Champ d`action du droit de la concurrence
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Champ d`action du droit de la concurrence
NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 1 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP Olivier Guézou III.133 MOTS CLÉS III.133.1 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE Champ d’action du droit de la concurrence et marchés publics Droit de la concurrence – Applicabilité – Opposabilité – Principe de liberté de la concurrence – Demandeur final – Demandeur intermédiaire – Autorité publique – Organisation du service public – Domaine public CE QU’IL FAUT RETENIR ■ TEXTES CODIFIÉS ■ TEXTES NON CODIFIÉS ■ Le droit de la concurrence est directement applicable aux entités qui exercent une activité économique. Ce critère, assez naturellement rempli pour les entreprises candidates ou cocontractantes dans les marchés publics, ne le sera que par exception pour les acheteurs publics. ■ Toutefois, le mécanisme de l’opposabilité du droit de la concurrence permet tout de même de saisir leurs actes et comportements lorsqu’ils favorisent ou imposent, avalisent ou renforcent des pratiques anticoncurrentielles d’entreprises. ■ Enfin, au-delà du droit écrit de la concurrence, la jurisprudence fait également appel à un principe de liberté de la concurrence qui dépasse le strict cadre des pratiques anticoncurrentielles et permet potentiellement de saisir toutes les atteintes au bon fonctionnement des mécanismes du marché. Code commerce – Art. L. 410-1 Articles 81 et 82 CE ■ Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, article 53 ■ Loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public, article 6 ■ III.133.1 1 | Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques Trois degrés Cœur de cible : l’applicabilité La question du champ d’application du droit de la concurrence a soulevé, et soulève encore, un certain nombre d’incertitudes résultant notamment de la confusion entretenue dans certaines décisions entre applicabilité du droit de la concurrence et compétence juridictionnelle. Cette confusion est désormais assez largement levée notamment grâce à la décision du Tribunal des conflits en date du 18 octobre 1999 (cf. TC 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/ TAT European Airlines, concl. R. Schwartz, CJEG 2000, p. 18 ; AJDA 2000, p. 1030, note M. Bazex ; LPA 27 avril 2000, note A. Guedj ; D. aff. 2000, n° 28, p. 607, note A. Louvaris ; LPA 21 juillet 2000, note G. Mathieu). Désormais, il est admis qu’un raisonnement en deux temps séparés doit être suivi. Il faut d’abord se prononcer sur la question de l’applicabilité du droit de la concurrence au regard du critère de l’activité économique, puis, si cette applicabilité est retenue, il convient de déterminer qui est compétent pour mettre en œuvre ce droit. Concrètement, le droit de la concurrence est directement applicable aux actes et comportements qui relèvent d’une activité purement économique (voir Point-clé III.133.2). Dans cette hypothèse, le recours est dirigé contre l’auteur de la pratique anticoncurrentielle ou les actes qui la constituent. Principaux cas d’application dans les marchés publics : les ententes entre entreprises candidates. Jurisprudence – TC 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/ TAT European Airlines, concl. Rémy Schwartz, CJEG 2000, p. 18 ; AJDA 2000, p. 1030, note M. Bazex ; LPA 27 avril 2000, note A. Guedj ; D. aff. 2000, n° 28, p. 607, note A. Louvaris ; LPA 21 juillet 2000, note G. Mathieu : « en ce qui concerne les pratiques [anticoncurrentielles]… 1 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 2 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.1 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE qui sont en réalité indissociables » des décisions qui « constituent l’usage de prérogatives de puissance publique », seul le juge administratif est compétent. En revanche, lorsque les pratiques « sont détachables de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif », les autorités spéciales de la concurrence peuvent intervenir. – Cons. concurrence, déc. n° 04-D-79 du 23 décembre 2004 BOCCRF 31 mars 2005 : « selon la jurisprudence du Tribunal des conflits (arrêt ADP du 18 octobre 1999) et de la Cour de cassation (arrêt Semmaris du 16 mai 2000), les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique, même si ces décisions sont constitutives d’actes de production, de distribution ou de service au sens de l’article L. 410-1 du Code de commerce, ne relèvent pas de la compétence du Conseil de la concurrence ; qu’il en est de même des pratiques qui sont indissociables de ces décisions » – CE Section 26 mars 1999, Sté Eda, Rec. CE, p. 96, concl. J.-H. Stahl ; AJDA 1999, p. 427, M. Bazex ; RDP 1999, p. 1545, S. Manson ; D. 2000, p. 204, J.-P. Markus ; RFDA 1999, p. 977, D. Pouyaud – Cass. com. 19 novembre 2002, pourvoi n° 01-02-546, BOCCRF 29 septembre 2003 – Cass. Com. 23 juin 2004, BOCCRF 9 décembre 2004 – Cons. concurrence, avis n° 04-A-19 du 21 octobre 2004, BOCCRF (à paraître), RLC 2005, n° 2-145, M. Bazex et S. Blazy. – Pratique non détachable de l’acte administratif, immunité devant les autorités spéciales de la concurrence : cf. Cons. concurrence, déc. n° 03-D-27 du 4 juin 2003, BOCCRF 8 octobre 2003, conf. par CA Paris 24 février 2004, BOCCRF 4 mai 2004 – Cons. concurrence, déc. n° 03-D-33 du 3 juillet 2003, BOCCRF 8 octobre 2003 – Cons. concurrence, 04-A-06, 16 avril 2004, BOCCRF 6 septembre 2004, RLC 2005, n° 1-48, obs. M. Bazex et S. Blazy – Cons. concurrence, 05-D-02, 31 janvier 2005, BOCCRF (à paraître). – Pratique détachable de l’acte administratif, compétence pleine et entière des autorités spéciales de la concurrence : cf. Cass. com. 7 janvier 2004, pourvoi 00-12.451, Bull. civ. IV, n° 5, BOCCRF 14 avril 2004, p. 299, AJDA 2004, p. 851, N. Charbit – Cass. com. 23 juin 2004, BOCCRF 9 décembre 2004 – Cons. concurrence, déc. 04-D-79 du 23 décembre 2004, BOCCRF 31 mars 2005 : « les pratiques commerciales [de la régie]… sont détachables des actes par lesquels le département et la régie organisent le service public au moyen de prérogatives de puissance publique ». – Pratique détachable des actes administratifs et de droit privé relevant des juridictions administratives et judiciaires, compétence des autorités spéciales de la concurrence : CA Paris 2 juillet 2003, BOCCRF 29 septembre 2003. – Sur le partage des fonctions entre les autorités spéciales de la concurrence et les juridictions, cf. CA Paris 30 mars 2004, BOCCRF 15 juin 2004 : « Mais considérant que le Conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante, exerce dans l’intérêt général une mission de consultation et de contrôle portant sur les activités de production, de distribution ou de services y compris celles qui sont le fait de personnes publiques notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public et peut prononcer, sous le contrôle de la cour d’appel de Paris, des sanctions pécuniaires lorsqu’il constate des pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de la compétence parallèlement reconnue aux juridictions judiciaires de droit commun et comme en l’espèce aux juridictions administratives, qui seules ont le pouvoir d’annuler le contrat ou l’acte constitutif d’une pratique anticoncurrentielle, et d’allouer le cas échéant des dommages intérêts en réparation des dommages résultant de ces pratiques ». – Applicabilité du droit de la concurrence, compétence et responsabilité : cf. Cass. 1re civ., 29 septembre 2004, pourvoi 02-18.335, Bull. 2004, tome I, n° 219 p. 183 ; Dr. adm, février 2005, p. 14, M. Bazex et S. Blazy ; AJDA 27 juin 2005, p. 1348, P.-A. Jeanneney et L. Ayache ; AJDA 6 décembre 2004, p. 2309, N. Charbit : « le refus de conclure de tels contrats [administratifs] relève de la même compétence juridictionnelle que leur conclusion ou leur exécution », alors même qu’est invoquée la responsabilité délictuelle de l’entreprise qui a prononcé ce refus. 2 | 2e cercle : l’opposabilité Le champ d’action du droit de la concurrence ressemble désormais à une cible composée de cercles concentriques. Le deuxième cercle comprend les actes qui ne relèvent pas directement d’une activité économique mais qui induisent ou avalisent une pratique anticoncurrentielle d’entreprises exerçant une telle activité. Le droit de la concurrence leur est alors opposable, le recours étant dirigé contre un tiers (il n’est pas directement l’auteur de la pratique anticoncurrentielle invoquée) dont les actes ou les comportements ont été à l’origine ou ont renforcé ladite pratique anticoncurrentielle (voir Point-clé III.133.3). Principaux cas d’application dans les marchés publics : l’acheteur public qui organise l’entente entre les entreprises pour simuler la concurrence ou qui choisit l’entreprise prédésignée par une entente qu’il ne peut ignorer. 3 | 3e cercle : le principe général Alors que dans les deux premiers cercles, le droit écrit des pratiques anticoncurrentielles est directement applicable ou opposable, le troisième cercle s’affranchit de ce droit écrit pour s’appuyer sur un principe général de liberté de la concurrence (voir Point-clé III.133.4). Le comportement ou l’acte attaqué porte alors atteinte à la concurrence tout en n’étant constitutif ni d’une entente ni d’un abus de domination. Principaux cas d’application dans les marchés publics : les violations, notamment par l’acheteur public, des conditions tenant à l’autonomie et à la liberté d’accès des entreprises ainsi qu’à l’incertitude qui doit être maintenue entre elles. Bibliographie – Avant 1997 : D. Linotte, Le droit public de la concurrence, AJDA 1984, p. 60 – L. Richer, L’interprétation de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, CJEG 1991, p. 175 – J.-L. Autin, Personnes publiques et concurrence, JCP éd. E. Cahiers du droit de l’entreprise, n° 3, 1994, p. 2 – R. Drago, L’application du droit de la concurrence à un service de l’Etat, note sous CA Paris 18 mars 1993, Sté du Journal téléphoné, RFDA 1994, p. 80 – G. Lhuilier, Le critère jurisprudentiel d’application du droit de la concurrence, RTD com. 1994.645 – O. Guézou, Première application par le juge administratif de la jurisprudence « Ville de Pamiers », LPA 8 juillet 1994, p. 15 2 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 3 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS III.133.1 LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE – J.-J. Israël, L’application de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, Dr. adm. août-septembre 1994, p. 1 – M. Bazex, Droit de la concurrence et personnes publiques, Gaz. pal. 30 octobre 1994, p. 3– J.-Y. Chérot, L’article 90 § 1 du Traité CEE lu en combinaison avec l’article 86, Travaux de la CEDECE, L’entreprise dans le marché unique européen, Doc. Française, 1995, p. 152 – J.-L. Lesquins, Le droit de la concurrence et les personnes publiques, Rev. conc. cons. mars 1995, p. 39 – D. Berlin, Les actes de la puissance publique et le droit de la concurrence, AJDA 1995.259 – J.-C. Grall, L’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 (de la recevabilité de la saisine du Conseil de la concurrence), LPA 30 juin 1995, p. 10 – M.-A. FrisonRoche, Le poids des idées dans la répartition des compétences entre juges judiciaire et administratif en matière de concurrence au regard de la loi du 8 février 1995, Gaz. pal. 30 juin et 1er juillet 1995, p. 3 – G. Mathieu, L’application du droit de la concurrence aux personnes publiques, D. 1995, chr. p. 27 – L. Idot, Nouvelle invasion ou confirmation du domaine du droit de la concurrence ? A propos de quelques développements récents..., Europe, janvier 1996, p. 1 – Y. Gaudemet, Conflit de compétence et droit de la concurrence. Sur une équivoque, Mélanges Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 121 – D. Triantafyllou, Les règles de la concurrence et l’activité étatique y compris les marchés publics, RTDE 1996.57 – J. Leonnet, Application des règles du droit de la concurrence aux personnes publiques, rapport Cour cass. pour 1996, p. 157. – 1997-1999 : B. Stirn, Droit public et droit de la concurrence, Mélanges Champaud, Dalloz 1997, p. 555 – S. Blazy, Les actes normatifs des autorités publiques et les règles de concurrence, Gaz. pal. 12 février 1997, n° spéc, p. 49 – J.-M. Thouvenin, Personnes publiques, personnes privées investies d’une mission de service public et droit de la concurrence, 1997, D. aff., n° 11, chr., p. 331 – M. Bazex, La polysémie de l’article 53, Rev. conc. cons. mars 1997, p. 38 – J.