« Le voyage d`hiver »
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« Le voyage d`hiver »
« Le voyage d’hiver » (Der winterreise) Franz Schubert 1°) Repères biographiques : - Compositeur autrichien né en 1797 (année de la mort de Johannes Brahms) et meurt en 1828 (un an après Beethoven) - Bien qu’ayant eu une courte vie, il est un des plus grands représentants du premier romantisme. Il est également le premier grand représentant du lied germanique. - Grande activité créatrice : a laissé plus d’un millier d’œuvres composées dans tous les genres musicaux sauf le concerto. On compte plus de 600 lieder 2°) L’œuvre et son contexte : Cette œuvre, a été composée en deux fois, au cours de l'année 1827, quand Schubert, douze ans après le cycle de la Belle meunière, est à nouveau attiré par les poèmes de Wilhelm Müller à l'origine destinée à la voix de ténor, elle est aujourd'hui une pièce maitresse du répertoire des barytons. On considère le Voyage d'hiver, comme une des œuvres les plus sinistres et tragiques du répertoire (il annonçait peut-être sa mort prématurée) 3°) Le courant romantique : Le romantisme émerge en Allemagne à la fin du xviiie siècle. puis au début du xixe siècle en France, en Italie et en Espagne. Il se développe en France sous la Restauration et la monarchie de Juillet en réaction à la régularité classique jugée trop rigide et au rationalisme philosophique des siècles antérieurs. volonté d'explorer toutes les possibilités de l'art afin d'exprimer les extases et les tourments du cœur et de l'âme : il est ainsi une réaction du sentiment contre la raison Grands thèmes romantiques : - L’amour : idéalisation de l’amour. Un amour passionnel qui s’oppose au mariage, décision froide et trop réfléchie. Amour, source de souffrance comme de jouissance - La mort : l’amour et la mort sont liés. La mort est souvent, pour le romantique, un moyen de se débarrasser de ses ennuis - Le mal-être, la mélancolie : le romantisme exprime un profond malaise dans une société en crise politique, et dans une société matérialiste, spirituellement vide. Le malaise romantique a cependant une certaine beauté dans laquelle on se complait («la mélancolie, c’est le bonheur d’être triste » (Hugo, Les Travailleurs de la mer)). > voir « spleen » de Baudelaire - La nuit : La nuit est pour la sensibilité romantique une temporalité particulière qui favorise les fantasmes, les rêves et les cauchemars ; la nuit est à la fois douce ou terrible, évoque l'amour ou la mort. - Le rêve : Le rêve, et la rêverie, sont au centre de l'imagination romantique. Source de création, la rêverie excite l'imagination à recréer le monde. la rêverie est aussi un refuge et un rempart contre la réalité. C’est encore l’invitation au voyage. > voir « rêverie d’un promeneur solitaire » de Rousseau « voyages d’hiver » de Schubert - La nature : La Nature est l'incarnation la plus tangible de Dieu. C'est par elle que le divin manifeste le mieux sa grandeur. Mais pour la plupart des romantiques, le spectacle de la Nature ramène d'abord à l'Homme luimême: l'automne et les soleils couchants deviennent dès lors des images du déclin de nos vies, alors que le vent qui gémit et le roseau qui soupire symbolisent les émotions du poète lui-même. - L’orient : goût pour l’exotisme au XIX° siècle - Le médiévisme 4°) La collaboration de Schubert avec Whilhelm Müller 5°) Le voyage d’hiver et son organisation interne Cycle de 24 lieder composé en 2 temps. 6°) Analyse des lieder au programme du baccalauréat : 7°) Les procédés de composition récurrents dans « le voyage d’hiver » : - Mélodies lyriques (sauf dans « le poteau indicateur » où la mélodie est globalement statique), fluides et de construction simple > ne pas oublier que le lied prend sa source dans le volkslied (mélodie populaire) - Rôle complémentaire du piano qui est impliqué dans les sentiments exprimés par le texte. - Harmoniquement simple, mais quelques particularités sont à relever : modulations au ton homonyme / 6xte napolitaine (voir « le poteau indicateur »)/ bourdon (voir « le joueur de vièle »)/ archaïsme de la