Elodie, Michèle, Christine ORAIN - Thèses

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Elodie, Michèle, Christine ORAIN - Thèses
ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT
Année 2005
UTILISATION DE LA CRYOCOAGULATION DES
CORPS CILIAIRES POUR LE TRAITEMENT DU
GLAUCOME AU STADE TERMINAL CHEZ LE
CHIEN
THESE
Pour le
DOCTORAT VETERINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
le……………
par
Elodie, Michèle, Christine ORAIN
Née le 19 Juillet 1972 à Paris XVI ème (Seine)
JURY
Président : M.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL
Membres
Directeur : M. B. CLERC
Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
Assesseur : M. C. DEGUEURCE
Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
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Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique
* Responsable de l’Unité
AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel
Remerciements
A Monsieur le Président du Jury
de nous faire l’honneur de participer à cette soutenance
A Monsieur le Professeur B. Clerc
pour la direction et la relecture patiente et attentive de ce travail
A Monsieur le Professeur C. Degueurce
pour ses conseils.
A Benjamin et Jeanne.
UTILISATION DE LA CRYOCOAGULATION DES CORPS CILIAIRES
POUR LE TRAITEMENT DU GLAUCOME AU STADE TERMINAL
CHEZ LE CHIEN
NOM et Prénom : ORAIN Elodie
Résumé :
La cryothérapie consiste à provoquer une nécrose tissulaire focalisée par l’utilisation de basses températures.
Cette technique, non invasive, d’exécution rapide et facilement répétable si besoin, possède de nombreuses
applications en médecine vétérinaire, notamment en dermatologie et en ophtalmologie. Après une étude
bibliographique des mécanismes d’action du froid sur les tissus et des applications vétérinaires de la cryochirurgie,
l’auteur s’intéresse, au glaucome du chien et à son traitement par cryochirurgie. Enfin une étude rétrospective décrit
les protocoles opératoires employés et les résultats obtenus par cryocoagulation des corps ciliaires chez des chiens
atteints de glaucome au stade terminal présentés à la consultation d’ophtalmologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire
d’Alfort en 1996 et 1997
Mots clés : chien, glaucome, cryothérapie, cryocoagulation, corps cilaires
Jury :
Président : Pr.
Directeur : Pr. Clerc B.
Assesseur : Pr. Degueurce C.
Adresse de l’auteur :
Elodie Orain
34 rue de la Cartelée
18200 Saint Amand-Montrond
USE OF CILIARY BODIES CRYOCOAGULATION FOR TREATMENT
OF ABSOLUTE GLAUCOMA IN DOG
SURNAME : ORAIN
Given name : Elodie
Summary:
Cryotherapy consists in causing a focal tissu necrosis by using low temperatures. This technique, non-invasive,
fast to execute and easy to repeat if necessary, offers many applications in veterinary medcine,specially in
dermatology and ophtalmology. After a bibliographic study of mechanisms of cold-induced effects on tisssues and
of veterinarian applications of cryosurgery, the author deals with canine glaucoma and his cryosurgical treatment.
At last, a retrospectve study describes surgical process and results obtained by cryocoagulation of ciliary bodies for
absolute glaucoma in dogs presented at the Ecole Vétérinaire d’Alfort in 1996 and 1997.
Keywords: dog, glaucoma, cryotherapy, cryocoagulation, ciliary bodies.
Jury :
President : Pr.
Director : Pr. Clerc B.
Assessor : Pr. Degueurce C.
Author’s address:
Orain Elodie
34 rue de la Cartelée
18 200 Saint Amand-Montrond
ORAIN E.
UTILISATION DE LA CRYOCOAGULATION DES
CORPS CILIAIRES POUR LE TRAITEMENT DU
GLAUCOME AU STADE TERMINAL CHEZ LE
CHIEN
2005
8
Table des matières
INTRODUCTION............................................................................................................................................... 14
PREMIERE PARTIE : CRYOCHIRURGIE :CONSIDERATIONS GENERALES................................... 16
A/ MECANISMES DE LA CRYODESTRUCTION ....................................................................................... 16
1/ Effets cellulaires et tissulaires du froid ................................................................................................... 16
a/ Mécanisme de destruction des cellules par le froid............................................................................................... 16
b/ Réaction des tissus................................................................................................................................................ 16
b-1/Phase immédiate ........................................................................................................................................... 16
b-2/La phase différée........................................................................................................................................... 18
b-3/La phase tardive ............................................................................................................................................ 18
2/ Résultats pour l’optimisation de la cryodestruction................................................................................ 18
a/ Rythme congélation/décongélation....................................................................................................................... 18
b/ Nombre d’applications de froid ............................................................................................................................ 19
3/ Effets biologiques de la cryochirurgie (39) ............................................................................................. 19
a/ Cas général ........................................................................................................................................................... 19
b/ Cas du tissu nerveux............................................................................................................................................. 19
c/ Cas du tissu osseux ............................................................................................................................................... 20
d/ Cas des vaisseaux sanguins .................................................................................................................................. 20
4/ Méthodes de contrôle de la cryodestruction............................................................................................ 20
a/ Le contrôle visuel ................................................................................................................................................. 20
b/ Par thermocouple.................................................................................................................................................. 21
c/ Par méthode impédancemétrique (32) .................................................................................................................. 21
B/ LES DIFFERENTS CRYOGENES ............................................................................................................. 24
1/Les fréons ................................................................................................................................................. 24
2/Le dioxyde de carbone.............................................................................................................................. 24
3/Le protoxyde d’azote ................................................................................................................................ 24
4/ L’azote liquide......................................................................................................................................... 25
C/ APPLICATIONS DE LA CRYOCHIRURGIE EN MEDECINE VETERINAIRE..................................... 26
1/ Applications de la cryochirurgie à la chirurgie générale ....................................................................... 26
a/Dermatologie (30).................................................................................................................................................. 26
a-1/Les lésions cutanées bénignes ....................................................................................................................... 27
a-2/Les lésions cutanées malignes....................................................................................................................... 27
b/Oncologie .............................................................................................................................................................. 28
b-1/Cryochirurgie anorectale et périanale (33).................................................................................................... 28
b-2/Cryochirurgie des tumeurs buccales (25)...................................................................................................... 29
2/Ophtalmologie .......................................................................................................................................... 29
a/Chirurgie des paupières ......................................................................................................................................... 30
a-1/Cryochirurgie des tumeurs palpébrales ......................................................................................................... 30
a-2/Cryothérapie des anomalies ciliaires............................................................................................................. 31
b/Chirurgie du globe oculaire ................................................................................................................................... 31
b-1/Cryothérapie de la cornée ............................................................................................................................. 32
b-2/Cryothérapie iridienne (iridocryothermie) .................................................................................................... 32
b-3/Cryoextraction cristallinienne ....................................................................................................................... 33
b-4/Cryothérapie de la chorio-rétine.................................................................................................................... 33
DEUXIEME PARTIE : LE GLAUCOME DU CHIEN .................................................................................. 36
A/ SIGNES CLINIQUES ................................................................................................................................. 36
1/Motifs de consultation .............................................................................................................................. 36
2/ Diagnostic ............................................................................................................................................... 36
a/Diagnostic de suspicion ......................................................................................................................................... 36
b/Diagnostic de confirmation ................................................................................................................................... 37
c/Diagnostic différentiel ........................................................................................................................................... 38
B/ ĒTIOLOGIE ................................................................................................................................................ 39
1/Rappels anatomiques................................................................................................................................ 39
a/Lieu de production de l’humeur aqueuse............................................................................................................... 39
b/Les voies d’écoulement de l’humeur aqueuse ....................................................................................................... 40
2/Glaucomes primaires (28)........................................................................................................................ 41
a/Goniodysgénésie et goniodysplasie ....................................................................................................................... 41
b/Goniodystrophie .................................................................................................................................................... 42
3/Glaucomes secondaires (28) .................................................................................................................... 44
9
a/Glaucome secondaire à une luxation ou sub-luxation du cristallin ........................................................................ 44
b/Glaucome secondaire à un processus inflammatoire ............................................................................................. 44
c/Glaucome secondaire à un traumatisme................................................................................................................. 44
d/Glaucome secondaire à une tumeur intraoculaire .................................................................................................. 45
C/TRAITEMENTS .......................................................................................................................................... 46
1/Le traitement médical ............................................................................................................................... 46
a/Déshydrater les milieux intra-oculaires ................................................................................................................. 46
b/Réduire la sécrétion d’humeur aqueuse ................................................................................................................. 46
b-1/Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique.................................................................................................... 47
b-2/Les bêtabloquants ......................................................................................................................................... 47
c/Améliorer le drainage de l’humeur aqueuse .......................................................................................................... 47
c-1/Améliorer le drainage de l’humeur aqueuse par l’angle irido-cornéen.......................................................... 47
c-2/Améliorer le drainage uvéo-scléral de l’humeur aqueuse ............................................................................. 47
d/Lutter contre l’inflammation ................................................................................................................................. 48
2/Le traitement chirurgical.......................................................................................................................... 48
a/Techniques fistulisantes......................................................................................................................................... 48
b/Techniques visant à réduire la production d’humeur aqueuse ............................................................................... 50
b-1 L’injection intra-vitréenne de gentamicine ................................................................................................... 50
b-2/La photocoagulation (19).............................................................................................................................. 51
b-3/La cryocoagulation ....................................................................................................................................... 52
TROISIEME PARTIE : ETUDES CLINIQUES DE CRYOTHERAPIES DES CORPS CILIAIRES ...... 54
A/ ETUDES PORTANT SUR DES YEUX CLINIQUEMENT SAINS........................................................... 54
1- Etude de la température atteinte par les corps ciliaires.......................................................................... 54
a/Robert Séverin 1984 (cyclocryothérapie part I) : Évaluation d’un système à azote liquide (37) ........................... 54
a-1/Matériel et méthode ...................................................................................................................................... 55
a-2/Résultats........................................................................................................................................................ 55
a-3/Discussion..................................................................................................................................................... 55
b/Vestre et Brightman 1983 (Températures des corps ciliaires lors de la cyclothérapie chez le chien sain) (47)..... 56
b-1/Matériel et méthode ...................................................................................................................................... 56
b-2/Résultats........................................................................................................................................................ 56
b-3/Discussion :................................................................................................................................................... 56
2- Étude portant sur la P.I.O., les effets secondaires cliniques et les modifications histologiques (48) ..... 57
a/Matériel et méthode ............................................................................................................................................... 57
b/Résultats ................................................................................................................................................................ 57
b-1/Pression intra-occulaire................................................................................................................................. 57
b-2/Effets secondaires du traitement cryochirurgical .......................................................................................... 58
b-3/Evaluation histologique ................................................................................................................................ 59
b-4/Discussion..................................................................................................................................................... 60
B/ ETUDES PORTANT SUR DES YEUX GLAUCOMATEUX.................................................................... 62
1-Evaluation clinique d’un système à azote liquide et d’un système à protoxyde d’azote dans la
cryothérapie de l’œil glaucomateux (38)..................................................................................................... 62
a/Matériel et méthode ............................................................................................................................................... 62
b/Résultats. ............................................................................................................................................................... 62
c/Discussion ............................................................................................................................................................. 63
2-Etude de Brightman et Vestre................................................................................................................... 64
a/Matériel et méthode ............................................................................................................................................... 64
b/ Revue de cas......................................................................................................................................................... 64
c/ Discussion ............................................................................................................................................................ 65
C/ ETUDE CLINIQUE ENVA 1996-1997....................................................................................................... 66
1-Matériel et méthode.................................................................................................................................. 66
a/ Choix des animaux rentrant dans le cadre de cette étude...................................................................................... 66
b/ Matériel ................................................................................................................................................................ 66
c/ Protocole opératoire.............................................................................................................................................. 67
2-Résultats obtenus...................................................................................................................................... 67
a/ Revue de cas ......................................................................................................................................................... 67
b/ Critères d’évaluation de l’efficacité thérapeutique ............................................................................................... 72
c/ Résultats ............................................................................................................................................................... 73
3/ Discussion ............................................................................................................................................... 75
a / Comparaison avec d’autres études....................................................................................................................... 75
b/ Evaluations distinctes des cryoapplications et des cryopulvérisations.................................................................. 75
c / Complications observées ..................................................................................................................................... 77
CONCLUSION.................................................................................................................................................... 80
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................................. 82
10
11
Liste des figures
Figure 1 : Evaluation visuelle de l’étendue de la cryonécrose (50)................................... 21
Figure 2 : Variation de la résistance d’une solution saline lors d’un cycle de congélation
(1) et décongélation (2) (32) . ......................................................................................... 22
Figure 3 : Anatomie de l’angle irido-cornéen d’après Clerc (15). ..................................... 40
Figure 4 : Flux de l’humeur aqueuse d’après Slatter (42)................................................. 41
Figure 5 :Cryospray ® .......................................................................................................... 67
Figure 6 : Œil gauche du cas n°6, un mois post-opératoire.............................................. 69
Figure 7 : Œil droit du cas n°9, 8 jours post-opératoire.................................................... 70
Figure 8 : Œil gauche du cas n°10, deux mois post-opératoire ......................................... 70
Figure 9 :Œil droit du cas n° 10, deux mois post-opératoire............................................. 71
Liste des tableaux
Tableau 1 : Epidémiologie des Glaucomes......................................................................... 43
d’après Jégou (29) .................................................................................................................. 43
Tableau 2 : Critères d’évaluation de l’efficacité thérapeutique des cryocoagulations
D’après Clerc (17) .......................................................................................................... 73
Tableau 3 :Revue de cas....................................................................................................... 74
Tableau 4 : Résultats séparés des cryoapplications et des cryopulvérisations ................. 76
Tableau 5 : Complications distinctes des cryoapplications et des cryopulvérisations..... 76
12
13
Introduction
L’utilisation d’application de basses températures en tant que méthode thérapeutique
est une pratique ancienne.(31,40)
Historiquement, les grandes étapes de l’utilisation du froid à des fins thérapeutiques sont les
suivantes :
*2500 av JC : des papyrus égyptiens relatent l’emploi de compresses froides sur les
blessures et les fractures.
*Hippocrate recommande l’emploi du froid pour réduire l’œdème et contrôler
l’hémorragie.
*Larrey (1807) utilise le froid comme agent anesthésique lors d’interventions
chirurgicales.
*Arnott (1845) obtient des températures de –10°C avec un mélange glace/sel. Il est
également connu pour avoir utilisé l’application locale de compresses froides lors de cancer
de la peau et du sein (1851).
*Karl von Linde (1895) produit industriellement de l’air liquide et de l’azote liquide.
*Dewar (1898) liquéfie l’hydrogène et, surtout, met au point un récipient adiabatique
destiné à le conserver.
*Lortat-Jacob (1930) utilise l’azote liquide pour traiter les verrues et les chéloïdes par
tamponnement du cryogène sur la lésion.
*Bory (1963) évoque l’action biostatique et immunisante de la cryothérapie.
*Cooper (1965) marque le début de la cryochirurgie moderne, développe un système
cryogénique utilisant l’azote liquide comme réfrigérant et obtient une température de –190°C
à l’extrémité de la sonde.
*En ce qui concerne la chirurgie ophtalmologique, les cyosondes ont commencé à être
utilisées pour congeler, manipuler et extraire des cristallins cataractés par Bellows en 1964
(04).
Ainsi s’est perfectionnée la cryochirurgie (du grec, kruos : froid et kherurgia : geste
thérapeutique manuel) au cours des siècles. C’est maintenant une technique d’utilisation
contrôlée du froid pour produire une nécrose tissulaire.
En premier lieu, nous évoquerons les principes généraux de destruction par le froid,
les agents cryogéniques et les différents domaines d’application de la cryochirurgie en
médecine vétérinaire canine.
Dans une seconde partie, nous étudierons les glaucomes du chien du point de vue
étiologique et diagnostic. Nous en envisagerons les possibilités de traitement.
Enfin dans une troisième partie nous présenterons des études cliniques de
cyclocryothérapie des corps ciliaires chez le chien, dont celle menée à l’Ecole Nationale
Vétérinaire d’Alfort.
14
15
Première Partie :
GENERALES
CRYOCHIRURGIE :CONSIDERATIONS
A/ MECANISMES DE LA CRYODESTRUCTION
1/ Effets cellulaires et tissulaires du froid
a/ Mécanisme de destruction des cellules par le froid
La congélation d’un milieu biologique est différente de celle de l’eau pure. Le
changement d’état ne se produit pas dès que le point de congélation est atteint, il existe une
phase de surfusion. Cela correspond à un état instable où la température s’abaisse en dessous
du point de congélation tandis que le milieu reste à l’état liquide. Pendant cette période, les
premiers cristaux se forment, élevant alors la température du milieu jusqu’au point de
congélation puis, la température s’abaisse à nouveau lors du changement d’état complet de la
phase. Dans une solution que l’on refroidit, il se forme tout d’abord des cristaux d’eau pure.
Cela entraîne l’augmentation de concentration en solutés dans l’eau encore à l’état liquide.
Quand la concentration atteint le point de concentration eutectique, la cristallisation des
solutés se produit (sous forme de cristaux de solutés et de cristaux d’hydrates). Un milieu
biologique est constitué de systèmes de solutés variés à différentes concentrations. La
température de congélation d’un tel milieu sera donc inférieure à la température de
congélation de chaque système de solutés la composant. La solidification interviendra quand
on aura atteint le point d’eutexie de tous les constituants du milieu. A la température
eutectique, le milieu est cristallisé et se compose d’un mélange de cristaux d’eau pure, de
cristaux de solutés et de cristaux d’hydrates.
b/ Réaction des tissus
b-1/Phase immédiate
Cette phase, aussi appelée phase cryolésionnelle correspond à la destruction cellulaire
par le froid. On distingue quatre voies de destruction cellulaire. La déshydratation et la
concentration des milieux intracellulaires, la formation de cristaux de glace, la dénaturation
des protéines et le choc thermique participent à la destruction cellulaire. Seim (39) relate en
détail ces phénomènes.
16
Déshydratation et concentration des solutés
La formation de cristaux de glace extracellulaire augmente l’osmolarité du milieu
extracellulaire. Cela conduit à la fuite d’eau intracellulaire par osmose. Ainsi, la concentration
intracellulaire en électrolytes augmente, causant des dommages cellulaires irréparables, et
cela pour trois raisons ; l’augmentation de concentration en électrolytes change la
conformation des macromolécules, la désorganisation des phospholipides de la membrane
plasmatique et d’importants changements de pH se produisent..
Formation de cristaux de glace
La formation de cristaux de glace dans le compartiment intra ou extra cellulaire
dépend de la vitesse de refroidissement et de réchauffement du tissu D’après Ducret (22) en
cas congélation lente, il y a formation de cristaux de glace (dont le volume est augmenté de
10% par rapport au liquide dont ils sont issus) mais extracellulaires, la membrane plasmatique
agissant comme une barrière protectrice pour la cellule. Le pouvoir létal est donc faible.
En revanche si la congélation est rapide, la cellule n’a pas le temps de se déshydrater et il y
formation de cristaux intracellulaires après une phase de surfusion d’où lésion mécanique des
différents organites. Mais les cristaux intracellulaires sont de taille plus modeste que ceux
formés dans l’espace intercellulaire. Ils peuvent même être si petits qu’ils ne seront pas assez
délabrants pour la cellule. C’est pendant la phase de réchauffement que les dégâts cellulaires
vont être les plus importants. En effet, la fonte des cristaux aux différentes températures
eutectiques libère de l’eau qui va se fixer sur les différents cristaux de solutés encore
existants. Il y a donc formation de cristaux de plus grand volume à température eutectique. Ce
phénomène est appelé recristallisation migratrice.
Les effets cytotoxiques immédiats résultent en grande partie des effets combinés de
l’exposition à des concentrations importantes en solutés toxiques et à la formation de cristaux
intracellulaires.
Dénaturation des protéines
L’architecture de membrane cellulaire est relativement fragile. Les complexes de
lipoprotéines constituant la membrane cellulaire sont maintenus entre eux par des liaisons
faibles et non par des liaisons covalentes. Ainsi la congélation, qui perturbe de façon
importante l’environnement physique de la cellule, permet la dissociation des composants
membranaires. La dispersion des phospholipides rend les cellules perméables aux ions. De ce
fait elle gonfle et se lyse. Ce phénomène peut se produire au refroidissement comme au
réchauffement. On pense que de tels dommages sont également infligés aux membranes
internes de la cellule, comme la membrane nucléaire et celle des différents organites.
Le choc thermique
Le choc thermique fait référence aux lésions subies par la cellule plus lors d’un
changement brutal de température que lors d’une congélation. Un changement rapide de
température peut endommager les cellules même avant que soit atteint le degré de congélation
recherché. C’est pourquoi le choc thermique participe à l’effet létal lors d’une congélation
rapide (par opposition à une congélation lente). On pense que l’effet choc thermique résulte
17
de la variation des coefficients d’expansion des membranes résultant du changement de
température dans les différents composants cellulaires.
b-2/La phase différée
Elle correspond à la phase de cryonécrose et survient quelques heures après
l’intervention. La destruction cellulaire lors de cette phase est en grande partie due à la stase
vasculaire. Cette dernière est strictement limitée à la zone de tissu exposé au cryogène.
