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http://revel.unice.fr Pour citer cet article : Lionel Dufaye, " OFF and ON Projet de représentation formelle ", Cycnos, Volume 23 n°1, mis en ligne le 30 juin 2006. URL : http://revel.unice.fr/cycnos/index.html?id=337 Voir l'article en ligne AVERTISSEMENT Les publications du site REVEL sont protégées par les dispositions générales du Code de la propriété intellectuelle. Conditions d'utilisation - respect du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle L'accès aux références bibliographiques et au texte intégral, aux outils de recherche ou au feuilletage de l'ensemble des revues est libre, cependant article, recension et autre contribution sont couvertes par le droit d'auteur et sont la propriété de leurs auteurs. Les utilisateurs doivent toujours associer à toute unité documentaire les éléments bibliographiques permettant de l'identifier correctement et notamment toujours faire mention du nom de l'auteur, du titre de l'article, de la revue et du site Revel. 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Le fait de commencer cet article en abordant les valeurs spatiales semblerait me placer parmi les partisans de cette primarité, de laquelle découleraient ensuite toutes les autres valeurs par un jeu de métaphorisation plus ou moins abstrait. Or, ce n’est pas mon point de vue. Mon idée consiste à dire que notre représentation spatiale n’est que l’affleurement intuitif d’une capacité de représentation plus fondamentale. Je veux dire par là que si les représentations spatiales sont primaires dans notre activité consciente, elles ne sont en revanche que le révélateur d’une activité cognitive à laquelle nous n’avons aucun accès direct. Je pense ainsi que les autres emplois, parfois qualifiés de métaphoriques, répondent à la logique de cette activité sous-jacente et fondamentale. Selon mon point de vue, ce n’est pas notre perception de l’espace qui est la condition de notre capacité d’abstraction ; c’est notre mode d’abstraction qui détermine l’organisation de nos perceptions. Autrement dit, si ces emplois dits « métaphoriques » peuvent être rattachés aux configurations spatiales c’est sous la forme d’une analogie et non sous la forme d’une dérivation. Une des conséquences de ce principe est que l’on ne peut pas traiter du système des particules par le biais d’outils géométriques ; ainsi que je l’ai montré dans Dufaye 2006, même en s’en tenant à l’étude des valeurs spatiales, il est nécessaire de recourir à des abstractions topologiques, qui se trouvent être généralisables à tout un ensemble de phénomènes (bien au-delà des prépositions et des particules adverbiales). Ainsi, les représentations topologiques devront non seulement être en accord avec les emplois à valeur spatiale de ON et OFF (to walk on the grass / to keep off the grass ; to get on / off the bus), mais également des valeurs appréciatives QLT (to be on someone’s back / to get off someone’s back ; sod off…) ou encore des valeurs occurrencielles QNT (to go on / off the pill ; to turn the light on / off). De même qu’on s’interrogera sur des cas d’alternances quasisynonymiques comme to run on / off batteries. Je chercherai à montrer dans cet article que l’analyse des marqueurs ON et OFF exige une organisation formelle du discours métalinguistique afin de rendre compte de la stabilité de leur opération et de la déformabilité de leurs valeurs. La première partie de ce travail sera surtout méthodologique, et consistera à poser les bases théoriques de l’analyse par le biais d’une étude comparée des emplois à valeur spatiale de ON et de OFF. Il s’agira de défendre l’idée que l’on a affaire dans les deux cas à des repères topologiquement ouverts et fermés. ON sera présenté comme la trace d’une identification au fermé ; OFF comme une opération de différenciation. La seconde partie sera une application de ces principes, où l’on analysera essentiellement OFF, afin de voir dans quelle mesure ces conclusions peuvent être généralisées aux valeurs non spatiales. 