La loi Pinel réforme les baux commerciaux

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La loi Pinel réforme les baux commerciaux
Lettre du 4 juillet 2014
La lettre @ de l’
Numéro 47
Le dossier
La loi Pinel réforme les baux commerciaux
La loi du 18 juin 2014
(titre Ier) réforme le régime
des baux commerciaux.
Un très mauvais texte qui
remet en cause l’équilibre
économique du contrat et
qui crée de nouvelles
contraintes à l’encontre des
propriétaires bailleurs.
Voici les principales modifications de la loi Pinel qui
visent les baux commerciaux
(art. 1er à 21 de la loi). La loi
réforme par ailleurs le droit
de l’urbanisme commercial.
De nouvelles contraintes
❑ La loi limite la hausse de
loyer applicable en cas de
déplafonnement lors d’un
renouvellement ou lors de la
révision triennale ou de la
révision pour variation de plus
de 25 % du loyer (art. L 14534, L 145-38 et L 145-39 du
code de commerce). La
hausse ne peut pas dépasser
chaque année 10 % du loyer
acquitté l’année précédente.
Ce système va créer des difficultés techniques d’application (par exemple, peut-on
ajouter aux 10 % l’effet de
l’indexation ?), mais surtout
il va instituer une inégalité
de traitement entre commerçants, certains en bénéficiant, d’autres pas. Il est par
ailleurs injuste car il renforce
l’avantage dont profite le
locataire qui a bénéficié un
plafonnement du loyer.
❑ La clause de garantie est
limitée dans ses effets (art.
L145-16-1 et L 145-16-2).
Elle ne peut plus être invoquée plus de 3 ans après la
cession du bail. En outre, le
bailleur doit informer le
cédant de tout défaut de
paiement du cessionnaire
dans le mois qui suit le
défaut de paiement.
❑ Le bailleur doit assurer
une information de son
locataire sur les charges et
les travaux. Un état des
lieux d’entrée et un état des
lieux de sortie doivent obligatoirement être établis. La
présomption de l’article 1731
du code civil, selon laquelle
le preneur est réputé avoir
reçu les locaux en bon état
est écartée, lorsque le
bailleur n’a pas fait toutes
diligences pour la réalisation
de l’état des lieux.
Le bailleur doit assurer une
information de son locataire
par la communication des
charges, impôts, taxes et
redevances liés au bail,
avec indication de leur
répartition entre bailleur et
locataire. Il faut aussi
chaque année établir un état
récapitulatif. Tous les 3 ans
le bailleur doit informer le
locataire par un état prévisionnel des travaux des 3
ans à venir (avec budget) et
par un état récapitulatif des
travaux réalisés dans les 3
ans écoulés (avec coût).
La répartition des charges
entre les différents locataires
doit se faire en fonction de
la surface exploitée.
Un décret en Conseil d’État
doit préciser les charges,
impôts, taxes et redevances
qui, en raison de leur nature,
ne peuvent être imputées au
locataire. Ce texte vise à
mettre fin à la pratique du
loyer “triple net” qui fait supporter au locataire la totalité
des charges et impôts.
On ne sait pas s’il sera toujours possible d’imputer au
locataire : la taxe foncière, la
taxe sur les bureaux en Ilede-France, l’assurance de
l’immeuble et les honoraires
de gestion. Cette règle doit
s’appliquer pour les baux
conclus ou renouvelés à
compter du 1er septembre
Le lissage du déplafonnement : injuste
et inégalitaire
2014. Il y a là un risque de
remise en cause de l’équilibre économique de contrats
signés antérieurement.
❑ La loi encadre la faculté
de conclure un bail ferme.
Il n’est désormais plus possible au locataire de renoncer à sa faculté de donner
congé tous les trois ans.
Cette interdiction est toutefois écartée pour plusieurs
types de baux : baux
conclus pour plus de 9 ans,
baux de locaux monovalents, baux de locaux à
usage exclusif de bureau et
baux de locaux de stockage.
Cette mesure rend plus difficile la conclusion d’un accord
de prise en charge de travaux
d’aménagement par le
bailleur, en échange d’un
engagement du locataire de
rester dans les lieux pendant
6 ans. Cela incite par exemple à conclure un bail de 10
ans pour retrouver la faculté
de signer un bail ferme.
De nouveaux droits pour
les locataires
❑ La loi crée un droit de
préemption en faveur du
locataire en cas de vente
des locaux qui lui sont loués.
Toutefois, ce droit est écarté
dans certaines hypothèses,
comme lors de la cession
unique de plusieurs locaux
d’un ensemble commercial
(art. L 145-46-1 nouveau).
Quelques mesures de souplesse
❑ La loi allonge la durée
maximale du bail dérogatoire en la portant de 2 à 3 ans.
De plus, elle précise le délai
au-delà duquel, lorsque le
locataire reste et est laissé
en possession à l’échéance,
le bail est régi par le statut
des baux commerciaux. Ce
délai est fixé à un mois.
❑ L’article L 145-9 est modifié pour autoriser la délivrance d’un congé par lettre
recommandée avec AR, qui
pourra être choisi au lieu de
l’acte d’huissier. Toutefois, le
statut des baux commerciaux étant complexe, il est
conseillé de s’en tenir à l’acte d’huissier.
❑ La convention d’occupation précaire est désormais
définie par la loi reprenant la
définition qui avait été élaborée par la jurisprudence (art.
L 145-5-1).
D’autres réformes
❑ La loi supprime dans le
code de commerce la référence à l’indice du coût de
la construction. Ne subsistent comme référence légale
que l’ILC et l’ILAT.
❑ La compétence de la
commission de conciliation
est élargie. Jusqu’à présent,
elle était compétente pour les
litiges relatifs à l’application de
l’article L145-34 (litiges relatifs
au montant du loyer en cas
de renouvellement du bail).
Elle s’étend désormais, outre
aux litiges nés de l’application
de l’article L 145-34, à ceux
relatifs à l’article L 145-38
(révision triennale) ainsi
qu’aux charges et travaux.
❑ Les clauses qui ne
respectent pas la loi étaient
jusqu’à présent frappées de
nullité (art. L 145-15). Elles
sont désormais réputées
non écrites. L’effet pratique
est que la prescription de 2
ans n’est plus applicable et
qu’une partie peut invoquer
leur irrégularité sans aucune
prescription.