Le Futurisme I - Les Dits de L`Art

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Le Futurisme I - Les Dits de L`Art
Le Futurisme I
Au début du vingtième siècle, un groupe de jeunes gens exaltés ont milité pour le renouvellement intégral des valeurs de tous les
secteurs de l’activité humaine : les futuristes italiens, Filippo Tommaso Marinetti, Luigi Russolo, Giacomo Balla, Carlo Carrà, Umberto
Boccioni, Gino Severini (photographie de groupe sans Giacomo Balla). Leur chef de file, Marinetti, publie un manifeste dans l’édition
du journal Le Figaro, datée du 20 février 1909.
En voici quelques extraits : « Nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la
gifle et le coup de poing. Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une
automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux, tels des serpents à l’haleine explosive…une automobile rugissante qui a l’air
de courir sur de la mitraille est plus belle que la Victoire de Samothrace…C’est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence
culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd’hui le Futurisme, parce que nous voulons délivrer l’Italie de sa gangrène de
professeurs, d’archéologues, de cicérones et d’antiquaires. L’Italie a été trop longtemps le marché des brocanteurs qui fournissaient au
monde le mobilier de nos ancêtres…Nous voulons débarrasser l’Italie des musées innombrables qui la couvrent d’innombrables
cimetières…En vérité, la fréquentation quotidienne des musées, des bibliothèques et des académies (ces cimetières d’effort perdus, ces
calvaires de rêves crucifiés, ces registres d’élans brisés !…) est pour les artistes ce qu’est la tutelle prolongée des parents pour des jeunes
gens intelligents, ivres de leur talent et de leur volonté ambitieuse…Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi
insolent aux étoiles ! »
Ce texte radical, l’un des premiers manifestes artistiques du vingtième siècle, dans lequel l’Italie est prise à partie, nous oblige à nous
poser les questions suivantes : d’où viennent les Futuristes ? Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Que font-ils ? Comment évoluent-ils ?
La réponse à la première question se trouve, en partie, dans le rappel des événements qui se sont produits plus de cinquante ans avant
la publication du Manifeste du Futurisme : l’Unité italienne et ses conséquences politiques et culturelles. L’Italie s’est construite dans
le bruit et la fureur et a connu trois guerres d’Indépendance (1848-1849, 1859-1860, 1865-1866, suivies par la prise de Rome en 1870),
dans lesquelles la France a joué un rôle non négligeable et qui sont nées de la contestation populaire, bourgeoise et même
aristocratique vis-à-vis des monarchies restaurées en Italie à la suite de la chute de Napoléon Ier et de la tenue du Congrès de Vienne
(1815). Les Habsbourg tiennent l’Italie. Les idées révolutionnaires se développent propagées par des sociétés secrètes dont la plus
connue est celle des Carbonari déjà active à Naples en 1814. Surgit alors l’idée de la création de provinces unies italiennes que Giuseppe
Mazzini popularise. Né à Gênes en 1805 et mort à Pise en 1872, Mazzini est un philosophe et homme politique foncièrement républicain
et, de ce fait, il fut condamné à l’exil puis à la clandestinité jusqu’à sa mort ; il s’est opposé aux modérés bourgeois et aristocratiques à
tendance monarchiste incarnés par Camillo Benso, comte de Cavour (né à et mort à Turin, 1810-1861) .
Dans le journal Italia del Popolo, en 1858, Mazzini écrit, s’adressant à Cavour : « Vous avez ouvert dans le Piémont un dualisme mortel,
vous avez corrompu notre jeunesse, mettant en place une politique de mensonges et de tromperies face à la politique sereine de celui
qui veut renaître. Entre vous et nous, Monsieur, un abîme nous sépare. Nous représentons l’Italie, vous, la vieille suspicieuse ambition
monarchique. Nous, nous voulons surtout l’unité nationale, vous l’élargissement territorial ». Mazzini a soutenu toutes les insurrections
italiennes permettant d’ébranler les petits états de la péninsule, le royaume de Sardaigne qui deviendra le royaume d’Italie et même la
France et l’Autriche. Metternich disait de lui : « J’ai dû lutter avec le plus grand des soldats, Napoléon. Je suis arrivé à mettre d’accord
entre eux les empereurs, les rois et les papes. Personne ne m’a donné plus de tracas qu’un brigand italien : maigre, pâle, en haillons,
mais éloquent comme la tempête, brûlant comme un apôtre, rusé comme un voleur, désinvolte comme un comédien, infatigable comme
un amant, qui a pour nom : Giuseppe Mazzini ».
