exemple de l`etanercept dans l`arthrite juvénile idiopathique

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exemple de l`etanercept dans l`arthrite juvénile idiopathique
Dossier biothérapies
Les biothérapies
en pédiatrie :
exemple de l’etanercept
dans l’arthrite juvénile
idiopathique
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Jean-David Cohen, Christian Jorgensen
Unité clinique d’immuno-thérapie : maladies articulaire et osseuses, Av. G. Giraud,
34295 Montpellier cedex ; Inserm U844 Montpellier
<[email protected]>
L’arthrite juvénile idiopathique (AJI) est souvent à l’origine d’un handicap fonctionnel et d’une
altération de la qualité de vie. Les traitements de fond, représentés essentiellement par le
méthotrexate, ont une efficacité inconstante. L’arrivée des antagonistes du tumor necrosis
factor alpha a modifié le pronostic de l’AJI. Actuellement seul l’etanercept a l’autorisation de
mise sur le marché dans l’AJI polyarticulaire avec une efficacité et une tolérance très
satisfaisantes.
Mots clés : arthrite juvénile idiopathique, biothérapies, anti-TNFa, etanercept
L’
Tirés à part : J.D. Cohen
342
mt, vol. 13, n° 5, septembre-octobre 2007
de l’AJI qui, de façon générale, ne
répond pas parfaitement aux biothérapies anti-TNFa ne sera pas développée ni les résultats de ces traitements
sur l’uvéite, manifestation extraarticulaire la plus fréquente des AJI,
qui sont globalement défavorables à
l’ETA avec, notamment, des cas
d’aggravation [2].
Données générales
Seul un tiers des AJI est maîtrisé par
l’utilisation des anti-inflammatoires
non stéroïdiens associée à la rééducation. Le recours aux immunosuppresseurs est donc souvent nécessaire et le
méthotrexate (MTX) constitue le traitement de fond de référence. Des études
randomisées, contrôlées contre placebo ont montré son efficacité et sa
tolérance dans les formes polyarticulaires quel que soit le mode d’entrée
doi: 10.1684/met.2007.0128
mt
arthrite juvénile idiopathique
(AJI) est souvent responsable
d’un handicap fonctionnel et d’une
altération de la qualité de vie [1].
L’apparition des biothérapies antitumor necrosis factor alpha (TNFa) a
révolutionné la prise en charge thérapeutique de ces enfants. L’etanercept
(ETA) est, actuellement, la seule à
avoir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’AJI polyarticulaire.
Après quelques données générales, le
rationnel pour l’utilisation des agents
bloquant le TNFa dans l’AJI et une
présentation de l’ETA, nous rapporterons les résultats des principales études sur son efficacité et sa tolérance.
Le bilan préthérapeutique sera exposé
de même que la surveillance sous traitement. Enfin, nous aborderons les
questions non encore complètement
résolues sur l’utilisation optimale de
ces biothérapies. La forme systémique
dans la maladie [3]. Ces résultats positifs sont maintenus à
long terme. Néanmoins, il existe des cas réfractaires,
même à doses élevées (1 mg/kg). Cette augmentation des
doses [4] est par ailleurs associée à une augmentation de
fréquence et de la gravité des effets secondaires. Les
biothérapies sont alors indiquées dans ces formes réfractaires. Cette population cible a été évaluée à 300 AJI par la
Commission de la Transparence.
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Rationnel pour l’utilisation
des anti-TNFa
Outre le bénéfice clinique démontré chez l’adulte
atteint de polyarthrite rhumatoïde qui pouvait être extrapolé chez l’enfant, d’importantes quantités de TNFa ont
été retrouvées dans le sang et le liquide synovial de
patients atteints d’AJI. Logiquement, on constate également une augmentation des récepteurs solubles naturels
du TNFa dans le sang quel que soit le type d’AJI. Cette
augmentation du TNFa est corrélée au degré d’activité de
la maladie [5]. Enfin, on retrouve aussi cette augmentation
au sein même du tissu synovial [6]. Ces constatations
favorables à l’utilisation des anti-TNFa sont concordantes
avec les données cliniques des différents essais.
