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références Institut technologique européen des métiers de la musique Regards croisés sur une école pas comme les autres jérôme monsimier Chargé des relations professionnelles et culturelles, Itemm, Le Mans propos recueillis par barbara guicheteau Journaliste, Le Mans Beaucoup de professionnels de la filière instrumentale, notamment ceux du piano, connaissent l’Institut tech nologique européen des métiers de la musique. Au moins de nom… Ce centre de formation fut leur création, dans les années 70. Depuis, un grand nombre d’entre eux a franchi les portes de l’école, près de 2 000 comme élève, mais aussi maître de stage ou d’apprentissage, formateur, jury d’examen, administrateur… En règle générale, l’activité de formation est identifiée, mais au-delà, l’Itemm est un acteur permanent, au service de la filière instrumentale. Une véritable mission de « service public » énoncée dans le texte fondateur de l’institut quand, dans sa délibération du 10 février 1988, le Parlement européen appelle de ses vœux la création d’un « centre européen de la facture instrumentale qui forme des facteurs, des accordeurs et des réparateurs d’ instruments, procède à l’archivage de la documentation à ce sujet et explore les voies de l’ innovation en fonction de l’ évolution moderne de la musique et de la technologie » (extrait de la délibération du 10 février 1988). Cet article propose une visite guidée de l’Itemm, un éclairage original au travers de témoignages des hommes et des femmes qui le compose. De la direction aux formateurs, en passant par des fonctions plus techniques, chacun participe au projet de l’institut. Il ne s’agit pas ici de proposer une présentation institutionnelle et standardisée, mais de montrer, par quelques exemples, ce qui ne se voit pas, ce qui se connaît peu. Les « coulisses de la maison » et son action au quotidien, dans des domaines dépassant largement le seul cadre de la formation, mais toujours dans l’intérêt d’une filière. Regards croisés originaux sur quelques points souvent méconnus de cet établissement. 146 Cnpmm, Enamm, Itemm… Évolution d’un concept Ouvert en 1992, l’Institut technologique des métiers de la musique présente un statut singulier, hérité de son histoire. Retour sur la vocation et les missions de l’établissement, avec son Directeur général, Franck Fumoleau et son Directeur administratif et financier, Jean-Pierre Gawronski. Centre national de promotion des métiers de la musique. Les origines… Certains se souviennent encore des préfabriqués de la cour du CFA de la Chambre de métiers du Mans, rue Henri-Champion. Une maison pour les artisans, créée par les artisans, avec pour but de structurer un secteur autour de la formation de ses futurs professionnels. Transmettre les savoir-faire, ne pas perdre la mémoire et les gestes des anciens. L’Institut technologique euro péen des métiers de la musique en est l’héritier. On l’appelle alors Centre national de promotion des métiers de la musique (Cnpmm). Une structure associative, références fondée à l’initiative de l’Afarp (Association française des accordeurs et réparateurs de pianos), devenue Europiano France. Après le piano, d’autres secteurs sont naturellement associés ; l’école grossit, le nombre d’élèves augmente, les diplômes se créent. Le concept évolue vers une nouvelle structure : l’École nationale des métiers de la musique (Enamm). En 1988, une résolution européenne, préconisant la préservation des savoir-faire des métiers techniques de la musique, entérine la création de l’Itemm. Le projet du Mans est retenu, l’établissement sera donc implanté en France, au Mans, et officiellement inauguré quatre ans plus tard, en 1992. Depuis, l’institut a évolué parallèlement au secteur, tout en conservant et en revendiquant sa vocation initiale « d’outil au service de la profession et de la pratique instrumentale, via les instruments de musique », note son Directeur, Franck Fumoleau. Cette vocation s’articule autour de trois missions principales – la formation, par le biais de l’école bien sûr, l’innovation, via le pôle du même nom, et l’action culturelle, à travers des opérations d’édition, de promotion… –, chaque axe étant développé avec « la volonté de répondre aux besoins du secteur ». Institut technologique européen des métiers de la musique. Une structure associative, un fonctionnement d’entreprise, une mission de service public… Pour le Directeur financier de l’établissement, JeanPierre Gawronski, l’objectif consiste chaque année à atteindre l’équilibre, « l’Itemm est une association loi 1901, à but non-lucratif ». Un statut inédit, qui comble un vide en termes de formation. De structure associative, l’Itemm est une école privée, habilité à préparer à des diplômes de l’Éducation nationale. Cette délégation va jusqu’à l’accueil des épreuves nationales, l’Itemm ayant également le statut de Centre national d’examens (dans ce cadre, l’institut doit