TAS xxx

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TAS xxx
Tribunal Arbitral du Sport
Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2005/A/916 AS Roma c. Fédération Internationale de Football Association
(FIFA), ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
Formation: Me Olivier Carrard (Suisse), Président; Me José Juan Pintó (Espagne), Me François
Klein (France)
Football
Mesures provisionnelles
Faits nouveaux
Effet suspensif
Risque de dommage irréparable
1.
Il est exclu qu'une partie, sur la base d'un état de fait non modifié, puisse présenter à
la Formation en vertu de l'art. R37 al. 2 du Code de l'arbitrage en matière de sport une
requête d'effet suspensif après que le Président de la Chambre d'appel a statué
négativement sur celle-ci. La Formation ne fonctionne pas comme juridiction d'appel
contre les ordonnances d'effet suspensif rendues par le Président de la Chambre
d'appel et n'a à ce titre aucun pouvoir réformatoire. En revanche, si des faits
nouveaux sont survenus depuis l'ordonnance sur effet suspensif du Président de la
Chambre d'appel ou si des faits ou des pièces étaient existants mais inconnus du
requérant lors de la première procédure sur mesures provisionnelles, la formation est
compétente pour examiner une nouvelle requête d'effet suspensif fondée sur ces
nouveaux éléments. Admettre le contraire reviendrait à vider de leur sens les mesures
provisionnelles, qui doivent pouvoir être déposées en tout temps, au vu de l'urgence et
pour prévenir un dommage irréparable.
2.
La jurisprudence du TAS a défini trois critères pour examiner s'il se justifie ou non de
surseoir provisoirement à l'exécution immédiate d'une sanction. A teneur de cette
jurisprudence, il convient de prendre en considération le risque de dommage
irréparable qu'encourt le demandeur, les chances de succès de la demande au fond et
l'importance des intérêts du demandeur par comparaison à ceux du défendeur.
3.
Selon la jurisprudence du Tribunal Fédéral, constitue un préjudice irréparable celui
qu'une décision finale, même favorable au recourant, ne ferait pas disparaître
complètement. Selon la doctrine relative à l'art. 79 de la Loi fédérale de procédure
civile fédérale, “la mesure conservatoire doit empêcher la survenance d'un dommage,
qui serait difficile à réparer si elle n'était pas ordonnée immédiatement”.
TAS 2005/A/916 2
AS Roma c. FIFA,
ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
Le Président de la Chambre d’appel du TAS a rejeté, le 25 juillet 2005, la demande d’effet suspensif
figurant dans la déclaration d’appel de l’AS Roma du 4 juillet 2005.
La Formation ayant été constituée depuis, l’appelant, invoquant l’urgence, l’a saisie, le 2 août 2005,
d’une nouvelle requête d’effet suspensif.
La requête de l’AS Roma est divisée en deux parties, la première (partie A) consacrée à une critique
de l’analyse juridique du Président de la Chambre d’appel, la seconde (partie B) à la démonstration
de l’existence de faits nouveaux et d’un risque de dommage irréparable.
S’agissant des faits nouveaux, le club invoque en premier lieu l’annonce qui lui a été faite
verbalement par les joueurs K. et N., de leur intention de rompre leur contrat pour juste cause, dans
l’hypothèse où leur enregistrement par la Fédération Italienne de Football ne pourrait avoir lieu
avant le 8 août 2005, au motif que toute date ultérieure ne leur permettrait pas de rechercher
d’autres clubs si la Formation ne faisait pas droit à ses conclusions.
L’AS Roma produit également à l’appui de sa requête deux attestations établies par ces joueurs dont
il ressort qu’ils envisagent des actions en justice contre le club en cas d’inexécution de leurs contrats.