1. ON / OFF : Le repère est un ouvert Dans des travaux précédents1, j’ai défendu l’idée que l’emploi de ON impliquait au moins une des deux caractéristiques formelles suivantes : le repère a des propriétés d’ouverture. la relation repère / repéré est une adjacence (identification au fermé du repère). Commençons par la question du repère ouvert. On constate dans le cas des valeurs spatiales que ON apparaît en conjonction avec des repères qui sont compatibles avec une absence de fermé. Il peut s’agir de notions surfaciques comme table ou wall, mais il peut également s’agir de notions linéaires comme street, beach, coast, etc. : 1. He bought a house on Main 2. He bought a house on Miami Beach. Street. On trouve une illustration intéressante de la différence entre un repère ouvert et un repère fermé avec les exemples suivants : 3. The body was found in / on the river. 4. The body was found in / *on the swimming pool. 1 Dufaye 2005 et 2006. Dans le cas de river, on peut avoir soit ON soit IN, selon que l’on privilégie l’identification au fermé (la surface, parce que le corps flotte) ou une identification à l’intérieur (parce que le corps est immergé). Mais la possibilité d’avoir ON ne tient pas tant à l’identification de repéré (le corps) avec la fermeture du repère (la surface) qu’à la nature ouverte du repère. On le voit avec the swimming-pool, qui fait intervenir une représentation fermée, de sorte que on the swimming-pool est impossible, que le corps soit immergé ou non. Soulignons que lorsqu’on parle de « représentation ouverte », cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de dernier point empirique. Une rue ou une plage peuvent être bornées à un moment donné (par des immeubles par exemple) ; ce que l’on dit c’est que la « représentation » ignore ce bornage éventuel pour ne retenir que le caractère ouvert du repère. Pour être plus précis, on peut dire que ON construit un voisinage, au sens topologique du terme : ON permet la construction d’une zone ouverte à partir d’un point de référence donné. Autrement dit, l’ouvert est toujours construit à partir d’un centrage point de vue. Avec OFF, le repère va conserver ses propriétés d’ouvert, ce que montrent les différents cas d’alternances oppositives : 5. He bought a house on/off Main 6. He bought a house on Miami 7. He bought an island off Miami Beach. Street. Beach. La nature ouverte du repère semble alors rendre compte des blocages suivants : 8. * Versailles is off Paris. [repère ponctuel] 9. * No-one knows how many wallabies live off Melbourne. [repère ponctuel] Alors que l’on accepte tout à fait : 10. No-one knows how many cuttlefish live off the coast of Australia. Cette caractéristique explique de la même manière l’impossibilité de 12 : 11. Jersey is approximately 14 miles off the coast of France. 12. * The coast of France is approximately 14 miles off Jersey. De même, le cas de 13 est également intéressant dans la mesure où les locuteurs anglophones l’acceptent sans réticence : 13. (?) The coast of England is 65 km off Calais. Pourtant une recherche Google avec variables 2 ("the coast of * is * miles off") ne fournit pas d’exemples (d’où le point d’interrogation sur 13). En revanche, des cas comme 14 sont parfaitement classiques : 14. Calais is situated 65 km off the coast of England. De sorte que le caractère ouvert du repère semble influencer l’orientation du repérage dans les productions spontanées, au-delà de la simple « grammaticalité » ressentie de la structure. Enfin on pourra considérer les données suivantes, tirées elles aussi d’une recherche Google3 : "minutes off the coast" 1 100 "miles off the coast" 307 000 "minutes from the 29 600 "miles from the coast" 141 000 coast" On constate que off est nettement minoritaire dans le cas des distanciations temporelles, alors qu’il est majoritaire dans le cas de distanciations spatiales. Ici aussi, l’explication me semble être que la représentation temporelle a tendance à ponctualiser le repère (en termes de points temporels de départ et d’arrivée), neutralisant par là même les propriétés d’ouverture du repère). Notons enfin que selon le contexte l’ouvert peut être statique ou orienté. Dans le cas de notions repère telles que /wall/, /coast/, /beach/, etc., on a des représentations statiques, mais dans le cas d’une notion comme /river/, que l’on vient d’évoquer, on peut déjà estimer que la représentation ouverte se double d’une orientation (en l’occurrence, le courant). Un autre exemple de représentations dynamiques est celui des bus, des trains et d’autres transports qui sélectionnent un repérage avec on plutôt qu’avec in. Une recherche Google montre par ailleurs 2 Dans les recherches Google l’astérisque vaut pour n’importe quel syntagme. D’après des exemples suggérés par Ivan Birks que je remercie pour ses précieux commentaires. 