I need fashion. Maybe it sounds completely stupid, but fashion is a force that chooses you, not the other way around. I design for others because I would be honored to affect people’s lives with my craft; to make them dream a bit. I’ve always enjoyed giving gifts more than receiving them. I do what I do primarily because it’s something I need to get out of my system. I can’t imagine myself doing anything else. I’m also a bit of a dreamer, so I self-indulgently create things I wish existed, especially when I draw. I also do what I do to gain experience, make mistakes, and to have no regrets —the essentials. I don’t think the fashion industry is an uncertain industry. I think its nature is actually rather predictable.” […] Lisa Goudsmit p. 23 MAGAZINE N 51, PAGE 18 WOUND Angleterre, trimestriel, 192 p., no 7, 230 x 300 mm, 16,95 euros. Editor in chief: Francis Malone Fashion director: Laurent Dombrowicz Art director: Linda Elander Design director: Vita Piccolomini Publisher: Wound media woundmedia.com Un magazine indépendant, de 200 pages, au papier luxueux, avec quatre couvertures différentes pour un même numéro… ça frise l’indécence en temps de crise. Mais Wound (blessure) n’en a cure, puisque malgré la plaie, le combat a dû être victorieux. Côté image : une débauche de séries lisses et maîtrisées, très voire trop construites, toutes pourtant de photographes différents. C’est une ligne plus bas que réside l’explication : Laurent Dombrowicz, le fashion editor, est de toutes les séries ou presque. Styliste de mode réputé, il fait donc briller son image aux yeux de ses clients pour mieux les séduire, et joue au courtisan, pour tenter d’être désiré à son tour. Une fois la mécanique démontée, le contenu. Un thème : la grande illusion, et quatre sections : art, mode, architecture, design (original…). Beaucoup de textes cela dit, révérencieux avec les marques, plus libre avec les artistes (voir l’interview de Wim Delvoye en extrait). Wound fait penser à un menu, duquel serait proscrits sel, poivre, épices, graisses et même vin. Je me demande si je ne préfère pas le consumer de McDo. Extrait INTERVIEW Kate Mayne speaks with Wim and learns all about digestion, pigs and his plans for a challenging new tower at this year’s Venice extravaganza. He is internationally renowned for his Cloaca machines that replicate the human digestive system; they take in food like humans do, and deliver a perfectly formed turd onto a plate at the end of the digestion process. Delvoye has caused outrage amongst those who care for animal rights, by tattooing the backs of pigs as if they were biker’s back, and then, by analogy, tattooing a human’s being back as well according to a similar motif. The pig’s skins are stretched and sold after the animal has been slaughtered. The same fate awaits Tim’s back after his death. Tim is a friend of Delvoye; a relationship that grew out of the model/tattooist relationship facilitated by Delvoye’s practice. When Tim dies, his tattooed back will become the property of a collector, a sale that has already been established by contract. Patterning seems rife amongst the output of Wim Delvoye, as his work tends to marry elements that are at odds with each other, in such a way that nevertheless merge successfully, putting the viewer in a position of simultaneous recognition of incompatible parts. For an artist whose earlier works included football posts lined with traditional looking stained glass windows, and gas canisters painted in patterns of delft blue tiling, his work transpires to be far more consistent than a first glance would seem to suggest. The work seems to court controversy, which tends to make Delvoye a kind of bad boy of the art world. […] Kate Mayne p. 143 MAGAZINE N 51, PAGE 20 Les créateurs [de mode] ne peuvent pas tenir éternellement; ils disent ce qu’ils ont à dire, incarnent leur génération, illustrent leur époque, après, à d’autres de s’y coller ! Vincent Darré Ancien élève du Studio Berçot, longtemps collaborateur de Karl Lagerfeld, puis styliste de Moschino et éphémère directeur artistique d’Ungaro, Vincent Darré a ouvert, depuis un an, rue du Mont-Thabor, à Paris, un espace entre galerie et cabinet de curiositéS dédié à son mobilier dadaïste. Touche-à-tout, ce dandy grand teint dessine également des costumes de spectacle, quand il ne réalise pas le stylisme d’images de mode. Décorateur, designer, costumier… comment définir votre job ? Déjà, je n’ai pas un métier. J’espère ne jamais avoir l’impression de travailler… Je réponds plutôt à des lubies. Rien dans mon parcours ne relève d’un plan de carrière ; je fonctionne davantage par étapes, au gré des expériences, des aventures, et des rencontres. Ma règle de conduite : faire ce à quoi l’on ne s’attend pas. La mode a longtemps été votre activité… J’ai toujours fait de la mode, et d’autres choses à côté, parce que j’ai toujours considéré la mode comme une forme de prison. Une prison dorée, certes, dans laquelle on s’amuse bien – et Dieu sait que je me suis beaucoup amusé –, mais également un milieu très fermé. Le job tourne vite en rond, avec ses collections tous les six mois, ses défilés… Tout au long de votre parcours, vous n’avez eu de cesse de vous réinventer. Ce qui me fait peur, ce n’est pas de vieillir, mais de devenir blasé ou aigri. Se réinventer évite de tourner en rond. La décennie écoulée, vous avez principalement travaillé pour Moschino, puis Ungaro. Moschino, cela me correspondait tout à fait. De son vivant, Franco Moschino se comportait comme un anarchiste, son travail tournait en dérision les codes de la mode. J’aime beaucoup l’humour sur la mode, et en aucun cas la mode se prenant au sérieux. Chez Ungaro, ce fut un peu moins l’osmose… Ungaro, le problème, c’est que ce n’était pas vraiment pour moi. Le style maison se résume à des couleurs flashy, des volants en veux-tu en voilà, et le mélange de 36 imprimés… Tout le contraire de ce que j’aime ! L’aventure aura duré un an, et quand elle s’est arrêtée : la déprime ! Je ne pouvais même plus ouvrir un canard de mode sans me mettre à pleurer… Après avoir beaucoup pleuré, j’ai bien dû me mettre à réfléchir. Comme j’avais de l’argent à la banque – ce qui n’avait pas toujours été le cas –, j’ai pris le temps, pendant deux ans, de développer le projet de la Maison Darré, que j’avais en tête depuis vingt ans. Quel fut le déclic ? Une exposition sur le dadaïsme à Beaubourg. Je venais de terminer mon passage chez Ungaro, donc assez déprimé, et tout à coup, en voyant les œuvres, j’ai compris que je me trompais sur ma vie. Au départ, j’aime les collages, les choses abruptes et énergiques. Je m’étais pourtant mis une pression de dingue pour devenir directeur artistique ; c’était la mode à l’époque, il fallait être directeur artistique d’une grande Maison. Mais ce n’était pas du tout un truc pour moi ! Répondre sagement à ce que l’on attend de moi, je ne sais pas faire. Ces deux ans de « vacances » vous furent donc profitables. Il faut du temps pour faire germer les choses en soi. Quand tu travailles dans la mode, on ne te laisse plus le temps de penser. C’est un cycle infernal imposé par les règles du prêt-à-porter. Il faut penser à la prochaine saison en dessinant la pré-collection tout en planchant sur les accessoires du défilé. Allez, il faut enchaîner ! Et ne surtout pas oublier de devenir célèbre. Pour cela, on doit te voir sur un maximum de photos. Tu dois donc sortir, répondre à des interviews. Mais quelle fatigue… A travers la Maison Darré, vous vous consacrez à présent à la décoration. La mode vous amuseraitelle moins ? Beaucoup moins. Au démarrage de la Maison Darré, je rêvais, comme du temps de la sécession viennoise, de décliner un univers global à travers du mobilier, avec une garde-robe adaptée. Je m’amusais à faire les meubles, les tapis, mais au moment de dessiner les vêtements, cela devenait rébarbatif. J’avais l’impression d’employer des recettes. Je me demandais si les pièces allaient se vendre… Des conditionnements inconscients, imposés par des années à travailler dans l’industrie, s’enclenchaient. Je n’arrivais plus à créer librement… Vous avez un problème avec ce qu’est devenue la mode aujourd’hui. La mode est un exercice qui a beaucoup changé ces quinze dernières années. A part quelques personnes qui pratiquent cette activité à leur guise, comme Azzedine Alaïa, la majorité des gens sont aujourd’hui là pour gagner beaucoup de fric et ne font donc que des concessions. ont réussi à transformer de vieilles Maisons en machines à produire des cochonneries. Et ils s’étonnent de ne plus vendre aucun vêtement. Rien de bien nouveau… En vérité, Pierre Cardin avait déjà fait le coup avec ses licences à tire-larigot dans les années 70, avec pour résultat de galvauder son nom. C’est ce qui arrive aujourd’hui à toutes ces griffes surexploitées : le rêve s’est envolé ! Comment analysez-vous cette évolution ? J’ai vu le truc venir. A mes débuts, dans les années 80, je faisais du free-lance en Italie ; et l’Italie, ça a toujours été le business. La France a suivi le mouvement dans les années 90. Depuis, tout le monde ne pense qu’au fric. On connaît l’histoire : les griffes ont été rachetées par des grands groupes, tout s’est contracté, jusqu’à l’asphyxie que l’on constate aujourd’hui. Comment trouvez-vous la mode actuelle ? Nous sommes dans une époque de morts vivants. Il n’y a plus que des griffes avec des noms de morts, cercueils dans lesquels on case de pauvres gosses chargés de réanimer le cadavre. Avant, une Maison, ça durait dix ans ; Schiaparelli a tenu dix ans, Chanel, bon, deux fois dix ans – elle est partie, puis revenue. Les créateurs ne peuvent pas tenir éternellement ; ils disent ce qu’ils ont à dire, incarnent leur génération, illustrent leur époque, après, à d’autres de s’y coller ! Maintenant, on a des griffes zombies. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que des financiers italiens avaient l’intention de relancer Madeleine Vionnet. Madeleine Vionnet, c’était formidable – l’exposition aux Arts décoratifs le prouve assez –, mais elle est morte ! Et là, qu’est-ce que le petit monde de la mode attend fébrilement ? Le « come-back » de Céline en octobre… Mais Céline, c’est une mode pour petite-bourgeoise en bottes ! Ça ne fait vraiment pas rêver ! Aucune histoire, pas de patrimoine stylistique, juste une brave fille, super bien payée – Phoebe Philo –, qui se retrouve avec une patate chaude entre les mains. Tout cela parce que Céline c’est soi-disant un nom. Et ce n’est pas fini, on annonce aussi la relance de Carven ! Carven… On pourrait faire une liste de tout ce que l’histoire de la mode a connu de pire à l’attention des financiers en mal d’investissements. Les affaires ne sont plus franchement florissantes, des Maisons comme Dior ferment des boutiques en douce, l’avenir de Christian Lacroix est incertain… Le Parti Socialiste disparaît aussi ; tout arrive en même temps. Les valeurs changent. J’espère que les gens vont enfin se détacher du pouvoir de l’argent. La mode, beaucoup ont cru que c’était la poule aux œufs d’or, un bon business avec lequel on allait indéfiniment pouvoir gagner beaucoup d’argent. C’était mal connaître cette activité… Il n’y a jamais de recette qui tienne. A reproduire sans cesse les mêmes schémas, on lasse… Vous voulez dire que les belles années du luxe sont derrière nous ? Le luxe, voilà un mot qui ne veut plus rien dire ; si le luxe c’est l’avenue Montaigne, merci bien ! L’avenue Montaigne a le charme réfrigéré d’un « duty free ». Les soi-disant « grands groupes » Vous avez également travaillé pour la presse. Par hasard, là encore. En vacances avec François Hallard [photographe de mode et de décoration, ndlr], nous nous amusions à faire une série en hommage à Arletty, qui venait de mourir. Il a montré ses clichés à Brigitte Langevin, alors rédactrice en chef mode au Glamour, le résultat lui a plu, j’ai alors travaillé pour eux. Je faisais du stylisme, mais aussi des décors, je racontais des histoires… Plus tard, pour le Vogue, plutôt que de travailler avec des photographes qui ne me plaisaient pas, j’ai décidé de prendre moi-même les clichés. Ne connaissant rien à la technique, j’avais tout de même un assistant qui s’occupait de tout… Ce qui m’amuse c’est l’inattendu, faire ce que tu pensais ne pas pouvoir faire. La presse vous intéresse ? Si c’est pour réaliser des choses bricolées, comme l’étaient les revues surréalistes d’autrefois, des trucs qui ne se prennent pas au sérieux, oui, cela peut être intéressant ! Autrement, devoir dire merci à tous les annonceurs, c’est d’un barbant… Vous regardez les journaux pourtant… Oui… ce qui me tombe sous la main chez le coiffeur ou le dentiste. Dire qu’avant je ne pouvais pas passer deux jours sans me ruer dans les kiosques rafler toutes les revues… Paradoxalement, ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui dans les magazines de mode, ce sont les articles sur les artistes, le design, le cinéma. Et plus que tout, les interviews d’acteurs – je suis très concierge, j’adore les ragots. Mais les séries de mode, je me force vraiment à les regarder pour me tenir au courant. Je me demande à qui cela peut encore faire de l’effet ces photos de mannequins avec un coup la main à droite, puis la main à gauche et la main à la taille sur la double page suivante. De pauvres gamines qu’on déguise pour illustrer le retour des années 90, après nous avoir bassinés avec le rétro 80, et rabattus les seventies… Une série ne peut être excitante que si elle amène quelque chose d’un peu étrange qui dépasse la simple illustration d’une tendance. Il faut renouveler le contexte. Vous avez également une carrière de costumier. J’habille surtout Arielle Dombasle, et l’on s’amuse beaucoup. Elle m’entraîne dans chacune de ses galères, qui varient d’un film de cape et d’épée à un album concept. C’est à chaque fois un exercice de style autour de son personnage. De là à devenir costumier dans le milieu du spectacle et du cinéma, à devoir habiller Monsieur et Madame Tout-le-monde dans une bonne comédie à la française : non ! Pour Milady de Josée Dayan, je m’étais retrouvé à faire, en plus des costumes d’Arielle, ceux des autres acteurs. Je devenais fou, même si le casting était plutôt drôle. J’avais des mousquetaires assez rock’n’roll : Guillaume Depardieu complètement pété, Florent Pagny en Je me demande à qui cela peut encore faire de l’effet ces photos de mannequins avec un coup la main à droite, puis la main à gauche et la main à la taille sur la double page suivante. d’Artagnan… Mais tu t’ennuies tellement sur les tournages, tous ces temps d’attente entre deux scènes. Je n’ai pas la patience… Une autre de vos grandes occupations, c’est la mondanité. Les gens me reprochent beaucoup d’être mondain… Pourtant, rien que le terme même « mondain » est amusant ; tellement vieillot ! Et puis mondain, ça fait « personne qui s’intéresse au monde », alors, si c’est ça, oui ! je suis mondain. J’adore rencontrer des gens, et les plus belles rencontres se font quand on est saoul. A jeun, à un déjeuner, je n’y arrive pas… Il me faut boire et fumer pour dépasser ma timidité. Saoul, je peux parler à la terre entière, lier des amitiés. Une des choses les plus importantes dans la vie, c’est l’amitié. Sentir autour de soi un petit cercle qui protège. On vit dans un monde où tu peux un jour avoir un super boulot, être le roi du monde, et puis le lendemain te faire virer, te retrouver sans rien. Là, si tu n’as pas des amis, t’es un peu foutu… J’en connais pas mal qui sont derrière leur téléphone à attendre. Mais quoi ? Vous avez fait vos classes dans les nuits du Palace. Les années 80 étaient une période complètement libre. On la résume souvent à une période très bling-bling. Elle était certes effervescente et clinquante, mais pas du tout fric. Les jeux de posi- tions sociales n’existaient pas, les gens n’avaient pas de plan de carrière, ils voulaient s’amuser. Et puis on croisait des gens très différents. Ce qui me manque le plus dans les nuits, aujourd’hui, ce sont les mélanges. Au Palace, j’ai rencontré Erté, un illustrateur de mode des années 30. Tu vois un type de 80 balais aller en boîte aujourd’hui ? Les fêtes ont beaucoup changé elles aussi ? Dans les années 80, les bals étaient donnés par des gens qui jetaient leur argent par les fenêtres ; on se battait alors pour être invité à une fête. Les soirées sont aujourd’hui sponsorisées par des marques qui lancent des produits, et les attachées de presse font à présent des pieds et des mains pour y rabattre des gens que cela fait chier. Les actrices sont payées pour porter des robes, les PDG paradent, et le gros des invités fait de la figuration… Ce n’est plus la maîtresse de maison qui t’accueille, mais un mur de logos devant lequel il faut prendre la pose. Les tenues sont au diapason du système, les strass crépitent pour rassurer sur la bonne santé du compte en banque de ces dames. On est dans une surenchère macho : elles sont toutes là pour montrer qu’elles ont un sac plus gros que leur copine ! Rassurez-moi, vous