Concernant le second fait nouveau avancé par l’appelant, il est évoqué en des termes flous, très
équivoques et imprécis, faisant référence à des “éléments extrêmement sérieux” ayant pour effet “de jeter
une forte suspicion sur l’indépendance et l’impartialité d’un des trois arbitres ayant constitué la Formation arbitrale
qui a rendu la sentence du 11 mars 2005 (TAS 2004/A/708/709/713) avec pour conséquence que l’annulation
de ladite sentence ne puisse – à ce stade – être écartée”. L’AS Roma se prévaut du fait que cet élément
nouveau devrait être pris en compte dans l’analyse des chances de succès, la décision du TAS du 11
mars 2005 ayant, selon elle, constitué l’un des fondements de l’ordonnance du Président de la
Chambre d’appel du 25 juillet 2005.
Enfin, à l’appui de ses allégués, l’appelant fournit comme pièces nouvelles une note de presse du
journal espagnol Marca du 28 juillet 2005 dont il ressort que N. serait convoité par le club de Séville,
une demande faite par la Fédération Italienne de Football le 26 juillet 2005 à la FIFA concernant
l’enregistrement de certains joueurs italiens, une déclaration du directeur sportif de l’AS Roma
faisant état des négociations (vente et enregistrement) pour les transferts de certains joueurs et une
lettre de la Ligue Professionnelle de Football Italienne, envoyée le 18 juillet 2005 au greffe du TAS,
qui constitue une demande d’intervention dans la procédure sur mesures provisionnelles.
La FIFA s’est déterminée le 5 août 2005 sur la nouvelle requête d’effet suspensif de l’appelant en
concluant à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet. La FIFA considère que la Formation est
liée par l’ordonnance du Président de la Chambre d’appel et conteste que les éléments de fait se
soient modifiés depuis l’introduction de la première requête d’effet suspensif. L’intimée estime que
la requête de l’AS Roma du 29 juillet 2005 a été déposée en violation de l’article R56 du Code,
s’agissant selon elle d’une écriture par laquelle le club romain complète son argumentation sans y
avoir été autorisé par ses soins ou par décision du Président de la Formation.
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AS Roma c. FIFA,
ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
Il convient encore de noter qu’il existe une procédure parallèle à celle qui occupe aujourd’hui la
Formation. En effet, dans une sentence du 11 mars 2005 (TAS 2004/A/708/709/713), la
Formation a reconnu l’existence d’une rupture unilatérale injustifiée par Philippe Mexès de son
contrat envers son club AJ Auxerre et admis l’existence d’une présomption de culpabilité de l’AS
Roma. Suite à une plainte déposée par l’AJ Auxerre devant la Chambre de Résolution des Litiges de
la FIFA, cette autorité a, par décision du 13 mai 2005 notifiée aux parties le 9 juin 2005, condamné
conjointement et solidairement Philippe Mexès et l’AS Roma à payer EUR 8'000’000 à l’AJ Auxerre.
Un appel a été interjeté au TAS contre cette décision.
DROIT
Compétence et recevabilité
1.
Selon l’art. R37 al. 2 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code”):
“Le Président de la Chambre concernée, avant la transmission du dossier à la Formation, puis la Formation,
peuvent, sur requête d’une des parties, ordonner des mesures provisionnelles ou conservatoires”.
2.
Cette disposition doit être interprétée en ce sens que, suivant le degré d’avancement de la
procédure, la partie qui souhaite déposer une requête d’effet suspensif devra la soumettre au
Président de la chambre d’appel si la Formation n’a pas encore été nommée ou devant cette
dernière si tel est déjà le cas. C’est uniquement ainsi que doit être comprise l’expression “puis
la Formation” figurant à l’article R37 al. 2 du Code.
3.
Ceci correspond d’ailleurs à la réglementation fédérale Suisse en matière de mesures
provisionnelles qui prévoit également qu’avant l’introduction de la demande, les mesures
provisionnelles sont ordonnées par le président de la section, le procès engagé, elles le sont
par le juge délégué et aux débats par le tribunal (art. 80 al. 1 de la Loi fédérale de procédure
civile fédérale; PCF).