-L. Lesquins, L’article 53 : l’approche matérielle, Rev. conc. cons. mars 1997, p. 44 – D. Berlin, L’article 53 de l’ordonnance n° 86-1243 : vrais problèmes-fausses solutions, Rev. conc. cons. mars 1997, p. 52 – J. Biancarelli, L’approche communautaire : mesures étatiques et comportements d’entreprises, Rev. conc. cons. mars 1997 p. 64 – S. Destours, L’application du droit interne de la concurrence aux personnes publiques par les juridictions administratives : la fin d’une énigme ?, Cah. dr. entr. 1998/2, p. 1 – O. Guézou, L’opposabilité du droit interne de la concurrence aux actes administratifs, AJDA 1998.247 – C. Bréchon-Moulènes, Choix des procédures, choix dans les procédures, AJDA 1998, p. 757 – M. Bazex, Le droit public de la concurrence, RFDA 1998, p. 781 – O. Guézou, Les comportements anticoncurrentiels dans la passation des marchés publics, Thèse Paris-X Nanterre, 1998 – M. Bazex, Les conséquences de l’introduction de la règle de concurrence dans les conventions administratives, AJDA 1999, p. 427 – F. Blum, De « Sacchi » à « Franzén » en passant par « La Crespelle » : la jurisprudence récente de l’article 90, Gaz. pal. 11-13 juillet 1999, p. 12 – G. Gonzalez, Domaine public et droit de la concurrence, AJDA 1999.387 – S. Manson, Domaine public et concurrence, RDP 1999, p. 1543. – 2000-2003 : S. Destours, La soumission des personnes publiques au droit interne de la concurrence, Litec, Bibl. dr. entr. 2000 – Ateliers de la concurrence du 29 mars 2000, Le juge administratif et le droit de la concurrence (actes en ligne sur http://www.minefi. gouv.fr/DGCCRF/02—actualite/ateliers—concu/ateliers.htm?ru=02) – Ch. Bréchon-Moulènes, La place du juge administratif dans le contentieux de la concurrence, AJDA 2000.679 – J.-Y. Chérot, Les méthodes du juge administratif dans le contentieux de la concur- rence, AJDA 2000, p. 687 – N. Charbit, Marée haute et écueils de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de concurrence, LPA 21 février 2001, p. 4 – M. Bazex, La libre concurrence, nouvelle source de l’action administrative, Gaz. pal. 25 juillet 2001, p. 3 – Rapport du Conseil d’Etat, Collectivités publiques et concurrence, Etudes et documents, n° 53, La documentation française, 2002 – N. Charbit, Le droit de la concurrence et le secteur public, L’Harmattan, 2002 – Ateliers de la concurrence du 5 juin 2002, Commande publique et concurrence (actes en ligne sur http://www.minefi. gouv.fr/DGCCRF/02—actualite/ateliers—concu/ateliers.htm?ru=02) – G. Gonzalez, Utilisations commerciales du domaine public, Droit de la concurrence, J.-Cl. Adm., Fasc. 406-22, 2002 – A. ColinGoguel, La compétence du Conseil de la concurrence face aux services publics : quelle place pour le critère de la détachabilité, Rev. conc. consom. 2002, n° 126, p. 35 – P. Pintat, La délégation de service public dans la jurisprudence du Conseil de la concurrence, CPACCP novembre 2002, p. 62 – S. Destours, La confusion des autorités de concurrence : exemple de la gestion du domaine public aéroportuaire, CP-ACCP mars 2003, p. 34 – L Gravier et R. Roux, Juge administratif et droit de la concurrence dans les contrats publics, CPACCP, mars 2003, p. 34 – O. Guézou, Droit de la concurrence et droit des marchés publics : vers une notion transversale de mise en libre concurrence, CP-ACCP mars 2003, p. 43 – S. Pignon, Concurrence – Le domaine public sous surveillance, MTP 14 mars 2003, p. 90 – P. Subra de Bieusses, Droit de la concurrence et droit du travail : A propos de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 avril 2003, AJDA 25 octobre 2003, p. 1849. – Après 2003 : J.-Y. Chérot, Nouvelles observations sur la régulation par le Conseil d’État de la concurrence entre personnes publiques et personnes privées, Mélanges Franck Moderne, D. 2004, p. 94 – N. Charbit, L’application du droit de la concurrence au domaine public : affrontement sur la voie publique ?, RTDC n° 1, janvier 2004, p. 47 – C. Denizeau, L’idée de puissance publique à l’épreuve de l’Union européenne, LGDJ, Bibliothèque de Droit public, tome 239, 2004 – G. Clamour, Intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, thèse, Montpellier I, 2004 – P. Landry, Petits retours sur le concours de compétences pour l’application des règles de concurrence sur le domaine public, Gaz. Pal. n° 312 du 7 novembre 2004, p. 3 – D. Brault, Service public et position dominante : peut-il y avoir abus ?, LPA n° 239 du 30 novembre 2004, p. 36 – D. Kélésidis, Droit de la concurrence et politique de santé : des prestations sociales aux achats publics, CPACCP décembre 2004, p 59 – A. Condomines, L’application du droit de la concurrence aux associations professionnelles, JCP Ed. Entr, n° 4 du 27 janvier 2005, p 120 – S. Nicinski, La délivrance des autorisations d’occupation du domaine public et le droit de la concurrence, AJDA 31 janvier 2005, p. 200 – S. Nicinski, Les évolutions du droit administratif de la concurrence, AJDA 2004, p. 751 – M. Picard, Concurrence, Répertoire du contentieux administratif, avril 2005, Dalloz – M. Bazex, S. Blazy et E. Berkani, Application du droit de la concurrence aux personnes publiques dans leur accès à la commande publique, RLC 2005, n° 2-57 – G. Clamour, Domaine public et droit de la concurrence : consolidation de l’édifice prétorien RLC 2005, n° 3-32 – D. Linotte, Existe-t-il un principe général du droit de la libre concurrence ? AJDA n° 28/2005, 1er août 2005, p. 1549 – P. Arhel, Le juge administratif, juge de l’application du droit national et du droit communautaire, RLC 2005, n° 3-33 – S. Destours, Attribution de marchés de travaux par une société d’économie mixte et entente illicite (à propos de Cons. concurrence, déc. n° 05-D-04 du 17 février 2005), RLC 2005, n° 3-35 – G. Clamour, 3 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 4 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.2 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE Retour sur la libre et égale concurrence entre opérateur public et opérateur privé, RLC 2005, n° 4-27 – G. Clamour, Les acheteurs publics, dans leur fonction de pouvoir adjudicateur, ne sauraient être considérés comme détenant une position dominante, RLC 2005, n° 4-31 – O. Guézou, Droit de la concurrence et contrats publics. Contentieux administratif et pratiques anticoncurrentielles, Mélanges Michel Guibal, Presses de la Faculté de Droit de Montpellier, Collection Mélanges, décembre 2005, p. 107. III.133.2 1 | Applicabilité Critère de l’activité économique Le champ d’application du droit de la concurrence est défini par la nature des activités concernées aussi bien en droit interne qu’en droit communautaire. ■ Droit interne Aux termes de l’article L. 410-1 du Code de commerce, « les règles définies au présent livre s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution ou de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public » (dernier membre de phrase ajouté par art. 6, loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public, JO 9 février ; MTP 17 février 1995, Suppl. TO, p. 304). Le critère d’applicabilité du droit de la concurrence repose donc sur une notion d’ « activités de production, de distribution ou de services » particulièrement large et qui devrait pouvoir recouper toutes les activités économiques, sans qu’il n’existe « d’immunité sectorielle » (cf. Cons. concurrence, rapport d’activités pour 2001). Le critère est donc matériel et peut être résumé par la formule « même activité, même droit ». Emerge ainsi un véritable principe de neutralité statutaire signifiant que le droit de la concurrence est applicable quel que soit le statut, public ou privé, et quelle que soit la forme de l’entreprise en cause, société, association, GIE… (cf., pour une association, Cons. concurrence, déc. n° 05-D-14 du 6 avril 2005, à paraître au BOCCRF). Ainsi, « en application de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 [L. 410-1 du Code de commerce], qui définit son champ d’application, toute entité qui, quelle que soit sa nature ou sa forme juridique, exerce une activité de production, de distribution, ou de service, est soumise aux règles édictées par ce texte » (cf. CA Paris 29 février 2000, BOCCRF 31 mars 2000). ■ Droit communautaire Il n’existe pas en droit communautaire, comme c’est le cas en droit interne, de disposition séparée relative à l’applicabilité générale du droit de la concurrence. C’est donc au sein même des articles 81 et 82 CE qu’il faut chercher leurs conditions d’applicabilité. Or ces articles visent des comportements « d’entreprises ». Dans « le contexte du droit de la concurrence, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (cf. CJCE 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, rec. I-1979, pt 21). La notion d’entreprise ne se définit donc pas en fonction du statut, de la nature publique ou privée de l’opérateur, de l’existence ou non de la personnalité juridique... La conception communautaire de l’entreprise n’est pas organique. Droit communautaire et droit interne utilisent donc le même critère matériel de l’activité économique et reposent sur le même principe de neutralité statutaire. Cependant, ces principes apparemment simples sont d’une mise en œuvre malaisée dès lors qu’un contrat public est en cause, en raison de la question de la répartition des compétences entre les autorités spéciales de la concurrence et le juge administratif (sur ce point, voir O. Guézou, Droit de la concurrence et contrats publics. Contentieux administratif et pratiques anticoncurrentielles, Mélanges Michel Guibal, Presses de la Faculté de Droit de Montpellier, Collection Mélanges, décembre 2005, p 107). Il ne saurait être question ici de procéder à une analyse exhaustive des diverses évolutions jurisprudentielles qui ont eu lieu en la matière, mais plutôt de faire le point sur la situation actuelle, en distinguant selon que la pratique anticoncurrentielle est reprochée à une entreprise candidate ou titulaire d’un marché public ou bien à l’acheteur public lui-même. Jurisprudence Formule classique : « Il convient de rappeler d’abord que, selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise comprend, dans le contexte du droit communautaire de la concurrence, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » : cf. not. TPICE 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening / Commission, T61/89, Rec. p. II-1931, point 50 – CJCE 11 décembre 1997, Job Centre, aff. C-55/96, Rec. p. I-7119, point 21 – CJCE 30 mars 2000, Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali / Commission, T513/93, Rec. p. II-1807, point 36 – CJCE 8 juin 2000, Giovanni Carra, aff. C-258/98 – CJCE 12 septembre 2000, Pavlov e.a., aff. C-180/98 à C-184/98, Rec. p. I-6451, point 77 – CJCE 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner, C-475/99 (point 19) – CJCE 22 janvier 2002, Cisal, aff. C-218/00, Rec. p. I-691, point 22 – CJCE 19 février 2002, Wouters e.a., aff. C-309/99, Rec. p. I-1577, point 46 – TPICE 4 mars 2003, aff. T-319/99, FENIN contre Commission (point 35), Rec. p. II357 – CJCE 16 mars 2004, AOK Bundesverband et autres, aff. jointes C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, pt 46 ; Dr. adm. n° 5, mai 2004, p. 18, note M. Bazex et S. Blazy ; AJDA 24 mai 2004, p. 1085, note J.-M. Belorgey, S. et C. Lambert ; CP-ACCP décembre 2004, p. 59, note D. Kélésidis ; S. Poillot-Perruzzetto, Contrats, conc. consom. n° 10, octobre 2004, p. 29 – CJCE 28 juin 2005, P, Dansk Rørindustri A/S, et autres, aff. jointes C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02, pt 112. A propos des prestations des avocats : CJCE 19 février 2002, J.C.J. Wouters et autres, aff. C-309/99, point 46 et s. – L. Idot, Avocats et droit de la concurrence : la rencontre a eu lieu, Europe mai 2002, p. 5. « Selon une jurisprudence constante, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juri- 4 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 5 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP III.133.2 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE dique de cette entité et de son mode de financement… À cet égard, il ressort d’une jurisprudence également constante que constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné… Or, les avocats offrent, contre rémunération, des services d’assistance juridique consistant dans la préparation d’avis, de contrats ou d’autres actes ainsi que dans la représentation et la défense en justice. En outre, ils assument les risques financiers afférents à l’exercice de ces activités, puisque, en cas de déséquilibre entre les dépenses et les recettes, l’avocat est appelé à supporter lui-même les déficits. Dans ces conditions, les avocats inscrits aux Pays-Bas exercent une activité économique et, partant, constituent des entreprises au sens des articles 85, 86 et 90 du traité, sans que la nature complexe et technique des services qu’ils fournissent et la circonstance que l’exercice de leur profession est réglementé soient de nature à modifier une telle conclusion ». 