La protection juridique de la réalité virtuelle ou l`imbroglio
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La protection juridique de la réalité virtuelle ou l`imbroglio
LA PROTECTION JURIDIQUE DE LA RÉALITÉ VIRTUELLE Sophie Gagné* INTRODUCTION Aux yeux des électros-bohêmes1 et des infographistes qui parcourent leurs labyrinthes de fibre optique, de charges magnétiques et de silice, à la recherche de matériel informatique toujours plus puissant, et toujours plus rapide, la réalité virtuelle constitue une sorte d'aboutissement. En effet, à l'aube du développement de la réalité virtuelle, nous constatons que ces grands explorateurs du cyberspace2 ne sont pas rentrés bredouilles. Désormais, plus rien n'arrêtera ces aventuriers dans leur plongeon dans un nouveau monde... Le monde virtuel. Légalement, en entrant dans la sphère du droit d'auteur, la réalité virtuelle se trouve confrontée aux limites la réalité juridique actuelle. Son avènement soulève une série de questions relatives à la protection juridique qui lui sera accordée. La réalité virtuelle vient aussi relancer tout le débat de la protection des interfaces usagers. Comment le droit d'auteur sera-t-il étendu aux interfaces usagers? Au monde virtuel? Comment le droit d'auteur réussira-t-il à s'adapter afin d'assurer à cette nouvelle technologie une protection adéquate qui tienne compte des intérêts des créateurs et des utilisateurs? C'est précisément sur ces points que portera la présente étude. Cet article se veut donc, d'une part, une synthèse de l'état du droit en matière de protection des interfaces usagers traditionnels. Il vise, d'autre part, à exposer comment les interfaces usagers et plus particulièrement l'interface usager de la réalité virtuelle, amèneront inévitablement une réévaluation et une redéfinition des conditions de protection et de contrefaçon traditionnelles du droit d'auteur. En premier lieu, nous définirons le concept de la réalité virtuelle et de ses interfaces usagers, son fonctionnement, et donnerons quelques unes de ses applications. Par la suite, nous établirons les différences qui existent entre les interfaces usagers de la réalité virtuelle et les interfaces usagers traditionnels. Nous traiterons alors des implications de telles différences au niveau du droit d'auteur. Nous analyserons ensuite comment la nature particulière des interfaces usagers soulève des difficultés au niveau de l'application des conditions traditionnelles de protection du droit d'auteur. À ce stade, à la lumière de l'affaire Delrina c. Triolet Systems Inc.3 et principalement en analysant la jurisprudence et la doctrine américaines, nous tenterons d'exposer la façon dont les critères traditionnels de protection seront ou devront être modifiés. Nous conclurons d'une part, à * Sophie Gagné, 1995. Publié dans le numéro de janvier 1995 des CPI (vol. 7, no 2). 1 Traduction du terme Cyberpunk. 2 Le terme Cyberspace a été inventé par le romancier William Gibson. William GIBSON, Neuromancer, New York : Berkley Publications Group, 1984. 3 Delrina c. Triolet Systems Inc., (1993) 47 C.P.R. (3d) p.1., (Ci-après Affaire Delrina). * l'égard de la classification de catégorie d'oeuvres des interfaces usagers, qu'ils devraient bénéficier d'une protection du droit d'auteur indépendante de celle du logiciel sous-jacent qui le génère4. Nous verrons, de plus, comment les interfaces de la réalité virtuelle et les interfaces usagers en général, satisferont les critères d'originalité et de fixation prévus par la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985) c. C-42. (ci- après, Loi sur le droit d'auteur). En un deuxième temps, nous nous pencherons sur la question de l'application des règles de contrefaçon du droit d'auteur aux interfaces usagers. À cet effet, nous démontrerons que la nature particulière de ces oeuvres demande au droit d'auteur d'assurer un équilibre entre les intérêts divergents du public et les intérêts privés des créateurs. Le défi proposé à Loi sur le droit d'auteur, sous cet aspect, consiste à concilier les besoins de standardisation dans l'industrie informatique, d'assurer la libre circulation des idées, de stimuler le développement et le progrès technologique au Canada et enfin, de récompenser adéquatement l'auteur dans la création de ses oeuvres. Nous étudierons par la suite les nouvelles règles de contrefaçon développées dans Delrina c. Triolet Systems Inc.5 qui font référence à la dichtomie idée/expression, les fondements de cette dichotomie et les diverses conceptions qui lui ont déjà été attribuées. Nous constaterons alors que la frontière entre l'idée et l'expression de l'interface usager, principale limite à sa protection, est la théorie retenue par la jurisprudence qui sert de guide dans la détermination de la contrefaçon de l'oeuvre. Nous mentionnerons ensuite les difficultés d'application du test proposé. Nous vérifierons dans un même temps si le test est suffisamment adéquat pour assurer un équilibre entre les intérêts divergents du public et les intérêts privés des auteurs. Nous constaterons que le test développé dans l'affaire Delrina n'assure que partiellement cet équilibre. Entre autre, nous exposerons les difficultés d'applications qui découlent du test suggéré. Nous verrons comment ces difficultés d'application engendrent un climat d'incertitude dans l'industrie qui a inévitablement pour effet de freiner le développement de cette technologique au détriment des créateurs et des utilisateurs. I- LES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DES CONDITIONS DE PROTECTION TRADITIONNELLES EN DROIT D'AUTEUR SOULEVÉES PAR LA NATURE PARTICULIÈRE DE CETTE TECHNOLOGIE Analysons donc, en un premier temps, le concept de la réalité virtuelle et les difficultés d'application des conditions de protection traditionnelles que soulevent la nature particulière de cette technologie. 4 Une telle protection devrait être assurée par une modification de la Loi sur le droit d'auteur Loi sur le droit d'auteur à défaut pour nos tribunaux d'interpréter la loi, dans son état actuel, à cet effet. L.R.C. (1985) c. C-42. (Ci- après, Loi sur le droit d'auteur). 5 Précité, note 3. A) LA RÉALITÉ VIRTUELLE ET SES INTERFACES USAGERS. i) CONCEPT DE LA RÉALITÉ VIRTUELLE La réalité virtuelle c'est presque la réalité; c'est virtuellement la réalité. C'est un environnement tel un appartement, un champs, univers qui est généré par un logiciel exécuté sur un support informatique, un ordinateur ultra-puissant6. Certains auteurs ont défini la réalité virtuelle comme un plongeon dans un monde artificiel tridimensionnel et multisensoriel généré par un ordinateur7. Il s'agit là de la définition généralement donnée la réalité virtuelle. a) MATÉRIEL SOUS-JACENT ET QUELQUES APPLICATIONS Le système de la réalité virtuelle a pour base un puissant ordinateur capable de créer des images détaillées. Dans la plupart des systèmes, l'utilisateur porte un équipement spécial, lunettes ou casque. Les images ainsi créées sont projetées à travers cet équipement de sorte que l'utilisateur est coupé du monde extérieur réel et ne voit que le monde virtuel. Dans un de ces systèmes, par exemple, l'utilisateur porte des lunettes contenant deux petits écrans de visualisation vidéo, un pour chaque oeil. L'ordinateur produit des images légèrement différentes pour l'oeil droit et l'oeil gauche. Les deux images créent alors un effet tridimensionnel ou stéréoscopique. Ainsi, l'utilisateur a l'impression d'être au beau milieu de la scène créée par l'ordinateur. L'utilisateur peut modifier chaque scène grâce à des capteurs qui transmettent ses mouvements à l'ordinateur. Situées dans les lunettes ou dans le casques, ces capteurs détectent tous les mouvements de sa tête; et, tout mouvement entraîne une modification de l'image informatique. En plus du casque ou des lunettes, certains systèmes utilisent aussi un «Dataglove», un gant rempli de capteurs qui est relié à l'ordinateur. A chaque mouvement des mains qui est transmis à l'ordinateur correspond un changement d'image qui reflète l'action exécutée8. Pour illustrer le fonctionnement de la technologie de la réalité virtuelle, imaginez que vous mettez les lunettes. Les images qui vous sont projetées vous donne l'impression que vous vous trouvez dans une salle étrange. Devant vous, il y a un pupitre et une chaise. Avec votre main revêtues du gant, vous faites le mouvement de marcher avec votre index et votre majeur; vous commencez à avancer vers le pupitre. Sur celui-ci se trouve un livre. Vous tendez la main, fermez le poing et le saisissez. Lorsque vous ouvrez la main, le livre tombe sur le sol. Vous 6 Jack RUSSO et Michael RISCH, «New Frontieres (Copyright issues with virtual reality)» The National Law Journal, Oct 12, 1992, V15 n6 p. S1, p. S17. 7 Howard RHEINGOLD, Virtual Reality, New York, Simon & Shuster, 1991, 414; Andrew H. ROSEN, « Virtual Reality: Copyrightable Subject Matter and the Scope of Judicial Protection», 33 Jurimetrics Journal of Law, Sciences and Technologie, (1992) no1, 35, p. 39. 8 Regina A. GORE «Reality or Virtual Reality? The use of interactive, three-dimensional computer simulations at trial» (1993) Rutgers Computer & Technology Law Journal, Vol 19, 459, p.463 pointez ensuite le doigt vers le plafond... et vous vous mettez à voler. Dessous, la «salle virtuelle», devient de plus en plus petite, au fur et à mesure que vous vous élevez dans les airs... Bien entendu, vous n'avez jamais avancé , encore moins quitté le sol. Voilà comment peut être illustrée une expérience dans le monde de la réalité virtuelle. Au lieu d'un gant relié à l'ordinateur, certains systèmes font usage d'outils de commande ressemblant aux manettes utilisées dans les jeux-vidéos. Il existe même des combinaisons remplies de détecteurs qui peuvent transmettre tous les mouvements du corps à l'ordinateur, ce qui permet à l'utilisateur de faire partie intégrante de la scène virtuelle. Aussi impressionnante qu'elle puisse paraître, la réalité virtuelle est cependant encore loin d'imiter le monde réel de façon précise. Les images créées par l'ordinateur sont encore simples et peu détaillées. On constate souvent des délais ou un décalage entre les actions de l'utilisateur et le changements de scènes qui devraient apparaître. De plus, par exemple, lorsque l'utilisateur tend la main pour saisir un objet virtuel, sa main peut passer directement à travers l'objet sans qu'il ne sente quoi que ce soit. Les chercheurs espèrent résoudre ces problèmes en améliorant les graphiques et en employant des ordinateurs plus puissants. Ils sont présentement en train de mettre au point des systèmes qui reproduiront des sons, en interaction avec l'action et qui feront aussi appel au sens de l'odorat. Mais même sans ces améliorations, on a déjà commencé à utiliser la réalité virtuelle à des fins pratiques. Les chercheurs croient qu'une fois perfectionnées, les techniques de la réalité virtuelle pourront être utilisées dans différents domaines: sciences, médecine. industrie, divertissement et même dans le domaine juridique9. A titre d'exemple, mentionnons que la NASA travaille présentement à la mise au point d'un système qui permet aux scientifiques de visiter les planètes éloignées sans quitter la terre10. Ce projet, Virtual Interface Environnement Workstation (VIEW), a pu être mis de l'avant grâce à l'information recueillie par des sondes spatiales inhabitées, comme la sonde Viking en orbite autour de la planète Mars. Ainsi, munis de lunettes créant des images tridimensionnelles et d'une manette de commande, les scientifiques peuvent voler au dessus des montagnes martiennes, descendre dans les vallées et atterrir sur la planète et ce, sans quitter la terre... Il existe déjà des systèmes qui permettent aux architectes de fournir à leurs clients un aperçu réaliste de leur création. En effet, les dessinateurs et architectes qui utilisent le programme AutoCad pour créer de façon assistée des plans d'immeubles bénéficient aussi de la réalité virtuelle11. Grâce à la réalité virtuelle, leurs clients pourront visiter un édifice avant même que la construction n'ait été entreprise. Le client veut qu'une fenêtre soit un peu plus à gauche? Il n'a qu'à tendre la main, saisir la fenêtre et la placer où il veut! 9 Id., p. 459. J.RUSSO, loc. cit., note 6, p. S19. 11 H. RHEINGOLD, op. cit., note 7, p. 180. 