4.
Aussi, il est exclu qu’une partie, sur la base d’un état de fait non modifié, puisse présenter à la
Formation en vertu de l’art. R37 al. 2 du Code, une requête d’effet suspensif, après que le
Président de la chambre d’appel a statué négativement sur celle-ci. En effet, la Formation ne
fonctionne pas comme juridiction d’appel contre les ordonnances sur effet suspensif rendues
par le Président de la Chambre d’appel et n’a à ce titre aucun pouvoir réformatoire.
5.
En revanche, si des faits nouveaux sont survenus depuis l’ordonnance sur effet suspensif du
Président de la Chambre d’appel ou si des faits ou des pièces étaient existants mais inconnus
du requérant lors de la première procédure sur mesures provisionnelles, la Formation est
compétente pour examiner une nouvelle requête d’effet suspensif fondée sur ces nouveaux
éléments. Admettre le contraire reviendrait à vider de leur sens les mesures provisionnelles,
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AS Roma c. FIFA,
ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
qui doivent pouvoir être déposées en tout temps, au vu de l’urgence et pour prévenir d’un
dommage irréparable.
6.
Compte tenu de ce qui précède, la Formation est compétente pour connaître de la requête
d’effet suspensif de l’appelant exclusivement sous l’angle des faits nouveaux avancés par celuici dans sa partie B. Par voie de conséquence, la Formation, n’examinera pas la partie A de la
requête qui constitue une critique de l’argumentation en droit de la première décision et qui
sort de son champ de compétence.
7.
Il est encore précisé que l’art. R56 du Code évoqué par l’intimée n’est pas applicable dans le
cas particulier, étant donné que l’on se trouve dans le cadre d’une procédure incidente sur
mesures provisionnelles. L’AS Roma n’avait ainsi ni besoin de son accord ni d’une décision
favorable du Président pour déposer une requête de mesures provisionnelles sur la base de
l’art. R37 du Règlement.
8.
Admettre le raisonnement de l’intimée, fondé sur l’art. R56 du Code pourrait porter atteinte
aux droits des parties d’intervenir dans l’urgence pour solliciter une mesure conservatoire et
obligerait au surplus à une analyse prima facie d’une requête urgente pour savoir si elle doit ou
non faire l’objet d’une instruction rapide.
Faits nouveaux
9.
Il convient de vérifier si les éléments invoqués par l’appelant à l’appui de sa nouvelle requête
d’effet suspensif constituent véritablement des faits nouveaux et de s’intéresser à leur
qualification.
10.
Selon la doctrine suisse, l’expression “faits nouveaux” peut avoir deux sens. Elle peut viser
tout d’abord des faits existants mais inconnus du recourant au moment de la décision
d’origine. Ces faits ou preuves ne doivent toutefois pas avoir été omis par la faute du
requérant. Ils doivent en outre être décisifs en ce sens qu’ils doivent être de nature à modifier
le dispositif du jugement en faveur du requérant. C’est ce que l’on appelle généralement les
“pseudo-nova” (unechte nova)1. L’expression “faits nouveaux” peut également viser les faits qui
se sont produits après le prononcé du jugement ou après la fin de la procédure probatoire si
une réouverture de celle-ci n’est pas possible (echte nova)2.
11.
La Formation n’étant pas une juridiction d’appel contre les ordonnances sur effet suspensif du
Président de la Chambre d’appel, la question de son pouvoir d’examen quant à des faits
nouveaux ne porte pas sur l’invocation d’éléments nouveaux à l’intérieur d’un délai d’appel ou
de recours mais par rapport à celle de la révision ou du dépôt d’une action nouvelle pour faits
nouveaux. Selon la doctrine suisse, il y a lieu à révision si après le prononcé du jugement, des
faits nouveaux importants ou des preuves concluantes sont découverts qui n’avaient pu être
invoqués dans la procédure précédente, étant précisé que cela ne concerne que les “unechte
1
2
KNAPP B., Cours de droit administratif, Bâle 1994, p. 182
HOHL F., Procédure civile, Tome II, Berne 2002, p. 259 et 277
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AS Roma c. FIFA,
ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
nova”, soit des faits antérieurs au jugement. En effet, la littérature prévoit que pour les faits
postérieurs au jugement, une nouvelle action doit être déposée pour faits nouveaux3.