vous amusez encore… Si tu arrives à une fête dans l’état d’esprit de devoir représenter quelque chose – la boîte pour laquelle tu travailles, ton statut social –, bref de te vendre, c’est sinistre. Si tu viens avec un verre dans le nez et trois copains pour foutre la merde, tu t’amuses toujours… Mode et déco fonctionnent-elles de la même façon ? A part Karl Lagerfeld, qui change de mobilier et de maison comme de chemise, non. Les gens modifient moins souvent leur cadre de vie. Votre mobilier aux formes squelettiques, chaise au dossier façon vertèbres ou table basse en forme de bassin… peut dérouter. Le fondement de tous ces objets, c’est mon propre corps. Je suis Vincent le Désossé ; mon squelette est très voyant : je n’ai pas grand-chose d’autre que la peau sur les os. On ne peut pas vraiment qualifier votre mobilier de design. Ce qui m’intéressait, enfant – et m’intéresse toujours –, c’est ce que l’on appelait autrefois les « arts décoratifs ». Quelque chose englobant la mode, le mobilier, les tissus, les bijoux… Vous avez créé le décor du Montana, une boîte de nuit. Comme tout ce qui m’arrive, c’est une histoire d’amis. André, et surtout Olivier Zahm, à qui l’on proposait de s’occuper de cet endroit, acceptèrent à condition que je réalise la déco ! Ils voulaient une « Tutch Vincent Darré ». La « tutch », c’est Ce qui me manque le plus dans les nuits aujourd’hui, ce sont les mélanges. Au Palace, j’ai rencontré Erté, un illustrateur de mode des années 30. Tu vois un type de 80 balais aller en boîte aujourd’hui ? que je me suis retrouvé à faire tout le décor en trois semaines, avec les électriciens sur le dos, le menuisier me demandant où placer la caisse derrière le bar. Tu parles d’une « tutch » ! Mais, c’était très amusant. Je souhaitais inventer un endroit qui ressemble à l’idée que se serait faite des Américains d’une cave à Saint-Germain dans les années 60. Avez-vous peur de vieillir ? Il y a des étapes dans la vie. A 20 ans, tu fais n’importe quoi : tu peux prendre toutes les drogues, sortir tous les soirs – il faut bien en profiter parce qu’après c’est fini ! La trentaine venue, tu te dis qu’il va bien falloir travailler et faire quelque chose de ta vie, et là, tu entames ce que les gens appellent une carrière – c’est important de ne pas se rater au départ parce qu’après c’est plus difficile de prendre le train en route. A 40, tu passes par de grands questionnements : qu’est-ce que j’ai dans mon armoire ? Qui sont mes amis ? Suis-je amoureux de la personne dans mon lit ? Qu’est-ce que je garde ? Qu’est-ce que je jette ? C’est l’âge où tu réalises qu’il te reste dix ans pour faire quelque chose de créatif dans ta vie. Après, cela devient plus compliqué… Moi, je me suis réveillé au dernier moment, j’ai 50 ans et cela fait un an que j’ai ouvert la Maison Darré, c’était ric-rac ! Propos recueillis par Cédric Saint André Perrin MAGAZINE N 51, PAGE 24 Le temps arrêté Coup sur coup, deux marques de luxe exhument des images publicitaires datées. Et ne regardent plus devant mais derrière, non plus dans un mouvement, mais dans une pose figée. Deux stars comme on n’en fait plus, ou plutôt un temps capable de « stariser » qui s’est évanoui. Reste quelques photos… C’est d’abord une photographie d’archive sur laquelle vient sommairement prendre place l’objet promu par le publicitaire ; il s’agit d’une montre de luxe. La phrase d’accroche et le logo de la marque peuvent se permettre de rester discrets au premier regard puisque ce dernier achoppe immédiatement sur la figure de John Fitzgerald Kennedy. Explication : les montres suisses Omega furent appréciées par le président qui lança la guerre des étoiles et les modèles Speedmaster adoubés un peu plus tard par la NASA ; ces super joujoux techniques bénéficient depuis lors d’une présence exclusive dans l’espace. Aujourd’hui, quarantième anniversaire du premier pas sur la Lune et échange de bons procédés : la Fondation Kennedy a autorisé l’utilisation de documents ; sur le site Internet d’Omega, à la rubrique Speedmaster, on a donc droit à un extrait du discours de 1962, d’où sont issues la citation (“We choose to go to the Moon”) et l’image papier, accompagné d’un résumé de la conquête spatiale américaine – en toute simplicité. Qu’un homme à qui le temps manqua devienne l’ambassadeur d’un objet qui en symbolise la maîtrise est d’ailleurs en soi assez ironique. Mais l’aura comme le rayonnement de Kennedy sont inversement proportionnels à sa trajectoire politique, suffisamment brève pour conjurer toute relecture critique conséquente. Plus forte que les figures promotionnelles de l’acteur et de l’athlète réunies, la présence de Kennedy évoque immanquablement ce conte de fées moderne d’ambition et de pouvoir, où l’héroïne serait une étoile filante, virtuelle mais non pas moins fascinante : Kennedy, c’est l’éternelle promesse, un horizon utopique. Dans une perspective cynique, on peut bien utiliser sous prétexte de commémoration la figure de Kennedy comme signe d’une optimisation maximale du temps et sa nécessité : Speedmaster, donc… Même si l’hyper maîtrise en reviendrait bien plutôt à l’entreprise Omega qui, en un condensé confondant, ferait presque passer l’histoire dense d’enjeux politiques, idéologiques, de prouesses humaines et scientifiques, pour l’une des plus ambitieuses campagnes commerciales jamais élaborées – après tout, qui se soucie aujourd’hui d’explorer les étoiles ? Autant en exploiter l’éclat ici-bas, quand bien même il ne serait qu’un reflet. C’est enfin un bel homme qui prête en 2009 son visage à la promotion d’une eau Dior qui fit date. La photographie qui en actualise le désir apparaît cette fois avoir été élaborée il y a quelques mois : le clair-obscur de velours et la précision du grain, le cadrage empathique allié à l’épure classieuse, et bien sûr la jeunesse sensuelle… d’Alain Delon en 1966, année où fut créée l’eau en question. Troublante campagne qui, en voulant fédérer les générations, évoque le temps et le nie en apparence, lorsque quarante années s’évaporent à la surface (enchanteresse et codifiée) d’une instantanéité de papier glacé. Magie des stratégies marketing qui, pour conjurer un présent dangereusement mouvant, brandissent des « il y a longtemps » qu’elles maquillent en « toujours » – le temps et son épaisseur y font de drôles de loopings. Céline Mallet Publicité Omega été 2009 Publicité Dior Parfums 1966 puis 2009 Plus forte que les figures promotionnelles de l’acteur et de l’athlète réunies, la présence de Kennedy évoque immanquablement ce conte de fées moderne d’ambition et de pouvoir. […] Kennedy, c’est l’éternelle promesse, un horizon utopique. MAGAZINE N 51, PAGE 26 Le chapeau masculin Soumis aux conventions bien plus qu’aux modes, les hommes esclaves du protocole vestimentaire n’ont cessé de se trahir par leurs chapeaux. Sans doute parce que, sous leurs casques protecteurs, ils avaient souvent tendance à oublier qu’ils n’étaient que des hommes. Statut, attitude, croyances, « Si tu veux cacher tes opinions, marche tête nue », disait le dicton. le chapeau véhicule des messages sémiotiques que la standardisation de la tenue masculine a réduit à une poignée de mots… Bonnet Jusqu’au xiie siècle, les hommes ne portent presque jamais de chapeau, excepté ce simple bout de cuir maintenu sous le menton par des rubans. Les nobles qui, pendant des générations, avaient proclamé leur supériorité sur les serfs en gardant leurs cheveux longs, refusèrent d’adopter ce couvre-chef sous prétexte qu’il était efféminé – il est vrai qu’il ressemblait à un bonnet de nourrisson… Mais au fil des rébellions, le bonnet plus fréquemment porté sans attache devint le signe distinctif de la noblesse. Et se mit à coiffer, au xixe siècle, toutes les classes sociales et toutes les conditions. Capuchon Au cours du Moyen-Age, seule la nécessité de voyager oblige les hommes à se munir d’un chapeau. Ample et pointu, attaché à une cape pour recouvrir les épaules, le capuchon devient à la fin du xiie siècle une entité séparée, avant de se sophistiquer au début du xive siècle : enroulé autour de la tête comme un turban ou porté comme un bonnet, on ne le distinguait pratiquement plus de ses confrères couvre-chefs. Liripipion Au fil des décennies, la pointe du capuchon s’étire comme une pâte à chewing-gum pour finir par se balancer dans le dos comme la queue d’un animal, et par toucher terre… au point qu’il fallut le draper comme un turban pour ne pas s’empêtrer les pieds. Conscients de son pouvoir de suggestion, seigneurs et féodés arboraient ce symbole phallique avec délectation – tout comme ils chaussaient leurs pieds de poulaines pointues. ne lui grimpe sur le dos. En raison de son unisexualité et des multiples manières de l’enfiler, il porte à préjudice. Ainsi, tiré vers l’avant à la mode « embronché », il cache le visage et offre des facilités pour les agressions à main armée, si bien qu’un décret de 1399 le limite aux enterrements. Gorgerette Plumes et broches ornées de bijoux escaladent le liripipion, pour faire le paon sur la tête feutrée de ces riches messieurs. Toque Au xvie siècle, l’innovation est surtout vestimentaire. Le chapeau accessoire est devenu si banal que tous les hommes sans distinction se doivent d’en porter un, sous peine de mépris et d’insignifiance. Sous Henri III, les fraises tuyautées sont si envahissantes qu’il faut rétablir l’harmonie de la silhouette avec de petites toques ornées de plumes. Chaperon Fils du capuchon-turban ayant acquis son indépendance à la fin du xiie siècle, cagoule et capuche à la fois, il s’agrémente au xive siècle d’une cornette dégoulinante, avant de se faire coudre en drapé sur des bourrelets et qu’une gorgerette Renaissance dressée en crête de coq Pain de sucre Digne descendant du bonnet, dans la famille des chapeaux pointus coniques, il est le plus populaire des xvie et xviie siècles. Bien qu’il fût très volatile, il avait au moins un avantage thermique : il permettait de se réfrigérer le cerveau en bloquant l’air à l’intérieur du cône. Tuyau de poêle Charles Ier d’Angleterre (1625 – 1649) portait un chapeau dont la haute calotte en forme de tube ressemblait étrangement à un « tuyau de poêle ». Il était fait des plus beaux poils de castor importés du Canada et traités à grands frais pour donner à la surface du chapeau de chauds reflets rouges. Victime de la première Révolution anglaise, le roi à la calotte décapitée refusa d’ôter son « tuyau » en présence du tribunal et de la guillotine, anéantissant ainsi la mode des chapeaux à calotte haute pour plus d’un siècle. Cavalier Au début du xviie siècle, les chapeaux atteignent de nouveaux sommets d’extravagance. Volumineux et somptueusement garni de plumes, ce digne figurant du siècle de Louis XIV entre dans la légende sur la tête des Trois Mousquetaires. Pourtant, s’il donnait beaucoup d’allure aux militaires, il était inconfortable dans la mesure où ses larges bords en oreille de chien devaient constamment être retroussés pour ne pas occulter la vision. Tricorne La nécessité de corner le « cavalier », pour plus de praticité, se fit pressante. On commença par l’épingler sur le côté droit afin que l’on pût, au moins, balancer son bras droit correctement. Puis on releva et épingla les trois côtés pour qu’un homme au galop ne risquât pas d’être désarçonné en le maintenant. Porté par les gentilshommes et les courtisans, bordé généralement d’une belle frange de plumes d’autruche, il fut l’un des principaux couvre-chefs survivants du xviiie siècle face au monopole de la perruque. Bicorne La Révolution donna le coup de grâce au tricorne. Les chapeaux étant devenus superflus, sinon pour parader, les hommes adoptèrent le bicorne, dit aussi le « chapeau bras » (car il avait été créé pour être porté à la main plutôt que sur la tête ; l’élégant ne pouvant pas prendre le risque de déplacer sa perruque ou de faire tomber de la poudre sur ses épaules…). La calotte aplatie, celui-ci n’était pas très élégant, mais il avait une solennité qui correspondait parfaitement aux attitudes de l’Homme Nouveau et aux attentes de Napoléon… Bonnet phrygien Emblème de liberté et de démocratie, ce bonnet mou replié à l’avant comme une corne, existe déjà depuis belle lurette – on le donnait aux esclaves grecs et aux romains affranchis – lorsque les révolutionnaires décident d’en chapeauter Marianne, allégorie de la République. Si « on ne peut mener une révolution en haut-de-forme », on ne peut non plus diriger un gouvernement en bonnet phrygien (car le chapeau mou sous-entendait l’anarchie). Haut-de-forme Sujet favori du courrier des lecteurs, cette mode qui vint du gentilhomme de la campagne – ce dernier avait rétréci les bords de son chapeau en guise de casque de protection rudimentaire pour minimiser les blessures de chute de cheval – eut toujours ses détracteurs. Sans doute par aversion du siècle envers ses « gros bonnets » (hommes d’affaires, banquiers, politiciens…) qui, pour afficher leur supériorité, s’affublaient de cette tour de prestige aussi absurde qu’elle était malcommode. Casquette Dans l’Angleterre victorienne, le chapeau du chasseur de cerfs – dont s’inspira Conan Doyle pour coiffer la tête de son héros Sherlock Holmes – évoquait avant tout le sportif campagnard, mais il était aussi un accessoire justicier, pour celui qui consacrait sa vie à la réflexion ou à la recherche de malfaiteurs… Melon En 1850, le chapeau prend le melon. Lassé de ses chapeaux mous peu résistants aux rigueurs de la vie, Mister Coke rêvait d’un chapeau aussi rigide qu’un haut-de-forme, mais pas aussi haut. La maison Lock & Co lui proposa la solution de la calotte ronde, qu’il testa en sautant à pieds joints sur la calotte. Le bowler hat – du nom de famille du fabricant – se fit le solennel allié de la classe dirigeante proche de l’ouvrier, représentant à la manière « melon bosselé » de Charlie Chaplin la vulnérabilité pathétique d’un homme dont la dignité (écornée) tient à son chapeau. Stetson A la suite de la tournée de Buffalo Bill (1898), « Le chapeau de la conquête de l’Ouest », créé par le chapelier américain John B. Stetson, devint un accessoire vital pour tous les cow-boys du showbusiness. Miroir de la virilité masculine, vissé sur la tête de James Dean ou de Ronald Reagan, il aurait pu être le descendant du tricorne. Béret Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le béret basque – couvre-chef français le plus commun – fut adopté par les maquisards afin de n’éveiller aucun soupçon… Penché sur la tête de Che Guevara, il fut pris à son insu pour le symbole mondial du guérillero révolutionnaire. Les oubliés du chapeau La liste est longue, citons en vrac : bitos, bloum, borsalino, canotier, chéchia, chapska, cumberland, fédora, galurin, jim crow, homburg, képi, panama, pilos, pétase, sombrero, suroît, talpack, trilby, turf, wellington… Marlène Van de Casteele MAGAZINE N 51, PAGE 28 Practise NZ at the Venice Biennale 2009 Logotype Modular Variation 02 / 02 / 09 au détour d’un canal, engoncé dans ma veste de costume usée et me dandinant dans mes chaussures inadaptées, j’ai été frappé de plein fouet par un symbole d’une beauté rivalisant – voire surpassant – celle de la sérénissime. New Zealand at the Venice Biennale 2009 Initiales NZ Quand Venise, ville du plus grand classicisme, accueille une biennale d’art contemporain, le meilleur graphisme y pointe parfois le bout de son logo. Ouverture de la Biennale de Venise, juin 2009. L’élite de la culture mondiale est là, crapahutant de palazzo en palazzo, voguant sur des taxis à 60 euros la minute, se nourrissant de petits fours et de Bellini. La ville est envahie de banderoles et d’affiches à la gloire des différents pavillons nationaux, et chaque pays semble avoir produit un sac en tissu, à porter en bandoulière, aux couleurs de son exposition. On identifie en un clin d’œil le professionnel du monde de l’art : lunettes Ray Ban Wayfarer, veste de costume usée, chaussures totalement inadaptées à une ville comme Venise, où il faut marcher des heures durant, et surtout un (ou plusieurs) art bag sous le bras. Informe et mou, produit en Chine pour deux centimes, il est devenu le signe imparable pour différencier le critique d’art du touriste à la recherche du pont des Soupirs. Il n’y a dans les jardins de l’arsenal que quelques pavillons, construits depuis longtemps et signes d’une lointaine époque géopolitique – la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie n’existent plus mais exposent toujours. Pour les centaines d’autres pays, désireux de se faire une place sur la mappemonde de l’art contemporain, une seule solution : louer un lieu dans la ville ou dans les hangars de l’arsenal et en faire la promotion, dans l’espoir que les visiteurs feront l’effort d’y aller. Contrairement à sa voisine aus- tralienne, la Nouvelle-Zélande n’a pas de pavillon permanent, et est donc hébergée dans deux lieux distincts de la ville. Et c’est donc au détour d’un canal, engoncé dans ma veste de costume usée et me dandinant dans mes chaussures inadaptées, que j’ai été frappé de plein fouet par un symbole d’une