2 | Activités économiques et entreprises candidates ou titulaires ■ Soumission naturelle au droit de la concurrence La notion même de marché public implique que le cocontractant de l’acheteur public – ou le candidat à la passation d’un marché public –, est une entreprise exerçant une activité économique au sens du droit de la concurrence (voir Point-clé III.130.2). Dès lors, les entreprises participant à la consultation sont, par définition, soumises au droit de la concurrence et peuvent être directement poursuivies en cas de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles (sur le lien entre « activité économique » et applicabilité du droit de la commande publique, cf. CE Avis 23 octobre 2003, Fondation J. Moulin, req. n° 369315 – E. Fatôme et L. Richer, La découverte par le Conseil d’Etat, du contrat de « simple organisation » du service public, CP-ACCP, n° 34, juin 2004, p. 74 – A. Ménéménis, L’avis Fondation Jean Moulin et la commande publique : poursuite de la réflexion, CP-ACCP n° 36, septembre 2004, p. 65). Remarque La situation des marchés publics, même si elle est emblématique, n’est pas totalement singulière. Les contrats publics ont souvent des liens assez naturels avec les activités économiques. Ainsi les contrats d’occupation du domaine public sont l’un des instruments de l’exploitation économique du domaine public permettant au cocontractant d’exercer sur ce domaine une activité industrielle ou commerciale (cf. par ex. CJCE 24 octobre 2002, Aéroports de Paris, affaire C-82/01 P, note L. Idot, Europe décembre 2002, p. 13 ; note S. Poillot-Peruzzeto, Contrats, Concurrence, Consommation, janvier 2003, p. 15 : la cour confirme que des activités conservent leur qualification « d’activités d’entreprise au sens de l’article 86 du traité, même si elles sont exécutées sur le domaine public » – Cons. concurrence, déc. n° 02-D-16 du 5 mars 2002, BOCCRF 29 mars 2002. De même, dans le cadre des conventions de délégation de service public, le délégataire exerce en pratique une activité d’entreprise (voir d’ailleurs, l’article L. 1411-5 du CGCT qui vise, à propos de la désignation du délégataire, les « entreprises ayant présenté une offre »). 3 | Activités économiques et acheteur public Conformément au principe de neutralité statutaire, le droit de la concurrence est applicable à l’acheteur public s’il exerce une activité économique. Mais un achat étant, par sa nature même, finalisé, c’est « le caractère économique ou non de l’utilisation ultérieure du produit acheté [qui] détermine nécessairement le caractère de l’activité d’achat » (cf. TPICE 4 mars 2003, aff. T-319/99, FENIN, pt 36 ; CP-ACCP, septembre 2003, p. 59, Droit communautaire de la concurrence et achats : certains demandeurs sont des offreurs comme les autres, note O. Guézou). L’accessoire suit ainsi classiquement le principal. Si l’achat est effectué pour offrir des biens ou des services dans le cadre d’une activité économique, il est comme absorbé par l’activité économique et le droit de la concurrence est applicable. En revanche, si le bien acheté n’est pas utilisé pour offrir une prestation économique, le droit de la concurrence ne lui est pas applicable. Sur ce terrain, l’achat concrétisé par une décision de choix prise par l’acheteur public pour lui-même devrait, le plus souvent, échapper au droit de la concurrence. ■ Décisions de choix pour soi-même Les autorités spéciales de la concurrence soulignent souvent que « la décision de choix des entreprises chargées de la fourniture de travaux ou de la prestation de services (est) prise par l’acheteur public pour lui-même » (cf. CA Paris 7 février 1991, BOCCRF 12 février 1991, p. 48 – Cons. concurrence, déc. n° 90-D-24 du 4 septembre 1990, Rapp. pour 1990, p. 82) et en déduisent que l’acheteur public échappe en conséquence au droit de la concurrence. Parfois, elles invoquent le fait que l’objet du marché public est de satisfaire le besoin propre de l’acheteur public pour écarter l’applicabilité du droit de la concurrence (cf. par exemple Cons. concurrence, déc. n° 94-D-15 du 2 mars 1994, BOCCRF du 8 avril 1994, p. 152 : les pratiques qui se rapportent aux conditions dans lesquelles des organismes choisissent « les prestations dont ils ont besoin... n’entrent pas dans le champ d’application de l’ordonnance du 1er décembre 1986, tel qu’il est défini par son article 53 » (L. 410-1 du Code de commerce). Sur le lien entre marchés publics, besoin et droit de la concurrence, voir Point-clé III.130.2. Jurisprudence CA Paris 7 février 1991, BOCCRF 12 février 1991, p. 48 : « les actes de dévolution d’un marché public participent de la décision de choix des entreprises chargées de la fourniture de travaux ou de la prestation de services, prise par l’acheteur public pour lui-même, décision qui, en elle-même, n’est pas un acte de production, de distribution ou de services… ». Cons. concurrence, déc. n° 92-D-62 du 18 novembre 1992, BOCCRF 15 janvier 1993 : « si l’entreprise saisissante allègue que certains maîtres d’ouvrage publics auraient une attitude systématiquement négative à l’égard de ses produits, un tel comportement, à 5 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 6 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.2 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE le supposer établi, relèverait de la décision de choix des fournitures et travaux, prise par l’acheteur public, décision qui ne constitue pas un acte de production, de distribution ou de service, seuls actes auxquels s’applique l’ordonnance du 1er décembre 1986 en application de son article 53 [L 410-1 du Code de commerce]». Cons. concurrence, déc. n° 93-D-25 du 15 juin 1993, BOCCRF 10 septembre 1993, p. 265 : « les décisions par lesquelles cet établissement public adresse la commande d’une tapisserie d’art à une entreprise n’ont pas le caractère d’un acte de production, de distribution ou de services au sens de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 [L 410-1 du Code de commerce] ». Cons. concurrence, déc. n° 05-D-04 du 17 février 2005, BOOCRF, à paraître ; RLC 2005, n° 3-35, note S. Destours : « Le choix des entreprises chargées de la fourniture de travaux, l’organisation de la mise en concurrence des entreprises lors de passation de marchés publics et la mise en oeuvre des modalités d’attribution des lots, par l’acheteur public, ne constituent pas des actes de production, de distribution ou de services au sens de l’article L. 410-1 du Code de commerce et ne relèvent donc pas de la compétence du Conseil de la concurrence (cf. CA Paris 7 février 1991, Société d’exploitation des établissements R. Lazaar). En conséquence, le grief notifié de fractionnement des marchés, à l’encontre de Gaz de Strasbourg, ne peut être examiné par le Conseil. » Cons. concurrence, déc. n° 05-D-23 du 18 mai 2005, BOOCRF, à paraître ; RLC 2005, n° 4-29, note S. Destours : « il est de jurisprudence constante que l’appréciation de la façon dont les personnes publiques organisent leurs appels d’offres ne relève pas de la compétence du Conseil de la concurrence mais de celle des juridictions administratives. » ■ Demandeur économique final L’acheteur public échappe au droit de la concurrence le plus souvent simplement parce qu’il intervient en tant que demandeur économique final. Remarque Il faut raisonner achat par achat et activité par activité, et non pas de manière globale, car « la notion d’entreprise est relative, en ce sens qu’une certaine entité peut être considérée comme une entreprise pour une partie de ses activités, sans pour autant que le reste de ses activités soit soumis aux règles de concurrence » (Concl. de l’avocat général M. F.G. Jacobs, présentées le 22 mai 2003, aff. jtes C264/01 et autres, AOK Bundesverband et autres – CJCE 16 mars 2004, AOK Bundesverband et autres, aff. jointes C-264/01, C306/01, C-354/01 et C-355/01, pt 46 ; Dr. adm. n° 5, mai 2004, p. 18, note M. Bazex et S. Blazy ; AJDA 24 mai 2004, p. 1085, note J.-M. Belorgey, S. et C. Lambert ; CP-ACCP décembre 2004, p. 59, note D. Kélésidis ; S. Poillot-Perruzzetto, Contrats, conc. consom. n° 10, octobre 2004, p. 29). ⵧ Liberté de choix et absence d’activité d’offre économique L’exclusion du demandeur final du champ d’application de l’ordonnance repose, selon les termes mêmes du Conseil de la concurrence, sur l’idée de « liberté de choix normale du demandeur à l’égard des prestataires de services offreurs » (cf. Cons. concurrence 21 janvier 1992, avis n° 92-A-01, rapport 1992, p. 495). En effet, « la libre expression des choix par les demandeurs joue un rôle crucial dans l’économie de marché en ce sens qu’elle oriente, si elle n’est pas mise en échec par des pratiques anticoncurrentielles émanant des offreurs, les ressources vers les emplois qui en sont les plus appréciés et permet d’obtenir l’efficience du système économique » (Cons. concurrence, Rapport pour 1991, p. XXVII). Le droit communautaire de la concurrence applique le même raisonnement puisqu’il n’est applicable qu’à l’entité qui « poursuit... elle-même une activité de fabrication, de vente ou de distribution » (cf. CJCE 29 septembre 1988 Ahlström Osakeyhtiöet autres, aff. jointes 89, 104, 114, 116, 117 et 125 à 129/85, rec. p. 5193). Les autorités communautaires rappellent régulièrement que « c’est l’activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné qui caractérise la notion d’activité économique » (cf. TPICE 4 mars 2003, affaire T-319/99, FENIN contre Commission des Communautés européennes, points 36 et s. ; CP-ACCP, septembre 2003, p. 59, note O. Guézou). Jurisprudence – Sur le lien entre offre économique et applicabilité du droit de la concurrence, notamment : CJCE 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl, C 343/95, spéc. pt 16, rec. I-1582 – CJCE 16 juin 1987, Comm. c/ Italie, aff. 118/85, rec. p. 2599 – CJCE 18 juin 1998, Commission / Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851, point 36 – CJCE 12 septembre 2000, affaires jointes C-180/98 à C-184/98, Pavel Pavlov e.a. – CJCE 25 octobre 2001, C-475/99, Firma Ambulanz Glöckner (point 19) – CJCE 22 janvier 2002, affaire C-218/00, Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas et Istituto nazionale per l’assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL). Cons. Concurrence, déc. 03-D-22 du 24 avril 2003, BOCCRF 8 octobre 2003 : « la libre expression des choix par les demandeurs joue un rôle crucial dans l’économie de marché en ce qu’elle oriente, si elle n’est pas mise en échec par des pratiques anticoncurrentielles émanant des offreurs, les ressources vers les emplois qui sont les plus appréciés et permet ainsi d’obtenir l’efficience du système économique. Il n’est a priori pas dans l’intérêt d’un acheteur de mettre en œuvre des pratiques discriminatoires qui auraient pour effet de réduire sans raison objective le nombre de ses fournisseurs et de restreindre ainsi ses possibilités de choix. En tout état de cause, de telles pratiques ne pourraient être qualifiées au regard de l’article L. 4202 du Code de commerce que dans le cas où il serait établi qu’elles sont mises en œuvre par une entreprise en position dominante sur un marché et qu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence sur ce marché ou sur un marché connexe. » Cons. concurrence, avis n° 04-A-12 du 30 juin 2004 relatif à un projet de décret modifiant les missions exercées par l’Institut géographique national (IGN), BOCCRF 26 avril 2005 : « Appliquant les articles 81, 82 et 86 du traité instituant la communauté européenne, le droit communautaire de la concurrence pose comme principe que toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné constitue une activité économique et se trouve soumise aux règles de la concurrence, peu important que cette activité soit exercée par une personne privée ou une personne publique (cf. CJCE 23 avril 1991, Höfner et Elser, arrêt Cancava du 17 février 1993). ». Cons. concurrence, déc. n° 05-D-14 du 6 avril 2005, relative à des pratiques mises en œuvre à l’occasion des foires d’antiquité et de brocante dans le département des Vosges (à paraître au BOCCRF) : soumission d’une association au droit de la concurrence car elle 6 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 7 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP III.133.2 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE intervient en tant qu’offreur économique puisque les griefs qui lui ont été notifiés « concernent des pratiques mises en oeuvre dans le cadre de son activité d’organisation de la foire de Xaronval. Il s’agit d’une activité de services qui consiste à mettre