3 que leurs « contreparties » négatives, off et out, se réalisent dans des proportions analogues dans ces contextes : "got off the bus" 203 000 "got off the cab" 243 "got out of the bus" 11 200 "got out of the cab" 24 700 Si l’on passe de bus à cab, on constate que les proportions s’inversent radicalement : "got on the bus" 175 000 "got on the cab" 216 "got in the bus" 1 170 "got in the cab" 13 300 On voit assez bien le parallèle avec l’opposition on the river / in the swimming-pool évoquée plus haut. En fait, plusieurs facteurs semblent en effet se conjuguer dans ce dernier cas. D’une part, le type de véhicule semble important pour permettre la représentation d’un ouvert : on remarque qu’il s’agit de véhicules dans lesquels on peut se déplacer de l’avant vers l’arrière et vice versa. D’autre part, il faut que le véhicule soit fonctionnel ; McIntyre 2001 remarque qu’on ne peut pas dire : 15. *Cuthbert was on the old train on display in the museum. (il faut in nécessairement) Enfin, on a affaire à des modes de transport qui opèrent selon des trajets prédéfinis ; en français comme en anglais, on parle d’ailleurs de « lignes » pour les bus / métro / train ; on parle également de "liner" pour un paquebot. La « linéarité » associée à ces notions va dans le sens d’une représentation ouverte (cf. également la locution « en train de » en français pour exprimer un processus en cours). On pourrait aller au-delà des emplois à valeur spatiale et remarquer que d’autres notions, comme le téléphone ou l’Internet, sont elles aussi associées à une représentation linéaire (online, on the telephone (line), on the Internet…). On note ainsi que ces notions peuvent être conçues comme des processus impliquant des trajets d’informations de point à point, ce qui est convergent avec une représentation ouverte et rend compte de tous les emplois comme on television, on the radio... 1.1. ON / OFF : Le repère est un fermé On vient de voir que le repère avait des propriétés d’ouvert. Paradoxalement, avec ON et OFF, le repère est également un fermé dont on prend en compte la fermeture. C’est en ce sens que j’ai rappelé plus haut que ON se caractérisait par au moins deux composantes : le repère à des propriétés d’ouverture (c’est ce qu’on vient de voir) ; la relation repère / repéré est une adjacence (identification au fermé du repère)4. Selon que le contexte favorise l’une ou l’autre de ces deux composantes, on aura des valeurs distinctes. Par exemple : 16. He’s always on my back. [fermé prépondérant : valeur de contrainte/pression] 17. The house was on fire. / The fire went on. [ouvert prépondérant : valeur processuelle] Cette double propriété n’est pas contradictoire mais complémentaire, si l’on accepte que l’on a des opérations qui font intervenir plusieurs dimensions, ce qu’on peut schématiser de la manière suivante : Sur ce point, ON se distingue de IN, dans la mesure où, avec ON, le repéré est identifié à la fermeture du repère, alors qu’avec IN le repéré est identifié à son Intérieur. Avec OFF, le repéré est construit en différenciation par rapport au fermé du repère, ce que l’on pourrait schématiser de la manière suivante : 4 Notons que si l’on emploie le terme « d’adjacence » n’est pas à prendre dans un sens littéral. On peut par exemple dire Your glass in on the table même si un livre se trouve entre le verre et la table. Pour cette raison, il est plus juste de parler « d’identification » plutôt que « d’adjacence ». Il s’agit bien d’un repérage et non d’une mise en relation extralinguistique. En écho à la comparaison sur ON et IN, on peut comparer OFF et OUT ; alors que OFF construit un repérage par rapport au fermé, OUT construit l’altérité relativement à l’Intérieur. On observe ainsi un renversement de tendance radical dans les séries de recherche Google suivantes : "dried myself off with a * towel" 261 "dried myself out with a * towel" 0 "the sponge dried off" 0 "the sponge dried out" 63 Alors que le premier contexte suppose une adjacence préalable entre le repéré (l’eau) et la fermeture du repère (la peau en tant que fermeture du corps), le deuxième contexte implique au contraire une identification du repéré (l’eau) à l’intérieur du repère (l’éponge). Un autre exemple intéressant est fourni avec les exemples suivants : 18. The police marked off the area where the body was found. 