Face à lui, Cavour, homme politique du Piémont, a réussi à se rallier la majorité des acteurs de ce que l’on a appelé le Risorgimento
(réveil national), du nom du journal libéral et patriotique, fondé en 1847 et qu’il dirigea avec Cesare Balbo. Il a été chef du
gouvernement du royaume de Sardaigne de 1852 à 1859 et de 1860 à 1861. À partir de 1861, il devient le premier président du Conseil
(premier ministre) italien mais meurt du paludisme deux mois après l’installation du royaume d’Italie.
Troisième homme, et non des moindres, de ces guerres d’Indépendance, Giuseppe Garibaldi (né à Nice en 1807- mort à Caprera en
1882). Patriote et général, il mène la bataille non sur le terrain des idées mais face aux troupes autrichiennes, napolitaines, et françaises
qui défendent Rome lorsqu’il tentera vainement de s’en emparer avec ses chemises rouges. Il appuie Cavour à partir de 1856 mais
c’est un républicain. Cavour a besoin de lui mais s’inquiète de son charisme, de sa popularité et de ses idées. Cependant, en 1860,
Garibaldi reconnaît Victor-Emmanuel de Savoie comme le futur roi d’Italie. Il n’est pas exagéré de dire qu’il fut sans doute le véritable
artisan de l’unité italienne qui est proclamée le 17 mars 1861. L’épopée garibaldienne a suscité la création d’une imagerie populaire,
en particulier autour de ce qui fut l’épisode crucial du Risorgimento : l’expédition des Mille. Dans la nuit du 5 au 6 mai, 1860, Garibaldi,
accompagné de mille hommes, partit de Quarto à Gênes qui faisait partie du territoire de la Sardaigne vers les Deux-Siciles (en Sicile
même) afin de soutenir une révolte contre les Bourbons. Il réussit la conquête du royaume des Deux-Siciles et permit son annexion au
futur état italien (voir Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa publié en 1958 et porté à l’écran par Luchino Visconti en 1963).
Il faudra cependant encore 9 ans au roi pour parvenir à l’unité totale avec la prise de la ville pontificale le 20 septembre 1870 suivie du
plébiscite du 2 au 8 octobre de la même année, ce qui lui vaudra d’être excommunié par le pape Pie IX qui doit se retrancher au Vatican.
En 1871, malgré une loi des Garanties qui accorde l’extraterritorialité au Vatican, le pape se considère prisonnier. La question romaine
sera réglée par les accords du Latran (traités diplomatiques entre le Saint-Siège et l’Italie) en 1929 qui confirme que la religion
catholique, apostolique et romaine reste la seule religion de l’état italien, le pape Pie XI acceptant de n’être plus que le souverain
temporel de la cité du Vatican et reconnaissant Rome comme capitale du royaume d’Italie.
Le royaume d’Italie ne connaîtra que quatre souverains :
1) Victor-Emmanuel II (1820-1878), roi d’Italie du 17 mars 1861 au 9 janvier 1878, époux de Marie-Adélaïde de Habsbourg-Lorraine,
2) Umberto Ier (1844-1900), roi d’Italie du 9 janvier 1878 au 29 juillet 1900, époux de Marguerite de Savoie,
3) Victor-Emmanuel III (1869-1947) roi d’Italie du 29 juillet 1900 au 9 mai 1946, époux de Hélène de Monténégro,
4) Umberto II (1904-1983), roi d’Italie du 9 mai au 13 juin 1946, époux de Marie-José de Belgique.
Votée par referendum le 2 juin 1946, la République est proclamée le 18 juin 1946.
Les futuristes italiens sont donc nés sous le règne de Victor-Emmanuel II ou sous celui d’Umberto Ier :
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Filippo Tommaso Marinetti est né le 22 décembre 1876 et meurt le 2 décembre 1944,
Giacomo Balla est né le 18 juillet 1871 et meurt le 1er mars 1958,
Umberto Boccioni est né le 19 octobre 1882 et meurt le 16 août 1916,
Carlo Carrà est né le 11 février 1881 et meurt le 13 avril 1966,
Luigi Russolo est né le 30 avril 1885 et meurt le 4 février 1947.