beauté rivalisant – voire surpassant – celle de la sérénissime. Mes yeux, au vu d’un petit sigle bleu azur, ont soudainement doublé de volume, et j’ai immédiatement perdu tout intérêt pour les détails délicats des façades du Palais des Doges, les installations sonores de Bruce Nauman ou les jambes des jeunes journalistes françaises. Jamais je n’avais vu un geste visuel d’une telle force, jamais je n’avais pensé qu’un N et un Z pouvaient avoir exactement la même forme sans avoir à basculer. Du pur génie, du concentré d’efficacité visuelle plus fort que le crack. Pour me remettre de ce choc, il m’a fallu plus d’un cocktail au bar de l’Hôtel Bauer. D’où pouvait donc venir ce NZ hypnotisant ? James Goggin, jeune graphiste basé a Londres, s’est vu confier cette année l’identité de la mission néo-zélandaise. Lauréat d’un concours réunissant plusieurs agences, il a créé un signe qui vient s’inscrire dans la liste très fermée des Logos Parfaits. Avec les deux initiales du pays, N et Z, il a réussi à composer un pictogramme entièrement symétrique, purement angulaire et graphique, mais avec un niveau de lecture et de compréhension quasiment immédiat. Pourtant, James Goggin a rencontré moult résistances dans les sphères du New Zealand Art Council, aux différents stades d’élaboration de cette identité, à tel point que le pictogramme a failli ne pas être inclus dans la solution visuelle finale. J’ai encore du mal à comprendre comment des responsables d’institution artistique peuvent ne pas saisir la force d’un tel travail. Selon James, on peut non seulement lire le N et le Z dans le logo, mais aussi le V de Venise, une flèche descendant vers le bas (pointant vers l’hémisphère sud), et une référence aux gravures sur bois maories. Au final, le site Web sur lequel le logo a été mis en place (2009.nzatvenice.com) a été relégué au deuxième plan derrière une nouvelle version réalisée en cachette par le gouvernement d’Auckland (nzatvenice.com). Et, bien sûr, dans cette identité bis, on retrouve un atrocissime logo « Creative NZ » aux accents ethniques. Heureusement, et pour quelques mois encore (la Biennale se termine en novembre), la plus belle ville du monde accueille un des plus beaux logos au monde. Yorgo Tloupas Site Internet de James Goggin : practise.co.uk Practise NZ at the Venice Biennale 2009 Logotype Modular Variation New Zealand at the Venice Biennale 2009 New Zealand at the New Zealand at the Venice Biennale Venice Biennale 2009 2009 www.practise.co.uk 01 / 01 MAGAZINE N 51, PAGE 30 un logo de luxe qui voulait dire « je suis beau, jeune, riche et intelligent » veut aujourd’hui dire « je suis fauché, en banlieue lointaine, et je rêverais de rentrer au VIP ». SLOW FASHION Comment se porte le superflu en période de crise ? On annonce le retour en force du basique, mais si les logos se sont faits plus discrets, la guerre des signes fait toujours rage dans la rue. Quel rôle jouent les blogs dans ce système bien huilé de la mode ? Un entretien à visage couvert propose quelques réponses. Sur le modèle de la slow food, on parle désormais d’un mouvement de slow fashion [acheter moins et mieux, plus basique et moins ostentatoire]. Qu’en pensez-vous ? C’est effectivement écrit dans n’importe quel magazine de mode, ce qui serait une raison de s’en méfier… pourtant je pense que c’est vrai. Il y a effectivement une consommation plus lente et pour des raisons multiples. Au départ, il y a une peur alimentée par tous les médias qui répètent : « gardez bien vos sous, il ne va pas y en avoir beaucoup dans les temps à venir », ce qui a affecté les achats compulsifs, spontanés ou « superflus », les « it-bag » par exemple, qui n’ont plus vraiment la cote. Ensuite, il y a eu le temps de la preuve : chacun a été affecté par la crise, soit qu’il connaisse dans son entourage quelqu’un qui ait été licencié soit qu’il ait vu une entreprise mettre la clé sous la porte, et ça a donné un vrai coup de frein à la conso. On a alors parlé de consommation raisonnée, l’acheteur se demandant : de quoi ai-je vraiment besoin ? Ce mouvement touche-t-il tous les consommateurs ? Même les populations qui n’étaient pas encore affectées commencent à avoir ce raisonnement. Dans les magazines de mode, on ne parle plus de fashionistas [consommateurs de mode effrénés] mais de recesionnistas, une nouvelle espèce tout aussi branchée. Et on assiste à l’inverse de ce que l’on a connu depuis dix ans avec la fast fashion : deux collections par an ne suffisaient pas, il en fallait quatre, on devait accélérer le rythme des visites dans les magasins, les messages RP étaient plus radicaux : on installait un produit, pas exemple un gros sac, pour le détrôner quelques mois après par un plus petit et ainsi de suite. Parallèlement, on assistait à la quasidisparition de la mode minimaliste, le classicisme était devenu ringard et on lui préférait le changement pour le changement, comme une valeur en soi : enjoy present, enjoy yourself. Dès qu’un discours différent s’affichait, par exemple « il me faut un truc qui me va vraiment », on passait pour un ringard ou un réac parce qu’on ne voulait pas entrer dans ce modèle en mouvement. Vous disiez que ce mouvement de « recesionnistas » était devenu à la mode. N’est-ce pas antinomique ? Il y a un phénomène récent dans le quartier des boutiques de luxe à New York : les femmes commencent à ne plus vouloir que le sac de leur shopping soit labellisé luxe, comme si ça n’était pas respectueux des autres, pas compassionnel ni visionnaire quant à la situation actuelle qui dit plutôt : « tu consommes, tu n’es pas dans le coup ». Et des boutiques de luxe new-yorkaises commencent à donner des sacs sans logo. On entre ainsi dans « la mode de culpabilité », et ça devient à la mode de dire « ce sac, je ne l’ai pas acheté, je l’ai récupéré de ma grand–mère et il est génial », ou alors « avec cette crise, je suis retourné voir dans mon dressing et j’ai redécouvert ce truc que je n’avais mis qu’une fois », etc. En deux mots, ça redevient chic de dire « j’ai fait une affaire ». Ça devient « mode », y compris pour la bourgeoise classique d’aller chercher un top chez H&M ; et être dans le coup aujourd’hui ce n’est pas choisir une consommation exhibitionniste mais maline. Ce n’est donc pas qu’une question de budget, mais presque de style de consommation… Absolument, et ça explique aussi le boom des ventes en ligne à travers des sites comme venteprivée.com, dont les promotions sont parfois douteuses ou artificielles. Ce succès est expliqué par la quête de la bonne affaire et, ce qui est nouveau, de la honte d’être vu faisant du shopping. C’est aujourd’hui beaucoup plus chic de dire « samedi, je suis allé dans un parc » que « j’étais chez APC, puis rue Saint-Honoré » ; y compris pour des branchés. Et indépendamment de l’aspect financier, les après-midi troc redeviennent « dans le coup » chez la bourgeoise moyenne, alors que les petites branchées parisiennes se servent de leur blog pour montrer ce qu’elles ont dans leur penderie et font du troc en ligne. C’est une autre forme de mondanité : se retrouver chez une amie où chacune aura apporté une valise de vêtements qu’elle ne met plus ; comme une sorte de réseau social ! Le succès pérenne d’enseignes comme Muji et celui annoncé d’Uniqlo, qui proposent des basiques de qualité, inquiète-t-il les mastodontes de la mode que sont les H&M, Zara, etc. ? De toute manière, ils prennent ces arrivées en considération. Uniqlo a l’air de débarquer la tête haute, en sachant ce qu’il fait, et les enseignes déjà installées sont suffisamment avisées pour ne pas rester les bras croisés. Je ne serais pas surpris par exemple que H&M inaugure un corner « classics ». La prochaine bataille de la mode aurait donc lieu sur le terrain des basiques ? Heureusement, la mode obéit à des mécanismes difficiles à prévoir… On m’a annoncé ce matin que Lane Crawford, la boutique new-yorkaise qui avait investi la première le créneau minimaliste, venait de fermer. Dans les années 90, on nous avait apporté cette réponse : consommez moins, consommez mieux. Philippe Starck avait sorti son catalogue « Good goods » avec ce concept et, même si je ne le porte pas dans mon cœur dès lors qu’il est en train de polluer tous les palaces du monde avec ses chaises en plastoc et ses lustres kitsch, reconnaissons qu’il était visionnaire. Dans les années 90, on a cru que la réponse à cette consommation débile c’était le minimalisme, puis on a vu que ce n’était qu’un message de mode comme les autres ; enfin, on est revenu aux motifs, aux imprimés. […] Est-ce que la réponse aujourd’hui est de proposer des basiques ? Pas sûr, parce que tout le monde en possède déjà et les marques qui en proposent ne parviennent pas aujourd’hui à écouler leurs stocks. Je pense que toutes les marques vont être dans une certaine difficulté, pas uniquement celles qui proposent des vêtements bariolés ou ostentatoires. […] Toutefois, on constate des situations paradoxales : les commandes de perles et de strass ne se sont jamais aussi bien portées… c’est un contrecoup de la forte demande sur le minimalisme qui amène des petits malins à se positionner à l’opposé en disant : pendant la crise, faisons la fête ! De même, apparemment Paul & Joe marche bien, alors que Vanessa Bruno, non ; on ne parvient pas à tout expliquer… Que faire alors ? Je crois que les marques doivent revenir à ce qu’elles savent faire et ce pour quoi la marque a un sens. Que ce soit des sacs de luxe ou les meilleures chaussures de sport… même si 85 % des baskets finissent dans la rue et non dans la pratique d’un sport. Car si les consommateurs en viennent à n’acheter que ce dont ils ont besoin, ils privilégieront des références. Dans le streetwear, la surface ostentatoire dédiée aux logos est plus restreinte. Naomie Klein n’a-telle pas gagné en apparence la partie avec son livre No logo ? En tout cas, elle a gagné une bataille. Et je suis certain qu’elle va de nouveau faire couler beaucoup d’encre, car certains lecteurs vont relire No logo et une nouvelle génération va le découvrir. Elle a saisi quelque chose de profondément vrai. Le caractère ostentatoire du logo est un phénomène dont ont besoin les consommateurs qui sont pauvres, autant en termes de signe que d’argent. Concrètement, ça signifie qu’un logo de luxe qui voulait dire « je suis beau, jeune, riche et intelligent » veut aujourd’hui dire « je suis fauché, en banlieue lointaine et je rêverais de rentrer au VIP ». Si on est beau, jeune, riche et intelligent, on a un pull Margiela ou un T‑shirt noir Hanes à 15 euros ; on n’a pas besoin de le revendiquer haut et fort, comme les « jeunes de banlieue », habillés en noir Zara, avec ceinture ou paire de lunettes Dolce & Gabbana, seuls accessoires où les logos sont visibles, et pas trop chers. […] On pourrait regarder cette variation des looks, entre logos d’un côté et subtilité des marques de l’autre, comme une lutte des classes ou plutôt une lutte des représentations de classes. Quoi qu’on dise, la gamine du 16e, ça l’agace de savoir que la gamine de banlieue s’habille avec ses marques, et comme l’élément « logo » a été adopté par ceux qui disent « je veux du luxe ; moi aussi j’ai et j’aurai, je ne vais pas suivre le chemin et je vais jouir de la vie comme vous, petits bourgeois », alors ces signes ont été abandonnés par ces mêmes petits bourgeois à qui s’adressait le message. Parce que derrière une lutte de signes, c’est aussi une lutte de classes qui se manifeste. En ce sens, les ChampsElysées sont une avenue incroyable, parce qu’elle réunit les plus riches et les plus pauvres : celui qui vient s’offrir une glace sur la plus belle avenue du monde et la riche famille moyen-orientale qui fait son shopping. Et il y a pléthore de logos, du plus subtil au plus ostentatoire. Comment la jeune consommatrice bourgeoise type réagit au fait qu’une jeunesse plus pauvre préempte les signes du luxe que sont les logos ? Soit elle n’en affiche aucun, soit elle en affiche les « vrais », comme le sac Saint Laurent et non la seule boucle de ceinture. Mais ça se joue aussi sur une autre sélection de marques, des APC, agnès b. ou Margiela, ainsi que sur des sélections de lieux. […] Cette lutte sur le terrain des signes va au-delà des objets et des logos : maintenant, la banlieusarde aussi a adopté le size zero, la silhouette de Kate Moss, c’est‑à‑dire longiligne et sans fesses. Après son régime, Karl Lagerfeld disait que le vrai luxe ce n’était pas d’acheter des vêtements mais de pouvoir les porter comme des mannequins. Aujourd’hui, les princesses comme les aristocrates du monde entier ressemblent à des mannequins, il faut être maigre pour être moderne et puissant. Et de ce point de vue, il n’y a pas de différence entre la bourgeoise et la banlieusarde. On parle de signes et de codes, mais à quoi fontils référence ? Il y a encore peu, les vêtements étaient porteurs de message, je pense aux punks, par exemple, et à leur rébellion contre le système ; aujourd’hui, il n’y a pas de revendication intéressante, si ce n’est d’avoir le droit à la fête – et à ce qui va avec : amusement, sexe, intégration. On se demande où sont passés les étudiants cultivés et révoltés des décennies précédentes… Même l’étudiant en lettres veut ressembler à un branché absurde qui passe ses week-ends en boîte de nuit… Quand on regarde ce que les gamines qui font Sciences Po mettent sur leur facebook, ce n’est pas le livre qu’elles ont lu, mais des images Dans les années 90, on a cru que la réponse à cette consommation débile c’était le minimalisme, on a vu ensuite que ce n’était qu’un message de mode comme les autres ; puis, on est revenu aux motifs, aux imprimés. d’elles en teuf, avec un cocktail fluo… A quoi ça sert d’être plus maline que les autres si ce qui est revendiqué comme étant la partie cool de sa vie c’est ce même truc cheap ? Si c’est le mode de vie qui les fait rêver, ils peuvent arrêter leurs études immédiatement, parce que sans référence ou bagage, on peut enchaîner les vernissages, les open bars et les fêtes. Quelle est la réelle influence des réseaux sociaux et des blogs sur les comportements d’achat ? Cela concerne uniquement un public friand de nouveauté ou cela va-t-il au-delà ? Ça ne concerne pas que les branchés, c’est devenu un raz-de-marée et c’est même ce qui a transformé la branchitude en mouvement de masse. Le blog est un système de diffusion très rapide, car, pour schématiser, les gamins ont aujourd’hui des bandes de copains de deux mille personnes, et même s’ils ne se voient pas tous les jours, ils échangent et « partagent » tous les jours. Et on sait que des blogs amateurs sont devenus plus influents que des sites professionnels et que la blogosphère est génératrice de tendances. Comment composent les marques avec ce phénomène ? Elles sont toujours en retard… et elles s’allient avec des blogueuses influentes, en les chouchoutant, en leur offrant des choses, des accès, et surtout en leur disant : « vous êtes des journalistes de mode », ce qu’elles ont toujours rêvé d’être… Dans la réalité, la bascule s’est opérée il y a un an, quand les quelques blogueuses influentes qui faisaient leur reportage à l’entrée des défilés ont tout à coup eu droit à une chaise. La boucle semble bouclée… Ont-elles maintenant la même fonction qu’une journaliste classique pour une marque ? Oui, à la différence qu’elles ont l’impression d’être indépendantes et qu’elles ont effectivement cette crédibilité – tant qu’elles ne ternissent pas leur blog avec des logos… Les marques l’ont d’ailleurs bien compris, elles leur donnent des produits, les invitent à leurs soldes de presse et peuvent même aider le blog à mieux vivre économiquement, mais elles demandent que leur logo n’apparaisse surtout pas… C’est beaucoup plus intéressant qu’une blogueuse dise comment elle porte tel vêtement et avec quoi, c’est-à-dire qu’elle écrive ce que l’on peut oser. Ça n’est pas un micro-phénomène, il y a une dizaine de blogs influents, dont certains annoncent dix mille visites par jour, et leurs auteurs commencent même à être reconnues dans la rue… Que pensez-vous des sites de silhouettes comme facehunter, thesartorialist, etc. ? De quelle mode parlent-ils ? Autant ça m’excitait dans ID de voir des silhouettes de rue, autant dans ces blogs ça ne m’in- téresse pas beaucoup. Parce qu’ils ne donnent pas une photographie de la rue, sur 5 000 personnes croisées, ils vont en choisir 10 qui ne ressemblent pas aux autres… Or, ce qui serait vraiment intéressant, ce serait de compiler 50, 60, 70 looks identiques. Par exemple : lundi, je vous montre tous les types que je vais croiser et qui se ressemblent ; mardi, toutes les filles avec une robe chasuble, etc. Ce serait alors une vraie documentation historique, un peu comme en constitue le duo hollandais Versluis et Uyttenbroek avec leur série Exactitudes. Pour voir et analyser ce qu’est la mode aujourd’hui, il est plus intéressant de regarder ceux qui n’ont pas de subtilité ni conscience de leur look, toutes ces filles qui sont persuadées de porter « la mode qui leur ressemble » avec une paire de ballerines, une robe chemise et une frange… Comment vendra-t-on la mode dans trois ans ? On en vendra beaucoup par service personnalisé, sur Internet. D’ailleurs, je crois beaucoup à la revanche de la province. On s’habillerait comme à Angoulême ? Non, mais maintenant Angoulême peut s’habiller comme Paris. Les kids peuvent avoir les mêmes baskets ou T-shirts en série limitée. Ils savent en temps réel ce qui existe et ce qui est dans le coup. Enfin, il y a un tel complexe Aujourd’hui, il faut être maigre pour être moderne et puissant. de ce point de vue, il n’y a pas de différence entre la bourgeoise et la banlieusarde. et une telle frustration que le kid à Rouen qui veut être à la mode le sera beaucoup plus qu’ici. Avant, il devait être accompagné à Paris par ses parents, aujourd’hui il peut tout faire à distance. On connaissait déjà ce phénomène en musique : les journalistes pointus viennent de province, ils lancent un blog, se font connaître, et ce n’est que dans un deuxième temps qu’ils montent à Paris […] La mode est un secteur aussi paradoxal et, malgré ce que je disais en début d’interview qui concerne surtout une minorité branchée, je crois qu’on va globalement continuer à consommer de la fast fashion et que les mastodontes comme H&M inventeront de nouvelles solutions. En revanche, je pense qu’il y aura un certain écrémage dans les marques, dont beaucoup sont en train de souffrir en ce moment, et certaines ne survivront pas à la rentrée. […] Je crois qu’on va consommer de la mode en solderie, des collections de l’année passée, vraies ou fausses, c’est-à-dire des collections produites uniquement pour le moment des soldes, dont on fait croire qu’elles auraient une valeur supérieure alors qu’elles ne sont vendues nulle part ailleurs. […] J’aurais bien aimé dire qu’on allait revenir à une certaine qualité, mais j’ai peur qu’il n’en soit rien… Propos recueillis par Angelo Cirimele MAGAZINE N 51, PAGE 34 Photography Milo keller & Julien Gallico Hair and Make-up Meg Zlatoff / calliste Yumi Endo / Marie-France Neuf jeunes créateurs qui façonnent la mode de demain. chacun porte ses propres créations. HUBERT KARALY jewellery designer BARNABé HARDY men designer YAZ jewellery designer BARNABé FILLON perfume creator ROMAIN KREMER men designer LIGIA DIAZ jewellery designer Bóas Kristjánsson men designer RéGINA DABDAD jewellery designer ANNABELLE JOUOT fashion editor MAGAZINE N 51, PAGE 48 André Courrèges 1923 : Naissance à Pau, d’un père majordome, d’une mère toute de noir vêtue. 