mettre en œuvre la mise en place logistique des épreuves et l’accueil des jurys désignés par l’Éducation nationale). En l’absence d’offre concurrente, musique & technique l’établissement assure ainsi une mission de service public. Un quasi-monopole qui ne l’autorise toutefois pas à faire n’importe quoi. « L’Itemm dispense des formations complexes à mettre en œuvre, du fait de leur ingénierie et du secteur d’activité en lui-même, qui présente des besoins réels mais restreints. D’où la nécessité de veiller à ne pas former plus d’ élèves que le secteur ne peut en absorber ». Cette régulation, c’est justement un des rôles du conseil d’administration, où siègent notamment les représentants de la profession. Et Franck Fumoleau de conclure : « Toute ouverture de section est conditionnée par son potentiel d’ insertion ». La structure budgétaire de l’Itemm est également héritière de son histoire. « Malgré l’augmentation et la diversification sensible de ses activités, notre structure associative du départ a été conservée. Une organisation qui nous laisse une liberté d’actions et une capacité à réagir rapidement, mais le montage financier est complexe », précise le Directeur financier. « Les activités sont financées à 60 % par des subventions publiques et à 40 % sur fonds propre (dont 20 % issus de la taxe d’apprentissage, versée par les entreprises), pour un budget global de près de… 2,5 millions d’euros, beaucoup plus proche de celui d’une entreprise que d’une association classique ». L’originalité de l’Itemm réside également dans la complémentarité entre fonds publics et fonds propres ; l’institut reflétant à la fois l’engagement de l’État dans la filière instrumentale et le soutien du monde de l’entreprise. Parmi les partenaires publics de l’Itemm, on trouve les ministères de la Culture (20 % du budget), de l’Éducation nationale (20 %), de l’Artisanat (environ 5 %) et trois collectivités (la Région des Pays de la Loire, le Conseil général de la Sarthe et Le Mans Métropole). Chaque année, 85 % du budget est alloué à la formation, entre 10 et 12 % au pôle d’innovation (financé sur fonds propres avec le soutien de la Région des Pays de la Loire et du ministère de l’Artisanat) et entre 3 et 5 % à l’action culturelle (avec le soutien du ministère de la Culture, de la Région des Pays de Loire revue professionnelle de la facture instrumentale 147 Institut technologique européen des métiers de la musique et le Conseil général de la Sarthe). Un montage financier subtil donc, encore complexifié par la multiplicité des intervenants (et par conséquent des contrats de travail). « Dans le cadre de son centre de formation, l’Itemm a accueilli cette année 67 intervenants professionnels, en plus de la petite trentaine de permanents qui compose l’ équipe », poursuit Franck Fumoleau. Autre contrainte administrative, le recrutement national des apprentis. En effet, ces derniers sont financés en partie par leur Région, chaque collectivité ayant ses propres barèmes de subventionnement. D’où la multiplication des cas particuliers au sein des effectifs de l’Itemm. En moyenne, la formation d’un élève coûte près de 12 000 euros par an à l’institut (qui assure sur ses fonds propres 50 % du coût) et représente 2 à 3 jours/ homme de traitement administratif. Et depuis quelques années, l’Itemm prend intégralement à sa charge, avec le soutien d’un partenaire proche du monde de l’entreprise, la formation d’une dizaine d’étudiants étrangers sur neuf mois (à temps plein). Quant aux stages de formation continue, destinés aux professionnels, ils relèvent essentiellement de financements des fonds d’aides à la formation relevant de procédures également différentes. « Chaque dossier est traité de manière individuelle par le personnel administratif, du sur-mesure permanent. Un cassetête quotidien, mais une mission nécessaire pour la filière », constate Jean-Pierre Gawronski. Un lieu « ressources » Centre d’apprentissage, l’institut organise aussi des stages de formation continue pour les artisans. « Et nous sommes en contact permanent avec les entreprises du secteur, la Chambre syndicale et les associations professionnelles, les institutions… ». Des échanges qui sont autant de garanties d’être au diapason de la profession. Véritable lieu « ressources », l’institut a également pour rôle d’anticiper les besoins du secteur, en se positionnant comme force de proposition en réponse aux demandes « formalisées ou non ». Dernière illustration en date de cette orientation : la réflexion sur l’ouverture d’un diplôme des métiers d’art (DMA) pour la facture instrumentale et la volonté de répondre aux souhaits des professionnels dans des secteurs comme le clavecin, en écho au récent engouement constaté pour les musiques baroques. En 2001, la création de la section « accordéon », dispensant une formation sur-mesure, s’inscrivait dans une même démarche, tout comme, en 1999, la restructuration de l’ensemble des cursus pour « coller à la réalité des métiers de la musique ». Cette ambition se traduit également dans d’autres secteurs, couverts notamment par le Pôle d’innovation des métiers de la musique. « Une intervention moins visible que le centre de 148 formation mais tout aussi fondamentale pour les professionnels, appelés à nous solliciter sur des questions technologiques ou économiques, en fonction de leurs besoins, de leurs projets… », précise le directeur. « Un projet n’est jamais isolé du reste de l’activité. Il nourrit l’ensemble de l’action de l’Itemm et se traduit dans la formation ». Les trois conseils de l’Itemm Trois instances veillent aux destinées de l’Itemm : le Conseil d’administration, présidé par Michel Mollard, le Conseil de perfectionnement (compétent en matière de pédagogie), le Conseil d’orientation scientifique et technique (Cost – qui décide des orientations stratégiques du Pôle national d’innovation des métiers de la musique). Constitué de personnalités des métiers de la musique (Europiano France est représenté au CA de l’Itemm par son Président), des partenaires institutionnels et du monde culturel, le conseil d’administration va cet automne intégrer trois nouveaux membres : un spécialiste du multimédia, un acteur du monde de l’édition et une personnalité désignée par le ministère de la Culture, en la personne de Didier Lockwood. Un élargissement qui atteste « de la volonté de l’Itemm de gagner en représentativité et de témoigner de la diversité de ses activités », souligne Franck Fumoleau. « C’est un acte important en termes d’ évolution, le conseil d’administration donnant le cap de développement pour les années à venir ». Formation et métiers de la musique, une approche particulière « Avec l’École nationale de lutherie de Mirecourt et le Centre national des facteurs d’orgues d’Eschau, la France peut aujourd’hui s’enorgueillir de disposer d’une des plus importantes offres de formation en Europe. Pas moins de 15 diplômes et spécialités (pour la filière instrumentale uniquement) sont préparées dans ces écoles ; l’Itemm en regroupant à elle seule 11 dans les domaines du piano, des instruments à vent, de la guitare, de l’accordéon et de la commercialisation des instruments. N’oublions pas les métiers du son, qui trouvent une place particulière dans le contexte de l’Itemm », note Régine Hédouin, directrice des formations. Une activité qui nécessite une approche pédagogique et logistique pointue. Explications avec Régine Hédouin, Directrice des formations, Yann-David Esmans, responsable de la section guitare, Jean-Michel Klein, chargé des apprentis piano et Louis Coutard, chef des travaux. références Une démarche pédagogique adaptée… Depuis sa création, l’Itemm s’est étoffé : en formations et en effectifs. L’institut accueille aujourd’hui 240 élèves, à travers trois entités (son Centre national de formation d’apprentis, son Centre de formation professionnelle continue et son École technique privée). Un pôle qui mobilise une centaine d’enseignants. État des lieux. Dans les couloirs de l’Itemm, se croisent chaque jour des apprentis, des professionnels, des adultes en reconversion, des stagiaires étrangers… Autant de publics qui trouvent leur place dans l’une des trois entités (correspondant à des statuts et des modes de financement différents) du « pôle formation » de l’établissement. La principale est le centre national de formation des apprentis (CNFA) avec ses 140 jeunes accueillis chaque année. « Reflet du dynamisme de la filière » (les apprentis sont salariés de leur entreprise), il délivre des diplômes professionnels, dont l’architecture a été restructurée en 1999. « D’un parcours en trois (CAP), puis deux ans (BMA), nous sommes passés à un apprentissage en quatre ans (CAP et BMA), avec un recentrage du contenu par rapport aux besoins réels du secteur », indique Régine Hédouin. Un cursus qui devrait bientôt s’étoffer d’un diplôme des métiers d’art (DMA), préparé après le BMA. « Nous avons reçu l’autorisation de l’Éducation nationale pour le mettre en place. Reste désormais un an ou deux de réflexion avec les professionnels pour définir son contenu pédagogique et ses modalités ». À noter que certains diplômes (CAP d’accordeur de pianos, de réparateur d’instruments à vent ou de guitares) peuvent aussi se préparer en un an (à temps plein), avec un recrutement soumis à sélection. L’Itemm fonctionne alors comme une école technique privée (ETP) : une formule qui s’adresse notamment à des adultes en reconversion professionnelle. En outre, l’établissement assure des formations en régie du son et en commerce de la musique (du bac à la licence pro, en partenariat avec l’Université du Maine au Mans). Des groupes hétérogènes visant le même objectif En vogue actuellement, la section guitare, pilotée par Yann-David Esmans, comptait 13 apprentis à la rentrée dernière, dont « 60 à 70 % ont déjà le bac ». Des parcours singuliers, avec une fourchette d’âges allant de 16 à 26 