quarte et de la quinte à vide (« le joueur de vièle » et « la poste ») - Ostinati rythmiques ou mélodiques (« gute nacht », « la poste », « le joueur de vièle ») - Nombreux figuralismes pour être plus près du sens du texte - Utilisation fréquente de la forme strophique, souvent variée - Comme chez Schumann, le lied est lié à une souffrance intérieure Gute Nacht : http://www.youtube.com/watch?v=7VJ4ACx3its&feature=related - genre hybride entre le Kunstlied (musique savante = composition plus recherchée) et le Volkslied (musique populaire = musique plus simple en apparence au moins). - le texte : Le jeune homme est venu au village au printemps, il y a trouvé l’amour. Maintenant, c’est l’hiver, la déception. Il part sans bruit en écrivant « bonne nuit » sur la porte de la bien-aimée. - Les quatre strophes du poème correspondent aux quatre strophes du lied, les deux premières étant identiques. La troisième strophe comporte quelques changements qui modifient l’atmosphère de la pièce. Enfin, la dernière strophe, dans le mode homonyme majeur, éclairci l’ensemble avant que le postlude pianistique retombe dans la caractère dépressif initial. - forme strophique variée A A A’ A². La clarté des carrures est un des autres éléments du Volkslied. Les phrases font 4 mesures chacune et fonctionnent souvent par deux. La première phrase (7-11) est répétée à l’identique (11-15) La seconde est une marche harmonique de 8 mesures et la troisième phrase (levée de 26-29) est reprise deux fois. - plan tonal assez unitaire : Chaque strophe commence et termine en ré. - Sur le plan harmonique, ce lied est assez classique. Les effets harmoniques proviennent principalement des pédales de tonique, notamment dans l’introduction au piano avec un accord de septième diminuée sur tonique qui est à la base des effets dramatiques (renforcés par la nuance forte piano). - motif récurrent, la broderie supérieur sur un rythme trochaïque (croche pointée, double, croche) qui se trouve dans la mélodie dans les deux premières phrases (mesures 9 et 17) et dans l’accompagnement (mesure 24-27). Elle disparaît dans la première phrase de la troisième strophe replacée par un arpège moins statique. autre travail motivique : descente de la mes 8 (et sa levée) au piano (mes 2 et sa levée). - l’accompagnement pianistique va introduire un élément thématique (la broderie) qui va se superposer à la voix, faisant d’abord entendre l’élément seul avant de le superposer. - Le décor est planté dès la première mesure juste par l’accompagnement pianistique. Le fait de faire commencer l’œuvre par l’accompagnement du thème est une donnée plutôt romantique. Chez les romantiques, on a souvent une mesure d’introduction qui nous plonge dans l’atmosphère de la pièce (symphonie italienne de Felix Mendelssohn, sicilienne de Gabriel Fauré. Dès le début, la thématique du voyageur est présente. Les croches répétées donnent une impression de mouvement La modulation au ton homonyme de ré majeur donne une ambiance étrange à la musique. Le mode majeur est souvent utilisé chez Schubert comme utopie, comme rêve (Passages chantés du roi des aulnes) Der LindenBaum (Le tilleul) : http://www.youtube.com/watch?v=jyxMMg6bxrg • allure de chant populaire. • Caractère pastoral : Le jeune homme passe, de nuit, devant un tilleul sous lequel il avait rêvé d’amour. Opposition entre le vent froid actuel et les doux souvenirs. • L’accompagnement en triolets fait le lien avec le Lied précédent. • Tonalité originale : Mi Majeur – la première mélodie majeure du cycle. • Structure : 6 strophes regroupées en fonction de l’équilibre musical Strophe 1 Structure Prélude - Mode Majeur • 2 3 A Mineur 4 5 6 6 bis A’ B A’’- Postlude M m Majeur Un accompagnement à caractère descriptif : * triolets du prélude = le frémissement des arbres * A : un monde clos, qui retombe toujours sur lui-même et qui enferme le souvenir. * A : allusion à des cors de chasse (5tes à vide, en écho pp) • Spatialisation : l’appel du souvenir (mes. 2), le glas (à la basse, mes. 45 et suivantes) • Jeu Majeur/mineur : le souvenir, (fin de A), l’univers