1940 : Aussi loin qu’il se souvienne, la peinture, le dessin et la mode l’ont toujours attiré, mais pour faire plaisir à papa-maman, il entreprend des études d’ingénieur. « J’ai passé des années aux Ponts et Chaussées. Je m’y suis ennuyé à mourir. » A la Libération, il plaque tout et s’enfuit à Paris travailler pour diverses maisons de couture, tout en suivant des cours à l’Ecole supérieure des industries du vêtement. 1950 : Foudroyé par l’art de Cristobal Balenciaga, il fait des pieds et des mains pour entrer dans la maison du couturier monacal : « Je veux travailler chez vous sans être payé, comme le dernier des apprentis. » Engagé comme coupeur dans un atelier tailleur, forgé à l’école de la rigueur et de l’exigence, il y acquiert les techni ques d’un métier qui s’apparente à ses yeux au travail de l’architecte. Il y rencontre aussi sa « créativité complémentaire » et future épouse, Coqueline Barrière. 1961 : « Sous les grands arbres, il ne pousse rien. Je suis un petit gland sous le grand chêne que vous êtes. Il faut que je vous quitte pour vivre. » Après onze années de collaboration avec Balenciaga, le premier des apprentis s’en va fonder sa propre maison de couture, au 48, avenue Kléber à Paris, achetée grâce à un prêt sans intérêt du patron délaissé, qui refusera d’être remboursé et qui lui fournira en prime clientes et directeur administratif. Empreint de minimalisme et de pureté graphique, Courrèges élabore au cours de ses premières collections un style dépouillé dans l’esprit de son illustre maître. « J’étais tellement imprégné par Monsieur Balenciaga, j’aimais tellement son art qu’il m’a fallu trois ou quatre ans pour tout oublier et faire naître mon style. » 1964 : Un style qui, une fois trouvé, déclenche un raz-de-marée. La collection « Fille de lune » produit sur la haute couture un effet comparable à celui du New Look de 1947. « Il fallait, en s’appuyant sur de nouvelles règles techniques et esthétiques, inventer un vêtement moderne, un vêtement dans lequel on entrerait comme dans une boîte. » Outre le rythme endiablé des mannequins noirs sautillant sur du jazz, et les matériaux novateurs (whipcord, vinyle, nylon) disséminés dans les collections aux formes géométriques et aux couleurs layettes, « la bombe Courrèges », comme le qualifient alors toutes les revues de mode, s’applique à redéfinir les proportions féminines en laissant le champ libre à l’expression des potentialités physiques du corps : robes trapèzes gommant la taille et les hanches, jupes outrageusement mini– dont Mary Quant et Courrèges se disputent toujours la paternité –, pantalons tout terrain et bottines plates remettent les femmes en position de course. Et les rajeunissent de quinze ans. Robettes, combi-short, babies, couettes… le verdict de Chanel est sans appel : « Cet homme s’acharne à détruire la femme, à dissimuler ses formes, à la transformer en petite fille. » Et celui de la presse, unanime : « Goodbye le lady look ! » cancanent les chroniqueuses américaines, envoûtées. Une presse qui, accusée de favoriser le plagiat, ne sera bientôt plus invitée aux défilés feu d’artifice. Le couturier susceptible s’accorde sept cents jours de retraite, réservant désormais sa production à sa clientèle privée. 1968 : L’ennemi de la copie se distingue pourtant par une volonté farouche de rendre sa couture accessible au plus grand nombre. Par sa double formation artistique et technique, il entend saisir le mouvement qui s’amorce de la couture vers l’industrie. Ayant recours à la fabrication en série, qui permettait de diviser les prix par cinq, il crée alors « Couture Future », une ligne de prêt-à-porter de luxe dont chaque modèle est disponible en quatre ou cinq tailles. Hostile à toute politique de licence, le couturier de l’épure décide de tout concevoir, de tout fabriquer et de tout distribuer dans le respect des critères de qualité de la haute couture. Et ce dans son usine pilote décapotable aux armatures futuristes, implantée à Pau qui, à l’instar de son nouveau fief, rue François-Ier, exhibe un décor blanc optique luminescent, résolument moderne. « Mon œuvre est faite de couleurs dans lesquelles le blanc, traduction de la lumière, le bleu azur, traduction du cosmos, et l’argent, reflet de la lune, servent de structures. » 1972 : Tandis que la couture intègre progressivement les pratiques sportives inhérentes à toute « vie moderne », le couturier athlète en tenue de tennisman immaculée – « Les gens s’habillent en noir parce que ce n’est pas salissant. Ils réenfilent chaque matin des vêtements sales. La vie moderne exige que l’on soit propre intérieurement et extérieurement. » – ne se contente pas de proposer un énième vestiaire sportif mais fait du sportwear un mode de vie. « Pour moi, une journée de travail, c’est comme une partie de pelote, c’est une épreuve sportive. » En chef de laboratoire, médiateur entre la mode et la technologie de pointe, il s’approprie des matières et des fibres techniques (toile cirée, voilure de parachute) usuellement destinées à l’armée, à l’aéronautique ou au monde sportif. Sa collection « Hyperbole » se compose de « praticables » – blousons à boutons-pression, maillots, soutiens-gorges, collants seconde peau intégrale – que les 15 000 membres du personnel des JO de Munich, mutés en points information orange, se feront une (fausse) joie de tester. Bizarrement, la mode du « collantvérité » ne prendra pas chez les hommes… « J’ai cru que l’homme allait lui aussi évoluer… J’ai cru que la lumière, la clarté, que j’amenais aux femmes allait lui aussi le séduire. En fait, si la femme a transformé son mode de vie, l’homme pour l’essentiel est resté le même.» 1979 : A la tête d’un empire multinational commercialisant à tout-va prêt-à-porter, parfums, maroquinerie, linge de maison, papeterie, téléphonie, gastronomie, Courrèges retourne sa veste pour développer une politique de licences et plagier le champion toute catégorie, Pierre Cardin. Ne jamais dire « jamais ». 1985 : Soucieux de poser sa griffe dans des secteurs jusque-là inexploités, le couturier en blouse blanche conçoit pour le personnel hospitalier un vestiaire aseptisé en non-tissé – matière jetable stérilisée, proche du papier – remboursé par la sécu. Bleues ou roses, ponctuées de mouettes blanches stylisées – « Rien ne m’apaise plus qu’un vol de mouettes au-dessus de la mer. » – ou de petits carreaux vichy, cette fois, le personnel n’aura pas opposé de résistance (sans doute en raison du caractère jetable des combinaisons) : « Une compagnie aérienne m’avait demandé de concevoir des uniformes. Le personnel a refusé mes projets pourtant approuvés par la direction… » Après avoir été sollicité par les religieuses et les moines bénédictins pour un « relooking », il cultive le secret espoir de travestir les policiers en playmobils arc-en-ciel : « Les couleurs employées seraient différentes selon les saisons, le rang et le corps… » 1988 : Promoteur d’un style global, il s’attaque à toutes les formes de l’environnement quotidien, dessinant à tour de bras voitures (Toyota, Mercedes, Matra), scooters (Honda), montres (Seiko), appareils photo (Minolta), clubs de golf, cuisines ou clenches de porte. La faute à ses partenaires japonais, le groupe Itokin, qui lui cherche des noises et l’empêche de faire de la haute couture sous prétexte de rentabilité. Frustré, il cherche d’autres moyens d’expression et finit par accepter la proposition de la société OPI : griffer de son nom un programme immobilier, les « Perspectives Courrèges », en se faisant décorateur d’intérieur et de façade. Cinq cents logements entièrement blancs et suffisamment décloisonnés pour pouvoir – à l’instar de son appartement parisien – y implanter un vélodrome, seront ainsi vendus à Suresnes. Après tout, une maison est comme une robe : une réponse à des besoins. 1994 : Après s’être libéré de l’emprise japonaise, Courrèges retrouve le chemin des défilés haute couture et confie la réalisation de ses collections à Jean-Charles de Castelbajac, quatre saisons durant. Avant de passer le flambeau à son épouse hyperactive et à sa fille Clafoutis (qui préféra ensuite assumer son second prénom, Marie), il mesure sa cote de popularité en rééditant du Courrèges revu et à peine corrigé, pour finir par repeindre les bus parisiens à ses couleurs. « Toute femme plongée dans Courrèges subit une importante poussée d’optimisme ! » rééditent à leur tour les publicités. Rassuré par la nouvelle vague de plagiat, qui le décide à apposer sa griffe sur chacune de ses créations, et par la déferlante euphorisante, il peut se retirer l’esprit tranquille et se consacrer à ses passions premières : la peinture et la sculpture. 2000 : Pendant ce temps, « Coqueline l’emmerdeuse » (comme elle se définit) organise des « écrandéfilés » et des happenings ubuesques enrobés d’une aura mystique… Préoccupée par l’environnement et l’évolution de la recherche scientifique, elle planche secrètement sur un concept de « vêtement génétiquement modifié » ; une fameuse protéine censée remplacer à terme le textile traditionnel. 2008 : Toujours aux manettes de sa maison de couture, toujours dans l’action, super mamie Coqueline entend démontrer, au volant de ses voitures électriques – la Bulle, la Exe ou la Zooop ; bijoux écologiques destinés à participer au challenge bibendum organisé par Michelin – que rien n’est impossible : « Quand on veut, on peut ! » Marlène Van de Casteele MAGAZINE N 51, PAGE 50 Lunettes carrées, circa 65 1971 Illustrations par Florence Tétier 1966 1967 1978 1970 1967 1961 MAGAZINE N 51, PAGE 52 Je suis dans la recherche constante d’un dispositif qui amène l’intime dans le public et le public dans l’intime […] Marta Gili Elle fait partie du nouveau paysage de l’art contemporain parisien, avec le suisse MarcOlivier Wahler : la très catalane Marta Gili dirige le Jeu de Paume depuis trois ans, après un parcours très riche mené la plupart du temps à Barcelone. Naviguant avec aisance entre art contemporain et « photo-photo », cette dynamique quinquagénaire revient avec nous sur sa conception de l’image – à l’acception très large selon elle. Mais aussi sur ses années de jeunesse dans l’Espagne post-franquiste, et sa participation au travail de mémoire nécessaire qu’a dû depuis entreprendre son pays. Lentement, trop lentement pour elle. Vous dirigez le Jeu de Paume depuis 2006. Mais qu’en est-il de votre passé en Espagne et de votre carrière à Barcelone ? Mes origines sont éclectiques, comme moi. J’ai commencé en faisant des études de psychologie et de philosophie, je suis une autodidacte de l’image. C’est d’ailleurs le cas de tous les Espagnols de ma génération qui travaillent dans l’art : ils viennent plutôt de la philosophie et de l’histoire, aucune formation n’existait alors en art. Ma première année d’étudiante s’est déroulée en 1975, juste après la mort de Franco : autant dire que cette année-là on a beaucoup fait la fête et très peu étudié. Je suis peu à peu passée aux sciences de l’éducation, puis à un master de psychologie clinique. Et à 23 ans, j’ai commencé à travailler comme psy, dans une équipe, aux côtés d’un psychiatre. Mais dès mes études, j’avais commencé, pour les financer, un mi-temps dans une école de photographie, où j’effectuais de petits travaux de secrétariat. Peu à peu, je me suis mise à y organiser des colloques et séminaires, auxquels j’invitais mes professeurs de fac à participer. Je me souviens encore du titre très prétentieux de mon premier colloque : « Perception inconsciente et image photographique » ! A l’université, j’ai commencé à donner de petits séminaires autour de l’image et du portrait. Et un jour, je suis tombée sur un livre américain écrit par un psy qui utilisait les albums de famille de ses patients pour déclencher la parole, qui tentait d’essuyer le silence à partir de commentaires sur les photos. Ça m’a emballée, je m’en suis beaucoup inspirée pour mes séances à l’université. formée avec ces deux éléments qui n’appartenaient pas à mon propre pays. Quels sont vos premiers souvenirs d’images fortes ? Mes premières images en mouvement, vues à la télé, sont les premiers pas de l’homme sur la Lune et l’assassinat de Kennedy. Je me suis Avez-vous alors, comme commissaire, accompagné les mouvements de la Movida ? La movida est un mouvement typiquement madrilène du début des années 80, nous avons vécu des choses différentes à Barcelone. Mais quel a été le déclic qui vous a définitivement fait passer de la psychologie à la photographie ? Un jour, alors que j’étais enceinte, j’ai eu une expérience pénible avec un patient, il a menacé mon enfant et j’ai eu très peur. J’ai tout de suite décidé de tout quitter, et j’ai continué dans l’image, en travaillant pour le festival Printemps de la photographie, né à Barcelone en 1982. J’ai commencé en réalisant une exposition sur Renger-Patzsch, un des membres de la nouvelle objectivité allemande des années 20, puis une expo sur la « ville-fantôme » à la fondation Miró. A la fin des années 70, dans quel état était la photographie espagnole ? On peut imaginer que le patrimoine photographique de ce siècle tragique n’était guère mis en valeur. Le patrimoine photographique du xxe siècle était uniquement constitué de photographies cachées ou oubliées. L’humanisme ou le néo-réalisme avait existé aussi en Espagne, mais il était complètement ignoré. Il y a eu un énorme travail à faire pour mettre à jour toutes ces images historiques. Quand j’ai travaillé à la Caixa de Barcelone – une fondation créée par une banque –, j’ai fait près de 50 expositions afin de donner de la visibilité aux fonds photographiques du xixe siècle jusqu’aux artistes encore vivants. Des gens comme Centelles – que nous avons exposé cet été à l’Hôtel de Sully – étaient complètement oubliés. Et même eux ne tenaient pas à être connus. Ils restaient chargés de peur et de préjugés. Centelles se cachait derrière ses images de pub, et Campana, qui avait photographié la guerre civile espagnole, se cachait derrière les photos de sport qu’il réalisait pour une agence de presse. Tout était à redécouvrir. Comment avez-vous procédé pour révéler cet immense patrimoine ? J’ai travaillé directement avec les artistes, car la plupart d’entre eux étaient vivants. Ce qui n’était pas toujours évident. J’appartiens, comme je l’ai dit, à la génération qui a eu 18 ans à la mort de Franco, celle qui a démarré sa jeunesse avec un nouvel esprit, une envie de tout rompre, même trop. Alors, nous avions envie d’aller vite, mais c’était impossible. Les photographes avec qui je travaillais