19. Residents had marked off the area with string, and hung signs that read: "Danger: Cluster bombs." Mark off est toujours le renvoi à une limite (à ne pas franchir, en général), de sorte que l’extériorité est construite par rapport à cette fermeture (cf. string dans l’exemple 19). Le cas de keep off the grass est en quelque sorte l’exemple archétypal de ce type de valeur. Si l’on compare mark off avec mark out, on note que OUT fait intervenir une prise en compte des propriétés internes du repère, et ainsi une prise en compte de son intérieur plus que de sa fermeture : 20. The Hampshire Park has finally gained protected status nearly a millennium after William the Conqueror marked out the area as a private hunting ground in about 1079. 21. An unwelcome phenomenon that marked out the area from the nineteenth century until well into the twentieth was its extreme poverty. In 1891, the Bishop of Marlborough reported that: 'There is no poorer parish in London, it is squalid and destitute.' Ainsi, dans le Collins Cobuild des phrasal verbs, on trouve la définition suivante pour mark out (c’est moi qui souligne) : When someone marks out an area of land which is to be used for a particular purpose, they indicate that area by drawing special lines on the ground. On voit que c’est la délimitation qualitative interne au repère qui est prise en compte. Et il est tout aussi intéressant de souligner que le dictionnaire donne pour deuxième acception de mark out : If a particular quality marks a person out, it makes them seem noticeably different from other people. que l’emploi de OUT apparaît ici aussi comme motivé De sorte par la construction d’un qualitatif différentiel qui suppose le renvoi à la structuration interne du repère. Dans le même ordre d’idée, on note que cone off ne semble pas permettre une alternance avec OUT : 22. The police had actually coned off (*out) the road from St Ives to make everyone turn off. Ce blocage s’explique sans doute par le fait qu’avec cone off la zone délimitée n’acquiert pas de statut qualitatif particulier, et ainsi seule la valeur de fermeture est mise en avant. Dans certains emplois, la différenciation est la seule composante pertinente, et le renvoi à un repère ouvert se trouve neutralisé. C’est par exemple le cas dans des emplois comme : 23. He started to cut off the sleeves of his shirt. 24. You should saw off the withered branches. On note deux choses intéressantes au sujet de ces exemples. D’une part, OFF exprime dans ces exemples la séparation d’une extrémité par rapport à un repère stable, de sorte qu’il y a une dissymétrie QLT entre le repère et le repéré. Par exemple, on ne pourrait pas avoir : 25. *She sawed off the plank in two. D’autre part, cette dissymétrie se manifeste au sein d’une représentation QLT par ailleurs cohésive (une chemise dont on découpe les manches, un arbre dont on scie les branches). On a affaire à un phénomène comparable avec des cas comme : 26. The music room was shut off from the rest of the house. [représentation cohésive = maison] 27. She shut herself off from her friends of the family. [représentation cohésive = liens sociaux] On peut également penser à des prédicats comme sell off, qui font référence à la vente d’une partie d’un stock, d’un patrimoine, etc., en général non profitable (alors que sell out renvoi à une vente jusqu’à épuisement du stock). On retrouve ainsi à la fois une différenciation au sein d’une même représentation cohésive et une dissymétrie QLT (« non profitable »). Comme on le verra dans les analyses qui vont suivre, ce dernier aspect va jouer un rôle prépondérant et récurrent dans l’interprétation de OFF. 1.2. OFF : Différenciation QLT Pourquoi peut-on avoir 28 mais pas 29 ? (28) Jersey is some 14 miles off the coast of France. (29) *Nantes is some 44 miles off the coast. Certainement pas pour des raisons de proximité, car on trouve toutes sortes de distances plus ou moins importantes avec OFF. En revanche, on peut avancer comme explication que OFF construit une différenciation QLT par rapport au repère. Or, on peut considérer que coast et Nantes appartiennent l’un et l’autre au même Intérieur (le territoire français, en l’occurrence), de sorte qu’il n’y a pas d’altérité QLT. Mais dans le cas d’une île, comme c’est le cas en 28, le repéré est situé dans une zone Extérieure (i.e. la mer, par opposition à la terre) ; on a ainsi une zone en altérité