Autrefois, on pensait qu’une très importante augmentation de perméabilité membranaire, en
entraînant une hémoconcentration, provoquait la stase vasculaire. Or, des degrés extrêmes de
perméabilité membranaire peuvent être atteints sans qu’une stase vasculaire ne survienne,
tandis qu’une perméabilité membranaire modérément augmentée peut s’accompagner d’une
stase vasculaire.
Le fait essentiel est un amoncellement de cellules sanguines entre elles ainsi qu’une
adhérence à l’endothélium vasculaire. Cette agrégation s’explique par des lésions
endothéliales ou des lésions plasmatiques.
La stase vasculaire conduit à la formation de thrombus et à l’ischémie, suivie par
l’anoxie, les variations de pH et la mort cellulaire. Les modifications histologiques précoces
d’un tissu congelé ressemblent à un infarctus.
b-3/La phase tardive
Il s’agit, sur le plan théorique, d’une phase immunologique suivant la cryonécrose,
décrite par Neel (35). De nombreuses tumeurs contiennent des antigènes spécifiques pouvant
être reconnus par le système immunitaire et induire des réponses cytotoxiques à l’encontre des
cellules tumorales. La destruction cryochirurgicale d’une tumeur conduit à augmenter
l’immunité à médiation cellulaire et humorale contre la tumeur. Le degré d’immunité obtenu
est supérieur lors de cryochirurgie par rapport à l’exérèse chirurgicale seule ou à
l’électrocoagulation de la tumeur. Le traitement cryochirurgical de différentes tumeurs
humaines induit une réponse immunitaire apparemment dirigée contre la tumeur. Il est
possible de potentialiser l’immunité anti-tumorale, en injectant dans la tumeur, un immunoadjuvant non spécifique de 1 à 5 jour avant cryochirurgie. Le degré d’immunité spécifique
anti-tumorale après cryochirurgie n’est toutefois pas suffisant pour empêcher la croissance de
tumeurs récidivantes.
2/ Résultats pour l’optimisation de la cryodestruction
a/ Rythme congélation/décongélation
Ainsi qu’on l’a vu précédemment, une congélation rapide permet un délabrement
cellulaire plus important par la formation de cristaux de glace préférentiellement
intracellulaires plutôt qu’extracellulaires.
Pendant la phase de décongélation, le phénomène de recristallisation permet la
formation de cristaux de glace plus volumineux, donc plus délabrant. Ainsi plus la phase de
18
décongélation est lente et prolongée, plus la recristallisation migratrice est importante.
Inversement, un dégel trop rapide entraîne une disparition des cristaux avant qu’ils n’aient pu
endommager la cellule. Il convient donc de ne pas chercher à accélérer le réchauffement du
tissu traité mais de laisser, à l’air libre, revenir de lui-même à température ambiante.
b/ Nombre d’applications de froid
Il est admis que deux applications de températures allant de –15°c à –20°c vont
conduire à une destruction cellulaire et à une nécrose tissulaire. La multiplication des cycles
de congélation augmente la conductivité thermique des tissus dont les membranes cellulaires
ont été précédemment détruites. Ce phénomène peut être mis à profit pour la cryodestruction
de tissus particulièrement résistants au froid comme l’os ou certaines tumeurs très denses. De
plus lors de congélations répétées, la vitesse de réchauffement est retardée. Cela augmente
d’autant la cryonécrose (grâce au phénomène de recristallisation migratrice décrit plus haut).
3/ Effets biologiques de la cryochirurgie (39)
a/ Cas général
Les effets produits par le froid ont des caractéristiques uniques par rapport au autres
moyens de produire de la nécrose. La réponse des tissus est appelée cyonécrose. Elle débute
immédiatement après le dernier cycle congélation/réchauffement et suit la séquence
chronologique suivante.
-De 0 à 2heures :
Un volumineux massif oedémateux survient au site cryochirurgical. Il résulte des
évènements survenant pendant la phase immédiate de destruction cellulaire. Lors des
quelques heures qui suivent, les évènements de la phase différée surviennent. Ils résultent de
la stase vasculaire, de la thrombose et de l’ischémie.
-De 1 à 3 jours :
La zone traitée se démarque franchement du tissu environnant. Elle est recouverte par
une croûte. Les tissus environnants peuvent être, ou non, le siège d’une discrète réaction
inflammatoire. L’œdème persiste et la lésion en elle-même rétrécit graduellement.
Histologiquement, la lésion apparaît comme un infarctus vasculaire.
-De 7 à 14jours :
Selon le tissu impliqué, la croûte tombe, laissant apparaître un tissu de granulation.
Puis l’épithélialisation se produit. Des poils blancs peuvent éventuellement pousser sur la
cicatrice.
b/ Cas du tissu nerveux
Les nerfs sont extrêmement sensibles au froid. La région congelée est donc rapidement
insensibilisée par destruction des terminaisons nerveuses. La dégénérescence de l’axone
19
intervient avant les lésions d’ischémie, lors du dégel. Les manchons de myéline et la gaine de
Schwann restent en place, ce qui permet une régénération en 5 à 6 semaines.
c/ Cas du tissu osseux
Les tissus renfermant moins de liquide, comme le tissus osseux, sont moins sensibles
au froid. La cryochirurgie détruit les éléments cellulaires normaux, ou éventuellement malins
de l’os, mais la trame osseuse minérale ne souffre pas et peut être re-colonisée par des
vaisseaux sanguins et des ostéoblastes.
d/ Cas des vaisseaux sanguins
Les gros vaisseaux sanguins sont résistants à l’action du froid. Les fibres élastiques et
le collagène de la paroi ne sont pas endommagés. L’architecture de la paroi vasculaire est
conservée et la circulation n’est pas interrompue. Les fibres musculaires lisses, plus sensibles,
sont détruites mais se régénèrent facilement
4/ Méthodes de contrôle de la cryodestruction
Pour obtenir une nécrose optimale, le tissu cible doit être porté à une température de –
20°c à –30°c. Certains tissus très denses ou très vascularisés nécessitent des températures plus
basses encore. Une bonne évaluation de l’étendue de la zone congelée ainsi que de la
température obtenue permettent d’éviter les complications post-opératoires. Le contrôle peut
se faire à l’œil nu, à l’aide un thermocouple ou bien par la mesure de l’impédance électrique.
a/ Le contrôle visuel
C’est la méthode de contrôle la plus simple. Il suffit en effet de visualiser la « boule de
glace » obtenue. Or, si les tissus gèlent à partir de –2°c à –3°c, la cryonécrose n’intervient
qu’à partir de –20°c à-30°c, d’où de possibles erreurs par défaut. Plus on se rapproche du
centre de la boule de glace, plus la température est basse. D’après Withrow (50) , on peut
estimer que 75% de la boule de glace sont cliniquement détruits.
20
0°C :limite visible de la boule de glace
-20°C : limite probable de la
cryonécrose
-196°C
Figure 1 : Evaluation visuelle de l’étendue de la cryonécrose (50)
Il est préférable d’étendre la zone de congélation jusqu’à 5 à 10mm en tissu sain lors
du traitement de tumeurs malignes. L’étude de Torre (45) permet d’estimer l’étendue de la
cryonécrose en profondeur. Ainsi, lors de cryoadhésion de tumeurs de petite taille, la
diffusion du froid en profondeur (DP) est proportionnelle à sa diffusion en surface (DS) selon
la formule suivante :
DP/DS=1.3
Ces estimations concernant l’étendue de la congélation et de la cryonécrose sont utiles
pour préserver les structures sous-jacentes au tissu cible. Mais il existe des méthodes de
contrôle plus précises.
b/ Par thermocouple
L’utilisation de thermomètre à thermocouple (cuivre nickel) indique le flux de
courant provoqué par le changement de température ressenti au point de jonction de deux fils
métalliques. Les aiguilles sont placées à la périphérie de la lésion et à la jonction tissu sain/
tissu cible en profondeur. Cela permet une bonne estimation de l’espace de la zone
effectivement congelée. Cette méthode est limitée par le fait qu’elle ne donne qu’une
indication de la température en 1 ou 2 points du tissu cible sans connaissance de l’état
physique de l’ensemble du tissu.
c/ Par méthode impédancemétrique (32)
Cette méthode, mise au point par P. Lepivert consiste à mesurer la résistivité tissulaire
entre deux électrodes soumises à une tension électrique constante. On assimile les tissus à des
cellules baignant dans un milieu liquide ionisé. Ce milieu conduit le courant électrique alors
que les cristaux de glace sont isolants. Lors de la chute de la température, les cristaux de glace
augmentent et l’eau extracellulaire se raréfie. Ainsi, la résistance électrique du tissu augmente.
21
Arrivé à la température eutectique, le milieu extracellulaire se solidifie complètement et la
résistance augmente brutalement jusqu’à devenir infinie.
Figure 2 : Variation de la résistance d’une solution saline lors d’un cycle de congélation (1) et
décongélation (2) (32) .
22
23
B/ LES DIFFERENTS CRYOGENES
Un cryogène se définit comme un gaz ou un liquide ayant comme propriété de la
chaleur d’une zone donnée. Tous les cryogènes agissent en provoquant un flux de chaleur
depuis le tissu cible jusqu’à la surface d’application du réfrigérant (40)
Les trois cryogènes les plus utilisés dans le domaine médical sont l’azote liquide, le
dioxyde de carbone et le protoxyde d’azote. D’autres fluides ou gaz cryogéniques sont
occasionnellement employés. Ils comportent des fréons variés, de l’oxygène liquide, du
propane liquide et de l’air liquide. L’utilisation d’oxygène liquide et de propane liquide est
déconseillée à cause du danger lié à l’oxygène en tant que support de combustion et à cause
du caractère inflammable du propane
1/Les fréons
De nombreux fréons sont disponibles et capables de fournir des températures de–60°C.
Leur caractère polluant pour l’environnement en restreint l’usage au domaine
ophtalmologique où de petites quantités sont utilisées. Ils servent principalement à
l’extraction cristallinienne et la température de –30°C obtenue est optimale pour l’adhésion.
2/Le dioxyde de carbone
Le dioxyde de carbone liquide est incolore, inodore non inflammable et légèrement
acide. Sous forme solide (glace carbonique) le CO2 a été largement utilisé en médecine en
France dans les années 1930. Il a une température de –78°C et est très sure. En cryochirurgie,
il est utilisé en passant d’un cylindre à haute pression au travers d’un petit orifice à l’intérieur
d’une cryode. Cet orifice permet une brusque expansion du gaz dans une zone de basse
pression et le refroidissement de la sonde est obtenu par l’effet de Joule-Thomson. Ce type de
cryode permet généralement d’atteindre des températures de –75°C. Alors que le dioxyde de
carbone a des avantages environnementaux sur le protoxyde d’azote (qui est aussi utilisé avec
des cryodes de type Joule-Thomson), le pouvoir réfrigérant du CO2 est d’environ 10°C moins
performant que celui du protoxyde d’azote et sa capacité de pénétration tissulaire ne dépasse
pas 5mm.
3/Le protoxyde d’azote
C’est un cryogène facile à stocker et proposé par plusieurs fabricants de matériel
cryochirurgical. Il peut produire des températures à l’extrémité de la sonde approchant les
–89°C. Le protoxyde d’azote (N2O) est relativement expansif lors de l’utilisation de volumes
importants. Il faut savoir que le protoxyde d’azote contient de l’oxygène et peut servir de
24
support à la combustion. De même qu’avec le dioxyde de carbone, la sonde est refroidie par
effet de Joule-Thomson. Le protoxyde d’azote peut aussi être utilisé en pulvérisation. Dans ce
type d’utilisation, il faut retirer régulièrement la couche hydrophile de cristaux de neige
d’oxyde d’azote, afin de permettre un refroidissement optimal. Ses principaux inconvénients
sont sa faible capacité de pénétration tissulaire et l’obtention relativement lente de la
température voulue au sein de tissu cible.
4/ L’azote liquide.
L’azote liquide (N2) est le cryogène le plus largement utilisé. Il se présente à la
température de –195,8°C (-320,5F) sous la forme d’un liquide transparent, incolore et
inodore. Il n’est, en outre, ni inflammable ni toxique et est totalement inerte. Il n’est pas
agressif pour les surfaces biologiques ou métalliques et peut être manipulé en toute sécurité.
L’azote liquide est disponible partout dans le monde pour des usages médicaux, industriels ou
agricoles. On s’en procure soit chez un fournisseur de gaz médicaux soit auprès d’un centre
d’insémination artificiel. L’azote liquide doit être stocké dans un récipient adiabatique, type
vase Dewar Le vase Dewar est un récipient à double paroi de verre argenté entre lesquelles on
fait de vide. A la partie supérieure, on trouve un système de contrôle du débit, une double
tubulure reliée à la cryosonde, permet l’arrivée de l’azote liquide et le retour de l’azote
gazeux. Les cryosondes peuvent être munies soit d’un embout applicateur soit d’un embout
pulvérisateur. (03)
Le pouvoir réfrigérant de l’azote liquide peut s’employer de différentes façons. Soit il
sert à refroidir l’extrémité d’une sonde soit l’azote liquide est pulvérisé directement sur la
surface à traiter.
Lors de l’utilisation en spray, la zone à traiter est refroidie par un mélange d’azote
liquide et gazeux. Ce changement d’état au contact du tissu cible augment le pouvoir
réfrigérant de l’azote liquide en spray par rapport à son utilisation par l’intermédiaire d’une
sonde. En effet, pulvériser de l’azote liquide sur le tissu est le moyen d’en extraire le plus de
chaleur en comparaison avec l’application d’une cryode à l’azote liquide ou d’autres
applicateurs cryochirurgicaux.
Le pouvoir réfrigérant du spray d’azote dépend aussi de son degré d’humidité. Cela est
montré par le test suivant. Trois sprays d’azote sont testés. Le diamètre des orifices est le
même, la pression interne est identique et la température à l’extrémité de la canule est la
même. Les dispositifs testés diffèrent par le pourcentage d’humidité de chacun : 85%liquide
et 15% gazeux pour le premier, 45% liquide et 55% gazeux pour le deuxième et 15% liquide
et 85% gazeux pour le troisième. Il en ressort que le spray le plus humide a la plus grande
capacité d’extraction de chaleur du tissu cible. Cela peut avoir son importance dans le
traitement de lésions en profondeur (27).
Des appareils à azote liquide(comme le C.E 8 ou le Zacarian C 21) ont été conçus avec
des échangeurs de chaleur dans la ligne de flux de manière à convertir l’azote liquide en azote
gazeux. Cela permet de réduire les projections d’azote liquide sur la surface à traiter. D’autres
appareils (comme le Cryospray) sont élaborés de manière à ne permettre qu’un très modeste
changement d’état dans l’appareil mais le liquide est atomisé au moment où il sort de
l’extrémité de la sonde. Il faut retenir que plus le pourcentage de liquide est grand à la sortie,
plus le pouvoir réfrigérant du dispositif est important, en comparaison avec des sprays à
teneur élevée en gaz.
25
C/ APPLICATIONS
VETERINAIRE
DE
LA
CRYOCHIRURGIE
EN
MEDECINE
De même qu’en médecine humaine, la cryochirurgie a de très nombreuses applications
en médecine vétérinaire. Les domaines d’utilisations thérapeutiques du froid sont
essentiellement la dermatologie, la cancérologie et l’ophtalmologie. Cette dernière fera l’objet
d’un chapitre particulier tant les indications de la cryochirurgie en ophtalmologie sont variées
et spécifique à cet organe.
1/ Applications de la cryochirurgie à la chirurgie générale
a/Dermatologie (30)
Les tumeurs de la peau et des tissus sous-cutanés représentent la localisation tumorale
la plus fréquente. La majorité des tumeurs cutanées (75%) sont bénignes, ce qui leur confère
un pronostic favorable après un traitement adapté.
La cryothérapie, quoique largement utilisée en dermatologie vétérinaire, n’est pas
l’unique moyen de traiter les tumeurs cutanées. Elle offre néanmoins de nombreux avantages.
Elle peut être utilisée seule ou en complément d’autres moyens comme l’exérèse chirurgicale,
l’irradiation, le curetage la chimiothérapie ou l’utilisation de cytotoxines.
De même que lors de toute thérapie oncologique, il faut réaliser un bilan d’extension
tumorale et un bilan pré-anesthésique du patient.
La cryochirurgie est intéressante à bien des égards. Certaines tumeurs, d’accès
difficile, sont aisément traitées par le froid et il n’est pas nécessaire de suturer la peau. Une
anesthésie générale profonde est inutile. Une sédation associée à une anesthésie locale peut
être suffisante, ce qui facilite la gestion du patient âgé. Les animaux atteints de tumeurs
multiples sont traités bien plus rapidement avec la cryochirurgie qu’avec la chirurgie
conventionnelle. En effet, le site cicatrisant par seconde intention, un asepsie rigoureuse n’est
pas indispensable, ce qui diminue la durée de l’intervention.
Les deux cryogènes les plus communément employés sont l’azote liquide et le
protoxyde d’azote. Le protoxyde d’azote (-89.5°C) à un pouvoir réfrigérant pénétrant sur
5mm de profondeur dans le tissu cible. C’est pourquoi on ne l’utilise que pour des lésions
superficielles bénignes et non infiltrantes. L’azote liquide (-196.5°C) est plus à même de
pénétrer des lésions de dimensions plus importantes à des températures létales de –20°C à
–30°C. On applique le cryogène soit par cryoadhésion à la sonde soit par cryovaporisation.
On préfère la pulvérisation pour des lésions étendues ou de surface irrégulière. La profondeur
centrale de la boule de glace produit par une pulvérisation d’azote liquide est à peu près égale
au rayon du cristal de glace visible en surface, si la pulvérisation est concentrée en un point.
26
a-1/Les lésions cutanées bénignes
*Le granulome de léchage :
La cryochirurgie (efficace dans 50% des cas) doit être complémentée par une thérapie
comportementale et par l’administration d’anxiolytiques, le granulome étant en effet une
manifestation d’un état anxieux du chien. L’efficacité de la cryochirurgie serait due à la
destruction des terminaisons nerveuses sur le site.
*La pododermatite interdigittée :
Cette méthode est employée chez les animaux n’ayant répondu à aucun autre mode de
traitement. Les lésions, incluant toute l’épaisseur de la peau, sont refroidies à –25°C.
L’œdème post-opératoire est important et la cicatrisation prend plusieurs semaines.
*Les adénomes sébacés, kystes, hyperplasies, trichoépithéliomes et papillomes :
Ces lésions sont communes et souvent multiples chez les patients âgés. La cryochirurgie est
un excellent moyen de les traiter car elle se pratique rapidement, l’anesthésie générale n’est
pas indispensable et l’animal peut être immédiatement rendu à ses propriétaires. Les petites
lésions sont congelées jusqu'à ce que la boule de glace les englobe totalement ainsi qu’une
marge de 2 ou 3mm en tissu sain.
*Les histiocytomes :
Ces tumeurs, à croissance rapide et d’aspect agressif, surviennent sur le jeune adulte et sont
néanmoins bénignes. Une biopsie est nécessaire pour confirmer le diagnostic. Le traitement
cryochirurgical offre de très bons résultats.
a-2/Les lésions cutanées malignes
*Le mastocytome :
La difficulté de traitement du mastocytome tient à sa tendance à la récidive locale et à
l’envahissement des nœuds lymphatiques loco-régionnaux. Il est essentiel de congeler une
marge minimale d’1cm en tissu sain. La cryochirurgie est surtout intéressante combinée à la
chimiothérapie. De fortes quantités d’histamine et d’héparine contenues dans ce type de
tumeur peuvent se libérer après la cryochirurgie. Les risques post-opératoires, quoique peu
fréquents, sont l’hypotension et l’hémorragie. Ces complications ne se rencontrent que dans
les cas de volumineuses tumeurs.
27
*L’épithélioma spino-cellulaire :
C’est un néoplasme rencontré beaucoup plus fréquemment dans l’espèce féline. Il faut geler
de larges marges de tissu sain car la tumeur est mal délimitée. Les lésions de l’oreille chez le
chat se traitent aisément en gelant tout le bord libre du pavillon auriculaire.
*Le fibrosarcome :
Ce type tumoral montre un certain degré de résistance au froid, à cause de son fort taux de
tissu fibreux.
*Les adénosarcomes et hémangiopéricytomes :
Ces tumeurs sont sporadiques et, à moins d’être traitées de façon agressive, elles récidivent
fréquemment. Elles envahissent rapidement les tissus sous-jacents, rendant leur délimitation
difficile. Une thérapie précoce, avec de larges marges en tissu sain ainsi qu’un suivi postopératoire systématique sont essentiels pour un traitement réussi.