Gino Severini est né le 7 avril 1883 et meurt le 26 février 1966.
Le royaume d’Italie, sous ces deux règnes, et malgré la ferveur populaire qui a permis l’unification de l’Italie, connaît des moments très
difficiles. Victor-Emmanuel doit pacifier le pays et renforcer l’unité, qui sera mise à mal sous le règne de son successeur, l’idée d’étatnation ne va pas de soi ; Umberto 1er sera blessé par un anarchiste Giovanni Passanante le 17 novembre 1878 puis mourra, assassiné
de trois coups de revolver à Monza, par l’anarchiste Gaetano Bresci le 29 juillet 1900, celui-ci voulant venger les ouvriers de Milan dont
la révolte en 1898, causée par la hausse des prix, fut sauvagement réprimée. En 1888 et 1890, à Milan, il y eut également des troubles
suscités par la cherté du pain.
Le tableau emblématique de cette période est Il Quarto Stato (Le Quatrième État) de Giuseppe Pelizza da Volpedo, 1901, Milan, museo
del Novecento. Il porte également le titre de Chemin des travailleurs et témoigne de l’idéal de socialisme humanitaire de son auteur.
Pelizza da Volpedo (1868-1907), d’origine piémontaise, fit ses études à Milan et travailla à Rome, Florence, Paris et Gênes. Il Quarto
Stato représente : « la progression animée d’un groupe de travailleurs vers la source lumineuse symbolisant, dans mon esprit, toute la
grande famille des travailleurs ». Pelizza da Volpedo ajoute : « Mon aspiration à l’équité m’a fait concevoir une foule de gens du peuple,
de travailleurs de la terre, intelligents, forts, robustes, unis et s’avançant comme un fleuve en crue, renversant tout obstacle qui
s’interposerait pour atteindre le lieu où elle trouve son équilibre ». Lettre à Leonardo Bistolfi en août 1898.
Le titre d’origine, Le Chemin des travailleurs, a été remplacé par le Quatrième état après la lecture que fit l’artiste de l’ouvrage de Jean
Jaurès, L’Histoire de la Révolution française.
Il est l’un des plus importants représentants de ce qu’on a appelé le divisionnisme italien, mais il y ajoute une note de vérisme. Dans
cette œuvre, nous pouvons remarque une simplification quasi géométrique des formes associée à une grande intensité des
phénomènes lumineux
On connaît la formule attribuée soit à Cavour soit à Massimo D’Azeglio (1798-1866), sénateur et aide de camp du roi Victor-Emmanuel
II, acteur fondamental du Risorgimento : « L’Italie est faite, maintenant il faut faire les Italiens ». Son beau-père, Alessandro Manzoni,
représenté par Francesco Hayez en 1841, poète et sénateur de Sardaigne (1785-1873) est considéré comme le fondateur de la langue
italienne moderne, souvenons-nous qu’au début du 19ème siècle, seuls 200 000 personnes parlaient l’italien sur une population de 18
millions d’habitants s’exprimant dans des langues régionales. Manzoni va revitaliser l’italien à Florence où le langage populaire est très
proche de l’italien littéraire. La formule que nous venons de citer a été prononcée, en réalité, en 1890, par le ministre de l’Instruction
publique Ferdinando Martini, qui l’a attribuée à D’Azeglio.
Tout est donc difficile, les princes de la maison de Savoie sont vus comme des bourgeois et l’Italie comme un simple agrandissement
du royaume de Sardaigne, les mondains regrettent les minuscules principautés et voient dans l’unité italienne le danger d’une
uniformisation consacrant la perte de l’originalité du pays et surtout de ses régions, les catholiques sont très hostiles à un régime qui
a aboli la puissance temporelle de la papauté, la montée de l’industrie et celle de la classe ouvrière inquiètent tout le monde. L’Italie
doit faire face aux soubresauts induits par une modernisation nécessaire et, durant la période qui nous intéresse, sur le plan artistique,
nous aurons des nostalgiques d’une Italie éternelle, rurale, humaniste, souvent méridionale, des artistes, en revanche, qui éprouvent
un vif intérêt pour le monde industriel annonçant, espèrent-ils, la mutation du pays et, enfin, ceux qui dénoncent le coût social du
progrès.
Les années 1880 et 1890 sont particulièrement houleuses en raison :
1.
