José Bové et les OGM ou quand les démagogues sont plus forts que

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José Bové et les OGM ou quand les démagogues sont plus forts que
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Tageblatt
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Freitag, 1. Februar 2008
Tageblatt - Leserbriefe
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Pierre Lutgen
José Bové
et les OGM
ou quand les
démagogues sont
plus forts que
les scientifiques
(2e partie)
„Le génie génétique également
ne fait qu’utiliser ce qui existe
dans la nature, mais il va
chercher les gènes utiles non
pas dans une plante
apparentée, mais dans une
bactérie, par exemple. La
différence avec la sélection
traditionnelle n’est donc pas
très grande.“
(AP Photo/Frank Augstein)
En mai 2003, la Royal Society, ou Académie des sciences britannique déclare que les OGM ne sont pas plus dangereux pour la santé
que les aliments conventionnels.
D
ans la foulée de nombreux
pays ouvrent la porte à des
essais à grande échelle:
● Le parlement suisse vote en
2003 une loi qui permet de faire
des essais de plantation avec des
OGM.
● En mars 2004 le gouvernement britannique donne le feu
vert à la culture du maïs transgénique pour bétail.
● En avril 2004 la Suède donne
le feu vert aux pommes de terre
génétiquement modifiées.
● En mai 2004 le parlement danois autorise et réglemente les
cultures d’OGM.
● En mars 2005 le Brésil autorise la culture du coton transgénique 531.
● En mai le ministère de l’Agriculture français autorise onze
nouveaux types d’essais en plein
champ
● En mai 2005, l’European
Food Safety Authority émet un
avis d’innocuité sur le maïs BT11
qui subséquemment a été ratifié
par tous les pays de la communauté.
● En août la CE autorise l’importation du colza transgénique
GT73
● En octobre 2005 la Cour de
justice européenne rend un arrêt
annulant l’interdiction de la culture d’OGM en Haute Autriche
● Début 2007 Claude Allègre
dans son livre „Ma vérité sur la
planète“ fait un plaidoyer passionné en faveur des OGM.
● Une enquête auprès des fermiers
britanniques
(British
Grassland Society) révèle que
deux tiers des fermiers planteraient tout de suite des OGM s’ils
pouvaient.
● En France, un groupe de
scientifiques ont ouvert le site
„nonaumoratoire“.
● Une étude approfondie vient
d’être publiée en Angleterre
concernant les avantages et désavantages des OGM. Elle se base
sur 37 études scientifiques faites
dans une dizaine de pays. Pour
les fermiers qui les utilisent les
OGM représentent un gain économique de 27 billions de dollars
et une réduction de 172 millions
de kilos de pesticides.
● Au Luxembourg, aucun progrès à signaler dans les têtes ni
dans les champs.
La question fondamentale est
de savoir si les OGM peuvent
causer plus de dommages dans la
nature que les plantes modifiées
par techniques de croisement
classiques.
Le développement d’espèces
Page coordonnée par Tom Wenandy
plus résistantes ou plus productives peut en effet se faire, soit par
sélection naturelle comme cela se
fait depuis des millénaires, soit
par la technologie génétique. La
sélection traditionnelle consistait
à aller chercher dans des plantes
apparentées des gènes supposés
avantageux et que l’on introduisait
par
des
croisements.
L’homme faisait de la manipulation génétique, comme Monsieur
Jourdain faisait de la prose, sans
le savoir. Et cela depuis 5.000
ans, depuis les civilisations de
l’Indus et de Mésopotamie. Depuis cette époque, en effet, il féconde des plantes les unes avec
les autres, il croise, sélectionne,
recroise, resélectionne et ainsi de
suite. Les vaches laitières de nos
pays et qui produisent 25 litres
par jour, bon an mal an, sont
alors des OGM sur quatre pattes.
Le risque que les
gènes se transfèrent
à d’autres plantes
est fort réduit …
Les pommes de terre et les tomates que nous mangeons aujourd’hui ont été obtenues par
croisement entre des espèces,
dont certaines étaient très toxiques pour l’homme. Le génie génétique également ne fait qu’utiliser ce qui existe dans la nature,
mais il va chercher les gènes utiles non pas dans une plante apparentée, mais dans une bactérie,
par exemple. La différence avec
la sélection traditionnelle n’est
donc pas très grande.
Francis Bacon en 1627 avait
déjà réalisé que les agriculteurs
„rendaient les plantes beaucoup
plus grandes qu’il n’est dans leur
nature; leurs fruits sont plus gros
et plus sucrés: et nombreuses
sont celles qu’ils modifient ainsi
qui deviennent utiles d’un point
de vue médicinal“.
Le risque que les gènes se transfèrent à d’autres plantes est fort
réduit et n’a pas pu être mis en
évidence dans la nature. Les espèces „artificielles“ produites à
des fins agricoles, que ce soit par
croisement ou par modification
génétique, ont généralement un
temps de survie très court dans la
nature. Elles n’ont que peu de
chance dans la lutte avec les mauvaises herbes qui ont un potentiel
génétique d’adaptation beaucoup
plus grand. Les cultures de maïs
transgénique qui produisent la
e-mail: [email protected]
toxine Bt ont selon un article de
la Revue Sciences du 8 juin 2007
peu d’effets sur les papillons, les
abeilles ou d’autres espèces non
ciblées.
Un risque beaucoup plus grand
pour les espèces indigènes dans
un pays déterminé est l’introduction d’espèces en provenance
d’autres continents. Ne pensez
qu’aux lapins qui prolifèrent en
Australie, aux abeilles tueuses en
Amérique et aux nénuphars américains qui polluent le fleuve
Congo.