La cryothérapie a également été entreprise dans le traitement des sarcoïdes équins dont
la localisation cutanée intéresse fréquemment les paupières ; les lésions sont superficielles et
les récidives après exérèse chirurgicale , de l’ordre de 50%. Le cryogène employé, dans une
étude de Frezt et Barber (24), est l’azote liquide en pulvérisation et la température tissulaire
est mesurée à l’aide de thermocouples. Afin d’éviter la nécrose des tissus sains adjacents, des
isolants tels que le polystyrène ou des gazes imbibées de nitrufurazone sont utilisés pour
encercler la tumeur.Selon la taille de la tumeur, la cryothérapie peut être réalisée seule
(tumeurs inférieures à 6cm de diamètre) ou en complément de l’exérèse chirurgicale (23).Le
taux de récidive des sarcoïdes après traitement cryochirurgical semble varier entre 5 et 30%
(24).
b/Oncologie
Les principes de cryochirurgie ainsi que la gestion du patient sont identiques à ce qui
se fait en cryochirurgie dermatologique. Les domaines d’applications de la cryochirurgie
oncologique, outre la peau, sont la cavité buccale et la zone périanale.
b-1/Cryochirurgie anorectale et périanale (33)
La cryochirurgie est une méthode de choix pour le traitement des tumeurs de la zone
anale. L’anesthésie générale est souvent nécessaire. Si le canal anal doit être obturé, une
antibio-prophylaxie est utile. Les lésions sont portées à –20°C minimum, à deux reprises. La
température atteint au sein du tissu cible est vérifiée au moyen d’un thermocouple. On utilise
aussi bien le spray que la cryode.
28
*Le circumanalome :
Cette tumeur des glandes périnéales est hormonodépendante et se rencontre surtout chez le
mâle entier de plus de 6 ans. Les adénomes des glandes périnéales sont plus fréquent que les
adénocarcinomes. La cryochirurgie est plus aisée à pratiquer qu’une exérèse conventionnelle
car le tissu à suturer est friable et hémorragique, conduisant souvent à des déhiscences de
plaies. Si on pratique une cryoadhésion à la sonde, on se place au centre de la lésion on opère
une légère traction sur la tumeur, ce qui permet de protéger les tissus sous-jacents. Le temps
d’application du froid varie de 30 à 120 secondes. Le réchauffement, qui ne doit être hâté par
aucun dispositif, est assez lent et, en cas de tumeurs multiples, il est intéressent de disposer
d’un jeu de sondes de manière à diminuer la durée opératoire. La cicatrisation complète, après
chute du tissu nécrosé, prend de 14 à30 jours, au maximum pour les tumeurs les plus
volumineuses. Une complication possible, si les circumanalum sont envahissant sur 360°, est
la sténose du canal anal. Les circumanalums sont superficiels par rapport au muscles
sphincters et caudaux par rapport au nerf rectal, l’incontinence n’est donc pas une
complication à craindre. Le pourcentage de récidive après cryochirurgie est inférieur à 10%.
Dans cette éventualité, on peut pratiquer une nouvelle cryochirurgie avec de bons résultats.
*Les fistules périnéales :
Cette entité pathologique se caractérise par des trajets fistuleux ulcératifs de toutes parts du
canal anal. Le Berger Allemand est la race la plus fréquemment atteinte. La symptomatologie
(ténesme, écoulements nauséabonds,..) est directement liée au nombre et à la longueur des
trajets fistuleux qui finissent par devenir coalescents. La technique de gestion des fistules
anales n’est pas uniquement chirurgicale. En effet, même si la cause exacte de cette maladie
n’est pas parfaitement connue, une origine immunitaire est communément admise. Le
traitement fait appel à la corticothérapie à dose immunosuppressive et
à des
immunosuppresseurs tels que la Ciclosporine. La chirurgie est un traitement complémentaire
du traitement médical (18).
b-2/Cryochirurgie des tumeurs buccales (25)
Les intérêts de la cryochirurgie pour le traitement des tumeurs buccales sont la facilité
d’application, le peu de complications post-opératoires, le maintien de l’intégrité osseuse ainsi
que les effets palliatifs sur la douleur et l’halitose. La cryochirurgie n’est cependant pas sans
risque. Les tissus mous de cavité buccale réagissent par un important œdème post-opératoire
qui doit être surveiller en raison de la proximité des voies respiratoires. Dans le cas de
tumeurs agressives, l’amélioration du confort de l’animal (même si cela est transitoire) est
nette. Le cryogène de choix est l’azote liquide, en raison de sa grande capacité de pénétration,
au spray ou à la sonde. Les tumeurs ainsi traitées sont les mélanomes malins, les épithéliomas
spino-cellulaires et le fibrosarcomes.
2/Ophtalmologie
L’utilisation de la cryochirurgie est particulièrement intéressante en ophtalmologie car
les différents tissus palpébraux ou intraoculaires ont des sensibilités au froid très différentes,
29
ce qui permet de détruire sélectivement certains tissus ou de créer une adhérence entre la
cryosonde et certains tissus.
a/Chirurgie des paupières
La cryochirurgie des paupières concerne uniquement les paupières inférieure et
supérieure, la membrane nictitante n’étant pas impliquée.
Les paupières inférieures et supérieures sont des replis cutanéo-muqueux mobiles.
(02) Elles délimitent une ouverture en forme d’amande appelée la fente palpébrale. Chaque
paupière présente un bord libre épais et anguleux délimité par les limbes palpébraux. Seule la
paupière supérieure est pourvue de cils, implantés à proximité du limbe antérieur et dirigés
vers l’extérieur. Les paupières se rejoignent au niveau des commissures médiane et latérale.
La structure de la paupière peut se diviser en deux couches : la face externe est recouverte de
peau, la lame interne est constituée de la couche musculo-fibreuse limitée en face interne par
une muqueuse, la conjonctive.
*La peau comprend notamment un épithélium pluristratifié, kératinisé et pigmenté, des
poils fins et de petites glandes sébacées. Associées aux follicules ciliaires, se trouvent des
glandes sébacées bien développées (les glandes de Zeiss) ainsi que des glandes sudoripares
modifiées appelées glandes ciliaires.
*La couche musculo-fibreuse et glandulaire est la couche intermédiaire. Les
formations fibreuses, qui donnent une certaine rigidité aux paupières, représentent le
prolongement de la péri orbite. Elles se terminent par le tarse qui rigidifie le bord libre. Divers
muscles assurent l’ouverture palpébrale, dont le muscle élévateur de la paupière supérieure (la
plus mobile). Le principal muscle fermant la fente palpébrale est le muscle orbiculaire. Les
deux paupières possèdent des glandes tarsales (glandes de Meibomus). En rapport étroit avec
le tarse, elles se situent dans la face profonde de la conjonctive. Ces glandes sébacées
modifiées sécrètent la phase lipidique du film lacrymal. La conjonctive est la muqueuse qui
tapisse la face interne des paupières, elle se prolonge par la conjonctive bulbaire qui tapisse la
sclère. L’épithélium de la conjonctive, surtout au niveau des fornix, contient des cellules
caliciformes, produisant le mucus du film lacrymal.
a-1/Cryochirurgie des tumeurs palpébrales
Les tumeurs palpébrales représentent 5% des néoplasmes du chien. Les plus
communes sont l’adénome tarsal, le papillome, l’adénocarcinome et le mélanome bénin.(41).
Elles ont tendance à être localement invasives. Il est difficile, tout en maintenant un bon
fonctionnement de la paupière et sans greffe de peau, de traiter ces tumeurs quand leur taille
atteint 30% du bord libre. L’intérêt de la cryochirurgie est ici évident d’autant plus que les
tissus sains de la paupière ont une certaine résistance à la cryonécrose. L’autre avantage, non
négligeable chez le patient gériatrique, est la rapidité d’exécution (moins de 10minutes). On
opère sous anesthésie générale de courte durée. Une pince à chalazion enserre le tour de la
tumeur, ce qui renforce l’efficacité du froid par l’effet de garrot crée. La tumeur peut être
traitée par cryovaporisation d’azote liquide, ou par cryoapplication (N2 liquide ou N2O). La
boule glace obtenue dépasse la marge tumorale de 3mm en tissu sain. On effectue trois cycles
de congélation puis réchauffement. L’élimination tissulaire s’effectue dans les deux semaines
et la cicatrisation est achevée en trois semaines. La complication possible, outre la perte de
poils (définitive) et la dépigmentation (temporaire), est une nécrose incomplète favorisant une
récidive de la tumeur in situ.
30
a-2/Cryothérapie des anomalies ciliaires
Toute anomalie d’implantation ou de direction des cils constitue une malimplantation
ciliaire. Elles sont au nombre de trois. Le distichiasis correspond à une implantation ciliaire
anormale, sur la ligne des glandes de Meibomius. Le trichiasis se caractérise par le déviation
de cils normaux ou surnuméraires vers la cornée. Quant au cil ectopique, c’est un cil qui se
développe hors du hors palpébral, en face interne de la paupière. Les techniques chirurgicales
possibles comprennent la résection d’un lambeau palpébral si une rangée de cils plus ou
moins importante est à retirer, l’électro-épilation et la cryothérapie (13). L’électro-épilation
est utile si quelques cils sont mal plantés. Une électrode pour épilation est montée sur un
manche de cautère et reliée à un générateur qui délivre un courant de faible intensité (100mA)
pendant 10 secondes. Une trop forte intensité provoquerait une nécrose palpébrale induisant
une cicatrice. La difficulté de l’opération réside dans la précision. Une loupe ou mieux un
microscope opératoire est nécessaire. La cryocoagulation des follicules pileux se fait par voie
trans-conjonctivale. Son avantage est lié à la grande sensibilité du follicule pileux au froid.
Une température tissulaire de –20°C provoque une destruction du follicule pileux sans
nécrose ou réaction cicatricielle de la paupière. La cryoépilation est donc la méthode de choix
pour traiter les malimplantations ciliaires. La paupière est immobilisée et éversée dans une
pince à chalazion. On traite les cils mal implantés au moyen d’une cryode en regard des
glandes de Meibomius. Un double cycle de congélation est préconisé avec N2O comme
cryogène (11). Il semble préférable d’observer la boule de glace au microscope opératoire de
manière à ne pas léser les autres follicules ciliaires. Les complications les plus communes sont
l’œdème palpébral, le chémosis et une douleur limitée. L’abord trans-conjonctival et
l’utilisation de la cryosonde permettent de limiter la dépigmentation du bord palpébral. La
glande tarsale subit une cryonécrose histologiquement visible à partir du quatrième jour
suivant l’intervention. La paupière est réexaminée à 14 jours post-opératoire, tout cil restant,
non attaché à la glande est retiré. Après quatre semaines la glande tarsale a régénéré en
l’absence de cil (41). Dans le cas de trichiasis du aux poils, la cryothérapie peut intéresser une
partie du pourtour palpébral. Un Chevauchement des zones de congélation est préférable. La
dépigmentation ainsi produite peut persister de 6 à 8 semaines.
b/Chirurgie du globe oculaire
La cryothérapie en ophtalmologie a de nombreuses indications pour le traitement de
pathologies intraoculaires comme la décollement de rétine, le prolapsus irien, le glaucome,
l’extraction du cristallin cataracté.
La cryothérapie s’appuie sur deux propriétés : la destruction sélective de certains tissus plus
sensibles au froid et l’adhésion entre la cryosonde et certains tissus.
Les tissus les plus sensibles aux basses températures sont : l’endothélium cornéen, les cellules
pigmentées uvéales, les muscles sphincter et dilatateur de l’iris, les muscles du corps ciliaire,
la rétine neuro-sensible, l’épithélium pigmentaire de la rétine, les vaisseaux capillaires uvéaux
et rétiniens.
Les effets histologiques produits par l’irido-cryothermie (similaires à ceux produits sur
d’autres tissus oculaires) ressemblent à ceux que génère un infarctus hémorragique. Les fibres
musculaires, les cellules pigmentées de l’iris, les mastocytes stromaux et l’épithélium
postérieur sont détruits. De la mélanine se libère et se disperse dans la stroma irien, la
chambre antérieure et l’angle irido-cornéen. Les capillaires uvéaux subissent une thrombose
31
et cela conduit à une hémorragie dans le stroma irien ainsi que dans la chambre antérieure.
Des cellules de l’inflammation (des neutrophiles puis des lymphocytes) en nombre
modéré envahissent le site. La régénération est incomplète, le stroma irien est atrophié et
contient un nombre réduit de mélanocytes. Il se décolore et apparaît cliniquement de marron
clair à blanc (34).
.
En ce qui concerne la cryoinstrumentation, les sondes doivent être de petite taille car
elles sont utilisées dans un espace restreint parmi des tissus fragiles. La pièce à main doit être
protégée par un manchon isolant pour éviter le contact fortuit avec les tissus oculaires
environnants. Un refroidissement ainsi qu’un réchauffement rapides et contrôlés permettent
de manipuler et de re-placer la sonde si besoin. Les températures à l’extrémité de la sonde
sont comprises entre –20°C et –40°C pour des procédures d’adhésion et –70°C à –90°C pur
les procédures impliquant une cryonécrose. Le diamètre de la pointe de la sonde doit être de
1 à 2 mm pour l’extraction cristallinienne, et de 3 à 5 mm pour la cyclocryothérapie. Quant
aux cryogènes, azote liquide et protoxyde d’azote sont les plus communément utilisés.
Cependant, le protoxyde d’azote est cher s’il est utilisé en grande quantité. La première
pression doit se maintenir entre 600 et 625 mm hg dans l’appareil, pour maintenir une
température tissulaire de –20 à –25 °C. Il ne s’utilise qu’à la cryosonde, ce qui peut être un
inconvénient dans le cas de lésions étendues (43).
b-1/Cryothérapie de la cornée
Les applications sont limitées mais des études humaines et animales suggèrent
plusieurs indications.
Alors que l’endothélium cornéen est très sensible au froid, le stroma n’est pas affecté.
Une adhérence vitréo-cornéale (séquelle de l’extraction cristallinienne) peut causer une
opacification et prédisposer au glaucome. La cryothérapie est une méthode satisfaisante pour
rompre ces adhérences. On applique sur la zone de cornée concernée une cryosonde d’un
diamètre de 2 à 5 mm. La température de la sonde est abaissée à –60°C. La boule de glace
ainsi formée englobe toute l’épaisseur de la cornée. Elle est contrôlée à la lampe à fente
(biomicroscope). La durée de la cryoapplication varie de 15 secondes à 1 minute, et peut être
répétée pour augmenter la nécrose des cellules endothéliales. L’adhérence vitréo-cornéenne se
rompt dans les 24heures (43).
Des ulcères herpétiques récidivants ont été traités avec succès chez l’homme. Un
refroidissement rapide à –79°C détruit l’herpès virus présent dans le tissu cornéen. On
applique la sonde sur les zones ulcérées ( mises en évidence par la fluorescéine) pendant 20
secondes. Cette méthode peut s’appliquer au ulcères herpétiques du chat (43).
Enfin, la cryochirurgie a été essayée lors de kératites superficielles chroniques comme
celles du berger allemand. Le froid est alors utilisé pour diminuer la réponse vasculaire de la
cornée dans les cas ne répondant pas au traitement médical.
b-2/Cryothérapie iridienne (iridocryothermie)
L’iridocryothermie permet une destruction focale , graduellement contrôlée du muscle
sphincter de l’iris. Cela faciliterait la gestion de l’iridocyclite post opératoire aux chirurgie
d’extraction cristalliniennes en maintenant l’iris en mydriase.
Lors d’études menées sur l’animal sain, un contact de 10 secondes de la marge pupillaire de
l’iris avec une cryosonde refroidie à –79°C, conduit à une dégénérescence du sphincter. Une
32
mydriase modérée s’installe et conduit à une déformation pupillaire au bout de 21 jours post
opératoires (43).L’inconvénient majeur de cette technique est une iridocyclite importante en
post opératoire immédiat, s’accompagnant d’un myosis. Il convient d’administrer des
mydriatiques par voie locale, et des corticoïdes par voie générale, pour tempérer l’uvéite. En
raison de ces effets secondaires , cette technique est inutilisable conjointement à l’extraction
cristallinienne chez le chien.
b-3/Cryoextraction cristallinienne
On utilise dans ce cas les propriétés de cryoadhésion d’une sonde portée à -20°C ,
-
40°C.
Des températures plus basses ne renforceraient pas l’adhésion. L’étendue de la liaison dépend
de la durée de contact et de la taille de la sonde. Cela permet d’exercer une traction sélective
sur la seule capsule antérieure ( pour des extractions extra capsulaires de routine), ou sur la
capsule et le cortex antérieur (lors d’extraction intra capsulaire d’un cristallin luxé (34).
On introduit une sonde à température ambiante, de 1 à 2 mm par la voie d’abord
classique au niveau du limbe, puis on active la sonde quand elle est au contact du cristallin.
Pour une extraction extra capsulaire la durée d’application est limitée à 1 ou 2 secondes.
La sonde n’est alors liée qu’à la capsule antérieure, on relève un peu l’extrémité de celle ci
pour éviter l’adhésion avec le cortex antérieur sous jacent, on tourne la sonde et on déchire
une section de 7 à 10 mm.
Pour une extraction intra capsulaire (lors de luxation du cristallin), la cryosonde est
laissée au contact du cristallin pendant 4 à 6 secondes. Cela permet d’établir une liaison avec
la capsule antérieure et le cortex antérieur. Le cristallin est manipulé pour casser les fibres de
la zonule de Zinn restantes.
Il est important que le dispositif possède un système de réchauffement de la sonde
pour pouvoir la détacher rapidement lors de contact accidentel avec la cornée ou l’iris. Cette
méthode peut s’appliquer à un cristallin luxé antérieurement ou postérieurement.
Lors de luxation antérieure, où un contact direct entre la sonde et le cristallin est assuré, un
dispositif à fréon est suffisant. Par contre lors de luxation postérieure, où du vitré s’interpose
entre la sonde et le cristallin, ces sondes à usage unique n’ont pas le pouvoir de créer une
liaison suffisamment forte. On préfèrera l’usage d’une unité à protoxyde d’azote ou à azote
liquide (43).
Ces techniques ont un intérêt historique plus que pratique depuis l’utilisation en
routine de la phacoémulsification du cristallin.
b-4/Cryothérapie de la chorio-rétine
La cryothérapie chorio-rétinienne a été utilisée de façon limité en médecine
vétérinaire. Elle est indiquée comme traitement des décollements rétiniens localisés, des
déchirements rétiniens et des néoplasme du segment postérieur. Cette technique vise à induire
une choriorétinite focale avec des formations cicatricielles. La lésion rétinienne est localisée à
l’ophtalmoscope indirect. Une cryosonde est appliquée sur la face externe de la sclère pour
marquer la zone à traiter. Quand la lésion est délimitée, on la gèle de façon répétée. Le temps
d’application avec un dispositif à azote liquide varie de 5 à 10 secondes. On contrôle la boule
de glace obtenue avec l’ophtalmoscope indirect. Dans les quatre jours post opératoires, on
observe une véritable choriorétinite conduisant à une adhésion de la zone traitée. Les
33
modifications de la sclère sont minimes, ce qui est en faveur de la cryothérapie par rapport à
la diathermie, qui occasionne une inflammation et une destruction sclérale étendue (34).
Par contre Sue West et Barrie (43) signalent que les récentes avancées technologiques
du laser et des techniques de photocoagulation rendent obsolète la cryoapplication choriorétinienne.
Les décollements de rétines sont souvent vus en consultation à un stade assez
tardif :décollements étendus et dégâts cellulaires déjà irréversibles, d’où le peu d’applications
de cette technique en pratique courante.
34
35
Deuxième Partie : LE GLAUCOME DU CHIEN
Le terme de glaucome recouvre de nombreuses maladies oculaires très différentes dont
le point commun est l’augmentation de pression intraoculaire (P.I.O.) à un niveau
incompatible avec le fonctionnement du nerf optique (28).
A/ SIGNES CLINIQUES
1/Motifs de consultation
Le chien peut être présenté pour un œil gonflé, rouge, douloureux (paupières fermées, animal
prostré) ou bien pour une cécité d’apparition brutale.
2/ Diagnostic
a/Diagnostic de suspicion
Plusieurs signes cliniques (liés à l’hypertension et au mode d’évolution du glaucome) peuvent
être observés (28).
™ La rougeur oculaire
C’est un signe précoce d’hypertension intraoculaire. En effet jusqu’à une pression de
45mm de mercure, la congestion des veines ciliaires et épisclérales provoque une légère
hyperhémie conjonctivale et une rougeur vasculaire périkératique. Au-delà de 50mm de
mercure les veines épisclérales prennent un aspect de larges vaisseaux tortueux.
™ La mydriase
L’augmentation de la pression intraoculaire paralyse le muscle sphincter de l’iris. Si la
pression est inférieure à 45 mm de mercure, le réflexe photomoteur est lent et incomplet. Pour
des valeurs supérieures à 50 mm de mercure la mydriase est complète et le réflexe
photomoteur est absent.
36
™ L’œdème de cornée
Il concerne l’ensemble de la surface de la corné. La forte pression hydrostatique de
l’humeur aqueuse sature la capacité de l’endothélium à déshydrater la cornée. Celle-ci devient
turgescente. Au fur et à mesure de l’augmentation de pression dès 45 mm de mercure la
cornée prend un aspect opalescent puis bleuté et devient complètement opaque.