des locaux à la disposition des exposants, à sélectionner ceux-ci, à assurer la publicité de la manifestation et son animation. L’absence de but lucratif, dont se prévaut la destinataire des griefs, est infirmée par les éléments du dossier dont il ressort que l’association des amis de Valamont percevait un droit d’entrée auprès des visiteurs de la foire. En tout état de cause, l’absence de but lucratif ne détermine pas le caractère économique ou non de l’activité, comme l’a jugé la Cour de justice des communautés européennes, notamment dans un arrêt du 12 septembre 2000 (Pavel Pavlov) à propos d’un fonds de pension. Le moyen selon lequel l’activité concernée par les pratiques n’entrerait pas dans le champ d’application de l’article L. 420-1 du Code de commerce, défini à l’article L. 410-1 dudit code, doit donc être rejeté. » En effet, c’est « le caractère économique ou non de l’utilisation ultérieure du produit acheté [qui] détermine nécessairement le caractère de l’activité d’achat. Par conséquent, dès lors qu’une entité achète un produit… non pas pour offrir des biens ou des services dans le cadre d’une activité économique, mais pour en faire usage dans le cadre d’une autre activité, par exemple une activité de nature purement sociale, elle n’agit pas en tant qu’entreprise … Dans la mesure où l’activité pour l’exercice de laquelle elle achète ces produits n’est pas de nature économique, elle n’agit pas en tant qu’entreprise au sens des règles communautaires en matière de concurrence et n’est donc pas visée par les interdictions prévues aux articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE » (cf. TPICE 4 mars 2003, affaire T-319/99, Fenin contre Commission, point 36 et s. ; CP-ACCP, septembre 2003, p. 59, note O. Guézou). – A titre de comparaison, l’absence de commercialisation étant en fait une absence d’offre sur le marché : Cass. com. 12 décembre 1995, BOCCRF 24 janvier 1996, p. 3 ; AJDA 1996.131, note M. Bazex ; CJEG 1996.180, note L. Idot ; JCP éd. E. 1996.II.810, note D. Berlin et H. Calvet ; Revue de jurispr. commerciale 1996.175, Le point de vue du publiciste, R. Drago (et RFDA 1996.360) et Le point de vue du privatiste, M.-C. Boutard-Labarde ; Rev . Conc. cons. maijuin 1996, p. 19, note M. Graff ; Cont. conc. cons. février 1996 n°23, note L. Vogel : la DMN gérant, en application des dispositions de droit international et de réglementation interne, le service public de la météorologie aérienne et réservant aux seuls usagers de l’aviation civile des messages propres à assurer leur sécurité et celle des passagers, sans aucune commercialisation auprès du grand public, des informations recueillies dans le cadre de sa mission, le droit de la concurrence n’est pas applicable. Pour les acheteurs publics, la solution n’est pas absolue et on peut penser qu’il est des hypothèses, notamment dans le cadre des industries de réseaux, où la notion de demandeur économique final ne peut être invoquée, l’activité d’achat n’étant pas détachable d’une activité économique consistant à offrir une prestation de nature économique. Dans ce cas, l’acheteur public devrait lui-même pouvoir se voir appliquer le droit de la concurrence. Il pourrait alors être directement poursuivi pour entente ou abus de domination. – A l’inverse, la commercialisation rend applicable le droit de la concurrence : CE 29 juillet 2002, Soc. Cegedim, AJDA 2002, p. 1072 : « Considérant que si l’Etat peut percevoir des droits privatifs à l’occasion de la communication de données publiques en vue de leur commercialisation, lorsque cette communication peut être regardée, au sens des lois sur la propriété littéraire et artistique, comme une oeuvre de l’esprit, ces droits ne peuvent faire obstacle, par leur caractère excessif, à l’activité concurrentielle d’autres opérateurs économiques lorsque ces données constituent pour ces derniers une ressource essentielle pour élaborer un produit ou assurer une prestation qui diffèrent de ceux fournis par l’Etat ; que, dans un tel cas, la perception de droits privatifs excessifs constitue un abus de position dominante méconnaissant les dispositions législatives précitées ». ⵧ Demandeur final / demandeur intermédiaire L’exclusion du champ d’application du droit de la concurrence du demandeur ne joue que pour le véritable demandeur final. Le demandeur intermédiaire, assimilé à un offreur intermédiaire, sera soumis au droit de la concurrence. Le plus souvent, le marché public n’a pas pour objet de permettre à l’acheteur public d’offrir par la suite une activité économique. Dès lors, l’acheteur public est effectivement demandeur économique final. Cela est vrai lorsque le bien acheté est véritablement consommé par l’acheteur public, mais aussi lorsqu’il lui permet d’offrir une prestation non économique à un tiers (usagers, administrés, citoyens). Jurisprudence – Sur la distinction entre demandeur final et demandeur intermédiaire : Dans le cadre d’un contrat d’assurance collective passé par le Barreau avec un assureur, le demandeur final est l’avocat assuré (il échappe en cette qualité au droit de la concurrence), l’offreur est l’assureur (soumis au droit de la concurrence) et le Barreau est un intermédiaire (relevant lui aussi, en tant qu’offreur intermédiaire, du droit de la concurrence). Cons. concurrence, déc. n° 03-D-03 du 16 janvier 2003, BOCCRF 16 juin 2003 : « Considérant que le barreau de Marseille soutient que l’acte par lequel le Conseil de l’Ordre choisit une assurance collective obligatoire pour ses membres ne peut être assimilé à une "activité de production, de distribution ou de service" au sens de l’article L. 410-1 du Code de commerce ; Considérant, cependant, que la souscription d’un contrat d’assurance met en présence deux opérateurs, un demandeur qui est le souscripteur assuré potentiel et un offreur, la société d’assurance laquelle, en contrepartie du paiement d’une prime, assumera le risque s’il advient ; que si, en l’espèce, le barreau n’intervient qu’en qualité d’intermédiaire entre l’assurance et les avocats pour le compte desquels il souscrit, il accomplit bien un acte de nature économique susceptible d’affecter le fonctionnement du marché concerné ; qu’en conséquence, le moyen invoqué doit être écarté ». – CA Paris 27 janvier 1998, Marché de l’électricité (aff.Producteurs autonomes / EDF), BOCCRF 17 février 1998, p. 54 ; AJDA 1998.435, note C. Adam et S. Blazy ; CJEG 1996.251, note P. Sablières : la Cour d’appel de Paris distingue entre l’achat d’électricité par EDF « en sa qualité d’utilisateur final » et celui effectué en sa qualité d’ « intermédiaire ». En l’espèce, elle peut déduire du fait que l’on se trouve dans le second cas que le droit de la concurrence est applicable. La cour ne se contente pas de distinguer entre « l’utilisateur final » et « l’intermédiaire » ; elle donne également les raisons des qualifications qu’elle retient. Ainsi, lors d’un achat, le demandeur final est 7 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 8 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.2 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE celui qui « incorpore à sa propre activité » ce qu’il achète. A l’inverse, lorsque le demandeur achète une marchandise « en vue de la commercialiser », il n’est qu’un « intermédiaire », relevant dès lors du droit de la concurrence. – Sur la notion d’incorporation : Cons. concurrence, déc. n° 93-D13 du 18 mai 1993, BOCCRF 1er juillet 1993, p. 183 : l’acte par lequel une personne privée (demandeur) choisit les entreprises chargées de fournir certains des services s’incorporant à sa propre activité n’est pas un acte de production, de distribution et de services au sens de l’article 53 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 [L. 410-1 du Code de commerce]. En revanche, si cette personne privée décide de ne pas fournir les services en question, l’ordonnance sera applicable aux pratiques des entreprises qui offriront (offreurs) directement ces services – CA Paris 25 janvier 1994, confirmant la décision précitée, BOCCRF 9 février 1994 p. 60. – C. Gavalda, D. 1993, p. 597) : la Cour d’appel de Paris précise que l’ordonnance n’est pas applicable au client à condition que celui-ci intervienne en tant que demandeur final, par exemple, l’organisateur de salons qui choisit les entreprises de manutention pour son propre compte, les services de manutention étant intégrés à sa propre activité ; en revanche, lorsque celui-ci se contente de délivrer un agrément aux entreprises de manutention auxquelles pourront s’adresser les exposants, l’organisateur n’est qu’un intermédiaire. Dans ce cas, l’ordonnance lui est applicable car « la requérante (l’organisateur) ne peut assimiler la sélection qu’elle a effectuée à la procédure d’appel d’offres restreint en matière de marchés publics, inapplicable en l’espèce, même par analogie de situation, dès lors qu’elle ne procédait pas au choix des prestataires pour elle-même mais pour les exposants ». Dans cette dernière hypothèse, lorsqu’il décide de ne pas incorporer à sa propre activité l’activité de manutention, « l’organisateur de salons ne peut être regardé comme demandeur (expression réservée par les autorités spéciales de la concurrence au demandeur final) sur le marché de la manutention du salon considéré » (Cons. concurrence, rapport pour 1993, p. 12). Il est alors intermédiaire en-2.2(rten)-20814.93(nis)-(Il)]TJ6.9(.)-661Tc071Tconoéc3.1(ao071nc.1(enu7(pp)-7.n)4.6(t)i)4.2(o)-6.7(n)-4rmre.6(JT*en-25(o)3.TD-0por)-7.300.8(êse)-oi4.71.TD- NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 9 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE service public relevant de prérogatives de puissance publique » et « activité de prestation de services ». Remarque S’agissant de la gestion du domaine public, la situation est plus complexe et la notion de logique marchande du gestionnaire du domaine public semble le critère déterminant. Lorsqu’il a une telle logique, qu’il s’agisse de donner accès au domaine public à un tiers ou d’y exercer lui-même une activité, son intervention pourra, comme dans l’affaire Société EDA, se voir appliquer directement le droit de la concurrence (cf. CE 26 mars 1999, Soc. EDA, Soc. Hertz France, Lebon p. 107, concl. J.-H. Stahl ; AJDA 1999, p. 427, note M. Bazex ; Etude S. Manson, RDP 1999, p. 1543 ; J.-P. Markus, D. aff. 2000, n° 9, p. 204 ; N. Reboul, LPA 5 avril 2000, p. 14 ; M.-C. Rouault, JCP éd. Entr. 1999, p. 1170). Bibliographie C. Denizeau, L’idée de puissance publique à l’épreuve de l’Union européenne, LGDJ, Bibliothèque de Droit public, tome 239, 2004 – G. Clamour, Intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, thèse, Montpellier I, 2004. Et parmi les nombreux articles sur les relations entre domaine public et concurrence, voir notamment : S. Manson, Gestion domaniale et libertés économiques, Etude sous CE Sect. 26 mars 1999, Soc. EDA, RDP 1999, p 1543 – G. Gonzalez, Domaine public et droit de la concurrence, AJDA 1999.387 – G. Gonzalez, Utilisations commerciales du domaine public, Droit de la concurrence, J.