José Bové et les OGM ou quand les démagogues sont plus forts que
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José Bové et les OGM ou quand les démagogues sont plus forts que
FORUM Seite 22 Tageblatt LE MOT DUUnsere JOUR Adressen: dfdsafasdf dgbhdsfh fdhsdg Freitag, 1. Februar 2008 Tageblatt - Leserbriefe 44, rue du Canal, L-4050 Esch/Alzette E-Mail: [email protected] Fax: 53 05 87 Pierre Lutgen José Bové et les OGM ou quand les démagogues sont plus forts que les scientifiques (2e partie) „Le génie génétique également ne fait qu’utiliser ce qui existe dans la nature, mais il va chercher les gènes utiles non pas dans une plante apparentée, mais dans une bactérie, par exemple. La différence avec la sélection traditionnelle n’est donc pas très grande.“ (AP Photo/Frank Augstein) En mai 2003, la Royal Society, ou Académie des sciences britannique déclare que les OGM ne sont pas plus dangereux pour la santé que les aliments conventionnels. D ans la foulée de nombreux pays ouvrent la porte à des essais à grande échelle: ● Le parlement suisse vote en 2003 une loi qui permet de faire des essais de plantation avec des OGM. ● En mars 2004 le gouvernement britannique donne le feu vert à la culture du maïs transgénique pour bétail. ● En avril 2004 la Suède donne le feu vert aux pommes de terre génétiquement modifiées. ● En mai 2004 le parlement danois autorise et réglemente les cultures d’OGM. ● En mars 2005 le Brésil autorise la culture du coton transgénique 531. ● En mai le ministère de l’Agriculture français autorise onze nouveaux types d’essais en plein champ ● En mai 2005, l’European Food Safety Authority émet un avis d’innocuité sur le maïs BT11 qui subséquemment a été ratifié par tous les pays de la communauté. ● En août la CE autorise l’importation du colza transgénique GT73 ● En octobre 2005 la Cour de justice européenne rend un arrêt annulant l’interdiction de la culture d’OGM en Haute Autriche ● Début 2007 Claude Allègre dans son livre „Ma vérité sur la planète“ fait un plaidoyer passionné en faveur des OGM. ● Une enquête auprès des fermiers britanniques (British Grassland Society) révèle que deux tiers des fermiers planteraient tout de suite des OGM s’ils pouvaient. ● En France, un groupe de scientifiques ont ouvert le site „nonaumoratoire“. ● Une étude approfondie vient d’être publiée en Angleterre concernant les avantages et désavantages des OGM. Elle se base sur 37 études scientifiques faites dans une dizaine de pays. Pour les fermiers qui les utilisent les OGM représentent un gain économique de 27 billions de dollars et une réduction de 172 millions de kilos de pesticides. ● Au Luxembourg, aucun progrès à signaler dans les têtes ni dans les champs. La question fondamentale est de savoir si les OGM peuvent causer plus de dommages dans la nature que les plantes modifiées par techniques de croisement classiques. Le développement d’espèces Page coordonnée par Tom Wenandy plus résistantes ou plus productives peut en effet se faire, soit par sélection naturelle comme cela se fait depuis des millénaires, soit par la technologie génétique. La sélection traditionnelle consistait à aller chercher dans des plantes apparentées des gènes supposés avantageux et que l’on introduisait par des croisements. L’homme faisait de la manipulation génétique, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Et cela depuis 5.000 ans, depuis les civilisations de l’Indus et de Mésopotamie. Depuis cette époque, en effet, il féconde des plantes les unes avec les autres, il croise, sélectionne, recroise, resélectionne et ainsi de suite. Les vaches laitières de nos pays et qui produisent 25 litres par jour, bon an mal an, sont alors des OGM sur quatre pattes. Le risque que les gènes se transfèrent à d’autres plantes est fort réduit … Les pommes de terre et les tomates que nous mangeons aujourd’hui ont été obtenues par croisement entre des espèces, dont certaines étaient très toxiques pour l’homme. Le génie génétique également ne fait qu’utiliser ce qui existe dans la nature, mais il va chercher les gènes utiles non pas dans une plante apparentée, mais dans une bactérie, par exemple. La différence avec la sélection traditionnelle n’est donc pas très grande. Francis Bacon en 1627 avait déjà réalisé que les agriculteurs „rendaient les plantes beaucoup plus grandes qu’il n’est dans leur nature; leurs fruits sont plus gros et plus sucrés: et nombreuses sont celles qu’ils modifient ainsi qui deviennent utiles d’un point de vue médicinal“. Le risque que les gènes se transfèrent à d’autres plantes est fort réduit et n’a pas pu être mis en évidence dans la nature. Les espèces „artificielles“ produites à des fins agricoles, que ce soit par croisement ou par modification génétique, ont généralement un temps de survie très court dans la nature. Elles n’ont que peu de chance dans la lutte avec les mauvaises herbes qui ont un potentiel génétique d’adaptation beaucoup plus grand. Les cultures de maïs transgénique qui produisent la e-mail: [email protected] toxine Bt ont selon un article de la Revue Sciences du 8 juin 2007 peu d’effets sur les papillons, les abeilles ou d’autres espèces non ciblées. Un risque beaucoup plus grand pour les espèces indigènes dans un pays déterminé est l’introduction d’espèces en provenance d’autres continents. Ne pensez qu’aux lapins qui prolifèrent