10 D'autre part, dans le domaine scientifique, mentionnons qu'à l'Université de la Caroline du Nord, les chercheurs utilisent la réalité virtuelle pour comprendre les comportement des réactions chimiques et biochimiques grâce à des modèles tridimensionnels de composés moléculaires qui simulent les forces physiques dans ces composés12. La plupart des gens sont cependant surtout intéressés par l'usage personnel qu'ils pourraient faire de la réalité virtuelle. Jusqu'ici, les systèmes sont beaucoup trop coûteux pour que la majorité des gens puissent y avoir accès. Si, les systèmes de la réalité virtuelle deviennent un jour une pièce d'équipement, un outil de notre vie courante, seule notre imagination limitera les applications offertes. Les gens pourraient ainsi entrer dans des mondes virtuelle pour apprendre différentes techniques: jongler, apprendre à conduire etc... Les personnes âgées et handicapées pourraient pratiquer un sport exigeant. Les étudiants pourraient visiter des endroits éloignées ou remontrer dans le temps pour explorer les époques passées plutôt que de lire simplement sur le sujet. Grâce à des lignes téléphoniques reliées à des ordinateurs, ils pourraient même jouer une partie de tennis virtuelle ou pratiquer un autre sport avec un ami qui réside dans une ville éloignée. Comme nous pouvons le constater, les applications potentielles de la réalité virtuelles sont sans bornes... b) L'INTERFACE USAGER Pour ce qui nous intéresse plus particulièrement, parce que nous n'aborderons pas, à strictement parler, de la protection juridique du matériel informatique qui génère le monde virtuel, examinons ce que l'on entend par interface usager de la réalité virtuelle. L'analyse de la protection du matériel qui génère la réalité virtuelle impliquerait l'élaboration d'une étude spécifique qui déborde le cadre de la présente. On définit habituellement l'interface usager comme l'élément d'un logiciel qui unit un utilisateur à un ordinateur13. L'interface usager est l'élément qui permet à l'utilisateur de communiquer les 12 Id. p. 26-27. On a défini de plusieurs façons l'interface usager. Arizona State University Center for the Study Law, Sciences and Technologie Conference Report appended to Opening Remarks of Chairman Robert Kastenmeier Oversight Hearing on Computer Intellectual Property, House Judiciary Committee, (Nov.-Dec. 1989) Computer L. Rep. 629, p. 636. «The interface comprise all devices by which the human user can interact with the computer in order to accomplish the task the computer is programmed to perform.» Karen S. KOVACH «Computer Software Desing: User Interface Idea or Expression», (1991) 60 Cincinnati Law Review, 161, p. 162. «A user interface is a nonliteral element of a computer program that faciliates communication between the user and the program. It enables the user to direct the operation of the computer program and receive information from the programm. A user interface includes an audiovisual part and a functional part. The audiovisual part of the user interfaces included anything displayed on the screen, such borders, graphics or any aesthetically pleasing display. In constrast, the functional part of a computer program is any 13 commandes ou les fonctions d'un logiciel que l'utilisateur donne à l'ordinateur dans une forme compréhensible par ce dernier14. Inversement, c'est l'élément par lequel l'ordinateur transmet, à l'utilisateur, habituellement sur un écran, les résultats d'une commande qu'il a effectuée. L'interface usager comporte donc une composante audiovisuelle et une composante fonctionnelle15. La composante audiovisuelle inclut tout ce qui apparaît à l'écran de visualisation et la composante fonctionnelle comprend les commandes à exécuter pour accomplir un résultat particulier. H Rheingold, créateur de la réalité virtuelle, définissait le concept du monde virtuel en terme de ce que nous pouvons qualifier de composante fonctionnelle de l'interface de la réalité virtuelle: A virtual World is a computer that you operate with natural gestures, not by composing computer programs, but by walking around, looking around and using your hands to manipulate objects16. Exprimant ce que nous pouvons qualifier de composante audiovisuelle, l'interface usager de la réalité virtuelle comprend un environnement dans lequel des perceptions sensorielles, telles la vue, l'ouïe, le toucher et éventuellement le goût et l'odorat sont simulés pour «recréer» la réalité17. La plus moderne des définitions de l'interface de la réalité virtuelle s'exprime comme étant: un interface «humain» d'ordinateur dans lequel l'utilisateur peut contrôler l'ordinateur et avec lequel il peut avoir une participation «naturelle» dans son environnement18. L'exemple le plus frappant est «l'Holodeck» dans «Star Trek: The Next Generation». Pour plusieurs, l'interface usager de la réalité virtuelle constituera l'ultime interface. En analysant les différences qui existent entre les interfaces traditionnels des jeux-vidéos ou des logiciels et l'interface usager de la réalité virtuelle, nous verrons, maintenant comment ces distinctions seront pertinentes au niveau d'un droit d'auteur. ii) LES INTERFACES USAGERS TRADITIONNELS ET LA RÉALITÉ VIRTUELLE a) POINTS COMMUNS Avant d'établir les différences qu'entretiennent l'interface usager traditionnel et l'interface de la réalité, examinons auparavant ce qu'ils ont en commun. Mentionnons, en premier lieu, que les response by the program to a user pressing any key on keyboard.» 14 Jeffrey E. UGORETZ, « The Menu Command Structure of a Computer Program: is Copyrightable Form of Expression», (1991) 22 Rutgers Law Journal, 543, p. 546. 15 Janice M. MUELLER, «Determining the Scope of Copyright Protection for Computer/Use Interfaces», (1989) 9 Computer L.J. 37, p. 42. 16 H.RHEINGOLD, op. cit., note 7, p. 70. 17 J. RUSSO and M. RISCH, loc. cit., note 6, p. S18. 18 Id. p. S17. interfaces usagers traditionnels et la réalité virtuelle partagent le même but. À l'aide des deux, l'utilisateur peut communiquer avec le logiciel, contrôler l'environnement informatique de l'ordinateur et percevoir à travers un écran de visualisation ou autrement les réponses du logiciel à ses commandes. b) DIFFÉRENCES La plus grande différence entre l'interface usager traditionnel et l'interface de la réalité virtuelle se situe au niveau du caractère interactif de cette technologie19. Aujourd'hui encore, nous voyons des images bidimensionnelles sur un écran, nous communiquons avec cet écran et le contrôlons en tapant des clés sur un clavier ou en «cliquant» avec une souris. Avec la souris et la clavier, nous conversons avec le logiciel pour contrôler l'environnement informatique. Bien que la création des jeux-vidéos ait amené le développement d'instruments spécialisés, tels manettes, boutons de contrôle pour contrôler l'environnement informatique, avec l'interface usager traditionnel l'utilisateur demeure néanmoins à l'extérieur de l'environnement logiciel. Il ne peut que percevoir des images bidimensionnelles apparaissant sur un écran situé à une certaine distance. Les interfaces usager de la réalité virtuelle offrent, pour leur part, une plus grande interaction. Désormais, avec la réalité virtuelle, l'utilisateur n'est plus séparé de l'environnement logiciel généré par l'ordinateur. Il ne commande plus simplement l'environnement logiciel généré par son ordinateur mais plutôt, il explore un environnement logiciel à la fois visuel et tactile avec lequel il expériment et interagit dans une immersion tridimensionnelle. Avec l'interface usager de la réalité virtuelle, l'utilisateur n'est pas limité à une image bi-dimensionnelle, mais est plutôt plongé dans un monde tri-dimensionnel et multi-sensoriel. Quoique cette principale différences soit marquante, en droit d'auteur, elle ne justifiera pas nécessairement un traitement différent des interfaces usagers traditionnels. Cette différence a cependant pour effet de révéler la principale fonction des logiciels de la réalité virtuelle: la création d'un environnement graphique tridimensionnel et multi-sensoriel, en d'autres termes, la création d'une oeuvre audiovisuelle. Nous verrons, en étudiant la classification des catégories d'oeuvres, comment cette principale raison d'être de l'interface de la réalité virtuelle devra être considérée. De plus, bien que le niveau d'interaction soit différent pour les logiciels d'application, les jeux-vidéos et la réalité virtuelle, tous trois impliquent une interaction qui font varier, à chaque utilisation, l'état et le contenu de l'écran de visualisation. Cette caractéristique devra aussi être analysée au niveau de la condition de fixation exigée par la Loi sur le droit d'auteur. D'autre part, à la différence des jeux-vidéos, et surtout à la différence des logiciels d'applications, l'interface de la réalité virtuelle présente souvent, sur un écran de visualisation, des éléments qui imitent la réalité. Les interfaces traditionnels, pour leur part, présentent souvent des éléments standards et fonctionnels. Ces caractéristiques devront aussi être considérés au niveau 19 Andrew H. ROSEN, loc. cit., note 7, p. 41. de l'étude de la condition d'originalité exigée par la Loi sur le droit d'auteur. A) CONDITIONS DE PROTECTION Ayant défini ce que l'on entendait par interface usager et ayant dressé les principales différences et similarités entre les interfaces traditionnels et les interfaces de la réalité virtuelle, il est temps d'analyser s'ils satisferont les conditions traditionnelles de protection du droit d'auteur. i) CLASSIFICATION DE L'OEUVRE Inutile de rappeler que pour qu'une oeuvre bénéficie de la protection juridique offerte par la Loi sur le droit d'auteur20, elle doit correspondre à une oeuvre qui entre dans l'une des catégories d'oeuvres protégées par cette loi. Par la réforme législative de 1989, le législateur fédéral faisait entrer le programme d'ordinateur dans la catégorie des oeuvres littéraires. Par cette modification, le législateur confirmait la jurisprudence21. Il devenait clair au Canada, que le logiciel ou programme d'ordinateur était protégé à titre d'oeuvre littéraire. Demeurait cependant sans réponse la question de savoir si, dans sa réforme, le législateur avait l'intention de protéger les interfaces usagers générés par un logiciel sous-jacent. À la lecture de la définition du programme d'ordinateur22, demeurait équivoque l'intention du législateur de protéger les interfaces usagers. Le législateur voulait-il protéger l'interface usager, le look and feel du logiciel23? Voulait-il protéger l'interface usager en tant qu'oeuvre littéraire, oeuvre dérivée du programme d'ordinateur, éléments non littéraires du programme d'ordinateur, ou en tant qu'oeuvre artistique ou cinématographique distincte du logiciel? En l'absence de réponses, seule l'étude de la jurisprudence peut nous permettre de déterminer dans quelle catégorie d'oeuvre 20 Articles 2, 3 et 5 de la Loi sur le droit d'auteur. Apple Computer Inc. c. Mackintosh Computer Ltd., [1990] 2 R.C.S. 209. 22 Art 2 Loi sur le droit d'auteur : Programme d'ordinateur: Ensemble d'instructions ou d'énoncés destinés, quelle que soit la façon dont ils sont exprimés, fixés, incorporés ou emmagasinés, à être utilisé directement ou indirectement dans un ordinateur en vue d'un résultat particulier. 23 La méthaphore «look and feel» est utilisée pour exprimer ce qui constitue l'apparence de l'écran de visualisation et l'interaction de l'usager avec un programme en particulier. Cette phrase origine de la décision Roth Greeting Cards c. United Card Co. 429 F. 2d. 1106 (9th Cir. 1970). M. Schrage dans « PC Lawsuit Have the look and feel of losing the situation» (February 9, 1987) 25 The Washington Post 25.Cette métaphore n'est plus d'utilité dans la détermination de la protection du droit d'auteur, depuis les affaires Lotus c. Paperback, Lotus development Corporation c. Borland International Inc. 740 F. Supp. 37 (D. Mass 1990) . L'argument du «look and feel» a aussi été rejeté dans l'affaire Delrina Corp c. Triolet Systems Inc. et al., précité, note 3, p. 36.Voir également: Computer Asso. Int. Inc. c. Altai, 982 F. 2d. 693 (2d Cir 1992), Apple Computers Inc. c. Microsoft, 799 F. Supp. 1006 (N.D. Cal 1992). 