12.
En l’espèce, l’art. R37 du Code prévoyant un transfert de compétence du Président de la
Chambre d’appel à la Formation dès qu’elle est constituée, celle-ci peut connaître des deux
catégories de faits nouveaux. Partant, des moyens de preuves nouveaux peuvent également lui
être soumis étant donné qu’il va de soi que si des faits nouveaux peuvent être invoqués le
requérant doit pouvoir les démontrer.
13.
Dans le cas concret, les faits allégués par l’appelant dans la partie B de sa requête d’effet
suspensif constituent manifestement des faits nouveaux. En effet, ce n’est qu’après la phase
d’instruction préliminaire et l’ordonnance du Président de la Chambre d’appel du 25 juillet
2005, que les joueurs K. et N. ont informé l’AS Roma de leur intention de quitter le club à
défaut d’être enregistrés par la Fédération italienne de Football avant le 8 août 2005. La FIFA,
invitée à se déterminer sur la requête de l’appelant, n’a pas contesté ces faits.
14.
En effet, si dans sa première requête, le club indiquait déjà, mais sans plus de précisions, qu’il
avait conclu des contrats avec des joueurs et que ceux-ci devaient commencer à s’entraîner
avec le reste des effectifs du club, celui-ci n’avait en revanche pas encore été informé
verbalement par les joueurs K. et N. de leur intention de quitter le club dans l’hypothèse où la
sanction n’était pas levée provisoirement avant le 8 août 2005.
15.
De même, ceux-ci ont informé officiellement l’AS Roma pour la première fois le 25 juillet
2005 qu’ils se réservaient le droit d’intenter des actions judiciaires à son encontre pour
inexécution de leur contrat. Les deux attestations établies par les joueurs et produites par
l’appelant sont ainsi des pièces nouvelles déterminantes.
16.
Enfin, la demande d’intervention de la Ligue Professionnelle de Football Italienne, envoyée le
18 juillet 2005 au greffe du TAS constitue également une pièce nouvelle à prendre en
considération. En effet s’il est vrai que cette pièce avait été envoyée avant la notification de
l’ordonnance du Président de la Chambre d’appel, elle n’avait pu être examinée dans la
première procédure, la décision étant déjà prise et le dispositif communiqué aux parties.
17.
En revanche, faute d’avoir été exposé clairement, l’argument esquissé de la question de
l’impartialité de la formation ayant rendu la sentence dans la première affaire (TAS
2004/A/708/709/713) ne sera pas retenu comme fait nouveau puisque l’AS Roma ne dit pas
en quoi il y aurait problème ni quelles en seraient les conséquences, ni enfin ce qui serait
entrepris à ce sujet.
3
HOHL F., Procédure civile, Tome II, Berne 2002, p. 277
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AS Roma c. FIFA,
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Influence de ces faits nouveaux sur les critères relatifs à l'octroi de l'effet suspensif
18.
La jurisprudence du TAS a défini trois critères pour examiner s’il se justifie ou non de surseoir
provisoirement à l’exécution immédiate d’une sanction. A teneur de cette jurisprudence “pour
décider de l'octroi d’une telle mesure, il convient de prendre en considération le risque de dommage irréparable
qu'encourt le demandeur, les chances de succès de la demande au fond et l'importance des intérêts du demandeur
par comparaison à ceux du défendeur” (ordonnance du 2.11.98, TAS 98/214).
19.
Les trois critères dégagés par la jurisprudence du TAS sont largement inspirés des conditions
relatives à l’octroi de mesures provisionnelles au niveau fédéral.