en Australie, aux abeilles tueuses en Amérique et aux nénuphars américains qui polluent le fleuve Congo. Ce qui en tout cas est incompréhensible c’est la lutte hystérique et farouche de certaines associations vertes contre les aliments génétiquement modifiés. Vouloir interdire la vente de poulets alimentés au soja modifié devient obscurantiste et contraire à toute preuve scientifique lorsqu’on prétend que les gènes de ce soja pourraient causer des problèmes de santé chez les humains après leur passage improbable sinon impossible à travers l’estomac des poulets. La panique entretenue actuellement au sujet des légumes aux OGM fait penser aux réticences invraisemblables à manger des pommes de terre en France jusqu’au XVIIIe siècle. Cette plante américaine ramenée par les conquistadores a pourtant été cultivée dès 1600 par Olivier de Serres dans le Vivarais. Parmentier a fini par réussir à la faire accepter à Paris en 1786 alors qu’en Alsace et aux Pays-Bas, on en mangeait déjà depuis un siècle. Il est certain qu’une certaine prudence s’impose … Pour les tomates aussi, ce fut très long: il a fallu presque deux siècles pour que l’on ose manger ces plantes rouges, décoratives. Maintenant deux cent millions de personnes mangent des OGM depuis dix ans aux USA sans dommage. Mais c’est insuffisant pour nos écolos qui veulent attendre encore un siècle ou deux. Il est certain qu’une certaine prudence s’impose comme c’est le cas pour toute nouvelle technologie et que l’introduction dans nos régions d’espèces de maïs qui augmentent encore plus les excédants alimentaires peut être critiquée, mais quand cette lutte contre les aliments génétiquement modifiés cause la perte de vies humaine elle devient amorale. En Afrique où les fermiers ne peuvent pas se payer les pesticides, plus de 50 pour cent de leur production agricole devient une proie des insectes, des moisissures et des mauvaises herbes. Les OGM réduisent fortement ces pertes. Proposer à ces fermiers l’agriculture biologique maintient certainement un des piliers du développement durable: une sous-alimentation durable de millions d’Africains. Actuellement un milliard de personnes souffrent de famine et de malnutrition et 5,6 millions d’enfants en meurent par année. „Aveuglés par les gènes“ comme dit la Frankfurter Allgemeine Zeitung Deux chercheurs suisses ont pu mettre au point au cours de la dernière décennie une variété de riz qui contient plus de vitamine A et de fer, substances qui manquent cruellement dans l’alimentation de millions d’êtres humains. Deux millions d’enfants meurent chaque année à cause de ces carences et d’autres perdent la vue à cause de ces mêmes carences. N’empêche, certains verts sont farouchement opposés à l’introduction, même gratuite, de cette variété de riz dans le subcontinent indien. „Aveuglés par les gènes“ comme dit la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 30 avril 2005. Ou encore comme dit Bill Carmichael du Yorkshire Post: „Qu’importe pour le militant de Greenpeace la mort d’enfants de couleur, tant que lui gri- gnote son Müsli sans OGM, la conscience parfaitement en paix“. La lutte des associations vertes devient criminelle lorsque l’organisation arrive à convaincre les présidents du Zimbabwe et de Zambie de refuser le maïs offert gratuitement par les Etats-Unis pour nourrir les millions d’habitants de ces pays mourant de faim. Ou encore à convaincre l’Inde et le Pakistan après les terribles cyclones de 1999 de ne pas accepter les céréales qui contenaient éventuellement des OGM. Un des seuls Américains à parcourir le monde pour prêcher contre les OGM est Jeremy Rifkin. Il s’est fait solidement rabrouer par l’Africaine Florence Wambgu du Kenya: „Les OGM constituent une chance unique pour l’Afrique. Le génie génétique agronomique représente un espoir considérable pour les pays pauvres. L’agressivité des Occidentaux à l’égard des OGM relève d’une pathologie de nantis“. Steven Pinker dans son dernier livre „The Blank Slate“ essaie d’expliquer le rejet des OGM par le fait que pendant plus de cent mille ans nos ancêtres ont vécu comme simples prédateurs sur la terre et que le cerveau qu’ils ont développé se limite aux facultés de chasseur, de nomade mais qu’il n’a pas développé une intuition spontanée pour la physique, la chimie, la neuroscience, la biologie, l’évolution. Tout produit technique nouveau, que ce soit le train à vapeur ou l’OGM, conduit à une attitude initiale de rejet. Michel Serres, philosophe et historien, qualifie „d’obscurantisme pur et dur la destruction des cultures d’OGM et l’attitude de refuser à priori le résultat d’expérimentations précisément destinées à répondre aux inquiétudes“. Le prix Nobel de physique, Pierre-Gilles de Gennes a réussi à faire signer un appel contre l’obscurantisme qui prévaut sur les OGM. Jean-François Revel dans Le Point du 17 octobre 2003 abonde dans le même sens: „Plusieurs centaines de savants français, dont deux prix Nobel, ont publié un communiqué pour déplorer le vandalisme de José Bové et de ses sbires. Ces soi-disant amis des pauvres se révèlent comme les plus hypocrites de leurs ennemis sous le prétexte mensonger de lutter contre les multinationales, alors qu’ils sont la plus nuisible d’entre elles“. -> L’auteur est docteur en sciences -> La première partie est parue dans notre édition du 31 janvier