QLT par rapport à l’Intérieur. D’un autre côté, on note que OFF nous amène à interpréter la localisation du repéré dans le prolongement du repère. Ainsi, il n’y a pas rupture mais bien différenciation, puisque en dépit de l’altérité QLT, la zone de localisation est rattachée au repère. Si l’on ramène ces repérages à un domaine notionnel, on peut dire que OFF construit une localisation dans la frontière, et non dans l’Extérieur strict. Le fait que l’on ne renvoie pas à l’Extérieur strict, mais à une zone d’altération relative, va dans le sens des remarques précédentes concernant la cohésion QLT que suppose OFF : On a toujours une représentation à deux axes. L’axe vertical correspond ici au zonage du domaine notionnel, sur lequel vont notamment s’opérer les opérations de calibrage QLT qui vont situer l’occurrence dans une zone ou une autre, selon que l’on construit ou non une altérité. L’axe vertical va également varier de statut selon que l’on travaille sur un repère statique ou sur un repère muni de propriétés dynamiques. Si l’on a affaire à des notions processuelles, l’axe du repère peut se trouver affecté d’une orientation, compatible avec des représentations aspectuo-temporelles. 2. OFF : Quelques études de cas 2.1. Altération qualitative : l’exemple du « décollage » Prolongeons donc nos conclusions vers des emplois non spatiaux de OFF, et voyons notamment pour commencer comment la dimension temporelle s’intègre à notre représentation. On prendra pour cette transition l’exemple des prédicats qui expriment un décollage : 30. I fell asleep before the plane took off. 31. The shuttle Columbia, carrying seven astronauts on board, blasted off at 1:21 pm. 32. Europe’s Ariane 5 super-rocket has successfully lifted off from Kourou in French Guiana. On a ici l’intervention des deux axes évoqués plus haut. D’une part, on a un repère ouvert (le sol). D’autre part, ce repère est également un fermé (la sur-face), à partir duquel on construit une différenciation (littéralement le dé-collage), où l’on a passage d’un état QLT d’adjacence au fermé à un état QLT en altérité : la non-adjacence. On a toujours affaire à la construction d’une frontière dans la mesure où l’on a une discontinuité QLT, avec un passage de zone à zone, au sein d’une occurrence cohésive (le processus d’envol). Mais une dimension supplémentaire intervient également dans cet exemple, la temporalité, de sorte que les altérations QLT vont définir des phases munies d’une orientation chronologique. Si l’on s’interroge sur les propriétés formelles de ces phases, on observe un phénomène intéressant dans le cas présent. En effet, intuitivement, un décollage s’interprète comme un processus inceptif (de même pour des emplois comme We’re off). Or, le test de l’alternance « IN / FOR + un adjoint de temps » semble révéler qu’on a ici un processus télique : 33. During certification tests the plane took off in /*for nine seconds after a run of only 360 feet. On peut en fait concilier ces deux données en considérant que la borne de changement d’état définit la télicité du procès, mais que cette borne correspond également à la zone d’ingression dans la frontière, qui correspond à un ouvert. De sorte qu’il est par ailleurs possible de construire des valeurs d’inaccompli comme "…while we’re taking off" ou encore des valeurs égressives comme "Wait until take-off is complete", où l’on peut construire la fermeture de la frontière (= la borne grise dans le schéma 4). On constate ainsi la compatibilité d’une structuration du domaine en zones de différenciation successives, que l’on peut schématiser ainsi5 : Pour aller plus loin dans cette démonstration, on peut commenter cette séquence de repérage à partir des 34 et 35, en observant la différence de fonctionnement entre off et out : 34. Fortunately the effects of the gas passed off relatively quickly. 