2.
de la situation financière catastrophique, les guerres d’Indépendance ont coûté très cher et le royaume d’Italie doit rétablir
ses finances,
des crises économiques et sociales dans toute l’Italie (la pauvreté est extrême dans l’ancien royaume des Deux-Siciles) qui
provoquent l’agitation paysanne et les révoltes ouvrières dans le Piémont. Teofilo Patini (1840-1906), L’Héritier, 1880, Rome,
Galerie nationale d’art moderne, Bêche et lait, 1884, Rome, ministère de l’Agriculture, Bêtes de somme, 1886, L’Aquila,
Pinacoteca Patiniana di Castel di Sangro, est un peintre qui présente régulièrement ses œuvres aux expositions nationales
organisées en Italie, à Turin en 1884, puis à Milan en 1891 ; il est d’origine napolitaine, mais trouve aussi son inspiration dans
la peinture française des années 1850 et suivantes, l’Ecole de Barbizon et Jean-François Millet et les naturalistes, Jules BastienLepage, Les Foins, 1877, Paris musée d’Orsay, et Jules Breton. Il y a dans sa peinture illustrant la vie paysanne dans les Abruzzes
une aspiration à la justice sociale mais également un espoir, l’enfant incarnant des jours meilleurs. Patini dit de lui : « Il est
l’héritier du travail, des souffrances et de la misère, mais il porte en lui les germes de grandes réformes sociales ».
À la même époque, Vincenzo Vela (1820-1891), né dans le Tessin, à Ligornetto, était suisse et a travaillé essentiellement à
Turin ; son œuvre témoigne des vicissitudes du monde ouvrier, Les Victimes du devoir, victimes du percement du tunnel du
Saint-Gothard, 1883, Rome, Galerie nationale d’art moderne.
3.
4.
D’autres témoignages dans les années 1890 : Angelo Morbelli (1853-1919), né à Alexandrie, dans le Piémont, fait ses études
à Milan et entre à l’Académie des Beaux-Arts Brera en 1867 ; ses œuvres les plus représentatives : Pour quatre-vingts
centimes, 1893-1895, Vercelli, Civico Museo Borgogna, À la rizière, 1901, collection particulière, Jour de fête à l’hospice
Trivulzio, 1892, Paris, musée d’Orsay. Dans le cas de la première œuvre, la portée sociale est renforcée par le titre choisi par
l’artiste qui souligne la pénibilité du travail des salariés agricoles sous-payés de la plaine du Pô. À la rizière est en revanche
plus proche de Jean-François Millet et de la grandeur des Glaneuses, 1857, Paris, musée d’Orsay. Jour de fête représente le
Pio Albergo Trivulzio, hospice à Milan.
La condition ouvrière est également présente dans l’art : Emilio Longoni (1859-1932), d’origine lombarde, avec L'Orateur de
la grève, 1891, collection particulière ; l’œuvre est une description précise d’une grève dans le centre de Milan au début des
années 1890, son personnage deviendra emblématique et sera repris par les grévistes ; Réflexions d'un affamé, 1893-1894,
Biella, museo del territorio biellese, souligne les écarts entre les classes sociales. Plinio Nomellini (1866-1943), d’origine
livournaise, peint, en 1891, Place Caricamento, Rome, collection Farinelli Mascagni. Nomellini, de tendance anarchiste, donne
une œuvre très puissante avec les deux figures de dockers du port de Gênes. Place Caricamento appartient à un cycle consacré
au travail ouvrier.
de la conquête coloniale (conquête de l’Érythrée entre 1882 et 1885, conquête de la Somalie entre 1896 et 1898), du départ
massif d’émigrés vers les États-Unis et les colonies récemment conquises. Angiolo Tommasi (1858-1923), originaire de
Livourne, Les Émigrants, 1896, Rome, Galerie nationale d'art moderne, et Giuseppe Pelizza da Volpedo, Membres las ou Famille
d'émigrants, 1903-1907, collection particulière
par la montée de l’anarchisme.
