L`EAF au baccalauréat

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L`EAF au baccalauréat
Les Epreuves Anticipées de Français au Baccalauréat
A) Modalités de l’épreuve
L’écrit : durée 4 heures, coefficient 2 en S et ES, 3 en L.
1 - Il comporte une première partie, la question sur le corpus, notée sur 4 points
qui prend en compte les éléments de réponse, la structure et la langue. Il s’agit en effet
d’une question de synthèse portant sur 4 à 5 textes ou sur un seul s’il s’agit d’une œuvre
intégrale courte du type conte. Cette question évalue l’esprit de synthèse de l’élève et son
niveau de lecture à savoir la compréhension littérale des textes et une autre, plus fine et
plus profonde, qui implique les implicites, la capacité à faire les liens avec le contexte
historique et culturel, les liens entre le fond et la forme. Elle évalue donc la capacité du
candidat à lire, analyser, exploiter et mettre en relation les éléments du corpus en
comparant les textes. Ce corpus comporte parfois une annexe : soit un autre texte, soit
une iconographie, qui ne sont pas à prendre en compte dans la question, sauf avis
contraire, mais qui sont là pour aider au travail d’écriture de la seconde partie de
l’épreuve. En effet, si la question sur le corpus ne rapporte que 4 points, il ne faut pas la
négliger car elle a aussi pour but de préparer à la deuxième partie de l’épreuve.
ATTENTION MÉTHODE : il ne faut pas consacrer plus d’une heure à cette
partie et une page et demie d’analyse devrait suffire. C’est une question de synthèse, il
faut donc être concis, pertinent, précis et ne pas oublier de citer les textes.
2 – Le travail d’écriture est la deuxième partie de l’épreuve, notée sur 16. Elle
propose 3 types d’exercice au choix du candidat :
-
Un commentaire de texte
Une dissertation
Une écriture d’invention
a) Le commentaire littéraire consiste à proposer une interprétation d’un texte donné,
en répondant à une problématique que l’élève détermine lui-même. Le
commentaire est un devoir argumentatif, une démonstration. Tout le devoir
consistera à répondre thèse par thèse, argument par argument, à la problématique
choisie. L’élève sera évalué sur sa maîtrise à organiser sa pensée et son discours à
partir d’une lecture analytique du texte, c’est-à-dire une lecture qui considère à la
fois le fond et la forme, le sens et les outils stylistiques, grammaticaux, lexicaux et
syntaxiques qui mettent en relief cette signification. Pour s’aider, l’élève peut se
demander : que dit le texte ? Comment ? Pourquoi ?
ATTENTION : il est aussi possible que le commentaire soit comparé, c’est-à-dire qu’il
porte sur deux textes au lieu d’un seul. Ce n’est encore jamais arrivé, mais c’est écrit dans
les BO. On ne s’entraîne qu’une seule fois au commentaire comparé dans l’année, le plan
étant en fait plus aisé que pour un commentaire unique.
b) La dissertation est un travail d’argumentation là encore, qui se construit autour
d’une réflexion organisée et personnelle. Le développement répond à une
problématique que le candidat dégage du sujet. Une solide culture littéraire
ajoutée à un raisonnement rigoureux permettent de réussir cet exercice. L’élève
doit en outre s’aider des textes du corpus pour étayer ses arguments.
c) L’écriture d’invention est un travail orienté vers une "écriture à contraintes
codifiées" : il s'agit ici de répondre à une consigne d'écriture afin de transformer,
imiter ou prolonger un texte en restant en adéquation avec une (ou des)
constante(s) (écriture programmée). L’expérience nous montre que les élèves qui
choisissent ce sujet sont en général les élèves en difficulté en Français. Ils ne
perçoivent généralement pas les contraintes contenues dans un tel sujet et se
lancent dans une invention sauvage, sans comprendre réellement ce que l’on
attend d’eux. Il ne faut pas oublier que, par le passé, c’est la dissertation qui était
le sujet boudé par les candidats, estimé beaucoup trop difficile. Pour pousser les
élèves à choisir davantage la dissertation, on a inventé le sujet d’invention,
beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. C’est par exemple un travail d’écriture où
la langue est davantage prise en compte que dans les deux autres exercices. Il faut
donc un certain talent d’écriture en plus de celui de la lecture. Les élèves devront
donc choisir ce sujet avec prudence. On peut demander de composer un poème,
de rédiger une préface, d’écrire une lettre, un dialogue argumentatif, une scène de
théâtre, le passage d’un roman... On rencontre parfois des élèves qui réussissent
très bien cet exercice. Il n’empêche, dans nos moyennes de bac par sujet, la
moyenne d’écriture d’invention est toujours la plus basse.