35. My head thumped solidly on a rock and I passed out. 5 Rappelons que I, F et E, se lisent respectivement « Intérieur », « Frontière » et « Extérieur ». L’exemple 34 exprime un processus d’altération progressif, avec une disparition graduelle des effets : on a une différenciation QLT avec un passage de zone à zone entre QLTa et QLTb. En revanche, dans l’exemple 35, on a une valeur de catastrophe (au sens mathématique de R. Thom), c’est-à-dire une valeur basculement dans un état en altérité radicale ; on passe de l’intérieur QLTa à l’extérieur strict QLTc avec une rupture. Autrement dit, on peut avancer l’idée que, si OFF construit le passage à une zone frontière ouverte, OUT en revanche construit le renvoi à l’Extérieur strict avec franchissement de la fermeture de l’Intérieur. Dans le même ordre d’idée, on peut également comparer OFF à ON. Alors que OFF construit une altérité QLT, on note que ON, dans ses emplois à valeur aspectuelle construit un ouvert sans altération QLT (e.g. They fought on) : Cette discontinuité QLT peut se doubler d’une valeur appréciative : 36. What you did tonight really pissed me off. On a ici encore passage d’un état QLT à un autre (calme > énervé), avec un ouvert qui définit un état résultant ; la valeur appréciative per se est véhiculée par le verbe. On reviendra plus loin sur ces valeurs avec des prédicats comme fuck off, sod off, etc., dont l’analyse est légèrement différente. 2.2. Altération QLT d’une valeur de référence OFF permet ainsi de construire une altérité tout en restant rattaché à une valeur de référence. Ce principe s’illustre assez clairement avec des emplois comme : 37. My family is worse / better off than most. On a dans ce cas des formes comparatives qui prennent appui sur une représentation de référence pour poser une altérité QLT. On note cependant que OFF n’est pas un simple redoublement du comparatif. Ainsi, 37 n’a pas le même sens que 38 : 38. My family is worse / better than most. Sans OFF, le comparatif porte un jugement sur les caractéristiques de la famille elle-même, alors qu’avec OFF c’est le niveau de vie qui sert de valeur repère (cf. the well-off). L’explication est sans doute liée là aussi à la prépondérance d’un repère ouvert, qui oriente l’interprétation vers un état plus que vers une propriété. Dans les exemples 39-41, qui ont une valeur qu’on pourrait qualifier de prolongement / finition, se prêtent à une analyse similaire. On retrouve là encore un principe de repérage en différenciation ; on construit un zonage au sein d’une même valeur de référence, de sorte que l’on a à la fois cohésion et altération : 39. The ice cream was topped off with tiny pieces of coloured meringue. 40. She topped off dinner with a "bumpy cake" dessert. 41. A well stocked but not flamboyant cheese board beautifully rounded off the meal. On voit qu’il peut s’agir d’emplois à valeur statique, comme 39, ou d’emplois à valeur dynamique comme 40 (voire 41). Dans un cas comme dans l’autre, on a affaire à la même occurrence, de repas ou de dessert, dont on considère une phase de « finition », autrement dit une phase qui prolonge l’occurrence tout en étant qualitativement différenciée de la phase précédente. Le cas de 42 va dans le même sens, si ce n’est qu’ici le processus cohésif correspond à l’éducation d’une jeune fille, dont le mariage est présenté comme le point d’aboutissement : 42. She is a social climber who values appearances above all else – the reason she married her daughter off to a nutty nobleman in the first place On observe que les emplois de marry off ont toujours une valeur appréciative (« être bien marié(e) »), ce qui s’explique par l’altérité qualitative que suppose OFF. On retrouve le même principe dans le cas de finish off : 43. There he shoots Tony in the face. There's lots of blood and Cole tries to finish him off, but the gun jams. Il s’agit là aussi de la dernière phase d’un processus plus général. On notera que l’on a ici une valeur dépréciative, ce qui n’était pas le cas des exemples 39-41, et en ce sens, OFF n’a pas de valeur positive ou négative dans l’absolu ; il ne fait que construire un passage de zone à zone. On relève aussi beaucoup d’emplois à valeur sexuelle. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple : 44. They went off at the same time. Sans doute peut-on considérer là encore que l’on réfère à la phase orgasmique, qui s’inscrit dans le prolongement d’un processus qui, sauf accident, suppose des phases préalables. À côté de ces valeurs de finition, on trouve des valeurs ingressives de déclenchement. Par exemple : 45. The alarm / buzzer / bomb / fireworks went off. 46. The smoke detector started off. (G. Girard, 2005) Il est important de remarquer que les notions en question ont parmi leurs propriétés intrinsèques de supposer un déclenchement, qu’il s’agisse d’une alarme, d’une bombe ou d’un feu d’artifice. On a un exemple plus ou moins comparable avec les débuts de parties6 : 47. These buses start leaving three hours before kick off on regular games. 