PYT, Kent, Randy Bachman, Ange, La playlist de

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PYT, Kent, Randy Bachman, Ange, La playlist de
SAMEDI 30 MAI 2015 LE JOURNAL DU JURA
RIFFS HIFI 13
PYT Le Prévôtois vernit «Mon grand amer», ce soir, au Café du Soleil, à Saignelégier
Le défi de l’immédiateté élaborée
LAURENT KLEISL
Il évolue, Pierre-Yves Theurillat. Du rock prog classique de
feu Galaad au projet mené sous
son nom d’artiste, PyT poursuit
sa mue. Sorti cette semaine,
«Mon grand amer» marque une
nouvelle étape sonore et textuelle. De «Carnet d’un visage de
pluie», le prédécesseur, il reste la
musicalité, l’envie de proposer
du rock mélodique et fourni. La
nouvelle œuvre offre une sorte
de continuité dans l’innovation.
«On voulait quitter le mid-tempo,
sonner plus rock, plus pêchu», admet le Prévôtois.
Cette immédiateté non singée,
qui s’exprime dans des formats
plus courts, naît de l’expérience
scénique de l’album précédent.
«C’est un bon disque, mais en live,
il manque de fraîcheur», admet
Sébastien Froidevaux, compositeur-guitariste dont la six-cordes
a jadis façonné Galaad. «Il y
avait un décalage entre le studio et
les concerts. ‹Mon grand amer› est
davantage écrit pour la scène, il est
le produit de la perception un peu
molle de ‹Carnet d’un visage de
pluie›. On veut faire bouger les
gens avec des tempos plus dynamiques, certains nouveaux titres vont
tout droit, n’ont aucune fioriture.
Plus les ficelles sont grosses, plus
ça passe à la radio!» Il précise:
«Même avec une construction
plus légère, on propose toujours de
la musique élaborée».
Avec le batteur de Coroner
Une piste, entêtante dès la première écoute, s’érige en symbole. «Dingue de toi» est frais,
entraînant. Poppy, c’est le terme
approprié. «Avec ce type de morceau, on espère toucher tout un
chacun», note PyT. Qui navigue
loin du quai, du rock prog de ses
jeunes années à la capillarité si
dense. «Nous sommes dans un
état d’esprit qui nous libère de
quelque chose», reprend-il. «Au
début des années 90 avec Galaad,
on composait à cinq sur un pied
KENT
Un coffret magique contenant ses 14 albums studio
Depuis qu’il a quitté Starshooter, Kent a pondu la bagatelle de 14
albums studio. Au-delà des hauts et des bas, celui qui offrit tant de
concerts mémorables à Tavannes et Tramelan connaît aujourd’hui la
situation difficile des gens de talent snobés par les TV et les médias
en général. Parce que trop imprévisible? Comme tant d’artistes, Kent
produit désormais ses albums à compte d’auteur, si l’on peut dire. Et
puis, ce miracle! Le grand label Universal vient de sortir le coffret
intégral de ses 14 albums solo et studio. Une pure merveille, d’autant
plus que la majorité des disques originaux sont enrichis de bonus. Oui,
que de chemin parcouru depuis «Amours propres» jusqu’au
magnifique petit dernier, «Le temps des âmes». Et comme un miracle
n’arrive jamais seul, Universal offre un 15e CD intitulé explicitement
«Démos et merveilles». Forcément, certains parmi vous demanderont
le prix de ce bijou. Bon, comme les magasins de disques sont morts,
on s’en est allé tout droit chez cede.ch, qui fourgue ces 15 (!) CD pour
49 fr. 90. Serait-on chez les charismatiques? Vite, signalons encore le
dernier livre de l’intéressé, «Dans la tête d’un chanteur» (Castor astral).