Etanercept
Il existe trois agents bloquant le TNFa, mais actuellement, seul l’ETA a l’AMM pour le traitement de l’AJI. Il
s’agit d’une protéine de fusion associant la partie extracellulaire de 2 récepteurs humains (naturels) p75du TNFa au
domaine Fc d’une immunoglobuline G1 humaine. L’ETA a
la capacité de se lier au TNFa soluble (ainsi qu’à la
lymphotoxine) évitant sa liaison à ses récepteurs cellulaires et l’empêchant ainsi d’exercer son activité. L’ETA se lie
à 2 sites du TNFa, ce qui augmente le degré d’inhibition
par rapport au récepteur soluble naturel qui, lui, est monomérique. L’ETA est indiqué dans l’AJI polyarticulaire
active de l’enfant âgé de 4 à 17 ans en cas de réponse
inadéquate ou d’intolérance avérée au MTX. Il n’a pas été
étudié chez l’enfant de moins de 4 ans mais, en pratique,
il s’avère efficace aussi pour cette tranche d’âge. La posologie est de 0,4 mg/kg (dose maximale de 25 mg) deux fois
par semaine ou 0,8 mg/kg, une fois par semaine. Une
étude pharmacocinétique [7] ainsi qu’une étude clinique
[8] ont montré l’équivalence entre les deux formes.
Efficacité
Il existe plusieurs études ayant étudié spécifiquement
l’ETA ou parallèlement [2, 9] à d’autres agents anti-TNFa ;
dans l’AJI polyarticulaire, dans la forme systémique ou
dans l’AJI en général quelle que soit la forme.
L’étude majeure de Lovell [10] qui a enrôlé 69 patients
atteints d’AJI polyarticulaires, actives, réfractaires ou intolérantes au MTX (≥ 10 mg/m2/sem.) âgés de 4 à 17 ans,
comprenait 2 phases. La première durait 3 mois pendant
laquelle tous les patients recevaient l’ETA en monothérapie (le MTX étant arrêté 14 jours avant, la corticothérapie
restant stable et ≤ 10 mg/j) à la posologie standard. Le
critère primaire d’efficacité était l’obtention des critères
ACR Ped30 correspondant à l’amélioration d’au moins
30 % d’au moins 3 des 6 critères d’activité clinique et
biologique de la maladie sans aggravation de plus 30 %
de l’un d’entre eux. La deuxième phase incluait uniquement les répondeurs à cette 1re phase avec une randomisation entre ETA et placebo pendant 4 mois supplémentaires ou jusqu’à la rechute. L’efficacité (critère primaire) était
alors évaluée selon la survenue d’une poussée de la maladie (définie notamment par l’aggravation de 30 % ou plus
d’au moins 3 des 6 critères d’activité de la maladie). À la
fin de la 1re phase, 74 % (51) des 69 AJI avaient répondu
(dont 42 formes initialement polyarticulaires, 7 oligoarticulaires et 2 systémiques). La réponse a été précoce dès les
2 premières semaines après le début du traitement. Une
amélioration de 37 % a également concerné l’indice fonctionnel adapté à l’enfant appelé Child Health Assessment
Questionnaire (CHAQ), les réponses ACR Ped50 et 70 ont
été obtenues par 64 (44) et 36 % (25) des patients. Dans la
2e phase, 28 % (7) des 25 patients sous ETA ont eu une
rechute clinique comparés à 81 % (21) des 26 patients
sous placebo. Le délai (médiane) avant la rechute clinique
est supérieur (13 patients étant encore sous ETA sans
poussée) ou égal à 116 jours sous ETA contre 28 jours sous
placebo (p < 0,001). Les réponses ACR Ped30, 50 et
70 ont été obtenues par 80 (20), 72 (18) et 44 % (11) des
25 patients sous ETA contre, respectivement, 35 (9), 23 (6)
et 19 % (5) des 26 patients sous placebo. L’amélioration
du CHAQ a également concerné 54 % des patients à la fin
de la 2e phase (pas de changement sous placebo). Sur les
69 patients initialement inclus, 93 % (64) ont terminé
la 1re phase (1 urticaire d’évolution favorable, 2 refus,
2 échappements), 13 patients n’ont pu entrer dans la
2e phase (échec primaire) et 6 ont eu une poussée de la
maladie (échappement). À ce stade, 19 échecs thérapeutiques ont donc été enregistrés.
À la fin de cette étude d’efficacité (ou 2 semaines avant
pour les patients ayant arrêté ou n’ayant pas été répondeurs dans la phase randomisée), une étude d’extension
était proposée aux patients avec des résultats à 2 [11] puis
4 ans [12]. Sur les 68 patients éligibles initialement, 84 %
(58) ont ainsi été enrôlés (dont 51 ayant suivi l’étude
d’efficacité et 7 n’ayant pas répondu à la 1re phase). Après
1 an, il était possible d’ajouter du MTX et (après 12 semaines d’ETA) de réaliser des infiltrations cortisoniques.