48. (Snooker rules) At the beginning of each frame the balls are set up by the referee as explained. This will be followed by a "break-off" shot. Dans tous les cas on a passage d’une phase à une autre avec altération QLT, mais sans rupture comme c’est le cas avec OUT. Il s’agit toujours d’un franchissement programmé, anticipé de sorte qu’il y a différenciation QLT au sein d’une représentation cohésive. On peut à ce titre comparer les emplois de OFF avec les exemples suivants : 49. The war broke out. 50. She broke out in a rash after eating some strawberries. On a dans les deux cas des basculements QLT de l’ordre de la catastrophe (toujours au sens mathématique) : autrement dit, on a un changement de condition radical, inattendu ou contraire à la représentation normale. 2.3. QLT appréciatif Les emplois qui suivent sont intéressants car OFF commute avec ON sans inverser la polarité. Le sens des deux particules peut d’ailleurs être si proche qu’en cherchant feed off dans le Collins des phrasal verbs on doit se satisfaire d’un lapidaire : "See feed on". Il faut alors observer les 6 Notons qu’en français l’expression « coup d’envoi » rend à la fois compte du bornage (coup) et de l’ouvert qu’il construit (envoi). Dans le même ordre d’idée, dire qu’un match est « lancé » revient également à construire un processus ouvert. contextes d’occurrence pour voir une tendance se dégager. Cette tendance semble être que OFF se manifeste dans des contextes où l’on a un écart par rapport à une norme. Ainsi dans l’exemple suivant : 51. Pepsi feeds off public ignorance to promote stupid beverage. (titre d’article) On comprend que public ignorance réfère à une situation détrimentale, de sorte que feed s’interprète ici comme une forme de corruption (ce qu’on qualifierait d’abuse en anglais). Une recherche contrastive sur Google confirme cette tendance : "feed on public 0 "feed on bananas" 119 ignorance" "feed off public 26 "feed off bananas" 0 ignorance" ON redevient ainsi majoritaire dans des contextes où il n’y a pas de valuation négative (dans le second contexte feed a un sens alimentaire banal). On voit se dégager de ces emplois la construction d’une distanciation modale, où ON renvoie à un processus en adéquation avec la représentation subjective alors que OFF renvoie à un processus en décalage avec cette représentation. On retrouve ainsi le principe d’identification / différenciation exposé plus haut, associé à un processus (ouvert) : Pour autant, il n’est pas exclu de rencontrer des cas où ON s’emploie, parallèlement à OFF, alors même que le contexte est visiblement dépréciatif : 52. The government often thinks the refugees are there to sponge off the welfare state. 53. Antarctica is a different vacation, certainly, but I prefer places where I have friends so I can sponge on them. Ici encore, il est important de souligner que l’on travaille en termes de « tendances », mais qui restent tout à fait cohérentes dans l’usage : sponge off the welfare state= 116 sponge on the welfare state = 8 sponge off my friends = 78 sponge on my friends =10 De la même manière, des emplois comme to run on / off batteries / mains, qui réfèrent à un procédé normal / attendu (sans valuation négative), fonctionnent majoritairement avec ON : 54. Because it runs off / on batteries, I can carry it from room to room. runs off batteries = 1 230 runs on batteries = 44 600 De manière intéressante, avec "by default" on constate que l’on n’obtient plus aucune occurrence avec OFF7 : it runs off * by default = 0 161 it runs on * by default = = Ce qui va ici aussi dans le sens d’une absence d’altérité par rapport à une représentation de référence. Cette différenciation modale est généralisable au-delà de ces emplois. Ainsi, on connaît le cas des emplois adverbiaux ou prépositionnels tels que : 55. Fuck / Bugger / Sod / 56. Get that monkey off my back. Piss … off La valeur dépréciative est construite par le verbe, alors que OFF est la trace d’une différenciation entre le repère et le repéré. La nature du repère et du repéré varie évidemment selon les contextes. Dans le cas des emplois adverbiaux cités, c’est par rapport à So que se construit la différenciation ; dans le cas des emplois transitifs c’est le complément qui sert de repère. L’exemple suivant est à la jonction de deux emplois : on a à la fois une valeur QLT appréciative, comme dans les exemples précédents, mais on constate qu’on a également affaire à une valeur QNT de validation d’occurrence, où OFF alterne obliquement avec ON : 57. One in ten people had sworn off alcohol. 