ans. « L’ idéal étant un recrutement vers 19-20 ans », glisse JeanMichel Klein, responsable de la section apprentissage piano. Entré au centre de formation en 1990, ce dernier a vu « le profil des apprentis évoluer en 20 ans ». Deux qualités résistent toutefois au temps : « la mobilité et la motivation, illustrée déjà par le fait d’avoir à trouver une entreprise en amont de la formation ». Pour l’enseignant, la principale musique & technique difficulté repose sur l’hétérogénéité des groupes, « avec des niveaux et des horizons différents ». Au sein d’une même promotion, tous n’affichent pas la même maturité, ni la même ambition : « Certains viennent simplement apprendre un métier ; d’autres visent l’excellence », note Yann-David Esmans. Face à ces contrastes, l’ex-étudiant de l’Itemm, titulaire d’un BMA et d’un diplôme de formateur, cherche avant tout à « responsabiliser les jeunes en leur apprenant, audelà des bases techniques et théoriques de leur métier, à respecter leur matériel, à s’auto-évaluer lors des regroupements (deux semaines à l’ institut pour un mois en entreprise), à échanger sur leur expérience… ». Gérer un groupe nécessite donc aussi de bien connaître le contexte professionnel et personnel de chacun. Le livret d’apprentissage se révèle alors un outil pédagogique essentiel : c’est le carnet de liaison entre les élèves, les formateurs et les entreprises. « Tout y est consigné : les acquis, les engagements, les objectifs… » Pour compléter ces données, les enseignants rendent visite aux maîtres d’apprentissage. « Tout ce travail nous permet d’adapter nos interventions, le but étant d’ équilibrer les cours pour amener chaque élève au plus haut ». Et Yann-David Esmans de rappeler que « l’apprentissage est un travail à deux ». Aux enseignants, la charge « de donner les bases du métier et de préparer à un diplôme » ; à l’entreprise, « de les perfectionner ». « N’oublions pas le rôle des parents ». À ce titre, la diversité des intervenants de l’Itemm est un atout pour les élèves, appelés « à observer plusieurs techniques et à bénéficier de conseils de différents professionnels : cela leur offre une vision globale du métier et de ses approches. Chacun est libre de choisir la technique qui lui convient ou de se façonner sa propre méthode ». Aujourd’hui, certains intervenants sont des ex-apprentis de l’Itemm. Depuis sa création, le centre de formation a forgé un réseau de quelque 2 000 anciens, les « Itemmiens », invités à se retrouver lors de la réunion des anciens élèves, organisée cet été au Mans. revue professionnelle de la facture instrumentale 149 Institut technologique européen des métiers de la musique chargé en amont de « veiller à ce que rien ne manque pour les épreuves. Instruments, outillage spécifique, consommables mais aussi planches à dessin, ou simplement tables et chaises dans les salles d’examens ». Pas de droit à l’erreur : « Une belle pression. Toutes sections confondues, l’Itemm accueille une centaine de candidats en facture instrumentale, sans compter les autres secteurs de formation ». La formation continue au diapason Les métiers de la facture instrumentale sont inscrits sur la liste des 217 métiers d’art, avec des techniques et un apprentissage en constante évolution. À travers son centre de formation professionnel continue (CFPC), l’Itemm propose donc toute une gamme de stages et d’ateliers aux artisans, afin de leur permettre de se mettre à jour et de se perfectionner sur certaines compétences (généralistes ou plus thématiques). Avec à terme, la possibilité d’obtenir des agréments comme dans le secteur de la harpe. Dynamique, cette démarche de formation continue vise aussi à créer une ouverture sur des activités innovantes, appelées à générer un nouvel élan économique. « Avec la formation continue, notre volonté est de donner une impulsion au secteur et de nous positionner au plus près des professionnels », note Franck Fumoleau. Fort de ses compétences, l’institut est amené à jouer dans ce cadre, un rôle de formateur et/ ou de prestataire de services, en assurant par exemple la gestion administrative des opérations. C’est le cas pour les stages animés avec succès depuis deux ans par Europiano France, et ouverts à tous les artisans. … Une logistique à l’ampleur de la diversité L’activité de l’Itemm nécessite une organisation logistique pointue. « Nous intervenons ponctuellement sur des instruments haut de gamme, notamment en fin de formation, mais nos élèves s’exercent essentiellement sur du milieu de gamme, pour des questions de prix bien sûr, mais aussi de rationalité. Notre rôle est de former des jeunes à des techniques spécifiques, dans le respect d’une progression préétablie. L’erreur fait partie de cet apprentissage, les instruments et l’outillage subissent donc parfois une usure… prématurée ». Louis Coutard, chef des travaux assure cette fonction en relation avec les responsables de sections et la Direction financière de l’établissement. En