20.
A titre d’exemple, dans le cadre d’un recours de droit public au Tribunal Fédéral, l’art. 94 OJ
autorise le président du Tribunal, après avoir reçu l’acte de recours et à la demande d’une des
parties, d’ordonner des mesures provisionnelles nécessaires au maintien de l’état de fait ou à la
sauvegarde des intérêts compromis. Parmi les mesures provisionnelles qui peuvent être
ordonnées, figure l’octroi de l’effet suspensif, qui empêche une décision de déployer ses effets.
Il a pour finalité de maintenir l’état existant avant la décision et ce, en principe, jusqu’à la
décision sur recours. L’octroi de l’effet suspensif dans un recours de droit public au Tribunal
Fédéral est commandé par deux considérations. D’une part, il faut que le recours ne soit pas
d’emblée et à l’évidence dépourvu de chances de succès et, d’autre part, il faut que l’intérêt
privé à l’inexécution de la décision l’emporte, dans la pesée des intérêts opposés, sur l’intérêt
public et l’intérêt privé de tiers à l’exécution de la décision4. L’on y retrouve ainsi les critères
des chances de succès et de pesée des intérêts en présence, retenus par la jurisprudence du
TAS pour l’examen de l’effet suspensif.
21.
En outre, la loi de procédure civile fédérale connaît également la procédure dite de mesures
provisionnelles et la réglemente de manière générale et non spécialement en rapport avec un
domaine précis du droit ou une action particulière5. Aussi, selon l’article 79 al. 1 let. b PCF, le
juge peut ordonner des mesures provisionnelles pour écarter la menace d’un dommage
difficile à réparer, notamment le dommage résultant de la modification, avant l’introduction de
la demande ou en cours d’instance, de l’état de choses existant. L’on retrouve cette fois la
notion de menace de dommage à laquelle fait référence la jurisprudence du TAS.
22.
S’agissant du pouvoir de cognition du juge dans le cadre de mesures conservatoires (art. 79 ss
PCF), la doctrine stipule qu’en raison de l’urgence, la cognition est limitée à la vraisemblance
des faits, à l’examen sommaire du droit et à la pesée des intérêts en présence. Il est ainsi admis
que les conditions de la mesure conservatoire n’ont pas à être prouvées de manière absolue, le
requérant devant les rendre vraisemblables ou plausibles6. Un examen sommaire fondé sur la
vraisemblance est ainsi suffisant.
Il conviendra ainsi, en tant que de besoin, de s’inspirer de ces règles fédérales à titre supplétif.
KNAPP B., Cours de droit administratif, Bâle 1994, p. 182
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6 HOHL F., Procédure civile, Tome II, Berne 2002, p. 235
4
5
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ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
A.
Risque d'un dommage irréparable
23.
Selon la jurisprudence du Tribunal Fédéral, constitue un préjudice irréparable celui qu’une
décision finale, même favorable au recourant, ne ferait pas disparaître complètement7.
24.
En outre, selon la doctrine relative à l’art. 79 PCF: “La mesure conservatoire doit empêcher la
survenance d’un dommage, qui serait difficile à réparer si elle n’était pas ordonnée immédiatement”8.
25.
En l’espèce, l’existence d’un dommage irréparable doit être appréciée au regard des faits
nouveaux dont se prévaut le club dans sa nouvelle requête d’effet suspensif, notamment la
déclaration des joueurs K. et N. de leur intention de rompre leur contrat et partant de quitter
le club s’ils ne sont pas enregistrés auprès de la Fédération italienne de Football avant le 8 août
2005.
26.