21 l'interface usager peut être classé. La détermination de la catégorie d'oeuvre des interfaces usager de la réalité, selon l'état actuel du droit, et comme nous l'avons vu ci-haut, sera indéniablement liée à celle des interfaces usager des logiciels et des écrans de visualisation des jeux-vidéos à lesquels s'apparentent le plus les interfaces usager de la réalité virtuelle. Il est donc opportun de passer en revue les décisions qui ont interprété les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur relativement à la protection des interface usagers traditionnels. Mentionnons auparavant, que dans le processus de classification des interfaces usagers dans une catégorie d'oeuvres, nous devons prendre conscience d'une autre particularité de ces oeuvres... Cette particularité réside cette fois dans le fait que ces oeuvres sont générées par des logiciels sous-jacents, qu'elles sont souvent conçues entièrement indépendamment du programme et peuvent être reproduites intégralement à l'aide d'un programme totalement différent. Cette particularité rend d'autant plus difficile leur classification. a) OEUVRES LITTÉRAIRE Nous savons donc que la communauté juridique canadienne a longtemps été confrontée à l'incertitude face à la protection des interfaces usagers des logiciels non jeux. En effet, outre l'affaire Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc., aucune décision de nos tribunaux n'avait avant février 1993, fait la lumière sur ce qu'on appelle les questions appartenant à la deuxième génération de litiges relatifs à la technologie informatique... La première raison de cette incertitude découlait, comme nous l'avons mentionné plus tôt, de l'absence dans notre Loi sur le droit d'auteur d'une catégorie d'oeuvre distincte pouvant protéger l'interface usager des logiciels. Alors que ce point a fait l'objet de plusieurs suggestions de réforme24, aucun amendement n'a été apporté à la loi pour faire le point sur cet imbroglio. Cette longue incertitude provenait aussi du fait que les quelques décisions canadiennes rapportées à l'égard de la protection du droit d'auteur des interface usagers (indistinctement des interfaces usager des logiciels d'applications et des jeux-vidéos) n'ont pas été très concluantes. Dans une large mesure, le sujet de la protection des interfaces usager n'avait jamais été débattu au fond. En effet, la majeure partie des décisions qui ont traité de la protection des interfaces usagers ont été rendues dans le cadre d'ordonnances «Anton Pillar»25. Dans le cadre de ces actions, les juges se 24 Pour les plus récentes recommandations, voir Sub-Committe on the Revision of Copyright, A Charter of Rights for Creators, Ottawa, Supply and Services, 1985, aux pages 36-37. Ces recommandation étaient à l'effet que la Loi sur le droit d'auteur devrait être modifiée pour protéger le programme d'ordinateur et leurs composantes audiovisuelles comme des oeuvres appartenant à des catégories distinctes. 25 En effet, bien qu'à la lecture de certaines décisions, nous pouvons constater que plusieurs questions ont été adressées aux tribunaux, peu de réponses ont été données. Les deux seules décisions qui ont traité de la protection des interfaces usagers des logiciels, avant l'affaire Delrina sont souvent plus préoccupés de faire respecter les conditions d'application de ces recours extraordinaires plutôt que de décider au fond des questions de droit d'auteur. Ce n'est donc que très récemment que les tribunaux ont eu à se pencher sur la question de la protection juridique des interfaces usagers dans l'affaire Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc , dans le cadre d'une action en contrefaçon d'un logiciel de contrôle d'efficacité des ordinateurs HP300 . En effet, cette décision constitue la première décision traitant au fond de la question des interfaces usagers. Le tribunal, dans cette affaire, sous la plume du Juge O'Leary, rejetait les prétentions du défendeur voulant que parce que le programme d'ordinateur est défini dans la Loi sur le droit d'auteur comme un «ensemble d'instructions incorporés et emmagasinés de quelque façon», la seule partie du programme d'ordinateur qui est sujet à la protection du droit d'auteur est la partie des «instructions incorporés et emmagasinés» sur un ruban ou un disque, c'est-à-dire, la portion littéraire du programme du programme emmagasiné, son code source et le code objet.» Selon le défendeur cette définition excluait la protection de la partie non littéraire du programme d'ordinateur26. En ces termes, le Juge O'Leary répondait à ces prétentions: «I do not accept that proposition. To begin with «set of instructions» that form part of computer program are not just those instructions that are embodied in the tape or disk, but include as well those instructions recorded in the program's manual which instructions give detailed directions as to how to use the program. It is only by following the manual's instructions that one without computer experience can make use the program. By using the instructions in the manual and touching the required keys on the terminal keyboard, the user of the program causes the computer to create a screen display in form and content dictated by the way it is programmed by the object code. The screen display so produced is the reproduction of the objet code in a different «material form». I am here talking about the style and the format of the screen furent rendues avant les amendements de la Loi sur le droit d'auteur de 1990, par Juge Montgomery de la High Court of Justice de l'Ontario. Dans l'affaire F. & I Retail Systems ltd. c. Thermo-Guard Automotive Products of Canada Ltd, (1984), 1 C.P.R. (3d) 297 (Ont. H.C) le demandeur a eu gain de cause dans une action en injonction interlocutoire visant prévenir la contrefaçon d'un écran de visualisation de son programme Finance and Insurance Calculator par le défendeur. Dans son très bref raisonnement, le Juge Montgomery semblait conclure que parce que le code source du logiciel du demandeur représente une idée originale exprimée dans une forme particulière, à la fois le code source et l'écran de visualisation, étaient sujets à la protection du droit d'auteur. Dans Gemologists International Inc. c. Gem Scan International Inc., (1986), 7 C.I.P.R. 225 (Ont. H.C.) comme dans l'affaire F. & I Retail Systems Ltd. le demandeur a obtenu une injonction interlocutoire restreignant les activités du défendeur qui constituaient selon le demandeur une contrefaçon de ses droit d'auteur attachés aux logiciels, et aux interfaces usagers de Gem-Strar I et Gem Strar II. Bien qu'en ne citant aucune décision ou dispositions de la loi pour fonder sa décision, le juge Mongomery déclarait tout de même que les droits d'auteur du demandeur avaient été violés par le défendeur ayant copié la structure, les séquences et l'écran de visualisation du programme du demandeur. A la lumière de ces deux arrêts, aucune conclusion ne pouvait être tirée relativement à la classification d'oeuvre des interfaces usagers. 26 Delrina Corp c. Triolet Systems Inc, précité, note 3, p. 27. display, not the individual numbers the computer may fill on the screen when asked to do so by the operator of the program.» [Nos italiques] Il poursuit: While one can see and «read» objet code as a series of 0's and 1's when the same has been printed out by a computer, so far as I am aware, no programmer can find those 0's and 1's on looking at any part of the computer's hardware or software for they are but electrical impulses. Nevertheless, that object code has been so stored, say on ROM (read only memory) chips, or set of instrictions has been so embodied or stored in the computer, that the computer will reproduce those strored instructions either as object code (O's and 1's) or as particular screen display. A particular screen display, so produced, reflect exactly and is a visual reproduction of the instructions that the creator of the program embodied on the tape or disk. Under the Copyright Act only the holder of the copyright in the work (instructions) so stored has the right to produce or reproduce that work. If someone else copies the screen display so produced, for use in another program, he infringes any copyright the owner of the work held in it 27. [Nous soulignons] Il est clair, à la lecture de ces derniers paragraphes que le tribunal a jugé que l'interface usager du programme d'ordinateur est protégé à titre d'éléments non littéraires du programme d'ordinateur. En effet, le style et l'organisation de l'interface usager ont été qualifiés d'éléments non littéraires du programme sous-jacent. Dans son raisonnement, le Juge O'Leary mentionne ensuite, que bien que le U.S. Copyright Act diffère de quelque manière de la Loi canadienne sur le droit d'auteur, il se fonde néanmoins sur la loi américaine, sur les politiques de la Commission américaine du droit d'auteur et sur la jurisprudence des États-Unis pour étayer ces prétentions voulant que Loi sur le droit d'auteur protège à la fois les éléments littéraires et non littéraires du programme d'ordinateur. Après avoir fait l'historique de la protection des interfaces usagers des programmes d'ordinateur, il fait mention qu'avant 1987, les tribunaux américains, à l'exception de l'affaire Broderband Software Inc. c. Unison World Inc.28 avaient accordé une protection aux interfaces usagers créés par un logiciel seulement s'ils avaient été enregistrés séparément comme oeuvre audiovisuelle. Rappelons , dès ce stade, que l'enregistrement du droit d'auteur joue un plus grand rôle aux ÉtatsUnis qu'au Canada parce qu'en vertu du U.S. Copyright Act, un tel enregistrement est le prérequis d'un droit d'action en contrefaçon. Ce courant jurisprudentiel s'explique du fait qu'avant 1987, la Commission du Droit d'auteur américaine permettait l'enregistrement distinct de l'écran de visualisation d'un logiciel sous forme d'oeuvre audiovisuelle et l'enregistrement du programme sous-jacent non-jeu qui le génère sous forme d'oeuvre littéraire. Cependant, en janvier 1987, 27 28 Id. p. 28. Broderband Software Inc. c. Unison World Inc., 648 F.Supp. 1127 (1986). cette même Commission éméttait la directive qu'il ne serait dorénavant plus possible d'enregistrer (à titre d'oeuvre audiovisuelle) séparément des écrans de visualisation de logiciel d'applications parce que de tels écrans de visualisation sont protégés par les droits d'auteur qui subsistent dans le programme sous-jacent. La Commission annonçait en même temps que les enregistrements doubles qui avaient été acceptés dans le passé n'étaient pas invalidés par cette règle, mais que désormais, les personnes qui voudraient enregistrer des droits d'auteurs sur des logiciels et des jeux-vidéos auraient à choisir sur laquelle des deux bases de protection elles voudront les protéger: soit sous la catégorie d'oeuvre audiovisuelle, soit sous la catégorie d'oeuvre littéraire selon que l'un de ces deux aspects prédomine dans leurs oeuvres29. Cette approche, selon le Juge O'Leary, semblait inévitable puisque que le U.S. Copyright Act protégeait les programmes d'ordinateur à titre d'oeuvres littéraires et que la définition d'oeuvre littéraire excluait expressément les oeuvres audiovisuelles30. Comme déjà mentionné, en dehors de l'affaire Broderband Software Inc. c. Unison World Inc31 dans laquelle le tribunal jugeait que la protection du droit d'auteur n'était pas limitée aux aspects littéraires du programme d'ordinateur mais plutôt... qu'elle est étendue à l'ensemble de la structure du programme incluant l'interface usager, dans aucun autre cas, avant 1987, les tribunaux américains n'avaient accordé une protection aux interfaces usagers créés par un logiciel qui n'avait pas fait l'objet d'un enregistrement distinct du logiciel usager à titre d'oeuvre audiovisuelle. En janvier 1988, les tribunaux rendaient une autre décision relative à la protection des interfaces usagers, l'affaire Digital Communication Associates Inc. c. Softklone Distributing Corp32. Cette 29 Robert HIGHLEY, « Copyright Law and Computer screen Displays», (1990) Vol 48, no 1 Toronto, Faculty of Law Review, 1, 72-73.; COPYRIGHT OFFICE, LIBRARY OF CONGRESS, Registration and Deposit of Computer Screen Displays, 53 Fed. Reg. 21,817, 21, 819 (June 1988). 30 Article 101 U.S. Copyright Act, 17 U.S.C.A. Oeuvres littéraires: sont des oeuvres autres qu'audiovisuelles qui sont exprimées sous forme de mots, de nombres ou d'autres symboles ou signes verbaux ou numériques, indépendamment de la nature des objets matériels, tels que livres, périodiques, manuscrits, phonogrammes, films, bandes, disques ou cartes, qui leur servent de support. 31 Broderband Software Inc. c. Unison World Inc., précité, note 28. 