première ligne au moment des examens, il est également 150 Neufs à leur arrivée dans les locaux, les instruments passent ensuite par les ateliers où ils sont démontés, remontés, réglés, désaccordés et accordés (parfois plusieurs fois par mois) jusqu’à usure complète. Mais pas question pour autant de les jeter à la poubelle : « tout est mis à profit ». Hors d’usage, les instruments sont démontés pour servir comme pièces détachées ou recyclés comme matière brute. « À ce rythme-là, certaines guitares n’affichent pas une durée de vie supérieure à deux ans… Comptez 10 ans pour un piano droit ; 15 ans pour les flûtes traversières professionnelles ». L’outillage et les machines sont soumis au même rythme. D’où la nécessité de veiller à l’entretien et au renouvellement fréquent du stock, en gérant le processus d’approvisionnement en fonction des besoins. « En raison du rythme d’utilisation bien plus élevé que dans un atelier classique, nous groupons les achats grâce à un travail d’anticipation difficile mais nécessaire ». Il intervient également auprès des sections dans la constitution du premier outillage. Qu’il soit fabriqué, adapté sur place ou commandé, il partage son expérience et ses contacts. Le chef des travaux fait ainsi figure d’homme « ressources » au sein de l’établissement… Et hors ses murs. « Une fois diplômés, les élèves continuent de m’appeler pour avoir des conseils, des références ». Le parc de l’Itemm en quelques chiffres Le parc instrumental de l’Itemm compte, entre autres, une centaine de pianos droits et à queue, une centaine de guitares (classiques, folks, électriques, basses), une soixantaine de saxophones (soprano, alto, ténor, baryton), une cinquantaine de clarinettes (dont deux basses) et de flûtes traversières (plus cinq flûtes haut de gamme), trente trompettes, quinze accordéons, dix trombones, deux cors… Un patrimoine conséquent donc, à restaurer et renouveler constamment. Un poste important de dépenses. L’établissement bénéficie du soutien des fabricants et distributeurs. « Nos besoins se concentrant parfois uniquement sur certaines parties d’instruments », souligne Louis Coutard. À noter le soutien de la Région des Pays de la Loire et de l’Union européenne (FSE) dans le cadre des budgets d’investissement. références Vous avez dit « européen » ? Le mot « européen » figure en bonne place dans le nom de l’établissement. Qu’en est-il réellement de la dimension européenne de l’institut. Explications avec Franck Fumoleau et Patrick Sinigaglia, chargé de la formation accordeurs de piano. Une création européenne « Quand l’Enamm devient l’Itemm, c’est en réponse à un appel d’offres européen. Et c’est l’Europe qui a en partie financé la construction des bâtiments par les fonds FEDER », explique Franck Fumoleau. À noter qu’en 1992, la construction des bâtiments a été financée à 45 % par le Fonds européen de développement régional (Feder), à 20 % par la Région des Pays de la Loire, à 20 % par le ministère de la Culture et les 15 % restants par les collectivités locales, associées au ministère de l’Artisanat. « Pendant longtemps, la dimension européenne s’est limitée à ce constat, pour plusieurs raisons. Structurelles, tout était à créer dans ce secteur. Mes prédécesseurs se sont attachés à mettre en place et à développer les bases de la formation, à donner à l’Itemm sa dimension nationale. Institutionnelles, le principe européen repose sur la collégialité. Les projets doivent se monter avec au moins 3 partenaires de pays différents. Concevables dans des secteurs de formation comme l’automobile, l’agriculture ou le bâtiment, cette notion devient caduque dans un secteur à petits flux comme la facture instrumentale. D’autant plus quand le nombre d’ école est réduit, voire inexistant pour certains pays. Réglementaires, un apprenti belge ne peut venir en France dans un Centre de formation d’apprentis, même s’ il n’existe pas d’ école dans son pays. Pourtant, les demandes sont nombreuses ». Des projets ont cependant été mis en place, hors des cadres européens, donc sur des financements propres, avec notamment l’école allemande de Ludwigsburg. Échanges d’apprentis et de formateurs pour le piano, réflexion commune avec musique & technique les membres d’Europiano sur la formation et ses besoins. « Le secteur du piano est en pointe dans ce domaine, du fait de sa forte structuration à l’ échelle européenne ». Aujourd’hui les choses évoluent et la dimension européenne est une réalité qui dépasse même les frontières de l’Union. En orbite internationale Depuis 2000, Patrick Sinigaglia, responsable de la formation temps plein accordeur de piano, multiplie les interventions à l’étranger au titre de l’Itemm. Une mission internationale qui s’articule autour de plusieurs projets menés en coopération à travers le monde. Tour d’horizon. « L’Itemm commence à être reconnu et identifié comme un acteur potentiel du développement de la facture instrumentale à l’ international », avance Patrick Sinigaglia. Depuis plusieurs années, il contribue à la construction de cette renommée à travers ses interventions à l’étranger. En 2000, sa première mission le conduit à trois reprises au Kazakhstan, « un pays absolument pas structuré en matière de facture instrumentale, sans magasin, ni structure spécialisée ». Après une phase de diagnostic technique, il travaille à la mise en place d’un programme de formation destiné aux techniciens locaux, « afin de professionnaliser et réactualiser leurs compétences ». Des actions de ce type vont par la suite être menées ponctuellement. En 2005, la formation à l’Itemm d’un étudiant originaire du Montenegro s’inscrit dans la même démarche de soutien au développement de la facture instrumentale du pays. En 2006, l’institut signe un partenariat avec l’association « Culture et coopération ». Financée par l’Europe, le ministère de la Culture, la Ville de Paris et la fondation BNP Paribas, celle-ci développe des projets musicaux à travers le monde, par notamment l’organisation de concerts : « une vocation freinée par l’ état des parcs instrumentaux dans certains pays ». D’où son implication en matière de facture instrumentale. Dans le cadre d’un projet européen, initié par l’association, l’Itemm travaille en Arménie en 2007, avec une double mission technique et de formation. Sur place, l’objectif est toujours le même. Explorer les établissements de musique pour déterminer les besoins. Avec une petite délégation de luthiers européens (piano, vent, quatuor), l’institut participe ensuite à la remise en état du parc instrumental d’un conservatoire local. Et l’année suivante, l’Itemm accueille un jeune Arménien pour un an de formation temps plein. « En fonction des résultats de notre expertise, nous optons soit pour un programme de formation des techniciens sur le terrain, soit pour la venue d’un jeune en France. Dans ce dernier cas, nos voyages nous permettent revue professionnelle de la facture instrumentale 151 Institut technologique européen des métiers de la musique vraiment de cibler les candidats motivés, dont la scolarité est prise en charge par l’Itemm ». En 2009, direction Salvador de Bahia, au Brésil, toujours en partenariat avec « Culture et coopération ». Dans ce pays existe un « décalage énorme entre les besoins et les ressources ». Problématique identique en Tunisie, où l’Itemm et une délégation de techniciens européens se sont déjà rendus trois fois depuis le début de l’année. Après y avoir réalisé un inventaire du parc instrumental et des magasins spécialisés, puis formé les jeunes d’une école de lutherie locale, elle engage la réparation d’instruments du quatuor et la remise en état de pianos du conservatoire de Tunis, avec le concours d’étudiants. Au total, un potentiel de cinq personnes pourrait être formé. Le projet de faire venir prochainement un jeune Tunisien au Mans est engagé. Au Brésil, l’intervention se décline suivant les familles instrumentales : d’un côté, le quatuor et les vents, avec un travail de formation et de réparation du parc ; de l’autre, le piano, avec la rénovation d’instruments de concert. Là encore, des perspectives sont ouvertes, « avec éventuellement le projet de monter un atelier interne au théâtre de Salvador de Bahia ». Des échanges pérennes Des étudiants de toutes nationalités Mozambique, Bolivie, Arménie, Espagne… Depuis 2006, l’Itemm accueille chaque année une dizaine d’étudiants étrangers, en provenance du monde entier. Le but est de les former en un an (temps plein) à la facture instrumentale, sur la base de projets professionnels identifiés et encadrés. Souvent, ces jeunes sont soutenus par les associations professionnelles de leurs pays d’origine. Là encore, le piano a été pionnier avec des relais important comme l’AIARP ou l’ASETAP. Et une fois diplômés, pas question de les lâcher dans la nature : « on essaye au maximum de les suivre dans leurs projets », précise Patrick Sinigaglia. « Cela peut être la création d’une entreprise, mais aussi le développement d’une activité au sein d’un conservatoire, par exemple ». Ce partenariat alimente un véritable réseau international. Pour illustration : deux Itemmiens espagnols, qui ont depuis leur formation ouvert chacun leur atelier à Saragosse, travaillent aujourd’hui en bonne intelligence. À noter : sur les 12 lauréats Agefa accueillis à la prochaine rentrée, six sont inscrits dans la section piano. L’Itemm collabore également avec l’association belge à caractère humanitaire, Music Found. Il s’agit cette fois de repérer des jeunes dans des pays victimes de conflits ou en voie de développement (Mozambique, Palestine…) pour les initier à la facture instrumentale. Certains sont envoyés en formation au Mans pour un an, puis encadrés dans leur installation à leur retour chez eux. Lauréats de la procédure de prise en charge internationale « Pour le moment, nous défrichons le terrain », rapporte Patrick Sinigaglia. « Les besoins sont énormes et l’organisation n’est pas forcément adaptée en face : c’est souvent le règne de la débrouille. Toutefois, les établissements prennent conscience de la nécessité d’avoir des professionnels formés ». Si les retombées dans les pays visités sont immédiates, pour l’Itemm, les bénéfices de ces actions internationales sont davantage à observer sur le long terme, avec à la clef, une forte légitimité et de nouvelles pistes de développement. En prime, cette démarche participe à la promotion du savoirfaire français hors de ses frontières. Une initiative qui a aussi un impact économique pour les entreprises, par la mise en place d’échanges pérennes à l’échelle mondiale. 