™ La buphtalmie
L’augmentation de volume du globe oculaire résulte du peu de résistance de la coque
cornéo-sclérale du chien à l’augmentation de pression (cela est notamment plus marqué chez
l’animal jeune).La membrane de Descemet, qui limite la cornée en profondeur peut même se
rompre, on aperçoit alors au sein de la cornée des stries blanchâtres. Au stade de buphtalmie,
l’étirement des fibres zonulaires du cristallin peut occasionner une luxation de celui-ci.
™ L’appréciation digitale de la tension oculaire
La pression oculaire peut être globalement estimée par la palpation digitale du globe
au travers de la paupière supérieure. On exerce une pression des deux index successivement
ce qui permet d’apprécier la déformation du globe. Cette méthode, peu précise ne permet de
déceler que des très fortes hypertensions ou hypotensions.
La coexistence des ces différentes signes cliniques rend certain le diagnostic de
suspicion.
b/Diagnostic de confirmation
La mesure de la tension oculaire permet de confirmer la suspicion de glaucome. La
pression intraoculaire augmente la tension de la cornée et de la sclère. Différentes méthodes
permettent d’apprécier la tension pour évaluer la pression. Deux méthodes sont utilisées en
pratique: la tonométrie par indentation et la tonométrie par aplanissement.
La tonométrie par indentation mesure la tension de la cornée par l’application sur
celle-ci d’une tige chargée d’une masse donnée. La surface cornéenne se déprime d’autant
plus que la pression intraoculaire est faible. La tige est reliée à un système amplificateur et à
une aiguille se déplaçant devant un cadran gradué. On obtient ainsi une appréciation chiffrée
de la tension oculaire. L’estimation de la pression intraoculaire (P.I.O.) qui résulte de cette
méthode rend également compte de la rigidité de la sclère et du rayon de courbure de la
cornée (variable selon les différents formats de chiens). L’appareil le plus utilisé en pratique
est le tonomètre de Schioltz-Comberg (16).Mais il tombe en désuétude du fait de son emploi
difficile sur de nombreux animaux.
La tonométrie par aplanissement utilise le fait qu’une force exercée pour aplanir une
certaine surface de cornée soit égale à la pression qui s’exerce à l’intérieur de la sphère sur
cette même surface. Si on connaît la force exercée et la surface d’aplanissement, on peut
calculer la pression (loi d’Imbert-Fick). Le tonomètre de référence a longtemps été le
37
tonomètre de Mac Kay Marg. De nouvelles générations de tonomètres par aplanissement,
électroniques ont été mises au point. Avec le Tonopen ®, la valeur est exprimée directement
en millimètres de mercure. Les valeurs usuelles sont comprises entre 12 et 18 mm Hg (16).
c/Diagnostic différentiel
Il convient d’éliminer les causes d’hyperhémie des vaisseaux conjonctivaux profonds, de
mydriase, d’œdème de cornée et de différencier la buphtalmie de l’exophtalmie.
La congestion des veines épisclérales et ciliaires peut traduire toute inflammation
endoculaire: kératite profonde, uvéite.
La mydriase de l’œil atteint peut résulter d’une pathologie rétinienne (décollement,
atrophie…), d’une névrite optique ou de l’atrophie de l’iris.
L’œdème de cornée peut être dû à une kératite (ulcérative ou non), à une endothélite
ou à une dystrophie cornéenne.
Enfin la buphtalmie est à différencier de l’exophtalmie(protrusion du globe oculaire)
due à une pathologie orbitaire: abcès ou tumeur par exemple.
38
B/ ĒTIOLOGIE
Le glaucome résulte toujours d’un défaut d’écoulement de l’humeur aqueuse ou d’une
gène à sa circulation. Le glaucome en fin d’évolution est le stade le plus fréquemment
rencontré en consultation. La cryothérapie, appliquée au glaucome au stade terminal, est un
moyen de traiter des glaucomes d’étiologies variées. Le glaucome peut être primaire ou
secondaire à une autre affection intraoculaire.
1/Rappels anatomiques
L’humeur aqueuse, produite par le corps ciliaire, passe de la chambre postérieure vers
la chambre antérieure au travers de la pupille. Elle s’écoule au travers de l’angle irido-cornéen
et est éliminée par le plexus veineux de la sclère.
a/Lieu de production de l’humeur aqueuse
L’humeur aqueuse est produite par les cellules du corps ciliaire. Le corps ciliaire
appartient à la tunique vasculaire de l’œil (l’uvée). Il se situe entre l’iris et la choroïde. Il
forme un anneau crénelé et est constitué de deux parties: le muscle ciliaire et les procès
ciliaires.
Le muscle ciliaire constitue la partie crâniale du corps ciliaire. C’est l’organe actif de
l’accommodation. Il comprend des fibres circulaires et des fibres radiées. Ces dernières
s’insèrent sur l’anneau scléral et vont de la surface interne de la sclère à l’angle irido-conéen.
Les procès ciliaires constituent le pourtour interne du corps ciliaire. Ils sont le lieu de
production de l’humeur aqueuse. L’humeur aqueuse est produite par sécrétion active et par
ultra-filtration de l’épithélium de couverture des procès ciliaires. Sa composition est contrôlée
par l’action filtrante de la paroi des vaisseaux sanguins du corps ciliaire et par les jonctions
intercellulaires de l’épithélium. La base des procès ciliaires donne insertion aux fibres
zonulaires qui suspendent le cristallin (42).
39
1 : Angle irido-cornéen
29 : Chambre antérieure
30 : Chambre postérieure
37 : Cornée
40 : Corps ciliaire
45 : Cristallin
63 : Fibres zonulaires
81 : Iris
88 : Ligament pectiné
97 : Muscle ciliaire
152 : Procès ciliaires
177 : Sinus veineux de la sclère
221 : Bande pigmentée
Figure 3 : Anatomie de l’angle irido-cornéen d’après Clerc (15).
b/Les voies d’écoulement de l’humeur aqueuse
L’angle irido-cornéen est l’espace délimité en avant par la région du limbe (cornée et
sclère) parcourue par le plexus veineux de la sclère et en arrière par le corps ciliaire et al
racine de l’iris. L’angle est en partie comblé par un tissu d’aspect spongieux composé de
fibres qui rayonnent en éventail de la cornée vers la sclère, le fond de l’angle et l’iris. Ces
fibres sont divisées en ligament pectiné et en réseau trabéculaire.
Examiné en microscopie électronique à balayage sous une incidence gonioscopique, le
ligament pectiné apparaît composé de fibres longues et fines, le plus souvent non bifurquées,
tendues de la base de l’iris à la périphérie de la cornée. Leurs attaches cornéennes sont
cylindriques et à égales distances tandis que leurs ancrages sur l’iris s’étalent en delta. Ce
ligament contient lui-même deux rangées de fibres. Une rangée principale est tournée vers la
chambre antérieure et va de la portion périphérique de l’iris vers la terminaison de la
membrane de Desmet (lame limitante postérieure de la cornée). Une rangée accessoire, placée
derrière la précédente, s’attache à distance sur la racine de l’iris mais rejoint la rangée
principale avec laquelle ses insertions cornéennes sont souvent fusionnées. Ces fibres sont
plus fines que celles de la rangée principale.
Le réseau trabéculaire, situé derrière le ligament pectiné, il comprend deux portions :
uvéale et cornéo-sclérale. La partie uvéale est un feuillet percé de nombreux trous, larges, à
orientation radiaire. Il est tendu de la base des corps ciliaires à la région du limbe cornéen où
ses insertions se ramifient avec celles du ligament pectiné. La partie cornéo-sclérale est une
mince lame appliquée contre la face interne du limbe cornéen et perforée de multiples trous
microscopiques.
Le plexus veineux scléral est un ensemble de deux à quatre vaisseaux parallèles reliés
par de nombreuses anastomoses, logés dans l’épaisseur de la sclère juste derrière le limbe. Il
déverse son contenu mixte (sang et humeur aqueuse) dans la circulation générale par un
40
minimum de quatre grosses veines qui partent en arrière du plus gros de ses vaisseaux et se
dirigent vers les veines vorticineuses (14).
Figure 4 : Flux de l’humeur aqueuse d’après Slatter (42)
2/Glaucomes primaires (28)
L’augmentation de pression intraoculaire à pour origine une résistance à l’écoulement
de l’humeur aqueuse au travers de la fente ciliaire de l’angle irido-cornéen. Certaines races de
chiens sont prédisposées au glaucome par diverses anomalies des différentes régions de
l’angle irido-cornéen.
Le glaucome primaire peut être du soit à une anomalie constitutive du développement de
l’angle irido-cornéen, soit à une anomalie de fonctionnement d’un angle qui est
anatomiquement normal au début.
a/Goniodysgénésie et goniodysplasie
Toute goniodysgénésie par anomalie de mise en place d’une ou plusieurs structures du
ligament pectiné et du trabeculum durant la vie embryonnaire ou par défaut de résorption
mésenchymateuse post-natale (deux premières de la vie), est responsable d’une
goniodysplasie.
Ces anomalies anatomiques de l’angle irido-cornéen se rencontrent sous deux formes
distinctes :
- le mésoderme situé entre la base de l’iris et le limbe cornéo-scléral peut ne
pas s’être complètement résorbé. Le ligament, au lieu d’être pectiné, apparaît comme un
ligament plein percé de quelques trous pour l’écoulement de l’humeur aqueuse. Cette
anomalie peut concerner de 10% à 100% de la circonférence du globe. Elle atteint les deux
yeux et est décrite chez le Basset Hund, le Bouvier des Flandres, le Chihuahua, le Cocker
Spaniel, le Fox Terrier, le Husky Sibérien, le Samoyède, le Schnauzer Géant,
41
- la dysplasie du ligament pectiné, associée à une étroitesse inconstante
d’importance variable de l’angle irido-cornéen peut également être observée. Les fibres
ligamentaires sont de petite taille, certaines ne réalisant pas leur attache cornéenne. Le races
atteintes sont l’Akita Inu, le Beagle, le Caniche Nain et Toy, le Chihuahua, le Cocker
Américain, le Cocker Spaniel, l’Elkound Norvégien, le Fox Terrier, le Griffon Korthals, le
Husky Sibérien, le Samoyède, le Teckel et le Welsh Springer.
b/Goniodystrophie
Les chiens atteints de goniodystrophie ont un angle anatomiquement normal au début
puis il se ferme progressivement par accumulation de glycosminoglycanes (résistants à la
hyaluronidase) dans le trabeculum. Cette anomalie est due à un défaut de métabolisme des
cellules trabéculaires. Elle correspond au glaucome chronique à angle ouvert chez l’homme.
Elle se rencontre particulièrement chez le Beagle mais aussi chez le Caniche Nain et Toy,
l’Elkound norvégien et le Pinscher Nain.
Le tableau suivant résume l’épidémiologie des glaucomes primaires chez le chien.
42
GONIODYGENESIE=GONIODYSPLASIE
Dysplasie du
Angle étroit
Angle fermé
GLAUCOME
ligament
pectiné
Welsh Springer
Cocker
Races
Basset Hound,
Spaniel
Américain
Affectées
Chihuahua,
Akita,
Bouvier des
Basset Hound,
Flandres,
Schnauzer Géant, Beagle,
Chihuahua,
Cocker Spaniel,
Teckel,
Anglais,
Griffon Korthals,
Samoyède,
Cocker Spaniel
Fox Terrier,
Anglais,
Terre Neuve,
Caniche Toy,
Husky Siberien,
Elkound
Norvégien,
Husky Sibérien,
Fox Terrier,
(de 10 semaines
Cocker
Age
Bouvier: âge
à 10ans)
Américain : âge
d’apparition moyen 3 ans ½
moyen 6 ans
(de qq mois à 10
(de 3 à 9 ans)
ans)
GONIODYSTROPHIE
Angle ouvert
(exceptionnel)
Beagle,
Pinscher Nain,
Caniche Nain et Toy,
Elkound Norvégien,
(de 1 à 3ans)
Basset :âge moyen
1 an
(de 1 à 9 ans)
Evolution
Transmission
Atteinte bilatérale
avec décalage des
signes cliniques,
dans le temps.
Apparition aiguë,
évolution lente
avec parfois
iridocyclite
chronique
associée.
Crises
successives
transitoires par
fermeture
progressive de le
fente ciliaire :
collapsus associé
à l’étroitesse de
l’angle.
Aiguë ou
chronique.
Insidieuse et
progressive atteinte
bilatérale.
Prédisposition
raciale
Prédisposition
raciale
Autosomale
dominante
Autosomale récessive
Tableau 1 : Epidémiologie des Glaucomes
d’après Jégou (29)
43
3/Glaucomes secondaires (28)
De nombreuses pathologies intraoculaires peuvent conduire à l’obstruction (par des
cellules ou par des protéines inflammatoires) ou à la fermeture de l’angle irido-cornéen.
a/Glaucome secondaire à une luxation ou sub-luxation du cristallin
Le basculement, vers la chambre antérieure ou dans la région du vitré, du cristallin
peut provoquer une obstruction mécanique de l’angle irido-cornéen. En effet, que le cristallin
soit passé en chambre antérieure ou qu’il appuie sur la face postérieure de l’iris (en cas de
luxation postérieure), l’écoulement de l’humeur aqueuse se trouve perturbé. Si le cristallin
luxé se maintient dans l’ouverture pupillaire il conduit à un bloc pupillaire et au glaucome
secondairement.
En plus de la gène mécanique de la luxation, le cristallin peut entraîner du vitré adhérant à sa
capsule postérieure. La présence de vitré en chambre antérieur perturbe le flux d’humeur
aqueuse.
Les causes de luxation cristallinienne sont nombreuses.
Outre un traumatisme la luxation du cristallin est spontanée chez de nombreux chiens de
terrier (Fox terrier à poil dur et à poil lisse), chez l’Epagneul Breton, chez le Caniche Nain et
Toy. Cette prédisposition est héréditaire. Les deux yeux sont touchés. Elle correspond à une
fragilisation des fibres de la zonule qui sont dysplasiques ou ectopiques et se rompent.
Toute inflammation endoculaire chronique peut fragiliser les fibres de la zonule. Ainsi une
cataracte avec irido-cyclite chronique, une uvéite peuvent être à l’origine d’une luxation du
cristallin.
b/Glaucome secondaire à un processus inflammatoire
Lors d’uvéite antérieure de nombreux évènements peuvent gêner la circulation
normale et l’écoulement de l’humeur aqueuse. L’uvéite s’accompagne fréquemment de
myosis, d’augmentation de la viscosité de l’humeur aqueuse, de synéchies antérieures et
postérieures, d’œdème trabéculaire, de l’envahissement de la fente ciliaire(par des cellules
inflammatoires, du sang) qui gênent le flux et l’élimination de l’humeur aqueuse.
Dans le cas particulier où l’ouverture pupillaire est obstruée par des débris inflammatoires et
où des synéchies postérieures se sont formées sur le bord libre de l’iris, l’humeur aqueuse est
bloquée dans la chambre postérieure. L’iris est alors poussé vers l’avant : « iris bombé ». La
base de l’iris ferme ainsi la fente ciliaire.
c/Glaucome secondaire à un traumatisme
Outre l’inflammation endoculaire générée par les lésions des différentes structures
oculaires touchées, le traumatisme peut provoquer un hyphéma qui, en s’évacuant envahit la
fente ciliaire. Lors de traumatisme par un corps étranger perforant la constitution d’un
staphylome irien peut empêcher l’écoulement de l’humeur aqueuse vers la fente ciliaire.
44
d/Glaucome secondaire à une tumeur intraoculaire
Chez le chien les tumeurs intraoculaires touchent principalement le segment antérieur.
On rencontre essentiellement des tumeurs primitives de l’iris et des corps ciliaires (adénomes,
adénocarcinomes, mélanomes plus ou moins malins). Ce sont aussi des métastases de tumeurs
mammaires, rénales ou de lymphosarcomes.
Le volume occupé par ces tumeurs peut désorganiser les structures intraoculaires fermant
ainsi la fente ciliaire. Des cellules tumorales et inflammatoires peuvent également venir
envahir le trabéculum.
45
C/TRAITEMENTS
Selon le degré d’atteinte de l’œil, l’objectif du traitement peut être différent. Sur un
œil encore fonctionnel, il faut diminuer la P.I.O. de façon à la maintenir à une valeur
compatible avec le bon fonctionnement de la papille. Si la vision est irrémédiablement abolie,
il faut conserver au globe oculaire un aspect normal (si le propriétaire de l’animal souhaite
conserver un globe oculaire) et lutter contre la douleur.
1/Le traitement médical
Le traitement médical peut être envisagé comme un traitement d’urgence face à la
crise glaucomateuse (préalable à un traitement chirurgical permettant de conserver la vision).
Dans quelques rares cas de glaucome modéré à angle ouvert le traitement médical peut
s’avérer suffisant pour contrôler la P.I.O. . Pour une efficacité optimale, les quatre objectifs
suivants doivent être poursuivis conjointement : déshydrater les milieux intraoculaires, réduire
la sécrétion d’humeur aqueuse, en améliorer le drainage et lutter contre l’inflammation.
a/Déshydrater les milieux intra-oculaires
C’est le moyen le plus efficace pour obtenir une baisse rapide de le P.I.O. On utilise
des agents hyperosmotiques. Une augmentation rapide de l’osmolarité du plasma induit un
gradient de pression osmotique qui déshydrate d’humeur aqueuse et le vitré. Pour être
efficace, cet agent doit être de faible poids moléculaire, pénétrer lentement ou pas du tout
dans l’œil et demeurer extracellulaire (15). Les deux agents les plus utilisés mannitol et la
glycérine. Le mannitol est utilisé en perfusion intraveineuse à la dose de 1à 2 g/ kg. La PIO
baisse en 30 à 60 minutes. La glycérine (Glycérotone ®) est administrée per os à la dose de 1
à 2 g/kg, 2 à 3 fois par jour. Elle est moins efficace que le mannitol et son administration est
parfois difficile En outre elle n’est plus disponible sur le marché.
On utilise les agents hyperosmotiques pour traiter l’urgence de la crise glaucomateuse ainsi
qu’en per-opératoire lors de chirurgies fistulisantes ou d’exérèse d’un cristallin luxé.
b/Réduire la sécrétion d’humeur aqueuse
Réduire la production d’humeur aqueuse par les corps ciliaires participe au contrôle de
la P.I.O.. Pour cela 2 catégories de molécules sont disponibles: les inhibiteurs de l’anhydrase
carbonique et les bêtabloquants.
46
b-1/Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique
Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique sont les produits les plus utilisés pour
réduire la sécrétion d’humeur aqueuse. Leur mécanisme d’action repose sur l’inhibition de
formation de bicarbonates à partir de la combinaison du dioxyde de carbone avec les ions
hydroxyde, dans l’humeur aqueuse. L’acétazolamide (Diamox ®) inhibe 98 % de l’activité de
l’anhydrase carbonique. On l’utilise par voie intraveineuse à la posologie de 10 mg/kg (lors de
la crise glaucomateuse ou en médication per-opératoire). En relais, il peut s’utiliser par voie
orale à la dose de 5 à 7,5 mg/kg deux fois par jour. En traitement médical à long terme il peut
favoriser l’acidose métabolique hypokaliémie. Il est contre-indiqué chez les insuffisants
rénaux. Pour contourner ces effets secondaires gênants on peut employer en instillations
locales un collyre au dorzolamide (Trusopt collyre ®). D’autres inhibiteurs de l’anhydrase
carbonique, le métazolamide et le dichlorphénamide, engendrent moins de d’effets
secondaires mais ne sont pas disponibles sur le marché.
b-2/Les bêtabloquants
Les bêtabloquants, en instillations locales, permettent de réduire la sécrétion active
d’humeur aqueuse. Le maléate de timolol (Timoptol collyre 0,5 % ®) est le plus couramment
utilisé. Administré 3 fois par jour son effet, bien que limité à une baisse de PIO de quelques
mmHG, s’additionne à celui de l’acétazolamide.
c/Améliorer le drainage de l’humeur aqueuse
c-1/Améliorer le drainage de l’humeur aqueuse par l’angle irido-cornéen
Les collyres myotiques tendent à ouvrir l’angle irido-cornéen et le trabéculum. Ils
provoquent également une vasodilatation de l’iris. Le drainage de l’humeur aqueuse s’en
trouve facilité. Ils ne sont actifs qu’après une baisse de PIO préalablement obtenue avec
d’autres médicaments car l’hypertension paralyse le muscle sphincter de l’iris (28).