L’oral : durée 50 minutes, dont 30 de préparation et 20 d’oral proprement dit.
Coefficient 2 pour les S, ES, L.
Ces 20 minutes se subdivisent en 2 x 10. 10 minutes de présentation du texte, la lecture
analytique qui répond à une question posée par l’examinateur, et 10 minutes d’entretien
sur d’autres textes du groupement, d’autres passages de l’œuvre intégrale, les lectures
cursives, les lectures personnelles et autres activités de l’élève en rapport avec le
programme de Français.
ATTENTION : pour les œuvres intégrales, le BO précise que le candidat peut-être
interrogé sur un texte différent de ceux étudiés en classe et donc hors liste. Ceci est tout à
fait légitime dans la mesure où « "l'épreuve de [l'oral de français] vise à tester une
capacité de lecture et l'aptitude du candidat à rendre compte oralement de ce qu'il a lu.
Elle ne saurait se limiter à la récitation de connaissances mémorisées. Elle doit
permettre d'apprécier un savoir-faire véritable et de découvrir des qualités
personnelles. » (Je cite ici le BO) Toutefois, cela n’est encore jamais arrivé en Amérique
du Nord.
B) Préparation.
La préparation à l’EAF par l’enseignant tient donc compte de l’esprit de l’épreuve,
nouveau pour beaucoup de parents qui auraient passé le bac il y a un certain temps, mais
vieux maintenant de moins d’une dizaine d’années. L’enseignant garde à l’esprit qu’il
forme avant tout un lecteur autonome. Il lui donne les outils pour lire, comprendre et
analyser les textes, quels qu’ils soient. Il favorise le savoir faire plus que le savoir que
l’élève peut acquérir seul, dans les manuels scolaires, les œuvres littéraires, les
dictionnaires et encyclopédies et bien sûr, internet.
ATTENTION : internet peut être une source merveilleuse de renseignements.
Malheureusement, elle n’est pas fiable à 100 % et l’élève n’est pas toujours armé pour
juger de la validité des informations qu’il trouve. Voici toutefois quelques sites
fiables : http://www.site-magister.com, http://www.cyberprofs.fr, http://www.acversailles.fr, et tous les sites qui contiennent la mention ac- qui désigne une académie
précise comme ac-reims.fr, ac-rennes.fr, ac-amiens.fr… etc. TOUTEFOIS, RIEN NE
VAUT VOTRE MANUEL SCOLAIRE, CHOISI PAR L’ENSEIGNANT POUR LES
ÉLÈVES.
Je remarque en effet, avec inquiétude, que les élèves ne savent plus vraiment utiliser un
manuel scolaire. Ils ont du mal à y trouver l’information qu’ils recherchent et qui
pourtant s’y trouve le plus généralement. Ils ont du mal à le parcourir et sautent par
exemple des informations importantes contenues dans l’introduction et qu’ils ont refusée
de lire parce que ce n’était qu’une introduction. Le manuel scolaire est pourtant un outil
précieux, validé par l’Education Nationale, réalisé par des enseignants sélectionnés sur le
volet. Même s’il n’est pas parfait, il doit être la ressource première et non le contraire. Si
l’information ne se trouve pas dans le manuel alors il faut consulter internet. De toute
façon, internet et le manuel devraient être considérés comme complémentaires. Il y a
donc toute une rééducation à faire.
FAQ
Combien de textes le candidat aura-t-il à présenter au bac ?
En S et ES, l’élève présente entre 20 et 25 textes.
En L, il présente entre 28 et 35 textes.
Qu’est-ce que les méthodes ? On me dit que mon enfant manque de méthodes et je ne
comprends pas et lui non plus.
On veut dire les méthodes d’analyse textuelle et les méthodes de travail : par quoi
commencer quand je suis face à mon texte ? Comment comprendre un texte ? Comment
affiner mon interprétation ? L’écoute en classe est primordiale, c’est à ce moment que
l’on travaille les méthodes.