-Cl. Adm., Fasc. 406-22, 2002 – S. Destours, La confusion des autorités de concurrence : exemple de la gestion du domaine public aéroportuaire, CP-ACCP mars 2003, p. 34 – N. Charbit, L’application du droit de la concurrence au domaine public : affrontement sur la voie publique?, RTDCom, n° 1, janvier 2004, p. 47 – P. Landry, Petits retours sur le concours de compétences pour l’application des règles de concurrence sur le domaine public, Gaz. Pal. n° 312 du 7 novembre 2004, p. 3 – S. Nicinski, La délivrance des autorisations d’occupation du domaine public et le droit de la concurrence, AJDA 31 janvier 2005, p. 200 – G. Clamour, Domaine public et droit de la concurrence : consolidation de l’édifice prétorien RLC 2005, n° 332. ⵧ Activités d’organisation Les activités d’organisation, qui peuvent souvent être rattachées à des activités d’autorité publique exclusive de toute activité économique, échappent au champ d’application du droit de la concurrence. Le droit de la concurrence a, sur ce terrain, été déclaré inapplicable notamment à : – l’organisation du service public (cf. TC 6 juin 1989, Préfet de la Région Ile-de-France, Préfet de Paris c/ CA de Paris et Sté d’exploitation et de distribution d’eau aff. Ville de Pamiers, Lebon, p. 293 ; RFDA 1989, p. 459, concl. B. Stirn ; AJDA 1989, p. 432, chron. Honorat et Baptiste et p. 467, note Bazex ; JCP 1990, II.31395, note Ph. Terneyre ; RDP 1989, p. 1780, note Y. III.133.3 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 10 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.3 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE § 1 notamment à un contrat d’occupation du domaine public (cf. CJCE 14 juillet 1971, Ministère public luxembourgeois c/ Muller (Port de Mertet), aff. 10/71, rec. p. 723) et à une concession de service public (cf. CJCE 4 mai 1988, Bodson, aff. C-30/87, rec. p. 2479). Les marchés publics sont eux aussi directement concernés puisque « les collectivités publiques ont l’obligation de se conformer à ces dispositions [notamment l’article 86 § 1 du Traité] et de ne pas favoriser l’exercice de telles pratiques [anticoncurrentielles] par les entreprises auxquelles elles font appel, quelle que soit la qualification juridique de la procédure retenue, délégation de service public ou marché public. » (cf. Cons. concurrence 26 octobre 1999, avis no 99A-16, BOCCRF 5 décembre 2000). Jurisprudence – CJCE 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, rec. I-1979 – CJCE 5 octobre 1994, Sté civile agricole du centre d’insémination de la Crespelle, C-323/93, rec. I-5077 – CJCE 14 décembre 1995, Banchero, C-387/93, rec. I-4663 – CJCE 12 février 1998, Silvano Raso et autres, aff. C-163/96, LPA 12 mars 1999, p. 5, note Arhel – CJCE 12 septembre 2000, Pavel Pavlov e.a. et Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, affaires jointes C-180/98 à C-184/98 : liaison des articles 5 et 85 du Traité (devenus articles 10 et 81) et des articles 86 et 90 du traité (devenus 82 et 86 § 1), à propos d’un droit exclusif de gérer un régime de pension complémentaire des membres d’une profession libérale – CJCE 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner, C-475/99, point 39 – CJCE 25 février 2005, G. E. Mauri c/ Ministero della Giustizia, point 37. – Sur la question de savoir si, lorsqu’il adopte un règlement, un ordre professionnel (ici des avocats) doit être considéré comme une association d’entreprises ou, au contraire, comme une autorité publique, la Cour indique que lorsque le règlement constitue « l’expression de la volonté de représentants des membres d’une profession tendant à obtenir de ceux-ci qu’ils adoptent un comportement déterminé dans le cadre de leur activité économique », l’ordre professionnel peut être considéré comme une association d’entreprises relevant du droit de la concurrence (cf. CJCE 19 février 2002, Wouters e.a., aff. C-309/99, Rec. p. I-1577). La Cour indique que « Le cadre juridique dans lequel s’effectue la conclusion de tels accords et sont prises de telles décisions ainsi que la qualification juridique donnée à ce cadre par les différents ordres juridiques nationaux sont sans incidence sur l’applicabilité des règles communautaires de la concurrence, et notamment de l’article 85 du traité ». susmentionnées de l’article 8 » de l’ordonnance du 1er décembre 1986 (article L. 420-2 du Code de commerce, disposition prohibant les abus de position dominante). Par conséquent, alors même que cet acte n’entre pas dans le champ du droit écrit de la concurrence, il ne doit pas le priver d’effet utile. Plus précisément, l’acte administratif ne doit pas mettre une entreprise (qui – elle – entre dans le champ de l’article L. 410-1 du Code de commerce) en situation de violer les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce. L’acte doit donc respecter un droit de la concurrence qui ne lui est pas directement applicable. Il s’agit là d’un mécanisme d’opposabilité du même type que celui existant s’agissant des contrats entre personnes privées où le contrat, en tant que loi des parties leur est directement applicable alors qu’il ne l’est pas aux tiers (effet relatif des contrats) qui ne doivent pourtant pas en empêcher l’exécution (il leur est opposable). De la même manière, le droit de la concurrence est applicable aux entreprises et non à des actes pris par une autorité publique qui ne doivent pourtant pas entraîner ou avaliser une violation du droit de la concurrence par les entreprises. Ce qui est en cause ici, c’est la question de la force obligatoire du droit de la concurrence et non celui de son champ d’application. Il s’agit de relever qu’un texte légal s’impose à tous, même si tous n’y sont pas directement soumis. L’opposabilité du droit de la concurrence aux actes administratifs s’appuie, en fin de compte, sur le principe de légalité qui encadre l’action administrative. Jurisprudence – CE Section 3 novembre 1997, Soc. Million et Marais, concl. J.-H. Stahl, RFDA 1998.1228 ; chr. T.-X. Girardot et F. Raynaud ; AJDA 1997.945 – S. Destours, L’application du droit interne de la concurrence aux personnes publiques : fin d’une énigme ?, JCP Ed. E., suppl. Cah. Dr. Entr., n° 2 1998, p. 1 – Y. Gaudemet, RDP, Pour le Conseil d’Etat appliquant le droit communautaire, voir les décisions citées ci-dessous. ■ Un mécanisme prétorien en droit interne En droit interne, il n’existe pas d’équivalent aux articles 10 et 86 § 1 du Traité CE. Le mécanisme d’opposabilité du droit interne de la concurrence aux actes administratifs est donc un mécanisme prétorien. Il a été utilisé pour la première fois par le Conseil d’Etat dans la décision du 3 novembre 1997, Sté Million et Marais. En l’espèce, le juge administratif considère, à propos d’une concession de service public que « les clauses de ce contrat ne peuvent légalement avoir pour effet de placer l’entreprise dans une situation où elle contreviendrait aux prescriptions 10 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 11 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP III.133.3 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE agents publics ». Et dans cette affaire, cf. Cons. concurrence, avis n° 03-A-21 du 31 décembre 2003, BOCCRF 26 avril 2005 — CE 16 juin 2004, MGSP et autres, req. n° 235176, 2382940 et 238291, BJCP 2004, p. 367, concl. J.-H. Stahl, obs. C Maugüé ; Dr. adm. 2004, p. 27, comm. 140, M. Bazex et S. Blazy ; Europe, n° 11, novembre 2004, p. 23, note P. Cassia et E. Saulnier ; AJDA 2004, p. 1509, N. Charbit ; RLC novembre 2004/janvier 2005, p. 63, S. Destours ; JCP Ed. Entr., 2005, II, 277, S. Grandvuillemin ; Contrats, conc. consom., n° 11 novembre 2004, p. 21 note M. Malaurie-Vignal ; JCP Ed. Gén. n° 48, 24 novembre 2004, p. 2175, note M.-C. Rouault. Bibliographie M. Bazex, Règles de concurrence applicables au secteur public, Règles opposables aux autorités publiques, Jcl Europe, fasc 1500 – J. Biancarelli, L’approche communautaire : mesures étatiques et comportements d’entreprises, Rev. conc. cons. mars 1997 p. 64 – S. Blazy, Les actes normatifs des autorités publiques et les règles de concurrence, Gaz. pal. 12 février 1997, n° spéc, p. 49 – F. Blum, De « Sacchi » à « Franzén » en passant par « La Crespelle » : la jurisprudence récente de l’article 90, Gaz. pal. 11-13 juillet 1999, p. 12 – J.-Y. Chérot, L’article 90 § 1 du Traité CEE lu en combinaison avec l’article 86, Travaux de la CEDECE, L’entreprise dans le marché unique européen, Doc. Française, 1995, p. 152 – O. Guézou, L’opposabilité du droit interne de la concurrence aux actes administratifs, AJDA 1998.247 – D. Triantafyllou, Les règles de la concurrence et l’activité étatique y compris les marchés publics, RTDE 1996.57 – C. Denizeau, L’idée de puissance publique à l’épreuve de l’Union européenne, LGDJ, Bibliothèque de Droit public, tome 239, 2004 – P. Arhel, Le juge administratif, juge de l’application du droit national et du droit communautaire, RLC 2005, n° 3-33 – G. Clamour, Acheteurs publics, dans leur fonction de pouvoir adjudicateur, ne sauraient être considérés comme détenant une position dominante, RLC 2005, n° 4-31 – O. Guézou, Droit de la concurrence et contrats publics. Contentieux administratif et pratiques anticoncurrentielles, Mélanges Michel Guibal, Presses de la Faculté de Droit de Montpellier, Collection Mélanges, décembre 2005, p 107. 2 | Applications ■ Conditions La notion même d’opposabilité implique qu’une pratique anticoncurrentielle soit commise par une entité exerçant une activité économique et donc soumise au droit de la concurrence. La qualification d’une telle pratique anticoncurrentielle est exigée tant pour les articles 10 et 86 § 1 du Traité qu’en droit interne. Elle implique aussi un lien étroit entre l’acte et la pratique, soit que l’acte « impose ou favorise la conclusion d’accords, de décisions ou de pratiques concertées », soit qu’il « renforce leurs effets » (formule classique, cf. par exemple : CJCE 21 septembre 1988, Van Eycke, aff. 267/86, rec. p. 4769 ou encore concl. F.G. Jacobs présentées le 13 mars 2003, affaire C-207/01, Altair Chimica SpA contre ENEL Distribuzione SpA, points 38 et 39). Jurisprudence – Il ressort des articles 81 et 82 du Traité « que ces dispositions s’appliquent au comportement des entreprises et ne couvrent pas les mesures réglementaires ou législatives prises par les États membres. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que ces dispositions peuvent trouver application en conjonction avec les articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 10, paragraphe 2, CE ou 86, paragraphe 1, CE, pour interdire aux États membres d’adopter ou de maintenir en vigueur toute mesure, même de nature législative ou réglementaire, susceptible d’éliminer l’effet des règles de concurrence. Selon la jurisprudence constante de la cour, il en est ainsi lorsqu’un État membre impose ou favorise la conclusion d’accords, de décisions ou des pratiques concertées contraires à l’article 81 CE ou renforce leurs effets ou retire à sa propre législation son caractère officiel en déléguant à des entreprises privées la responsabilité de prendre des décisions affectant la sphère économique. ». Conclusions de l’avocat général M. F.G. Jacobs présentées le 13 mars 2003 Affaire C-207/01 Altair Chimica SpA contre ENEL Distribuzione SpA, points 38 et 39. – Pour l’article 10 du Traité : CJCE 17 novembre 1993, Reiff, aff. C185/91, rec. I-5801 – CJCE 17 novembre 1993, Ohra C-245/91, rec. I-5851 — CJCE 17 novembre 1993, Meng C-2/91, rec. I-5751. – Pour l’article 86 § 1 du Traité : jurisprudence constante depuis CJCE 30 avril 1974, Sacchi, aff. 155/73, rec. p. 409. Par exemple, CJCE 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner, C-475/99 : « Il y a lieu de rappeler que le simple fait de créer une position dominante par l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs au sens de l’article 90, paragraphe 1, du traité n’est pas, en tant que tel, incompatible avec l’article 86 de celui-ci. Un État membre n’enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions que lorsque l’entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits spéciaux ou exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus ». – Pour le juge administratif et le droit communautaire : CE 30 avril 1997, Syndicat des médecins d’Aix et de sa région et autre, req. n° 173044 : « que, si le Syndicat des médecins d’Aix et Région invoque les stipulations de l’article 85 du traité..., il n’établit pas, en tout état de cause, que les dispositions qu’il critique imposeraient, favoriseraient ou renforceraient, de la part des médecins, des comportements ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun; ». – CE 20 avril 2005, Conseil national des professions de l’automobile req. n° 260779, AJDA 31 octobre 2005, p. 2064, note. S. Nicinski : « Considérant, en second lieu, que, si le CNPA soutient que les dispositions précitées de l’article 5 du décret attaqué auraient nécessairement pour effet de conduire les entreprises de broyage à abuser d’une position dominante au détriment des entreprises de démolition, un tel moyen doit être en tout état de cause écarté, dès lors que, ainsi qu’il a été dit, le mécanisme de compensation prévu par les dispositions litigieuses a pour objet, non de permettre aux broyeurs d’acheter des véhicules hors d’usage à des prix élevés sans avoir à tenir compte des revenus qu’ils pourront tirer de la revente des matériaux de récupération, mais de corriger les préjudices économiques qui pourraient résulter pour eux de l’obligation de prendre en charge tous les véhicules qui sont déposés auprès d’eux ; » (voir le « en tout état de cause » qui permet au Conseil 11 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 12 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.3 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE d’Etat de n’avoir pas à délimiter le marché, à déterminer si une position est détenue et si le décret induit un abus de celle-ci). – Pour le droit interne : à propos d’avantages fiscaux consentis aux caisses de mutualité sociale agricole, « ces exonérations, en admettant même que ces caisses puissent être regardées comme jouissant d’une position dominante pour leur activité de gestion d’assurances complémentaires, ne sont pas de nature, eu égard à leur caractère très limité, à les placer en situation d’abuser d’une