On utilise des parasympathomimétiques directs d’origine naturelle comme la
pilocarpine à 1 ou 2 %, instillée tous les quarts d’heure ou un parasympathomimétique
indirect synthétique l’acéclidine (Glaucostat®). Ces produits sont contre-indiqués dans les
états inflammatoires de l’iris.
c-2/Améliorer le drainage uvéo-scléral de l’humeur aqueuse
En plus de l’écoulement par la fente ciliaire, une partie (15 % chez le chien, 3 % chez
le chat) de l’humeur aqueuse est drainée par voie uvéo-sclérale. Ce drainage est indépendant
de la P.I.O. (19). Le latanoprost (Xalatone collyre ®) est une prostaglandine relâchant le
muscle ciliaire ce qui augmente le drainage uvéo-scléral. Il s’utilise à la dose de 1 goutte par
jour et son emploi est contre-indiqué lors d’utilisation conjointe de parasympathomimétiques
et lors d’inflammation oculaire (l’œil, étant déjà inondé de PGF2α).
47
d/Lutter contre l’inflammation
Lors de glaucome aigu, l’inflammation endoculaire, qu’elle soit primaire ou
secondaire est toujours présente. Un traitement anti-inflammatoire est justifié que ce soit par
voie locale et/ou systémique.
2/Le traitement chirurgical
La chirurgie s’impose quand le traitement médical seul ne peut contrôler
l’hypertension. Le traitement chirurgical de la crise glaucomateuse peut être étiologique, par
exemple l’exérèse d’un cristallin luxé permet de libérer l’angle irido-cornéen. En dehors de ce
cas l’indication chirurgicale dépend moins de l’étiologie du glaucome que du pronostic
fonctionnel de l’œil atteint.
En effet, quand le pronostic fonctionnel de l’œil est favorable (vision conservée ou
récupérable) les techniques chirurgicales de choix sont celles permettant d’améliorer le
drainage de l’humeur aqueuse. Ce sont les chirurgies dites fistulisantes.
En revanche, lors de glaucome chronique au stade terminal, la rétine et la papille étant
irrémédiablement lésées, le but du traitement est la suppression de la douleur. Dans ce but
deux solutions s’offrent au chirurgien : les techniques ne conservant pas l’intégrité de la
structure du globe et les techniques supprimant la production d’humeur aqueuse par
destruction des corps ciliaires. Les techniques ne conservant pas l’intégrité du globe sont
l’énucléation (très satisfaisante pour le confort de l’animal mais parfois inacceptable pour le
propriétaire) et la pose d’une prothèse intra sclérale (bille de silicone) après éviscération du
contenu de la sclère. Ces deux techniques fiables et faciles à réaliser ne seront pas décrites ici,
n’étant pas spécifiques du glaucome. Elles témoignent par ailleurs de l’échec complet de la
thérapeutique anti-glaucomateuse entreprise.
Les techniques de destruction des corps ciliaires comprennent la cryocoagulation, la
photocoagulation et la destruction chimique par la gentamicine.
a/Techniques fistulisantes
Comme le glaucome résulte d’un drainage défectueux de l’humeur aqueuse, il semble
logique que les méthodes chirurgicales visent à le rétablir. Cependant il est difficile de
transposer les résultats obtenus chez l’homme. Les résultats sont très irréguliers et les
complications possibles sont l’hyphéma (fréquent dès que l’iris est impliqué) une hypotension
persistante ou, au contraire, une PIO élevée incontrôlée.
Ces chirurgies peuvent être pratiquées avec ou sans matériel de synthèse. Parmi les
techniques n’employant pas de matériel prothétique exogène on trouve : l’iridencléisis, la
cyclodialyse, la trépanation cornéo-sclérale, la trabéculectomie et la cyclorétraction. Cette
liste, non exhaustive, est celle des méthodes décrite par Jégou (28).
•
L’iridencléisis consiste à amener une section de l’iris dans l’espace sous
conjonctival en le fixant à un bord de la plaie sclérale. Cette chirurgie peut être
associée à une cyclodialyse. La cyclodialyse est la création d’une fistule entre la
chambre antérieure et l’espace supra-irido-ciliaire. Sous un volet scléral à
48
charnière limbique, une section de l’iris est détachée depuis son bord libre jusqu’à
la périphérie puis suturée à la face externe de la sclère au moyen d’un fil
résorbable 6/0 (19). Les complications immédiates sont l’hémorragie (par
déchirement de l’iris ou lors de la cyclodialyse), l’issue de vitré éventuellement
accompagnée d’un décollement de rétine (si la sclérotomie est trop postérieure).
L’installation d’une cataracte ou la luxation du cristallin peuvent faire suite à des
manipulations endoculaires indélicates. A long terme, une cicatrisation avec
fibrose du volet scléral est à craindre, conduisant à une récidive de l’augmentation
de P.I.O. Ces complications sont communes à toutes les techniques de fistulisation.
•
La trépanation cornéo-sclérale permet le drainage de l’humeur aqueuse de la
chambre postérieure jusqu’à l’espace sous-conjonctival. Pour ce faire on associe
une ouverture cornéo-sclérale à une iridectomie périphérique. Une fois la
trépanation sclérale réalisée, l’iris tend à se déplacer vers le site de trépanation, ce
qui permet de le saisir et de pratiquer l’iridectomie. Il convient de ne pas
endommager le cercle artériel de l’iris. Si une hémorragie survient elle peut être
contrôlée par des lavages répétés de la chambre antérieure au sérum physiologique
ou par utilisation d’adrénaline (15).
•
La trabéculectomie (qu’il conviendrait de nommer trabéculo-sclérectomie) est une
intervention à fistulisation protégée. Sous un volet conjonctival à charnière
limbique, un volet scléral lamellaire est pratiqué. Sous ce dernier on excise une
portion de trabeculum. Après une iridectomie périphérique, la suture du volet
scléral protège la fistule (28). Le résultat post-opératoire immédiat est satisfaisant
mais la cicatrisation exubérante de l’orifice ainsi créé entraîne immanquablement
une remontée de P.I.O. (15).
•
La cyclorétraction est une opération plus complexe au cours de laquelle une
trabéculectomie et une iridectomie périphérique sont réalisées sous un volet scléral
disséqué en 2 plans. Le plan profond est divisé en 3 lambeaux (à charnière
limbique), seul le lambeau central est retiré, les 2 lambeaux latéraux sont glissés
entre la cornée et l’iris, le volet scléral externe protégeant la fistule.
Les voies d’écoulement artificielles de l’humeur aqueuse peuvent aussi être établies
par du matériel exogène. Divers dispositifs de valves ou de tubulure ont été essayés. Il
permettent également de drainer l’humeur aqueuse depuis la chambre antérieure jusqu’à
l’espace sous-conjonctival où elle est maintenue en place par un volet suturé à la sclère. En
post-opératoire immédiat, une hypotonie marquée peut survenir et pourrait être évitée par
l’utilisation de valves unidirectionnelles baro-sensibles
La complication majeure de ces techniques de fistulisation réside dans la cicatrisation
exubérante et la fibrose de la voie de drainage créée. Il s’ensuit une remontée de la P.I.O. dans
les 2 à 6 mois post-opératoires. Cette tendance à la prolifération des fibroblastes est beaucoup
plus marquée chez le chien que chez l’homme.
Dans le but de pallier à cet échec, des agents inhibant la fibrose ont été essayés, comme le
5-fluoro-uracile en injections répétées ou bien la mitomycine C. La mitomycine C réduit la
synthèse fibroblastique in vitro et in vivo. Bien que le traitement du site de filtration en peropératoire, par une application de cinq minutes de mitomycine C réduise la fibrose du tissu
conjonctif, cela n’a pas conduit à une réduction significative de P.I.O. ou à un écoulement
facilité d’humeur aqueuse (19).
49
b/Techniques visant à réduire la production d’humeur aqueuse
La baisse ou la suppression de production d’humeur aqueuse est obtenue par la destruction
des corps ciliaires. Elle peut se faire au moyen d’un agent chimique (la gentamicine), par
l’utilisation de rayonnement laser ou bien par l’utilisation du froid.
b-1 L’injection intra-vitréenne de gentamicine
La gentamicine, antibiotique de la famille des aminoglycosides, introduite dans le
vitré, possède une activité toxique qui s’exerce sur toutes les structures oculaires. La dose
communément employée se situe autour de 15 à 20mg.
L’animal, tranquillisé ou sous anesthésie légère, est placé en décubitus latéral, l’œil à
traiter en position superficielle. Après une instillation d’anesthésique local en collyre, on
ponctionne la chambre antérieur au niveau du limbe et on aspire un volume d’humeur aqueuse
équivalent à celui de gentamicine à injecter. Cela diminue la P.I.O. et facilite l’injection de
gentamicine par voie trans-sclérale, l’aiguille étant plantée 8mm en arrière du limbe. Cette
méthode, simple et peu coûteuse, est à réserver à des yeux non fonctionnels. En effet, la
toxicité de la gentamicine pour les structures intraoculaire s’exerce sur la rétine à des doses
bien inférieures à celles utilisées lors du traitement du glaucome (17).
La dose de gentamicine des situe aux alentours de 20mg. Bingawan (06) constate que
des animaux traités avec une dose supérieure à 20mg de gentamicine ont une P.I.O. postinjectionnelle significativement plus basse que ceux traités avec moins de 20mg . Cependant
l’absorption systémique de gentamicine après injection intra-vitréenne est à prendre en
considération. En effet beaucoup de patients de petite taille sont susceptibles de dépasser la
dose quotidienne recommandée (4.4mg/kg). De même, chez des patients dont la fonction
rénale est altérée, la sensibilité aux effets néphrotoxiques des aminoglycosides est augmentée.
Ainsi les doses de gentamicines de plus de 20mg sont à réserver aux patients ayant une forte
P.I.O. et dont l’état général le permet. Il est intéressant d’associer à cette procédure une
thérapeutique anti-inflammatoire. Si l’association de corticoïdes n’est pas nécessaire à la
réussite du traitement (06) un traitement anti-inflammatoire permet de diminuer la douleur et
la réaction inflammatoire dans les jours qui suivent l’injection. Le protocole retenu par Clerc
(17) consiste en une injection systématique d’anti-inflammatoire non stéroïdien (A.I.N.S.) par
voie intra-musculaire avant l’injection de gentamicine. L’administration d’A.I.N.S. étant
maintenue pendant 5jours après l’intervention. De même pour limiter l’inflammation postinterventionnelle il convient d’employer de très fines aiguilles (24G) tant pour ponctionner
l’humeur aqueuse que pour injecter la gentamicine, ce qui permet de limiter le traumatisme
subi par un œil déjà très enflammé. Il est également préférable d’injecter un faible volume de
gentamicine. Pour cela Clerc préconise l’emploie de préparations commerciales très
concentrées en antibiotique (80mg/ml).
Les résultats de cette technique sont les suivants :
• pour Bingawan, l’injection inta-vitréenne de gentamicine offre un taux de réussite
de 65% avec comme critère de réussite une P.I.O. post interventionnelle stable à
moins de 25mmHg (06),
• pour Clerc, les critères d’évaluation comprennent l’aspect de l’œil, l’absence de
douleur spontanée et la nécessité de l’emploi de collyres anti-inflammatoires. Il
obtient, sur les 48 cas suivis, 33 résultats satisfaisants et 13 cas non satisfaisants ,
plus de trois mois après l’injection (17).
50
Parmi les complications, la cataracte (conséquence de la toxicité de la gentamicine pour le
cristallin) est apparue sur tous les yeux. Une autre complication possible est l’hémorragie
intraoculaire. Elle peut être directement liée à l’action traumatique de l’aiguille ou bien à la
toxicité de la gentamicine pour l’uvée.
b-2/La photocoagulation (19)
La photocoagulation trans-sclérale est une méthode pour réduire la production
d’humeur aqueuse par destruction partielle des corps ciliaires. Le principe est comparable à
celui de la cryocoagulation, cependant la photocoagulation trans-sclérale a l’avantage
d’induire des lésions focalisées plus importantes avec potentiellement moins d’effets sur les
tissus sains et moins de complications. L’énergie laser produit des effets thermiques aussi
bien que photodisruptifs selon la longueur d’onde, l’intensité et la durée d’action. Les
composants actifs du laser déterminent la longueur d’onde du rayonnement. Les lasers
ophtalmologiques utilisent l’argon, le krypton et le néodymium avec une diode semiconductrice contenant gallium, arsenic et aluminium (laser Nd:YAG) Les effets tissulaires
escomptés sont le fait de l’hyperthermie. Les tissus chargés en mélanine absorbent
préférentiellement cette énergie, ce qui conduit à une photocoagulation nécrosante. Les tissus
uvéaux des chiens sont en règle générale biens pigmentés, ce qui leur confère une grande
sensibilité au traitement laser. Les facteurs influant sur l’effet biologique du laser incluent la
transmission par la sclère (fonction de la longueur d’onde et de l’indentation sclérale), la
distance de la source laser au tissu cible (rayonnement appliqué avec ou sans contact), la
durée d’application et le niveau énergétique.
Histologiquement, on constate une coagulation nécrosante ainsi qu’une rupture
cellulaire. A 100°C, la vaporisation des fluides intra et extracellulaires survient, accompagnée
d’une onde de choc audible indiquant la rupture cellulaire. Elle est cliniquement identifiée par
le son «Pop» durant la procédure. Plutôt que d’appliquer le laser avec une intensité fixe, on
ajuste le niveau énergétique de manière à produire le son «Pop» sur environ 20% des sites
traités. Lors du traitement par contact, la sonde est appliquée directement sur la conjonctive,
perpendiculairement à la surface de la du globe, à 3 ou 4mm en arrière du limbe. On applique
une pression sur la sonde, de façon à créer une certaine indentation de la sclère. Le traitement
par contact requiert un niveau énergétique plus faible que lors de traitement à distance de la
sclère.
Les animaux, sous anesthésie légère, ont reçu une injection d’A.I.N.S. au préalable. La
procédure nécessite 15 à 20 minutes. Le protocole couramment utilisé prévoit 35 sites de
traitement régulièrement espacés sur la circonférence du globe, en évitant toutefois les
applications à 3h et 9h (position des artères ciliaires postérieures longues). Comme le laser
interagit avec la mélanine, on évite les zones pigmentées de la conjonctive. Une hypertonie
oculaire immédiate ( jusqu’à 50 ou 60 mmHg) est fréquemment observée. Elle est évitée par
une paracentèse de la chambre antérieure. On laisse l’humeur aqueuse s’écouler librement au
travers d’une aiguille jusqu’à obtenir une hypotonie mesurée à 10mmHg. On administre une
injection sous-conjonctivale de 2 à 4mg de triamcinolone et la P.I.O. fait l’objet d’un suivi
régulier pendant 7 à 10 jours. Une thérapeutique anti-glaucomateuse adjuvante est mise en
place et maintenue jusqu’à une semaine après retour à un œil normo-tensif. Les complications
de traitement laser comprennent l’hémorragie intraoculaire, le décollement de rétine, la
cataracte , l’ulcération cornéenne et la persistance de l’hypertonie. En cas d’échec la
procédure peut être renouvelée pour normaliser la P.I.O. Il faut noter un amincissement de la
sclère persistant au niveau des sites de traitement. Les animaux à iris peu pigmenté requièrent
des traitements plus intenses et répétés et présentent un taux de récidive plus important. Avec
51
un taux de réussite de 50à 60% à court et moyen terme (2mois), la photocoagulation transsclérale est comparable aux autres méthodes de traitement du glaucome.
b-3/La cryocoagulation
La cyclocryothérapie, traitement anti-glaucomateux, est probablement la technique
cryochirurgicale la plus utilisée en ophtalmologie vétérinaire. Le gel des corps ciliaires détruit
la vascularisation fine ainsi que leur épithélium (sécrétant l’humeur aqueuse), tout en
épargnant les structures adjacentes. Cela conduit à une baisse de P.I.O. Cette technique, non
invasive, peut être répétée si nécessaire et s’applique au glaucomes chroniques à angle ouvert,
au yeux buphtalmes et aux glaucomes non contrôlés par les traitement médicaux.
Dans le but d’obtenir une congélation efficace qui détruira de manière sélective
l’épithélium du corps ciliaire, il convient que le diamètre de l’extrémité de la sonde avoisine
les 4mm et que sa forme soit circulaire ou oblongue avec une surface de contact plane (36).
La cryode est appliquée par voie trans-sclérale, environ 4 mm en arrière du limbe en regard
des corps ciliaires.
Les corps ciliaires doivent être portés à une température de –20°C à –25°C. On laisse
le site se réchauffer sans aide extérieure. Ces applications sont répétées sur toute la
circonférence ou demie-circonférence du globe sur 4 à 8 sites suivant les auteurs. Les
modalités opératoires sont assez variables, mais plusieurs auteurs s’accordent sur le fait que la
durée d’application, le nombre de points traités et la répétition de chaque application
dépendent de la sévérité du glaucome et des habitudes du chirurgien (43).
Certains (37) préconisent une thérapeutique médicale anti-glaucomateuse
préopératoire.
L’animal est anesthésié pour une courte durée, les paupières étant maintenues par un
blépharostat. Certains (47,08) pratiquent une canthotomie latérale pour faciliter l’abord
chirurgical.
En postopératoire immédiat, on constate une conjonctivite importante avec un
chémosis et une hyperhémie. On a recours à des anti-inflammatoires stéroïdiens par voie
locale et/ou générale. Une augmentation transitoire de la P.I.O. est souvent constatée en
postopératoire immédiat. Elle peut nécessiter l’administration de d’anti-glaucomateux. Les
complications incluent la récidive du glaucome, l’uvéite, l’hémorragie intra oculaire, la
cataracte, le décollement de rétine et le phtisis bulbi.
Selon certains auteurs (43) la cyclocryothérapie est le traitement de choix du glaucome
aigu de moins de 36 heures. L’animal est alors hospitalisé de façon à faire rapidement
diminuer la PIO et l’inflammation quand l’œil est stabilisé, dans les 4 à 12 heures, on procède
à la cyclocryothérapie. La PIO postopératoire est étroitement surveillée et des antiglaucomateux et anti-inflammatoires sont administrés au besoin. Si, après 36 heures, la PIO
reste toujours supérieure à 25 mm Hg, on répète la procédure.
La cryothérapie est une méthode de traitement applicable à tout type de glaucome
d’autant plus que l’animal nous est souvent présenté au stade terminal de l’évolution du
glaucome. L’étiologie, qui ne peut pas toujours être déterminée lors de la consultation,
importe peu dans la décision d’entreprendre une cryothérapie. En effet, quelle que soit la
pathologie d’origine, les yeux à traiter ont atteint une configuration commune ; c'est-à-dire
une destruction de l’anatomie normale de l’angle irido-cornéen et du globe dans son
ensemble. Cependant il faut faire une exception pour les glaucomes secondaires à une tumeur
intra-oculaire qui eux relèvent de l’énucléation.
52
53
Troisième partie : ETUDES CLINIQUES DE CRYOTHERAPIE
DES CORPS CILIAIRES
La cryothérapie des corps ciliaires vise à diminuer la production d’humeur aqueuse en
provoquant une fibrose induite par le froid des cellules de l’épithélium ciliaire. L’objectif de
la cryothérapie n’est pas selon Robert et Severin (37) de conduire à une nécrose massive du
tissu cible mais de créer des zones focales d’atrophie et de fibrose au sein de l’épithélium des
corps ciliaires.
Si les modalités opératoires varient d’un auteur à l’autre, l’intervention consiste toujours à
appliquer de très basses températures sur 4 à 8 points de la sclère, à 3 à 5 mm en arrière du
limbe, en regard des corps ciliaires.
Ce chapitre a pour but de décrire différents protocoles opératoires et leurs résultats.
A/ ETUDES PORTANT SUR DES YEUX CLINIQUEMENT SAINS
Ces études n’ont pas pour objectif d’évaluer la cryothérapie en tant que méthode de
traitement des glaucomes dans l’espèce canine. En revanche, elles s’intéressent aux effets
obtenus sur l’œil, à savoir la température atteinte par les corps ciliaires, les variations de
P.I.O., les effets secondaires cliniquement visibles ainsi que les effets histologiques induits.
1- Etude de la température atteinte par les corps ciliaires
La température atteinte par les corps ciliaires n’est pas celle de la sonde appliquée par
voie trans-sclérale. Il est important de connaître la température atteinte au niveau des corps
ciliaires pour déterminer si on obtient ou non l’effet recherché à savoir la cryonécrose des
cellules épithéliales des corps ciliaires.
a/Robert et al 1984 (cyclocryothérapie part I) : Évaluation d’un système à
azote liquide (37)
L’objet de cette étude est d’évaluer les températures produites sur les corps ciliaires et
les procès ciliaires lors de procédures de cryothérapie à l’azote liquide.
54
a-1/Matériel et méthode
Dix chiens adultes, cliniquement sains du point de vue ophtalmologique, ont subi, sous
anesthésie générale une cryothérapie. Le dispositif utilisé est un vase Dewar libérant le
cryogène (azote liquide) au travers d’une sonde de cuivre de 2,5x6,5x58 mm. La température
à l’extrémité de la sonde, atteinte en 15 secondes, se maintient à -185°C.
Deux techniques opératoires sont employées :
•
•
1ère technique : on laisse la sonde, placée sur la sclère, en regard des corps
ciliaires, jusqu’à ce que la boule de glace s’étende et pénètre de 1 mm dans
la cornée, en avant du limbe.