32 Digital Communication Associates Inc. c. Softklone Distributing Corp 659 F. Supp. 449 (N.D.Ga. 1987). Dans cette affaire la cour a refusé de suivre l'affaire Broderbund et a jugé qu'un interface usager d'un logiciel de télécommunication devait recevoir une protection distincte du logiciel. Bien que l'interface usager du logiciel de télécommunication du demandeur pouvait être qualifié d'oeuvre audiovisuelle, même si il était essentiellement composé d'une seule image, le juge à plutôt jugé que l'interface devrait être qualifié comme une compilation de paramètres et d'expressions de commande. La raison sur laquelle s'est fondé le juge dans cette affaire pour déterminer que l'écran de visualisation devrait recevoir une protection distincte était le fait que l'interface usager pouvait être reproduit par un programme d'ordinateur qui n'est pas la copie du logiciel original qui génère l'écran de décision réitérait la règle qui avait été développée dans Broderband Software Inc. c. Unison World Inc en 1987 voulant qu'à la fois le texte et les aspects graphiques de l'écran de visualisation étaient maintenant protégés par le droit d'auteur attaché au logiciel d'application sous-jacent. Outre, les politiques de la Commission américaine du droit d'auteur et ces deux dernières décisions, le Juge O'Leary citait les affaires Computer Associates International, Inc. c. Altai Inc.33 et Lotus Development Corp. c. Borland International Inc.34 pour fonder ses prétentions selon lesquelles les éléments non littéraires du programme d'ordinateur sont protégés par la Loi sur le droit d'auteur. En partant du raisonnement établis dans l'affaire Lotus Development Corp., il établit une analogie entre les termes de la Loi sur le droit d'auteur à l'art. 3(1) qui définissent le «droit d'auteur» comme le «droit exclusif de produire ou de reproduire une oeuvre... sous une forme matérielle quelconque...et les termes de l'art 102 (a) de U.S. Copyright Act. .. qui expriment que le droit d'auteur qui existe : in works...fixed in any tangible medium of expression...from which they can be perceived or reproduced...either directly or with the aid of machine or device», lesquels termes ont servi de fondement à la protection des interfaces usager d'un logiciel d'application dans l'affaire Lotus Development Corp. c. Borland International Inc.35 b) OEUVRES AUDIOVISUELLE En ce qui a trait aux interfaces ou écrans de visualisation des jeux-vidéos, au Canada, aucun des jugements rendus dans les affaires Nintendo of America Inc. and Shigeru Miyamoto c. Camerira Corporation and Willow Fun Wolrd Lte36, Midway Manufacturing Co. c. Cointex Video Games Inc.37, Bally Midway Manufacturing Co. c. Berstein38 et Nintendo of America c. Coinex Videos visualisation. Il précisait que deux programmes très différents peuvent produire un interface pratiquement identique. Suivant ce raisonnement, la cour s'est basé sur la définition statutaire de «copy» et a conclu que le programme d'ordinateur est une copie de l'écran de visualisation mais que l'interface usager n'est pas une copie d'aucun programme d'ordinateur particulier. Parce que les écrans de visualisation générées par des programmes d'ordinateur ne sont pas des copies directs ou des reproductions d'éléments littéraires ou du contenu substantiel du programme d'ordinateur, les écrans de visualisation ne sont pas protégés sous le couvert de la protection du droit d'auteur du programme sous-jacent. Après qu'ait été rendue cette décision, la Commission américaine des Droits d'auteur réitérait la directive émise à l'effet que dorénavant, elle n'accepterait plus les enregistrements distincts pour les interfaces usagers. 33 Computer Associates International, Inc. c. Altai Inc., précité, note 23. 34 Lotus Development Corp. c. Borland International, Inc., 1992 U.S. Dist. LEXIS 11358 (in the District of Massachussetts, July 31 1992). 35 Ibid. 36 Nintendo of America Inc. and Shigeru Miyamoto c. Camerira Corporation and Willow Fun Wolrd Lte, 34 C.P.R. (3d) 193. 37 Midway Manufacturing Co. c. Cointex Video Games Inc., (1983) 71 C.P.R. (2d) 105 Games Inc.39, tous rendus dans le cadre d'actions en injonction, nous aida à déterminer la ou les catégorie(s) d'oeuvres sous la-(les)quelle(s) ils peuvent être protégés. De plus, bien que dans la demande en injonction de l'affaire Nintendo of America Inc.and Shigeru Miyamoto c. Camerica Corporation and Willow Fun Wolrd Ltd.40, le demandeur ait tenté de démontrer que la création d'un interface usager ou l'écran de visualisation du jeu-vidéo est: «a form of art and may be compared with making a drawing or painting, choreographing a play, composing a musical score, or writing a short story. Is is more than simply the separate creation standing on theire own; it is also cohesive integration of each element into a single video»41. le Juge Rouleau de la division de première instance de la Cour fédérale n'a pas donné réponse aux prétentions du demandeur. Aux États-Unis, à la lumière de la définition d'oeuvre audiovisuelle42, les tribunaux, dans la majorité des décisions impliquant des écrans de visualisation de jeux-vidéos, ont déterminé que ces derniers appartenaient à la catégorie des oeuvres audiovisuelles, notamment, dans les affaires Stren Electronics Inc. c. Kaufman 43, Midway Manufacturing Co. c. Strohon 44 et M. Kramer Mfg. Co. c. Andrews45. De plus, une revue du développement de la protection du droit d'auteur américain sur les jeux-vidéos laisse supposer que la forme première de protection de l'écran de (F.C.T.D.). 38 Bally Midway Manufacturing Co. c. Berstein, [1983] 1 F.C. 510 (F.C.C.A.). 39 Nintendo of America c. Coinex Videos Games Inc. (1982), 69 C.P.R. (2d) 122 (F.C.C.A). 40 Nintendo of America Inc. and Shigeru Miyamoto c. Camerira Corporation and Willow Fun Wolrd Ltd., (1991) 34 C.P.R. (3d) 193. 41 Id., p. 200. 42 Article 101 U.S. Copyright Act. Les «oeuvres audiovisuelles» sont des oeuvres consistant en une séries d'images liées entre elles qui sont intrinsèquement destinées a être montrées grâces à des machines ou à des appareils tels que des projecteurs, des visionneuses ou du matériel électronique, avec sonorisation d'accompagnement le cas échéant, indépendamment de la nature des objets matériels, tels que le films ou bandes, qui servent de support à ces oeuvres. 43 Stren Electronics Inc. c. Kaufman (669 F. sd 852 (2d Cir. 1982). La cour d'appel a déclaré dans cette affaire que la raison qui justifie d'accorder une protection du droit d'auteur distinct à l'écran de visualisation comme oeuvre audio-visuelle était le fait qu'un programme entièrement différent peut générer un écran de visualisation ou un interface usager semblable. 44 Midway Manufacturing Co. c. Strohon 564 F. Supp. 741 (N.D. III. 1983), Dans cet affaire, le demandeur a enregistré séparément sur l'écran de visualisation du jeu- vidéo PAC-MAN et sur le programme sous-jacent. Alors que les deux enregistrements ont été jugé valides, il a été décidé que les caractères CUTE-SEE dans le jeu-vidéo du défendeur étaient suffisamment différents pour déterminer que l'oeuvre audiovisuelle du demandeur n'avait pas été contrefaite. Cependant, une violation du droit d'auteur a été trouvée sur la base d'une copie d'une partie substantielle de code-objet de programme d'ordinateur sous-jacent du jeux vidéo. 45 M. Kramer Mfg. Co. c. Andrews, 783 F. 2d 421 (4th Cir. 1986). visualisation est la forme audiovisuelle. Malgré la nouvelle directive émise en 1987, par la Commission américaine du droit d'auteur, il demeure courant pour les fabricants de jeux-vidéos d'enregistrer les jeux-vidéos à la fois pour leurs composantes logiciel et pour l'aspect audiovisuel de l'écran de visualisation. Subsiste donc la possibilité d'une protection du programme d'ordinateur sous-jacent comme oeuvre littéraire. Cette possibilité offrirait par conséquent une protection secondaire dans le cas où les droits d'auteur de l'écran de visualisation n'auraient pas été jugés enfreints. Au Canada, l'analyse de la jurisprudence et de la Loi sur le droit d'auteur, nous amène à conclure que contrairement aux conclusions qui découlent de la jurisprudence américaine, les interfaces usagers des logiciels d'applications et des jeux-vidéos sont protégés indifféremment sous forme d'éléments non-littéraires du programme d'ordinateur. En effet, contrairement aux États-Unis, au Canada, bien que la Loi sur le droit d'auteur accorde la protection à des oeuvres cinématographiques, parce que l'interface usager ne correspond pas à un procédé analogue à la cinématographie46, l'interface usager des jeux-vidéos ne semble pas pouvoir être qualifié d'oeuvre cinématographique47. D'autre part, une production cinématographique peut entrer dans la catégorie des oeuvres dramatiques lorsque les dispositifs de la mise en scène ou les combinaisons des incidents représentés donnent à l'oeuvre un caractère original. Cependant, considérant les standards élevés établis par les tribunaux canadiens relativement au caractère d'originalité requis pour cette catégorie d'oeuvre dramatique48, il semble que l'on doive aussi constater l'inhabilité des interfaces usagers des jeux-vidéos à se qualifier pour entrer dans cette catégorie. De plus, bien que la Loi sur le droit d'auteur sur le droit d'auteur protègeait les productions cinématographiques qui ne rencontraient pas le critère d'originalité comme une série de photographies individuelles49, il semble que cette possibilités aurait été anéantie par le défaut de constituer une oeuvre exécutée par une procédé analogue à la photographie50. Pour faire une synthèse de l'état de la jurisprudence canadienne et afin de bien cerner sous quelle forme les interface usager de la réalité virtuelle sont protégés, mentionnons que l'affaire Delrina constitue la décision la plus importante en matière de protection des interfaces usager. Nous devons retenir que cette décision est fondée entièrement sur la jurisprudence américaine et sur une interprétation par analogie de dispositions du U.S.Copyright Act par rapport à Loi sur le droit d'auteur. Elle confirme, d'une certaine façon, les balbutiements des tribunaux canadiens dans les décisions antérieures voulant que les interfaces usagers soient protégés comme éléments non 46 Canadian Admiral Corporation c. Rediffusion Inc. [1954] R.C. de l'É. 382.; Warner Brothers - Seven Art Investments. c. CESM-TV, (1971), 65 C.P.B. 215 (Ex. Ct); et Tom Hopkins International Inc. c. Wall & Redekop Realty Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 348 (B.C.S.C.). 47 R. HIGHLEY, loc. cit., note 29, p. 60. 48 Voir Canadian Admiral Corporation Ltd. c. Rediffusion Inc., précité, note 46; Warner Brothers - Seven Arts Investments c. CESM-TV, précité, note 6 et Tom Hopkins International Inc. c. Wall & Redekop reality Ltd. précité, note 6. 49 Article 3(2) Loi sur le droit d'auteur. Abrogé en 1993. 50 Article 2 Loi sur le droit d'auteur. Abrogé en 1993. littéraires du programme d'ordinateur. On pourrait critiquer le raisonnement du Juge O'Leary qui lui a permis d'arriver à cette conclusion. Notamment, lorsqu'il décortique la définition donnée par la loi du programme d'ordinateur de façon à conclure qu'un ensemble d'instructions qui font partie du logiciel ne sont pas seulement les instructions fixées sur disquette ou ruban magnétique, mais comprend aussi les instructions inscrites dans le guide du manuel d'instructions51. Cette mention nous apparaît inappropriée compte tenu du fait que le guide d'utilisation du programme d'ordinateur doit être protégé distinctement du logiciel comme oeuvre littéraire. L'autre point qui, selon nous, est le plus critiquable, s'explique par l'inaction du législateur. Cette décision vient affirmer qu'un interface usager reflète exactement le logiciel qui le génère, qu'il en est la reproduction sous forme visuelle et qu'en en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, seul le titulaire du programme qui génère cet interface a le droit de le produire ou de le reproduire. Si un autre copie cet interface, pour l'utiliser dans un autre programme, il viole le droit d'auteur du titulaire des droits d'auteur dans le programme. Cette conclusion ne tient pas compte du fait unanimement admis qu'un même écran de visualisation peut être produit par un logiciel sous-jacent totalement différent52. De plus, en jugeant que l'utilisation d'un même interface usager dans un autre programme écrit dans un code source totalement différent constitue une violation du droit d'auteur, le tribunal accorde un monopole sur cet interface usager et sur toutes les façons de l'exprimer en termes de code-source sous-jacent. Nous sommes d'avis, pour ces raisons, et parce que l'interface usager constituent une oeuvre distincte du logiciel que le génère, - cette règle se voulant encore plus vraie pour les interfaces usagers de la réalité virtuelle - comme aux États-Unis, les interfaces usagers devraient entrer dans une catégorie d'oeuvre distincte de l'oeuvre littéraire à laquelle appartient le logiciel que le 51 Delrina Corp. c. Triolet Systems Ltd., précité note 3, p. 28. R. HIGHLEY, loc. cit., note 29, p. 59. The somewhat counterintuitive determination that computer programs represent copies of the screen display that serve to create, while the screen displays so created do not represent copies of the underlying computer program. R.T. NIMMER, Law of Computer Technology, 1988 Cumulative Supplement No. 1 (Boston: Warren, Gorham & Lamont Inc.) art S1-20-21: In terms of technology, two factual observations can be made. First, a particular arrangement of program code will always produce a particular screen display. That is given that the code and the duplicating it, we will always reproduce the same display. In this sense, then, the code, when in a tangible form, is a copy of the display in the sense that it represents a tangible product form which can be reproduced. Second, and in contrast to the first point, various différent program codes can be uses to produce the same screen displayAs result, a screen display standing alone cannot be used to reproduce the underlying program code because it offers no way of selecting among the potentially infinite alternatives to reach that outcome. As result, under the langage of the U.S. Copyright Act, the display is not a «copy» of the coding. 