Le risque d’un préjudice irréparable doit manifestement être admis dans le cas particulier
compte tenu du fait que si l’on exigeait de l’AS Roma qu’elle attende le résultat au fond de la
Formation, cette dernière aurait perdu les deux joueurs N. et K., et ceci même si la décision au
fond lui était favorable. La perte de ces deux joueurs est en effet susceptible de causer un
dommage irréparable au club en raison notamment de la difficulté à quantifier, d’une part,
l’éventuelle baisse du niveau de l’équipe privée des deux joueurs précités (aspect sportif) et,
d’autre part, la perte de l’éventuelle plus-value que le club pourrait réaliser lors de la vente
éventuelle de ces joueurs ultérieurement (aspect économique).
Par ailleurs, alors qu’une décision au fond aurait normalement pu être rendue par la
Formation dans un délai permettant à l’AS Roma et aux deux joueurs de redevenir actifs sur le
marché des transferts avant la fin de la période estivale (du 1er juillet au 31 août), le fait que les
joueurs aient annoncé leur intention de se départir de leur contrat avec l’AS Roma le 8 août
2005 déjà n’aurait pas permis au TAS de statuer à temps, à savoir avant la naissance du
dommage invoqué par l’AS Roma.
27.
En outre, il est fait mention du dommage irréparable dans la lettre de la Lega Calcio qui
constitue une pièce nouvelle, n’ayant pu être prise en considération lors du prononcé de
l’ordonnance du Président de la Chambre d’Appel du 25 juillet 2005:
“A.S. Roma, avant de recevoir la notification de la Sanction, avait déjà déposé auprès de la LNP des accords
préliminaires avec des autres clubs pour l’enregistrement (transferts) des certains nouveaux joueurs, selon les
dispositions sportives applicables a prévues par la FIGC. (…). Il est donc évident que – au moindre au plan
national – la Sanction, qui a été publié seulement le 30 juin et donc dans la période où les règles sportives
italiennes permettent la signature des accords préliminaires va avoir un impact très important pas seulement
suir la situation de l’A. S. Roma mais quand même sur le plan général de transferts nationaux réglés par la
LNP, avec un danger des dommages irréparables pour toute l’organisation des clubs professionnels affiliés à la
LNP”.
7
8
ATF 126 I 207
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TAS 2005/A/916 8
AS Roma c. FIFA,
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Cet aspect serait ainsi susceptible de causer des dommages à l’AS Roma qui pourrait se voir
opposer la responsabilité de cette situation.
28.
Quand bien même celle-ci est formulée de manière très générale, la déclaration de la LNP
mentionne un élément important: la possibilité pour les clubs italiens de passer des accords
préliminaires de transfert avec des joueurs avant l’ouverture officielle du marché des
transferts, conformément aux règles de la FIGC.
Ainsi, il s’avère que l’AS Roma avait la possibilité de passer des accords de transfert avant la
date du 1er juillet 2005. La décision de la FIFA n’ayant été communiquée au club qu’un seul
jour avant l’ouverture du marché des transferts, l’AS Roma était donc en droit de conclure des
accords avec les deux joueurs K. et N.
30.
La Formation est consciente du fait que certaines circonstances, parfaitement indépendantes
de la volonté de la FIFA et de l’AS Roma, ont pu avoir pour effet de retarder le déroulement
de la procédure disciplinaire devant la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA
(annulation d’un vol au départ de Rome le jour de l’audience). Force est de constater que, sans
cet incident, une décision aurait probablement pu être rendue par la FIFA un mois plus tôt, ce
qui aurait eu pour effet de clarifier plus vite la situation de l’AS Roma, d’empêcher ou
d’interrompre toute négociation du club en vue de transférer des joueurs en été et encore de
permettre au TAS de statuer au fond en temps utile.
30.
La possibilité d’un préjudice irréparable doit aussi être admise eu égard aux actions en
dommages-intérêts que se réservent le droit d’entreprendre les deux joueurs contre l’appelant
en cas de départ pour ce qu’ils considèrent être une rupture de leur contrat. Au même titre
que le dommage envisagé plus haut pour l’AS Roma (para. 26), le dommage susceptible d’être
causé aux joueurs par ricochet et dont la réparation pourrait être demandée à l’AS Roma est
également difficile à quantifier.