Qu’est-ce que le savoir faire ?
Il s’agit des méthodes sur lesquelles l’enseignant insiste, question proche de la
précédente :
-
-
-
par quoi commencer pour aborder un texte ? (la phrase de définition : thèmes,
registres, objectifs de l’auteur, époque, mouvement littéraire, l’objet d’étude
concerné…)
quelles questions se poser ? Que dit le texte, comment, pourquoi ? Quels
rapprochements puis-je faire avec mon objet d’étude ?
comment trouver une problématique ? A partir de la phrase de définition, de
l’analyse des outils, de la question sur le corpus, du sujet de dissertation,
chercher tout ce qui peut aider.
Comment bâtir un plan ? En m’interrogeant toujours sur ce que je veux
démontrer. Je ne dois pas oublier les connecteurs logiques et vérifier que le
plan progresse. Je dois vérifier la pertinence de mes arguments et exemples. Je
suis juge et parti de mon devoir !!! L’esprit critique est plus que jamais tourné
sur soi et sur son travail.
Combien de bacs blancs faites-vous dans l’année ?
Nous tenterons de mettre en place 6 à 7 écrits blancs dans l’année et 3 oraux blancs. Il ne
faut pas oublier que les élèves s’entraînent aussi toute l’année avec les lectures
analytiques en classe et les DM. Enfin, en France, si les établissements publics
réussissent à organiser un oral blanc dans l’année, c’est une aubaine. Nos élèves sont
donc très chanceux de trouver des enseignants bénévoles, qui prennent sur leur temps
libre pour faire passer des oraux alors qu’ils n’ont pas de classe de Première. C’est un
service que ces enseignants me rendent car c’est à ma demande, et qu’ils rendent
également aux élèves et à l’école, sans qu’ils ne soient déchargés de leurs classes ni
rémunérés. Il faut ensuite trouver des moments de libre dans leur emploi du temps, des
salles pour faire passer les élèves. J’espère que tout le monde est bien conscient de
l’effort qui est fourni ici par l’équipe pédagogique pour permettre aux élèves d’être
préparés dans les meilleures conditions. Les examinateurs de NY ont toujours eu le
sentiment que les élèves de Boston, en général, venaient bien préparés aux oraux. C’est
un compliment dont l’EIB peut être fière.
Pourquoi y a-t-il un tel écart parfois entre la note d'oral et la note d'écrit ?
Les élèves voient les textes de l’oral en classe, ils les préparent, guidés par l’enseignant.
S’ils ont bien travaillé ils obtiennent une bonne note. A l’écrit, c’est là qu’on évalue
davantage l’autonomie d’un élève, puisque les textes sont inconnus. Si le candidat
maîtrise les méthodes et est doté d’une solide culture littéraire, il n’a aucun souci à se
faire. S’il a besoin d’être guidé en permanence, ce sera plus difficile de briller à l’écrit.
Comment mon enfant peut-il améliorer son style ?
Est-ce un effet de l’internet, des textos, MSN… etc, mais je constate de plus en plus que
les élèves ont des difficultés à s’exprimer clairement. Or la clarté est la base de la
communication. Des phrases type sont distribuées aux élèves pour les aider dans leurs
prochains devoirs. Il faut préparer les DM avec le dictionnaire à ses côtés, Le Petit Robert
est le mieux d’après les académiciens et universitaires de France. Il faut vérifier l’emploi
du vocabulaire abstrait. L’élève peut aussi s’inspirer des tournures de phrases rencontrées
dans les corrigés des annales de Bac. Il peut apprendre par cœur des tournures. Idem pour
les corrigés donnés par l’enseignant. Là encore, il faut porter sur sa rédaction un regard
critique, le lire ou faire lire à un camarade.
On lit dans les sujets de dissertation : l’élève s’appuiera, entre autres, sur ses lectures
personnelles. On lit dans le BO qu’on évalue les qualités personnelles de l’élève à
l’oral. Qu’entend-on par « personnelles » sachant que l’élève a suivi un cours et a donc
été encadré par un enseignant ? Lorsque j’ai passé l’oral du bac, je n’avais qu’à réciter
une explication de texte fournie par l’enseignant.
