La femme vue par les surréalistes : l`exemple de Max Ernst

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La femme vue par les surréalistes : l`exemple de Max Ernst
La femme vue par les surréalistes : l'exemple de Max Ernst
Extrait du Art & Flux
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La femme vue par les
surréalistes : l'exemple de Max
Ernst
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Date de mise en ligne : jeudi 6 mars 2008
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La femme vue par les surréalistes : l'exemple de Max Ernst
Max Ernst a été le précurseur de toutes les techniques picturales du surréalisme. Il a ouvert
la voie aux autres peintres du groupe qui exploiteront à sa suite le principe du collage alliant
le rêve à la réalité, ainsi que le frottage avec son pouvoir hallucinatoire.
Il a su jouer du hasard et du geste conscient, et ceci dans le choix délibéré de ses outils : tantôt il gratte, frotte, il fait
couler sa peinture, tantôt il utilise le compas et la règle pour donner une structure et un sens à son dessin.
La femme désir
Chez Max Ernst le désir accède à une dimension poétique, métaphysique, dans un univers fait de bêtes, d'insectes
bizarres, d'oiseaux.
Dans "La toilette de la mariée" 1939, huile sur bois (96x130) on voit que la mariée est tour à tour une femme portant
un vêtement de fourrure et une tête d'aigle, une femme nue dont la chevelure en éventail rappelle un aile d'oiseau et
enfin, en bas à droite, un hermaphrodite à quatre seins et enceinte. La femme est donc représentée dans tous ses
états possibles et le désir est à la fois un désir animal et un désir qui suscite le mystère, l'amour, la jalousie. La
femme du désir est une femme inatteignable, une "reine de la nuit".
La femme et l'univers
"Le jardin de la France", 1962, huile sur bois (144x168) réunit tous les concepts de la femme dans le surréalisme : on
y voit la femme dans l'histoire de la peinture, la femme désir et les relations de la femme avec l'univers.
Cette fois, le corps de la femme apparaît distinctement, il s'agit d'une femme nue que Max Ernst a reprise d'un
tableau de Cabanel (1764). En la mettant dans un contexte différent il lui donne une autre dimension. Alors que
Cabanel la faisait flotter dans les airs entourée d'anges, Max Ernst l'enfouit dans les sédiments terrestres ! Il semble
enterrer l'histoire du nu et de ce tableau pompier dans le sol pour en faire émerger une autre vision de la femme. Elle
devient comme la peau du monde, la fertilité du sol, la carte de la France puisque les deux fleuves sont nommés "La
Loire " et l'Indre". Max Ernst oppose à la qualité presque photographique du nu la qualité plus picturale et inachevée
du sol. Sans doute pour montrer que l'image poétique de la femme est plus inscrite dans ce jardin de France où tout
pousse et tout fleurit que dans la représentation trop froide du nu.
Cette femme dont on ne voit qu'un corps morcelé, sans visage est en même temps une représentation du désir,
centré sur le sexe, les jambes et un des seins. Ce nu qui avait presque une dimension divine dans le tableau de
Cabanel, devient réel et érotique à cause du bas noir rajouté volontairement. C'est donc une peinture pleine
d'humour qui révèle bien les préoccupations de Max Ernst, où on retrouve le principe du collage, qui consiste à
dénaturer quelque chose pour lui donner un autre sens.
C'est Breton qui avait défini ainsi l'image surréaliste : "Pour moi la plus forte est celle qui présente le degré arbitraire
le plus élevé...celle qu'on met le plus longtemps à traduire en langage pratique, soit qu'elle recèle une dose énorme
de contradiction apparente, soit que l'un de ses termes en soit curieusement dérobé, soit que s'annonçant
sensationnelle elle a l'air de se dénouer faiblement ...soit qu'elle déchaîne le rire" (Manifeste du surréalisme, 1924,
p.50)
La femme machine
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La femme vue par les surréalistes : l'exemple de Max Ernst
Max Ernst s'est beaucoup intéressé aux préoccupations de Duchamp qui voulait exprimer les relations de l'homme
avec la machine, avec cette société d'industrialisation et de mécanisation.
Dans "La femme chancelante", 1923, huile sur toile (130,5x97,5) on voit une femme, cheveux hérissés, en équilibre
précaire, dont le corps penche vers la gauche du tableau. Max Ernst s'est inspiré pour la machine d'une invention du
19 siècle qui "égalisait les vagues par gros temps". Ici la femme est prisonnière de la machine, le coprs de la
danseuse est confronté au corps de la machine. De même que les cheveux de la femme sont figés comme par
miracle, les jets d'huile de la machine deviennet solides, on assite à une pétrification. Il n'y a plus de haut ni de bas,
les contraires se rejoignent, comme dans la théorie du surréalisme définie par Breton : "Je crois à la résolution future
de ces deux états, en apparence contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de
surréalité..." (Manifeste p.24)
La femme n'est plus en harmonie totale avec la nature, elle est devenue une créature froide et figée. C'est la
machine qui semble prendre le contrôle de son corps, supposé agile au départ, puisque Max Ernst a choisi de
représenter une danseuse. Pour dénoncer l'influence néfaste du machinisme sur le corps humain ?
Les surréalistes ont réussi à créer un nouveau regard sur la peinture mais aussi sur la femme. La femme qui a joué
un rôle important dans l'histoire de l'art et de la peinture, comme muse, comme modèle, voit ici son image bousculée,
à la fois ridiculisée et magnifiée.
Elle est plus qu'un modèle, elle fait partie de leur vie, de leur inconscient, de leurs pulsions profondes, elle se
métamorphose réellement jusqu'à devenir mi-ange, mi-démon, elle est celle qui mêle les tendances extrêmes, le
désir animal et la spiritualité.
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