Les Routiers 783

Transcription

Les Routiers 783
Innovation
LE SUPER MAN DU MONT-BLANC
Photos Man et Bovet
Le camion à deux têtes
Les trois camions présents
pour assurer les tout
premiers secours en cas
d’incident sous le tunnel
du Mont-Blanc sont des
Man à deux cabines.
Baptisés Janus, ces
engins à deux têtes se
conduisent dans les deux
sens et possèdent deux
essieux directeurs.
préparation de Man Allemagne ;
ces camions ont été sectionnés en
deux, puis ressoudés afin d’avoir
deux essieux directeurs, ce qui permet des déplacements latéraux. Un
seul moteur
de 410 ch a
été conservé.
Une fois la
boîte automatique,
D
ans l’Antiquité, Janus était
un des dieux les plus importants du panthéon romain. Il avait la particularité d’avoir
deux têtes. C’est en référence à
cette légende que les trois camions
de secours du tunnel du MontBlanc ont été baptisés Janus. Six
Man 19-414 4x4 ont été livrés à
Tony Maurer, le spécialiste de la
Au tunnel du Fréjus,
Le camion de secours a été réalisé
sur la base d’un
Renault simple cabine. Plus compact
et plus classique,
il est aussi équipé
de deux essieux
directeurs.
le pont et la chaîne cinématique
mis en place, les Janus ont été
confiés à la firme italienne BAI
(Brescia Anti-incendie International). Celle-ci a adapté les équipements spécifiques incendie selon
un cahier des charges bien précis,
rédigé par le GEIE du Tunnel du
Mont-Blanc. Ces trois camions de
premier secours ont été conçus pour
une réaction rapide et éviter un développement du feu ; l’un d’eux sera
placé de chaque côté du tunnel, un
autre stationnera au milieu.
Le Janus a deux cabines, une de
marche avant et une dite de fuite.
Les interventions se font toujours
par équipes de trois pompiers. Deux
prennent place dans la cabine avant
et le troisième est dans la cabine
de fuite. Si le Janus se conduit des
deux côtés, il rentre dans le tunnel
uniquement par la cabine avant. En
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Les Routiers 783
Innovation : Le super
Man du Mont-Blanc
En cas d’incendie, d’importantes
rampes arrosent la cabine, le
dessous et les deux roues avant,
mettant Janus à l’abri du feu.
Sur le toit, on
trouve une rampe
de projecteurs qui
permet d’avoir un
éclairage d’ensemble, par le biais de
sa perche téléscopique réglable.
Les commandes
sont communes
aux équipements
avant et arrière.
La caméra
thermique
et son écran
permettent
de progresser
dans les tunnels
les plus
enfumés.
Les Routiers 783
Photos Bovet et Man
Grâce au projecteur à
infrarouges,
l’obscurité n’est
pas un obstacle
pour la caméra
thermique...
Les bouteilles
que portent les
pompiers s’encastrent dans le
dossier du siège.
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A l’avant et à l’arrière, un puissant treuil permet de
déplacer tout ce qui viendrait entraver la circulation.
hâssis Man 19-414 4x4, 410 ch,
boîte auto, vitesse maxi de
115 km/h dans les deux directions. Le moteur se démarre sans
clef. Ces trois camions seront immatriculés en Italie, car le GEIE
du tunnel Mont-Blanc est basé à
Courmayeur.
Un Janus coûte plus de 4,5 millions de F. Il emporte 500 l d’un
émulseur qui étouffe les flammes. Au milieu de la cabine un
écran permet de visualiser le maniement de la lance à incendie
située sur le toit, même avec de
très fortes fumées.
De chaque côté du véhicule sont
aménagés quatre branchements
pour les lances. Certaines fonctionnent uniquement avec de
l’eau, d’autres acceptent eau et
mousse. Dans le bas du châssis,
des tiroirs intègrent des tuyaux
de 35 et de 70 mm.