restaient inconsciemment aveugles ; ils préféraient par exemple montrer uniquement leurs images anecdotiques, alors que c’était les clichés historiques qui m’intéressaient. J’ai eu des discussions longues et très riches avec eux. Je devais faire avec leurs préjugés et les miens, leur peur et ma rage. J’ai beaucoup appris avec eux, en autodidacte. Aujourd’hui, qu’a fait l’Espagne de ce patrimoine ? Beaucoup de gens ont travaillé sur ces archives de manière beaucoup plus approfondie que moi, notamment sur les donations des familles. Depuis Franco, il y avait une volonté en Espagne de tout centraliser. Ce n’est que récemment que les archives d’Etat ont été ouvertes à Salamanque et rendues à chacune des communautés, qui ont de bien meilleures capacités de gestion de leur mémoire collective. Mais tout s’est fait très lentement : ainsi, ces procès de la mémoire historique, qui voient s’ouvrir les fosses communes afin d’identifier enfin les cadavres tombés sous la guerre civile, n’ont commencé que très récemment. Pendant les quarante ans de la dictature, on avait oublié que des gens avaient disparu sans être jamais retrouvés. Pendant quarante ans, il y a eu une narration de l’Espagne complètement faussée. Et cela a mis trente ans avant que se fasse ce travail de mémoire. De la même manière que Franco est mort très lentement, la démocratie s’est construite chez nous de façon très lente. Longtemps, on s’est borné au consensuel. Cela s’est fait sans violence, mais il y a des choses que ma génération commence à savoir seulement maintenant. Par exemple, j’ai réalisé une exposition sur le pictorialisme tardif en Espagne, un mouvement aussi décadent que le régime qui s’est perpétué jusqu’aux années 50 alors qu’il n’a pas survécu aux années 1910 dans les autres pays. Aujourd’hui, je pourrais dire qu’il s’agit bel et bien d’un style de propagande du régime franquiste. A l’époque où j’ai fait l’exposition, c’était beaucoup plus délicat :on développait un langage entre les lignes ; il n’y avait plus de censure, mais on ne pouvait néanmoins mettre l’évidence en évidence. Il fallait faire peu à peu. Votre formation en psychologie vous aide-t-elle dans votre lecture de l’image ? Très peu, car l’image a beaucoup évolué : elle est beaucoup plus dans l’anthropologie – le politique ou le social – que dans la psychologie. Alors qu’en Espagne, dans les années 70, il y avait toute une photographie « d’expression personnelle » comme on disait alors : moi, je m’exprime de manière expressionniste et je me fous de la société. C’était alors inévitable de psychologiser. Aujourd’hui, on est bien davantage dans les grands récits. Après le Printemps de la photographie, vous êtes donc passée comme vous l’évoquiez à la tête des arts plastiques à la Caixa. J’avais commencé à faire des critiques d’art pour El Pais ou La Vanguardia . Et, un jour, on me demande d’écrire un article sur une expo montée par la Caixa sur Jan Saudek. Je l’ai détestée ! Cette espèce de post-pictorialisme qui mettait en avant le corps de la femme comme objet ! En tant que féministe, j’ai toujours trouvé cela dégueulasse. Et je ne comprenais pas que la Caixa, qui était censée faire un travail social, puisse montrer cela. Suite à l’article, très violent, ils m’ont contactée ! J’ai argumenté, et ils m’ont alors proposé de faire une petite programmation en free-lance, au début des années 90. La place qu’ils ont consacrée à l’image a été toujours plus importante de 1994 à 2003. J’avais un bon budget, une totale liberté dans ma programmation, et il était aussi urgent de traiter du patrimoine que du contemporain. Le seul problème, c’est que la Caixa était encore réticente à montrer des artistes vivants. J’ai donc dû beaucoup ruser, notamment en faisant des expositions collectives, où je pouvais les infiltrer. J’ai fait tellement d’expositions collectives qu’aujourd’hui je suis très réticente à en faire de nouveau. On a abusé des expos thématiques, moi la première, je fais mon mea culpa. Dans de tels cadres, les artistes sont souvent là pour illustrer les idées des commissaires. Pourquoi ? Depuis mon arrivée au Jeu de Paume, j’essaie vraiment d’éviter. On a abusé des expos thématiques, moi la première, je fais mon mea culpa. Dans de tels cadres, les artistes sont là souvent pour illustrer les idées des commissaires, si bien qu’on voit les mêmes participer à des thématiques complètement différentes, de « la lettre » à « la mélancolie ». Cela donne des artistes multifonctions. Je préfère vraiment aujourd’hui travailler avec une seule personne, voir ce qu’il ou elle a à partager avec nous. Par exemple, j’ai beaucoup aimé travailler avec Sophie Ristelhueber. Comme elle est très connue en Espagne, moi et mes collègues s’en servant comme d’une référence constante dès qu’il s’agissait d’évoquer le documentalisme subjectif, j’ai été très surprise de voir qu’en France elle restait méconnue. Ce n’est pas facile de parler et de travailler avec elle, mais j’ai adoré, et j’ai le sentiment de comprendre seulement maintenant son travail, après avoir enfin eu le temps de l’écoute et du regard en silence. Bref, travailler avec un artiste me donne plus de plaisir, même s’il y a des tensions. J’en suis à un âge où je préfère me donner des tensions que faire plaisir à mes idées. Accepter de se faire bousculer demeure pour moi primordial, j’ai toujours eu peur d’être inflexible. Dans le monde de l’art contemporain, il y a tellement d’institutions qui deviennent endogamiques tant on a peur d’être bousculé, d’être trop dans le populisme ou à l’inverse dans l’intellectualisation. Il y a tellement de diables qui effraient ! Et de préjugés maladifs. Une institution comme le Jeu de Paume est justement au cœur de ces préjugés : il faut à la fois satisfaire la communauté qui n’aspire à voir que de la « photo-photo », et celle des arts plastiques. Deux tribus qui n’échangent guère… Il y a en Espagne les mêmes frontières qui ne mènent nulle part. Les frontières n’existent que si on s’y arrête. Je suis très heureuse d’être justement dans cet interstice. Le Jeu de Paume doit être dans cet interstice, faire partir la réflexion sur cette question. Pour moi, ces deux mondes n’ont jamais été opposés. Quand j’étais à la Caixa, j’exposais autant CartierBresson que Doug Aitken ou Pierre Huyghe, ou encore le dessin animé. C’est l’image qui m’intéresse. L’image est une invention récente, elle a à peine 180 ans. Et, qu’on le veuille ou non, toute archéologie de la pensée sur l’image est contemporaine. Toute exposition, même historique, est contemporaine : c’est pourquoi Robert Frank et Sophie Ristelhueber ont si bien marché ensemble, rassemblés autour de la notion de document. Votre programmation satellite, confiée à de jeunes curateurs et consacrée à de jeunes artistes, semble un peu négligée par le public et la presse. Comment y remédier ? Je sais que c’est bizarre, je sais que l’espace est difficile, que c’est une programmation excentrique et « ex-centrique », mais j’y tiens beaucoup. C’est l’enfant terrible du Jeu de Paume, quelque chose de nécessaire. Même s’il n’y a que 10 % des visiteurs qui y passent, je compte sur un effet de contamination. Simplement, il ne faut pas en avoir des attentes trop hautes. Tout est question d’équilibre. Je peux faire Farocki et Graham, très connus dans le milieu de l’art mais qui n’ont attiré que 23 000 visiteurs, parce que je sais que je fais Fellini à l’automne. Et je sais que Lee Miller amène du monde, qui découvre Jordi Colomer et Denis Savary. Ce dernier a quand même vu défiler 4 000 personnes, ce qui n’est pas rien pour un jeune artiste. Comment travaillez-vous avec les artistes ? J’essaie surtout de ne pas en donner une image consensuelle, d’un point de vue historique ou esthétique ; de chercher des médiations alternatives. Je sais que ce mot est interdit, mais on ne peut nier que toute institution publique, la poste ou un musée, est une médiation avec le public. Je suis dans la recherche constante d’un dispo- Je sais que ce mot est interdit, mais on ne peut nier que toute institution publique, la poste ou un musée, est une médiation avec le public. sitif qui amène l’intime dans le public et le public dans l’intime. Mettre ensemble Farocki et Rodney Graham, cela n’a rien d’évident : mais c’est un processus alternatif qui provoque des choses. Je ne sais pas si c’est réussi ou pas, mais en tout cas on est dans la recherche. Idem pour l’exposition « Richard Avedon ». Quand je suis arrivée à la tête du Jeu de Paume, elle était déjà programmée. Mais j’ai remarqué que dans la liste des œuvres manquait la série « American West ». Je l’avais montrée à Barcelone un an avant la mort du photographe et je connaissais sa force. Mais la plupart des Américains détestent cette série : du conservateur du MoMA à la fondation Avedon elle-même. Ils sont persuadés que l’artiste s’était moqué de la pauvreté sociale de ses modèles. Pour en avoir parlé avec lui, je savais que c’était complètement faux, il n’y a dans cette série aucune ironie. J’ai dû insister, payer très cher pour la faire venir du Texas. Mais, au final, je suis sûre que c’est elle qui a amené tant de monde dans l’exposition : à ce jour, c’est notre record, avec 130 000 visiteurs. Pour moi, rompre avec le consensus, c’est ça. Propos recueillis par Emmanuelle Lequeux MAGAZINE N 51, PAGE 56 Casting & Photography BRICE COMPAGNON Il y a plusieurs manières de concevoir le métier de casting director : assis derrière un bureau et recevant des postulants ou en marche dans les rues des villes. Brice Compagnon a choisi l’hypothèse deux. à la recherche du « canon de beauté », mais surtout de « gueules » capables de figer l’attention du regardeur. S’il a croisé quelques inconnues aujourd’hui devenues stars, il a longtemps parcouru le monde pour Oliviero Toscani ( période Benetton ) pour lui dénicher ce que le visage humain pouvait avoir d’étrange, d’asymétrique ou d’outré. Il n’est alors plus question de beauté au sens classique, mais d’humanité : ce qui me différentie mais aussi ce qui m’est commun à ces inconnus. MAGAZINE N 51, PAGE 66 — Mais Yusuke, dessiner pour quelqu’un et pour un animal, ce n’est pas pareil, si ? Yusuke Puisque Bonaparte était déjà pris, Curzio s’était choisi Malaparte comme nom de famille. « Dans La Peau – à son ami Jack qui le prévient : “Ils vont te tuer comme un chien” –, Malaparte répond, C’est une très belle mort, Jack. J’ai toujours rêvé d’être, un jour, tué comme un chien. » …/… …/… Il retrouvera plus tard son chien Febo dans le silence d’un laboratoire clandestin, où l’on a coupé les cordes vocales des bêtes avant de les torturer. Il y a aussi Julius Winsome, le personnage pacifique de Gérard Donovan, dont les balles crépitent dans la forêt enneigée du Maine après la mort de son chien Hobbes ; les Nouveaux Prédateurs, groupuscule terroriste qui, dans l’imagination de Jean-Christophe Ruffin, veut tuer les pauvres pour sauver la planète ; Johnny Walken, silhouette de bouteille dans Kafka sur le rivage et ami de Murakami dans la vraie vie, qui a dressé ses chiens pour ramener des chats vivants et manger leur cœur encore battant… Mes lectures de l’été giclent sur les parois de mon esprit lorsque je rencontre Yusuke à la rentrée. La douceur de sa voix, la gentillesse de son sourire et l’humilité de ses phrases n’enlèvent rien à sa détermination : après avoir passé près de vingt ans à dessiner de la mode pour ses semblables, il a décidé de reprendre le chemin de l’école, de se former au toilettage pour chiens et de partir vivre à Vancouver. Yusuke est arrivé à Paris à la fin des années 80, quand « la mode c’était vraiment créatif. C’était l’époque de Jean Paul Gaultier, Thierry Mugler, Montana, Yohji Yamamoto ; on construisait des concepts. Aujourd’hui, c’est pas concept mais marketing, et je voulais créer d’autres concepts, pour amener quelque chose de fin, d’heureux pour les gens ». La dernière fois qu’il est rentré au Japon, « alors qu’en Europe aujourd’hui c’est le babyboom, je n’ai rencontré que des gens qui veulent éviter d’avoir des enfants, parce que c’est trop cher mais surtout parce qu’ils ont peur pour leur futur. Donc ils sont attirés par les animaux domestiques. Un chien vit au maximum jusqu’à 18 ans, ils peuvent assurer sa vie jusqu’à la fin de ses jours. Ces femmes célibataires qui voient leur chien comme leur enfant, qui les nourrissent, les promènent et les coiffent, sont devenues une mode ». Donc Yusuke, finalement, ne quitte pas la mode, il va seulement créer pour une clientèle nouvelle. « Au Japon, quand j’étais petit, il y avait à côté de chez moi cette dame qui faisait des vêtements pour son chien. Je trouvais ça tellement mignon les chapeaux, les petits kimonos, ces robes, ces manteaux, les pulls tricotés… Mais surtout que le concept de sa vie, ce soit de créer quelque chose pour quelqu’un. Elle était très très vieille et elle donnait tout son temps pour fabriquer des vêtements pour son chien. Moi qui n’ai pas joué avec des poupées, j’avais trouvé quelque chose de mignon à faire. » Mais Yusuke, dessiner pour quelqu’un et pour un animal, ce n’est pas pareil, si ? « Pour des animaux, c’est un peu extravagant, mais c’est pour se faire plaisir, comme des parents qui dépensent leur argent pour leurs enfants. Maintenant, ils le font pour les chiens. Je vais commencer à coiffer, à magnifier, à colorer aussi, ça commence : éclaircir le poil, et surtout colorer en marron et en noir, pour les chiens qui deviennent blancs en vieillissant. Donc je vais apprendre tout ça, les extensions, aussi, ça peut être hyper intéressant. » Enfant, Yusuke avait un mini colley. « Mes parents me l’ont acheté, ma mère a lu tous les bouquins pour que le chien soit parfait, et elle m’a donné une mission : le brosser, faire sa toilette et le promener trois fois par jour. En fait, ce qui me plaisait c’est que le chien soit toujours content. Et puis… [Yusuke se met à bégayer, je comprends que c’est l’émotion, je ne comprends pas ce qu’il essaie de me dire] … par accident, oui, c’était quand j’avais 17 ans, qu’on l’a… » Le premier grand chagrin de Yusuke date de cet accident, il y a vingt-cinq ans. Il avait décidé de ne plus avoir de chien, mais, arrivé à Paris, alors qu’il se promenait sur les quais, il a vu un petit chien dans un aquarium ; « Même pas en cage, il était tellement petit. Un ratier. Le monsieur m’a dit qu’il avait un problème, son ventre était gonflé. Il a baissé le prix (parce que j’étais étudiant) à 400 francs. Au milieu de la nuit, il ne s’était toujours pas nourri, alors j’ai appelé un vétérinaire à deux heures du matin. Le docteur a fait ce qu’il fallait, et pendant trois mois je lui ai fait une piqûre tous les matins. Il a vécu dix-huit ans, et ce chien qui devait mourir le premier jour a eu le temps de faire des voyages, en Espagne l’été avec moi, à Vienne pour Noël… j’avais fait un vêtement pour ce voyage, pour le protéger de la neige. » Yusuke pense tout simplement qu’il a suffisamment travaillé pour les hommes. « Le reste de mon énergie, je veux le donner à des animaux, à des chiens. C’est pour ça que je veux aller vivre à Vancouver, avec les chiens que j’aime, les bois, la nature. » Dans cette nouvelle vie, la routine ne changera pas forcément : « Le matin, les chiens et le chat viennent me réveiller vers huit heures. Je fais du riz, on prend le petit déjeuner, puis on sort, et après on fait chacun nos choses. » Yusuke n’a jamais vécu avec un autre homme. « Avant c’était à cause du travail, maintenant ce sont les chiens », dit-il dans un sourire. « Les chiens, tu as 100 % de retour de ton amour, sans condition, sans trahison. Ils sont plus tôt adultes que les bébés, ils écoutent, ils adorent mes massages. C’est par eux que je connais les gens du quartier, les enfants qui viennent les caresser. Ils ramènent des visages, des gens nouveaux, des vieilles dames. Ils font sortir la gentillesse des gens naturellement. Les gens qui n’aiment pas les chiens sont des gens que je ne pourrais jamais aimer. » Yusuke, fatigué des villes, s’éloigne encore. Mais sa passion pour les chiens le rapproche de son Japon natal. « La vie des chiens à une époque était plus importante que celle des humains. Un shogun [le cinquième, Tsunayoshi Tokugawa, qui a régné à la fin du xviie siècle, ndlr] avait décidé que les chiens étaient plus importants que les hommes. Les gens qui faisaient du mal aux chiens avaient la tête coupée. Il y a aussi l’histoire que les gens adorent du chien très obéissant, qui tous les soirs allait chercher son maître gare de Shibuya à 18 h. La guerre commence, le maître part à la guerre et ne revient jamais, mais le chien continue tous les soirs à aller chercher son maître. Il y a une statue du chien sur la gare de Shibuya. » Après Vancouver, Yusuke ira à Los Angeles. Et pourquoi pas créera une école de surf pour les chiens californiens. « Je veux amener les chiens au même niveau que les humains. Créer une école pour les chiens sportifs, par discipline. » C’est promis, on ira voir. « Avec les animaux, on tient ses promesses. On ne dit pas “désolé… la