L’État au fil des ans a l’obligation de créer les structures administratives (et se voit accuser de « piémontisation » de l’Italie), judiciaires,
économiques et sociales. La grande inquiétude des années 1880 et 1890 est celle-ci : l’Italie, morcelée politiquement,
économiquement, socialement, artistiquement depuis des siècles, aura-t-elle la capacité de devenir une puissance européenne
moderne à l’égale de ses voisins ? Chacun sent bien que le processus du Risorgimento est toujours en cours tout en remarquant qu’il
est déjà le célébré à l’exposition nationale de Turin en 1884 et la publication en octobre 1866 de Cuore, écrit par Edmondo De Amicis,
équivalent italien du Tour de la France par deux enfants, est une description de l’année scolaire 1881-1882 (année de la mort de
Garibaldi) d’un petit Italien, Enrico Bottini et permet de stimuler l’exaltation des valeurs patriotiques nationales.
Après l’évocation du contexte politique, parlons des arts. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, à côté de personnalités
indépendantes, comme celles que nous venons de voir, nés à Alexandrie (Piémont), à Naples, à Livourne, et partant travailler à Milan,
Turin, Florence ou Rome, les mouvements les plus importants restent régionaux. Il y eut l’Ecole du Pausilippe, près de Naples, centrée
sur le paysage, Giacinto Gigante (1806-1876), Marine près du Pausilippe, 1844, Rome, Galerie nationale d’art moderne. Gigante, peintre
napolitain, est considéré comme le créateur du paysage italien moderne malgré quelques accents encore romantiques. Il voit le
paysage comme une atmosphère, en saisissant des aspects inédits de la nature, et non plus comme le paysage idéalisé classique.
Quelques œuvres de Turner exposées à Rome en 1828 eurent sur lui une grande influence et l’incitèrent à dépasser la vision
académique de ses contemporains.
Le groupe des Macchiaioli, né à Florence vers 1855, lors de discussions au café Michel-Ange, et qui cesse d’exister en tant que groupe
en 1872, doit son nom, péjoratif au départ, à un critique de la Gazzetta del Popolo qui les traite de tachistes. Il est erroné de penser
qu’il s’agit d’impressionnistes italiens puisque leur travail est basé sur le contraste entre les taches de couleur et le clair-obscur, comme
on le voit ici avec La Rotonde de Palmieri, de Giovanni Fattori (1825-1908), 1866, Florence, Galerie d’art moderne du Palazzo Pitti.
Entre 1855 et 1857, Adriano Cecioni (1836-1886) précisait le point de vue des Macchiaioli : « Il ne réside pas dans la recherche de la
forme, mais dans la manière de rendre les impressions qu’ils recevaient du réel, en utilisant les taches de couleur, les clairs-obscurs,
comme, par exemple, une seule tache de couleur pour le visage, une autre pour les cheveux, une autre pour le foulard, une autre pour
la veste ou la robe, une pour la jupe, une pour les mains et les pieds, et ainsi de suite pour le terrain et le ciel…Les parties de la scène
sont perçues par masses, et jamais en détail. Par conséquent, la silhouette se détachant sur le fond d’un mur blanc ou sur un ciel de
crépuscule, ou bien sur une muraille éclairée par le soleil, était considérée comme une tache sombre sur une tache claire. Ensuite,
dans la tache sombre, on tient compte des parties essentielles qui la composent, c’est-à-dire de celles que l’on aperçoit, par exemple,
la tête sans le détail des yeux, du nez ou de la bouche, des mains ou des doigts ». Cecioni, cité par Enrico Somaré, Pittori italiani
dell’Ottocento, L’Esame, 1928.
A peine postérieure à l’Ecole du Pausilippe, l’Ecole de Resina, dominée par la figure de Giuseppe De Nittis (1846-1884), né à Barletta
et mort à Saint-Germain-en-Laye. Avec son ami Marco De Gregorio, le jeune Giuseppe De Nittis anime un courant du paysage à
tendance réaliste à la fin des années 1860 à Naples. Après un séjour à Florence en 1867, De Nittis quitte l’Italie et se fixe à Paris, où il
pratique une peinture anecdotique ; sa peinture est extrêmement intéressante mais le jeune peintre est déchiré entre l’envie de plaire
et de vendre et le désir de l’avant-garde incarné par Edouard Manet et le groupe impressionniste, Monet, Renoir, Sisley, Pissarro. Il se
liera d’amitié avec Manet et Degas et participera à l’exposition impressionniste chez Nadar en 1874, (La Place des Pyramides, 1875,
Paris, musée d’Orsay, et Déjeuner au jardin, 1883-1884, Barletta, Pinacoteca Giuseppe De Nittis.

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