hostile (B) pour le mineur ; retour au passé, strophe 4 (A’) pour le Majeur. Auf dem Flusse (Sur le fleuve) : http://www.youtube.com/watch?v=_r-8BxFD4Fc • Tonalité initiale : Mi mineur • Harmoniquement, un des Lieder les plus riches de tout le cycle – une modulation quasi thématique (mi m / ré# m). • Le thème : Le jeune homme voit la rivière gelée et y grave le nom de sa bien-aimée. • Refus de l’anecdote descriptive – le tumulte est intérieur. • Accompagnement staccato, sinistre. Cf Heidenröslein – même si le sens est différent. • Structure : Strophes 1 Musique A 2 3 B 4 5 5bis A’ • Partie B : le Majeur = évocation du passé • Partie A’ : mineur = le présent retrouvé. • A’ : fusion texte/voix/piano – mélodie initiale au piano. • B A’ : progression des valeurs rythmiques (l’agitation intérieure gagne le personnage) • Dramatisation de la transition B > A’ : brusque arrêt sur un silence Les violents contrastes d’intensité – agitation intérieure. Die Post (la poste) : http://www.youtube.com/watch?v=3mXOoZBiX5Q&feature=related • Tonalité : Mi b M – symbolique maçonnique, en ouverture de la 2de partie ? • Texte constitué de vers courts, lancinante répétition (Mein Herz) : Le voyageur attend fébrilement l’arrivée de la poste, qui peut-être lui apportera des nouvelles ; déception, aucun message ne lui parvient. Anxiété de l’homme à l’affût d’un signe de l’Au-delà. • N.B. : la poste, en ce début XIXe, c’est la lourde carriole à chevaux attendue à jour fixe sur la place du village et annoncée par le cornet du postillon • Lied moins métaphysique que les suivants : le piano reste sur un commentaire à caractère anecdotique ; caractère descriptif manifeste. • Variété rythmique : exploitation des trois formules principales du ternaire • Forme : prélude A B A B bref postlude Der WegWeiser (le poteau indicateur) : http://www.youtube.com/watch?v=zqo9Hog1jhE&playnext=1&list=PLFA4147642ED16483 Tonalité initiale : sol mineur • Importance de ce Lied pour Schubert => dilatation du texte – répétition de vers dans toutes les strophes, reprise de la 4ème. • Le thème : la nécessité du voyage intérieur, le refus des dogmes – romantisme Le voyageur arrive devant un poteau indicateur. Au lieu de le suivre et d’aller ainsi vers la ville, il s’écarte des chemins balisés et se dirige vers les sommets neigeux au risque de ne jamais en revenir. • Le poteau indicateur est emblématique de la sécurité des dogmes admis, celui des églises. L’auteur les refuse et préfère des « chemins secrets ». • Statisme : notes répétées, unité rythmique. • Modernité de la 4ème strophe : dépouillement de l’accompagnement piano, psalmodie de la voix, immobilité harmonique, écriture « en choral », sixte napolitaine expressive. • Un enchaînement harmonique audacieux – si m / sol m, mesures 37-38 cf. 58, 69. • Forme strophique variée : • Refus des dogmes => emploi de formules d’église (mesures 5), voire maçonniques (12-14, Prélude A A’ A’’ A’’’ (ou B) « le sentier caché », 48-50, « je cherche le repos » • Sixte napolitaine • Le silence (mes. 41) = le voyageur n’arrivera jamais. • Un voyage intérieur = statisme : * dilatation du texte / notes répétés / écriture en choral /unité rythmique / écriture vocale « récitative » /dépouillement Der LeierMann (le joueur de vielle) : http://www.youtube.com/watch?v=sIIS-UgixGE • Tonalité originale : La mineur • Dernière pièce du recueil : climat de renoncement, de désolement ; statisme, dénuement. Style épuré. • Climat statique, de renoncement, de désolement : la musique exprime le désespoir, plus encore que le poème. • Le bourdon de l’accompagnement = celui des cordes à vide de la vielle, avec son « coup de poignet ». • Mélopée soutenue par le bourdon, mais aussi par le silence du reste de l’accompagnement. • Ritournelle lancinante au piano. • Intégralement écrit sur pédale de tonique. • Mélodie construite sur des intervalles « primitifs » (quartes et quintes) ; rôle du silence dans l’accompagnement. • Question finale qui reste sans réponse – voix en suspens – sur la quinte. • Structure : Prélude A (strophes 1 – 2) A (3 – 4 ) B (5) postlude.