prochaine fois” », me rappelle Yusuke. Tel maître, tel chien, paraît-il. Les miens ont toujours été très gentils et un peu dingues. Ceux de Yusuke reçoivent beaucoup d’amour. Mais le minuscule échantillon de maîtres-à-chiens que j’ai interrogés m’a rassuré : la tendance écologiste à l’inculpation du genre humain, les mouvements de libération animale, la deep ecology – qui est dans le collimateur du FBI depuis une dizaine d’années –, la préférence des urbains pour les animaux domestiques et le développement des salons de beauté pour chiens et chats ne conduisent pas forcément au malthusianisme des écoterroristes radicaux. La belle théorie de Gaïa, développée par Lovelock il y a tout juste trente ans, dans le sillage des enfants hippies de Mother Earth, n’a pas produit une génération antihumaniste. Juste un peu plus narcissique. « Mon chien », écrivait Malaparte, « représente la partie la meilleure de moi, la plus humble, la plus pure, la plus secrète. Je n’ai jamais aimé autant une femme, un frère, un ami que Febo. C’était un chien comme moi… C’était un être noble, la créature la plus noble que j’avais rencontrée dans ma vie. » Mathias Ohrel MAGAZINE N 51, PAGE 68 PLAYBOB Voici quelques équations que nous allons bientôt pouvoir mettre à la poubelle : magazine = information, magazine de marque = catalogue de produits, biographie = livre. En quelques années, ces frontières ont volé en éclats et parfois pour le meilleur, comme quand certaines marques comme Acne, Mini ou American Apparel livrent des magazines plus intéressant que les « vrais ». Mais voilà, le blog est passé par là. Pas un « minipeople », pas un pseudo-activiste, pas un clubber, pas un simili-artiste qui n’ait le sien, le plus souvent pour dire « j’ai vu ça et ça et ça », à la manière de post-it visuels. Car le seul sujet d’un blog est son auteur. Même si son contenu montre des paysages, du graphisme, de la mode, le sujet est le regardeur et ce regard à travers lequel je regarde à mon tour le monde. Je ne me moque pas. Si Olivier Zahm vient de signer une campagne de publicité en tant que photographe, son blog-journal intime, souvent en noir et blanc, n’y est certainement pas étranger. Ce petit programme informatique aurait donc fait mieux que douze ans de magazine de mode… Cette longue introduction pour vous parler de Monsieur Bob, qui a 40 ans et beaucoup plus de disques, qui aime les filles nues et le potentiel évocateur de son année de naissance. Donc, Monsieur Bob va éditer un magazine à sa gloire : comment Bob a commencé ; le dernier album de Monsieur Bob ; ses amis ; ses collègues de travail ; ses clips ; et même ses fausses pubs. Certes, ça fait un « objet promo » qui a de la gueule : 96 pages de faux Playboy (avec son accord), le tout gratuit et même avec une certaine sincérité dans la démarche. On sait bien les sommets atteints par le personal branding et l’importance prise par les personnes au détriment de leur production, y compris dans d’autres domaines que ceux de la création. Mais il faut certainement avoir une double dose de méga- lomanie pour penser pouvoir intéresser, avec sa petite personne, le lecteur lambda croisé au hasard de la rue des Archives. Il y a une politesse que j’aime dans la presse : celle de s’effacer devant le monde pour le raconter, et n’apparaître que discrètement, de sa signature. Alors, je n’ai pas résisté, j’ai compté : 23 apparitions de Bob dans les 96 pages du magazine. Heureusement, Playbob présente aussi l’actualité de 1969 en cinéma, musique, graphisme, etc. Sans oublier la playmate en poster central, puisqu’on fait dans le régressif… Il y a de quoi être dérouté, à moins que Playbob ne soit le dossier de presse, maquetté, imprimé et prêt à l’emploi à l’usage de la presse… France, one shot, 100 p., 210 x 280 mm, gratuit. Chef de projet, rédactrice en chef : Carole Thomé Directrice artistique : Stéphanie Buisseret Directeur de la publication : Bob Sinclar Production : Danielle Verheul & Famke Visser Éditeur : Yellow productions MAGAZINE N 51, PAGE 70 à la différence de l’artiste ou de l’écrivain, le designer se voit dénié le droit à la méchanceté. pour aller vite, sa posture doit nécessairement être généreuse. -Beau et bien ? -Ou affreux, sale et méchant. Réanimer le design, voilà l’affaire. Le cabinet de curiosités est-il l’horizon indépassable de l’avenir domestique ? Du plaidoyer pour un nouvel enchantement du monde (Andrea Branzi) à la transformation de l’exception en système (Li Edelkoort), quelques pistes d’actualité et autant d’interrogations sans fond – pas sans fondements. Andrea Branzi : « Le rapport entre l’homme et les objets est un rapport opaque, tout n’apparaît pas à la lumière du jour. Certains objets portent bonheur, d’autres non. La culture du projet a perdu cette capacité charismatique et, en présence d’un milieu de plus en plus aseptisé et anonyme, ce sont les objets qui se chargent de ce témoignage, grâce à leur fonction chamanique de connexion de la réalité quotidienne à une dimension plus profonde et inexplorée. » Cette proposition accompagne l’exposition (1) de quelques pièces, essentiellement en bois, recourant aux assemblages et recyclage de matériaux anciens, de grillage à poule et de divers autres signaux de nature moins physique. Mystère, magie, mystique et techno 3M associées : histoire, mythologie et animismes sont injectés par Branzi dans ses piè- ces comme le xylophène par le restaurateur dans sa lutte contre le termite. Il agit en technicien. Tandis que s’achève la décennie qui a vu le design entrer dans la galerie avec un lustre inédit, d’autres sorciers du design s’agitent dans leur laboratoire. La galerie Kréo fête en septembre l’anniversaire d’un phénomène qu’elle a mené tout ce temps ; Li Edelkoort sélectionne 149 pièces à l’occasion d’une vaste vente aux enchères (2), célébration hors normes du chaudron néerlandais remué sans retenue pendant ces mêmes dix années tandis qu’elle dirigeait la Design Academy d’Eindhoven. Et où sommes-nous parvenus ? On commence avec la dame (n’oubliez pas le guide). La transformation de l’exception en système, de l’anomalie en procédé, du bizarre en principe de clonage, génère un vertige. Un sentiment étrange d’étouffement face à ce qui se lit comme l’étalage des panoplies issues d’une lecture mécaniquement altérée des fiches de cuisine du design. Durcir le mou, ramollir le rigide, le petit démesuré, le grand microbe, le tank porcelaine : un bréviaire de postures surréalistes devenu exhausteur de goût. L’absurde posé en dogme n’est pas moins une plaie que le mobilier de bureau d’un open space de télémarketing. Répandu partout, il est aplatissement des excroissances de l’esprit. Dans cette nouvelle soupe ou bouillon d’inculture, où l’ignorance est posée en gage de liberté, les objets s’entre-dévorent d’autant plus férocement que la majorité sont des monstres. La lampe d’une demoiselle Karin Frankenstein entamant la sélec- tion de Li Edelkoort nous ravit forcément. C’est aussi l’effet catalogue, inévitable ; la succession folle devient orgie nauséeuse. Bref, on s’ennuie à nouveau là où l’excitation devait renaître. L’intrépide tentative de fuite du champ de ruines fonctionnalistes est devenue caricature, un slogan rebelle de Ben sur la couverture du cahier de textes. Essayer de comprendre les motifs de la grande fatigue : pourquoi si peu de productions du design susceptibles d’éveiller la curiosité ? de donner à nouveau l’envie de rencontrer celui ou celle qui se tient derrière ? de sauter avec lui sur des ressorts de création ? Trop de design redondant, anecdotique, maniéré. Chaises stériles, canapés mortels, électroménager ignoble. Les galeries de design se disputent encore une majorité d’artifices où le précieux le dispute à la prétention. Démagogie et vulgarité, entrechats de vénalité. Comme cela arrive parfois, une citation se pose alors, même pas convoquée, de celles qui s’attrapent comme l’organisme affaibli embrasse en octobre tous les virus à portée. Elle ouvre une nouvelle perspective, d’emblée splendide. Simone Weil : « Dans la vie, le bien est beau et toujours nouveau, le mal ennuyeux et toujours le même. Dans la littérature, au contraire, le bien est plat et fastidieux, le mal, intéressant et varié. La raison à cela est la présence dans la réalité d’une nécessité qui est absente dans la fiction. » (3) La simplicité de la proposition est troublante. Sa dernière partie exige un peu plus de concentration. Pour peu que l’on considère effectivement cette « nécessité », c’est bien d’elle dont le design se ferait l’écho, puisque c’est dans la vie qu’il envisage son ancrage et sa destination. On se dit, tiens, voilà une clé pour comprendre l’ennui. Le design, voué à ce service qu’est celui de l’accomplissement d’une fonction, se trouve évidemment préoccupé de bien. A la différence de l’artiste ou de l’écrivain, le designer se voit dénié le droit à la méchanceté. Pour aller vite, sa posture doit nécessairement être généreuse. Mais le design a su y être intéressant et varié, n’envisageant que cette fin. Jusqu’à ce qu’il se trouve un peu trop adapté aux grands bureaux et aux grandes prisons, motifs de la haine farouche que vouaient Debord et consorts au Corbusier, pour l’exemple, et à tous les bâtisseurs de cimetières verticaux et de garrots de chaise. Le designer contemporain, lorsqu’il s’enduit d’altruisme et de perspective sociale, ressemble à un adolescent plongeant sa main dans le gel capillaire « saut du lit ». Son discours d’autant moins inspiré qu’il n’est évidemment pas sincère, malheureux perroquet modèle Gropius. Son problème majeur : il ne sait plus comment rendre service, mais il n’a pas non plus le talent à la production de quoi que ce soit d’autre, parce qu’on ne lui a appris que ça. Ce qui lui manque, simplement, c’est le style, et ça ne s’est jamais vraiment appris dans les écoles. Le design, comme la littérature, ne peut s’en passer (en a-t-il jamais été autrement, au fond ?) – ce n’est pas une question de bien ou de mal, mais d’écriture. Où l’on retrouve assez fatalement Céline : « Je crois que le rôle documentaire et même psychologique du roman est terminé, voilà mon impression, eh bien, qu’est-ce qu’il lui reste ? eh bien, il ne lui reste pas grandchose : il lui reste le style. » (4) Avec Andrea Branzi et la possibilité d’un objet qui ne porte pas bonheur, ou Hella Jongerius et ses cauchemardesques pièces de mobilier aux accouplements animaux contre-nature (dernières importantes propositions chez Kréo), nous retrouvons quelque chose de « sale ». L’objet prend le risque littéraire, avec l’argument mystique/animiste (Branzi) ou décoratif/narratif (Jongerius). Il pourrait pénétrer aussi le territoire du mal, sans pour autant avoir vocation à étrangler son utilisateur ou castrer celui invité à s’y asseoir. Il faudra donc, décidément, apprendre à distinguer d’entre les foules (encore prospères) quels sont les avortons trop vite échappés des éprouvettes et où se dressent des chimères envoûtées. Quel est le mobilier du prince Malko et à partir de quel moment la décoration devient-elle légitime ? Il y a encore tant de possibilités. Et c’est toujours sur nous que ça retombe. Tant mieux. Pierre Doze (1) Grandi Legno, galerie Azzedine Alaïa, du 10 décembre 2009 au 10 janvier 2010. Voir aussi l’exposition « Les années Staudenmeyer, 25 ans de design en France » au Passage de Retz, à partir du 3 décembre et à l’occasion de la parution d’un livre consacré à Pierre Staudenmeyer. (2) Pierre Bergé & associés, 13 septembre. (3) Morale et Littérature, 1944, publié sous le pseudonyme d’Emile Novis. (4) Cité dans Dieu, qu’ils étaient lourds !!! , monologue adapté et mis en scène par Ludovic Langelin (2009), fondé sur des entretiens radiophonique de Louis-Ferdinand Céline entre 1955 et 1959. MAGAZINE N 51, PAGE 72 Quant à savoir pourquoi l’électricité s’est arrêtée… On a beaucoup parlé, et puis on s’est tu, et il a fallu se résoudre à ne jamais savoir pourquoi. Les résilients Déchets et décomposition prolifèrent, accompagnant comme son ombre la fièvre consommatrice. Mais l’Histoire opère un renversement et transforme le rebut en signe d’une époque révolue. La lumière s’est éteinte progressivement, par plaques, comme dans un dernier et fantastique remake de Billie Jean. Ceux qui habitaient sur les hauteurs ont dû assister à un sacré spectacle. On dit que tout est parti de la côte est de l’Empire, mais comme personne ne peut rien affirmer… De toute façon, maintenant, c’est la nuit. Et en Occident comme dans toutes les grandes villes du monde, il n’y a plus de survivants. Il n’y aura plus jamais de clip vidéo, de G8, ni d’i-Phone. Plus jamais de Coupe du Monde, d’Audi A4, d’écran plat, ni de G20. C’est à cause de la lumière. Quand elle s’est éteinte, la moisissure noire s’est développée en quelques heures, anéantissant toute forme de vie humaine citadine. Il paraît que c’étaient des spores qui s’étaient accumulées là depuis des années, à l’insu de tous, parce que la lumière les empêchait d’éclore. C’étaient des spores qui aimaient le propre, le rangé. Des spores qui aimaient la vie confinée, les rituels de bureau, la consommation de masse. Des spores qui aimaient l’énergie nucléaire, l’industrie chimique et agro-alimentaire, les loisirs organisés et la substitution de la vie par sa représentation orchestrée selon les lois du désir organisé. Des spores qui s’accommodaient des relations sociales qui prévalaient en ce temps-là. Bref des spores qui proliféraient agréablement à l’ombre de ce qui avait été appelé alors un choix de société. Quant à savoir pourquoi l’électricité s’est arrêtée… On a parlé d’OVNI, de conspiration, de l’axe du mal, de barbus fanatiques, de hackers boutonneux. On a parlé de surcharge, de risque de système, de choc exogène, d’équilibre de Nash. On a parlé d’allocation sous-optimale au sens de Pareto, d’asymétrie informationnelle et de contrats de second rang. On a beaucoup parlé, et puis on s’est tu, et il a fallu se résoudre à ne jamais savoir pourquoi. Mais le mystère de la naissance, de l’étincelle première, de la cause dont elle est la conséquence n’est-il pas le lot de toute civilisation, même post-humaine ? C’est marrant de penser que ceux qui avaient tant voulu se protéger du risque de vivre avaient fini par en mourir. C’est un peu triste pour les médecins, les architectes, les psychanalystes et autres apôtres de la survie. Mais, après tout, ils connaissaient sans doute la formule selon laquelle « il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une mort heureuse ». Ils avaient bien dû se rendre à l’évidence du désintérêt profond que leur accordait le pouvoir, et de la compromission fatale à laquelle ils avaient été contraints. Ils avaient bien dû imaginer que leurs stratégies de survie déguisées en espérance ne laissaient guère de place à l’idée de liberté. Et sinon, c’est qu’ils méritaient de crever. Et puis, ils nous ont tout de même laissé un nom, à nous, les Résilients. Et ce n’est pas si mal. C’est comme un lien ténu, un petit fil conceptuel qui nous rattache au passé et au prodigieux destin de l’espèce précédente. C’est marrant de penser que nous, qui avions été rejetés dans les décharges, qui avions été cir conscrits, placés à la périphérie de la joie, sommes aujourd’hui les seuls héritiers du sommet de la création, ce que l’on appelait avant l’humanité. On nous avait baptisés les réprouvés, les clandestins, les pauvres. Mais, en fait de conditionnement, celui des ordures s’était avéré moins létal que celui des humains ! De l’autre côté de la consommation, la fange nous avait mis à distance, l’excrément nous avait accordé sa grâce, la souillure nous avait préservé des foudres de l’apocalypse. Nous sommes la Nouvelle Jérusalem. Bien au chaud dans les dédales d’immondices rejetées par le centre, dans ces cités cyclopéennes qui poussèrent aux bordures de l’Occident, nous avions regardé s’écrouler cet édifice qu’on disait là pour mille et mille ans. Aménagées au creux des tonnes de couches pour bébé, entre les ruisseaux de mercure, au pied des collines de sacs plastiques, en bordure des forêts de carcasses de voitures, à l’aplomb des falaises d’électroménager pourrissant, au bord des lacs d’acide de batterie, nos maisons s’organisaient autour d’un bonheur réel qui s’était frayé un chemin dans l’immondice. Contraints à la solidarité par la toxicité, nous avions survécu quand tout semblait devoir s’arrêter. Pasteur l’avait bien dit : le microbe n’est rien, le terrain est tout. Et nous étions là, hésitant entre science-fiction et préhistoire, sous le grand dôme des excré- ments du monde disparu ; sondant la matière molle et chaude, seul héritage de la civilisation précédente. Interrogeant l’ordure dans l’espoir de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Cette question, on ne pouvait jamais l’occulter, à cause de l’odeur, la chaude puanteur de la décomposition. La décomposition, le dernier trésor du monde libre. Cette providentielle source d’énergie qui nous avait maintenus en vie quand le monde précédant s’était écroulé. Avant que finalement