L’évaluation s’est faite par comparaison avec les valeurs
de base de l’étude initiale. Au moment de l’analyse, 83 %
(48) des patients continuaient encore l’étude avec au
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Dossier biothérapies
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moins 2 ans de traitement pour la plupart (43). En intention de traiter, tous les patients étant donc inclus pour
l’analyse (51 dont 8 ayant arrêté prématurément l’étude et
donc considérés comme non répondeurs), les réponses
ACR Ped30, 50 et 70 n’étaient obtenues par, respectivement, 69, 67 et 57 % des patients. Le MTX a été rajouté
chez 10 patients (8 étant sous MTX au moment de l’analyse). Au début de cette étude d’extension, 23 patients
étaient sous corticothérapie. Globalement, 81 % (26) des
32 patients recevant une corticothérapie durant l’étude
ont pu diminuer la dose en dessous de 5 mg/j. Si l’analyse
est faite selon le produit reçu durant la 1re phase de l’étude
initiale, les patients qui avaient reçu l’ETA ont vu l’amélioration de leur AJI se maintenir et ceux ayant eu le
placebo, leur réponse clinique s’établir (sous ETA). Un
certain nombre de patients ont vu leurs paramètres d’activité de la maladie se normaliser. L’amélioration du CHAQ
concerne également 58 % des patients à 2 ans (67 % pour
les patients initialement sous placebo). Les résultats à
4 ans ont récemment été publiés [12] en reprenant les
58 patients entrés dans l’étude d’extension. À 2, 3 et 4 ans,
respectivement, 17 (8/47), 23 (10/43) et 34 % (13/38) des
patients restant dans l’étude d’extension ont reçu du MTX.
À 4 ans, 59 % (34) des 58 patients restent dans l’étude et
les données d’efficacité ne sont valables que pour
32 patients. Les réponses ACR Ped30 et 70 sont obtenues
par 94 et 78 % des patients. Globalement, environ la
moitié des patients enrôlés dans l’étude d’efficacité initiale
est encore sous ETA à 4 ans et l’on constate une constance,
voire une amélioration, des résultats sous réserve de la
petite taille de la cohorte. Concernant la corticothérapie,
au début de cette étude d’extension, 40 % (23) des
58 patients étaient sous corticothérapie. Durant l’étude,
globalement, 82 % (28) des 34 patients ayant eu une
corticothérapie à un moment donné pendant cette étude
ont pu la diminuer à une dose ≤ 5 mg/j.
L’expérience germanique [13] va dans le même sens.
Grâce à un registre commun allemand et autrichien, les
patients sous ETA (après échec du MTX) sont suivis prospectivement pour en évaluer l’efficacité et la tolérance.
Jusqu’au 31 octobre 2003, des données sur 322 AJI (et 12
sans AJI) ont été collectées, la durée moyenne d’utilisation
de l’ETA étant de 13,4 mois. L’efficacité est constatée dès
le 1er mois de traitement avec, respectivement, 66, 54 et
30 % de réponses ACR Ped30, 50 et 70 puis se majore à
1 an avec, respectivement, 80, 71 et 54 % de réponses.
On note aussi une amélioration du CHAQ. Sur les
322 patients à l’entrée, 287, 229, 194, 139 et 106 patients
sont traités depuis 6, 12, 18, 24 et 30 mois. L’ETA a été
arrêté pour 53 patients dont 17 à début systémique, soit
26 % des formes systémiques (majoritairement pour insuffisance d’efficacité) et 36 à début non systémique, soit
21 % (dont seulement 11 pour inefficacité et 12 car rémission mais avec rechute ultérieure pour la moitié d’entre
eux). Si les critères de rémission de l’adulte sont appliqués,
26 % (72) des patients y répondent, les formes systémiques étant les moins représentées. Au total, cette étude
confirme la forte proportion de patients (réfractaires à
différents traitements de fond dont le MTX) répondant à
l’ETA, l’amélioration rapidement obtenue, l’augmentation
du nombre de répondeurs et du niveau de réponse au
cours de la 1re année, le taux de réponses plus élevé en cas
de début non systémique et le faible nombre de patients
arrêtant le traitement.