B.
Chances de succès
31.
L’appelant doit rendre vraisemblable que son appel n’est pas dépourvu de toutes chances de
succès.
32.
Comme indiqué précédemment, la Formation ne prend pas en considération ce qui a été
exposé de manière très vague par l’appelant concernant la sentence rendue le 11 mars 2005
(TAS 2004/A/708/709/713) et ne peut ainsi procéder à une appréciation de la question des
chances de succès sur une telle base.
33.
En revanche, la Formation ne peut ignorer l’existence d’une deuxième procédure actuellement
pendante devant le TAS concernant la décision de la Chambre de Résolution des litiges de la
FIFA du 13 mai 2005 condamnant conjointement et solidairement Philippe Mexès et l’AS
TAS 2005/A/916 9
AS Roma c. FIFA,
ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
Roma à payer EUR 8'000'000 à l’AJ Auxerre et trouvant son origine dans le même complexe
de faits que la présente cause.
34.
Une bonne et saine administration de la Justice doit conduire dans ce contexte à une prudence
particulière s’agissant de l’analyse préliminaire de la question des chances de succès car il
conviendrait, pour cela, de disposer d’une première vision de ces deux procédures, ce qui, à
l’heure actuelle, n’est pas encore le cas.
35.
De plus, il est constaté que, pour des questions liées au simple déroulement des procédures, il
n’est pas possible de disposer de tous les éléments encore en août 2005.
36.
Ces deux affaires pouvant toutefois être instruites et jugées rapidement, soit avant la
prochaine période de transferts, la Formation considère qu’il est préférable de ne pas émettre
d’opinion préalable sur les chances de succès sans avoir en mains tous les éléments permettant
de le faire avec la sécurité juridique suffisante.
37.
Il convient ainsi de considérer à ce stade, que l’appel de l’AS Roma n’est pas dépourvu de
toutes chances de succès.
C.
Intérêt prépondérant
38.
Selon la doctrine relative aux mesures provisionnelles prévues par la PCF:
“Le juge doit aussi procéder à la pesée des intérêts en présence, c’est-à-dire à l’appréciation des désavantages
respectifs, pour le requérant ou pour le défendeur, selon que la mesure requise est ordonnée ou refusée.
L’examen du droit et la pesée des intérêts ne s’excluent pas: le juge doit pondérer le droit présumé du requérant
à la mesure conservatoire avec les conséquences irréparables que celle-ci peut entrainer pour le défendeur”9.
39.
En l’espèce, au vu des faits nouveaux et des pièces nouvelles soumis à la Formation, le risque
de dommage irréparable causé à l’AS Roma apparaît désormais comme prépondérant par
rapport à l’intérêt de la FIFA d’obtenir l’exécution immédiate de la sanction et justifie une
décision de sursis à l’exécution de la décision attaquée.
40.
En conclusion, l’AS Roma a rendu vraisemblable dans sa nouvelle requête d’effet suspensif
l’existence d’un dommage pouvant être irréparable que lui causerait l’exécution immédiate de
la sanction de la Chambre de Résolution des litiges du 23 juin 2005. Aussi, la Formation
considère que les intérêts des parties sont sauvegardés par une mesure de suspension de
l’interdiction de recrutement durant deux périodes de transfert, jusqu’à droit jugé sur le fond
du litige. Si la décision de la FIFA devait être confirmée ultérieurement, elle déploierait à
nouveau toute sa force et ses effets.
9
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TAS 2005/A/916 10
AS Roma c. FIFA,
ordonnance sur requête d'effet suspensif du 23 août 2005
Le Tribunal Arbitral du Sport, statuant à huis clos et par voie de mesure urgente:
1.
Accorde l’effet suspensif demandé par l’AS Roma le 29 juillet 2005 portant sur la décision de
la FIFA du 23 juin 2005.
2.
(…).

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