nous mutâmes. Elle était partout, elle était nous, on lui devait tout. Entièrement coupés de toute autre mémoire, la puanteur était devenue peu à peu le seul vrai lien qui nous unissait encore aux hommes et à leur souvenir. Un lien ténu mais réel, d’autant plus vivant et universel qu’il s’adressait à chacun, sans distinction de milieu, d’origine ou de capital culturel. Car tous les esprits et tous les cœurs s’animent au secret de l’arôme. Car toutes les mauvaises odeurs nous concernent et semblent nous révéler quelque chose sur nousmêmes. Car tous les parfums obligent à la vérité du souvenir. Et quand notre histoire devint finalement une archéologie du déchet, l’odeur prit la place centrale et délicate de la mémoire vivante. Les générations se succédant, il fallut transmettre ce pouvoir d’évocation mnésique. C’était un exercice quotidien pour les familles, comme une sorte de devoir de mémoire, d’éducation pratiquée sans y penser. Au gré des promenades dominicales sur les grands plateaux de fange, au détour des sentiers serpentant dans la vidange, quand un fumet caractéristique se détachait de la puanteur totale, le bon père de famille évoquait alors le souvenir du mot associé à l’odeur, comme autrefois on faisait réciter les départements. Bien sûr, la généalogie de la pourriture n’échappait pas aux approximations immanquables que le temps apporte, mais même lorsqu’un mot s’était peu à peu substitué à un autre, la force d’évocation de l’odeur faisait jaillir dans l’imagination des images semblables à aucune autre. Et c’est comme ça que, bien des années après l’an zéro, alors que l’enseigne à l’arche d’or n’était plus qu’un concept, celui qui n’avait rien connu de cet ancien monde était capable de parler d’un cheeseburger. Sylvain Ohrel MAGAZINE N 51, PAGE 75 L a fragilité du vide Elle s’était retrouvée à travailler dans cette galerie d’art par hasard, pour payer le loyer. Après tout, une assistante était une assistante et il ne fallait pas être plus débrouillarde que dans la banque ou l’assurance. « Aaaah, et voici la merveille, le clou (...) pu tout aussi bien la rater (...) un défi au principe de l’exposition – l’artiste a voulu la situer précisément, hors de la scénographie » La fragilité du vide, six sacs plastiques, 2008, Kader Attia. première édition FOIRE D’ART CONTEMPORAIN Bourse du Commerce, Paris 22-25 octobre 2009 — cutlog.org Le premier jour, le galeriste, pressé, l’envoya repérer la dernière curiosité de son écurie dans une grande exposition ministérielle : « C’est huit sacs en plastique, de couleurs vives, posés à même le sol, à gauche en entrant, ils ne sont même pas sur la scéno, il y a seulement une bande de gaffer qui délimite l’espace, tu ne peux pas les rater. » Elle aperçut l’un des trois commissaires de l’exposition qui était déjà là, en compagnie d’un groupe de collectionneurs allemands : « Aaaah, et voici la merveille, le clou (...) pu tout aussi bien la rater (...) un défi au principe de l’exposition – l’artiste a voulu la situer, précisément, hors de la scénographie (...) excellente notice en donne d’ailleurs quelques (...) entre l’espace visuellement scénographié et le reste de (...) situe entre le visible et l’invisible, entre (...) et (...) et l’infiniment (...) entre-deux de l’exposition traduit bien toute l’ambiguïté (...) banals et (...) ne peuvent laisser indifférent. L’artiste Kader Attia (...) vision très pessimiste de la société actuelle, en convoquant le signe le plus quotidien de la pollution, le sac plastique, (...) plastique peut être entendu comme la matière issue du pétrole, un autre symbole (...) grandes considérations écologiques (...) donner une forme, créer par la simple mise en espace, par le modelé le plus minimal. (...) On peut aborder cette œuvre comme une mise en garde, un signal (...) dramatique à l’échelle de la planète. Les sacs plastiques, effectivement, sont le symbole de la société de (...) toute la complexité de notre système (...) richesses absurdes (...) s’effondrer à tout moment (...) tant de richesses et de pouvoir qui reposent sur (...) formes minimales. Et (...) tout à fait intéressant. Le sac (...) plastiquement contradictoire : léger et fragile (...) garde la trace (...) parlait d’une anecdote – qui ne peut, certainement, rendre compte de toute la complexité de l’œuvre, mais qui mérite que l’on s’y attarde – autour d’une vision, dans la rue, d’un (...) de ce qu’il avait contenu (...) des volumes, du poids, par le seul effet du vide. La métonymie plastique que (...) paradoxe de la sculpture ici résumé : donner du volume en enlevant de la matière. » L’assistante ne traîna pas et partit déjeuner avec une amie, chargée de com chez Fauchon : « Et alors, c’est une installation minimaliste, un peu dans l’exposition et un peu invisible, ça représente le paradoxe entre le vide et le plein, c’est comme, tu sais, les start-up et tout ça, des grandes entreprises, des trucs de fou créés en un rien de temps, et pouf ! à la première crise, ça lâche. Et aussi, les sacs plastiques qui gardent la forme de ce qu’ils ont contenu, c’est comme un peu l’expression du plein et du vide à la fois, comme les vides et les pleins en sculpture, et aussi la pollution, parce que les sacs poubelles, on commence seulement à s’en rendre compte, mais ça représente des tonnes de plastiques qui ne se biodégradent jamais et ça, ça pollue à une vitesse folle. Alors, c’est le parti pris de la vie quotidienne dans sa fragilité, au point de ne montrer que ce que nous considérons comme de la poubelle. Enfin, en tout cas, c’est une œuvre balèze qui pose les questions de l’œuvre, de l’exposition, de l’art dans les expositions, du rôle de l’artiste du plastique et des tas de questions comme ça, hyper importantes au jour d’aujourd’hui. — Oui, mais quand même, c’est surtout une énorme arnaque à la production, non ? Et le public marche ? Vraiment, personne n’a pensé à jeter un déchet dans les sacs ?! » L’artiste, pensif, fit aussi sa visite, avant celle de la presse : « Ce gaffer au sol, c’est n’importe quoi, en deux deux ça va être noir de poussière avec ce béton pourri. C’est quand même un sacré cadeau à la prod, s’il y a le moindre truc au retour, je leur fais payer plein pot. Et vu la notice de pacotille que je me tape, ils n’ont pas intérêt à louper leurs visites. » Géraldine Miquelot les personnages de ce texte sont fictionnels. MAGAZINE N 51, PAGE 76 L’œil Neuf Quels furent les débuts d’un grand éditeur de la photographie contemporaine ? Dans les années 50, Robert Delpire, alors directeur technique, met en place les formules de Neuf et de L’œil. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en France, la société civile se mobilise pour la reconstruction du pays. Le secteur des industries graphiques, qui a souffert du pillage et de la répression pendant l’Occupation, est particulièrement sollicité pour y contribuer. De nombreuses initiatives, productions et réalisations voient le jour dans le champ du graphisme et de la typographie. Le nouvel Etat, qui a nationalisé l’ensemble des grandes entreprises de service public, doit emprunter et lance de vastes campagnes publicitaires pour financer la « reconstruction ». Des commandes sont passées à quelques figures de l’affiche des années 30, comme Paul Colin, Jean Carlu ou Raymond Gid, mais c’est la nouvelle génération, souvent issue de l’école Estienne, à Paris, qui profite de cet état de fait pour s’affirmer. Les murs des administrations, des bâtiments publics, des écoles s’ornent des visuels de Jacques Nathan-Garamond, Jean Colin, Guy Georget, Villemot et quelques autres. Le ministère des Finances constitue une commission de l’imprimé pour redéfinir les normes en usage dans l’administration. Il est fait appel au typographe Maximilien Vox, bien que celui-ci ait mis son savoir-faire au service du régime de Vichy. Vox assisté d’Henri Jonquières et de Marcel Jacno s’attèlent à la charge et, en 1952, le typographe publie une nomen- clature de caractères, la célèbre « classification Vox ». Néanmoins, la modernité française ne se reflète pas dans des recherches graphiques d’avant-garde. Le ton est plutôt à une effervescence néo-classique. Peut-être le résultat de positions protectionnistes et idéologiques prises, dès les années 20-30, par les grandes fonderies comme Deberny & Peignot, face aux théories de la Nouvelle typographie développées par l’Allemand Jan Tschichold. Début des années 50, le design éditorial, lui aussi, fait l’objet d’une refonte en profondeur. Un design qui profite de l’invention des ingénieurs français, René Higonnet et Louis Moyroud, la photocomposeuse. Un prototype, nommé Photon, est fabriqué en 1946 avec le soutien d’industriels américains et, en 1954, un premier modèle, baptisé Lumitype, débarque chez Deberny & Peignot. Cette nouvelle évolution technologique et les recherches de l’architecte Pierre Faucheux, passé au graphisme, annoncent par ailleurs la réinvention du livre-objet, dont les clubs de livres, organismes de vente par correspondance inspirés des systèmes allemand et américain, s’emparent. Le travail de Faucheux ne se limite pas au seul livre. En 1950, il est sollicité par un jeune étudiant en médecine, Robert Delpire qui, féru de journalisme et un peu malgré lui, a pris la direction d’une nouvelle revue, Neuf. Neuf est l’organe de presse de la Maison de la médecine qui regroupe les activités culturelles et sportives des étudiants. Pour Delpire, il ne s’agit pas de faire un simple bulletin d’association mais une vraie revue avec de « bons » textes et des illustrations de qualité. Tout manque, surtout l’argent, mais pas le culot. Robert Delpire s’adresse aux artistes, photographes, écrivains et illustrateurs de renom. La une du numéro un, qui paraît en juin 1950, propose la photographie d’un masque « Haïda » de la collection d’André Breton prise par Facchetti. André Breton participe à ce premier sommaire avec une « Note sur les masques à transformation de la côte pacifique Nord-Ouest », qui révèle la particularité de certains masques possédant un élément capable de pivoter sur lui-même. Le numéro deux, en date de Noël 1950, offre sa une à Brassaï. Le sommaire s’ouvre sur des articles médicaux puis des articles aux signatures prestigieuses : « De la vocation d’écrivain » par Jean-Paul Sartre ; « Marc Chagall, peintre de l’amour heureux » par Michel Ragon ; « Brassaï » par Henry Miller ; « Extraits de l’Histoire de Marie » par Brassaï ; « Izis » par Marc Bernard ; « La jeune fille brune » par Marcel Mouloudji. En tout : 82 pages de textes, d’illustrations en noir et blanc et en couleur tirées à 5 000 exemplaires, vendues essentiellement par abonnement. Le comité de rédaction est composé d’internes des hôpitaux et de la collaboration, en tant que directeur technique, de Pierre Faucheux. Pour Delpire, il ne s’agit pas de faire un simple bulletin d’association mais une vraie revue avec de « bons » textes et des illustrations de qualité. Tout manque, surtout l’argent, mais pas le culot. Robert Delpire dit de cette collaboration : « J’ai rencontré Pierre Faucheux à une époque où je ne savais rien d’un métier qui me fascinait, celui d’éditeur. Je n’avais que des intentions, des envies, des aspirations : publier des livres, créer une revue. Pierre Faucheux m’a apporté ce que je n’aurais pu faire sans lui : une parfaite connaissance des techniques mais surtout une liberté d’esprit, une fantaisie, une aisance exceptionnelle à manipuler la lettre et l’image dans un constant refus des conventions et des habitudes. Pendant un temps, j’ai tout appris de lui et je lui en suis encore très reconnaissant. » Si la maquette reste sage et relativement classique, Neuf devient une revue de référence pour la nouvelle avant-garde photographique qu’incarnent Cartier-Bresson, Doisneau, Werner Bischof, Robert Frank et William Klein. Mais l’originalité de Neuf tient aussi dans le mélange des genres et un certain éclectisme illustratif. Robert Delpire rencontre le dessinateur André François, à qui il confie la une du numéro six, Spécial dessin humoristique. Instinctivement, Delpire donne un nouveau statut au dessin dit « de presse ». Des artistes et dessinateurs, inclassables, interviennent dans les pages de la revue comme Mose, Chaval ou Steinberg. Cette ligne éditoriale va conditionner et affirmer l’originalité de son travail d’éditeur. En 1955, la collaboration avec Pierre Faucheux se poursuit avec la conception de la maquette d’une nouvelle revue d’art, « L’Œil ». Editée en Suisse mais conçue rue des Saints-Pères à Paris, la revue propose un autre regard sur la peinture. Directeur technique (on ne parle pas encore de directeur artistique) du magazine, Robert Delpire porte, avec une maquette sobre, un œil neuf sur la création contemporaine. Une démarche et une posture qui définissent, depuis une cinquantaine d’années, l’un des grands éditeurs d’images contemporaines. Pierre Ponant Van Leo - Sherihan actrice égyptienne - Le Caire, Egypte, 1976 - Collection Fondation Arabe pour l’Image - © Fondation Arabe pour l’Image 19-22 NOV. 09 - Carrousel du Louvre, Paris - www.parisphoto.fr Photographie arabe et iranienne à l’honneur MAGAZINE N 51, PAGE 79 Je 1. 10 Cinéma Festival du cinéma allemand Coloration politique pour cette 14 e édition, 20e anniversaire de la chute du Mur oblige. L’Arlequin, >6/10 Edition Les plus beaux livres suisses Si ce concours existe depuis deux ans en France, il a beaucoup à apprendre de son pendant suisse, dont les lauréats 2008 seront ici présentés. Centre culturel suisse, >19h, >12/12 Ve 2.10 Magazine Sang Bleu Ouverture de la galerie 12 Mail, avec l’helvétique magazine Sang Bleu comme premier guest. Bichromie, dessins et tatoos au programme. 12 Mail, 18h, >20/12 Marché Hôtel bohème #4 34 créateurs indépendants de bijoux, mode, déco et accessoires se réunissent dans un hôtel particulier pour présenter leur production. 6 rue Beauregard (2e), 12>20h, >4/10 Sa 3.10 Art Nuit Blanche De la rue Sedaine (Malte Martin) à l’école des Arts déco, en passant par les Buttes-Chaumont. En ville, 19>7h Performance Frasq Premières rencontres de la performance, organisée dans 7 lieux d’Ile-de-France, dont Betonsalon, Glassbox, Immanence. Paroles et performances pendant 3 semaines. Infos sur frasq.com En ville, >25/10 Le programme de Paris Photo dans l’édition parisienne du 11 nov. de Di 4.10 Mode Les sœurs (ou la méthode) Des séries mode en forme de tableaux vivants – composés d’images fixes et animées – projetées dans la vitrine de la librairie Artazart. Artazart, >19h, >28/11 Lu 5.10 Anniversaire Point Ephémère Pour fêter ses 5 ans, le lieu multiculturel au bord du canal propose une multitude de fêtes (donc deux anniversaires les 16 et 31), des concerts et une exposition des artistes passés en résidence depuis 2004. Infos sur pointephemere.org Point Ephémère, >31/10 Littérature Jean Echenoz Rencontre avec l’un des plus grands auteurs français contemporains, qui viendra répondre à cette question : « Ecrire, pourquoi écrire ? » Centre Pompidou, 19h Visite Soirée nomade En marge de l’exposition « Né dans la rue », le philosophe Alain Milon et l’artiste Jean Faucheur proposent une promenade entre les 11e et 20e arrondissements, guidée par les graffitis. Fondation Cartier, sur réservation Ve 9.10 Photo « August Sander » Le maître allemand (1876-1964), qui a saisi les visages comme les paysages ou les fleurs fera l’objet d’une rétrospective avec tirages d’époque. Fondation HCB, >18h30, 3/6 e., >20/12 Ma 6.10 Graphisme « Double vie » Une exposition personnelle consacrée au graphiste Malte Martin, qui investit souvent l’espace public avec des typographies choisies. Galerie Anatome, >19h, >23/12 Design « Mobi-boom, le mobilier de 1945 à 1975 » Invention de la scène française et démocratisation du mobilier contemporain, une tranche d’histoire et d’industrie à travers des objets. Les Arts décoratifs, >18h, 6,50/8 e., >2/01 Me 7.10 Art « La subversion des images » L’image dans toutes ses acceptions par le mouvement qui l’a le plus expérimentée : le Surréalisme. Centre Pompidou, >21h, 10/12 e., >11/01 Sa 10.10 Art Vernissages Rue Louise-Weiss puis dans le Marais, où Karsten Greve fête ses 20 ans, où Valentin présente George Henry Longly. En ville Je 8.10 Mode Festival Asvoff Asvoff, pour « A shaded view on fashion film », imaginé par Diane Pernet et rassemblant les films de mode les plus créatifs. Centre Pompidou, 20h, 4/6 e. Di 11.10 Art « La confusion des sens » Exposition articulée autour du corps et de ses sensations, avec Renaud Auguste-Dormeuil, Berdaguer & Péjus, Céleste Boursier-Mougenot, Didier Fiuza Faustino, Laurent Grasso, Véronique Joumard et Laurent Saksik. Espace Louis-Vuitton, >19h, 10/01 Design Puces du design Nuova Italia est le mot d’ordre de cette nouvelle édition des puces auxquelles Sam Baron et sa Fabrica ainsi que Secondome sont invités. Quai de Loire, >11/10 Cinéma Fémis Journée de projection des films de fin d’études d’étudiants de la Fémis, promo 2008. Cinémathèque, 11>18h30, 5/6,50 e. Cinéma Master Class Jacques Audiard remplace Isabelle Huppert au pied