telle position ; … que, par suite, les moyens tirés de ce que l’article 1er du modèle de statuts serait contraire aux règles communautaires sur la concurrence … doivent être écartés » : CE 16 mai 2001, Syndicat régional de défense du droit des agriculteurs, req. nos 221767 et 222315. – CE Section 27 juillet 2001, CAMIF, req. n° 218067, concl. C. Bergeal, note R. Schwartz, BJCP 2001, n° 19, p. 497 ; P. Cassia, Europe, n° 2 du 1er février 2002, comm. 60, p. 22 ; F. Llorens, Les marchés de l’UGAP à l’épreuve du droit communautaire, Contrats et Marchés Publics, octobre 2001, p. 4 ; S. Nicinski, ACCP 2001, n° 5, p. 7 ; Ph. Terneyre, RFDA 2001, p. 1126 : « Considérant qu’en offrant à la seule UGAP des mesures avantageuses d’une telle nature, les dispositions ont accordé à cet organisme un droit exclusif au sens des stipulations précitées du traité instituant la communauté économique européenne et des dispositions précitées de l’ordonnance du 1er décembre 1986 [intégrée dans le Code de commerce] ; qu’elles ont ainsi créé à son profit, ainsi que l’a d’ailleurs relevé le conseil de la concurrence dans un avis du 17 janvier 1996, une position dominante sur le marché de la prise en charge des procédures de mise en concurrence; que le fait de créer une telle position dominante par l’octroi d’un droit exclusif n’est incompatible avec les règles du droit de la concurrence que si l’entreprise en cause est conduite, par le simple exercice du droit exclusif qui lui est conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive ; Considérant qu’en l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un tel comportement, sur le marché accessoire en cause, soit la conséquence directe de la mise en œuvre des dispositions litigieuses ; que par suite, la CAMIF n’est pas fondée à soutenir que ces dispositions seraient devenues illégales en tant qu’elles placeraient l’UGAP dans la situation d’abuser automatiquement de sa position dominante » : Sur les suites de cette décision, voir le décret du 28 septembre 2001 modifiant le décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l’Union des groupements d’achats publics, JO n° 226 du 29 septembre 2001, p. 15368 ; A Ménéménis, UGAP : Modification du décret du 30 juillet 1985, Droit administratif, n° 1 du 1er janvier 2002, p. 22. – CE 23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité des marchés publics, req. n° 264712, 265248, 265281 et 265343, AJDA 2005, n° 12, p. 669, chr. D. Casas et F. Donnat ; RLC 2005, n° 4-31, note G. Clamour ; Contrats et Marchés Publiques 2005, comm. 107, note G. Eckert ; JCP A 2005, n° 17, p. 1190, note F. Linditch ; JCP Ed G 2005, I, p. 145, A. Ondoua : « Considérant en cinquième lieu que les mêmes dispositions du Code des marchés publics n’ont ni pour objet ni pour effet de placer ces personnes publiques dans une position dominante ; qu’ainsi l’insertion d’une stipulation prévoyant sa reconduction dans un marché passé par l’une de ces personnes ne saurait être constitutive d’un abus de position dominante ; que le moyen tiré de ce que les alinéas 2 et 3 de l’article 15 méconnaîtraient les dispositions des articles L. 420-2 et L. 420-3 du Code de commerce qui ont codifié les articles 8 et 9 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 doit, par suite, être écarté ». Pour que le droit de la concurrence soit opposable au décret portant Code des marchés publics, encore faut-il pouvoir identifier une pra- tique anticoncurrentielle commise par une entité soumise au droit de la concurrence, ce qui n’est pas le cas des personnes publiques qui interviennent en tant qu’acheteurs. – Sur la composition d’un organisme qui le fait échapper à l’article 81 (ce n’est pas une « association d’entreprises ») et empêche dès lors d’invoquer l’incompatibilité entre le texte sur le fondement duquel il prend ses décisions et le droit communautaire, CE 19 mars 1997, Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques et autres, req. n° 81627 – CE 5 mars 2003, Soc. IMMALDI et Cie, req. n° 225470 : « qu’eu égard à la composition et aux conditions de fonctionnement des commissions d’équipement commercial, les décisions qu’elles prennent ne peuvent être regardées comme des ententes entre entreprises, que les pouvoirs publics auraient imposées ou favorisées ou dont ils auraient renforcé les effets ». ■ Avaliser ou renforcer les effets d’une pratique anticoncurrentielle S’agissant des actes qui avalisent une pratique anticoncurrentielle ou renforcent ses effets, les juridictions ont le plus souvent à connaître de l’hypothèse où un acte administratif unilatéral étend un accord à l’ensemble d’une profession. Si cet accord constitue une entente anticoncurrentielle, l’acte administratif qui procède à son extension est lui aussi illégal. Jurisprudence – Le Conseil d’Etat précise alors que « la décision prononçant l’extension de cet accord (est) nécessairement subordonnée à la validité de ses stipulations » (cf. CE 12 juin 1996, Soc. Christ et fils, Lebon, p. 223 ; M. Bazex, L’analyse économique, nouvel instrument du contrôle juridictionnel des interventions économiques des personnes publiques, LPA 4 avril 1997, n° 41, p. 10). – CJCE 16 novembre 1977, aff. 13/77, INNO c/ ATAB, rec. p. 2115 – CJCE 30 avril 1986, L. Asjes, aff. 209 à 213/84, rec. p. 1425 – CJCE 1er octobre 1987, Reisebureau c/ Sociale Dienst, rec. 3801, aff. 311/85 – CJCE 3 décembre 1987, BNIC c/ Aubert, C-136/86, rec. 4789 – CJCE 21 septembre 1988, Van Eycke, aff. 267/86, rec. p. 4769. – CE 7 décembre 1992, Synconem et soc. Conforama, (impl.), Lebon, p. 787 – CE 30 avril 1997, Syndicat des médecins d’Aix et de sa région et autre, req. n° 173044. – A comparer avec l’hypothèse de confrontation d’un décret étendant une convention collective au principe de libre concurrence, cf. CE 30 avril 2003, Syndicat professionnel des exploitants indépendants des réseaux d’eau et d’assainissement, req. n° 230804, Droit social, n° 11, novembre 2003, p. 999, note P.-H. Antonmattéi et S. Destours – AJDA 2003, p. 1150, chr. F. Donnat et D. Casas – Droit adm., n° 6 juin 2003, p. 22, note M. Bazex et S. Blazy – LPA, n° 253 du 19 décembre 2003, p. 14, note J. Gate – P. Subra de Bieusses, Droit de la concurrence et droit du travail, AJDA 25 octobre 2003, p. 1849 : il appartient au ministre du travail « de veiller à ce que l’extension d’une convention collective ou d’un accord collectif de travail n’ait pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en limitant l’accès à ce marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; qu’il en va en particulier ainsi dans les secteurs où des entreprises sont candidates à des délégations de services publics ou à des marchés publics ; qu’à ce titre, il incombe au ministre d’opérer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, une 12 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 13 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP III.133.3 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE conciliation entre, d’une part, les objectifs d’ordre social de nature à justifier que les règles définies par les signataires d’une convention ou d’un accord collectif soient rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs du secteur et, d’autre part, les impératifs tenant à la préservation de la libre concurrence dans le secteur en cause ; …son extension est, compte tenu des caractéristiques propres du marché des services d’eau et d’assainissement, de nature à porter une atteinte excessive à la libre concurrence ». Confronté à une pratique anticoncurrentielle d’entreprises, l’acheteur public ne doit ni l’avaliser ni la renforcer. Pour déterminer les hypothèses concernées, la prudence est de rigueur car la jurisprudence est, sur la question, encore à construire. Les actes susceptibles d’avaliser une pratique anticoncurrentielle sont essentiellement la décision de choix et le contrat lui-même, tant en raison de leur contenu que de leur place en fin de procédure. Plus le lien entre la pratique anticoncurrentielle et le choix de l’attributaire est étroit,– la pratique prédéterminant ce choix –, plus le mécanisme d’opposabilité du droit de la concurrence peut facilement jouer. Ainsi, le droit de la concurrence devrait être opposable aux décisions de choix consécutives à des pratiques reposant sur l’élaboration d’une stratégie commune destinée à désigner par anticipation l’attributaire et/ou à se répartir des marchés ou des prestations. Le choix opéré par la personne publique, s’il est conforme à l’orientation que tendait à lui donner l’entente, avalise celle-ci, la concrétise. Ce type d’ententes devrait donc constituer un terrain privilégié de la mise en œuvre du mécanisme d’opposabilité. De même, lorsque la pratique repose directement sur la volonté d’induire en erreur la personne publique sur une offre concurrente et donc d’influer sur son choix, le lien entre la décision de choix et la pratique devrait être suffisant pour permettre l’opposabilité du droit de la concurrence. Ainsi, les pratiques consistant à faire croire à l’acheteur public que l’unique concurrent de l’entreprise en cause n’utilise pas des matériaux conformes à des normes obligatoires (cf. Cons. concurrence, déc. n° 92-D-62 du 18 novembre 1992, BOCCRF 15 janvier 1993 — CA Paris 7 mai 1997, BOCCRF 11 juin 1997), ou bien que seul le recours à ses services permet d’assurer la régularité des achats et d’éviter les procédures formalisées du droit des marchés publics (cf. CA Paris 13 janvier 1998, CAMIF/UGAP, JCP Ed. G. 1998, II, 10217, S. Grandvuillemin), peuvent constituer des abus de position dominante. Si l’acheteur public écarte un concurrent, pour le motif avancé par l’entreprise en position dominante et constitutif de son abus anticoncurrentiel, sa décision n’est pas détachable de la pratique illicite. Elle en est la concrétisation. Elle la rend efficace, l’avalise et se verra donc opposer le droit de la concurrence. Jurisprudence – TA Rouen 28 avril 2000, Entr J. Lefebvre Normandie, AJDA 2000.842, note C. Bréchon-Moulènes ; Contrats et Marchés Publics, 2000, n° 40, p. 17, note F. Llorens : « que si le fait de répondre en commun à un appel d’offres ne constitue pas, par luimême, une entente prohibée, constitue en revanche une telle entente la constitution d’un groupement d’entreprises ayant pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence ». Or, en l’espèce, « aucun élément du dossier ne permet d’établir la nécessité d’une concentration de leurs capacités techniques dès lors qu’il est constant que chacune des deux sociétés était en mesure, compte tenu de ses capacités financières et techniques propres, d’assumer seule les travaux faisant l’objet des lots litigieux ; qu’en outre il n’est pas contesté que l’une des spécificités des marchés d’enrobés réside dans l’importance qui s’attache à disposer, près du lieu du marché, d’une centrale de production d’enrobés ; que, dans ces conditions, le groupement entre ces deux sociétés qui disposent, l’une et l’autre, de centrales d’enrobés bitumineux dans la zone d’intervention est de nature à limiter sensiblement le jeu de la concurrence ; que, par suite, la commission d’appel d’offres n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en déclarant irrecevable la candidature du groupement requérant au motif qu’elle était de nature à restreindre le libre jeu de la concurrence ». Dès lors que la personne publique peut sans erreur manifeste d’appréciation supposer qu’une pratique anticoncurrentielle a été commise, elle peut donc exclure une entreprise pour cette raison. Voir cependant, V. Haïm dans ses conclusions dans l’affaire SNCF (cf. CAA Paris 22 avril 2004, SNCF, req. n° 99PA01043, AJDA 2004, p. 1417) pour qui « tant que la preuve de l’existence des pratiques n’est pas apportée, la présomption d’innocence interdit à la SNCF d’opposer aux entreprises candidates des pratiques anticoncurrentielles supposées ou, a fortiori, de refuser de conclure les marchés avec les entreprises ou groupements d’entreprises les mieux disantes ». – TA Bastia 6 février 2003, SARL Autocars Mariani c/ département de la Haute-Corse, req. nos 0100230, 0100231, 0100232, AJDA 2003, p. 738, note S. Palmier ; MTP 6 juin 2003, p. 84, B. Neveu : Lorsque l’acheteur public est parfaitement informé de l’existence de l’entente, il devrait être plus facilement saisi sur le terrain de l’opposabilité du droit de la concurrence. Ainsi, lorsque l’acheteur public sait, notamment grâce à une entreprise tierce, que certaines entreprises ne sont pas autonomes mais se sont concertées pour élaborer leur offre, il doit les écarter de la consultation. En effet, « en n’éliminant pas les offres présentées par lesdites sociétés alors que leurs dossiers de candidature permettaient d’établir qu’elles portaient atteinte au libre jeu de la concurrence et que la société requérante l’avait alerté sur l’existence d’une entente illicite, le département de la HauteCorse a entaché d’illégalité la procédure de passation du marché en cause ». Simplement, l’acte administratif qui avalise, renforce ou étend une pratique anticoncurrentielle sansc En revanche, le « simple » échange d’informations anticoncurrentiel qui ne porterait atteinte qu’à la condition d’incertitude entre les concurrents, ainsi que les pratiques portant atteinte à la liberté d’accès des entreprises (boycotts, clauses interdisant la venue d’un concurrent, ententes destinées à éliminer un concurrent ou les nouveaux concurrents...), ne devraient pas, en règle générale, prédéterminer le choix de la personne publique. 