52 génère. Nous sommes aussi d'avis que, comme aux État-Unis, ces interfaces devraient appartenir à une catégorie d'oeuvre audiovisuelle ou à une autre catégorie particulière, distincte de la catégorie d'oeuvre littéraire, nécessitant ainsi une modification à la Loi sur le droit d'auteur53, à défaut des tribunaux de pouvoir interpréter la loi à cet effet. En se basant sur une telle classification, de façon pratique, il serait possible de copier un programme d'ordinateur sans enfreindre les droits de l'auteur relativement à la composante audiovisuelle54 et inversement, il serait possible de violer la composante audiovisuelle sans violer les droits d'auteur dans un logiciel différent sous-jacent qui la produit55. ii) CARACTÉRISTIQUES DE L'OEUVRE Étudions maintenant, dans le cadre de l'étude des conditions de protection des interfaces usagers, l'application des conditions d'originalité et de fixation à ces oeuvres. a) ORIGINALITÉ En rappelant que le droit d'auteur canadien considère la protection de travail personnel de l'auteur, la jurisprudence retient que pour qu'une oeuvre soit originale, elle ne doit pas avoir été copiée d'une autre oeuvre56. Considérant que l'industrie informatique tient compte de considérations d'efficacité et de standardisation dans la production de logiciel et d'interfaces usagers, il appert que ce critère d'originalité entre en conflit avec les buts de l'industrie informatique. D'une part, puisque dans le processus de création de l'interface usager, le programmeur adhère à des conventions de programmation dans le but d'offrir un produit standard et conviviale pour l'utilisateur, il est possible que certains de ses éléments, dans des logiciels différents, puissent être considérés comme copiés bien qu'ils peuvent n'être qu'en fait le résultat 53 L'auteur Robert Highley suggère une définition «d'oeuvre audiovisuelle» et de «séries d'images» permettant d'accorder une protection distincte aux interfaces usagers des jeux vidéos et des logiciels d'application. Elles pourraient selon nous englober également les interfaces usagers de la réalité virtuelle et les films d'animations assités par ordinateur. Robert HIGHLEY, loc. cit., note 29, p. 88. «Audiovisual work» means any work consisting of a series of related graphic or textual images intended to rendered perceptible by means of electrical or electronic equipment, together with accompanying sounds, if any, regardless of the nature of the underlying material from which the work is generated or made perceptible; «series of related images» means any image or set of image whose successive appearance is determined, wholly or in part, by the underlying material in which the work creating them is fixed, whether or not that successive appearance is influenced by human intervention. 54 Cette possibilité a été reconnue dans l'affaire Midway Manufacturing Co. c. Strohon, précité, note 44, p. 749. 55 Cette possibilité a été reconnue dans Stren Electronics Inc. c. Kaufman., précité, note 43. 56 University of London c. University Tutorial Press (1916) 2 Ch. 601. du respect des conventions. Sous ce critère d'originalité, plusieurs aspects des interfaces usagers traditionnels ne rencontrerons pas la condition d'originalité requise par le droit d'auteur57. D'autre part, les tribunaux canadiens ont retenu qu'une oeuvre est originale si elle émane de l'esprit de l'auteur58. Ils ont jugé que des cartes géographiques, assimilées, avant 1988, aux oeuvres littéraires (maintenant assimilées aux oeuvres artistiques) pouvaient faire l'objet d'un droit d'auteur, bien que laissait peu de place à l'imagination et à la discrétion et qu'elles reproduisaient pourtant de manière objective des éléments qui appartiennent au domaine public59. Au Canada, en partant de ces principes, même si les interfaces de la réalité virtuelle expriment la réalité ou des faits qui appartiennent au domaine public ou reproduisent sans trop d'imagination la réalité, il appert qu'ils répondront aux exigences de la loi, en ce qui a trait à cette conception de l'originalité. Aux États-Unis, certains doutes planent au niveau de la condition d'originalité des interfaces usager de la réalité virtuelle depuis l'affaire Feist Publications c. Rural Telephone Service Compagny60 qui traitait de la protection juridique d'un annuaire téléphonique électronique. La cour suprême américaine, dans cette affaire, affirmait en 1991, que les faits purs ne sont pas protégés par le droit d'auteur. Ainsi, il peut être allégué que plus les interfaces usagers reproduiront des objets et des ouvrages qui imitent la réalité, moins ils recevront de protection du droit d'auteur. Quand un objet virtuel ou une oeuvre devient aussi tangible que la vie réelle qu'il veut simuler, à ce moment l'environnement virtuelle deviendra pratiquement la copie de la réalité. Si la réalité est considérée comme un fait tel que l'entend l'arrêt Feist Publications c. Rural Telephone Service Compagny, dans ce cas, aucune protection de droit d'auteur ne pourrait être accordée aux interfaces usager de la réalité viruelle, du moins pour sa partie audiovisuelle. L'argument qui vise à assimiler la réalité virtuelle à un simple fait non protégé, ne tient pas compte, selon certains auteurs américains de la nature véritable de la réalité virtuelle61. La réalité virtuelle n'est pas simplement une copie directe de la réalité, c'est une expression de la réalité traduit à travers la pensée et la vision de l'auteur de ce qu'inclut la réalité. L'habilité de rendre réaliste l'image par un procédé électronique est au moins aussi créatif et original que prendre une image de la réalité en photo. Aux États-Unis, les tribunaux ont protégé les photographies qui 57 David NIMMER, Richard L. BERNACCHI, Gary N. FRISCHLING, «A Structure Approchoach to Analyzing the Substantial Similarity of Computer Software in Copyright Infringment Cases, (1988) 20 Ariz. St. Law Journal, 625, p. 642. Voir aussi l'affaire Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc., p. 44. 58 Kilvington Bros. Ltd. c. Goldberg, (1957) 16 Fox Pat. C. 164 (C.S. Ont.). 59 Éditions Hurtubise H M H Ltée c. Collège d'enseignement général et professionnel AndréLaurendeau, [1989] R.J.Q. 1003 (C.S. Qué.); Robinson c. Sands & Macdougall Proprietary Ltd., (1916) 22 C.L.R. 124; General Drafting Co. c. Andrews, (1930), 37 F.2d. 54; CroKers c. General Drafting Co. Inc., (1943), 58 USPQ 61.; Goegraphia Ltd. c. Bacon & Co. Ltd., [1914] Macg Cop. Cas. 179, Cary c. Faden, (1799), 5 Ves. 24; Wilkins c. Aiken, (1810), 17 Ves. 422. 60 Feist Publications c. Rural Telephone Service Compagny, 11 S. Ct. 1282 (1991). 61 J. RUSSO et M. RISCH, loc. cit., note 6, p. s19. capturent une expression minimale, sans considérer le degré d'automatisme de l'équipement de photographie utilisé62. Au Canada il semble que les mêmes règles sur les photographies aient été retenues63. Les mêmes critères devraient être appliqués pour la réalité virtuelle. De plus l'informatisation des objets, oeuvres et mondes virtuels offrent aux programmeurs et aux infographistes des opportunités d'exercer leur créativité. La réalité virtuelle peut souvent permettre des activités qui semblent réelles mais qui ne sont pas possible dans la vie réelle. Par exemple, un monde virtuel peut simuler l'intérieur du corps humain. Dans cet environnement, l'utilisateur pourrait circuler dans le système circulatoire comme une cellule sanguine. C'est l'extension de la réalité qui vraisemblablement donne aux oeuvres virtuelles leurs expressions créatives, même si une traduction véritable de la réalité peut ne pas être considérée comme créative. Pour toute ces raisons, nonobstant l'affaire Feist, forts sont les arguments voulant que l'interface usager de la réalité virtuelle rencontre les conditions d'originalité. b) FIXATION Relativement à la condition de fixation requise pour qu'une oeuvre soit protégée, dans l'hypothèse où l'on retient que l'interface usager est protégé à titre d'élément non littéraire d'un logiciel, il devrai être généralement admis que, bien que chaque expérience dans un monde virtuel puisse être différente, l'interface rencontre le critère de fixation exigé par le droit d'auteur. Puisque l'environnement virtuel et l'interface usager sont généralement fixés sur disquettes ou bandes magnétiques, comme l'exprime la définition de programme d'ordinateur, les interfaces devraient répondre, selon nous, sans difficulté à la condition de fixation de la loi64. Dans l'hypothèse où l'on classifiait l'interface usager dans une catégorie d'oeuvre audiovisuelle ou cinématographique nous pourrions nous inspirer de la notion de fixation traitée dans l'affaire américaine Stren Electronic Inc. c. Kaufman65. Dans cette affaire, on a décidé que le niveau de 62 1 NIMMER on Copyright Sec 2.08[E]; Voir aussi Burrow Giles Lithographic Co. c. Sarony, 11 U.S. 53 (1884). 63 Pro Arts Inc. c. Campus Crafts Holding Ltd., (1981) 50 C.P.R. (2d) 230. (H.C. Ont.); Dobran c. Bier, [1959] B.R. 154; Slumber-Magic Co Ltd. c. Sleep-King adjustable Bed Co., (1985) 3 C.P.R. (3d) (C.S. C.-B.). 64 Delrina Corp c. Triolet Systems Inc, précité, note 3, p. 28. 65 Stren Electronic Inc. c. Kaufman, précité, note 43. Aux pages 855-56, la cour rejetait la prétention du défendeur à l'effet que le jeu-vidéo n'était pas fixé puisqu'à chaque utilisation l'écran de visualisation du jeu-vidéo reflétait des aspects différents. We agree with the District Court that the players's participation does not withdraw the audiovisual work from copyright eligibility. No doubt the entire sequence of all the sights and ounds of the game are différent each time the game is played, depending upon the route and the speed the players selects for his spaceship and the timing and accurancy of his release of his craft's bombs and lasers. Nevertheless, many aspects of the sights and the sequence of their appearance remain constant during each play of the game. These include the appearance (shape, colour, and size) of the player's spaceship, the enemy craft, the ground missile bases and fuel depots, and permanence et de stabilité dans un jeu-vidéo était suffisant pour répondre au condition de protection même si au cours de chaque utilisation un usager particulier ne voit pas ou n'entend pas certains aspects de cet environnement. De la même façon que le jeu-vidéo, une interaction différente de l'utilisateur à chaque expérience dans la réalité virtuelle a l'effet de produire une réponse différente du logiciel et ainsi modifier la présentation de l'écran de visualisation. Cette notion d'improvisation qui entre en jeu rend ambiguë la notion de fixation telle qu'entendue dans le sens traditionnel du droit d'auteur. En s'inspirant de l'affaire Stren Electronic Inc. c. Kaufman, les interfaces usagers traditionnels et les interfaces de la réalité virtuelle pourraient tout de même rencontrer la condition de fixation exigée par la Loi. II- UNE TECHNOLOGIE DONT LA NATURE REQUIERT LA CRÉATION DE NOUVEAUX CRITÈRES DE CONTREFAÇON. Le principal problème à lequel les tribunaux sont confrontés après avoir déterminé à quelle catégorie d'oeuvre les interfaces usagers appartiennent et s'être assurés que l'oeuvre en question répond aux critères de fixation et d'originalité de la loi, c'est de juger si l'oeuvre a été contrefaite. Plus précisément, c'est de distinguer dans l'oeuvre, les éléments protégés qui ont été contrefaits. Voyons donc maintenant comment la nature particulière de ces oeuvres rend difficile l'établissement de critères de contrefaçon pour lui assurer une protection adéquate, tout en assurant le respect des intérêts divergents de public et des créateurs(trices). B) LA NATURE PARTICULIÈRE DES INTERFACES USAGERS ET L'ÉQUILIBRE DES INTÉRÊTS EN JEU La nature particulière des interfaces usagers, implique, dans l'élaboration de règles de contrefaçon adéquates, la prise en considération des intérêts opposés des créateurs et des intérêts des utilisateurs. Une présentation du contexte des intérêts divergents du public et des créateurs nous permet de constater que doivent être pris en compte, dans l'élaboration de ces règles: la valeur commerciale que représente un interface usager pour un