2ème technique : le positionnement de la sonde est identique mais on
maintient la cryosonde pendant 30 secondes sans se préoccuper de
l’étendue de la boule de glace.
Les températures (suivies au moyen d’un thermocouple) sont relevées au début et à la
fin de chaque congélation. Le réchauffement s’effectue sans aide extérieure jusqu’à ce que la
cryode se détache de la conjonctive. Les températures de réchauffement sont notées toutes les
30 secondes pendant 180 secondes. La durée de latence du détachement de la cryode a
également été notée.
a-2/Résultats
Avec la 1ère technique, les températures les plus basses sont -10,42°C pour les corps
ciliaires et -3,37°C pour les procès ciliaires. Avec la 2ème technique (congélation pendant 30
secondes) ces températures sont respectivement de -23,23°C et de -8,85°C. La 2ème technique
produit donc des températures plus basses que celles obtenues avec la 1ère technique
(congélation jusqu’à 1 mm dans la cornée) tant au niveau des corps ciliaires que des procès
ciliaires. Le temps de détachement lors du réchauffement spontané des cryodes est plus long
avec la 2ème technique. De même, les températures à 180 secondes de réchauffement sont
significativement différentes pour les deux techniques.
a-3/Discussion
L’intérêt de cette étude est d’envisager la température du tissu cible et non celle de la
sonde, comme c’est souvent le cas. Or il y a une différence entre le température de la sonde et
celle des tissus adjacents. La distribution des températures notées ici n’atteint pas les -20°C à
-30°C nécessaires à la cryonécrose. Ces températures plus chaudes semblent néanmoins être
suffisantes pour altérer la production d’humeur aqueuse. Une cryonécrose massive des tissus
est à éviter. Un refroidissement rapide (produisant des cristaux de glace intra-cellulaires)
jusqu’à -13°C est souhaitable.
55
b/Vestre et Brightman 1983 (Températures des corps ciliaires lors de la
cyclothérapie chez le chien sain) (47)
Après une étude préliminaire in vitro, permettant de choisir une unité cryochirurgicale,
l’objectif de cette méthode est de déterminer les températures des corps ciliaires lors de
cyclocryothérapie.
b-1/Matériel et méthode
Chez trente-trois chiens dont l’examen ophtalmologique est normal, après anesthésie
générale, on injecte 0,005 ml d’encre à tatouer à 12 h, 1 à 2 mm en arrière du limbe, comme
point de repère. Un thermocouple est inséré après canthotomie. On applique une cryode,
portée à une température de -70°C à -85°C, pendant 5 minutes.
Dix huit chiens sont traités avec l’œil en position physiologique, sept chiens après
protrusion du globe et huit servent de témoin.
Les températures des corps ciliaires sont relevées toutes les 15 secondes pendant 5
minutes.
Les chiens sont euthanasiés 5 minutes après la cryochirurgie (un d’entre eux), une
semaine plus tard (huit chiens), un mois post-opératoire (six chiens) et 6 mois post-opératoire
(six chiens).
b-2/Résultats
On ne note pas de différence significative de température entre les yeux en position
physiologique et ceux en protrusion. La température moyenne, avant cryothérapie, au niveau
des corps ciliaires est de 27,7°C et la température la plus froide atteinte par les corps ciliaires
est de -13,6°C. Il a fallu 120 secondes pour les globes en protrusion et 165 secondes pour les
yeux en position physiologique pour atteindre la température considérée comme essentielle
pour la destruction cellulaire (-10°C). Cette différence se révélant statistiquement non
significative.
b-3/Discussion :
Après 5 minutes de congélation, avec une sonde portée à -70°C à -80°C, la
température des corps ciliaires n’atteint pas les -20°C nécessaires à la cryonécrose. En effet,
après une baisse rapide de la température, au bout de 120 à 130 secondes, la température des
corps ciliaires se maintient à -13°C pendant 5 minutes, cela en raison du pouvoir isolant des
structures oculaires environnantes et du flux sanguin uvéal. Lors du traitement du glaucome,
une cryonécrose massive n’est pas nécessaire, il suffit d’atteindre suffisamment les procès
ciliaires pour contrôler la P.I.O. tout en préservant l’intégrité du globe. Par conséquent, une
température de -10°C à -13°C semble adéquate pour le traitement du glaucome.
La protrusion du globe pour optimiser le refroidissement est apparue inutile. La baisse
du flux sanguin uvéal attendu n’a pas conduit à des résultats significativement différents par
rapport à ceux laissés en position physiologique.
56
2- Étude portant sur la P.I.O., les effets secondaires cliniques et les
modifications histologiques (48)
Cette étude de Brigthman et Veste a pour but d’étudier la cyclocryothérapie sur l’œil
du chien et de développer un mode opératoire qui pourrait être établi sur la base d’une
épreuve clinique. Dans le détail, les objectifs sont les suivants :
- évaluer les effets de la durée d’application du cryogène, de la position (physiologique
ou protruse) du globe oculaire et de la re-congélation sur des yeux cliniquement sains,
- suivre les modifications cliniques oculaires pendant six mois post-opératoires,
- évaluer les modifications tissulaires et histologiques après cyclocryoapplication,
- établir des recommandations quant à l’utilisation de la cryothérapie.
a/Matériel et méthode
La procédure est menée sur trente-trois chiens, ne présentant pas de pathologie
ophtalmologique et sous anesthésie générale.
Les points de cryocoagulation sont repérés à l’aide d’une injection de 0.005 ml d’encre
à tatouer, à 4 mm en arrière du limbe, en six points régulièrement espacés. En regard de
chacun de ces points de repère, après canthotomie, on pratique la cryoapplication selon quatre
modalités différentes :
- congélation pendant 1 min,
- congélation pendant 2 minutes,
- double congélation de 1 minute avec réchauffement spontané entre chaque
application,
- cryoapplication pendant 2 minutes avec le globe maintenu en protrusion.
La cryoapplication s’effectue au moyen d’une cryosonde maintenue à une température
de -75°C à -85°C. Les chiens sont ensuite euthanasiés : 11 dans les 5 minutes postopératoires, 8 chiens 1 semaine après, 8 chiens 1 mois post-opératoire et 6 chiens 6 mois plus
tard. Les yeux sont prélevés et mis dans un milieu de conservation pour subir un examen
anatomo-pathologique
b/Résultats
b-1/Pression intra-oculaire
La P.I.O. est mesurée au tonomètre de Schiotz’s, à une semaine, un mois et six mois
post-opératoire. Ces résultats sont comparés à la PIO pré-opératoire.
Pour chacune des quatre modalités de traitements, la baisse de PIO est significative à une
semaine et à un mois. A six mois, bien que cela ne soit pas significatif, la PIO est inférieure à
la PIO pré-opératoire. On ne note pas de différence significative entre les quatre techniques
employées.
57
b-2/Effets secondaires du traitement cryochirurgical
Ces effets secondaires sont survenus dans chacun des quatre groupes de traitement, ils
sont mis en évidence par un examen ophtalmologique complet des animaux avant euthanasie.
Les effets secondaires répertoriés dans cette étude sont :
- des décollements de rétine,
- des chémosis,
- des conjonctivites,
- des élévations transitoires de PIO,
- des uvéites,
- des dépigmentations de l’iris,
- l’apparition de tissu de granulation sur la cornée.
™ Les décollements de rétine
Ils concernent 14 chiens sur 22. Leur gravité va de simples décollements localisés jusqu’à un
détachement complet de la rétine. Ils sont détectés de un à quatre jours post-opératoires et
semblent se résorber en 10 à 20 jours. Cependant des zones de dégénérescence de rétine
laissent place à des décollements. L’étude n’a pas mis en évidence de corrélation entre les
décollements rétiniens et la procédure employée.
™ Les chémosis et la conjonctivite
Ils affectent tous les chiens à des degrés divers. On les rencontre dans les quatre groupes de
traitement, et, par ordre décroissant de sévérité, parmi les chiens ayant subi une double
congélation, ceux ayant subi une cryoapplication de deux minutes, ceux dont le globe oculaire
était maintenu en protrusion pendant l’intervention et enfin ceux ayant subi 1 minute de
cryoapplication. La conjonctivite persiste 7 à 10 jours chez les chiens les plus atteints et
rétrocède après 3 à 4 jours chez les animaux les moins affectés.
™ L’élévation transitoire de PIO
Elle se distribue de la façon suivante. Sur 22 chiens dont on a suivi les variations de PIO, 5
ont eu une élévation de PIO immédiate qui a perduré pendant 2 jours pour 3 chiens et 3 jours
pour un sujet. Ces chiens avaient subi une soit une cryoapplication de 2 minutes (1 chien), soit
une cryoapplication avec protrusion du globe (2 chiens), soit une double congélation (2
chiens). La P.I.O. post-opératoire la plus haute était de 37,2 mmHg. Elle fut repérée sur2
chiens.
™ L’uvéite
Elle est rencontrée chez tous les chiens et tous expriment un certain inconfort (se manifestant
par un blépharospasme et de l’épiphora). Trois chiens parmi les vingt deux ont manifesté une
réelle douleur. Dans tous les cas ces signes ont rétrocédé en 7 jours. On a relevé la présence
d’un dépôt de fibrine dans la chambre antérieure de 8 yeux, se résorbant en 7 à 10 jours. Sur
plusieurs chiens, l’examen final avant euthanasie révèle la présence de dépôt de fibrine sur la
capsule antérieure du cristallin. Les chiens ayant présenté les signes d’uvéite les plus sévères,
avaient de petites zones hémorragiques au sein de l’iris. Ces zones se résorbaient en 10 jours.
Cinq chiens parmi les 22 ont présenté un hyphéma post-opératoire.
58
™ La dépigmentation partielle de l’iris
Elle a atteint des chiens appartenant aux différents groupes de traitement. La perte de
pigmentation s’étend de façon centripète sur 1 à 2 mm à partir de la base de l’iris. On n’a pas
noté de corrélation avec l’une ou l’autre des techniques, et, l’étendue de l’aire dépigmentée
était différente pour chaque point de congélation sur le même œil. Chez quelques chiens on a
noté une atrophie de l’iris dans cette zone et une raréfaction des fibres du ligament pectiné.
™ L’apparition d’un tissu de granulation
Il a envahi la zone centrale de la cornée de deux chiens, ne s’étendant pas jusqu’à la zone
soumise à l’application de froid.
b-3/Evaluation histologique
Tous les yeux prélevés après euthanasie ont fait l’objet d’un examen histologique.
™ Groupe des 11 chiens euthanasiés 5 min post-opératoires
On note (sans distinction entre les différents traitements) un œdème et de petites hémorragies
sous conjonctivales chez 5 chiens, et la présence de granulocytes éosinophiles dans la
chambre antérieure. Tous les yeux présente un œdème de la choroïde avec accumulation
d’exsudat sous rétinien, ce qui provoque un décollement de rétine.
™ Groupe des 8 chiens euthanasiés 1 semaine post-opératoire
L’examen histologique des yeux révèle la présence de flammèches de fibrine dans la chambre
antérieure surtout chez ceux ayant subi une congélation de 2 min, ainsi que chez ceux dont
l’œil était maintenu en protrusion et dans une moindre mesure chez ceux ayant subi la double
congélation. Des granulocytes sont présents dans l’angle irido-cornéen des chiens des groupes
« 2 minutes de congélation » et « double congélation ». L’iris n’est pas modifié pour les yeux
congelés pendant 1 min mais dans les autres groupes de traitement, il souffre d’œdème et
d’exsudation. Les globes en protrusion présentent même de petites hémorragies au sein du
stroma irien. Pour tous les yeux l’œdème choroïdien est évident mais l’exsudat est moins
abondant que dans les cinq minutes post-opératoires.
Les globes en protrusion présentent des amas protéiques dans la choroïde. Les décollements
de rétine concernent 2 yeux au sein du groupe « 1 minute de congélation », 2 yeux au sein du
groupe « 2 minutes de congélation », et la moitié des yeux des groupes « double congélation »
et « globes en protrusion ». Dans tous les cas, le décollement est intra-rétinien avec la
présence de fluide entre l’épithélium pigmentaire et la neurorétine. La dégénérescence de
rétine est identique dans tous les groupes. Elle se manifeste par une hyperplasie et une
hypertrophie de l’épithélium pigmentaire ainsi que par une perte cellulaire. Parallèlement, on
note une diminution de la couche des cônes et des bâtonnets. Les procès ciliaires sont atteints
d’un œdème et de desquamation des épithéliums pigmenté et non pigmenté. Les deux yeux
traités en protrusion présentaient des hémorragies au sein du stroma des corps ciliaires. On a
également noté des modifications du vitré (amas protéiques dans le vitré antérieur) dans tous
les groupes de traitement.
59
™ Groupe des 8 chiens euthanasiés 1 mois post-opératoire
La conjonctive est d’aspect normal. On remarque des amas protéiques dans la chambre
antérieure chez un chien sur les deux traités pendant une minute, et pour les deux chiens
traités avec le globe en protrusion. L’angle irido-cornéen apparaît collabé dans les cinq cas
(répartis dans les différents groupes de traitement). On note de petites zones de synéchies
antérieures périphériques et postérieures.
L’iris est exsudatif chez un chien du groupe « 1 minute de congélation » et un chien du
groupe « globe en protrusion ». De petites zones de l’épithélium postérieur de l’iris
apparaissent desquamées (chez 1 chien sur 2 du groupe « 2 minutes de congélation » et chez 1
chien sur 2 du groupe « double congélation »). Une nécrose de la base dorsale de l’iris s’est
produite sur un œil du groupe « double congélation ».
En ce qui concerne les corps ciliaires, on ne note pas d’hémorragie, un chien présente une
desquamation de l’épithélium et un autre un œdème des procès ciliaires.
L’œdème de la choroïde est encore largement rencontré (7 yeux sur 8) mais plus modéré qu’à
une semaine.
La choroïde apparaît plus fine que la normale mais son apposition sur la sclère est normale.
On remarque quelques agrégats protéiques dans la choroïde de 4 yeux et des hémorragies
rétiniennes affectaient 1 œil de chaque groupe de traitement sauf ceux ayant subi une minute
de congélation.
b-4/Discussion
Les mesures de PIO obtenues après chacune des 4 techniques montrent que celle-ci
peut être abaissée quel que soit le protocole utilisé. Le chirurgien pourra donc choisir une
technique en fonction de ses effets secondaires, des modifications histologiques induites et de
sa propre préférence.
Les effets secondaires mis en évidence dans cette étude montrent la grande sensibilité à la
cryothérapie de l’œil du chien par rapport à ceux du lapin, du singe et de l’homme.
L’auteur ne prévoyait pas une telle incidence de décollement de rétine (14 chiens sur 22).
L’examen post-mortem révèle que les décollements de rétine sont dus à des exsudats
choroïdien sous l’épithélium pigmentaire de la rétine ou entre celui ci et la couche des
photorécepteurs.
Ce fort taux de décollement de rétine (64%) est propre au chien. Il n’est que de 5% chez
l’homme, le singe et le lapin. Cela peut s’expliquer par le fait que le chien possède un plexus
veineux scléral (et non un canal de Schlemm comme l’homme). On présume que la lésion lors
de la cryothérapie de ce fin réseau trabéculaire, conduit à une exsudation choroïdienne puis au
décollement de rétine. Ceci pourrait être évité en appliquant la cryode plus près du limbe, ce
qui épargnerait le plexus veineux, ou bien en ne pratiquant la cryocoagulation que sur une
hémi-circonférence du globe.
Le chémosis et la conjonctivite (de même importance que chez l’homme et le lapin), semblent
plus marqués chez les chiens ayant subi une double congélation, ce qui d’après l’auteur
devrait conduire à préférer les autres méthodes.
L’élévation transitoire de la PIO, bien que non systématique, est à prendre en considération
surtout chez le chien glaucomateux dont la rétine est déjà endommagée et ne pourrait pas
supporter une hypertension. Cela indique qu’un suivi de la PIO et une thérapeutique médicale
adjuvante sont nécessaires pour conserver un œil normo-tensif en post-opératoire. Ce
phénomène n’a pas été rapporté chez d’autres espèces animales mais chez l’homme.
60
L’uvéite, comparable à ce qui est décrit chez l’homme et chez d’autres espèces animales
pourrait être atténuée par une injection sous conjonctivale de corticoïdes en post-opératoire
immédiat.
Les dégénérescences de rétine font suite aux décollements. Les zones de rétine dégénérées
apparaissent chargée de pigments. On ne sait si ce sont des macrophages ayant phagocytés les
pigments perdus par la rétine ou si ce sont des mélanocytes qui ont envahi les zones
endommagées. Les mêmes cellules chargées de pigments ont été décrites chez l’homme et le
lapin.
De nombreux auteurs ont rapporté qu’on obtient de meilleurs résultats lors de cryochirurgie
sur des yeux très pigmentés (hommes de couleur ou lapins fortement colorés). Cette étude n’a
pas mis en évidence d’effet de la pigmentation. Elle semble donc sans influence chez le chien.
61
B/ ETUDES PORTANT SUR DES YEUX GLAUCOMATEUX
Ces études menées dans différents centres hospitaliers vétérinaires, permettent d’évaluer
l’efficacité de la cryothérapie en tant que méthode de traitement du glaucome et d’élaborer un
protocole facilement reproductible en clientèle.
1-Evaluation clinique d’un système à azote liquide et d’un système à
protoxyde d’azote dans la cryothérapie de l’œil glaucomateux (38)
Cette étude menée par Robert et Severin a pour objectif de décrire la prévalence des
glaucomes observés à la Colorado State University et de rapporter les résultats cliniques
obtenus soit avec un appareil à azote liquide soit avec un système au protoxyde d’azote. Un
total de 44 yeux sont traité par cryoapplication, 27 à l’azote liquide et 17 au protoxyde
d’azote.
Nous n’aborderons ici que le second objectif de cette étude.
a/Matériel et méthode
Les animaux rentrant dans cette étude souffrent de glaucomes d’origines variées (primaires,
secondaires à une uvéite, une luxation du cristallin, un traumatisme ou une tumeur).
Le système à azote liquide est constitué d’un vase Devar contenant un mélange d’azote
liquide et gazeux. La circulation du cryogène dans le dispositif permet le refroidissement à
-165 °C d’une cryode en cuivre de 2.5X6,5X58 mm.
La cryode est placée 5 mm en arrière du limbe. On traite alors 3 à 5 points (souvent 4) selon la
taille du globe et du degré d’augmentation de la P.I.O. Les sites traités sont régulièrement
espacés autour du globe (en évitant la région des artères ciliaires postérieures longues).
Chaque site est traité jusqu’à ce que la boule de glace pénètre d’un millimètre sue la surface
cornéenne (15 à 25 secondes environ). On laisse le réchauffement se faire spontanément et on
répète la même opération.
Un système au protoxyde d’azote avec une sonde 3 mm de diamètre est également utilisé. Les
cryoapplications se font 5 mm en arrière du limbe, en 4 à 6 points (généralement 5). La sonde,
maintenue à une température de -65°C, est appliquée pendant 2,5 min. Après réchauffement
spontané on recommence la procédure sur chaque site.
Les soins post-opératoires visent à limiter l’inflammation (anti-inflammatoires stéroïdiens
topiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens systémiques) ainsi qu’à maintenir l’œil
normo-tensif. Le traitement médical est suspendu quand les valeurs de PIO le permettent.
b/Résultats
Vingt-six patients représentant un total de 35 yeux glaucomateux, sont traités par
cryothérapie. Six yeux reçurent plusieurs traitements, trois reçurent deux cryo-applications de
suite, trois reçurent une cryo-application, ce qui porte à 44 le nombre de traitements.
62
Le protoxyde d’azote à été utilisé à 17 occasions (pour traiter 12 yeux différents). L’azote
liquide a été utilisé à 27 occasions (pour traiter 24 yeux différents).
Les 26 chiens traités se répartissent ainsi :
-3 yeux (2 chiens) étaient sans traitement médical,
-un œil avait subi une cyclodialyse et une iridectomie,
-18 chiens (22 yeux), dont le traitement médical initial s’est avéré insuffisant pour
contenir le glaucome ont également relevés de la cryothérapie.
Parmi les 12 yeux traités au protoxyde d’azote, 2 ont nécessité 2 autres séances de
cryothérapie au protoxyde d’azote, et 1 œil a reçu un traitement au N2O, suivi d’un traitement
à l’azote liquide.
Pour les deux yeux ayant subi trois traitements au N2O, la PIO étant insuffisamment
contrôlée, il a fallu implanter une prothèse intraoculaire.
L’azote liquide était appliqué sur 24 yeux dont 3 ont nécessité un second traitement.
L’œil qui avait été précédemment traité deux fois au N2O a subi une cryoapplication d’azote
liquide permettant de stabiliser la P.I.O. Deux yeux, ne répondant pas à la cryothérapie, ont
finalement dus être énucléés.
Le N2O a permis de contrôler la PIO dans 66,7% des cas, l’azote liquide dans 79,2% des cas.