58. He’s been on and off alcohol since his marriage. C’est sur ces emplois que je finirai ce tour d’horizon des emplois de OFF. 7 Rappelons que dans les recherches Google l’astérisque vaut pour n’importe quel syntagme. Celui qui apparaissait le plus souvent dans cette recherche était « port + un numéro » (pour un port informatique). Dans la mesure où run on port et run off port s’emploient l’un et l’autre, les résultats de la recherche sont parfaitement valides. 2.4. Retour au QNT : la discontinuité occurrencielle Comme cela vient d’être rappelé, ON et OFF alternent dans certains contextes pour exprimer la validation ou la non validation d’un procès : 59. Turn the heat on/ off. 60. The heating/ light… only goes off / on at night. On note que dans ce cas on ne travaille plus en termes de Frontière ; il y a soit validation soit non-validation, de sorte que ON et OFF sont ici les traces d’une localisation du procès relativement à l’une ou l’autre des zones p / p’ du plan de validation. Autrement dit, la dimension QLT que nous avions évoquée plus haut ne discrimine plus dans ce cas et l’on travaille pleinement sur de l’occurrenciel. Ce qui est intéressant c’est qu’on peut avoir la séquence on and off ou la séquence off and on, alors que out and in, avec un sens d’alternance équivalent, serait pour le moins curieux (??? out and in like a butterfly) : 61. Is it harmful to go on and off the pill? 62. I’ve been taking Prozac off and on now for 8 about years. Il ne s’agit pas de dire que les deux séquences sont synonymes ; d’après des comparaisons de contextes effectuées sur les syntagmes "off and on the pill" et "on and off the pill", il semblait se dégager que off and on était préféré lorsque le contexte focalisait sur les périodes d’interruption, alors que on and off faisait référence à une sporadicité neutre. Je laisse cette question en suspens, mais on peut néanmoins avancer l’idée que cette réversibilité est sans doute due au fait que ON et OFF posent deux aspects complémentaires d’un même processus. Considérons à ce titre l’exemple suivant : 63. I’ve been on the pill off and on for 5 years. 64. I’ve been on the pill on and off for 5 years. On note qu’on peut commencer par poser la validation du processus de référence be on the pill avant de construire la sporadicité par le biais de off and on ou on and off. Cela signifie que l’on a des déterminations QNT qui affectent une même occurrence de processus : Ainsi, en dépit du jeu de polarité QNT binaire, OFF construit ici aussi une différenciation au sein d’un processus qualitativement cohésif, et dont les phases de validation justifient la représentation ouverte d’un processus plus global. Conclusion Cet article s’inscrit dans un travail de réflexion sur le fonctionnement des particules, et plus particulièrement sur la possibilité de proposer une formalisation qui rend compte de l’articulation de ces marqueurs en système. Par exemple, il sera intéressant dans des travaux ultérieurs de s’intéresser aux jeux d’oppositivité entre OFF, OUT et AWAY, soit parce qu’il y a alternance envisageable (to die off / out / away), soit au contraire parce que les alternances sont bloquées (She was writing away / *off / *out at her essay). Encore une fois, il s’agira de vérifier l’idée que l’on travaille sur des configurations topologiques, organisées selon deux axes complémentaires, et qui détermineront les propriétés QLT et QNT des valeurs en contextes. Bennett, D. (1975), Spatial and temporal uses of English prepositions: An essay in stratificational semantics, London: Longman Linguistics Library. Bolinger, D. (1971), The Phrasal Verb In English, Harvard University Press. Christol, G. et al. (1997), Topologie, collection Mathématiques 2 e cycle, Paris: Ellipses. Cappelle, B. (2005) Particle Patterns in English, A Comprehensive Coverage, Thèse de Doctorat, Université Catholique de Louvain. Culioli, A. (1985) Notes du séminaire de D.E.A. 1983-1984, éditées par le Département de Recherches Linguistiques : Université Paris VII. Culioli, A. (1999) Pour une linguistique de l’énonciation, Tome 2, Gap: Ophrys. Deschamps, A. 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