RANDY BACHMAN
Presque encore mieux que les Guess Who
Sébastien Froidevaux, Laurent Pétermann, Steve Fleury, Stéphane Froidevaux et Jean-Luc Froidevaux (de gauche
à droite) ébranlés par le sumo PyT, selon sa propre formulation. Une fine équipe à voir ce soir en live. LDD
d’égalité. Nous étions confinés à
un style, au rock progressif. Là, on
est Sébastien et moi. On s’est
échangé des fichiers par ordinateur, un processus simplifié par
rapport à l’interminable jeu relationnel à l’interne d’un groupe.»
« Plus les
●
ficelles sont
grosses, plus
ça passe à la
radio!»
SÉBASTIEN FROIDEVAUX
COMPOSITEUR-GUITARISTE
La production du Delémontain
Carryl Montini, déjà aux manettes sur «Carnet d’un visage de
pluie», passe également à l’échelon supérieur. Serait-ce un des
bienfaits du boulot de Diego Rapacchietti derrière les fûts? Loin
des canons de la pop-rock émotionnelle de PyT, le Jurassien gagne en partie sa croûte comme
PIERRE-YVES THEURILLAT EN SIX ÉTAPES
«Premier février», Galaad (1992)
Le jet originel de cinq gars encore chevelus. La naïveté rafraîchissante des
débuts desservie par une production fragile. De belles notes, de beaux
mots. Et des maux, ceux du rock progressif pur et dur version clichés.
«Vae Victis», Galaad (1995)
Un chef-d’œuvre, un monument encensé par la presse spécialisée.
L’avènement d’un nouveau genre, parfaite fusion entre prog, metal et
pop-rock léchée. «Vae Victis» est vénéré aujourd’hui encore. Un album
culte, ici et ailleurs. D’un succès d’estime à la séparation de Galaad.
«Confidences de mouche», L’Escouade (2010)
Le retour de Pierre-Yves Theurillat après des années de galère. Une
œuvre tout en toucher, en douceur acoustique, en légèreté. Un brin
inégael. Une parenthèse récréative qui comprend le merveilleux «Bibi»,
un des plus somptueux fragments de «pytographie».
«Carnet d’un visage de pluie», PyT (2013)
Pierre-Yves Theurillat assume. Le barde prévôtois mène sa barque
accompagné d’une poignée d’anciens de Galaad, dont le guitaristecompositeur Sébastien Froidevaux. PyT scribouille, «Séba» grattouille.
PyT et «Séba», «Séba» et PyT. Pour un résultat splendide, du rock
mélodique teinté de prog. Un petit bijou quoiqu’un peu mou du genou.
«PyT passe par le SAS», PyT (DVD live, 2013)
Immortalisation en son, en images et en public d’une résidence au SAS,
la salle delémontaine, agrémentée
d’un sympathique «making of» et
d’une interview de PyT, entre brisures
et confidences.
«Mon grand amer», PyT (2015)
PyT et «Séba», acte II. Digne successeur
de «Carnet d’un visage de pluie», le
punch et l’immédiateté en plus. Vingt
titres, pour un concept album qui n’en
est pas un, servis par une production
aux petits oignons. J’achète! LK
batteur de Coroner, le cultissime
groupe de metal. «Sa présence
sur ce disque est une question
d’amitié, de confiance», dit PyT.
Un concept qui s’ignore
Le pilonnage tout en nuances
de Rapacchietti défriche de nouveaux espaces, nourrissant l’immédiateté recherchée. «Sébastien a composé en s’appuyant sur
une rythmique électronique; Diego
a transcendé la machine», s’envole
PyT.«Ilaamenésonsavoir-faire,la
puissance phénoménale de son jeu.
Même dans les parties plus intimistes, il place la barre très haut. Il y
met toute son âme, il s’implique totalement.» Batteur de toujours du
barde prévôtois, Laurent Pétermann a été mis sur la touche.
Ecarté, le copain. Rude. «Laurent
était complètement d’accord avec
ce choix», explique Froidevaux,
qui a enregistré ses parties (guitare, basse, clavier) chez lui, sur
Fribourg. «Laurent est davantage
un batteur de scène que de studio.