créateur, le travail du créateur, la nécessité d'assurer le progrès technologique, la libre circulation des idées et la standardisation dans l'industrie informatique. i) INTÉRÊTS PRIVÉS the terrain over which (and beneath which) the player's ship flies, as well as the sequence in which the missile bases, fuel depots, and the terrain appears. Also constant are the sounds heard whenever the player successfully destroys an enemy or installation or fails to avoid an enemy missile or laser. It is true, as appellants contend, that some of the sight and sound will not be seen and heard during each play of the game in the event that the player's spaceship is destroyeed before the entire course is traversed. But the images remain fixed, capable of being seen and heard each time a player succeeds in keeping his spaceship aloft long enough to permit the appearances of all the images and the sounds of a complete play of the game. a) VALEUR COMMERCIALE DE L'INTERFACE USAGER Tous reconnaissent que les interfaces usagers sont le produit de recherches minutieuses qui visent des objectifs d'efficacité et de facilité d'utilisation pour les utilisateurs. Un interface usager conviviale est l'élément critique qui fait le succès de la mise en marché et de la popularité du logiciel. Les consommateurs rejetteront un produit qui est difficile à utiliser ou qui requiert un long apprentissage66. Pour cette raison, un interface usager intuitif et facile à utiliser représente un aspect du programme qui a une très grande valeur monétaire pour le producteur. Un protection étendue est donc réclamée par plusieurs producteurs de logiciel67. b) LE TRAVAIL DES CRÉATEURS D'autre part, les producteurs de logiciels mettent des efforts intensifs pour la création des interfaces usagers; quelques fois même plus que pour écrire le code-source des applications du programme. C'est spécialement le cas pour les interfaces usagers de la réalité virtuelle, dans lesquels on peut confondre les applications et l'interface usager en soi. En effet un créateur qui développe un nouvel interface usager peut consacrer beaucoup de temps et dépenser beaucoup d'argent pour optimiser un interface, c'est-à-dire le rendre le plus intuitif et le plus facile à utiliser possible. Les créateurs doivent donc être récompensés pour les efforts mis dans la création de ces oeuvres. Le droit d'auteur doit aussi récompenser ces auteurs pour les inciter à poursuivre leurs recherches. La protection du droit d'auteur doit d'autre part prévenir l'appropriation du travail de ces créateurs par d'autres qui lui feront concurrence dans le marché en améliorant des aspects d'un interface usager et en produisant des clones qu'ils pourront vendre à moindre coût étant donné le peu d'argent qu'il ont eu à investir dans le développement de ce nouvel interface68. D'un autre côté, la protection du droit d'auteur confère à son titulaire un monopole sur l'oeuvre pour une période limitée. Au Canada la durée de protection de l'oeuvre par le droit d'auteur, en règle générale, comprend la vie de l'auteur et une période de cinquante ans après sa mort69. Alors que pour les oeuvres traditionnelles, le droit d'auteur a toujours su s'accommoder d'une protection aussi longue protection pour assurer un équilibre entre les droits des créateurs et du public, il 66 If compatibility is not allowed, computer users will be extremely reluctant to abandon their investment in the time and training spent in learning the established user interface. Timothy. S. TETER, «Merger and the Machines: An Analysis of the Pro-Compatibility Trend in Computer Software Copyright Cases», (1993) 45 Stan. Law Rev. 1061, p. 1088-89. Margaret L. PITTMAN, [1991], 37 Wayne Law Review, 1527, p. 1579 et ss. 67 Andrew H. ROSEN, loc. cit., note 7, p. 44 et ss. 68 Joseph T. VERDESCA Jr. «Copyrighting The User Interface: Too Much Protection», [1991] 45 SouthWestern Law Journal, 1047, p. 1055. 69 Article 6 Loi sur le droit d'auteur. n'est pas certain qu'il saura s'accommoder d'une période aussi longue pour des oeuvres technologiques, comme les interfaces usagers, dont le développement est très rapide. Bien que cette longue durée de protection réponde aux attentes des producteurs d'interfaces usagers, un telle durée de protection s'oppose aux intérêts du public et à la libre concurrence, comme nous le verrons dans les prochaines lignes. ii) INTÉRÊTS PUBLICS a) LE PROGRÈS TECHNOLOGIQUE ET LA LIBRE CIRCULATION DES IDÉES Compte tenu du fait que les logiciels et interfaces usagers diffèrent des oeuvres traditionnelles protégées par le droit d'auteur, notamment au niveau de leurs aspects utilitaires et fonctionnels qui s'apparente à des idées et compte tenu de la rapidité du progrès technologiques, une protection étendue et pour une longue durée de l'interface aurait effet de créer un monopole sur l'oeuvre en faveur de son auteur. Une telle protection serait d'abord contraire à la Loi sur le droit d'auteur puisque que cette loi ne protège pas les idées, mais seulement l'expression des idées. Une telle protection serait d'autre part contraire aux intérêts du public, parce qu'elle le priverait ainsi du bénéfice d'utiliser des éléments d'interfaces qui sont les plus efficaces dans des logiciels différents70. De plus, elle aurait effet, en même temps, de freiner le progrès technologique. La problématique est semblable pour l'interface usager de la réalité virtuelle puisque la réalité virtuelle permet une expérience de participation qui s'apparente à une idée. D'autre part, une pr Dans l'industrie informatique, il est souvent allégué que d'empêcher l'emprunt d'aspects fonctionnels de programme d'ordinateur et d'interfaces usagers précédents par d'autres créateur, à effet par la même occasion de retarder le progrès technologique71. Étant donné le progrès rapide dans l'industrie et le respect de convention de programmation, bien qu'au moment de leur création, des nouveaux aspects d'un écran de visualisation peuvent être considérés comme des expressions protégées, après une peu de temps, il advient souvent que ces éléments deviennent de facto des éléments purement fonctionnels et standards aux interfaces usagers72. De plus, puisque 70 Stephen P. NORMAN, «Apple c. Microsoft: Standardization of Graphical User Interfaces», (1994) 27 Law Technology Rev, no 1, p. 16. 71 Joseph T. VERDESCA, loc. cit. note 68, p. 1073. 72 Dans l'affaire Apple Computers, Inc. c. Microsoft Corp., 799 F. Supp. 1006 (N.D. Cal 1992) selon Stephen P. Norman, loc. cit., note 70, p. 13. The court noted the industry wide trend towards standardization of GUI's asserting that similarities in user interfaces «do not suggest unlawful copying, but standardization across competing products for functional consideration.» p. 1023. The court went on to discuss how «market factors play a role by stating that if a feature of graphical interface is incorporated throughtout the industry (i.e. overlapping windows) then the expression becomes a non-protectible standard. p. 1023. The court next discussed the negative effects of «overly inclusive protection. Such protection can produce its own negative effects by inhibiting the adoption of compatible standards, which would enlarge the market for computer by dans l'industrie la contrainte d'efficacité et le respect de conventions font en sorte qu'il existe un nombre de façon limité d'exprimer certains aspects de l'interface usager; de priver un créateur d'utiliser les éléments les plus efficaces d'un interface usager a pour effet de les contraindre à exprimer ces éléments d'une façon moins efficace dans un logiciel différent et de freiner le progrès technologique. b) LA STANDARDISATION DANS L'INDUSTRIE INFORMATIQUE D'autre part, plusieurs auteurs reconnaissent que l'utilisation d'innovations antérieures permet d'assurer une certaine standardisation et compatibilité qui est requise dans l'industrie informatique73. La compatibilité réfère aux produits qui fonctionnent facilement avec d'autres. La standardisation signifie: produire des logiciels compatibles, utiliser les mêmes structures de commande et utiliser les interfaces usagers les plus intuitifs et efficaces pour réduire le temps d'apprentissage et d'utilisation du logiciel. Une trop grande protection des interfaces usager a effet de réduire la compatibilité et la standardisation. Une telle protection serait, comme mentionné ci-haut contraire aux intérêts du public74, elle confinerait le consommateur à être l'esclave d'un vendeur, considérant, souvent, le long temps d'apprentissage requis pour connaître le fonctionnement des applications dans une autre logiciel moins «user friendly» et moins attrayant. Un telle protection aurait effet de créer un monopole, de réduire la compétition et ainsi faire augmenter le coût des logiciels. Le public devrait donc bénéficier de la standardisation et de compatibilité dans les logiciel et les interfaces usagers75. L'argument de standardisation a d'ailleurs été retenu dans l'affaire Apple c. Microsoft76. Nous constatons donc que la protection des interfaces usagers implique un équilibre précaire entre le besoin de récompenser l'auteur pour l'inciter à poursuivre le travail qu'il a réalise et le désir de faire bénéficier le public d'un interface usager standard et efficace77. Comme déjà mentionné, la problématique prend source dans la difficulté d'établir une protection adéquate. Une protection trop étendue en faveur de l'auteur aurait effet de créer un monopole, de priver le public de la standardisation dans l'industrie informatique et en même temps de freiner le progrès technologique. Une protection trop étroite aurait effet de réduire à néant tous les incitatifs pour assurer le progrès et une fois de plus priver le public de nouvelles créations78. making it easier to learn how to use them» p. 1025 Voir également Karen S. KOVACH, loc. cit., note 13, p. 164 et ss. 73 Brian JOHNSON, « An Analysis of the Copyrightability of the «Look and Feel» of the Computer Program», (1991) 52 Ohio St. L.J., 947, p. 978-9. 74 Joseph T. VERDESCA Jr. loc. cit., note 68, p. 1075. 75 Todd D. DAUBERT, «Copyright, Potential Markets, and the User Interface: Defining the Scope Of the Limited Monopoly», 55, no 2, Law and Contemporary Problems, p 355. 76 Apple c. Microsoft, précité, note 72. 77 Joseph T. VERDESCA , loc. cit., note 68, p. 1075. 78 Id. p 1050. Pour assurer un équilibre entre les intérêts divergents du public et les intérêts privés des créateurs, une chose est certaine. Des règles de protection claires et bien définies sont nécessaires79. Autant les créateurs ont besoin de savoir sur quels aspects d'un interface ils pourront bénéficier d'une protection et être stimulés à développer ces éléments protégés, autant les autres créateurs ont besoin de pouvoir identifier les composantes des interfaces usagers qu'ils pourront reprendre librement dans la création de nouvelles oeuvres. L'absence de règles claires et l'incertitude qui en découle dans l'industrie informatique ont effet de freiner le développement et d'empêcher le public de bénéficier de produits plus standardisés80. B) CONDITION DE CONTREFAÇON Voyons maintenant les règles de contrefaçon qui ont été développées par le tribunaux pour réconcilier les intérêts divergents des créateurs et du public. i) LA DICHOTOMIE IDÉE/EXPRESSION Étant donné le fait que l'interface usager comporte des aspects utilitaires qui s'apparentent aux idées et compte tenu des nouvelles règles de contrefaçon qui ont été développées dans l'affaire Delrina, il sera nécessaire de procéder à l'étude de la dichotomie idée/expression pour déterminer quels seront les éléments protégés dans ces interfaces. a) SES BUTS ET SES FONDEMENTS Manifestement, de tous les aspects du droit d'auteur, nous comprendrons que la dichotomie idée/expression demeure l'une des théorie les plus obscures... Plus précisément, la ligne séparant l'idée de l'expression, demeure difficile à tracer. En effet, dans plusieurs causes où les juges ont à transiger avec cette notion, ils ont souvent insisté pour mentionner que cette ligne de démarcation est souvent vague et difficilement identifiable81. Pour bien comprendre cette dichotomie et ses buts, attardons nous d'abords à étudier le but de la Loi sur le droit d'auteur. Une description classique du but des Lois canadienne et britannique est énoncé dans l'affaire Sayre c. Moore. We must take care to guard against two extremes equally prejudicial: the one that men of ability, who have employed their time for the service of community may not be deprived of their just merits and reward for their ingenuity and labour; the other that the world may not be deprived of 79 Id, p. 1071 Margaret L. PITTMAN, loc. cit., note 66, p. 1584. 81 Nichols c. Universal Pictures, 45 F. 2d 119, 122 (2d Cir 1930). 