Au sein de différents rangements se trouvent une lance
haute pression (40 bars), des
prises électriques en 380 et
220 V, un brancard souple, un
groupe désincarcérateur électrique, un groupe électrogène de
15 KVA, des haches, des pelles,
des fourches…
cas de problème, les trois pompiers
montent dans la cabine de fuite et
quittent les lieux au plus vite. C’est
en pressant un simple bouton que
l’on transmet toutes les commandes
d’une cabine à l’autre. Lorsqu’un
pompier monte à bord, il respire
toujours de l’air provenant de deux
bouteilles placées sur son dos. Une
fois à bord, ses bouteilles s’encastrent dans le dossier du siège. D’un
geste rapide, il se branche alors sur
la réserve d’air du Janus. Même en
cabine, un pompier porte toujours
son masque. Pour qu’aucune fumée
ne rentre dans la cabine, celle-ci
est reste constamment en surpression d’air grâce à des bombonnes
d’air frais placées sur le haut du véhicule.
À 29 ans, le sergent David Durand
est l’un des 25 pompiers français
qui conduisent le Janus. Il explique
comment la prise en main du véhicule s’est faite : « Au début, on
est stupéfait par sa configuration.
Quand on arrive d’une caserne
classique, on est abasourdi par
ce camion à deux cabines. Il semble complexe à première vue, mais il
se prend en main
facilement.
Nous, les pompiers français,
tout comme nos
collègues italiens, testons le véhicule depuis deux mois. Nous travaillons sur le circuit où ont lieu les
24-Heures sur glace de Chamonix,
mais aussi à certains ronds-points
désaffectés, afin de prendre l’habitude de rouler en crabe. On apprend à conduire depuis la cabine
avant et la cabine arrière, dans
un tunnel enfumé, en s’aidant de
la caméra thermique… Nous ne
À l’avant du Janus, sous le parebrise, trône une caméra thermique,
dont l’écran est fixé derrière le volant. L’emploi de cette caméra est
indispensable pour progresser dans
Photos Bovet
Fiche
technique
C
un tunnel enfumé. Elle permet aussi
aux pompiers de connaître la température extérieure et de ne pas intervenir si celle-ci est trop élevée.
À l’image d’autres camions qui interviennent pour les feux de forêts,
le Janus est auto-protégé par une
aspersion d’eau. Les sprinklers ont
4 000 l d’eau embarquée à leur disposition ; cette aspersion n’est engagée que lorsque les pompiers doivent
fuir le tunnel. Seuls le dessous du véhicule, la cabine de fuite, son parebrise et les deux roues situées alors
à l’avant sont aspergés. L’aspersion
de deux roues est suffisante. Même
si les deux autres brûlent, le camion
progresse quand même.
À l’image de
Fabricio Munari
(à gauche) et de
David Durand, les
pompiers français
et italiens collaborent
pour connaître le
maniement du Janus.
Derrière le volant,
un écran permet
de visualiser le
maniement de la
lance à incendie,
grâce à la caméra
thermique.
sommes que trois pompiers dans
un Janus et il faut être très efficace... ».
Volontaires pour
le Janus
David Durand a passé ses permis
poids lourd il y a cinq ans : « Nous
passons le permis C exactement
comme les routiers. Je pourrais
arrêter de travailler et devenir
chauffeur. » Après avoir été dix
ans en région parisienne, il a demandé à être muté à Chamonix :
« Seuls des volontaires sont mutés
à Chamonix et travaillent sur le
Janus. Cette nomination se fait
en fonction de l’ancienneté, du
vécu, des grades… Il est obligatoire d’avoir tous les permis PL. »
Fabricio Munari, 33 ans, est italien. À l’inverse de son collègue
français, il a été routier pendant
cinq ans : « J’habite Aoste, j’avais
un employeur à Modane pour qui
je travaillais en international vers
l’Angleterre, les Pays-Bas et la
France. » Il a changé de profession
en passant en 1992 le concours
italien des pompiers. En 1997, il
a intégré le corps des pompiers
d’Aoste. « Mais j’ai conservé intacte ma passion du camion »,
précise-t-il. À propos des permis
passés par les pompiers italiens, il
ajoute : « Chez nous, il y a des permis pompiers spécifiques. Ils ne
sont pas valables dans le civil ».
Philippe BOVET
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