Question très pertinente car il est en effet très difficile de concevoir le bac tel qu’il est
aujourd’hui quand on a connu celui d’il y a 20 ans. Les parents se réfèrent à ce qu’ils ont
vécu, ce qui est légitime, et comparant avec ce qui se fait aujourd’hui, ils sont un peu
perdus.
Il est impératif de bien comprendre l’esprit de l’épreuve. Les élèves et les familles
pensent trop souvent, et à tort, que c’est essentiellement l’enseignant que l’on sanctionne
le jour de l’épreuve, que c’est celui-ci qui est évalué avant tout et non le candidat, ce qui
pouvait être vrai par le passé puisqu’on demandait à l’élève de répéter, réciter à l’oral une
explication de texte que l’enseignant lui avait dictée en classe. La part des responsabilités
est mieux répartie aujourd’hui. C’est justement pour donner à tous les élèves leur chance
et pour davantage évaluer leur investissement personnel que les modalités de l’épreuve
ont été changées. On peut dire que cette épreuve aujourd’hui est plus intelligente que
celle d’il y a 20 ans. Pour éviter le psittacisme, c’est-à-dire d’évaluer un perroquet que
serait le candidat d’il y a 20 ans, on a choisi de poser une question à l’oral qui contraint
l’élève à s’adapter et à construire un plan sans doute tout à fait différent de celui qu’il a
bâti en classe avec son professeur. C’est pourquoi je me refuse à donner des plans type,
ce qui est rassurant pour l’élève, mais ne respecte pas l’esprit de l’épreuve. S’il m’arrive
de donner des plans pour des textes, je n’en donne pas toujours afin que l’élève gagne en
autonomie. Puisqu’on vise l’excellence, plus l’élève est capable de fournir une
interprétation personnelle, cultivée, adaptée à la question posée, plus la note sera haute.
Mais encore beaucoup d’élèves restituent à l’oral un plan appris par cœur pendant l’année
et, soit ne répondent pas à la question de l’examinateur, soit y répondent uniquement dans
la conclusion. On pénalise ces présentations mais pas trop fortement. Un élève qui a
compris le texte, qui en a fait une analyse méthodique peut obtenir jusqu’à 7/10, même
s’il a négligé la question, car l’expression orale compte aussi, ainsi que la lecture qui doit
être expressive. Si le texte est compris, la méthode acquise, mais l’expression difficile, la
lecture moyenne, et la question négligée, il pourra obtenir entre 4 et 5/10, voire 5.5, tout
de même. On valorise le travail de l’élève, ses efforts.
Quel est alors le rôle de l’enseignant ?
L’objectif de l’enseignant est de former un lecteur autonome. Il doit fournir à l’élève les
outils nécessaires à une compréhension fine d’un texte ou d’une œuvre. Ces outils sont
une culture à laquelle il initie l’élève, mais celui-ci doit l’approfondir par des lectures et
recherches personnelles, et des techniques d’analyse qui s’appuient sur une mise en
relation du fond et de la forme. L’enseignant de littérature est un guide qui apprend à
l’élève à penser, à réfléchir, grâce et à partir de textes littéraires et philosophiques, le
siècle des Lumières oblige. Il prépare donc au bac mais il prépare aussi le lecteur adulte
que sera bientôt le candidat.
Mais cette tâche est très lourde ! Comment réaliser cet objectif ?
L’EAF (épreuve anticipée de français) se prépare en réalité en 2 ans : l’année de seconde
et l’année de 1ère. Si l’élève ne s’investit pas en 2de en se disant qu’il se réveillera en 1ère
il commet là une grave erreur. Etudier Mme Bovary en 2de, c’est par exemple préparer
l’objet d’étude Le roman et ses personnages, vision de l’homme et du monde, objet
d’étude abordé en 1ère. Le commentaire littéraire est largement abordé en 2de. 0n initie à
la dissertation également. Cette autonomie dont j’ai parlé précédemment est initiée dès
l’année de seconde. Lorsqu’un élève arrive en 1ère avec des lacunes de seconde, il est
évident que les choses ne se passeront pas dans la douceur. Les habitudes de travail
acquises pendant l’année de seconde seront au contraire fort utiles. Et je me permets
même d’ajouter que l’année de 3ème est déjà une préparation à l’EAF. On aborde en 3ème
des œuvres de la littérature française et non plus de la littérature de jeunesse. On apprend
aux élèves à repérer dans un texte les éléments de réponse à une question. On leur
apprend déjà à utiliser certains outils grammaticaux (le temps et mode des verbes) et
stylistiques (métaphore, comparaison, anaphore, hyperbole, oxymore…etc) pour étayer
leur interprétation des textes. L’EAF ne se prépare pas uniquement en 1ère. Et ce n’est pas
faute de le répéter aux élèves les années précédant l’année de 1ère !