152 Rebeca Gonzalez Barriuso (Espagne) Alvaro Hernandez Gonzalez (Espagne) Jose Miguel Sanchez Abanto (Espagne) Luciano Diaz (Chili) - Villi Martikyan (Arménie) Carlos Velazquez (Espagne) - Luca Zanotti (Italie) Anselmo Chissaque (Mozambique) Pedro Coelho (Portugal) Mohamed Dahmani (Maroc) - Ian Lanel (Israël) Afonso Wallenstein Carneiro (Portugal) Omar Zemali (Algérie) Léonard Derbaudrenghien (Belgique) Daniel Libovicky Salinas (Bolivie) Alexandre Godfrin (Belgique) Natan Nicollerat (Venezuela) Enric De Anciola Moragas (Espagne) références Un pôle au service des entreprises Créé en 2001, le pôle d’innovation de l’Itemm est un lieu « ressources » pour les professionnels des métiers de la musique, tant sur un plan technologique qu’économique. Le point sur ses missions, avec Vincent Doutaut, son responsable. Rencontres de luthiers, journées facture instrumentale & sciences 2009. La labellisation de l’institut comme pôle d’innovation des métiers de la musique est intervenue en 2001 (par le ministère de l’Artisanat). Sa vocation : « développer des services à destination des entreprises de la facture instrumentale et les accompagner dans leurs projets, individuels ou collectifs », indique Vincent Doutaut, le responsable innovation et développement technologique de l’établissement. Cette ambition se décline en plusieurs missions. La première consiste à initier ou soutenir des projets de recherche et développement technologiques, en réponse à des enjeux et besoins identifiés : une démarche menée en collaboration avec des luthiers et des laboratoires scientifiques. C’est le cas par exemple du projet « Lutherie tools », mobilisant des artisans pilotes, dont des membres de l’Union nationale de la facture instrumentale (Unfi). En bref, il s’agit d’un « dispositif matériel de mesure associé à un logiciel d’analyse qui permet de caractériser les instruments, d’obtenir un historique de leur réparation… Avec pour objectif de déboucher sur une catégorisation objective des instruments, en généralisant la démarche à toutes les familles instrumentales ». Toujours dans le domaine des dispositifs de mesure, le projet Pafi, débuté en 2009, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), vise à créer une plateforme d’aide à la facture instrumentale. Le Laboratoire d’acoustique de l’université du Maine (Laum), l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (Ircam), Télécom musique & technique ParisTech et l’École supérieure d’électronique de l’Ouest (Eseo) travaillent actuellement à sa conception, avec le concours de professionnels coordonnés par l'Unfi. Diffusion des informations « Nous menons par ailleurs une mission de veille technologique », poursuit Vincent Doutaut. Avec en perspective, la collecte, puis la diffusion des informations auprès des professionnels. Diffusion assurée par plusieurs vecteurs. La formation déjà, avec la mise en place de journées d’études thématiques, d’ateliers de recherche appliquée et de stages de formation continue. L’accompagnement ensuite, qui se traduit par des prestations d’assistanceconseils, de diagnostics, d’orientation sur procédures (dépôts de brevet, financements…). Enfin, le pôle d’innovation assure une activité d’édition par la publication, chaque année, de musique & technique, revue professionnelle de la facture instrumentale : « Toutes les composantes professionnelles, technologiques, musicologiques et économiques de la facture instrumentale y sont abordées, ainsi que les évolutions du secteur ». Le pôle contribue également à la synthèse des ressources documentaires relatives aux métiers de la musique. Des ressources multiples qui seront prochainement mises en lignes sous forme de fiches techniques, sur le site de l’institut. Promotion à l’international Au-delà du volet technologique, le pôle d’innovation s’engage en matière économique, en partenariat avec Ubifrance, le réseau des Missions économiques à l’étranger, les Chambres de métiers et de l’artisanat… En plus d’une mission d’observation, plusieurs actions ont été menées depuis 2001 pour valoriser et dynamiser le secteur, à l’instar de l’opération « Acheteurs américains », dont la première édition remonte à 2003. Renouvelée depuis chaque année, celle-ci consiste à organiser des rendez-vous ciblés entre