13 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 14 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.3 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE et concordants permettant de tenir cette pratique pour établie ; que si les pratiques de cotraitance et de sous-traitance peuvent constituer des moyens de mettre en œuvre une entente de répartition de l’ensemble des marchés dans un secteur donné, la circonstance que la société Lafon, candidate à l’attribution des marchés en cause dans le cadre d’un groupement, figurait également comme sous-traitant de deux autres candidats pour l’exécution de la partie pétrolière de ces marchés n’est pas anticoncurrentielle en soi ; qu’elle n’est donc pas contraire aux dispositions précitées ; qu’il ressort des pièces du dossier que les propositions techniques et financières de la société Lafon étaient identiques dans les trois offres ; qu’elles n’ont, dès lors, pu influer sur le montant global desdites offres ; que la société requérante ne rapporte pas la preuve de l’entente alléguée et n’établit pas non plus l’existence d’un faisceau d’indes précis, graves et concordants permettant de tenir une telle entente pour établie ; qu’elle n’est, pas suite, pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées ;… qu’il résulte de tout ce qui précède que la société RVI n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions attaquées ». ■ Favoriser ou imposer la mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle L’acte administratif ne doit ni favoriser ou imposer la mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle, ni mettre une entreprise dans une situation où elle est nécessairement, automatiquement conduite à commettre une telle pratique. De nombreuses affaires tant au regard du droit interne que du droit communautaire illustrent cette hypothèse. Jurisprudence – CE 7 décembre 1992, Synconem et soc. Conforama, req. n° 121441, Lebon, p. 787 : une disposition législative du Code du travail (art. L. 221-17) ainsi que des arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de cette disposition n’étaient pas incompatibles avec l’article 85 du Traité puisque « l’article L. 221-17 du Code du travail et les arrêtés du préfet du Rhône... n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre ou favoriser des ententes entre les entreprises des secteurs concernés... ». – CE 16 janvier 2002, Syndicat national des entreprises d’esthétique et de coiffure à domicile et autres, req. n° 223859, CJEG 2002, p. 311, concl. P. Fombeur : « il résulte des dispositions combinées des articles 8 et 9 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 [intégrée dans le Code de commerce] que l’extension d’une convention ou d’un accord collectif de travail ne peut avoir légalement pour effet de placer une entreprise ou un groupe d’entreprises dans une situation où elles contreviendraient aux dispositions de l’article 8 ». – CE 29 juillet 2002, Soc. CEGEDIM, req. n° 200886 : « l’arrêté attaqué en établissant à la fois un tarif unitaire dégressif pour les clients finaux de l’INSEE et une redevance proportionnelle de 20 centimes pour les rediffuseurs est de nature à placer l’INSEE en situation d’abuser automatiquement de sa position dominante sur le marché pertinent des fichiers de prospection commerciale de grande taille et méconnaît les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 [intégrée dans le Code de commerce] ». – CE 30 avril 2003, Union Nationale des Industries de Carrières et de Matériaux de construction (UNICEM), req. n° 244139, Droit adm., n° 8 d’août 2003, p. 17, note M. Bazex et S. Blazy : « Considérant que si la loi du 17 janvier 2001, en attribuant à l’Institut national de recherches archéologiques préventives les droits exclusifs mentionnés ci-dessus, a nécessairement créé au profit de cet établisse- ment une position dominante sur le marché des opérations de diagnostics et de fouilles d’archéologie préventive au sens des stipulations de l’article 82 du traité instituant la communauté européenne et de l’article L. 420-2 du Code de commerce, ni les règles précisant, dans le décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002, le régime de ces opérations, ni celles définissant, dans le décret n° 2002-90 du même jour, les ressources ainsi que l’organisation et le fonctionnement de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, ne mettent par elles-mêmes l’établissement public en situation d’abuser de manière automatique de sa position dominante, en pratiquant par exemple, comme l’indiquent les requérants, des prix anormalement bas pour les prestations annexes qu’il pourrait être appelé à offrir sur des marchés ouverts à la concurrence ; » – CE 22 novembre 1991, Assoc. des Centres distributeurs Ed. Leclerc, Lebon, p. 399 – CE 24 avril 1992, Union nat. des fédérations d’organismes d’HLM, Lebon, p. 190 – CE 27 septembre 1993, Basset et Nougues, Lebon, p. 639 – CE Section 8 novembre 1996, Fédération française des sociétés d’assurance, Lebon, p. 441 ; LPA, n° 41, 4 avril 1997, p. 10, note M. Bazex ; AJDA 1997.204 et chr. D. Chauvaux et T.-X. Girardot, p. 142 ; D. 1997.281, note F.-H Briard – CE 30 avril 1997, Synd. des médecins d’Aix et de sa région et autre, req. n° 173044 – CE 9 juillet 1997, Soc. Maison Balland-Brugneaux, req. n° 168629 – CE Section 3 novembre 1997, Soc. Million et Marais, précité – CE 3 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris, CJEG 1998.105, concl. M. Combrexelle – CE Section avis 22 novembre 2000, Soc. L&P Publicité SARL, RJDA 4/2001, n° 508, concl. Austry, p. 377 – CE 16 juin 2004, MGSP et autres (à propos d’un décret), req. n° 235176, 2382940 et 238291, BJCP 2004, p. 367, concl. J.-H. Stahl, obs. C Maugüé ; D . adm. 2004, p. 27, comm. 140, M. Bazex et S. Blazy ; Europe, n° 11, novembre 2004, p. 23, note P. Cassia et E. Saulnier ; AJDA 2004, p. 1509, N. Charbit ; RLC novembre 2004/janvier 2005, p. 63, S. Destours ; JCP Ed. Entr., 2005, II, 277, S. Grandvuillemin ; Contrats, conc. consom., n° 11, novembre 2004, p. 21, note M. Malaurie-Vignal ; JCP Ed. Gén. n° 48, 24 novembre 2004, p. 2175, note M.-C. Rouault — Dans la même affaire, CE 13 janvier 2003, MGSP et autres, req. n° 235176, AJDA 2003.899, note J.-D. Dreyfus et Cons. concurrence, avis n° 03-A-21 du 31 décembre 2003, BOCCRF 26 avril 2005. – CJCE 25 février 2005, G. E. Mauri c/ Ministero della Giustizia, point 37 : « Pour ces mêmes motifs, il ne saurait non plus être reproché à cet État d’imposer ou de favoriser la conclusion d’ententes contraires à l’article 81 CE ou de renforcer les effets de telles ententes (voir également, en ce sens, arrêt Arduino, précité, point 43) ou encore d’imposer ou de favoriser des abus de position dominante contraires à l’article 82 CE ou de renforcer les effets de tels abus » – CJCE 23 avril 1991, Höfner et Elser, aff. C-41/90, rec. I-1979 – CJCE 10 décembre 1991, aff. dite du Port de Gènes, aff. C-179/90, rec. I-5889 – CJCE 13 décembre 1991, RTT c/ GB INNO, aff. C-18/88, rec. I-5941 – CJCE 5 octobre 1994, Soc. civ. agric. du centre d’insémination de la Crespelle, C-323/93, rec. I-5077 – CJCE 12 février 1998, Silvano Raso e.a., aff. C-163/96, Bull. Act. 9-13 février 1998, n° 5/98, p. 9. Les actes unilatéraux édictés pendant la procédure de passation de même que le marché public lui-même ne doivent ni favoriser ni imposer la mise en œuvre par les entreprises d’une pratique anticoncurrentielle. 14 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 15 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP III.133.4 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE ⵧ Imposer Pratique Tel sera le cas lorsque l’acte administratif traduit véritablement la volonté de l’acheteur public d’organiser, par exemple, une entente entre les entreprises. Ainsi, si l’acheteur public contacte différentes entreprises pour leur demander de déposer des offres de complaisance afin de simuler la mise en concurrence, les différents actes unilatéraux de la procédure, mais aussi le contrat lui-même, violent indirectement le droit de la concurrence en étant la cause du comportement anticoncurrentiel des entreprises. L’entreprise qui estime qu’un marché public a été conclu avec une entreprise prédésignée dans le cadre d’une entente anticoncurrentielle et qui souhaite faire jouer le mécanisme d’opposabilité du droit de la concurrence pourrait saisir avec bonheur, en même temps que le juge administratif, le Conseil de la concurrence d’une double demande : une demande au fond (sur la saisine, voir Point-clé III.150.3) et une demande de mesures conservatoires (sur ces mesures, voir Point-clé III.153.2). L’intérêt de ces recours est de permettre l’intervention du Conseil de la concurrence avant que le juge administratif ne statue, ce qui permettra tant au requérant qu’au juge administratif de s’appuyer sur cette décision. En tout état de cause, le juge administratif peut saisir pour avis le Conseil de la concurrence, et il semble qu’il n’hésite pas à le faire (cf. par ex. CE 13 janvier 2003, Mutuelle générale des services publics et autres req. n° 235176, AJDA 2003.899, note J.-D. Dreyfus – CE 26 mars 1999, Soc. EDA, Soc. Hertz France, Lebon, p. 107, concl. J.H. Stahl ; AJDA 1999, p. 427, note M. Bazex ; Etude S. Manson, RDP 1999, p. 1543 ; J.-P. Markus, D. aff. 2000, n° 9, p. 204 ; N. Reboul, LPA 5 avril 2000, p. 14 ; M.-C. Rouault, JCP éd. Entr. 1999, p. 1170). Jurisprudence Cons. concurrence, déc. nos 91-D-13, 91-D-14 et 91-D-15 du 26 mars 1991, Cne de Baie-Mahault, BOCCRF 12 avril 1991, p. 109 et 110. ⵧ Favoriser Dans cette hypothèse, les solutions sont moins tranchées. Ainsi, dans certains cas, les modalités de dévolution du marché peuvent objectivement induire la violation de la concurrence par les entreprises et, dès lors, rendre opposable le droit de la concurrence aux actes administratifs organisant cette dévolution. En ce sens, le Tribunal administratif de Nice considère que « cette organisation par la ville de Nice de la dévolution du marché… peut avoir pour effet de permettre au groupement d’entreprises titulaire du marché de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant la stipulation d’un prix unique, par conséquent, artificiel par rapport aux différents prix que pouvait offrir chaque contractant de l’administration, dans l’hypothèse davantage concurrentielle où les prestations de services à fournir seraient divisées en plusieurs lots… ; que, dès lors, le marché entre la ville de Nice et le groupement des entreprises… a été passé en méconnaissance des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 (article L. 420-1 du Code de commerce) » (cf. TA Nice 9 novembre 1998, préfet des Alpes-Maritimes, req. n° 98-1897). Mais la solution ne devrait pas être automatique et il faut, au cas par cas, vérifier le lien entre l’acte et la pratique anticoncurrentielle des entreprises. S’il apparaît que sans cet acte ou avec d’autres modalités de passation, la pratique anticoncurrentielle n’aurait pas été commise, alors le droit de la concurrence devrait pouvoir jouer. Dans le cas contraire, il est probable que lorsque les modalités de passation rendent possible l’entente (par exemple « ... la sélection systématique des mêmes entreprises déjà localement implantées… l’attribution d’un lot unique par adjudicataire... la publication des résultats et des rabais proposés lors des précédents appels d’offres et l’attribution systématique du marché au moins disant ... » : CA Paris 17 janvier 1991, BOCCRF 31 janvier 1991), le lien de causalité entre l’acte et la pratique ne sera pas considéré comme suffisant pour permettre de saisir l’acte sur le terrain de l’opposabilité du droit de la concurrence. La violation du droit de la concurrence par l’acheteur public sur le terrain de l’opposabilité du droit de la concurrence peut être saisie par le mécanisme du référé précontractuel (L. 551-1 CJA – cf. CE 