D’ailleurs, c’est toujours lui qui assure la batterie en concert.»
Textuellement parlant, PyT a
profité d’une résidence au Panto-
graphe de Moutier, entre juin et
septembre dernier, pour pondre
sans relâche. Une vieille piaule
au capharnaüm joliment organisé, sa plume, son âme et du papier maculé d’encre. «C’est là que
j’aiécritunebonnepartiedestextes.
J’ai également pioché dans d’autres
paroles que j’avais en stock», dit-il.
«Il y a souvent une dimension d’exploration dans ce que j’écris. Cette
fois, je suis à mi-chemin.»
Un étrange sentiment de liaison émane de ses mots, comme
si «Mon grand amer» était son
grand tout, dans la lignée des
concept-albums qui imprègnent
l’histoire du rock. «Il n’y a pas de
thème préétabli, mais c’est un concept dans l’attitude, par des paroles
posées sur des réflexions, des intervalles d’existence, des carnets intimes. Avec sa musique, Sébastien y
apporte ses propres vibrations.
C’est la vie vue à travers deux sensibilités.» La belle vie. +
INFO
«Mon grand amer», PyT
Disponible sur www.pyt.cn.com, sur
builtbyfrance.com ainsi qu’en concert.
Vernissage ce soir, dès 21h, au Café
du Soleil à Saignelégier.
Amer et contre tous
INVESTISSEMENT «Mon grand amer». Amer? Sébastien
Froidevaux l’est. Beaucoup même. «De l’amertume, oui, mais je
suis surtout réaliste», coupe le guitariste-compositeur. Réaliste, et froidement. Aussi belle soit-elle, la deuxième galette de
PyT est vouée aux oubliettes. «Ce disque est à peine sorti qu’il va
disparaître», soupire «Séba». «Plus que de l’amertume, je ressens de la frustration. C’est même à se tirer des balles! Si Alain
Souchon ou Laurent Voulzy chantait ‹Dingue de toi›, l’accès aux
radios serait bien différent. Dans ‹Carnet d’un visage de pluie›, un
morceau comme ‹Des temps inoubliables› avait du potentiel.
Mais il était trop prog, trop élaboré pour les radios. Imaginez, il y
a même un solo de guitare!» Un solo? Mais quelle horreur!
La famille, les gamins, le boulot et la musique, cette grande
sœurenvahissantequidemandetempsetargent.«Sortirundisque de nos jours, cela prend de l’énergie. C’est un tel investissement... Il faut avoir l’envie et la passion.» Et quelques deniers.
Pour les 77 minutes et 43 secondes de «Mon grand amer», on
tape allègrement dans les 20 000 fr. «La technique actuelle permet d’enregistrer plus facilement», tempère Froidevaux. «Corollaire, tout le monde sort des disques! Il y a tant de groupes, tant de
productions, que la musique n’a plus aucune valeur. Sur Facebook, tout le monde nous aime mais personne n’achète. Les musiciens doivent donner toujours plus pour ne rien recevoir.»
Le monde a changé, la musique aussi. Le disque en tant
qu’objet n’existe plus, sauf dans son versant classieux matérialisé par la renaissance du vinyl. Le splendide livret de «Mon
grand amer» en format double 33 tours? «Une belle idée, mais
on finance comment?», assène-t-il. Amer, Sébastien? «Oui,
mais cela reste fantastique de voir mes compositions jouées sur
scène par des musiciens. Je me réjouis pour samedi soir!» LK
C’est une saga rock que les moins de – disons – 50 ans ne
connaissent pas forcément. Celle des Canadiens de Guess Who (clin
d’œil au gang anglais), fous des Cream, de Led Zep et des Qui. A leur
tête sévissait un certain Randy Bachman. Le temps de faire
d’«American woman» un tube planétaire et ce gars s’en allait fonder
Bachman-Turner Overdrive. Aujourd’hui, le vieux loup de 71 balais rugit
en solitaire. «Heavy Blues», son nouvel opus, s’inspire toujours autant
des Who et de Led Zep. La preuve? Ce guitariste à la Townshend s’est
offert les services de deux «gamines» de 20 ans, la batteuse Dale
Anne Brendon, qui ressuscite à la fois Keith Moon et John Bonham, et
la bassiste Anna Ruddick parce qu’elle arborait un T-shirt de John
Entiwistle, nommé bassiste du millénaire. Résultat? C’est sauvage,
rude, sans fioritures. Et le rusé Bachman a fait appel à quelques amis
gratteurs. Style Joe Bonamassa, Neil Young, Peter Frampton et même
le défunt Jeff Healey par bandes interposées. Long live (blues) rock!