Comment tenez-vous vos échéances ? Etes-vous dans les temps ?
Les parents sont souvent stressés, craignant que l’on ne soit pas dans les temps. En effet,
si les élèves prennent du temps avant de se mettre au travail, s’ils ne préparent pas les
textes, ne font pas les recherches demandées, on avance plus lentement que s’ils viennent
préparés. C’est donnant- donnant. Les élèves ne doivent pas oublier que cela prend du
temps pour l’enseignant de préparer des textes, de chercher des textes susceptibles de les
intéresser, des textes qui pourraient leur assurer une bonne note à l’oral. Que cela prend
du temps d’annoter leurs copies dans le détail pour les guider dans leur prochain devoir.
Si l’enseignant donne tout ce temps et que les élèves ne donnent rien ou presque, juste le
minimum, c’est l’enseignant en définitive qui perd la motivation. Mais si les élèves
arrivent en classe avec de vraies questions, une véritable réflexion, on avance plus vite et
mieux. L’élève ne doit jamais oublier sa responsabilité dans sa préparation de l’épreuve.
Dernièrement, un élève rouspétait parce que j’avais donné deux semaines pour un DM
(question sur le corpus + le commentaire) et qu’entre temps, je leur donnais aussi à
préparer les textes d’oral pour le cours suivant. Or, le cours de Français ne s’arrête pas de
tourner parce que j’ai donné des DM. Nos élèves ne doivent pas perdre le sens de l’effort.
Je suis tout à fait consciente que nous demandons beaucoup mais les élèves et leurs
parents espèrent une mention au bac et elle ne s’obtient qu’à force de travail.
Comment le cours est-il structuré ?
Comme je l’ai déjà dit, l’enseignant est un guide. Sa pédagogie s’appuie sur la méthode
socratique de la maïeutique : faire accoucher les esprits. Autrement dit, l’objectif est
d’amener l’élève à trouver lui-même les réponses à ses questions. C’est pourquoi la
préparation des textes à la maison est primordiale, essentielle. Les élèves ne le
comprennent parfois pas suffisamment et ne préparent les textes que lorsqu’ils ont un
oral, pour la note. Or, comment un texte peut-il soulever des questions s’il n’a pas été
préparé ? Comment construire un cours sur rien ? Si la participation de l’élève est nulle, il
contraint l’enseignant au cours magistral qui est anti-pédagogique. Si une seule partie de
la classe a préparé les textes, on pourra alors bâtir un cours, mais uniquement autour de
l’intervention de quelques uns, ce qui en réalité n’est point profitable aux autres, ceux-ci
restant trop passifs. Le cours, dans l’idéal de la participation totale de la classe, se
structure donc ainsi : mise en commun des interprétations, recherche de problématiques
et de plans possibles, bilan menant à une fiche possible de révision. Mais les élèves, au
cours de l’année sauront faire ces fiches seuls. Les débuts de séquences se présentent
toujours ainsi : analyse de l’intitulé de l’objet d’étude, de ses enjeux, des problématiques
littéraires qui y sont liées, problématiques que les élèves doivent pouvoir dégager.
Certains cours sont des corrections de devoirs. Certains cours sont des lectures
analytiques présentées par les élèves pour préparer l’oral de l’EAF. On fait aussi un peu
d’histoire littéraire. On observe et pratique les différentes méthodes d’approche d’un
texte.
Pourquoi l’enseignant passe-t-il plus de temps sur les objets d’étude de début d’année
que sur ceux de fin d’année ?
En début d’année, il faut réviser les méthodes d’analyse textuelle et celles de la
dissertation, du commentaire littéraire et de l’écriture d’invention. Il faut aussi préparer à
la question sur le corpus. Tout le premier trimestre et le début du deuxième sont donc
consacrés à ces méthodes en plus des objets d’étude et des textes d’oral qui s’y intègrent.