28 juillet 1999, SA Bouygues et autres, req. n° 206749, à propos d’une concession relative à la construction et l’exploitation de l’A 86 Ouest). III.133.4 Principe de liberté de la concurrence 1 | Principe ■ Personne publique candidate Dans son avis de Section du 8 novembre 2000 (cf. CE Section 8 novembre 2000, Soc. Jean-Louis Bernard Consultants, req. n° 222208, RFDA 2001, p. 112, concl. C. Bergeal ; CJEG 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus ; AJDA 2000, p. 987, chr. M. Guyomar et P. Collin) le Conseil d’Etat mentionne un « principe de liberté de la concurrence qui découle notamment de l’ordonnance du 1er décembre 1986 (intégrée au Code de commerce) ». Ce principe est applicable même si le texte dont il découle ne l’est pas. Il est donc directement applicable à l’acheteur public. Ce principe interdit d’attribuer un marché public à une personne publique qui n’établirait pas son prix dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Concrètement, le Conseil d’Etat pose trois conditions à la légalité de l’attribution d’un marché public ou d’une délégation de service public à un établissement public administratif. Il faut « d’une part, que le prix proposé par cet établissement public administratif soit déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, d’autre part, que cet établissement public n’ait pas bénéficié, pour déterminer le prix qu’il a proposé, d’un avantage découlant des ressources ou 15 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 16 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 III.133.4 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS DMP LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE des personnes publiques se portent candidates à l’obtention d’un marché public » des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public et enfin qu’il puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié. » Cons. concurrence, déc. n° 04-D-52 du 9 novembre 2004, BOCCRF 31 mars 2005 – RLC 2005, n° 2-57 note M. Bazex, S. Blazy et E. Berkani : « Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans un avis du 8 novembre 2000, société Jean-Louis Bernard consultants, aucun texte, ni aucun principe n’interdit, en raison de sa nature, à une personne publique de se porter candidate à l’attribution d’un marché public ou d’un contrat de délégation de service public, les diverses structures publiques ayant une activité industrielle ou commerciale devant acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature prévus pour les entreprises privées. S’agissant des établissements publics administratifs (EPA), les règles, différentes de celles applicables aux entreprises privées auxquelles ils sont soumis en matière d’emploi de personnel et de droit du travail, n’ont ni pour objet ni nécessairement pour effet de les placer dans une situation plus avantageuse et ne sont donc pas de nature à fausser la concurrence, le prix proposé par un EPA devant prendre en compte l’ensemble des coûts directs et indirects et exclure tout avantage lié à la mission de service public pour que soient respecté l’égal accès aux marchés publics ainsi que le principe de liberté de la concurrence. Toutefois, conformément à l’article L. 410-1 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence est seulement compétent pour qualifier les pratiques des personnes publiques lorsqu’elles exercent une activité économique : la légalité de la décision, prise par un service de l’Etat, d’exercer ou non des activités commerciales relève de la seule appréciation de la juridiction administrative (décision du Conseil de la concurrence n° 00-DA-03 du 14 juin 2000). Dès lors, le moyen tiré par le cabinet Duplouy de l’irrégularité de l’intervention du CETE de Lyon sur le marché concurrentiel ne relève pas de la compétence du Conseil de la concurrence » – cf. aussi Cons. Concurrence, déc. n° 04-D-53 du 9 novembre 2004, BOCCRF 31 mars 2005. Jurisprudence – Sur le principe de liberté de la concurrence : CE Section 8 novembre 2000, Soc. Jean-Louis Bernard Consultants, req. n° 222208, RFDA 2001, p. 112, concl. C. Bergeal ; CJEG 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus ; AJDA 2000, p. 987, chr. M. Guyomar et P. Collin – Sur les suites de l’avis du Conseil d’Etat : TA Dijon 20 février 2003, Société Jean Louis Bernard Consultants c/ District de l’Agglomération Dijonnaise, req. n° 99245 – Pour la jurisprudence antérieure : CE 1er avril 1998, Union hospitalière privée et autres, req. nos 188529 et 188539, p. 144, MTP 17 juillet 1998, p. 31 obs. E. Delacour – CE 5 octobre 1998, Fédération française des Pompes funèbres, nos 193261 et 193359, RFDA 1998.1282. – CE 27 juillet 2001, CAMIF/UGAP, req. n° 218067 : « il découle tant de l’ordonnance du 1er décembre 1986 que des stipulations du traité ayant institué la communauté économique européenne, notamment de son article 90 (devenu, après modification, l’article 86 CE), que doivent être respectés le principe de libre concurrence et les exigences de l’égal accès aux marchés publics » (même formulation, dans CE 24 septembre 2003, CAMIF, requête n° 240604). – CAA Bordeaux 4 mars 2003, Département des Deux-Sèvres, AJDA 2003.895, note J.-D. Dreyfus et note J.-P. Markus : « « si, dans un but d’intérêt général inspiré notamment par des préoccupations sociales, le pouvoir réglementaire peut adopter des dispositions qui favorisent l’attribution des marchés publics à certaines catégories d’organismes, ce ne peut être que dans la stricte mesure de ce qui est nécessaire à l’accomplissement de ce but et dans le respect du principe d’égalité et du principe de libre concurrence consacrés tant par le droit interne que par le droit communautaire » (violation desdits principes par l’article 262 de l’ancien Code des marchés publics, à propos du quart réservataire ; sur la question : Conseil constitutionnel 6 décembre 2001, n° 2004-452 DC, Loi MURCEF). – Sur les personnes publiques candidates à des contrats publics : TA Besançon 8 juillet 1999, Monnot, req. n° 97-232, MTP 8 octobre 1999, Suppl. TO p. 422 : les propositions de la DDA dans le cadre d’un marché de maîtrise d’œuvre sont nettement inférieures à celles des architectes parce que « les services de l’Etat ne supportent pas les charges sociales, fiscales et d’amortissement que connaissent les opérateurs privés, faisant subir à ceux-ci une concurrence déloyale contraire au principe de la libre concurrence consacré aussi bien par les principes généraux de notre droit que par ceux du droit communautaire » – Cons. concurrence, avis n° 99-A-21 du 8 décembre 1999, BOCCRF 31 mars 2000 – Cons. concurrence, déc. n° 00-D-47 du 22 novembre 2000, BOCCRF 30 décembre 2000 – Cons. concurrence, déc. n° 00-D-57 du 6 décembre 2000, BOCCRF 23 février 2001. – Sur la « concurrence publique » sur le marché de l’ingénierie forestière, cf. Cons. concurrence, avis n° 05-A-06 du 31 mars 2005, BOCCRF (à paraître), RLC 2005, n° 4-27, note G. Clamour – A propos de l’offre d’un syndicat de commune dans le cadre d’une délégation du service public de distribution de l’eau potable, TA Amiens 21 novembre 2002, CGE c/ Cne de Saint-Michel, AJDA 19 janvier 2004, p. 73, obs. L. Richer. 2 | Possibilités d’extension ■ Atteintes aux conditions de bon fonctionnement du libre jeu de la concurrence Le « principe de liberté de la concurrence qui découle notamment de l’ordonnance du 1er décembre 1986 » a un potentiel important. Il devrait permettre de saisir tous les – CE 28 avril 2001, Fédération Nationale des géomètres experts et a., req. n° 233360, Contrats et Marchés Publics, juillet 2004, p. 17, note P. Delelis : « Considérant que s’il appartient à la personne publique responsable du marché de s’assurer, lorsqu’elle engage une procédure de passation d’un marché public, que les règles de libre concurrence sont effectivement respectées, le principe de liberté de la concurrence ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que 16 Mise à jour n° 45 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 17 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57 DMP III.133.4 LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LE PRINCIPE DE MISE EN CONCURRENCE rents (violation de l’incertitude). De même, le principe de liberté de la concurrence permettrait de sanctionner la pression exercée par l’acheteur public sur les entreprises pour qu’elles suivent un comportement déterminé allant jusqu’à l’incitation à déposer des offres de principe ou de couverture pour simuler la concurrence (violation de l’autonomie). Jurisprudence – CE 30 avril 2003, Syndicat professionnel des exploitants indépendants des réseaux d’eau et d’assainissement, req. n° 230804, Droit social, n° 11, novembre 2003, p. 999, note P.-H. Antonmattéi et S. Destours ; AJDA 2003, p. 1150, chr. F. Donnat et D. Casas ; Droit adm., n° 6 juin 2003, p. 22, note M. Bazex et S. Blazy ; LPA, n° 253 du 19 décembre 2003, p. 14, note J. Gate ; P. Subra de Bieusses, Droit de la concurrence et droit du travail, AJDA 25 octobre 2003, p. 1849 : il appartient au ministre du travail « de veiller à ce que l’extension d’une convention collective ou d’un accord collectif de travail n’ait pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en limitant l’accès à ce marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; qu’il en va en particulier ainsi dans les secteurs où des entreprises sont candidates à des délégations de services publics ou à des marchés publics ; qu’à ce titre, il incombe au ministre d’opérer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, une conciliation entre, d’une part, les objectifs d’ordre social de nature à justifier que les règles définies par les signataires d’une convention ou d’un accord collectif soient rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs du secteur et, d’autre part, les impératifs tenant à la préservation de la libre concurrence dans le secteur en cause ; …son extension est, compte tenu des caractéristiques propres du marché des services d’eau et d’assainissement, de nature à porter une atteinte excessive à la libre concurrence » (à comparer, sur le terrain de l’opposabilité du droit de la concurrence avec CE 12 juin 1996, Soc. Christ et fils, Lebon, p. 223 ; M. Bazex, L’analyse économique, nouvel instrument du contrôle juridictionnel des inter- ventions économiques des personnes publiques, LPA 4 avril 1997, n° 41, p. 10). – Pour comparaison, CE 20 avril 2005, Conseil national des professions de l’automobile, req. n° 260779, AJDA 31 octobre 2005, p. 2064, note. S. Nicinski : « dans ces conditions, en réservant aux seuls broyeurs le bénéfice de la compensation prévue à l’article 5, le décret attaqué [décret n° 2003-727 du 1er août 2003 relatif à la construction des véhicules et à l’élimination des véhicules hors d’usage ] n’a pas méconnu les objectifs d’égalité de traitement et de libre concurrence qui inspirent les dispositions de la directive susmentionnée [directive n° 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d’usage] ». Bibliographie C. Bergeal, La candidature d’une personne publique à un contrat public, concl. sur CE 16 octobre 2000, Cie méditerranéenne d’exploitation des services d’eau, RFDA 2001, p. 106-112 – N. Charbit, Marée haute et écueils de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de concurrence. A propos de quelques affaires récentes, LPA, 21 février 2001, p. 4 – G. Guiavarc’h, L’ouverture des marchés publics et délégations de service public aux opérateurs publics, MTP 19 janvier 2001, p. 86-89 – S. Nicinski, Les établissements publics en quête d’identité sur le marché concurrentiel, CP-ACCP novembre 2001, p. 7 – O. Guézou, Droit de la concurrence et droit des marchés publics : vers une notion transversale de mise en libre concurrence, CP-ACCP mars 2003, p. 43 – P. Subra de Bieusses, Droit de la concurrence et droit du travail : A propos de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 avril 2003, AJDA 25 octobre 2003, p. 1849 – J.-Y. Chérot, Nouvelles observations sur la régulation par le Conseil d’État de la concurrence entre personnes publiques et personnes privées, Mélanges Franck Moderne, D. 2004, p. 94 – D. Linotte, Existe-t-il un principe général du droit de la libre concurrence ? AJDA n° 28/2005, 1er août 2005, p. 1549 – M. Bazex, S. Blazy et E. Berkani, Application du droit de la concurrence aux personnes publiques dans leur accès à la commande publique, RLC 2005, n° 2-57 – G. Clamour, Retour sur la libre et égale concurrence entre opérateur public et opérateur privé, RLC 2005, n° 4-27. 17 GROUPE MONITEUR – Janvier 2006 Mise à jour n° 45 NORD COMPO — 03.20.41.40.32 — 97297 RWJ Droit des marchés publics (Nouvelle maquette) - Rappel p. 18 — NMDMP3$$25 07-01-06 09:13:57