Ce qui en tout cas est incompréhensible c’est la lutte hystérique et farouche de certaines associations vertes contre les aliments
génétiquement modifiés. Vouloir
interdire la vente de poulets alimentés au soja modifié devient
obscurantiste et contraire à toute
preuve scientifique lorsqu’on
prétend que les gènes de ce soja
pourraient causer des problèmes
de santé chez les humains après
leur passage improbable sinon
impossible à travers l’estomac
des poulets.
La panique entretenue actuellement au sujet des légumes aux
OGM fait penser aux réticences
invraisemblables à manger des
pommes de terre en France
jusqu’au XVIIIe siècle. Cette
plante américaine ramenée par
les conquistadores a pourtant été
cultivée dès 1600 par Olivier de
Serres dans le Vivarais. Parmentier a fini par réussir à la faire accepter à Paris en 1786 alors qu’en
Alsace et aux Pays-Bas, on en
mangeait déjà depuis un siècle.
Il est certain
qu’une certaine
prudence
s’impose …
Pour les tomates aussi, ce fut
très long: il a fallu presque deux
siècles pour que l’on ose manger
ces plantes rouges, décoratives.
Maintenant deux cent millions de
personnes mangent des OGM depuis dix ans aux USA sans dommage. Mais c’est insuffisant pour
nos écolos qui veulent attendre
encore un siècle ou deux. Il est
certain qu’une certaine prudence
s’impose comme c’est le cas pour
toute nouvelle technologie et que
l’introduction dans nos régions
d’espèces de maïs qui augmentent encore plus les excédants alimentaires peut être critiquée,
mais quand cette lutte contre les
aliments génétiquement modifiés
cause la perte de vies humaine
elle devient amorale.
En Afrique où les fermiers ne
peuvent pas se payer les pesticides, plus de 50 pour cent de leur
production agricole devient une
proie des insectes, des moisissures et des mauvaises herbes. Les
OGM réduisent fortement ces
pertes.
Proposer à ces fermiers l’agriculture biologique maintient certainement un des piliers du développement durable: une sous-alimentation durable de millions
d’Africains. Actuellement un milliard de personnes souffrent de
famine et de malnutrition et 5,6
millions d’enfants en meurent par
année.
„Aveuglés par les
gènes“ comme dit la
Frankfurter
Allgemeine Zeitung
Deux chercheurs suisses ont pu
mettre au point au cours de la
dernière décennie une variété de
riz qui contient plus de vitamine
A et de fer, substances qui manquent cruellement dans l’alimentation de millions d’êtres humains. Deux millions d’enfants
meurent chaque année à cause de
ces carences et d’autres perdent
la vue à cause de ces mêmes carences. N’empêche, certains verts
sont farouchement opposés à
l’introduction, même gratuite, de
cette variété de riz dans le subcontinent indien. „Aveuglés par
les gènes“ comme dit la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 30
avril 2005. Ou encore comme dit
Bill Carmichael du Yorkshire
Post: „Qu’importe pour le militant de Greenpeace la mort d’enfants de couleur, tant que lui gri-
gnote son Müsli sans OGM, la
conscience
parfaitement
en
paix“.
La lutte des associations vertes
devient criminelle lorsque l’organisation arrive à convaincre les
présidents du Zimbabwe et de
Zambie de refuser le maïs offert
gratuitement par les Etats-Unis
pour nourrir les millions d’habitants de ces pays mourant de
faim. Ou encore à convaincre
l’Inde et le Pakistan après les
terribles cyclones de 1999 de ne
pas accepter les céréales qui
contenaient éventuellement des
OGM.
Un des seuls Américains à parcourir le monde pour prêcher
contre les OGM est Jeremy Rifkin. Il s’est fait solidement
rabrouer par l’Africaine Florence
Wambgu du Kenya: „Les OGM
constituent une chance unique
pour l’Afrique. Le génie génétique agronomique représente
un espoir considérable pour les
pays pauvres. L’agressivité des
Occidentaux à l’égard des OGM
relève d’une pathologie de nantis“.
Steven Pinker dans son dernier
livre „The Blank Slate“ essaie
d’expliquer le rejet des OGM par
le fait que pendant plus de cent
mille ans nos ancêtres ont vécu
comme simples prédateurs sur la
terre et que le cerveau qu’ils ont
développé se limite aux facultés
de chasseur, de nomade mais
qu’il n’a pas développé une intuition spontanée pour la physique,
la chimie, la neuroscience, la biologie, l’évolution. Tout produit
technique nouveau, que ce soit le
train à vapeur ou l’OGM, conduit
à une attitude initiale de rejet.
Michel Serres, philosophe et
historien, qualifie „d’obscurantisme pur et dur la destruction
des cultures d’OGM et l’attitude
de refuser à priori le résultat d’expérimentations précisément destinées à répondre aux inquiétudes“. Le prix Nobel de physique,
Pierre-Gilles de Gennes a réussi à
faire signer un appel contre l’obscurantisme qui prévaut sur les
OGM.
Jean-François Revel dans Le
Point du 17 octobre 2003 abonde
dans le même sens: „Plusieurs
centaines de savants français,
dont deux prix Nobel, ont publié
un communiqué pour déplorer le
vandalisme de José Bové et de ses
sbires. Ces soi-disant amis des
pauvres se révèlent comme les
plus hypocrites de leurs ennemis
sous le prétexte mensonger de
lutter contre les multinationales,
alors qu’ils sont la plus nuisible
d’entre elles“.
-> L’auteur est docteur
en sciences
-> La première partie
est parue dans notre
édition du 31 janvier

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