Alors que le reste de l’année on ne se consacre plus qu’aux objets d’étude et à
l’entraînement rituel de l’épreuve du bac. Enfin, l’élève étant supposé être de plus en plus
autonome, on va forcément plus vite. Malheureusement, certains élèves suivent mal le
rythme et ont donc l’impression que c’est l’enseignant qui survole certains objets d’étude
alors que c’est tout simplement eux qui ne sont pas encore assez autonomes et qui
voudraient bien que l’on garde le rythme de début d’année. Ce qui est impossible,
l’échéance du bac étant là et on ne peut non plus ralentir ceux qui sont prêts et
autonomes. Ce qui nous amène au cours particulier qu’on évoquera plus loin.
Pourquoi l’enseignant passe-t-il plus de temps sur certains objets d’étude que d’autres ?
En effet, certains objets d’étude impliquent des problématiques variées et nombreuses
alors que d’autres sont cernés à l’aide d’un nombre restreint de problématiques. Par
exemple, pour l’étude de l’humanisme : quelles sont les caractéristiques de ce
mouvement littéraire et culturel ? C’est bien l’unique problématique essentielle. Alors
que pour l’objet d’étude la poésie par exemple, les problématiques sont plus nombreuses :
quels sont les signes de la modernité en poésie ? Quelle est la fonction du poète et de la
poésie ? Qu’est-ce que la poésie lyrique, la poésie engagée ? Comment se définit la
poésie ? Est-ce un art pour l’art ou s’en dégage-t-il une signification ? Qu’est-ce que
l’inspiration ? Comment se mêle-t-elle au travail du poète ? La poésie est-elle utile ? Et
tout ce ceci sans compter l’histoire de la poésie, du classicisme à nos jours : les
classiques, les romantiques, les parnassiens, les symbolistes, les surréalistes, les
modernes… Pas étonnant que les élèves aient l’impression que l’on survole le cours sur
l’humanisme, comparé aux cours sur le roman ou la poésie.
Comment organisez-vous vos objets d’étude ? Y a-t-il un ordre spécifique qui commande
vos choix ?
On respecte en effet un certain ordre, qu’il soit logique ou chronologique ou tout
simplement fonctionnel. Une année, tous les enseignants d’Amérique du Nord ont dû
commencer par Convaincre, délibérer, persuader en vue d’un stage sur l’évaluation. On
peut commencer par le XVI ème et donc l’Humanisme, puis le XVIII ème et donc
Convaincre, délibérer, persuader, puis la poésie si celle-ci est romantique…etc, c’est-àdire que l’enseignant suit la ligne chronologique des mouvements littéraires. Ou bien on
peut choisir de commencer par Convaincre, enchaîner par l’humanisme qui croise avec
convaincre, puis aborder le roman et la seconde guerre mondiale, enchaîner avec le
théâtre de l’absurde consécutif à la guerre de 39-45… etc. Ou bien on peut commencer
par l’objet d’étude qui nous semble le plus aisé, ou alors le plus complexe, en fonction du
temps que l’on souhaite y passer et de l’accompagnement que l’on souhaite opérer. Bref,
l’ordre des objets d’étude est toujours le fruit d’un choix délibéré, réfléchi et qui se
justifie parfaitement.
Comment mon enfant peut-il progresser ?
Le progrès de l’élève est lié à une remise en question permanente. Il doit accepter les
critiques, tenir compte des conseils. Il doit reprendre les remarques de son correcteur
d’un devoir à l’autre, quitte à les rassembler sur une fiche. Il doit beaucoup travailler
mais le travail est toujours payant car le correcteur à la fin de l’année sait faire la
différence entre un élève qui a travaillé sérieusement pendant toute l’année et les autres.
Cet élève sera toujours valorisé.