une trentaine d’entreprises françaises de la facture instrumentale et des clients potentiels, en provenance des États-Unis. Premier contact, prise de commande ou vente directe : la dernière cession de l’opération a fait la preuve de sa pertinence, avec à la clef de nombreuses opportunités commerciales. Désormais opérationnelle, l’opération va se doubler, cette année, d’une tournée d’un mois aux États-Unis, baptisée « Road show USA ». L’occasion pour une dizaine d’artisans français d’aller directement à la rencontre du public américain, via des expositions, des présentations, des soirées musicales… Innovante, cette initiative témoigne de la volonté hexagonale de promouvoir son savoir-faire à l’international. revue professionnelle de la facture instrumentale 153 Institut technologique européen des métiers de la musique Reconnaissance du secteur La promotion du secteur est également à l’œuvre en France, par la participation à des salons et des manifestations, spécialisées ou grand public. Là encore, le but est de valoriser les entreprises, en les mettant en contact avec leurs interlocuteurs privilégiés : musiciens, conservatoires, distributeurs, scientifiques… Un annuaire professionnel est en outre disponible sur le site internet de l’Itemm. « Et le pôle d’ innovation contribue à la reconnaissance du secteur, à travers les labellisations comme EPV (Entreprise du patrimoine vivant) », ajoute Vincent Doutaut. Tout cela participe au dynamisme et à l’évolution de la facture instrumentale. Une évolution appelée à se poursuivre à l’avenir, de nouvelles générations de luthiers, sensibilisées à l’innovation, s’insérant sur le marché. « À l’Itemm, la passerelle entre le pôle et le centre de formation est assurée via notamment la section acoustique ». Un gage de visibilité pour le pôle d’innovation, « encore trop peu connu des professionnels », de l’avis du directeur de l’institut, Franck Fumoleau. passerelle est évidente entre sa pratique et la facture instrumentale. « Il est important que les élèves ne soient pas seulement des techniciens », relève Jérôme Monsimier. « La facture instrumentale est un métier d’art, au croisement du monde culturel et artisanal, avec un fonctionnement en réseau ». D’où l’intérêt de disposer d’un certain bagage culturel pour parler le même langage que les musiciens, par exemple, premiers clients des artisans. Conscient de cette problématique, le conseil d’administration de l’Institut technologique européen des métiers de la musique a pris le parti de développer une mission culturelle, au sein même de ses murs. Une saison culturelle Une base bibliographique en élaboration Actuellement, le pôle d’innovation travaille sur un projet de base de données bibliographiques, dont une partie est déjà consultable sur le site internet de l’Itemm. Pour l’instant, elle compile uniquement des ressources documentaires sur le piano (validées par Europiano). À terme, Vincent Doutaut espère « généraliser la base à toutes les familles instrumentales et amener les professionnels à y apporter leur contribution ». Cela passe par la compilation d’ouvrages et d’articles de référence, la traduction si besoin. Si la base est ouverte au grand public, les entreprises bénéficient d’une entrée spécifique, avec deux méthodes de recherches possibles : soit par référencement bibliographique (titre, auteur, édition, mots clefs), soit par thématique (les cordes, par exemple, pour le piano). À consulter sur Internet : www.itemm.fr Un réseau culturel pour la formation L’action culturelle est un des axes de développement de l’Itemm. Une action spécifique qui participe au dyna misme de l’établissement et à son projet pédagogique. Le point sur la question avec Jérôme Monsimier, chargé des relations professionnelles et culturelles. C’est de notoriété publique : l’Itemm est un repère de mélomanes, musiciens ou passionnés de musique. Et la 154 Louis Sclavis et Vincent Courtois, dans le cadre de Jazz à l’Itemm. Au fil du temps, des liens se sont ainsi tissés localement, « permettant une ouverture culturelle et l’organisation d’une véritable saison à l’Itemm », précise Jérôme Monsimier. Entre autres partenaires prestigieux, l’établissement travaille, depuis bientôt 10 ans, avec l’Europa jazz festival sur la programmation « Jazz à l’Itemm ». Dans ce cadre, plusieurs groupes se produisent chaque année dans l’établissement, offrant une plongée au cœur du jazz et des musiques improvisées. Dans un répertoire plus classique, des concerts, proposés en partenariat avec le Festival de l’Épau, participent de la même manière, à la formation culturelle des apprentis. Et des collaborations ponctuelles sont également à l’ordre du jour avec le Big band de l’université voisine, le conservatoire ou le réseau de scènes locales, dont la salle municipale des Saulnières. Tous ces échanges concourent à l’organisation d’une série d’événements à retrouver en ligne sur le bloc-notes et l’agenda de l’Itemm : www.itemm.fr