ANGE
Emile Jacotey ressuscité une troisième fois
Album d’Ange le plus vendu (Disque d’or & Fils), «Emile Jacotey», paru
en 1975, s’inspirait des histoires d’un vieux maréchal-ferrant devenu
grâce au groupe plus célèbre que l’abbé Pierre. L’an dernier, Ange avait
choisi de publier «Emile Jacotey Résurrection», avec de (bien) meilleurs
arrangements et quatre nouveaux morceaux. Une perle. Cette année,
pour enfoncer le clou, le gang de Christian et Tristan Décamps propose
«Emile Jacotey Résurrection live», un double CD et un DVD
enregistrés/filmés à Saint-Bresson. On y était. Une pure merveille de la
part de ceux qui demeurent le meilleur groupe français, tant pour
l’originalité que pour la qualité des musiciens. Qui s’en soucie? Ils ne
seront évidemment pas au Chant du Gros... PIERRE-ALAIN BRENZIKOFER
LA PLAYLIST DE...
Michael Bassin
[email protected]
ANGUS & JULIA STONE «Angus & Julia Stone» (2014)
Jusqu’en 2010, ces deux Anglo-Saxons ne nous disaient absolument
rien. C’était jusqu’à la sortie de «Big Jet Plane», douce chanson qui a
certainement trotté dans la tête de tous ceux qui ont vu Les Emotifs
anonymes. Depuis, on a subrepticement suivi l’actualité d’Angus (le
frère) et de Julia (la sœur) Stone. Jusqu’à constater que le duo s’était
reformé sous la houlette du producteur Rick Rubin pour un nouvel
album en 2014. Une voix envoûtante et un univers typé.
FRANCIS CABREL «In Extremis» (2015)
Les chansons de Francis, on les aimait, on les aime et on les aimera.
Donc comment ne pas apprécier les douze titres de «In Extremis »? Et
on les déguste puisqu’il a fallu attendre sept ans! Sur notre playlist
depuis peu, on les avale gorgée par gorgée avec le plaisir de se rendre
compte que chaque titre se bonifie au fil des passages. Avec une
attention particulière pour «Dans chaque cœur».
30 SECONDS TO MARS «This is War» (2009)
Emmené par Jared Leto, le groupe de rock alternatif voyage dans un
univers (musical et vidéo) déjanté, collectionnant quelques bizarreries
(300 dates de concert pour une tournée, un single envoyé dans
l’espace par la NASA…) Avec des morceaux décapants, «This is War»
figure en bonne position sur notre mp3 lorsqu’on l’emmène prendre
l’air pour un footing nerveux.
LA BANDE À RENAUD «Volumes 1&2» (2014)
Le principe est simple: une brochette d’artistes (Jean-Louis Aubert,
Nicola Sirkis, Arno, Cœur de Pirate...) s’approprient les meilleurs titres
de l’un des plus emblématiques auteurs-compositeurs français encore
parmi nous. L’auteur des originaux, lui, il donne son aval. Sacrilège?
Opération commerciale? Peut-être. Mais la Bande à Renaud est
distrayante et dépaysante. En espérant toutefois que mes enfants ne
me diront jamais que Louane a inventé «La Mère à Titi»...