ATTENTION : le progrès de l’élève est lié à l’entraînement. Plus il aura cherché des
problématiques possibles pour les textes de l’oral, plus il aura fait de plans, plus il sera
prêt pour l’oral et par la même occasion l’écrit. JE DEMANDE AUX ELEVES DE
PREPARER TOUS LES TEXTES, D’EN REALISER LA LECTURE ANALYTIQUE
MEME S’ILS NE PASSENT PAS A L’ORAL D’ENTRAÎNEMENT. BEAUCOUP
ATTENDENT QUE CELA SE PASSE, SE DISENT QUE LE PROFESSEUR
DONNERA LA CORRECTION, ET NE PREPARENT QUE POUR LE JOUR OU ILS
PASSENT, C’EST-A-DIRE LE JOUR OÙ ILS SERONT NOTÉS. C’est une très
mauvaise préparation dans la mesure où rien ne les garantit de tomber le jour J sur le
texte qu’ils auront préparé en classe. Le professeur donne une correction le plus souvent à
partir de ce que les élèves ont présenté. S’ils ne présentent rien, la correction sera très
succincte puisqu’elle ne s’appuiera sur rien. La richesse d’une interprétation est en fait
le fruit de la multitude d’interprétations qu’élèves et enseignant mettent en
commun. Enfin, il ne faut pas oublier qu’on retient mieux sa propre production que
celle d’un autre. Moins l’élève s’investit, plus il aura du mal à s’approprier les
interprétations des autres. Plus il s’entraîne, plus il acquiert des automatismes et
une culture.
Comment acquérir une culture ?
Pour acquérir une culture littéraire il est vivement conseillé aux élèves de lire des œuvres
littéraires, soit dans leur intégralité, soit en extraits dans les anthologies, et ce, en dehors
des œuvres au programme de l’année en cours. Il est difficile d’argumenter quand on
manque d’exemples. Certes, il ne faut pas oublier que cette culture ne s’acquiert pas que
durant l’année de 1ère. Dès l’année de 3ème, les élèves abordent de plus en plus d’œuvres
littéraires. Ils doivent ainsi se familiariser avec Rousseau, Montaigne, Montesquieu,
Diderot, Voltaire, Zola, Balzac, Stendhal, Flaubert, Maupassant, Molière, Corneille,
Racine, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Apollinaire, Supervielle, Breton, Ponge, Ionesco,
Beckett, La Fontaine, Beaumarchais, Du Bellay, Ronsard, Hugo, Marivaux, Vian,
Malraux, Musset, Vigny, Giraudoux, Gide, La Bruyère, La Rochefoucauld, Pascal,
Camus, Duras, Sarraute, Sartre, Butor, Proust… et j’en passe, et j’en passe. Un moyen est
de lire des extraits de leurs œuvres et leur courte biographie dans les anthologies telles
que Textes et Documents de la collection Mitterrand et Lagarde et Michard. Ils sont à la
bibliothèque, classés par siècle. Il suffit de les consulter sur place.
Pourquoi, avec un aussi faible effectif dans les classes de lycée pouvez-vous nous
suggérer de faire donner des cours particuliers à nos enfants ?
Faible effectif ou pas, il y a un programme à respecter. Quand les difficultés et lacunes
sont mineures, en effet, l’enseignant peut prendre un peu plus de temps pendant le cours
pour aider le ou les élèves en difficulté, encore faut-il que ces difficultés soient
identiques. Mais parfois, les difficultés sont telles que ce ne sont pas quelques minutes
par heure de cours qui feront la différence. Et l’on ne peut pas sacrifier non plus les autres
élèves qui avancent à un rythme raisonnable. Enfin, les difficultés peuvent avoir des
origines multiples : un manque de travail personnel (revoir les réponses rappelant la
responsabilité de l’élève), un déficit d’attention et de concentration (dans ce cas l’aide
doit être personnalisée), un manque de logique (le travail personnel accru peut être
bénéfique mais un tuteur peut recadrer l’élève), des lacunes de l’année de seconde (le
tuteur est à considérer car en 1ère on ne refait pas l’année de seconde, on la poursuit), une
difficulté d’apprentissage (plus que jamais le tuteur est à envisager).
Combien de pages attend-on à l’écrit pour un commentaire ? Ma fille a eu écrit sur son
devoir « copie résiduelle » et a obtenu un 4/20. Que signifie copie résiduelle ?