80 improvements nor the progress of the arts be retarded82. Dans ces termes Lord Mansfield a énoncé une version traditionnelle de la raison d'être de la protection du droit d'auteur: tenter de récompenser les créateurs pour leur travail et assurer en même temps le progrès de la science et de l'art pour le bénéfice général du public. Aux États Unis, ce principe prend source dans l'article 1 de la Constitution américaine et est au même effet, c'est-à-dire assurer une protection aux droits des auteurs, promouvoir le progrès de la science et de l'art et favoriser la libre circulation des idées pour le bénéfice du public83. Conséquemment, la fonction des lois sur le droit d'auteur est d'assurer un équilibre entre deux facteurs. Le premier, l'intérêt du public dans le bénéfice qu'il retire de l'accès aux nouvelles oeuvres et aux nouvelles idées ; le deuxième, l'intérêt du créateur à recevoir une récompense pour son travail et à être incité à créer de nouvelles oeuvres. Le but de la dichotomie idée/expression est au même effet. Son but est d'assurer un équilibre entre les intérêts du public et les intérêts privés, en protégeant les oeuvres qui expriment de façon originale des idées tirées du domaine public et en assurant d'autre part que les idées contenues dans ces oeuvres restent dans le domaine public, circulent librement sans être susceptibles d'une appropriation, et d'être sujet à un monopole détenu par un créateur en particulier84. Tracer cette ligne est une tâche délicate lorsqu'il est question d'oeuvres utilitaires comme les logiciels et leurs interfaces usagers. b) LES CONCEPTS ATTRIBUÉS À CETTE DICHOTOMIE Au Canada et aux États-Unis le concept de la dichotomie a été défini de différentes façons. A titre d'exemple, mentionnons que certains tribunaux ont associé le concept de la dichotomie à la distinction qui existent entre le style et le contenu des oeuvres85. D'autres tribunaux ont interprété ce concept en énonçant qu'il était relatif à l'exigence de fixation de l'idée sous une forme matérielle quelconque. Ainsi, seules, les idées qui étaient exprimées sous une forme matérielle constituaient une expression qui pouvait recevoir la protection du droit d'auteur86. Une autre 82 Sayre c. Moore, 102 E.R. 139, p. 140. «The progess of science and the useful arts, by securing for limited times to authors and inventors the exclusive right to their respective writing and discoveries.» 84 Allen ROSEN, «Reconsidering the Idea/expression dichotomy», 26 U.B.C. Law Review, 263, p. 266. 85 E. HETTINGER, «Justifying Intellectual Property» ,(1989), 18 Philosophy and Public Affairs, 30, p. 32. 86 Roth Greeting cards c. United Card Compagny, 429 F. 2d 1106, 1109 (9th Cir. 1970); Donaghue c. Allied Newspapers, [1938] Ch. 106, 110. 83 interprétation donnée à la dichotomie était fondée sur l'opposition entre une idée générale et une idée spécifique. Ainsi, suivant cette interprétation, seules les idées spécifiques et très élaborées étaient considérées comme des expressions qui pouvaient bénéficier de la protection du droit d'auteur87. La théorie de la fusion fut à son tour utilisée pour tenter de tracer la ligne entre l'idée et l'expression88. Selon cette théorie, lorsqu'un une idée est tellement liée à une forme d'expression qu'elle en est indissociable, on dit que l'idée est fusionnée à l'expression. Ainsi, dans les cas où l'idée ne peut être exprimée que dans un nombre très limité de façons, l'idée est fusionnée à l'expression et aucune protection ne lui est accordée. On peut constater que plusieurs définitions ont été données à la dichotomie idée/expresion qui sert à tracer une ligne entre l'idée et l'expression et aucune ne semble pouvoir dessiner cette ligne aisément. ii) UN NOUVEAU CADRE ÉTABLI POUR TRACER LA LIGNE QUI SÉPARE L'IDÉE DE L'EXPRESSION. a) LE TEST APPLICABLE Récemment, dans l'affaire Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc., un nouveau test fut introduit en droit canadien pour déterminer les éléments contrefaits dans les logiciels et les interfaces usagers. Indirectement, il consiste à séparer les idées des expressions. Sans justifier autrement qu'en mentionnant que la plupart des litiges qui ont impliqué des questions relatives aux programmes d'ordinateur ont été soulevés aux États-Unis, le Juge O'Leary a introduit le test américain tripartite «Abstraction - Filtration - Comparaison» développé dans l'affaire Computer Assocs. Int'l, Inc. c. Altai, Inc.89. Les deux premières parties du test servent à déterminer quels sont les éléments protégés dans l'interface usager. La troisième partie sert à déterminer, en comparant l'expression protégée à l'expression que l'on prétend être une copie, si elle a effectivement été l'objet d'une contrefaçon. À la première étape, afin d'identifier les éléments qui pourront bénéficier de la protection, le tribunal doit en premier lieu définir l'idée des parties constituantes90 de l'oeuvre que l'on allègue avoir été copiée (Abstraction). Après avoir défini l'idée des parties constituantes de l'oeuvre, le 87 Sid Marty Krofft television c. McDonald's Corp., 562 F.2d 1157, 1168 (E.D. Mo. 1980). Lotus Dev.v. Paperback Software Inc. 740 F.Supp. 37, 58-59. (D. Mass. 1990), Atary c. North American Philips Consumer Electronics, 672 F. 2d 607 (7th Cir.) 459 U.S. 880 (1982). 89 précité, note 23. 90 «Menu commands, menu structure, Keystroke sequences, Long prompt, and Macro langage,» Ibid. 88 tribunal doit, en second lieu, décider si l'expression est essentielle à l'idée, c'est-à-dire, si elle ne peut être exprimée que dans un nombre limité de façons (fusion), si elle est dictée par des considérations fonctionnelles et d'efficacité ou si elle a été prise dans le domaine public, accessible à tous gratuitement (Filtration). Si l'expression est essentielle à l'idée elle ne bénéficiera pas de la protection du droit d'auteur. Finalement, si le tribunal détermine que l'expression n'est pas essentielle à l'idée et qu'elle constitue une expression protégée, il jugera ensuite, en comparant l'expression protégée dans l'oeuvre du demandeur à celle contenue dans l'oeuvre du défendeur, si le défendeur en a copié une partie substantielle (Comparaison). Le tribunal jugera qu'il y a contrefaçon s'il détermine qu'il existe une grande similarité entre l'oeuvre du défendeur et du demandeur. Dans l'affaire Delrina, après avoir exposé le test tripartite et fait le bilan des prétentions et preuves soumises par les parties, le juge O'Leary a énuméré quelques principes applicables en droit d'auteur. Notamment, il rappelle qu'un auteur n'a pas de droits d'auteur sur les idées mais seulement sur l'expression de ses dernières. Il ajoute que le droit d'auteur subsiste dans les oeuvres littéraires originales mais qu'aucun n'existe lorsqu'elles sont constituées d'éléments qui appartiennent au domaine public accessible à tous ou qui ont été copiés d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur. De plus, même si l'expression origine de l'auteur, l'expression de l'idée n'est pas protégée si elle ne fait qu'exprimer des idée qui sont fonctionnelles, dans un sens utilitaire (Lotus c. Paperback, 740 F.Supp. 37). D'autre part, il rappelle que lorsqu'une idée est fusionnée à l'expression, le droit d'auteur n'accorde pas de protection à l'expression parce que cela équivaudrait à accorder un monopole à son auteur. En un dernier temps, la cour, énonce un principe qui reprend presque textuellement les termes de l'art 102 (b) de la U.S. Copyright Act: Copyright does not subsist «in any arrangement, system, scheme, method for doing a particular thing, procedure, process, concept, principle, or discovery, but only in an author's original expression on them.91 Bien qu'il hésite à appliquer le test tripartite qu'il a exposé, le Juge O'Leary considère essentiel de procéder à l'extraction des éléments protégés dans le logiciel et l'interface usager du logiciel du demandeur92. Dans son raisonnement, le Juge O'Leary, présente les éléments du programme, qui selon l'expert du défendeur, ne sont pas protégés par le droit d'auteur. Notamment, il affirme que les programmes du demandeur et du défendeur présentent un écran plein de données. Il retient aussi que deux autres programmes, différents des programmes du demandeur et du défendeur, utilisaient la même approche et que ces deux programmes appartenaient au domaine public et étaient disponibles gratuitement. Après avoir considéré la preuve, le juge a déclaré qu'il était incapable de conclure qu'une partie substantielle de l'interface usager du programme Sysview pouvait bénéficier de la protection du droit d'auteur. Selon le juge, l'écran de visualisation présentait seulement les résultats de recherches exécutées relatives à la capacité des ordinateurs HP3000. Alors que certaines variations dans l'affichage des résultats pouvaient exister quant à la forme et au contenu de l'écran, ces variations, selon le juge, étaient limitées. L'écran devait présenter les résultat de recherches effectuées par le logiciel et les exprimer en pourcentage. Il a 91 92 Delrina c. Triolet Systems Inc., précité, note 3, p. 41. Id., p. 37. ajouté que le contenu de l'écran de visualisation pouvait seulement être efficacement et conventionnellement disposé dans un nombre limité de façon. Toujours selon l'avis du juge, le contenu de l'écran de visualisation était commun et générique aux programmes conçus pour évaluer la capacité des ordinateurs HP3000. De la même façon, il a fait mention que les commandes au clavier et la structure de commandes étaient similaires aux deux programmes du même genre disponibles gratuitement. Elles représentaient, selon le tribunal, des commandes logiques qui doivent être exécutées pour accomplir une tâche particulière et constituaient celles qui sont les plus simples pour l'utilisateur. Il est donc venu à la conclusion qu'il n'y avait violation de droit d'auteur par le défendeur sur l'interface usager du logiciel du demandeur. Bien qu'à première vue le test tripartite semble résoudre la problématique relative à la conciliation des intérêts divergents du public et des créateurs, les difficultés d'application du test proposé suggèrent le contraire. b) DIFFICULTÉS D'APPLICATION DU TEST PROPOSE Pour comprendre les éléments litigieux du test énoncé qui sert à la détermination des éléments contrefaits dans un interface usager, prenons l'exemple d'un interface usager de la réalité virtuelle. Imaginons, la représentation d'un jeu d'échec électronique sur cet interface. Un échiquier tridimensionnelle est situé dans l'environnement de l'utilisateur. Dans les faits, lorsqu'il veut déplacer une pièce, un bras géant simulé apparait à l'écran en réponse aux mouvements de ses mains recouvertes d'une «Data Glove». La plus grande question litigieuse à laquelle nous aurons à répondre est de savoir si la représentation du gant géant qui facilite le mouvement dans le programme est une expression protégée ou une idée. Dans cette exemple, la majorité des auteurs sera d'accord pour affirmer que l'expression particulière de la forme de la pièce peut être une expression protégée puisqu'elle peut être exprimée dans un nombre illimité de façons. La plupart seront aussi d'accord que l'échiquier n'est pas une oeuvre protégée puisqu'il existe un nombre limité de façon de le concevoir. Cependant, pour ce qui concerne la protection de la main gantée qui sert à déplacer le pion dans l'écran de visualisation de la réalité virtuelle, le consensus est inexistant. En effet certains prétendrons que la main gantée est une expression qui doit recevoir la protection et d'autre prétendrons qu'elle ne doit pas recevoir la protection parce qu'elle constitue une idée. Nous verrons que ces divergences d'opinion prennent source dans la difficulté de définir, à la première étape du test proposé l'idée de cette composante de l'interface. En effet, en définissant la main gantée en terme d'une composante du jeu d'échec ou du but du logiciel sous-jacent et en appliquant le test de l'expression nécessaire à l'idée énoncé dans l'affaire Delrina, la main qui descend pour déplacer le pion par l'usager pourrait être considérée comme une expression protégée puisque non nécessaire à l'idée du jeu d'échec93. L'on constate qu'en définissant le concept de l'expression protégée en terme des éléments non nécessaires à l'idée et en définissant l'idée, en termes larges, comme par exemple en termes de la fonction du programme sous-jacent, ce test permettrait à un tribunal de trouver trop facilement une expression protégée. C'est d'ailleurs de cette façon, dans l'affaire Lotus c. Paperback Software International94, après avoir défini l'idée d'un système de menu de commande en termes d'une composante d'un chiffrier électronique qui représentait en fait la fonction du logiciel sous-jacent, que la cour a jugé que puisque la structure du menu commandes n'était pas nécessaire à l'idée d'une chiffrier électronique, cette structure était une expression qui devait être protégée par le droit d'auteur. Toujours dans cette affaire, bien que la structure de menu de commandes comportait plusieurs aspects qui étaient communs, standards et peu originaux par rapport à plusieurs interfaces usagers, on a jugé qu'elle devait être protégée par le droit d'auteur. Mentionnons que cette décision a fait l'objet de critiques virulentes aux États-Unis par l'ensemble de la communauté juridique américaine95. Appliquer le test de l'affaire Delrina à la main gantée définie en termes d'une composante d'un jeu d'échec dans un interface usager aurait effet, comme il a été le cas pour le système de menu de commande du chiffrier électronique de Lotus, d'accorder un monopole sur une partie important du «easy to use» des interfaces usagers. Ainsi, dans l'application du test de la nécessité, les tribunaux devront s'assurer de définir l'idée de la partie constituante de l'interface de façon étroite de manière à ne pas accorder de monopole sur une façon efficace de se déplacer dans un interface usager. 