Tolérance
Dans les études de Lovell, une urticaire est à l’origine
d’une sortie d’essai [10] mais d’évolution favorable (avec
reprise ultérieure de l’ETA). Les effets les plus couramment
retrouvés sont les suivants : réaction aux sites d’injection
(39 %), infection respiratoire haute (35 %), céphalées
(20 %), rhinite (16 %), douleur abdominale (16 %),
vomissements (14 %), pharyngite (14 %), nausées (12 %),
gastroentérite (12 %), et rash (10 %). Pour la 2e phase
(randomisée), 2 événements sérieux (entraînant une hospitalisation) sont signalés sous ETA : gastroentérite,
dépression sur trouble de la personnalité. Aucune différence statistiquement significative n’a été retenue entre les
2 groupes. De même, dans l’étude d’extension à 2 ans
[11], il n’y a pas eu significativement plus d’effets en
comparaison avec l’étude initiale. Cependant, parmi
9 patients hospitalisés pour événements sérieux (péritonite/appendicite, subluxation cervicale et méningite aseptique après une varicelle, varicelle, infection cutanée
après coupure à la main, douleurs abdominales, douleurs
épigastriques, infection postopératoire et diabète, sepsis,
abcès dentaire), il faut noter 2 sorties d’essai pour des
infections sévères : méningite aseptique suite à une varicelle et septicémie à streptocoque A d’évolution sévère.
En tout, il y a eu 3 cas de varicelle dont 2 avec signes
neurologiques centraux (sorties d’essai). À 4 ans [12], les
données de tolérance ont été calculées depuis l’étude
initiale jusqu’à la fin de l’étude d’extension, ce qui correspond à 225 patients-année. Globalement, on note 0,13
événement par patients-année et, pour les infections, 0,04
par patients-année. Les événements sérieux ont en partie
été déjà signalés à 2 ans. Il ne semble pas y avoir d’augmentation des effets secondaires avec l’exposition à l’ETA.
On note également une appendicite et une infection postopératoire (sorties d’essai), une infection à herpès zona
virus traitée efficacement par aciclovir. Des données favorables sur la tolérance après plus de 8 ans de traitement
ont été communiquées aux congrès européen et américain de rhumatologie de 2007.
Dans l’expérience germanique [13], la tolérance est
bonne. Sur 592 patients-année, 69 effets secondaires dont
20 cas d’infections ont été notés chez 56 patients. Il n’y a
pas eu d’infections opportunistes ni de lupus induits.
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Douze événements sont qualifiés de sévères, dont une
pneumopathie nécessitant une assistance respiratoire, un
cancer thyroïdien et une nécrose cutanée. Il y a eu
11 arrêts définitifs du traitement à cause d’effets secondaires dont 1 cas de démyélinisation cérébrale.
D’autres complications infectieuses sont rapportées
dans la littérature : une arthrite septique multifocale avec
ostéomyélite à streptocoque A [14], un abcès profond
tissulaire à Staphylococcus aureus [15]. Par contre, aucun
cas de tuberculose n’a été rapporté comme c’est le cas
chez l’adulte. D’autres effets secondaires sont signalés :
un syndrome d’activation macrophagique sur une AJI à
début systémique [16], d’autres cas de démyélinisation de
type névrite optique rétrobulbaire [17, 18], une paralysie
du nerf hypoglosse [2], une vascularite cutanée [17], un
lupus induit [19], un cas « paradoxal » de psoriasis induit
[20], une cholécystite aseptique non obstructive [21], des
cas d’aggravation ou de révélation de maladie de Crohn
[2, 17, 22], un diabète [23], d’autres troubles du comportement [2], et une bicytopénie (leucopénie et thrombopénie) [2].
Bilan préthérapeutique
et surveillance
Le bilan préthérapeutique a pour objectif de rechercher les contre-indications des biothérapies anti-TNFa
grâce à l’interrogatoire, l’examen physique et certains
examens complémentaires systématiques : hémogramme
plaquettes, transaminases, sérologies des hépatites B et C,
anticorps antinucléaires et anticorps anti-ADN natifs,
radiographie du thorax, IDR à la tuberculine.
De la même façon, la surveillance consiste à déceler
tout symptôme (fièvre, signes neurologiques, éruption
cutanée, dyspnée, cytopénie, adénopathies) faisant craindre une complication de ces biothérapies. La surveillance
qui doit être régulière (au mieux trimestrielle) est principalement clinique. Une surveillance de l’hémogramme
plaquettes est aussi recommandée même si l’intolérance
hématologique reste exceptionnelle, de même pour les
anticorps antinucléaires (contrôle semestriel) qui peuvent
être induits par ces biothérapies, mais généralement sans
retentissement clinique (lupus induit).