Quand les élèves nous demandent : « Combien de pages doit-on écrire ? », il est évident
que l’enseignant va leur répondre de ne pas raisonner ainsi. L’objectif premier n’est pas
la quantité. Donc je réponds, comme tous mes collègues : « occupez-vous donc de
trouver une problématique qui englobe tous les aspects du texte en relation avec l’objet
d’étude et vous verrez qu’en y répondant, la quantité viendra d’elle-même. » Plus
précisément, on attend un minimum de 4 arguments (mais c’est un minimum, on peut
faire mieux) et une moyenne de 6 arguments est ce qui est recherché par le correcteur. En
gros vous avez deux thèses comportant chacune 3 arguments ou bien 3 thèses comportant
chacune 2 arguments : 2x3=6. Mais certains élèves parviennent à développer 3 thèses
avec 3 arguments chacune, ce qui est plus rare. Donc, 4 arguments n’est pas un bon
devoir, mais on peut le considérer comme étant une tentative d’achèvement, un effort de
structure. C’est pauvre, l’élève n’aura pas choisi une problématique adéquate,
suffisamment large et donc des aspects du texte n’auront pas été explorés mais on peut
noter un tel devoir. En dessous de 4 arguments, on tombe donc dans la copie résiduelle.
Tout d’abord la structure n’est plus là : où sont les sous-parties équilibrées ? Une partie
ne comportant que 5 lignes n’est pas une partie, c’est un résidu de partie, d’où
l’appellation. Autrement dit, un enseignant qui reçoit un devoir beaucoup trop court, avec
des parties déséquilibrées, sait déjà que le devoir sera mauvais. Et la longueur du devoir,
qui reflète obligatoirement le contenu, est pénalisée dans le cas d’un devoir trop court.
Cela signifie qu’on ne pourra dépasser le 6/20 dans le cas de la copie résiduelle. Idem à
l’oral. Les élèves ont 10 minutes de lecture analytique, on peut pénaliser une présentation
de 7 minutes, on pénalise forcément une présentation de 4 à 6 minutes. Ainsi, la quantité
va parfois de paire avec la qualité. Evidemment, on peut faire un hors sujet de 10 pages,
la quantité est présente mais le hors sujet est pénalisé. Donc nous sommes bien d’accord,
nous nous appuyons avant tout sur le contenu. Mais l’absence de contenu entraîne
forcément l’absence de quantité.
Toutes ces remarques valent pour la dissertation. La moyenne est de 6 arguments.
Notez-vous durant l’année comme au bac ?
Oui et non.
Oui parce que, pour les devoirs type bac, j’utilise la même grille de correction, les mêmes
critères : la langue, la présentation, la logique du raisonnement, les connaissances, la
pertinence des observations, la structure du devoir, la finesse des interprétations,
l’exhaustivité… Et je pense qu’il n’y a rien de mieux pour les élèves, afin de progresser,
de savoir exactement ce qu’ils doivent améliorer. Si on les note plus large en début
d’année, sous prétexte que c’est le début de l’année, il n’y aura pas de progression
puisque, au fil du temps, la date du bac approchant, je noterai de plus en plus sévèrement.
Enfin, s’ils obtiennent un 12 alors que le devoir vaut 9 en début d’année, auront-ils
l’envie de faire mieux ? Nous avons donc une autre solution et qui revient à dire que je ne
note pas tout à fait comme au bac.
Non, en effet, parce que les conditions ne sont pas celles du bac: les devoirs donnés sont
la plupart du temps à faire à la maison. Les élèves ont deux semaines, ils sont guidés s’ils
le souhaitent en me posant des questions sur leur démarche pendant les débuts de cours.
Ils ont à disposition les manuels scolaires, le dictionnaire et internet. Bref, les conditions
ne sont pas celles du bac. Et même lors des bacs blancs, je choisis les sujets et donc, très
subjectivement, des sujets qu’ils me semblent pouvoir traiter en fonction de ce que nous
aurons étudié en classe. Mais le jour du bac, je ne maîtrise en rien le choix des sujets, et
certainement pas le choix des textes, c’est pourquoi les méthodes de lecture que nous leur
inculquons sont très importantes. Elles devraient leur permettre d’interpréter n’importe
quel texte. Pour la dissertation, les méthodes sont aussi importantes, mais la culture
personnelle entre davantage en ligne de compte.
Enfin, les moyennes trimestrielles ne sont pas uniquement calculées en fonction des
devoirs type bac. Les élèves ont la possibilité de faire des exposés, d’avoir des contrôles
de lecture et / ou des petits tests de connaissance pour remonter leur moyenne le cas
échéant. Quoique les tests de connaissances soient aussi là pour vérifier que le travail
personnel est bien fait… Enfin, on peut jouer avec les coefficients entre le début d’année
et la fin de l’année afin de ne pas pénaliser les élèves.