Le système à azote liquide décrit dans cette étude a une efficacité supérieure à celui à N2O.
Cela peut s’expliquer par le fait que l’azote liquide (avec une température de –130°C à la
sonde) permet d’abaisser la température des corps ciliaires –10,42°C alors que l’utilisation de
N2O (avec une température de –65°C à la sonde) ne permet d’atteindre qu’une température de
0°C au niveau des corps ciliaires.
Les surfaces des cryodes sont aussi différentes, 16,22 mm² pour le système à azote liquide
contre 7,07 mm² pour celui à N2O. La température de la sonde la plus froide associée à la
surface de contact la plus étendue permet le refroidissement le plus efficace.
La PIO moyenne préopératoire qui était de 52,8 mmHg, tombe après traitement à 35,5 mmHg.
c/Discussion
Cette épreuve clinique montre que la cryothérapie réduit la P.I.O. d’yeux
glaucomateux Le système à azote liquide utilisé ici est d’une efficacité supérieure à celui à
N2O. Il est difficile d’établir un protocole stricte car la sévérité de la pathologie est variable
d’un sujet à l’autre. Les cas qui répondent au traitement médical requièrent un traitement
cryochirurgical moins lourd, par contre les cas chroniques, réfractaires au traitement médical
peuvent s’avérer difficiles à contrôler même avec la cryochirurgie.
La cryoapplication n’est pas sans effets secondaires. Le chémosis et l’uvéite sont les
principaux problèmes rencontrés dans cette étude. L’augmentation transitoire de P.I.O.,
souvent décrite, n’a pas été notée ici, et cela grâce à l’utilisation systématique d’inhibiteur de
l’anhydrase carbonique. Le traitement anti-inflammatoire systémique permet de contrôler le
chémosis et l’uvéite. L’inconfort post-opératoire rétrocède ainsi en 24 à 48 heures.
La cryothérapie est un mode de traitement utile pour de nombreux types de glaucomes,
cependant, les glaucomes secondaires à une luxation du cristallin ou à une tumeur
intraoculaire ne répondent que faiblement à la cryothérapie.
Néanmoins, dans cette étude, on estime que la cryoapplication est une bonne alternative
thérapeutique. Elle permet d’éviter l’énucléation ou l’implantation de prothèse intraoculaire
sur des yeux non visuels (cas hélas le plus fréquent du fait de la prise en charge tardive des
chiens glaucomateux.
63
2-Etude de Brightman et al
Les objectifs de cette étude (08) sont;
-décrire les techniques cryochirurgicales employées pour traiter les différentes formes
de glaucome chez le chien,
-proposer un protocole cryochirurgical de traitement du glaucome.
a/Matériel et méthode
Les chiens sont anesthésiés et on procède à une canthotomie temporale si besoin. On utilise
une cryode à N2O de 25mm de diamètre à son extrémité. Les points de cryocoagulation, au
nombre de 3 à 7 sur l’hémi-circonférence dorsale du globe, sont repérés à l’aide d’un pied à
coulisse avec lequel on mesure une distance de 5mm en arrière du limbe. En post-opératoire,
les chiens reçoivent5mg de triamcinolone par voie sous-conjonctivale, des collyres myotiques
ainsi qu’un inhibiteur de l’anhydrase carbonique per os. Cette dernière molécule étant
administrée jusqu’à ce que la P.I.O. soit sub-normale. Le traitement myotique en topique est
continué si le glaucome avait pour origine une fermeture de l’angle.
b/ Revue de cas
Quarante-quatre cryothérapies ont été pratiquées sur les yeux de 20chiens atteints de
glaucome. Les cryoapplications avaient pour indication :
-cesser le traitement médical anti-glaucomateux (24 yeux),
-remédier à une chirurgie de filtration infructueuse (6 yeux),
-remédier à un échec de cryothérapie (14yeux).
L’âge moyen des chiens dans cette étude est de 8ans et ½ lors de la première cryothérapie. On
ne note pas de prédisposition raciale ou sexuelle. Sept chiens parmi les 20 subissent une
cryothérapie bilatérale. Sept yeux encore visuels et 37 non fonctionnels sont traités. La
thérapeutique pré-opératoire anti-glaucomateuse est entreprise dans tous les cas.
On effectue de 4 à 8 points de d’application de froid (6 points pour une majorité d’yeux)
pendant 1minute et ½ en moyenne avec une cryode dont la température moyenne se maintient
à –74.75°C.
La P.I.O. préopératoire moyenne s’élève à 39.10mmHg contre 23.20mmHg vingt quatre
heures après l’opération (soit une baisse de 14.38mmHg).
Les chiens sont ensuite suivis pendant 36 semaines en moyenne et la P.I.O moyenne lors du
dernier contrôle est de 22.54mmHg (soit une baisse de 15.39mmHg par rapport à la P.I.O.
préopératoire).
La seule complication notable concerne un cas de phtisis bulbi survenu 6 mois après le
traitement, sur un oeil ayant reçu 8 points de congélation.
En post-opératoire immédiat, tous les animaux présentent de la conjonctivite. Elle rétrocède
en 10 jours.
Quatre chiens, aveugles, on recouvré une vision partielle, appréciée par leur capacité de
déplacement.
64
c/ Discussion
Cette étude montre, avec un recul de 2,7 ans, que la cryochirurgie est une alternative
acceptable aux chirurgies conventionnelles du glaucome. Le nombre de points de congélation
est laissé à l’appréciation de chirurgien en se basant sur la sévérité du glaucome. On retient ici
comme indicateur de la gravité du cas, le degré de réponse au traitement anti-glaucomateux
(inhibiteur de l’anhydrase carbonique et collyres myotiques). Les cas réfractaires au
traitement médical semblent nécessiter une cryothérapie plus conséquente.
L’importance de la conjonctivite post-opératoire semble être davantage liée à la manipulation
des tissus qu’au nombre de points de congélation.
L’usage des corticoïdes est indiqué pour réduire l’inflammation post-opératoire et le risque
d’œdème choroïdien (non décrit dans cette étude).
De ces différentes études de cyclocryothérapie, il ressort que cette méthode permet bien un
contrôle efficace et durable de la PIO des yeux glaucomateux. La procédure présente les
avantages d’être relativement sûre, rapide, non invasive et répétable au besoin. Par contre ses
effets secondaires ne sont pas négligeables, au nombre desquels on retrouve le chémosis,
l’inconfort, l’augmentation transitoire de la PIO, et le décollement de rétine. Ils sont
néanmoins nettement amoindris par une thérapeutique médicale anti-glaucomateuse et antiinflammatoire.
Plusieurs auteurs soulignent qu’un protocole rigide est difficile à établir car l’instrumentation,
l’expérience du chirurgien et la sévérité de chaque cas sont autant de facteurs de variation
(38).
65
C/ ETUDE CLINIQUE ENVA 1996-1997
L’objectif de cette étude est de décrire les protocoles opératoires et les résultats obtenus sur le
chiens glaucomateux présentés à l’E.N.V.A. en 1996 et 1997.
1-Matériel et méthode
a/ Choix des animaux rentrant dans le cadre de cette étude
Les 13 chiens participant à cette étude rétrospective sont des patients du service
d’ophtalmologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort. Dans la majorité des cas (14 yeux
sur 16), l’affection est ancienne, l’aspect de l’œil est modifié et la vision est abolie. Ce sont
des glaucomes au stade terminal pour lesquels la cryoapplication est une bonne indication.
Dans 2 cas la cryothérapie est pratiquée sur des yeux encore fonctionnels.
La sélection des chiens candidats à la cryothérapie ne s’est pas faite à l’aveugle, sans
but de comparaison avec un autre mode de traitement. Il n’y avait donc pas de lot témoin. Les
conditions de cette étude sont celles de la clinique avec des protocoles de traitement choisis en
fonction de l’appréciation du clinicien. En effet , certains glaucomes ne nous paraissant pas
relever de la cryothérapie ont fait l’objet d’autres traitements. Parfois nous avons proposé
l’énucléation pour des yeux non fonctionnels, d’aspect très dégradé et quand cette alternative
ne heurtait pas la sensibilité du propriétaire. Pour certains chiens, dont les propriétaires étaient
attachés à préserver l’esthétique de la face de l’animal, nous avons choisis de poser une
prothèse de silicone intra-sclérale après éviscération du globe. Quelques glaucomes ont pu
être stabilisés par un traitement médical, d’autres ont fait l’objet d’un traitement chirurgical
spécifique (exérèse du cristallin luxé ou technique de fistulisation).
Le cadre de cette étude, bien qu’éloigné des conditions expérimentales et concernant
un nombre restreint d’animaux, permettent d’envisager la cryothérapie en tant que pratique
clinique proche de l’ophtalmie vétérinaire rencontrée en clientèle.
b/ Matériel
L’appareil choisi dans le cadre de cette étude est une unité portable de cryochirurgie
libérant de l’azote liquide (Cryospray ®).
Ces dimensions en font un appareil maniable, en effet, il mesure 32 cm de haut pour un
diamètre de 6.4 cm, et pèse 600 g.
Il se compose de 3 parties :
- un réservoir adiabatique en acier inoxydable pressurisé disposant d’une isolation
par le vide dans un carter à double paroi. Ce récipient permet de contenir 0.45 l
d’azote liquide à une pression de 0.5 à 0.7 kPa,
- un capot supérieur vissé associé à une poignée permettant un débit contenu et
réglable,
66
-
deux dispositifs de libération du cryogène , soient des canules de pulvérisation de
différents diamètre (0.5 mm, 0.6 mm et 0.7 mm), soit un embout de contact pour
un traitement par cryoapplication.
Figure 5 :Cryospray ®
c/ Protocole opératoire
Les chiens, sous anesthésie générale (métomidine et kétamine) sont placés en
décubitus latéral, l’œil à traiter en position superficielle. Ils ont reçu, une pré-médication antiinflammatoire (acide tolfénamique) par voie sous-cutanée.
Les sites d’application de froid sont régulièrement répartis sur la circonférence du globe, à
4mm en arrière du limbe en regard des corps ciliaires. L’azote liquide est appliqué par voie
trans-sclérale selon deux modalités, soit en pulvérisation de 30 secondes sur 4 points du
globe, soit par contact avec la cryode pendant une durée de 40 secondes à 1 minute sur 6 à 8
points du globe. La cryopulvérisation s’effectue au moyen de la canule de taille intermédiaire
(0.6mm de diamètre). Le choix du moyen d’application du froid (pulvérisation ou contact)
s’est effectué selon des critères cliniques.
En post-opératoire, les chiens reçoivent une pommade ophtalmique anti-inflammatoire
et antibiotique (Maxidrol ®), 3 fois par jour pendant 15 jours.
Ils sont contrôlés à 8 jours puis 1 mois après l’opération.
La thérapeutique anti-glaucomateuse n’est pas systématique mais envisagée au cas par cas.
2-Résultats obtenus
a/ Revue de cas
•
Cas N°1 : un mâle de race Fox Terrier croisé, âgé de 10 ans est vu à la consultation
avec un glaucome sur l’œil gauche, ancien avec perte de vision. L’œil est cataracté et
la PIO est de 50 mmHg. Il subit 4 points d’application de froid à la cryode pendant 1
minute. Un ulcère de cornée présent le jour du traitement impose de réaliser une
67
tarsorraphie d’une durée de 8 jours. Lors du contrôle à 8 jours, la PIO est de 15
mmHg, l’ulcère est toujours présent et on note une inflammation profonde de l’œil. Le
traitement adjuvant entrepris comprend antibiotique, AINS et β-bloquant par voie
locale. Lors du contrôle après 1 mois, la PIO est descendue à 6 mmHg, on note une
rougeur oculaire modérée et la présence de quelques néo vaisseaux cornéens profonds.
Ce chien sera revu 1 mois plus tard avec une PIO stable et une hyperhémie
conjonctivale discrète.
•
Cas N°2 : un mâle Caniche de 9 ans est atteint d’un glaucome consécutif à une
opération de cataracte. La P.I.O. sur l’œil atteint est de 45 mmHg. La cryocoagulation
est pratiquée par contact en 4 points pendant 40 s chacun. A j+8, la PIO reste élevée à
33 mmHg, et on note une légère décoloration palpébrale dans l’angle nasal. Un
traitement anti-glaucomateux systémique est instauré (acétazolamide). A j+1 mois, la
PIO est de 14 mmHg et une injection sous conjonctivale de triamcinolone est
pratiquée. Le chien est revu 2 mois après l’intervention, ; la PIO est stabilisée à 20
mmHg après suspension du traitement à l’acétazolamide.
•
Cas N°3 : un mâle fox terrier de 9 ans, présente un glaucome avec une PIO de 51
mmHg, consécutif à une exérèse de cristallin luxé. L’œil est fonctionnel. Il a subi 4
points d’application de froid, à la cryode pendant 1 minute. A j+8, la PIO est de 11
mmHg, on note une légère hyperhémie conjonctivale et la vision est conservée. Un
mois plus tard, l’examen est le même, la PIO est stable, les conjonctives sont calmes,
la vision est conservée, on note seulement une œdème de cornée persistant.
•
Cas N°4 : une chienne Caniche de 8 ans, atteinte de cataracte bilatérale, présente sur
l’œil gauche un glaucome avec une PIO de 52 mmHg, ainsi qu’une perte de vision. La
cryocoagulation est pratiquée à la cryode en 6 points pendant 1 minute. A j+8, la PIO
est effondrée à 5 mmHg, on note une hyperhémie conjonctivale discrète et le cristallin
a pris une teinte jaunâtre. A j+1 mois, la PIO est toujours très basse (3 mmHg) et l’œil
est calme. La décoloration du cristallin persiste.
•
Cas N°5 : une chienne Berger Belge de 7 ans, est présentée à la consultation pour un
glaucome sur l’œil droit d’origine traumatique. L’aspect de l’œil est très modifié avec
hyphéma, fissures de la membrane de Desmet et œdème de cornée. La PIO est de 31
mmHg et la vision est abolie. On pratique une cryoapplication en 5 points durant 1
minute. A j+8, on constate une hyperhémie conjonctivale, un œdème diffus et une
néovascularisation profonde de la cornée. L’œil est toujours buphtalme et la PIO est
de 15 mmHg. A j+1 mois, l’hyperhémie conjonctivale est toujours importante, on note
un début d’atrophie du globe et la PIO est de 3 mmHg. Par ailleurs le propriétaire nous
signale une nette amélioration du comportement de sa chienne. Elle lui semble plus
vive et plus joueuse alors qu’elle était prostrée avant l’intervention. Ceci peut être mis
en relation avec la suppression de la douleur liée à l’hypertonie de l’œil.
•
Cas N°6 : un Caniche mâle de 10 ans, est suivi pour un glaucome au stade terminal
sur l’œil gauche, depuis six mois. L’œil atteint présente une kératite pigmentaire
ulcérative, sa PIO est de 50 mmHg. Il subit 6 point de d’application de froid pendant
40 secondes. Une semaine plus tard on note une décoloration partielle du bord libre
palpébral, un chémosis et une buphtalmie persistante avec une PIO de 12 mmHg. Au
contrôle 1 mois plus tard la PIO a chuté à 3 mmHg mais un ulcère cornéen profond
nous conduit à décider d’une énucléation devant le risque de perforation oculaire.
68
Figure 6 : Œil gauche du cas n°6, un mois post-opératoire
• Cas N° 7 : un Basset Artésien mâle de 10 ans, est atteint d’un glaucome au stade
terminal depuis quelques mois. La PIO est de 67 mmHg. Ce glaucome avait
précédemment fait l’objet d’une chirurgie de fistulisation qui s’était révélée
infructueuse en raison de la cicatrisation exubérante de la voie de filtration artificielle.
La cryocoagulation a été pratiquée par pulvérisation d’azote sur 4 points pendant 30
secondes. A j+8, la PIO est de 30 mmHg et un ulcère cornéen profond nous conduit à
réaliser une tarsorraphie. Un mois plus tard, la cornée est cicatrisée mais reste opaque,
la PIO est de 5 mmHg.
• Cas N° 8 : un Setter Anglais mâle de 10 ans, est atteint d’un glaucome d’origine
inconnue sur l’œil gauche. Cet œil, non fonctionnel, présente un hyphéma et sa PIO
est de 40 mmHg. On pratique sur ce chien une pulvérisation d’azote liquide en 4
points pendant 30 secondes. A j+8, la PIO est de 35 mmHg, l’œil est toujours
buphtalme. On note une décoloration palpébrale et une néo-vascularisation cornéenne
profonde. A 1 mois post opératoire, l’œil n’étant toujours pas normotensif, une
seconde cryocoagulation est pratiquée. Cette fois on réalise une cryo-application à la
sonde en 7 points et durant 1 minute. A j+8, la PIO est de 15 mmHg, l’hyperhémie
conjonctivale est importante et la buphtalmie persiste. Un mois plus tard, la PIO est de
5 mmHg et l’œil est calme.
• Cas N° 9 : une Caniche femelle de 12 ans est atteinte de cataracte bilatérale. Elle
présente en outre un glaucome sur l’œil droit (P.I.O =45mmHg). Ce glaucome évolue
depuis 2 mois et l’œil n’est plus fonctionnel. Il est traité par cryo-application en 5
points pendant 30secondes (pour 3 points) et pendant 1 minute (pour 2 points) Lors du
contrôle à 8 jours , on constate une légère hyperhémie de la conjonctive bulbaire, une
décoloration modérée des paupières inférieures et supérieures dans l’angle interne. La
PIO est de 5 mmHg. La chienne ne manifeste pas de douleur. A j+1 mois, la PIO est
remontée à 15 mmHg, l’œil semble calme, on note un discret œdème cornéen et la
décoloration palpébrale persiste. A 2 mois ½, la chienne est revue avec une PIO de 45
mmHg, l’œil est calme mais légèrement buphtalme. Une seconde cryoapplication est
entreprise (5 points de froid pendant 1 minute). Le contrôle à 8 jours, révèle un
changement de couleur du cristallin qui apparaît plus ou moins vert. La PIO est de 8
mmHg et l’œil est calme. Un mois après la seconde intervention, la PIO reste basse (9
mmHg), et le cristallin est redevenu bleuté. L’œil est calme.
69
Figure 7 : Œil droit du cas n°9, 8 jours post-opératoire
•
Cas N° 10 : un Cavalier King Charles de 5 ans, est référé à l’E.N.V.A. pour un
glaucome bilatéral consécutif à des chirurgie de cataracte. L’œil gauche, non
fonctionnel, a une PIO de 50 mmHg. L’œil droit, encore visuel, a une PIO de 45
mmHg. Ce chien par ailleurs reçoit un traitement topique anti-glaucomateux. Sur l’œil
gauche on pratique une cryopulvérisation d’azote, en quatre points pendant 30
secondes, alors que sur l’œil droit on préfère une cryoapplication en quatre points
pendant 1 minute, afin de générer moins de dommages sur les tissus environnants,
pour conserver la vision. Au contrôle à 8 jours, on remarque que l’œil gauche présente
une décoloration palpébrale des ⅔ de la paupière inférieure, au niveau de l’angle
interne, les conjonctives sont modérément enflammées. Cet œil semble douloureux et
sa ¨PIO est de 7 mmHg. L’œil droit présente une hyperhémie conjonctivale modérée,
une PIO de 9 mmHg et il existe une vision résiduelle. Après 1 mois, l’œil gauche est
stable, sa PIO est de 10 mmHg, la décoloration palpébrale persiste (elle s’estompera 2
mois après l’intervention). L’œil droit, quant à lui, conserve une certaine vision
résiduelle, mais la PIO est remontée à 30 mmHg. La reprise d’un traitement médical
anti-glaucomateux par voie locale (Trusopt ®, Timoptol 0.25 ® et Ocufen ®) a permis
de stabiliser la PIO à 22 mmHg tout en conservant la vision.
Figure 8 : Œil gauche du cas n°10, deux mois post-opératoire
70
Figure 9 :Œil droit du cas n° 10, deux mois post-opératoire
•
Cas N° 11 : une Caniche femelle de 10 ans, présente un glaucome de l’œil droit
secondaire à une luxation du cristallin. La PIO est de 32 mmHg. On réalise une
cryoapplication en 6 points pendant 40 secondes. Au contrôle à j+8, la PIO est
effondrée à 3mmHg, les conjonctives palpébrales sont hyperhémiées et la chienne ne
manifeste pas de douleur. Un mois après l’intervention, la PIO reste basse et l’œil est
calme.