Nous n’aborderons pas les différentes conduites à tenir
en cas de survenue de certains symptômes qui ont fait
l’objet de recommandations nationales chez l’adulte. Ces
recommandations, émises par le Club Rhumatismes et
Inflammation (CRI), section de la Société française de
rhumatologie (SFR), peuvent être consultées sur le site
http://www.cri-net.com/. En cas de chirurgie programmée,
il est recommandé d’arrêter la biothérapie anti-TNFa
avant et de ne la reprendre qu’après cicatrisation. Pour
l’ETA, il faut l’arrêter 1 semaine avant ou 2 semaines en
cas de contexte ou de risque septique.
Les vaccins vivants (BCG, rougeole-oreillons-rubéole,
varicelle, fièvre jaune) sont contre-indiqués sous biothérapies anti-TNFa comme pour tout immunosuppresseur.
Il est donc préférable, chez les enfants, de s’assurer que
toutes les vaccinations nécessaires ont été effectuées avant
de débuter le traitement. Pour les vaccins inactivés
(grippe, hépatites A et B, pentaCoq, méningocoque, pneumocoque, fièvre typhoïde, poliomyélite injectable), si
l’indication est retenue, il est également préférable
d’effectuer la vaccination avant pour que, dans ce cas, la
réponse vaccinale soit effective. Les AJI sous ETA exposées
à la varicelle doivent être traitées rapidement par immunoglobulines antivaricelle zona virus et l’aciclovir, envisagé dès les premiers signes d’infection [11].
Problèmes posés
À ce stade des connaissances, des questions se posent
sur l’intérêt d’une association de l’ETA à un traitement de
fond. La durée optimale d’utilisation des biothérapies se
pose avec, en corollaire, le risque de rechutes à l’arrêt
mais aussi le risque d’effets secondaires en cas de poursuite prolongée. Enfin, il reste à évaluer chez les enfants
avec une réponse partielle l’intérêt d’augmenter la posologie et l’impact sur la dégradation ostéoarticulaire, sur le
statut minéral osseux et, plus généralement, sur la croissance staturo-pondérale de ces enfants.
Association
Une étude finlandaise [24] a évalué rétrospectivement
l’efficacité de l’ETA en traitement adjuvant au cours de 31
AJI réfractaires à différents traitements de fond, combinés
pour 90 % d’entre elles. Un an après l’introduction de
l’ETA (ou avant si échappement ou effets secondaires),
l’efficacité est satisfaisante avec seulement 2 arrêts pour
inefficacité (après 3 semaines et 4 mois), de même que la
tolérance avec seulement 2 arrêts pour réaction urticarienne (à 3 et 6 mois). Sont également notées une diminution significative du nombre de traitements de fond utilisés
(MTX, cyclosporine, hydroxychloroquine, azathioprine),
de la corticothérapie (locale et générale), l’amélioration
des paramètres biologiques, et la diminution du nombre
d’hospitalisations.
Une étude allemande [25] sur 7 patients semble aussi
montrer que, à 24 semaines, l’association au MTX est utile
et bien tolérée, notamment dans les cas résistants à
d’autres associations de traitements de fond (MTXsalazopyrine essentiellement). Une autre étude [26] sur
10 AJI (dont 6 formes polyarticulaires) va dans le même
sens avec des résultats sur 22 patients à 2 ans [27].
L’intérêt de l’association MTX-ETA est également suggéré par l’étude de Lovell [11] sur les 10 patients concernés dont 8 voyant, après 2 ans, leur nombre d’articulation
inflammatoires diminuer après l’adjonction de MTX.
Dans la cohorte germanique [13], le MTX est associé à
l’ETA chez 235 patients (80 %) et, si les auteurs ne cons-
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tatent pas de différence dans la fréquence des réponses ou
de rapidité d’action selon que le MTX soit associé ou non,
on note cependant plus de patients en rémission en cas
d’association (57 contre 48 % à 12 mois, et 67 contre
42 % à 24 mois) avec, par ailleurs, toujours moins de
patients concernés si le début de l’AJI est systémique.