levé pour présenter, commenter et interroger quelques images de son choix. Forum des images, 15h30, 4/5 e. Ma 13.10 Art « Erwin Olaf » Derniers jours de l’exposition du photographe néerlandais qui rend hommage à la peinture classique espagnole (Zurbarán, Velázquez, El Greco). Galerie Magda Danysz, >19h, >17/10 Me 14.10 Art « Les archipels réinventés» / « Soulages » Exposition réunissant les œuvres lauréates des dix Prix Ricard. Pour mémoire : Tatiana Trouvé, Boris Achour, Loris Gréaud, Berdaguer & Péjus, Didier Marcel, Natacha Lesueur, Matthieu Laurette, Mircea Cantor, Vincent Lamouroux et Raphaël Zarka. Plus haut, l’expo « Soulages », le maître du noir. Centre Pompidou, >21h, 10/12 e., >11/01 Photo « Voyages » Les regards de cinq photographes et d’un vidéaste japonais sur l’archipel et sur d’autres pays. Villes, campagnes et même constructions imaginaires. Maison de la culture du Japon, >19h >23/01 Cinéma Kino Polska Festival de cinéma polonais, qui présentera un panorama des réalisateurs contemporains, une rétrospective Wajda et une sélection de courts d’écoles de cinéma. Reflet Médicis, >20/10 Je 15.10 Art « Chasing Napoleon » Confrontation de travaux d’artistes, de scientifiques et d’activistes à la poursuite d’une utopie mise en œuvre par une traque incessante. Vernissage. Palais de Tokyo, >17/01 Performance « Grand Magasin » Une performance conçue pour l’exposition « Planète des signes » et qui combinera probablement danse, théâtre et performance. Le Plateau, 19h30, 4 e., sur réservation Ve 16.10 Art Storyboard Quatre rendez-vous, qui combineront événements, performances et projections, avec des artistes de la galerie mais pas seulement. Vernissage. Gb agency, 18h, >7/11 Cinéma Avant-garde Films sur et de Dalí, reportages, fictions et expérimentations. Cinémathèque, 19h30+21h30, 5/6,50 e. Art « Deadline » La dernière production, ou 12 artistes confrontés à une mort imminente et qui ont continué à créer : Absalon, Gilles Aillaud, James Lee Byars, Chen Zhen, Willem de Kooning, Felix Gonzalez-Torres, Hans Hartung, Jörg Immendorff, Martin Kippenberger, Robert Mapplethorpe, Joan Mitchell, Hannah Villiger. Musée d’Art moderne, >18h, 4,50/6 e., >10/01 Lu 19.10 Cinéma Michael Haneke Ouverture de l’hommage au cinéaste autrichien, qui présentera ses films de cinéma et de télévision inédits en France. Cinémathèque, 18h, 5/6,50 e. Ma 20.10 Cinéma / Art « Federico Fellini / Francesco Vezzoli » Images et documentation du cinéaste en regard d’une installation de l’artiste italien et d’un chapiteau mimant un cirque. Jeu de Paume, >19h, 4/6 e., >17/01 Art « Antidote » 5e édition de cette exposition qui vise à mettre en avant la jeune scène française. Cette année : Dove Allouche, Pierre-Olivier Arnaud, Etienne Chambaud, Isabelle Cornaro, Aurélien Froment, Laurent Montaron et quelques autres. Galerie des Galeries, >19h, >9/01 Me 21.10 Art Fiac + Slick + Show Off + Cutlog C’est donc la saison des foires d’art contemporain : la Fiac au Grand Palais et au Louvre, Slick au 104, Show Off au port des Champs-Elysées et Cutlog à la Bourse du commerce. Vernissage ce soir. En ville, >25/11 Histoire « Berlin, l’effacement des traces 1989-2009 » De la disparition des signes de l’ancienne RDA noyés dans la nouvelle identité germanique à leur réapparition inopinée ; photos, documents, objets quotidiens… Musée d’Histoire contemporaine, >17h30, 3/5 e., >31/12 Cinéma Le Ruban blanc De Michael Haneke, 2009, 144’. Le dernier Haneke, en noir et blanc, qui se déroule pendant la Première Guerre mondiale et met aux prises les différents habitants d’un village. En salles Je 22.10 Art Vernissages La contiguïté des foires a donné des idées : Saâdane Afif chez Michel Rein, Delphine Coindet chez Laurent Godin, Jean-Michel Othoniel chez Emmanuel Perrotin… En ville Photo Prix Pictet 12 photographes internationaux, dont Nadav Kander et Darren Almond, sur un même thème : la Terre. Passage de Retz, >19h, >22/11 Concert dessiné Soirée nomade Un concert de Rodolphe Burger, accompagné par le duo de dessinateurs Dupuy & Berberian ; ou l’inverse du film muet accompagné au piano. Fondation Cartier, 20h30, 4,50/6,50 e., sur réservation Performance « Drama Queens » Conçue par les plasticiens Elmgreen & Dragset (qui ont commis les pavillons scandinaves de la dernière Biennale de Venise), une performance sans acteurs, dans laquelle des sculptures règlent leur compte aux utopies qui les ont vu naître. Centre Pompidou, 20h30, 10/14 e., >23/10 Ve 23.10 Art « Arche 2009 » L’artiste chinois Huang Yong Ping propose une installation dont l’idée a germé suite à l’incendie du magasin parisien de taxidermie Deyrolle. Beaux-Arts de Paris, >19h, >5/12 Sa 24.10 Art « Habiter 2050 » L’artiste Alain Bublex installe un paysage mystérieux dans la Galerie des enfants, qui projette ce que sera la réalité quotidienne en 2050. Centre Pompidou, >19h, >8/03 Cinéma Le Joli Mai De Chris Marker, 1963, 150’. Printemps 62, le cinéaste enquête sur la France d’alors, au beau milieu des Trente Glorieuses. Eclairant. Cinémathèque, 20h30, 5/6,50 e. Di 25.10 Art « Soulèvements » Exposition consacrée à Jean-Jacques Lebel autour d’écrits, d’objets et de pièces d’autres artistes avec lesquels il dialogue ; dans le cadre du Festival d’automne. Maison Rouge, >19h, 5/7 e. >17/01 Lu 26.10 Photo « Printemps new-yorkais » Un séjour que le photographe Fred Lebain a ponctué de clichés en forme de carte postale qui interrogent la ville comme décor. Les Prairies de Paris, >19h, >28/12 Me 28.10 Photo + graphisme « Delpire » L’exposition arlésienne monte à Paris : photographies, publications et films pour rendre compte du travail de Robert Delpire, des années 50 à aujourd’hui. MEP, >19h, >24/01 Cinéma Irène D’Alain Cavalier, 2008, 85’. Le dernier Cavalier, présenté à Cannes dans « Un certain regard », intimiste et économe de moyens mais pas de regards. En salles Je 29.10 Mode « Dysfashional » Exposition consacrée à la mode mais pas axée sur le vêtement. Les univers, inspirations et expérimentations auront plutôt la vedette. Avec, entre autres : Hussein Chalayan, Raf Simons, Bless, Maison Martin Margiela, Gaspard Yurkievich, Antonio Marras, Bernhard Willhelm, Pierre Hardy, Kostas Murkudis. Passage du Désir, >19h >29/11 Cinéma La Faim De Henning Carlsen, 1966, 111’. Film danois d’après le roman de Knut Hamsun qui mêle rêve et drame social. Maison du Danemark, 20h Ve 30.10 Cinéma « Avant-garde » L’aventure prodigieuse de la dentelière et du rhinocéros de Dalí et Robert Descharmes + un portrait de Dalí par Jean-Christophe Averty. Cinémathèque, 19h30+21h30, 5/6,50 e. A venir Cinéma Avant-première Les Herbes folles d’Alain Resnais, 2009, 104’. Cinémathèque, 20h, 5/6,50 e., sur réservation Edition Salon light 6e édition de ce salon d’éditeurs indépendants internationaux réunis par le Cneai, avec à la clé une table ronde, une conférence et même un bal. Point Ephémère, 6>8/11 Art Roman Ondak Dans le cadre du Festival d’automne, l’artiste slovène présente « Here or Elsewhere », une installation qui interroge le rapport réalité/fiction et sculpture/performance. Espace topographique de l’art, >19h, 7/11 > 20/12 Photo « Glissement de terrains » Variations autour du paysage, jusqu’à la nature morte, pour sept photographes, dont Charlotte Leduc et Aude Buttazzoni. Une exposition mais deux vernissages ! Galerie Vieille-du-Temple, 19h. Vernissages 7 + 10/11, >28/11 Design Salon du vintage 4e édition qui rassemble mode, design et accessoires sur les trois étages d’un immeuble le temps d’un week-end. 180A bd Saint-Germain, 10>20h, 14 > 15/11 Art « Variations continues » Quatre artistes turcs invités à présenter leurs travaux à Paris, l’occasion de découvrir la scène contemporaine turque. Crédac, 20/11 > 17/01 M° Richelieu-Drouot 01 53 79 37 29 /IFM 36, qu. d’Austerlitz - 13e M° Gare-d’Austerlitz 01 70 38 89 89 /Institut finlandais 60, r. des Ecoles - 5e M° Saint-Michel 01 40 51 89 09 /Institut culturel mexicain 119, r. Vieille-du-Temple - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 44 61 84 44 /Institut néerlandais 121, r. de Lille - 7e M° Assemblée Nationale 01 53 59 12 40 /Jeu de Paume 62, r. Saint-Antoine - 4e M° Saint-Paul 01 47 03 12 50 /Kadist Art Foundation 19 bis, r. des Trois-Frères - 18e M° Abbesses 01 42 51 83 49 /Le Laboratoire 4, r. du Bouloi - 1er M° Louvre 01 78 09 49 50 /Lafayette Maison 35, bd Haussmann - 9e M° Opéra 01 42 82 34 56 /The Lazy Dog 25, r. de Charonne - 11e M° Bastille 01 58 30 94 76 /Maison de la culture du Japon 101, q. Branly - 15e M° Bir-Hakeim 01 44 37 95 01 /Maison du Danemark 142, av. des Champs-Elysées - 8e M° Etoile 01 56 59 17 40 /Maison Rouge 10, bd de La Bastille - 12e M° Quai-de-la-Rapée 01 40 01 08 81 /Musée d’Art moderne 11, av. du Président-Wilson - 16e M° Iéna 01 53 67 40 00 /Musée d’histoire contemporaine 129, r. de Grenelle - 7e M° Invalides 01 44 42 54 91 /MEP 5-7, r. de Fourcy - 4e M° Pont-Marie 01 44 78 75 00 /Mk2 Quai de Seine 14, q. de la Seine - 19e M° Jaurès /Musée d’art moderne 11, av. du Pdt-Wilson - 16e M° Iéna 01 53 67 40 00 /Naço gallery 38, r. de Citeaux - 12e M° Faidherbe-Chaligny 01 40 09 17 69 /New Galerie de France 54, r. de la Verrerie - 4e M° Hôtel-de-Ville 01 42 74 38 00 /Palais de Tokyo 13, av. du Pdt-Wilson - 16e M° Iéna 01 47 23 54 01 /Passage du Désir 85/87, r. du Faubourg-Saint-Martin - 10e M° Château-d’eau 01 56 41 36 04 /Passage de Retz 9, r. Charlot - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 48 04 37 79 /Le Plateau 33, r. des Alouettes - 19e M° Jourdain 01 53 19 84 10 /Point éphémère 200, q. de Valmy - 10e M° Jaurès 01 40 34 02 48 /Les prairies de Paris 23, r. Debelleyme - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 48 04 91 16 /Reflet Médicis 3, r. Champollion - 5e M° Saint-Michel 01 43 54 42 34 /Spree 16, r. La Vieuville - 18e M° Abbesses 01 42 23 41 40 /Surface to air 68, r. Charlot - 3e M° République 01 49 27 04 54 © STUDIOPIU’ Communication S.r.l / MAGIS, Voido (design Ron Arad) © DR /12 Mail 12, r. du Mail - 2e M° Etienne-Marcel /104 104, r. d’Aubervilliers - 19e M° Riquet 01 53 35 50 00 /Agnès b. 1, r. Dieu - 10e M° République 01 42 03 47 99 /L’Arlequin 76, r. de Rennes - 6e M° Saint-Sulpice 01 45 44 28 80 /Artazart 83, q. de Valmy - 10e M° République 01 40 40 24 00 /Les Arts décoratifs 107, r. de Rivoli - 1er M° Palais-Royal 01 44 55 57 50 /Art Process 52, r. Sedaine - 11e M° Voltaire 01 47 00 90 85 /Atelier Cardenas-Bellanger 43, r. Quincampoix - 4e M° Rambuteau 01 48 87 47 65 /La Bank 42, r. Volta - 3e M° Arts-et-Métiers 01 42 72 06 90 /Beaux-arts de Paris 13, q. Malaquais - 6e M° Saint-Germain 01 47 03 54 58 /Bourse du commerce 2, r. Viarmes - 1er M° Halles 01 44 76 06 37 /Bétonsalon 9, espl. Pierre Vidal-Naquet - 13e M° Bibliothèque 01 45 84 17 56 /Centre culturel suédois 11, r. Payenne - 3e M° Saint-Paul 01 44 78 80 20 /Centre culturel suisse 32 + 38, r. des Francs-Bourgeois - 3e M° Rambuteau 01 42 71 44 50 /Centre Pompidou piazza Beaubourg - 4e M° Rambuteau 01 44 78 12 33 /Centre Wallonie-Bruxelles 127, r. Saint-Martin - 4e M° Rambuteau 01 53 01 96 96 /Chambre avec vues 3, r. Jules-Vallès - 11e M° Charonne 01 40 52 53 00 /Cinémathèque 51, r. de Bercy - 12e M° Bercy 01 71 19 33 33 /Cité de l’Architecture 1, pl. du Trocadéro - 16e M° Trocadéro 01 58 51 52 00 /Cneai Ile des impressionnistes 78400 Chatou 01 39 52 45 35 /Colette 213, r. Saint-Honoré - 1er M° Tuileries 01 55 35 33 90 /Crédac 93, av. Georges-Gosnat - 94 Ivry M° Mairie d’Ivry 01 49 60 25 06 /De la Ville Café 34, bd de BonneNouvelle - 2e M° Bonne-Nouvelle 01 48 24 48 09 /Ecole du Louvre pl. du Carrousel - 1er M° Palais-Royal 01 55 35 19 24 /Esag 29, r. du Dragon - 6e M° Saint-Sulpice 01 42 22 55 07 /Espace Louis Vuitton 60, r. de Bassano - 8e M° George-V 01 55 80 33 80 /Espace topographique de l’art 15, r. de Thorigny - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 40 29 44 28 /Fat galerie 1, r. Dupetit-Thouars - 3e M° Temple - 01 44 54 00 84 /Fondation Cartier 261, bd Raspail - 14e /Galerie Eva Hober 9, r. des Arquebusiers - 3e M° St-Sébastien-Froissart 01 48 04 78 68 /Galerie du Jour 44, r. Quincampoix - 4e M° Rambuteau 01 54 54 55 90 /Galerie Jousse Entreprise 24/34, r. Louise-Weiss - 13e M° Bibliothèque 01 45 83 62 48 /Galerie Yvon Lambert 108, r. Vieille-du-Temple - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 71 09 33 /Galerie Serge Le Borgne 108, r. Vieille-du-Temple - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 74 53 57 /Galerie LHK 6, r. Saint-Claude - 3e M° St-Sébastien-Froissart 01 42 74 13 55 /Galerie Loevenbruck 40, r. de Seine - 6e M° Saint-Germain 01 53 10 85 68 /Galerie Madé 48, r. de Lancry - 10e M° République 01 53 10 14 34 /Galerie Kamel Mennour 47, r. Saint-André-des-Arts - 6e M° Saint-Michel 01 56 24 03 63 /Galerie de Multiples 17, r. Saint-Gilles - 3e M° Saint-Paul 01 48 87 21 77 /Galerie Nuke 11, r. Sainte-Anastase - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 78 36 99 /Galerie Emmanuel Perrotin 76, r. de Turenne - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 16 79 79 /Galerie Praz-Delavallade 28, r. Louise-Weiss - 13e M° Bibliothèque 01 45 86 20 00 /Galerie Vanessa Quang 7, r. des Filles-du-Calvaire - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 44 54 92 15 /Galerie Almine Rech 19, r. de Saintonge - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 45 83 71 90 /Galerie Michel Rein 42, r. de Turenne - 3e M° Chemin-Vert 01 42 72 68 13 /Galerie Thaddaeus Ropac 7, r. Debelleyme - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 72 99 00 /Galerie Claude Samuel 69, av. Daumesnil - 12e M° Gare-de-Lyon 01 53 17 01 11 /Galerie Léo Scheer 14-16, r. de Verneuil - 7e M° Saint-Germain 01 44 55 01 90 /Galerie Schleicher + Lange 12, r. de Picardie - 3e M° République 01 42 77 02 /Galerie Vallois 36, r. de Seine - 6e M° Saint-Germain 01 46 34 61 07 /Galerie Vieille du Temple 23, r. Vieille-du-Temple - 3e M° Saint-Paul 01 40 29 97 52 /Galerie Anne de Villepoix 43, r. de Montmorency - 3e M° Arts-et-Métiers 01 42 78 32 24 /Galerie Xippas 108, r. Vieille-du-Temple - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 40 27 05 55 /Grand Palais 3, av. du Général Eisenhower - 8e M° Champs-Elysées-Clémenceau 01 44 13 17 17 /Hôtel Drouot 9, r. Drouot - 9e preview, femme/woman: © Jupiterimages / chaise/chair: EMU, Re-Trouvé (design Patricia Urquiola) ADRESSES M° Denfert-Rochereau 01 42 18 56 50 /Fondation HCB 2, imp. Lebouis - 14e M° Gaité 01 56 80 27 00 /Fondation Ricard 12, r. Boissy-d’Anglas - 8e M° Concorde 01 53 30 88 00 /Forum des images porte Saint-Eustache - 1er M° Halles 01 44 76 63 00 /French Trotters 30, r. de Charonne 11e M° Bastille 01 47 00 84 35 /Galerie Martine Aboucaya 5, r. Sainte-Anastase - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 76 92 75 /Galerie Anatome 38, r. Sedaine - 11e M° Bastille 01 48 06 98 81 /Galerie Air de Paris 32, r. LouiseWeiss - 13e M° Bibliothèque 01 44 23 02 77 /Galerie Eric Allart 8, r. de Beaune - 7e M° Rue-du-Bac 01 42 61 17 50 /Galerie Art Concept 16, r. Duchefdelaville - 13e M° Bibliothèque 01 53 60 90 30 /Galerie d’architecture 11, r. des Blancs-Manteaux - 4e M° Saint-Paul 01 49 96 64 00 /Galerie E.L Bannwarth 68, r. Julien-Lacroix - 20e M° Belleville 01 40 33 60 17 /Galerie Anne Barrault 22, r. Saint-Claude - 3e M° St-Sébastien-Froissart 01 44 78 91 67 /Galerie M & T de La Châtre 4, r. Saintonge - 3e M° St-Sébastien-Froissart 01 42 71 89 50 /Galerie Philippe Chaume 9, r. de Marseille - 10e M° République 01 42 39 12 60 /Galerie Chez Valentin 9, r. Saint-Gilles - 3e M° Chemin-Vert 01 48 87 42 55 /Galerie Lucile Corty 2, r. Borda - 3e M° Arts-et-Métiers 01 44 78 91 14 /Galerie Crèvecœur 30, r. de Malte - 11e M° République 01 43 38 80 17 /Galerie Chantal Crousel 10, r. Charlot - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 77 38 87 /Galerie Magda Danysz 78, r. Amelot - 11e M° Filles-du-Calvaire 01 45 83 38 51 /Galerie Patricia Dorfmann 61, r. de la Verrerie - 4e M° Hôtel-de-Ville 01 42 77 55 41 /Galerie Les Filles du Calvaire 17, r. des Filles-du-Calvaire - 3e M° Filles-du-Calvaire 01 42 74 47 05 /Galerie Paul Frèches 12, r. André-Barzacq - 18e M° Abbesses 01 53 90 21 12 /Galerie des Galeries 40, bd Haussmann - 9e M° Chaussée-d’Antin 01 42 82 34 56 /Galerie gb agency 20, r. Louise-Weiss - 13e M° Bibliothèque 01 53 79 07 13 /Galerie Laurent Godin 5, r. du Grenier-Saint-Lazare - 3e M° Rambuteau 01 42 71 10 6 /Galerie Marian Goodman 79, r. du Temple - 3e M° Rambuteau 01 48 04 70 52 /Galerie Alain Gutharc 7, r. Saint-Claude - 3e M° St-Sébastien-Froissart 01 47 00 32 10 PUB 22-26 janvier 2010. salon international du design pour la maison January 22-26, 2010. international home design exhibition Paris Nord Villepinte. www.nowdesignavivre.com Salon réservé aux professionnels. Trade only. Organisation SAFI, filiale des Ateliers d’Art de France et de Reed Expositions France - SAFI - 4, passage Roux. 75850 Paris Cedex 17. France. Tel. +33 (0)1 44 29 02 00. Fax. +33 (0)1 44 29 02 01. [email protected] Carrés surteints “Brides de Gala” en twill de soie. Hermes.com V I V E M E N T L’ H I V E R !