93 Stephen P. NORMAN, loc. cit., note 70, p. 7. Selon cet auteur: In Whelan Associates, Inc. c. Jaslowe Dental Lab. Inc. 797 F. 2d 1222 3d Cir 1986 cert. denied, 479 U.S. 103 (1987) the court held that «the purpose or function of a utilitarian woek would be the works's idea, and everything that is not necessary to that purpose or function would be part of the expression of the idea.»(p. 1236). While Wealan has been rejected by most courts and authorities outdated and overly broad it is still good law in the third Circuit and persuasive else where.. Today nearly all the circuits recognize that a program contains more than one idea. They also recognize that computer software compagnies achieve technological advancement through building upon the existing ideas and technology in the industry. Dans Apple c. Microsoft, précité, note 72, p. 1025 la cour a renversé l'affaire Wealan. 94 Andrew H. ROSEN, loc. cit., note 7, p. 59. »Judge Keeton analysed the elements within the screen display user interface by relating them to the idea of the underlying electronic spreadsheet application (Lotus c. Paperback, p.65-68). This approach offers much broader protection to the screen display because the idea is defined in much broader terms. By definig the idea in broader terms- namely, as an electronic spreadsheet - and examining mainly the «menu command structure», Judge Keeton overextended protection to elements accurately and rationally deemed nonprotectable in CAMS- such as the «internal aspects of the screen display» which should not be kept from the public'use.» 95 Joseph VERDESCA, loc. cit., note 60; Margaret L. PITTMAN, loc. cit., note 66; Karen S. Kovach, loc. cit., note 13. D'autre part, en utilisant l'approche de la théorie de la fusion suivant laquelle une expression est protégée seulement si elle peut être exprimée dans un grand nombre de façon, la main gantée pourrait aussi bénéficier de la protection du droit d'auteur. En effet, en partant du fait qu'il peut y avoir plus qu'une façon d'exprimer la méthode de déplacement des pions d'un jeu d'échec dans un interface de la réalité virtuelle, en vertu de la théorie de la fusion, la main gantée serait considérée comme une expression protégée par le droit d'auteur96. En effet, depuis que la réalité virtuelle permet de réinventer les lois de la gravité et puisqu'il peut exister une infinité de façons d'exprimer le déplacement de pions sur un échiquier, bien que tous ne sont pas aussi efficaces et intuitives, en vertu de la théorie de la fusion, la main gantée serait considérée comme une expression protégée. En vertu de la théorie de la fusion, même s'il existe qu'un nombre limité de façon d'exprimer efficacement le déplacement d'un pion dans un jeu d'échec et que la main constitue probablement une des méthodes les plus efficaces, la main qui sert de déplacement dans un environnement virtuelle bénéficierait tout de même de la protection du droit d'auteur, privant ainsi les autres créateurs et le public de bénéficier de cet aspect utilitaire dans d'autres interfaces usagers. De plus, même s'il appert que les tribunaux américains semblent démontrer une certaine souplesse dans l'application du test de la fusion en jugeant que dans certains cas, bien qu'il y ait plus qu'une seule façon d'exprimer une idée, si ce nombre de façon est limité, il y a fusion, une application stricte du test de fusion conduit à la conclusion que la main devrait recevoir la protection du droit d'auteur97. Seul en vertu des principes énoncés par le juge O'Leary en voulant que le droit d'auteur ne protège pas l'expression qui ne fait pas plus qu'exprimer les idées qui sont fonctionnelles et qu'il ne protége pas les procédés, procédures, systèmes, modes opératoires, nous pouvons conclure, de façon non équivoque, que la main gantée ne bénéficierait pas de la protection du droit d'auteur98. Ainsi, le problème d'identifier les éléments protégés dans un interface usager serait-elle maintenant résolu en déterminant ce que constitue un élément utilitaire et fonctionnel plutôt que de déterminer ce que constitue l'expression séparable de l'idée? Mentionnons que dans l'affaire Lotus c. Paperback, la cour a rejeté l'argument du défendeur à 96 Andrew H. ROSEN, loc, cit., note 7, p. 61. Timothy. S. TETER, loc. cit., note 66, p. 1013. In Synercom the court held that even though there were other possible configurations for a gear shift, the H-shift had been so widely accepted that it had become functional, therefore merging into the idea of a gearshift. Stephen P. NORMAN, loc. cit., note 70, p. 16. In Apple the elements of Apple's GUI had been incorporated by over twenty different computer companies into their GUI'S. The de facto standard became functional, and therefore the only choice available to these companies. 98 Dans l'affaire Apple c. Microsoft, précité, note 72, p. 1023, la cour jugeait: «The elements of such an arrangement serve a purely functional purpose in the same way that a dashboard, streering wheel, gear shift, brakes, clutch and accelerator serve as the user interface of an automobile». «Any intrinsic utilitarian function can be denied copyright protection except to the extent that artistic features can be identified separaly.» 97 l'effet que l'interface usager ne devait pas être protégé parce qu'il était utilitaire et fonctionnel99. La cour statuait dans cette affaire que la protection accordée par le droit d'auteur n'est pas anéantie simplement parce que: «the originality of the expression [became] associated in the marketplace with usefulness of the work to a degree and in dimensions not previously achieved by other products on the market»100. La cour justifiait ce raisonnement en affirmant que de refuser de protéger un interface usager pour cette raison, serait l'équivalent de refuser de protéger: « the most original product and the least obivious product merely because de marketplace had accepted it functional101.» Ainsi, suivant ce raisonnement, le juge conclut qu'en acceptant l'argument de l'aspect utilitaire de l'interface usager du défendeur, le droit d'auteur ne devrait alors protéger que les interface qui ne sont pas les plus efficaces et les plus utilitaires. Il ajoute que cela aurait comme conséquence que les créateurs des interfaces les plus perfectionnés seraient privés de récompenses pour leurs efforts. En effet, le fait de refuser de protéger les interfaces les plus perfectionnés, aurait effet de priver leurs créateurs de récompense et effet d'enlever tout stimulant dans la recherche et le développement de nouveaux interfaces usager toujours plus efficaces. Pour des raisons semblables, la cour refusait l'argument de standardisation allégué par le défendeur. Ainsi, même en se basant sur les principes du caractère utilitaire et fonctionnel des composantes d'un interface usager, il demeure difficile d'identifier les éléments d'un interface usager qui seront protégés par le droit d'auteur. En effet, même si dans l'affaire Delrina le Juge O'Leary refuse de protéger des éléments d'un interface qu'il considère communs, génériques et qu'il refuse de protéger des commandes au clavier parce qu'il considère qu'elles sont les plus simples pour l'utilisateur, il n'est pas clair, en suivant ces critères de déterminer quels sont les éléments protégés dans un interface usager et quels sont les éléments qui appartiennent au domaine public. Ainsi nous constatons l'imbroglio juridique dans l'univers de l'électro-bohême. CONCLUSION Au cours de cette étude, nous avons voulu expliquer comment la nouvelle technologie de la réalité virtuelle et les interfaces usagers en général mettent le droit d'auteur au défi de leur assurer une protection adéquate. Nous avons conclu, en étudiant les conditions de protection traditionnelles, que selon l'état actuel du droit, les interfaces usagers étaient protégés comme éléments non littéraires d'un logiciel. Une telle classification ne reconnait pas, selon nous, la nature particulière de ces oeuvres. En effet cette classification ne prend pas en considération le fait qu'un interface usager particulier peut être le produit de plusieurs logiciels différents. Cette classification ne reconnait non plus la principale raison d'être de la création des interfaces usagers de réalité virtuelle, des jeux vidéos et de certains logiciels d'application: c'est-à-dire, la création 99 Lotus Dev. c. Paperback Software Inc., précité, note 85, p. 58. Id., p. 58. 101 Ibid. 100 d'une oeuvre audiovisuelle. Bien que les conditions d'originalité et de fixation ne posent pas à strictement parler trop de difficultés d'application, nous avons démontré que certaines conceptions du critère d'originalité entrent en conflit avec les buts de l'industrie informatique, notamment, dans la création d'oeuvres standards et compatibles. D'autre part, en étudiant le contexte des intérêts divergents des créateurs et des utilisateurs relativement à la protection des interfaces usagers nous avons établi comment ils ont besoin d'être conciliés. Nous avons constaté que la protection des interfaces usagers implique un équilibre précaire entre le besoin de récompenser l'auteur pour l'inciter à poursuivre le travail qu'il réalise et le désir de faire bénéficier le public d'un interface usager standard et efficace. Nous avons démontré que pour concilier les intérêts divergents du public et des créateurs l'existence de règles de contrefaçon claires est nécessaire. En effet, pour assurer le développement technologique, autant les créateurs et les utilisateurs doivent savoir sur quels éléments d'un interface usager ils pourront bénéficier de la protection du droit d'auteur et reprendre librement les éléments non protégés. Par l'analyse des buts et des fondements de la dichotomie idée/expression nous avons vu comment elle servait à assurer cet équilibre des intérêts divergents du public et des créateurs. En tentant d'appliquer les nouvelles règles de contrefaçon développées dans l'affaire Delrina, qui sont basées sur les principe de la dichotomie idée/expression nous en avons vu surgir des difficultés d'application. De ces difficultés d'application nous constatons l'absence de règles de contrefaçon claires. L'incertitude qui en découle dans l'industrie informatique a inévitablement effet de freiner le développement et de priver le public de bénéficier d'une industrie plus standardisée. La réalité virtuelle nous pousse à nous interroger sur la question de savoir si la Loi sur le droit d'auteur, qui fut adoptée pour régir l'industrie artistique, est capable d'être adaptée pour régir une insdutrie totalement différente qu'est l'industrie informatique. À cette question nous répondons que le développement des interfaces usagers de la réalité virtuelle conduit l'interprétation de la Loi sur le droit d'auteur à son paroxisme. En effet, pour les raisons énoncées ci-haut, nous concluons que le droit d'auteur n'est pas adapte à répondre au défi soulevé de protéger adéquatement les interfaces usagers et d'assurer un équilibre entre les intérêts du public et les intérêts privés tout en assurant le progrès technologique. En terminant, il y a donc lieu de rappeler le rôle des tribunaux et du législateur de réévaluer les conditions de protection traditionnelles et les critères de contrefaçon et de créer des règles claires qui puissent assurer le respect des intérêts en jeu et accorder une protection adéquate à cette technologie. Le progrès et le développement des interfaces usagers et de la technologie de la réalité virtuelle en dépendent.