•
Cas N° 12 : un Sealhyam Terrier de 7 ans, est suivi à l’E.N.V.A. pour une luxation
cristallinienne bilatérale. Quatre ans après l’exérèse du cristallin droit et quelques mois
après celle du gauche, malgré un traitement préventif anti-glaucomateux, une
hypertension est survenue sur les deux yeux (PIO respective de 40 mmHg et 34
mmHg). On pratique une cryoapplication en 8 points sur l’œil droit (6 fois 1 minute et
2 fois 30 secondes) et en 6 points sur l’œil gauche (5 fois 1 minute et 1 fois 30
secondes). A J+8 jours, on constate sur l’œil droit, une hyperhémie conjonctivale
modérée, un œdème cornéen central et une uvéite mise en évidence par l’effet
Tyndall. L’œil droit est normotensif (22 mmHg). L’examen de l’œil gauche révèle les
mêmes signes cliniques mais on note une importante hypertonie post-opératoire (78
mmHg). Un mois plus tard, l’œil droit est le siège d’une discrète hyperhémie
conjonctivale et d’une néo-vascularisation cornéenne. Sa PIO est de 13 mmHg. L’œil
gauche restant hypertensif (53 mmHg), il est le siège d’une légère hyperhémie
conjonctivale. Un dernier contrôle est réalisé 2 mois après l’intervention, on note alors
une tension oculaire satisfaisante sur les deux yeux (15 mmHg à droite et 30 mmHg à
gauche).
•
Cas N° 13 : une chienne Husky de 6 ans, est référée à l’E.N.V.A. pour un glaucome
sur l’œil droit (50 mmHg) et une hypertonie débutante à gauche (35 mmHg). La
cryocoagulation est envisagée d’emblée, l’instillation de collyre étant mal acceptée par
la chienne. Cet animal subit une cryoapplication en 5 points sur l’œil droit (3 fois 1
minute et 2 fois 45 secondes) et en 3 points sur l’œil gauche. Huit jours après
l’intervention, l’œil droit est calme, on observe une sub-luxation postérieure du
cristallin, et la PIO est de 35 mmHg. L’œil gauche est calme et normotensif (20
mmHg). Le contrôle à 1 mois post-opératoire révèle un œil droit hypertensif (50
mmHg) et un œil gauche quasiment normotensif (27 mmHg). Une seconde
cryoapplication est décidée sur l’œil droit. On pratique alors une cryopulvérisation
d’azote liquide avec la canule de taille moyenne en 3 points pendant 30 secondes. Au
contrôle à j+8, l’œil droit est calme avec une tension de 17 mmHg et on note une
71
légère décoloration palpébrale. Au contrôle suivant les deux yeux restant
normotensifs.
b/ Critères d’évaluation de l’efficacité thérapeutique
Les résultats sont évalués lors des contrôles effectués à 1 semaine et à 1 mois après
l’intervention. Ont été pris en compte l’aspect de l’œil et la PIO, l’absence de douleur
spontanée, la nécessité de poursuivre le traitement médical (anti-inflammatoires et antiglaucomateux) à long terme.Ces critères d’évaluation facilement observables en clinique, sont
inspirés des critères de jugement de B. Clerc lors de l’étude du traitement du glaucome par
injection intra-vitréenne de gentamicine (17). Il sont regroupés dans le tableau suivant
72
SATISFAISANTS
NON
SATISFAISANTS
Aspect
Volume
P.I.O
Douleur
Inflammation
oculaire
Excellent
Aspect normal
Volume normal
Œil normo-tensif
non
non
Bon
Aspect
sensiblement
normal
non
non
Acceptable
Modification
notable d’aspect
non
Non
ou
exceptionnelle
Médiocre
Modification
notable d’aspect
oui
Fréquente
Echec
Hypertonie
persistante
oui
oui
Tableau 2 : Critères d’évaluation de l’efficacité thérapeutique des cryocoagulations
D’après Clerc (17)
c/ Résultats
Les 19 procédures de cryocoagulation réalisées donnent lieu à 13 cas satisfaisants et 6
non satisfaisants. On relève 5 excellents résultats , 5 bons résultats (la PIO étant satisfaisante
mais l’aspect de l’œil est un peu modifié). Parmi les 3 résultats jugés acceptables, 2 cas ont
fait l’objet d’ulcères cornéens post-opératoires et 1 cas révèle un début d’ atrophie du globe.
Pour les 2 cas dont le résultat est médiocre la PIO doit être contrôlée par un traitement antiglaucomateux. Les 4 échecs sont dus pour la majorité à une efficacité insuffisante de la
cryothérapie. En effet 3 procédures ont été reprises, la PIO étant insuffisamment abaissée. Les
3 reprises de cryothérapie donnent lieu à des résultats satisfaisants (2 excellents et 1 bon). Un
seul cas a conduit à une énucléation en raison d’un ulcère profond constaté 1 mois après
l’intervention.
L’ensemble de ces résultats est consigné dans le tableau suivant
73
P.I.O Préoprératoire
P.I.O à j+8
P.I.O à j+30
(mmhg)
(mmHg)
Résultat
(mmHg)
Cas n°1
50
15
6
Acceptable
Cas n°2
45
33
15
Bon
Cas n°3
51
11
11
Excellent
Cas n°4
52
5
3
Bon
Cas n°5
31
15
3
Acceptable
Début atrophie du globe
Cas n°6
50
12
3
Echec
Ulcère profond,à
énucléer
Cas n°7
67
30
5
Acceptable
ulcère cornéen
Cas n°8
40
35
Echec
Cas n°8 bis
35
15
5
Bon
Cas n°9
45
5
45
Echec
Cas n°9 bis
45
8
9
Excellent
Cas n°10 droit
45
9
30
Médiocre
Traitement adjuvant antiglaucomateux
Cas n°10 gauche
50
7
10
Excellent
Cas n°11
32
3
3
Bon
Cas n°12 droit
40
22
13
Bon
Cas n°12 gauche
34
78
53
Médiocre
Traitement adjuvant antiglaucomateux
Cas n°13 droit
50
35
Cas n°13 droit bis
50
17
Cas n°13 gauche
35
20
Tableau 3 :Revue de cas
74
50
Echec
Excellent
27
Excellent
3/ Discussion
a / Comparaison avec d’autres études
Cette étude a pour objectif d’évaluer l’efficacité de la cryocoagulation des corps
ciliaires en tant que méthode pour abaisser la P.I.O. d’yeux atteints de glaucome dans l’espèce
canine. Nous constatons 13 résultats satisfaisants sur les 19 procédures de cryocoagulation
pratiquées. Ramené en pourcentage, ce résultat correspond à un taux de réussite de 68%.Bien
que le nombre de patients soit assez peu élevé, il est intéressant de comparer ce résultat à ceux
obtenus par d’autres. Dans son étude Aragon (01) relève un taux d’échec de 27% après la
première cryocoagulation, ce qui est assez comparable avec nos résultats. En effets 3 yeux sur
16 ont nécessité une seconde intervention. Par suite d’une mauvaise réponse à la première
procédure de cryothérapie. Dans notre étude, la P.I.O. de ces 3 yeux a été normalisée par la
seconde intervention alors que la reprise de cryocoagulation s’est avérée infructueuse dans
l’étude réalisée par Aragon.
Dans une étude menée chez l’homme, Vesti et al (46) obtiennent le contrôle de la
P.I.O. dans 50% des cas et le contrôle de la douleur dans 92% des cas (cas pour lesquels la
douleur constituait l’indication opératoire). Cette étude peut se rapprocher de celle menée à
l’E.N.VA. car les indications pour pratiquer la cryocoagulation sont assez similaires. Il
s’agissait de traiter des glaucomes secondaires d’étiologies diverses dont la pression était
incontrôlée médicalement. L’autre indication majeur était la gestion de la douleur liée à la
maladie glaucomateuse. Cette étude traitait aussi de la vision résiduelle et de son amélioration
suite à la procédure mais cet aspect nous est plus difficile à transposer au chien. Nous avons
néanmoins noté, en ce qui concerne la douleur, une nette amélioration du comportement chez
une chienne (cas n°6) après l’intervention. Pour ce qui est de la vision, deux yeux qui sont
encore fonctionnels lors de la cryothérapie (cas n°10, œil droit et cas n° 3) le restent après
traitement. En post-opératoire, il reste une vision résiduelle (appréciée par la capacité de chien
à se déplacer dans un lieu inconnu et par le réflexe de clignement à la menace) mais on ne
peut savoir si elle a été améliorée par la procédure.
D’après Brightman et al (08) un des indicateurs de la sévérité du glaucome est la
réponse, en terme de baisse de la P.I.O., obtenue avec l’usage des inhibiteurs de l’anhydrase
carbonique. Il remarque que les cas aisément contrôlés par le traitement médical semblent
répondre à une cryothérapie moins extensive que ceux réfractaires aux traitements médicaux.
Cette constatation ne se retrouve pas dans notre étude car seuls 3 yeux n’étaient pas atteints de
glaucome au stade terminal. Dans la grande majorité des cas, l’hypertension, datant de
plusieurs semaines ou de plusieurs au moment de la consultation, n’était pas contrôlée
médicalement. Aussi, nous n’avons pas pu mettre en évidence cette tendance d’une meilleure
réponse thérapeutique lors d’hypertension contrôlable médicalement.
b/ Evaluations distinctes des cryoapplications et des cryopulvérisations
Le but de notre étude n’étant pas de comparer les deux méthodes, nous n’avons pas
procédé à un tirage au sort pour déterminer quels chiens subiraient une cryopulvérisation
plutôt qu’une application à la sonde. Les critères de choix de l’une ou l’autre sont
essentiellement pratiques. En effet il faut un accès large à la sclère pour employer le spray. La
cryopulvérisation gelant une surface plus étendue, nous l’avons réservée à des animaux de
75
grande taille (Setter, Husky…) ou à des chiens présentant une large ouverture palpébrale
(Cavalier King Charles, Basset Artésien). Quant à la cryosonde, son emploi s’est imposé
naturellement sur des animaux de petit format (Caniche, Sealhyam Terrier) et sur des chiens
présentant un œil petit logé dans une orbite profonde (Fox Terrier).
On remarque d’emblée que les procédures de cryopulvérisations (au nombre de 4) ont été bien
moins fréquentes que celles de cryoapplications (au nombre de 15). Chacune des méthodes
donne les résultats suivants :
Résultat
Excellent
Bon
Acceptable
Médiocre
Echec
Cryode (nb de cas)
3
5
2
2
3
Spray(nb de cas)
2
0
1
0
1
Tableau 4 : Résultats séparés des cryoapplications et des cryopulvérisations
L’utilisation du spray permet d’obtenir 3 résultats satisfaisants sur 4 cas. Quant à
l’application par contact, elle donne satisfaction dans 10 cas sur 15. Les échecs sont le plus
souvent dus à une P.I.O insuffisamment abaissée. Pour les animaux concernés (cas n°8,9,13
œil droit) une reprise de la procédure de cryocoagulation offre de bons résultats qu’elle soit
effectuée par contact (cas n°8,9) ou par pulvérisation (cas n°13 œil droit).
Les complications observée sont de même type quelque soit la méthode employée. On
observe des cas de décolorations palpébrale, des ulcères cornéens, des changements de
couleurs du cristallin et des cas où persiste une P.I.O élevée. Les complications , en fonction
de la méthode employée se distribuent ainsi :
Complications
Décoloration palpébrale
Ulcère cornéen
Cristallin (teinte jaunâtre)
P.I.O incontrôlée
Cryode (nb de cas)
4
2
2
4
Spray (nb de cas)
3
1
0
1
Tableau 5 : Complications distinctes des cryoapplications et des cryopulvérisations
Les différences notables entre ces deux méthodes sont les suivantes : les cas de
décolorations palpébrales engendrés par la cryopulvérisation concernent une plus grande
surface que lors de cryoapplication et aucun changement de couleur du cristallin n’est survenu
lors de cryopulvérisation. On peut penser que cela n’est pas du à la méthode. En effet , cela ne
s’est produit que sur des cristallins préalablement cataractés et il s’est trouvé que nous
n’avons pas traité par cryopulvérisation d’animaux atteints de cataracte.
76
c / Complications observées
Ces effets secondaires des cryothérapies sont ceux observés en consultation, les
complications ne sont pas étudiées au niveau histologique. Les complications décrites ici,
concernent les paupières, le segment antérieur de l’œil et la P.I.O. Nous avons observé des cas
de décoloration palpébrale, d’ulcères cornéens, des changements de couleur du cristallin et
des cas de PIO insuffisamment abaissée.
™ La décoloration palpébrale est une complication fréquemment rencontrée avec notre
protocole opératoire. Elle concerne 7 des 16 yeux traités. Elle se rencontre avec
l’emploi de la cryode (4 cas), ainsi que lors de cryopulvérisation d’azote liquide (3
cas). La dépigmentation est un suite fréquente en cryochirurgie dermatologique (28).
La repigmentation peut prendre plusieurs mois. Dans notre étude elle est le plus
souvent transitoire. Elle ne persiste plus d’un mois que dans 2 cas. Nous n’avons pas
remarqué d’alopécie post-opératoire comme cela peut arriver en dermatologie. La
décoloration palpébrale n’est donc qu’un effet indésirable transitoire, ne nécessitant
pas de traitement et pour lequel il suffit de prévenir le propriétaire.
™ Nous avons rencontré 3 cas d’ulcères cornéens. Ils se caractérisent par leur position
centrale, leur profondeur importante dans le stroma cornéen, leur extension rapide et
leur cicatrisation lente. Dans 2 cas ces ulcères étaient cicatrisés au contrôle à 1 mois
post opératoire. L’un des deux ayant nécessité une tarsorraphie. Un cas d’ulcère très
profond faisant craindre une perforation a conduit à l’énucléation. Dans ce cas le chien
souffrait avant le traitement d’une kératite pigmentaire et ulcérative.
™ Deux cas de changement de couleur du cristallin se sont produits. Ils concernaient des
cristallins cataractés. On constate 8 jours après l’intervention (ou après reprise de
cryothérapie), que le cristallin prend une teinte jaune-verte, ce qui ne semble pas être
associé à des signes d’uvéite.
™ La complication majeure des procédures de cryocoagulation est l’échec thérapeutique
dû à la persistance d’une PIO élevée. Elle est survenue dans 3 cas. Le mode
d’application de froid ne semble pas être en cause (1 cas de cryopulvérisation et 2 cas
de cryoapplication). La persistance d’une hypertonie ou la remontée de la PIO
proviennent d’une destruction insuffisante des cellules des corps ciliaires. Il se peut
qu’après une inactivation temporaire par le froid, la régénération de l’épithélium
ciliaire ait permis la reprise de sécrétion de l’humeur aqueuse. Dans notre protocole,
seul un contrôle visuel de l’étendue de la boule de glace était effectué et on sait qu’il
ne donne qu’une évaluation approximative du volume cellulaire réellement congelé.
Ce mode de contrôle ne permet pas de connaître la température des corps ciliaires pour
savoir si les -13°C requis pour la cryonécrose (37) sont atteints. L’utilisation de
l’impédancemètre avec 1500 kΩ d’impédance (mesurés entre la sonde et la plaque
neutre placée sous la tête du chien) comme valeur seuil permet une évaluation plus
précise du temps de congélation nécessaire (01). Mais cette méthode, employée par
Aragon, ne mesurant pas directement la température des corps ciliaires, n’empêche pas
quelques échecs thérapeutiques par insuffisance de congélation (3 cas sur 11). La
méthode la plus efficace serait la mesure directe de température des corps ciliaires par
thermocouple comme cela est fait lors de nombreuses études expérimentales (37,08).
Une autre cause d’échec peut être envisagée : le positionnement inadéquat de la sonde.
Il a été démontré,chez l’homme (46), que la localisation précise des corps ciliaires par
77
transillumination permettait d’accroître le taux de réussite de la cryothérapie. A ce
titre, il serait intéressant de pratiquer un examen anatomo-pathologique sur les yeux
dont le traitement a échoué afin de vérifier si l’application de froid était
convenablement localisée.
™ L’augmentation transitoire de PIO est une complication possible de la cyclocryothérapie. Vestre (49) constate une élévation de PIO post opératoire sur 5 chiens
parmi 22, jusqu’à 37.2 mmHg sur des yeux normo-tensifs avant l’intervention. Elle
persiste au maximum pendant 3 jours. Dans notre étude, cette hypertonie transitoire
n’a pas été mise en évidence, le premier contrôle étant réalisé 8 jours après
l’intervention (38). L’utilisation d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique pendant 72
heures minimum après l’intervention semble éviter cet effet secondaire. En effet aucun
cas d’augmentation transitoire de PIO en post-opératoire immédiat n’est relaté dans
cette étude. Brightman et Vestre (08) proposent un protocole opératoire incluant une
hospitalisation systématique de 72 heures permettant un suivi de la P.I.O..
™ Vestre et Brightman (48) notent une complication assez fréquente : le décollement de
rétine (il atteint 14 chiens sur 22). Ces décollements sont repérés 4 jours après
l’intervention et rétrocèdent en 10 à 20 jours. Ils sont dus à une exsudation
choroïdienne. Tous les yeux de cette étude font l’objet d’un examen anatomopathologique ce qui n’est pas le cas en clinique. De plus dans bon nombre de cas, les
milieux oculaires n’étant pas transparents, l’observation du segment postérieur de l’œil
est difficilement praticable. Ainsi, dans notre étude, nous n’avons pas relevé de
décollement de rétine. L’administration d’anti-inflammatoires semble également
prévenir cette complication (08).
™ Enfin une complication fréquemment décrite (38,48), l’uvéite, est assez difficile à
objectiver. Les signes cliniques de l’uvéite sont : le blépharospasme, l’épiphora,
l’hyperhémie conjonctivale, le myosis et l’hypotonie. Le myosis n’est jamais observé,
la plupart de ces yeux sont en mydriase aréflexique du fait du glaucome déjà ancien
lors de la première consultation. Le blépharospasme et l’épiphora , signes d’inconfort,
peuvent être présents en pré-opératoire aussi bien qu’en post-opératoire. Quant à
l’hypotension oculaire il est difficile de quantifier la baisse de P.I.O due à la
cryonécrose et celle due à une réelle uvéite. La chambre antérieure de certains yeux
n’est plus transparente lors du premier examen (cas n°5 : œdème de cornée et
hyphéma, cas n°8 : hyphéma) ce qui ne facilite pas la mise en évidence de signes
d’uvéite. Cependant nous avons rencontré un cas d’uvéite bilatérale , mise en
évidence par l’effet Tyndall , au contrôle post –opératoire à 8 jours chez le chien n°
12. De même on peut penser que l’atrophie du globe du cas n° 5 , constatée un mois
après la cryoapplication, est une suite d’uvéite.
78
79
Conclusion
La cryothérapie se révèle être une méthode utile en médecine vétérinaire et plus
spécifiquement en ophtalmologie. Cette méthode présente de nombreuses indications dans
cette spécialité dont le traitement du glaucome. Quelle que soit l’étiologie du glaucome (à
l’exclusion d’un processus néoplasique intra-oculaire) la cryocoagulation des corps ciliaires
est une technique adaptée. Elle tend à être supplantée par la photocoagulation. Mais
l’utilisation du laser est encore beaucoup plus onéreuse que le matériel cryochirurgical.
L’étude menée à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort montre que la cryocoagulation
est une technique permettant de résoudre le traitement des glaucomes au stade terminal ne
répondant pas à la thérapeutique médicale. Elle permet de contrôler la P.I.O., la douleur et de
conserver un globe d’aspect acceptable (c'est-à-dire d’un volume sensiblement égal à l’œil
controlatéral) dans 13 cas sur les 19traités. Les deux yeux encore fonctionnels lors du
diagnostic ont conservé la vision après cryothérapie. Dans les 3 cas où la P.I.O. était
insuffisamment abaissée par le premier traitement, une reprise de la procédure a permis de
normaliser la tension. Cette technique est en outre simple à réaliser, avec du matériel
facilement disponible en France et peu coûteux. Cela fait de la cryocoagulation des corps
ciliaires une technique adaptée à l’exercice en clientèle, sous réserve d’avoir, à proximité de
la clinique, la possibilité de s’approvisionner en azote liquide. Dans le cadre de notre étude,
le cryogène nous était fourni par le CERCA, laboratoire présent sur le site de l’Ecole.
Cependant notre étude ne permet pas de comparer la cryopulvérisation et la
cryoapplication tant en ce qui concerne l’efficacité que l’intensité des complications en
fonction de la technique employée. Pour cela il aurait fallu disposer d’un plus grand nombre
de cas et tirer au sort les candidats à chacune des deux techniques.
Une analyse histologique des yeux dont le traitement a échoué aurait sans doute
permis d’expliquer les causes de reprise de l’hypertonie, parmi lesquelles on suspecte une
cicatrisation des corps ciliaires insuffisamment détruits par le froid. Cela aurait néanmoins
supposer de proposer l’énucléation systématique lors d’échec thérapeutique.
Enfin, l’utilisation de thermocouples pour mesurer la température atteint par les corps
ciliaires aurait peut-être permis d’éviter certains échecs thérapeutiques et de minimiser les
risques de complication liées à une congélation excessive (dépigmentation palpébrale, ulcère
cornéen notamment). Cependant cette technique nécessite du matériel qui n’était pas à notre
disposition.
En conclusion, cette étude constitue une démonstration de l’utilité de la cryochirurgie
dans un domaine où les solutions sont généralement décevantes. Une étude prospective visant
à comparer les deux techniques de cryodestruction par contact avec une sonde ou par
pulvérisation d’azote liquide en constituerait la suite logique.
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