Cependant, la meilleure stratégie, chez des AJI réfractaires au MTX, entre l’adjonction secondaire de l’ETA ou
l’utilisation de l’ETA en monothérapie n’a pas été étudiée
selon un design adapté comme cela a été fait chez l’adulte
[28].
Durée
L’étude de Lovell à 2 ans [11] nous apporte des éléments quant à l’intérêt de poursuivre l’ETA chez 8 AJI
n’ayant pas répondu (ACR Ped30), en l’occurrence, au
3e mois de la 1re phase de l’étude initiale. L’ETA a été
arrêté 1 mois avant leur inclusion dans l’étude d’extension
et la réponse ACR Ped30 a finalement été obtenue à
6 mois, 1 et 2 ans par, respectivement, 71 (5 sur 7), 57 (4
sur 7) et 67 % (4 sur 6) des patients. L’étude germanique
montre aussi une augmentation du nombre de répondeurs
et du niveau de réponses au cours de la 1re année.
Cependant, nous n’avons de réponse supportée par
des études sur la question précise de la durée de maintien
de l’ETA chez des AJI en rémission sous traitement (associé
ou non d’ailleurs au MTX).
Posologie
En ce qui concerne l’éventuel bénéfice d’augmenter la
posologie de l’ETA, une étude rétrospective [29] a été
menée chez 8 AJI ayant eu une réponse insuffisante à la
posologie standard après au moins 3 mois de traitement
(9 mois en moyenne). La posologie était augmentée à au
moins 0,8 mg/kg deux fois par semaine (moyenne
1,1 mg/kg) pour une période de 7 mois en moyenne.
L’amélioration (clinique et biologique) n’a concerné que
2 patients (recul de 5 et 7 mois) avec une réduction ou un
arrêt de la corticothérapie. L’augmentation de posologie,
si elle est bien tolérée, semble donc être d’une efficacité
limitée. Il faut cependant noter que 5 des 8 patients
avaient un début systémique dont on sait que la réponse à
l’ETA est généralement insuffisante.
suivi prospectif de 20 AJI actives polyarticulaires. Après
12 mois, seuls les 15 répondeurs (75 %) ont une augmentation significative de leur densité minérale osseuse
(mesurée au niveau du calcanéum). La maîtrise du processus inflammatoire semble atténuer les effets négatifs
osseux comme cela est constaté chez l’adulte. La mobilité
retrouvée grâce au traitement pourrait également participer à ce gain osseux.
Croissance staturo-pondérale
Une équipe finlandaise [32] a évalué le bénéfice des
biothérapies anti-TNFa sur la taille de 71 AJI après 2 ans
de traitement (43 ETA, 28 infliximab). Avant la mise sous
anti-TNFa, les enfants ont été divisés en 2 groupes selon
l’existence (53) ou non (18) d’un retard de croissance. Les
résultats montrent, 2 ans après l’introduction de l’antiTNFa, que les enfants avec retard de croissance initial
grandissent aussi vite que ceux qui n’en avaient pas. Ce
bénéfice peut aussi s’expliquer, en partie, par la suppression du processus inflammatoire en plus de la réduction
de la corticothérapie. Auparavant, une autre équipe avait
également mis en évidence l’impact positif de l’ETA sur la
croissance [33].
Conclusion
L’arrivée des biothérapies anti-TNFa et de l’ETA en
particulier est une révolution dans le champ thérapeutique
des AJI. Si la tolérance semble globalement satisfaisante,
des questions persistent notamment pour optimiser leur
utilisation chez ces patients aux caractéristiques bien différentes de l’adulte. En effet, les différences concernent la
pathologie rhumatismale elle-même avec son évolution
spécifique, mais également le statut même d’enfant et ses
implications (croissance, maturation psychologique, environnement affectif et social, parcours scolaire). L’autre
question, plus stratégique, étant donné l’existence
d’autres biothérapies sans AMM actuellement pour l’AJI,
concerne déjà la prise en charge des AJI réfractaires aux
anti-TNFa qui représentent environ 30 % des cas.
Références
Dégradation ostéoarticulaire
Concernant l’impact de l’ETA sur l’évolution ostéoarticulaire, prouvé chez l’adulte, il n’y a pas d’études dédiées
précisément à ce problème dans l’AJI.
Statut minéral osseux
Le bénéfice de l’ETA associé au MTX a été évalué sur le
statut minéral osseux de patients atteints d’AJI [30] pour
lesquels on connaît le problème important que peut représenter l’ostéoporose qui leur est associée [31]. Il s’agit du
346
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